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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/476/2023

JTAPI/623/2023 du 06.06.2023 ( OCPM ) , REJETE

Descripteurs : AUTORISATION DE SÉJOUR;CAS DE RIGUEUR;RENVOI(DROIT DES ÉTRANGERS)
Normes : LEI.30; OASA.31
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/476/2023

JTAPI/623/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 6 juin 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1982, est ressortissant du Kosovo.

2.             Le 10 avril 2019, il a déposé une demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur auprès de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM).

À l’appui de cette demande, il a joint notamment les documents suivants : un formulaire de demande, une procuration en faveur du SIT, un formulaire OCIRT, un formulaire M mentionnant un emploi auprès de la société B______ SA, ainsi qu’une arrivée à Genève le 5 janvier 2009, deux contrats de travail avec cette société pour un travail d’aide-peintre à 40 % dès le 15 février 2017, respectivement à 50 % dès le 15 septembre 2018, des fiches de salaire et un certificat de travail de la société C______ Sàrl pour les mois de janvier à avril 2009, une attestation des Transports publics genevois (ci-après : TPG) délivrée le 18 mars 2019 indiquant l’achat d’abonnement mensuel en avril 2010, d’avril à novembre 2011, de juillet à octobre 2012, de septembre à octobre 2013, de juillet à octobre 2014 et de mai à juin 2017, une confirmation d’ordre de PostFinance du 11 octobre 2012, la preuve d’achat d’un abonnement mobile prépayé datée du 17 octobre 2014, des fiches de salaire et un certificat de travail de la société D______ Sàrl pour les mois de janvier à mai 2015 et d’août à décembre 2016, un extrait de compte individuel AVS mentionnant des cotisations pour 2013 (août à décembre), 2014 (janvier à décembre), 2017 (février à décembre) et 2018 (janvier à décembre), une attestation de non poursuite, une attestation d’absence d’aide financière de l’Hospice général, une attestation de niveau A2 de langue française et un extrait vierge de son casier judiciaire.

3.             Par courriel du 27 septembre 2021, M. A______ s’est enquis de l’état d’avancement de son dossier ; l’OCPM lui a répondu par courriel du 28 septembre 2021 que le dossier était en cours d’examen.

4.             Le 28 janvier 2022, l’OCPM dénoncé M. A______ auprès du Ministère public, soupçonnant qu’il avait produit de faux documents concernant ses emplois auprès des sociétés C______ Sàrl et D______ Sàrl.

5.             Suite à cette dénonciation, M. A______ a été entendu par la police le 5 octobre 2022. Assisté d’une traductrice en albanais, il a reconnu avoir séjourné et travaillé illégalement en Suisse, précisant que les syndicats lui avaient confirmé qu’il avait le droit d’exercer une activité. À son arrivée en janvier 2009, il avait travaillé environ quatre mois pour la société C______ Sàrl. De 2010 à 2013, il avait vécu de quelques boulots sur appel. En 2013 et 2014, il avait travaillé de manière irrégulière pour son frère. En 2015, il avait travaillé environ cinq mois pour la société « E______ ». Depuis 2017, il travaillait dans l’entreprise de son frère, B______ SA, à un taux de 50 % en qualité de plâtrier/peintre pour un salaire mensuel net de CHF 2'800.-. Au Kosovo, il avait travaillé dans le même domaine. Il avait appris le métier « sur le tas ». Il vivait depuis environ quatre ans au domicile de son frère. Sa compagne - avec laquelle il n’était pas marié civilement, mais selon un mariage coutumier -, leurs trois filles (11 ans, 7 ans et 5 mois), ainsi que sa mère résidaient au Kosovo. Il n’avait encore jamais vu sa fille cadette. Mis à part son frère, il avait également des cousins qui se trouvaient en Suisse. Il essayait d’envoyer CHF 300.- par mois à sa famille au Kosovo. En 2021, il avait dû être hospitalisé en raison du COVID. N’étant pas assuré à ce moment-là, il avait contracté une dette auprès de l’hôpital supérieure à CHF 10'000.- et devait maintenant payer une amende auprès de son assurance maladie. Au sujet des faux, il a expliqué avoir réellement travaillé pour ces entreprises.

6.             Par ordonnance pénale du 5 octobre 2022, le Ministère public l’a condamné à une peine pécuniaire de cent-quatre-vingt jours-amende à CHF 60.-, avec un sursis et d’un délai d’épreuve de trois ans, pour faux dans les titres, séjour illégal, exercice d’une activité lucrative sans autorisation et comportement frauduleux à l’égard des autorités au sens de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20).

7.             Par courrier du 25 novembre 2022, l’OCPM a informé M. A______ de son intention de refuser sa requête et de prononcer son renvoi de Suisse. Un délai lui était accordé pour faire valoir son droit d’être entendu.

8.             Par courrier du 27 décembre 2022, M. A______ a fait valoir ses observations. Il vivait à Genève depuis le 5 janvier 2009, soit depuis presque quinze ans, avait un emploi, était autonome financièrement et n’avait pas de dette, ni de poursuite. Son centre d’intérêt personnel, familial, social et professionnel se trouvait à Genève. Il n’était pas marié civilement avec la mère de ses trois enfants mineurs qui vivaient tous au Kosovo.

9.             Par décision du 13 janvier 2023, l’OCPM a refusé d’accéder à sa requête du 10 avril 2019 et de soumettre son dossier avec un préavis positif au secrétariat d'État aux migrations (ci-après : SEM). Il a en outre prononcé son renvoi de Suisse, lui impartissant un délai au 13 mars 2023 pour quitter le territoire.

Il résultait du dossier ainsi que de l’ordonnance pénale du 5 octobre 2022 que M. A______ avait produit des documents falsifiés dans le but d’induire en erreur l’autorité afin de tenter d’obtenir frauduleusement une autorisation de séjour. Dans ces circonstances, il ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuel d’extrême gravité. Il n’avait en effet pas démontré une intégration socio-culturelle particulièrement remarquable au vu de son comportement, son intégration correspondant au comportement ordinaire que pouvait être attendu de tout étranger souhaitant obtenir la régularisation de ses conditions de séjour. Il n’avait pas non plus démontré une très longue durée de séjour en Suisse ni aucun élément permettant de déroger à cette exigence. Il n’avait également pas démontré avoir de graves problèmes de santé nécessitant, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales d’urgence indisponibles dans son pays d’origine. Finalement, il n’avait pas démontré qu’une réintégration dans son pays d’origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle indépendamment des circonstances générales affectant l’ensemble de la population restée sur place. Il avait manifestement maintenu des liens étroits avec sa patrie puisqu’il avait obtenu plusieurs visas de retour pour le Kosovo depuis le dépôt de sa demande. Sa réintégration dans ce pays s’avérait ainsi raisonnablement exigible, étant précisé que, lors de ses demandes de visas, il avait indiqué qu’il souhaitait rendre visite à ses enfants et que dans son courrier du 27 décembre 2020, il avait confirmé que ces trois enfants résidaient au Kosovo.

Au surplus, il n’invoquait ni a fortiori ne démontrait l’existence d’obstacles à son retour dans son pays d’origine et le dossier ne faisait pas apparaître que son exécution ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait pas raisonnablement être exigée.

10.         Par acte du 9 février 2023, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) en concluant à son annulation et à l’octroi d’une autorisation de séjour en sa faveur, subsidiairement au renvoi du dossier à l’autorité inférieure pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Il était en Suisse depuis 2009, avait toujours travaillé, était autonome financièrement et n’avait pas de poursuites. Il était intégré socialement et professionnellement et remplissait ainsi toutes les conditions de l’opération « Papyrus ». Les prétendues fausses fiches de salaires concernaient en réalité des salaires nets alors que ses anciens employeurs n’avaient pas reversé les charges sociales retenues.

S’agissant de son renvoi, il lui était impossible de quitter le territoire suisse dans un délai aussi court, dès lors qu’il vivait à Genève depuis près de quinze ans, y louait un appartement et était au bénéfice d’un contrat de travail de durée indéterminée. De plus, toute sa famille, à savoir son frère, sa sœur, ses neveux et nièces, habitaient à Genève. Un retour dans son pays d’origine, bien que théoriquement possible, ne l’était pas pratiquement puisqu’il ne vivait pas avec la mère de ses trois enfants mineurs.

Au demeurant, son intérêt à pouvoir rester en Suisse, après près de quinze de séjour, primait l’intérêt public à son renvoi.

À l’appui de son recours, il a notamment produit une copie du contrat de bail de son frère pour la location d’un appartement d’une pièce et demi.

11.         Par écritures du 30 mars 2023, l’OCPM a conclu au rejet du recours en renvoyant pour l’essentiel aux éléments de sa décision. Il a produit son dossier.

12.         Invité par courrier du tribunal du 4 avril 2023 à produire une éventuelle réplique jusqu’au 25 avril 2023, le recourant n’y a à ce jour pas donné suite.

13.         Il ressort du dossier de l’autorité intimée que le recourant a été appréhendé le 6 décembre 2014 au passage frontière de Genève-Aéroport lors de sa sortie de Suisse à destination de F______ (Kosovo). Démuni de visa, il a été dénoncé à la police judiciaire.

Il ressort également du dossier de l’autorité intimée qu’en date des 9 décembre 2019, 28 février 2020 et 25 mai 2021, le recourant s’est vu délivrer des visas de retour afin de se rendre au Kosovo pour raisons familiales (visite à ses filles). En date du 27 novembre 2019 et du 23 octobre 2022, ses demandes de visas ont été refusées.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l’OCPM relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

5.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants du Kosovo.

6.             Selon l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission d'un étranger en Suisse pour tenir compte d'un cas individuel d'extrême gravité.

En vertu de l’art. 30 al. 2 LEI, le Conseil fédéral en a fixé les conditions et la procédure dans l’OASA.

7.             L'art. 31 al. 1 OASA prévoit que pour apprécier l'existence d'un cas individuel d'extrême gravité, il convient de tenir compte notamment de l'intégration du requérant sur la base des critères d’intégration définis à l’art. 58a al. 1 LEI (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de la situation financière (let. d), de la durée de la présence en Suisse (let. e), de l’état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l’État de provenance (let. g).

8.             À teneur de l’art. 58a al. 1 LEI, pour évaluer l’intégration, l’autorité compétente tient compte des critères suivants : le respect de la sécurité et de l’ordre publics (let. a), le respect des valeurs de la Constitution (let. b), les compétences linguistiques (let. c), la participation à la vie économique ou l’acquisition d’une formation (let. d).

Ces critères, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (cf. ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; 137 II 1 consid. 1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3986/2015 du 22 mai 2017 consid. 9.3), d’autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse  (cf. ATA/545/2022 du 24 mai 2022 consid. 3e).

9.             Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance de la situation qu'ils visent doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1 ; ATA/121/2021 du 2 février 2021 consid. 7c ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1020/2017 du 27 juin 2017 consid. 5b ; cf. aussi arrêts du Tribunal fédéral 2C_602/2019 du 25 juin 2019 consid. 3.3 ; 2C_222/2017 du 29 novembre 2017 consid. 1.1).

Lors de l’appréciation d’un cas de rigueur, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce, étant relevé que l’art. 30 al. 1 let. b LEI n’a pas pour but de soustraire des étrangers aux conditions de vie de leur pays d’origine, mais implique que ceux-ci se trouvent personnellement dans une situation si rigoureuse qu’on ne saurait exiger d’eux qu’ils tentent de se réadapter à leur existence passée. On ne saurait tenir compte des circonstances générales (économiques, sociales, sanitaires) affectant l’ensemble de la population restée sur place, auxquelles les personnes concernées pourraient être également exposées à leur retour, sauf si celles-ci allèguent d’importantes difficultés concrètes propres à leur cas particulier (arrêts du Tribunal administratif fédéral F-5341/2020 du 7 février 2022 consid. 6.7 ; F-6616/2017 du 26 novembre 2019 consid. 6.5 et les références citées).

La question n’est donc pas de savoir s’il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d’examiner si, en cas de retour dans le pays d’origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (ATA/ 122/2023 du 7 février 2023 consid. 4d et les références citées).

10.         Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'une telle situation, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d'origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse et la situation de ses enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d'études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-2584/2019 du 11 décembre 2019 consid. 5.3 ; F-6510/2017 du 6 juin 2019 consid. 5.6 ; F-736/2017 du 18 février 2019 consid. 5.6 et les références citées ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1130/2017 du 2 août 2017 consid. 5b).

11.         La durée totale du séjour constitue un critère important de reconnaissance d’un cas de rigueur. Il importe cependant de rappeler que selon la jurisprudence applicable en la matière, le simple fait pour un étranger de séjourner en Suisse pendant de longues années ne permet pas d’admettre un cas personnel d’une extrême gravité. En outre, la durée d’un séjour illégal, ainsi qu’un séjour précaire ne doivent normalement pas être pris en considération ou alors seulement dans une mesure très restreinte, sous peine de récompenser l’obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-4145/2017 du 10 octobre 2018 consid. 5.1 et les références citées). Par durée assez longue, la jurisprudence entend une période de sept à huit ans (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-7330/2010 du 19 mars 2012 ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017). Le Tribunal fédéral a en outre considéré que l’on ne saurait inclure dans la notion de séjour légal les périodes où la présence de l’intéressé est seulement tolérée en Suisse et qu’après la révocation de l’autorisation de séjour, la procédure de recours engagée n’emporte pas non plus une telle conséquence sur le séjour (arrêt 2C_926/2010 du 21 juillet 2011).

12.         S'agissant de l'intégration professionnelle, elle doit revêtir un caractère exceptionnel au point de justifier, à elle seule, l'octroi d'une autorisation de séjour en dérogation aux conditions d'admission. Le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou doit avoir réalisé une ascension professionnelle remarquable, circonstances susceptibles de justifier à certaines conditions l'octroi d'un permis humanitaire (arrêt du Tribunal fédéral 2A543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.4 et les références citées ; ATA/775/2018 du 24 juillet 2018 consid. 4d ; ATA/882/2014 du 11 novembre 2014 consid. 6d et les arrêts cités).

13.         En ce qui concerne la condition de l’intégration au milieu socioculturel suisse, la jurisprudence considère que, d’une manière générale, lorsqu’une personne a passé toute son enfance, son adolescence et le début de sa vie d’adulte dans son pays d’origine, il y reste encore attaché dans une large mesure. Son intégration n’est alors pas si profonde et irréversible qu’un retour dans sa patrie constituerait un déracinement complet. Il convient de tenir compte de l’âge du recourant lors de son arrivée en Suisse, et au moment où se pose la question du retour, des efforts consentis, de la durée, de la situation professionnelle, ainsi que de la possibilité de poursuivre ou d’exploiter ses connaissances professionnelles dans le pays d’origine (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-646/2015 du 20 décembre 2016 consid. 5.3).

Il est parfaitement normal qu’une personne, ayant effectué un séjour prolongé dans un pays tiers, s’y soit créé des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l’une des langues nationales. Aussi, les relations d’amitié ou de voisinage, de même que les relations de travail que l’étranger a nouées durant son séjour sur le territoire helvétique, si elles sont certes prises en considération, ne sauraient constituer des éléments déterminants pour la reconnaissance d’une situation d’extrême gravité (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.3 ; F-1714/2016 du 24 février 2017 consid. 5.3).

L’intégration socio-culturelle n’est donc en principe pas susceptible de justifier à elle seule l’octroi d’une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Néanmoins, cet aspect peut revêtir une importance dans la pesée générale des intérêts (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-541/2015 du 5 octobre 2015 consid. 7.3 et 7.6 ; C-384/2013 du 15 juillet 2015 consid. 6.2 et 7 ; Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10), les lettres de soutien, la participation à des associations locales ou l’engagement bénévole pouvant représenter des éléments en faveur d’une intégration réussie, voire remarquable (arrêts du Tribunal administratif fédéral C-746/2014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine ; cf. aussi Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10).

14.         L'opération « Papyrus » invoquée par le recourant est un processus de régularisation des personnes séjournant à Genève sans titre de séjour, lancé publiquement en février 2017, pour une période de deux ans, par les autorités exécutives cantonales genevoises « dans le strict respect du cadre légal en vigueur (art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA [soit du cas de rigueur exposé ci-dessus] » ; cf. communiqué de presse du 21 février 2017 : https://demain.ge.ch/actualite/operation-papyrus-presentee-aux-medias-21-02-2017).

Elle a pris fin le 31 décembre 2018 (« Point de situation intermédiaire relatif à la clôture du projet Papyrus » publié par le Conseil d'État en date du 4 mars 2019, cf. https://www.ge.ch/dossier/operation-papyrus).

15.         Dans le cadre de l'exercice de leur pouvoir d'appréciation, les autorités compétentes doivent tenir compte des intérêts publics, de la situation personnelle de l'étranger, ainsi que de son degré d'intégration (art. 96 al. 1 LEI).

Lorsque les conditions légales pour se prévaloir d’un droit à l’autorisation de séjour ne sont pas remplies, les autorités ne jouissent pas d’un pouvoir d’appréciation dans le cadre duquel il y aurait lieu de procéder, conformément à cette disposition, à un examen de la proportionnalité. Admettre l’inverse aurait pour effet de déduire de l’art. 96 LEI un droit à l’obtention ou au renouvellement de l’autorisation, ce qui ne correspond pas à la lettre de cette disposition, qui prévoit uniquement que les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son intégration (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_30/2020 du 14 janvier 2020 consid. 3.2).

16.         Lorsque les preuves font défaut ou s'il ne peut être raisonnablement exigé de l'autorité qu'elle les recueille pour les faits constitutifs d'un droit, le fardeau de la preuve incombe à celui qui entend se prévaloir de ce droit (cf. ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_27/2018 du 10 septembre 2018 consid. 2.2 ; 1C_170/2011 du 18 août 2011 consid. 3.2 ; ATA/99/2020 du 28 janvier 2020 consid. 5b). Il appartient ainsi à l'administré d'établir les faits qui sont de nature à lui procurer un avantage et à l'administration de démontrer l'existence de ceux qui imposent une obligation en sa faveur (ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 4a ; ATA/1155/2018 du 30 octobre 2018 consid. 3b et les références citées).

17.         En l’espèce, après un examen circonstancié du dossier et des pièces versées à la procédure, il y a lieu de constater que l'OCPM n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation en considérant que le recourant ne satisfaisait pas aux conditions strictes requises pour la reconnaissance d'un cas de rigueur, étant avant tout rappelé que le seul fait de séjourner en Suisse pendant plusieurs années n'est à cet égard pas suffisant, sans que n'existent d'autres circonstances tout à fait exceptionnelles, lesquelles font ici défaut.

À titre liminaire, il convient de relever que l'opération « Papyrus » a pris fin le 31 décembre 2018, de sorte que le recourant, dont la demande a été déposée le 10 avril 2019, ne peut s’en prévaloir.

Sous l’angle de l’analyse du cas de rigueur, le recourant prétend vivre en Suisse depuis janvier 2009. Toutefois, les seuls documents attestant de la présence du précité durant les années 2009, 2015 et 2016, et ce, durant quelques mois seulement, sont les documents établis par les sociétés C______ Sàrl et D______ Sàrl. Or, il ressort de l’ordonnance pénale du 5 octobre 2022 qu’il s’agit de documents falsifiés. Pour le surplus, les autres documents produits laissent planer un doute quant à la continuité du séjour du recourant, notamment au regard de l’extrait AVS et de l’attestation TPG qui laissent apparaître plusieurs mois en 2010, 2011, 2012 et 2013 durant lesquels aucune preuve de séjour n’a été apportée. En tout état, même à retenir un séjour sur le sol helvétique depuis 2009, soit d’environ quatorze ans, ledit séjour, qui peut être qualifié de long, doit être relativisé, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi. En effet, ce séjour a été effectué en toute illégalité dans un premier temps puis, à compter du 10 avril 2019, date du dépôt de la demande de régularisation, au bénéfice d’une simple tolérance. Partant, la seule durée du séjour du recourant en Suisse ne saurait justifier la reconnaissance d’un cas de rigueur.

S'agissant de son intégration professionnelle, elle ne peut être qualifiée de remarquable ou d’exceptionnelle, le recourant, qui est actif dans le domaine du bâtiment, n’ayant notamment pas acquis, pendant son séjour, des compétences si spécifiques qu’il ne pourrait les mettre en œuvre dans son pays d’origine.

Sur le plan de l’intégration sociale, il n’apparaît pas qu’il se soit investi d’une quelconque manière dans la vie associative ou culturelle genevoise. De plus, force est de constater que le recourant a été condamné le 5 octobre 2022 pour faux dans les titres et comportement frauduleux à l’égard des autorités notamment. Ce comportement dénote un certain mépris pour les institutions du pays et ne permet pas de démontrer qu’un des critères liés à une intégration sociale réussie, à savoir celui de respecter l’ordre public, est réalisé.

Enfin, il sera relevé que le recourant a vécu dans son pays d'origine, même à retenir un séjour continu en Suisse depuis 2009, jusqu'à l'âge de 27 ans, de sorte qu’il y a passé la majeure partie de sa vie, notamment la totalité de son enfance et de son adolescence, périodes décisives pour la formation de la personnalité, et le début de sa vie d’adulte. Ainsi, il convient de retenir qu'il maîtrise les us et coutumes de son pays, où il a, selon ses déclarations à la police en octobre 2022, intégré le marché du travail. Pour le surplus, au vu des nombreuses demandes de visas de retour déposées auprès de l’OCPM depuis le dépôt de sa requête, le recourant a manifestement conservé de fortes attaches dans son pays d’origine où vivent notamment sa compagne, ses trois filles mineures et sa mère selon ses déclarations.

En tout état, le recourant ne parvient pas à démontrer que sa relation avec la Suisse serait si étroite qu’il ne pourrait être exigé de lui d'aller vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d'origine.

18.         Ainsi, au vu de l'ensemble de ces circonstances, l’appréciation que l’autorité intimée a faite de la situation du recourant sous l'angle des art. 30 al. 1 let. b LEI et 31 OASA ne prête pas le flanc à la critique.

19.         Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, l'autorité rend une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou n'est pas prolongée après un séjour autorisé.

Elle ne dispose à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande d'autorisation (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.1; cf. aussi not. ATA/954/2018 du 18 septembre 2018 consid. 9).

20.         En l'espèce, dès lors qu'elle a refusé de délivrer une autorisation de séjour au recourant, l'autorité intimée devait en soi ordonner son renvoi de Suisse en application de l'art. 64 al. 1 let. c LEI, aucun élément ne laissant pour le surplus supposer que l'exécution de cette mesure ne serait pas possible, pas licite ou qu'elle ne pourrait être raisonnablement exigée (art. 83 LEI).

21.         Le recourant se plaint du délai de départ que l’OCPM lui a imparti dans la décision querellée.

22.         Aux termes de l'art. 64d al. 1 LEI, la décision de renvoi est assortie d'un délai de départ raisonnable de sept à trente jours. Un délai plus long est imparti ou le délai de départ est prolongé lorsque des circonstances particulières, telles que la situation familiale, des problèmes de santé ou la durée du séjour, le justifient.

La garantie d'un délai de départ raisonnable doit permettre à la personne concernée de résilier, selon les exigences légales, son contrat de travail et le bail de son logement, de mener à bien les autres formalités de départ et de préparer son arrivée dans le pays d'origine (arrêt du Tribunal fédéral 2C 200/2017 du 14 juillet 2017 consid. 4.3).

Sous l'angle du principe de la proportionnalité, plus la durée du séjour est longue, plus le délai de départ devrait être généreux. À l'inverse, un délai de départ plus court peut se justifier lorsque la personne savait depuis longtemps qu'elle courait un risque sérieux d'être obligé de quitter la Suisse (cf. Danièle REVEY in Minh Son NGUYEN / Cesla AMARELLE [éd.], Code annoté de droit des migrations, Vol. II 8 (loi sur les étrangers), 2017, n. 6, p. 660). Par ailleurs, lorsqu’un recours dirigé contre une décision de renvoi bénéficie de l’effet suspensif - autorisant l’étranger concerné à attendre en Suisse l’issue de la procédure -, son rejet n’entraîne pas automatiquement la conversion du délai de départ imparti en renvoi immédiat, si ce délai est écoulé entre-temps. Un nouveau délai de départ doit être imparti, suivant les critères énoncés aux al. 1 et 2 de l’art. 64d LEI (Minh Son NGUYEN /Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. II : LEtr, 2017, n. 6 p. 660 s.).

23.         En l’espèce, le délai de départ fixé dans la décision attaquée étant écoulé, l’OCPM devra dès lors impartir un nouveau délai de départ raisonnable au recourant, tenant compte des circonstances, pour lui permettre de préparer convenablement son retour dans son pays d’origine.

Cela étant, il sied de relever que le délai – de deux mois – imparti initialement n’apparaissait pas déraisonnable dans le cas d’espèce. Un tel laps de temps aurait en soi permis au recourant, qui travaille pour l’entreprise de son frère et loge chez ce dernier selon les éléments au dossier, d’accomplir sans réelle difficulté les formalités de son départ et de préparer son arrivée dans son pays d’origine. En outre, le recourant n’était pas sans ignorer, depuis le 25 novembre 2022 déjà, que l’OCPM avait l’intention de refuser sa demande d’autorisation de séjour. Partant, le grief relatif au délai de départ doit être rejeté.

24.         Entièrement mal fondé, le recours sera dès lors rejeté.

25.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d’un émolument s'élevant à CHF 500.- ; il est couvert par l’avance de frais versée à la suite du dépôt du recours. Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

26.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 9 février 2023 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 13 janvier 2023 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 500.-, lequel est couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Sophie CORNIOLEY BERGER

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière