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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1416/2021

JTAPI/593/2023 du 30.05.2023 ( OCPM ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : CAS DE RIGUEUR;ÉTAT DE SANTÉ;ADMISSION PROVISOIRE
Normes : LEI.50.al1.letb; LEI.50.al1.leta; LEI.83.al4; OASA.31
Rectification d'erreur matérielle : JTAPI/593/2023 rectifié le 28 juillet 2023 conformément au JTAPI/824/2023 statuant sur demande d'interprétation et rectification.
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1416/2021

JTAPI/593/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 30 mai 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Jacopo RIVARA, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1987, est ressortissant de Turquie.

2.             M. A______ et Madame B______, née le ______ 1989, ressortissante suisse domiciliée dans le canton de Genève, se sont mariés le ______ 2014 en Turquie. Aucun enfant n’est issu de cette union.

3.             Avant d’arriver en Suisse, M. A______ était domicilié, selon un extrait du registre public turc contenu dans son dossier, « Cumhuriyet Mah. Sakarya Cad. No :12 Içkapi no :3, Gölbasi/ Adiyaman ». Adiyaman désigne à la fois la province et son chef-lieu. Ce dernier se situe à environ 60 km de Gölbasi en voiture.

4.             M. A______ est arrivé à Genève le 21 décembre 2014 et s’est vu délivrer une autorisation de séjour au titre du regroupement familial avec activité, valable jusqu’au 20 décembre 2015. Ladite autorisation a fait l’objet par la suite d’une prolongation jusqu’au 20 décembre 2017.

5.             Le 1er mars 2017, Mme B______ a déposé une demande unilatérale en divorce. Faisant suite à la demande de renseignement de l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) du 8 mai 2017, elle a indiqué par courrier du 1er juin 2017, sous la plume de son conseil, avoir quitté le domicile conjugal le 31 janvier 2017 pour aller vivre provisoirement chez ses parents.

6.             Par courrier du 21 août 2017, l’OCPM a informé M. A______ de son intention de révoquer son autorisation de séjour étant donné qu’il ne faisait plus ménage commun avec son épouse depuis le 31 janvier 2017 et que les conditions nécessaires au droit à l’octroi d’une autorisation de séjour après dissolution de la famille n’étaient pas remplies.

Un délai de trente jours lui était imparti afin de faire valoir, par écrit, son droit d’être entendu.

7.             Par courrier du 21 septembre 2017, M. A______, sous la plume de son conseil, a demandé le maintien de son autorisation de séjour pour des raisons médicales, le traitement de sa maladie (neutropénie sévère et récidivante) s’avérant impossible en Turquie du fait qu’il ne disposait pas des fonds nécessaires pour financer lui-même des soins d’une telle ampleur.

En Turquie, les employés, leurs époux et enfants ainsi que les retraités bénéficiaient d’une assurance maladie publique. Les turcs domiciliés à l’étranger ne cotisant pas à l’équivalent de l’AVS-AI ne bénéficiaient pas de cette assurance. Il ne pourrait pas bénéficier de cette assurance dans son pays tant qu’il ne serait pas employé, ce qui lui serait extrêmement difficile vu son manque de formation ou d’expérience particulière ainsi que ses troubles de santé le limitant dans l’exercice de nombreuses professions, notamment en raison de ses tremblements. Une affiliation auprès d’une assurance privée ne serait pas possible, dans la mesure où il était déjà malade, ces dernières émettraient des réserves sur sa neutropénie.

Il a joint un rapport de la C______, Cheffe de clinique d’hématologie des Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) du 3 mai 2017 qui indiquait que M. A______ « est un patient connu pour un lymphome de Hodgkin traité en 2006 qui présente actuellement une neutropénie sévère, récidivante, nécessitant un traitement par ciclosporine à la dose de 75 mg 2x/jour. Le bilan étiologique complet effectué d’entente avec le Prof. K______ de l’Institution Karolinska de Stockholm a mis en évidence une neutropénie immune potentiellement secondaire au lymphome de Hodgkin connu. Il est suivi biologiquement et cliniquement régulièrement à notre service. Devant le contexte de neutropénie et en raison de l’immunosupression systémique le patient bénéficie d’une prophylaxie anti-infectieuse de type Valtrex®, pentamidine, fluconazole® et Ospen®. En terme de toxicité, le patient a principalement présenté des tremblements importants qui l’ont empêché de travailleur comme serveur, et il a dû changer de profession. À l’heure actuelle, il a également des complications infectieuses, de type ulcérations buccales sur la muqueuse jugulaire et sur la langue avec des limitations importantes à l’alimentation. Des empreintes des dents étaient aussi présentes sur le bord de la langue. Pour cette complication des traitements topiques sont mis en place (bains de bouche) ».

8.             Par la suite, en réponse aux régulières demandes de renseignements de l’OCPM notamment sur son état de santé, M. A______ s'est déterminé par courriers des 20 août 2018 et 7 mars 2019, le premier indiquant sommairement qu’il était toujours malade et le second reprenant dans sa majeure partie la motivation du courrier du 21 septembre 2017.

9.             Il a également transmis à l’OCPM plusieurs rapports médicaux actualisés, rédigés respectivement par les Dr D______, E______ et F______ du service d’hématologie des HUG, les 13 août 2018, 6 mars 2019 et 3 mars 2020.

Il ressort en substance des deux premiers rapports que l’arrêt du traitement provoquerait une neutropénie profonde avec un risque infectieux accru, pouvant mettre la vie du patient en danger. Le rapport du 3 mars 2020 était muet sur ce point. Au point 4.2, les deux premiers rapports indiquaient que le traitement de filgrastim protégeait le recourant d’infections potentiellement graves voir mortelles et qu’avec ce traitement, il obtenait un nombre de neutrophiles dans les normes et n’avait pas présenté d’infections, alors que le rapport du 3 mars 2020 semblait dire que le pronostic avec traitement comprendrait des infections sévères et récurrentes.

10.         Le 17 septembre 2019, le divorce des époux A______ et B______ a été prononcé par le Tribunal de première instance et est passé en force de chose jugée le 8 octobre 2019.

11.         Par courriel du 5 août 2021, l'OCPM a requis du Consulat général de Suisse en Turquie qu'il se détermine sur les questions suivantes : « Au vu du rapport médical transmis en annexe [il n’était pas précisé lequel], nous souhaiterions savoir si les suivi et traitement actuels de cette pathologie peuvent être effectués et administrés en Turquie. Par ailleurs, pourriez-vous nous renseigner sur les coûts financiers de ce traitement en Turquie ? Peuvent-ils être couverts par une assurance étatique ? ».

12.         Le Consulat général de Suisse en Turquie s'est déterminé le 18 août 2020, après avoir pris l’avis médical de sa conseillère médicale, la Dr G______.

Pour cette praticienne, même si le rapport médical était été rédigé en français, langue qu'elle ne comprenait pas, le diagnostic était clair. En Turquie, un traitement serait possible mais difficile. M. A______ devrait être pris en charge dans un hôpital universitaire. Une assurance privée ne supporterait pas les coûts liés. Elle ne pouvait malheureusement pas estimer les coûts. Vu le nombre important de patients atteints du Covid-19, il lui semblait qu’un traitement en Turquie serait difficile.

13.         Le 21 août 2020, l’OCPM a soumis une demande de consulting médical au secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) concernant M. A______, devant se prononcer quant au renouvellement de son autorisation de séjour dans la mesure où celui-ci était atteint dans sa santé depuis de nombreuses années.

Le demande indiquait que M. A______ souffrait de neutropénie chronique d’origine auto-immune, connue depuis mars 2015 et qu’un lymphome de Hodgkin stade IIB avait été diagnostiqué en 2006. Il présentait une immunsupression avec des nutrophiles à 0,06 G/l. Les médicaments compris dans son traitement étaient les suivants : « - filgrastim 30 MUI 2x/semaine – valaciclovir Valtrex cp 500 mg – éconazole Pevaryl crème – paracétamol Dafalgan cp 1000 mg – Tavanic 500 mg – Malveol ». Il était également souligné qu’il suivait des contrôles médicaux en consultation une fois tous les trois mois, qu’il subissait une prise de sang une fois par mois et qu’il devait pouvoir être contrôlé par un hématologue une fois par mois.

14.         Le 26 novembre 2020, la section analyse du SEM a adressé son rapport à l’OCPM, se fondant notamment, s'agissant de la disponibilité de traitements médicaux, sur des investigations réalisées dans le cadre du projet MedCOI dont les équipes se renseignaient auprès de médecins qualifiés et d’autres spécialistes dans les pays de provenance, examinait leurs réponses et transmettait les informations au service chargé de réaliser les analyses sur les pays. En l'occurrence, l'équipe MedCOI avait vérifié la disponibilité des médicaments et indiqué, le cas échéant, les médicaments alternatifs.

À teneur de ce document, le traitement dont avait besoin M. A______ était disponible, par exemple, auprès de l’hôpital public de Adiyaman, le « Adiyaman University Hospital », qui comprenait un service d’hématologie et de médecine interne. Des examens d’accompagnement tels que des examens de laboratoire (hémogramme, cytologie), des ponctions de moelle osseuse et des procédures d’imagerie (IRM ou PET Scan) peuvent également être réalisés. Le Filgrastim, le Valaciclovir, le paracétamol, le Levoflaxacin, le Malveol ainsi que le Miconazol (substance active alternative à l’Econazole qui était indisponible) étaient disponible, par exemple, à la pharmacie « Oncel pharmacy, Yunus Emre Mahallesi 2902 » à Adiyaman.

S'agissant de savoir s’il était possible d’estimer les coûts liés à un tel traitement et s’il existait une possibilité de prise en charge étatique, il était répondu que le système d’assurance « Sosyal Güvenlik Kurumu (SGK) » en Turquie offrait à sa population une assurance maladie universelle obligatoire, qui était en grande partie gratuite. Les primes d’assurance s’appliquaient aux employés des secteurs formels et informels. Elles dépendaient du revenu. Pour les personnes dont le revenu était inférieur à un tiers du salaire minimum brut, les primes étaient prises en charge par l’État. La plupart des traitements étaient compris dans le catalogue des prestations couvertes par l’assurance maladie universelle obligatoire.

Lors d’un traitement ambulatoire, au premier niveau de soins, il n’y avait généralement pas de frais à payer. Aux niveaux de soins secondaires et tertiaires, les patients payaient une petite somme pour une consultation. Dans les établissements privés, les frais des prestations n’étaient pas couverts, à moins que l’État eût conclu un contrat avec l’établissement concerné pour couvrir les coûts.

Différents médicaments pouvaient être achetés à la pharmacie et étaient partiellement couverts par le système d’assurance turc. Les médicaments prescrits lors d’une consultation externe à un assuré en activité étaient à sa charge pour 20% du montant. Les pensionnés avaient à leur charge 10% et en cas de maladie chronique, le coût des médicaments était pris en charge à 100%. De même, il n’y avait pas de participation aux coûts des médicaments administrés lors d’un séjour hospitalier.

Sur la liste de référence du ministère de la santé (Referans Bazli Ilaç Fiyat Listesi), les prix des différents médicaments se trouvent sous les noms des marques correspondants. Le filgrastim est vendu en Turquie sous les noms de Neupogen, Nivestim et Fraven, entre autres. D'autres noms de marque du filgrastim, ainsi que ceux des autres substances actives, peuvent être trouvés, par exemple, sur la base de données « Drugs.com » ».

La division analyse n’était pas en mesure de juger si les traitements et médicaments disponibles étaient suffisants d’un point de vue médical.

15.         Par courrier du 16 décembre 2020, l’OCPM a fait part à M. A______ de son intention de refuser sa demande de renouvellement d’autorisation de séjour et de prononcer son renvoi de suisse, qui apparaissait être « a priori » possible, licite et exigible.

Il relevait que l’union conjugale de M. A______ et de son ex-épouse avait duré moins de trois ans et que, vu la relative courte durée de son séjour en Suisse au regard des années passées dans son pays d’origine et vu les possibilités existantes d’y poursuivre son traitement médical, aucune raison ne justifiait la poursuite de son séjour en Suisse.

Un délai de trente jours lui était imparti afin de faire valoir, par écrit, son droit d’être entendu.

16.         Par courrier du 15 janvier 2021, M. A______, après avoir rappelé les maladies dont il souffrait a expliqué avoir des rendez-vous réguliers aux HUG, environs cinq fois par an et plus en cas de déséquilibre de son système immunitaire. Il était en effet immunosupprimé, ce qui signifiait que ses défenses naturelles étaient fortement affaiblies. Il devait donc accorder une attention extrême à son hygiène de vie, ce qui entraînait une vie très réglée, qu’il ne pourrait retrouver en Turquie.

Les problèmes auto-immuns faisaient l’objet de recherches au niveau mondial et spécialement dans les pays développés comme la Suisse, où il pouvait suivre des traitements à l’essai auprès des HUG. Le traitement qu’il suivait ne serait pas possible en Turquie principalement pour des questions de financement, car il disposerait d’un salaire trop élevé pour pouvoir être entièrement à la charge de l’État. Son traitement médical coutait entre CHF 15'000.- et CHF 25'000.- par année. De plus, les maladies dont il souffrait ne seraient jamais prises en charge. La présence d’un million et demi de réfugiés venus en Turquie, la pandémie du coronavirus et une politique publique des finances réalisée au détriment du système de santé avaient en effet pour conséquence la non prise en charge de nombreuses personnes, les hôpitaux étant surchargés.

Son état était stabilisé grâce à une régularité extrême, un dosage et un réglage très fin des médicaments et un contrôle suivi. Or, il ne pourrait pas retrouver cette stabilité dans les soins en Turquie.

Plus globalement, il n’avait jamais bénéficié de prestations de l’aide sociale, était parfaitement intégré dans l’entreprise pour laquelle il travaillait depuis plusieurs années et il payait ses primes d’assurance maladie.

Il a notamment produit une attestation de travail du 5 janvier 2021, un décompte de salaire mensuel pour décembre 2020 de H______ SA, les aperçus des primes et des coûts de son assurance maladie pour les années fiscales 2017, 2018, 2019 et 2020, le rapport médical du 3 mai 2017, un rapport médical du 31 janvier 2020 du Dr F______ ainsi que son rapport médical du 3 mars 2020 destiné au SEM.

17.         Le 4 février 2021, l'OCPM a requis de M. A______ qu'il lui fasse parvenir un nouveau rapport médical par son médecin traitant. Un délai au 4 mars 2021 lui étant imparti à cette fin.

18.         Le 3 mars 2021, l'OCPM a réceptionné le rapport médical du 25 février 2021 du Dr I______, du service d’hématologie des HUG.

Il ressort en particulier dudit rapport les éléments suivants :

"1. Constatations médicales : « traitement jusqu’à : indéterminée »

(…)

1.4 Evolution : « stabilité sous traitement »

2. Diagnostic : « Neutropénie chronique d’origine auto-immune connue depuis mars 2015 ».

3. Traitement

3.1 Traitement actuel : « Depuis : 13.07.2018, probablement jusqu’au : durée indéterminée, si oui lequel : filgrastim 30 mio 2x/sem ».

3.2 Traitement nécessaire et adéquat à entreprendre : « poursuite du même traitement »

3.3 Quels contrôles médicaux doivent être assurés en vue d’un traitement selon chiffre 3.2 ? : « visite médicale tous les 3 mois et bilan biologique 1x/mois »

4. Pronostic

4.1 Pronostic sans traitement au sens du chiffre 3.2 : « actuel : risque de décès rapide »

4.2 Pronostic avec traitement au sens du chiffre 3.2 : « actuel : bon prognostic »

5. Possibilité de traitement dans les pays d’origine

5.1 Connaissez-vous éventuellement un médecin ou une structure médicale qui pourrait assurer le traitement nécessaire dans le pays d’origine ? : « non »

5.2 D’un point de vue médical, qu’est-ce qui irait à l’encontre d’un traitement médical dans le pays d’origine ? : « Je n’ai pas de connaissance des possibilités de traitement dans le pays d’origine du patient ».

6. Remarques éventuelles du Médecin :  ».

19.         Par décision du 10 mars 2021, l’OCPM a refusé de prolonger l’autorisation de séjour de M. A______ et a prononcé son renvoi de Suisse.

À la motivation contenue dans le courrier du 16 décembre 2020 s’ajoutait le fait que l’intéressé ne pouvait pas se prévaloir d’une intégration sociale ou professionnelle particulièrement marquée en Suisse au point de devoir admettre qu’il ne puisse quitter la Suisse sans devoir être confronté à des obstacles insurmontables. Le traitement médical nécessité par son état de santé étant enfin disponible en Turquie selon le rapport de la section analyse du SEM du 26 novembre 2020, ce qui justifiait également l’exigibilité du renvoi.

20.         Par acte du 23 avril 2021, M. A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) contre cette décision, concluant, principalement, à son annulation et à ce que soit ordonné le renouvellement de son autorisation de séjour et, subsidiairement, au renvoi de la cause à l’OCPM pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Préalablement, il a requis l’audition de son médecin traitant et, à défaut, l’audition d’un médecin hématologue spécialiste en neutropénie qui pourrait expliquer l’évolution probable de sa maladie en Turquie vu son dossier médical.

Il avait été pris en charge à trois reprise aux HUG, la première fois le 26 mars 2015 pour une infection à la main droite contre laquelle il n’avait pas pu lutter seul du fait de sa déficience immunitaire. Il avait découvert souffrir de neutropénie suite à cette infection. Il y avait fait ensuite deux séjours et le deuxième avait duré un mois. Il avait, selon sa compréhension, une carence de neutrophiles, une certaine espèce de globules blancs, qui étaient spécialisés dans la lutte contre les bactéries. Une quantité de globules blancs en deçà d’un certain taux pouvait provoquer une agranulocytose, qui, si elle n’était pas traitée, conduisait rapidement à la mort. Il devait absolument éviter toute source d’infection bactérienne et se précipiter à l’hôpital au moindre symptôme de fièvre, ce qui pourrait ne pas être possible en Turquie, avec des conséquences fatales. Cela était dû notamment à la difficulté d’accéder à des soins d’urgence vu son ascendance Kurde, sa condition modeste et le grand nombre de réfugiés dans la région kurde où se trouvait son village natal. Il partait en vacances chaque année en Turquie avec ses médicaments pour une durée allant de trois semaines à un mois.

Se référant notamment au rapport médical du 25 février 2021 du Dr I______ ainsi qu'à un certificat médical avec diagnostic du 7 avril 2021 de ce même praticien, il relevait que son traitement allait durer le reste de sa vie, qu'il y avait un risque de décès rapide en cas d’interruption dudit traitement et, qu’en vue de celui-ci, une visite médicale tous les trois mois ainsi qu’un bilan biologique par mois devaient être assurés. Or, le rapport n’indiquait notamment pas si on pouvait lui garantir l’accès à un traitement adéquat en Turquie, ni ne répondait à la question du coût du traitement, qu’il ne pourrait se payer avec un salaire modeste, ni à celle de la rapidité avec laquelle il pourrait être pris en charge s’il devait avoir en Turquie une infection d’origine bactérienne. La question n’était pas de savoir si les soins dont il avait besoin existaient en Turquie mais s’il aurait accès à des soins rapides et efficaces, ce qui n’avait pas été constaté. Il gagnerait trop pour pouvoir être entièrement à la charge de l’État mais pas assez pour payer les médicaments nécessaires à son traitement. De plus, le rapport indiquait que les HUG ne connaissaient pas de médecin ou de structures médicales qui pourraient assurer le traitement nécessaire dans son pays d’origine et n’étaient pas capable de dire s’il y avait là-bas des possibilités de traitement pour sa maladie. À cet égard, il était arbitraire de se fier aux informations contenues dans le rapport de la section analyse du SEM du 26 novembre 2020 car la Turquie avait tendance à donner des informations erronées afin de paraître un pays normal, comme cela ressortait de l'extrait du journal « Neue Zürcher Zeitung » du 20 avril 2021, p. 4 avec traduction libre, qu'il joignait. A titre d'exemple, en Erythrée, la Suisse avait cru, à tort, que la situation était parfaitement normale alors que des évènements, tels les enrôlements de masse dans l’armée et les transferts de populations, montraient le contraire.

Son renvoi était disproportionné, s’étant toujours faits un point d’honneur de vivre dans la légalité. Il travaillait comme agent de propreté au sein de la société H______ SA, entreprise de nettoyage, à temps plein pour un salaire mensuel brut variable mais supérieur à CHF 4'000.-. Il payait ses impôts, ses factures, n’avait pas de poursuites et n’avait jamais fait appel à l’aide sociale.

Il a produit un chargé de pièces, dont notamment une attestation de travail du 5 janvier 2021 indiquant qu’il y travaillait depuis le 13 juin 2016, son courrier du 15 janvier 2021 et ses annexes, le rapport médical du 25 février 2021 et le certificat médical avec diagnostic du 7 avril 2021 du Dr I______, les lettres de sortie des HUG des 13 avril, 17 septembre, 7 décembre 2015 et 30 mars 2018.

Il ressort notamment du certificat médical du 7 avril 2021, sous conclusion : « le patient présente une neutropénie d’origine auto-immune, traitée par filgrastim à raison de 2x/semaine et qui est en dépit de cela juste au-dessus du seuil d’agranulocytose. Sa pathologie nécessite la poursuite de ce traitement, sans pause. Un arrêt ou une diminution a pour conséquence d’augmenter le risque infectieux avec possible hospitalisation avec agranulocytose fébrile, nécessitant alors un traitement antibiotique ».

21.         Le 21 juin 2021, l'OCPM a produit son dossier et ses observations, concluant au rejet du recours vu l’absence de l’existence d’une raison personnelle majeure. Le recourant était suivi par les HUG et sa situation semblait actuellement stabilisée. Par ailleurs, selon le rapport du service analyse du SEM du 20 novembre 2020, sa neutropénie pouvait être traitée en Turquie où il existait des programmes de prise en charge des traitements pour les personnes sans revenus ou avec des revenus modestes. Le recourant souffrait également d’un lymphome de Hodgkin depuis 2006, pour lequel il avait été suivi dans son pays d’origine. Dans ces conditions, sa réintégration en Turquie apparaissait possible.

Né en Turquie et y ayant vécu l’essentiel de sa vie, à tout le moins jusqu’à sa venue en Suisse, six ans auparavant, le recourant y avait été en outre inséré professionnellement. Il admettait enfin y retourner régulièrement pour voir sa famille et ses amis d’enfance de sorte qu’il y avait conservé des attaches.

22.         Le 14 juillet 2021, le recourant a répliqué sous la plume de son nouveau conseil.

Si la solution présentée par le service analyse du SEM dans son rapport du 20 novembre 2020 pouvait fonctionner en théorie, il n’y avait aucune assurance qu’il puisse être pris en charge efficacement et soigné. Le Turquie était en proie à des difficultés énormes (régime présidentiel autoritaire, corruption, situation épidémiologique difficile, inflation galopante etc) qui rendaient plus difficile l’accès à des soins efficaces. Il n’était pas possible de se fier aux affirmations du SEM qui avait une propension à embellir la situation.

Il demandait dès lors au tribunal d’auditionner un médecin hématologue ou oncologue spécialisé dans sa maladie qui pourrait le renseigner sur la réelle accessibilité en Turquie du traitement dont il avait besoin.

23.         Par courrier du 22 juillet 2021, l’OCPM a indiqué n’avoir ni requêtes ni observations complémentaires à formuler.

24.         Le 26 juillet 2021, le tribunal a imparti au recourant un délai au 16 août 2021 pour lui fournir le nom d’un médecin à auditionner selon sa requête du 14 juillet 2021.

25.         Dans le délai prolongé au 3 septembre 2021, le recourant a soumis au tribunal le nom d’un médecin dont il sollicitait l’audition, à savoir le Dr J______, médecin généraliste.

26.         Lors de l'audience du 10 novembre 2021 devant le tribunal, le Dr I______, entendu en qualité de témoin, a expliqué que M. A______ était suivi par le service d'hématologie des HUG depuis 2015. Il l’avait personnellement suivi du 1er novembre 2020 à fin avril 2021 et avait rédigé le rapport médical du 25 février 2021 et le certificat médical avec diagnostic du 7 avril 2021 après discussions avec la hiérarchie et les médecins qui le suivaient actuellement. M. A______ avait été traité en Turquie pour un lymphome de Hodgkin. Depuis 2015, il était suivi aux HUG pour une neutropénie, à savoir un déficit d'une sous-catégorie de globules blancs, qui faisaient que ses défenses immunitaires étaient altérées. Il souffrait également d'une thrombopénie, soit un déficit modéré en plaquettes qui faisait partie du processus de coagulation. La neutropénie résultait d'un processus auto-immune sous-jacent, potentiellement secondaire au traitement de son lymphome. S'agissant d'une maladie auto-immune, son traitement avait dans un premier temps consisté à freiner son système immunitaire. Du fait des effets secondaires en découlant, ils avaient désormais opté pour un traitement visant à soutenir la production de neutrophiles. Ce traitement avait tout d'abord consisté en deux injections sous-cutanées hebdomadaires. Aujourd'hui, ils étaient passés à quatre injections sous-cutanées hebdomadaires de Neupogène. Ils envisageaient à l'avenir l'injection de Neulasta, vraisemblablement à une fréquence légèrement moindre. Ce traitement était suffisant aujourd'hui mais la situation était dynamique et pouvait évoluer. Cela avait d'ailleurs été le cas, avec l'augmentation de la fréquence des injections, en début d'année 2021, du fait de la diminution des neutrophiles chez ce patient. Par ailleurs, M. A______ prenait des médicaments pour prévenir ou traiter des infections, à savoir des prophylaxies anti-herpès (Valtrex – en continu) et anti-champignons (Fluconasol – ponctuellement). Le déficit de défense immunitaires le rendait plus sujet aux infections, avec un risque important d'agranulocytose (neutrophiles très bas). En cas d'arrêt du traitement, il pouvait en résulter une chute rapide des neutrophiles, ce qui était la porte ouverte à une infection potentiellement sévère. Un patient souffrant de neutropénie devait être attentif à son hygiène. Des mesures telles que la désinfection des mains étaient particulièrement indiquées en continu. Les neutrophiles de M. A______ étaient contrôlés par prise de sang une fois par mois et ils le voyaient en consultation chaque trois mois. Cette fréquence pouvait varier en fonction de l'évolution de sa maladie. Le traitement de M. A______ lui permettait aujourd'hui de rester dans une zone confortable, mais il ne le prévenait pas de toute infection sévère. S’il n'en avait pas connue depuis 2018, elle restait toujours possible chez ce type de patient. Cas échéant, elle nécessitait la prise d’antibiotiques. En cas d'état fébrile, le patient devait pouvoir être pris en charge rapidement. À l'heure actuelle, la situation de M. A______ étant stable, le traitement tel qu'examiné dans le cadre du consulting médical du 21 août 2020 suffisait. Il avait toutefois vu que sa situation pouvait évoluer. Il n’avait pas connaissance des services de santé turcs, mais, de manière générale, un service d'hématologie type était à même de garantir le suivi des problèmes de santé de M. A______. En cas d'infection, une collaboration avec un service d'infectiologie pouvait s'avérer nécessaire. L'agranulocytose pouvait également être prise en charge par un hôpital type, de même que l'administration d'antibiotiques par voie intraveineuse, toujours avec un suivi d'un service d'hématologie et (ou) d'infectiologie. Il ne pouvait se prononcer sur les séjours de M. A______ en Turquie, notamment en 2018. Un suivi mensuel devait absolument être garanti afin d'éviter de mauvaises surprises.

Sur question du conseil de M. A______, lorsqu'un patient souffrant de neutropénie se présentait à l'hôpital avec un état fébrile, ils commençaient par examiner son niveau de neutrophiles. S'il était constaté que ce dernier était trop bas, son hospitalisation était immédiate avec en parallèle un traitement antibiotique. Le traitement se faisait dans l'heure, après la prise en charge. Les traitements donnés à M. A______ étaient bien établis. Son traitement étant très coûteux, il était important que l'on puisse s'assurer de sa prise en charge en Turquie. Le fait que M. A______ se trouverait à une distance de onze heures de bus de l'hôpital d'Ankara était problématique. Un délai de onze heures en cas d'agranulocytose fébrile pouvait mettre le pronostic vital du patient en danger.

M. A______ a présenté au tribunal une valise contenant les différents médicaments qu'il devait prendre au quotidien ou en cas d'infection. Il emportait cette valise quand il partait en vacances. Elle contenait des médicaments pour un mois. Ces derniers devaient être conservé au frigo. Ils étaient maintenus au frais avec de la glace le temps de l'audience. Avant de venir en Suisse, il travaillait dans le domaine de la construction et du forage à Adiyaman Gölbaşi. Il s'agissait de son lieu d'origine. Il travaillait au sein de l'entreprise de son père, laquelle avait fait faillite en 2013 suite au décès de ce dernier. Il avait également travaillé à Antaya, au L______, chez son oncle, durant un mois, afin d'apprendre le français. Il s'agissait de ma seule expérience dans la restauration. En Suisse, il avait d'abord travaillé dans le nettoyage. Aujourd'hui, il occupait un poste de concierge. Il n’avait, à l'heure actuelle, pas de perspectives d'embauche en Turquie, étant précisé qu’il disposait d'une pleine capacité de travail, sous réserve des contraintes liées à sa maladie. Il retournait chaque année en Turquie pour une période d'environ trois semaines, afin de rendre visite à sa mère. Il avait également deux sœurs et deux frères qui vivaient à Adiyaman Gölbaşi. Ses deux sœurs étudiaient, l'un de mes frères travaillait et l'autre était en recherche d'emploi. Il y avait bien un hôpital à Adiyaman Gölbaşi. Il n’avait pas eu besoin de s’y rendre durant ses séjours en Turquie, car il avait ses médicaments avec lui. Il ne pouvait pas travailler comme serveur car il avait des tremblements en raison de sa maladie. A son arrivée en Suisse, il avait suivi des cours de français. Il avait arrêté depuis le début du Covid car il avait peur. Il arrivait à se débrouiller pour les affaires courantes, mais lorsqu’il allait chez le médecin, il était toujours accompagné d'un ami qui pouvait lui traduire les termes compliqués. Il était parfaitement autonome dans son travail.

Le conseil de M. A______ a indiqué qu’il verserait à la procédure une copie des pages du passeport de son client.

La représentante de l’OCPM a expliqué qu’il était possible que M. A______ parte en Turquie avec un stock de médicaments. Il ressortait également du consulting que la prise en charge de ces derniers par une assurance était possible.

27.         Le 2 décembre 2021, M. A______, sous la plume de son conseil, a transmis au tribunal la photocopie intégrale de son passeport ainsi qu’une copie de son courrier du 22 novembre 2021 à l’hôpital de Gölbasi et la réponse de ce dernier du 29 novembre 2021 et la traduction conforme de cette dernière.

Il ressort de ce dernier document qu’« il n’y a pas de service d’oncologie et d’hématologie nécessaires pour le diagnostic et le traitement des lymphomes à l’hôpital d’Etat de notre arrondissement. Ces patients doivent s’adresser à des centres supérieurs pour un examen et un traitement plus approfondis ».

28.         Par courrier du 2 décembre 2021, l’OCPM a informé le tribunal persister dans sa décision.

29.         Par courrier du 25 janvier 2022, le tribunal a invité le Service social international – Suisse (ci-après : SSI) à bien vouloir, par le biais de leurs partenaires en Turquie, lui fournir des informations concernant le système d’assurance maladie universelle turc « Sosyal Güvenlik Kurumu (SGK) » et les possibilités de prise en charge (accès aux médicaments, suivi et traitement) d'un patient de nationalité turque souffrant de neutropénie chronique auto-immune. Une liste de questions lui était transmise.

30.         Par courrier du 6 octobre 2022, sous la plume de son conseil, M. A______ a informé le tribunal avoir eu une infection qui lui avait provoqué une crise aigüe ayant nécessité son hospitalisation du 31 août au 4 octobre 2022 avec un arrêt de travail subséquent. Ce problème démontrait la précarité de son équilibre de santé.

Il a joint l’avis de sortie des soins aigus des HUG du 4 octobre 2022 ainsi qu’un certificat d’arrêt de travail du 4 octobre 2022 pour la période du 31 août au 4 octobre 2022.

31.         Le 5 décembre 2022, M. A______, sous la plume de son conseil, a transmis au tribunal huit certificats d’arrêt maladie. Il se trouvait toujours hospitalisé, son état ayant été critique plusieurs semaines durant.

32.         Le 19 janvier 2023, le SSI a transmis au tribunal le rapport reçu du « Social Security Institution and Ministry of Health » en Turquie. A teneur de la traduction libre de ce dernier, il était répondu aux questions du tribunal comme suit :

« Est-ce qu'un ressortissant turc, vivant jusqu'alors à l'étranger (en Suisse), peut bénéficier, dès son retour dans son pays d'origine, de l'assurance maladie universelle ?

L'alinéa (g) du premier paragraphe de l'article 60 de la loi no 5510 dispose que "parmi les personnes résidant en Turquie, les citoyens qui ne relèvent pas des alinéas ci-dessus et qui n'ont pas le droit de bénéficier d'une assurance maladie dans un autre pays sont considérés comme des assurés maladie généraux (universels)". En vertu de la disposition susmentionnée, les personnes dont la résidence officielle est en Turquie parmi celles qui ne bénéficient pas de services de santé dans quelque domaine que ce soit en Turquie sont considérées comme des assurés maladie généraux (universels) dans le domaine spécifié. Pour cette raison, les citoyens turcs doivent avoir leur résidence officielle en Turquie pour être considérés comme des assurés maladie généraux (universels).

A quelles conditions, cas échéant ?

Conformément à la disposition mentionnée dans la question précédente, pour être considéré comme un assuré maladie général (universel) uniquement dans le cadre mentionné ci-dessus ; en plus de la condition de résidence en Turquie, il est exigé de ne pas être considéré comme un assuré maladie général (universel) dans tout autre cadre ou de ne pas bénéficier d'une assurance maladie dans un autre pays.

Y-a-t-il un temps d'attente entre le début de l'assujettissement et le moment de la prise en charge du traitement médical, notamment en cas de maladie chronique préexistante ?

L'intéressé étant un citoyen turc, il n'est pas possible de procéder à une évaluation dans le cadre de l'alinéa c) du premier paragraphe de l'article 64 de la loi no 5510.

S'agissant d'une personne souffrant de neutropénie chronique autoimmune — soit une maladie nécessitant, sur le long-terme, la prise de médicaments coûteux ainsi que des contrôles médicaux réguliers (un examen biologique par mois ainsi qu'une visite médicale tous les trois mois) - est-ce que le traitement et suivi médical seraient entièrement pris en charge par l'assurance maladie universelle ?

Conformément aux dispositions de la loi no 5510 sur la sécurité sociale et l'assurance maladie générale et aux dispositions spéciales d'autres lois, les services de santé fournis aux personnes couvertes par l'assurance maladie générale (universelle) sont couverts par notre institution (institution de sécurité sociale) conformément aux dispositions du communiqué sur la mise en œuvre de la santé (Sažllk Uygulamalal*l Tebliži-SUT) publié au Journal officiel.

L'article 60 de la loi no 5510 intitulé "Ceux qui sont réputés avoir une assurance maladie générale (universelle)" précise ceux qui sont couverts par l'assurance maladie générale (universelle) parmi ceux dont la résidence est en Turquie.

Les demandes des assurés d'outre-mer sont réalisées conformément aux dispositions de l'article 1.7.1 du SUT.

Est-ce qu'en particulier les médicaments suivants : « - filgrastim 30 MUI 2x/semaine – valaciclovir Valtrex cp 500 mg – éconazole Pevaryl crème – paracétamol Dafalgan cp 1000 mg – Tavanic 500 mg – Malveol » (connu sous divers noms selon les pays) seraient entièrement pris en charge par l'assurance maladie universelle ?

Filgrastim 30 MUI contenant 8 médicaments injectables, Valacyclovir 500 mg contenant 4 médicaments sous forme de comprimés, Levofloxacin 500 mg contenant 7 médicaments sous forme de comprimés, paracétamol 500 mg sous forme de comprimés contenant 10 médicaments sont inclus dans la "Liste des médicaments à payer (Annexe-4A)". Le médicament nommé Pevaryl Cream avec la substance active 'éconazole", le médicament avec le nom commercial Malveol (la substance active n'a pas pu être atteinte), ainsi que le médicament sous forme de comprimé contenant la substance active paracétamol à une dose de 1000 mg ne sont pas inclus dans la "Liste des médicaments à payer".

Dans le cas contraire, quelle serait la participation du patient aux frais de traitement et de consultation ?

Les médicaments autorisés à être payés par notre Institution sont inclus dans la "Liste des médicaments à payer" (Annexe-4/A). Les prix des médicaments dont les noms commerciaux et les numéros de code-barres / QR code ne figurent pas dans cette liste ne sont en aucun cas payés par l'Institution.

Est-ce que l'hôpital public de Adiyaman, le « Adiyaman University Hospital fait partie des établissements reconnus par l'assurance maladie universelle ?

L'hôpital universitaire de formation et de recherche d'Adlyaman est un prestataire de services de santé relevant du ministère de la santé et les services de santé fournis aux personnes couvertes par l'assurance maladie générale sont couverts par l'institution dans le cadre du contrat entre le ministère de la santé et l'institution.

Est-ce qu'en pratique, la prise en charge financière des frais médicaux par l'assurance maladie universelle est effective et efficace, ou cette prise en charge est-elle soumise à des contraintes (administratives ou autres) qui la rende essentiellement théorique ?

Les services de santé fournis par les prestataires de services de santé aux assurés généraux et à leurs personnes à charge sont couverts conformément à la législation de l'institution et il n'y a pas de différence dans les pratiques d'assurance maladie générale selon les provinces ou les régions.

S'agissant plus particulièrement de la prise en charge médicale dans la province et le chef-lieu d'Adiyaman :

Est-il difficile d'accéder aux soins ?

Tous les citoyens qui s'adressent aux hôpitaux publics de la province d'Adlyaman peuvent bénéficier de services d'urgence et de soins ambulatoires. Pour les patients qui n'ont pas accès aux services d'urgence, les ambulances de la ligne d'urgence 112 sont disponibles 2411/24 et 7j/7 sur demande.

Avec la coordination du 112 (ligne d'urgence), les patients sont transférés vers nos hôpitaux, qui présentent des services ininterrompus, et leur accès est assuré dès que possible.

Dans la province d'Adlyaman, l'hôpital de formation et de recherche d'Adlyaman, qui a un protocole d'utilisation conjointe avec l'université d'Adlyaman, sert avec une capacité de 710 lits en rôle Al. Selon les données du module de statistiques de santé primaire (PHSM) pour les six premiers mois de 2022, le taux d'occupation des lits de cet établissement de santé est de 75,2 %.

Est-ce que les services d'urgence des hôpitaux publics fonctionnent bien ?

Il y a 10 hôpitaux publics différents servant sous la direction générale des hôpitaux publics dans la province d'Adlyaman. L'un de ces hôpitaux est l'hôpital de formation et de recherche (3e étape) et il est situé dans le centre de la ville. Dans les districts, 7 hôpitaux sont au deuxième échelon et les 2 autres sont au premier échelon.

L'hôpital de formation et de recherche du centre-ville fournit des services de traitement des patients hospitalisés dans deux bâtiments distincts. L'hôpital de formation et de recherche d'Adlyaman dispose de services d'urgence pour adultes de niveau 3 dans le bâtiment principal et de services d'urgence pédiatriques et gynécologiques de niveau 3 dans le bâtiment annexe. Nos hôpitaux dans les districts de Kahta, Besni et Gölbasi fournissent des services d'urgence de niveau 2, tandis que nos hôpitaux dans les districts de Çelikhan, Sincik, Gerger, Kahta Göçeri fournissent des services d'urgence de niveau 1. Nos hôpitaux dans les districts de Tut et Samsat servent au niveau des unités d'urgence. Entre janvier et juin 2022 (période de 6 mois), 602 528 patients ont été examinés dans les services d'urgence de tous les hôpitaux publics de la province. 282’180 de ces patients ont été examinés à l'hôpital de formation et de recherche d'Adlyaman.

Au sein du service des urgences de l'hôpital de formation et de recherche d'Adlyaman, la tomographie assistée par ordinateur à 16 sections, la résonance magnétique à 1,5 Tesla, l'appareil d'ultrasonographie, le laboratoire entièrement équipé et les appareils de radiographie numérique assurent un service ininterrompu. Le service des urgences de l'hôpital de formation et de recherche d'Adlyaman dispose de 5 salles d'observation et de 37 lits. Les services de santé d'urgence sont assurés par 299 professionnels de la santé. La répartition du personnel travaillant dans le service des urgences est la suivante : 67 (médecin spécialiste, médecin), 99 (infirmière, sage-femme, agent de santé, etc.), 35 (technicien de santé, technicien de laboratoire, technicien de radiologie, etc.) 40 (secrétaire médicale, agent V.H.K.i., etc.) 58 (nettoyage, sécurité, orientation, etc.).

Des quarts de travail sont effectués dans 10 spécialités, dont la chirurgie générale, l'orthopédie, la médecine interne, la neurologie, la cardiologie, la gynécologie et l'obstétrique, la pédiatrie, l'anesthésie, la neurochirurgie et la chirurgie cardiovasculaire, Des gardes sont assurées dans toutes les autres spécialités.

Le service de santé dans les services d'urgence est assuré 365 jours par an (y compris les jours fériés officiels, religieux et administratifs) sans interruption. Les services d'urgence fournis dans ces établissements de santé des hôpitaux publics sont assurés de manière efficace, conformément aux exigences de l'époque contemporaine, aux besoins et aux attentes d'aujourd'hui.

Existe-t-il des discriminations dans la prise en charge des patients, notamment ceux d'ascendance kurde, au sein des hôpitaux publics ?

Conformément à la disposition de l'article 56 de la Constitution turque, "Pour garantir que chacun mène sa vie dans des conditions de santé physique et mentale et pour assurer la coopération en termes de ressources humaines et matérielles par l'économie et l'augmentation de la productivité, l'État réglemente la planification centrale et le fonctionnement des services de santé. L'Etat s'acquittera de cette tâche en utilisant et en supervisant les institutions de santé et d'assistance sociale, tant dans le secteur public que dans le secteur privé". L'utilisation des services de santé par nos citoyens est garantie par notre Constitution.

En outre, conformément à l'article-5 (c) de la section des principes du règlement sur les droits des patients daté du 16.01.2019 et numéroté 30657, " Dans la prestation des services de santé, la race, la langue, la religion et la secte, le sexe, les opinions politiques, les croyances philosophiques, le statut économique et social et les autres différences des patients ne doivent pas être pris en compte. Les services de santé doivent être planifiés et organisés de manière à ce que chacun puisse y accéder facilement." Le droit de bénéficier des services de santé dans les établissements de santé de tout Adlyaman ne peut être empêché en cas de force majeure et de circonstances imprévues.

Existe-t-il des circonstances (notamment la pandémie Covid-19) qui rendent cette prise en charge et l'accès aux médicaments précités difficiles, voire hasardeux ?

L'accès et l'approvisionnement en médicaments pour nos patients est l'un des problèmes les plus prioritaires, importants et urgents à résoudre.

Grâce au premier système de suivi des médicaments au monde, tous les médicaments fabriqués et importés sont suivis par le système de suivi des médicaments (ITS). Les médicaments fabriqués sont munis d'un code-barres dès leur production et les produits importés le sont dès qu'ils franchissent les frontières du pays.

Ils sont suivis à partir du moment où ils sont enregistrés dans le système de suivi des médicaments jusqu'à ce qu'ils parviennent au patient. L'état des stocks de médicaments est vérifié instantanément au niveau du fabricant, de l'entrepôt, de la pharmacie et de l'hôpital, et le système émet des avertissements pour les médicaments approchant le niveau de stock critique et fournit des solutions avant qu'un problème d'approvisionnement ne survienne. Des négociations permanentes sont menées avec les fabricants/importateurs concernant la production, l'octroi de licences et la fourniture de médicaments sur le marché, et toutes les mesures sont prises pour garantir que nos patients ne rencontrent pas de difficultés pour accéder aux médicaments.

En cas de pénurie dans l'importation ou la production de médicaments pour diverses raisons, les demandes faites dans le cadre de la "Directive pour l'approvisionnement en médicaments de l'étranger" sont évaluées par la "Commission d'évaluation de l'utilisation des médicaments dans le traitement personnel" afin de garantir que l'accès de nos patients aux médicaments n'est pas perturbé et que les médicaments peuvent être importés de l'étranger et utilisés dans le traitement de nos patients. L'état des stocks et l'approvisionnement du marché des médicaments faisant l'objet de la plainte ont été examinés à partir de la base de données de l’ITS. Les médicaments contenant les substances actives Filgrastim, Valacyclovir, Paracétamol, Levofloxacine sont disponibles sur le marché et il n'y a aucun problème de stock et d'accès pour nos patients.

Dans le même groupe ATC montrant l'efficacité des préparations nommées Econazole, Malveol, Pevaryl Cream et Malveol Emulsion il y a des préparations avec des indications.

Nous recommandons à nos patients et aux médecins traitants qu'il n'y a pas de problème d'accès ».

33.         Le 20 janvier 2023, M. A______, sous la plume de son conseil, a transmis au tribunal un certificat du 12 janvier 2023 du département d’oncologie des HUG. A teneur de ce dernier, « le patient a présenté des multiples complications infectieuses, nécessitant des hospitalisations itératives (07.07-08.07.2022, 28.07-23.08.2022, 31.0804.10.2022, 24.10-14.11.2022, 14.11-16.122023) avec une nouvelle hospitalisation actuellement depuis le 01.01.2023, toujours pour une complication infectieuse. Au vu des complications infectieuses itératives, menaçant le pronostic vital du patient, une transplantation allogénique des cellules souches hématopoïétiques est prochainement prévue. Dans les suites de l'allogreffe, on s'attend à une immunosuppression importante et à une altération de l'état général qui nécessitera également un suivi médical très rapproché. Nous jugeons donc nécessaire que le patient puisse rester en Suisse afin de recevoir les soins appropriés ».

34.         Par courrier du 7 février 2023, l’OCPM a informé le tribunal qu’afin de pouvoir se déterminer en connaissance de cause sur l'évolution médicale préoccupante de M. A______, il l’invitait à lui faire parvenir le rapport médical joint rempli par son médecin traitant, en indiquant notamment à quelle échéance était prévue la transplantation, quel en était les pronostic et suites en termes notamment de médication, de suivi et d'état général du recourant, y compris dans l'éventualité d'un retour en Turquie. En vue d'une actualisation complète de son dossier, il pourrait également préciser sa situation sous l'angle professionnel. Il se chargerait pour sa part de solliciter une attestation de l'office des poursuites et de l'Hospice général, qu’il verserait ensuite à la procédure.

35.         Ce courrier a été transmis au recourant avec un délai au 7 mars 2023 pour y donner suite.

36.         Le 8 février 2023, M. A______, sous la plume de son conseil, s’est déterminé sur le rapport transmis par le SSI.

Pour rappel, il ressortait de la réponse de l'hôpital de Gölbasi du 29 novembre 2021, que ce dernier ne disposait pas de service d'oncologie et d'hématologie nécessaire pour le diagnostic et le traitement des lymphomes. La réponse donnée par les autorités turques éludait complètement cet aspect. Il a pour le surplus rappelé la teneur du rapport du 12 janvier 2023, lequel retenait, en particulier, qu’il apparaissait nécessaire qu’il puisse rester en Suisse afin de recevoir les soins appropriés.

Concernant le rapport du Social Security Institution and Ministery of Health, les réponses étaient, en substance, incompréhensibles, trop générales, incomplètes et/ou déconnectées du cas particulier. Il persistait donc intégralement dans les termes de son recours, ce d’autant plus que son état de santé avait malheureusement évolué négativement et qu’il était démontré que, sans l'intervention efficace et rapide des HUG, il aurait succombé.

37.         Les 20 mars et 1er mai 2023, M. A______, sous la plume de son conseil, a versé à la procédure son courrier du 12 avril 2023 adressé aux HUG, le rapport médical complété par son médecin traitant le 9 mars 2023, une lettre de sortie des soins aigus du 13 février 2023 ainsi que deux rapports médicaux (de cytométrie en flux et histologique) des 17 et 21 novembre 2022.

Il ressort en substance des documents médicaux qu’une allogreffe avait eu lieu le 8 février 2023 et que le traitement actuel était nécessaire probablement jusqu’au minimum deux ans. Des contrôles médicaux devaient être assurés en lien avec ce traitement 2x par semaine avec prise de sang et évaluation clinique et 1x par mois pour l’évaluation de la maladie, par ponction - biopsie de moelle. Sans traitement et sans suivi médical spécialisé par une équipe de greffe, les conséquences seraient mortelles. Le traitement actuel et un suivi médical régulier étaient nécessaires pour la survie du patient. Le pronostic était difficile à définir à ce stade précoce après transplantation. La situation était précaire.

38.         Par courrier du 15 mai 2023, l’OCPM a relevé que sous l’angle médical, le dossier semblait avoir été actualisé. L’intéressé avait reçu sa greffe et sa situation semblait s’être stabilisée, les médecins précisant néanmoins que sans suivi et traitement les conséquences seraient mortelles. Il n’avait pas d’observations complémentaires et s’en rapportait à justice.

39.         Le 6 février 2023, une série de violents tremblements de terre sont survenus dans le sud-est de la Turquie et dans le nord de la Syrie. Ces derniers ont touché 14 millions de personnes, soit un sixième de la population turque. Parmi elles, 3,3 millions ont dû quitter les zones touchées et près de deux millions de personnes vivent actuellement sous des tentes ou des préfabriqués, dans des zones environnantes. L’OMS déplore le pire désastre naturel en un siècle dans la zone européenne avec ce séisme qui a causé la mort de 35’000 personnes. Située à une petite centaine de kilomètres de l’épicentre dans le sud-est de la Turquie, la ville d’Adiyaman a été littéralement dévastée. Dans la région de Gölbasi, un hôpital de campagne français s’est installé pour venir en aide aux rescapés, l’hôpital voisin n’étant plus opérationnel à cause de problèmes d’électricité, d’eau et de chauffage (cf notamment https://www.rfi.fr/fr/europe/20230209-s%C3%A9isme-en-turquie-%C3%A0-adiyaman-ville-d%C3%A9vast%C3%A9e-on-a-laiss%C3%A9-des-gens-mourir-sous-nos-yeux ; https://fr.euronews.com/2023/02/16/seisme-en-turquie-un-hopital-de-campagne-francais-acceuille-les-rescapes).

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

4.             Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

5.             Saisi d’un recours, le tribunal applique le droit d’office. Il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, mais n’est lié ni par les motifs invoqués par celles-ci (art. 69 al. 1 LPA), ni par leur argumentation juridique (cf. ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a).

6.             Le recourant conclut principalement à l’annulation de la décision querellée et au renouvellement de son autorisation de séjour. Il affirme en premier lieu qu’il serait arbitraire de se référer au consulting médical du 26 novembre 2020 produit par le SEM.

7.             Selon la jurisprudence du Tribunal administratif fédéral, les consultings médicaux produits par l’équipe MedCOI, auxquels se réfère le SEM, peuvent être considérés comme une source fiable (arrêt du Tribunal administratif fédéral D-6258/2019, consid. 10.1).

8.             Une décision est arbitraire (art. 9 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101), lorsqu'elle contredit clairement la situation de fait, qu'elle viole gravement une norme ou un principe juridique clair et indiscuté ou qu'elle heurte d'une manière choquante le sentiment de la justice et de l'équité. Il n'y a pas arbitraire du seul fait qu'une solution autre que celle de l'autorité semble concevable, voire préférable. Pour qu'une décision soit annulée, il ne suffit pas que sa motivation soit insoutenable ; il faut encore que cette décision apparaisse arbitraire dans son résultat ; la notion d'arbitraire ne se confond donc pas avec ce qui apparaît discutable ou même critiquable
(cf. ATF 145 IV 154 consid. 1.1 ; 143 IV 500 consid. 1.1 ; 142 II 369 consid. 4.3 ; 140 I 201 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_107/2019 du 4 juin 2019 consid. 2.1 ; 6B_682/2018 du 20 septembre 2018 consid. 2).

9.             En l’espèce, le recourant ne peut être suivi lorsqu’il affirme que l’autorité intimée serait tombée dans l’arbitraire en se fiant aux informations du SEM car ce dernier aurait procédé à une mauvaise appréciation par le passé de la situation géopolitique en Erythrée notamment. La jurisprudence considère en effet les consultings médicaux du MedCOI comme une source fiable et le recourant ne démontre pas en quoi il serait insoutenable de se référer aux informations produites par son équipe. Cela étant, le tribunal a depuis lors procédé à des mesures d’instruction complémentaires. Il doit en outre être retenu que la situation s’est considérablement détériorée en Turquie depuis la rédaction dudit consulting. Il sera tenu compte de ces éléments ci-après.

10.         La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants turcs

11.         Selon l'art. 42 al. 1 LEI, le conjoint d'un ressortissant suisse a droit à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité à condition de vivre en ménage commun avec lui.

12.         À teneur de l'art. 50 al. 1 let. a LEI, après dissolution de la famille, le droit du conjoint et des enfants à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité en vertu des art. 42 et 43 LEI subsiste si l'union conjugale a duré au moins trois ans et les critères d'intégration définis à l'art. 58a sont remplis. Ces deux conditions sont cumulatives (cf. ATF 140 II 345 consid. 4, 136 II 113 consid. 3.3.3).

De jurisprudence constante, le calcul de la période minimale de trois ans commence à courir dès le début de la cohabitation effective des époux en Suisse et s'achève au moment où ceux-ci cessent de faire ménage commun (ATF 140 II 345 consid. 4.1 ; 138 II 229 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_520/2016 du 13 janvier 2017 consid. 3.2 ; ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 5c) ; peu importe combien de temps le mariage perdure encore formellement par la suite (ATF 136 II 113 consid. 3.2 et 3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_980/2014 du 2 juin 2015 consid. 3.1). La limite des trois ans est absolue et s'applique même s'il ne reste que quelques jours pour atteindre la durée des trente-six mois exigés par l'art. 50 al. 1 let. a LEI (ATF 137 II 345 consid. 3.1.3 ; 136 II 113 consid. 3.2 et 3.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_50/2015 du 26 juin 2015 consid. 3.1 ; ATA/978/2019 du 4 juin 2019 consid. 5c).

13.         En l’espèce, l’OCPM a retenu que le couple que formait le recourant s’était séparé le 31 janvier 2017. La vie commune a ainsi duré moins de trois ans. L'une des conditions cumulatives de l'art. 50 al. 1 let. a LEI n'étant pas réalisée, il n'est pas nécessaire d'examiner l'intégration du recourant, de sorte que seule subsiste la question de savoir si des raisons personnelles majeures imposent la poursuite du séjour du recourant.

14.         Selon l'art. 50 al. 1 let. b LEI, après dissolution de la famille, le droit du conjoint à l'octroi d'une autorisation de séjour et à la prolongation de sa durée de validité en vertu des art. 42 et 43 LEI subsiste si la poursuite du séjour en Suisse s'impose pour des raisons personnelles majeures. Cette disposition vise à régler les situations qui échappent aux dispositions de l'art. 50 al. 1 let. a LEI, soit parce que, comme en l'espèce, le séjour en Suisse durant le mariage n'a pas duré trois ans mais que - eu égard à l'ensemble des circonstances - l'étranger se trouve dans un cas de rigueur après la dissolution de la famille (ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.1 ; 137 II 1 consid. 4.1). En font notamment partie la réintégration fortement compromise dans le pays d'origine (ATF 137 II 345 consid. 3.2.2 ; 136 II 1 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_336/2016 du 29 avril 2016 consid. 5).

L'admission d'un cas de rigueur personnel survenant après la dissolution de la communauté conjugale suppose que, sur la base des circonstances d'espèce, les conséquences pour la vie privée et familiale de la personne étrangère liées à ses conditions de vie après la perte du droit de séjour découlant de la communauté conjugale (ancien art. 42 al. 1 et 43 al. 1 LEtr) soient d'une intensité considérable (ATF 138 II 393 consid. 3 ; 137 II 345 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_1111/2015 du 9 mai 2016 consid. 5.2).

S'agissant de la réintégration sociale dans le pays de provenance, l'art. 50 al. 2 LEI exige qu'elle semble fortement compromise (ATF 136 II 1 consid. 5.3). La question n'est donc pas de savoir s'il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d'examiner si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de la réintégration sociale, au regard de la situation personnelle, professionnelle et familiale de l'étranger, seraient gravement compromises (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_1111/2015 du 9 mai 2016 consid. 5.2 ; 2C_861/2015 du 11 février 2016 consid. 4.3 ; 2C_1003/2015 du 7 janvier 2016 consid. 4.1 ; 2C_873/2013 du 25 mars 2014 consid. 4.1, non publié in ATF 140 II 289 et références). Le simple fait que l'étranger doive retrouver des conditions de vie qui sont usuelles dans son pays de provenance ne constitue pas une raison personnelle majeure au sens de l'art. 50 LEI, même si ces conditions de vie sont moins avantageuses que celles dont cette personne bénéficie en Suisse (arrêts du Tribunal fédéral 2C_500/2014 du 18 juillet 2014 consid. 7.1 ; 2C_1188/ 2012 du 17 avril 2013 consid. 4.1). Par ailleurs, la personne qui fait valoir que sa réintégration sociale risque d'être fortement compromise en cas de retour dans son pays est tenue de collaborer à l'établissement des faits. De simples déclarations d'ordre général ne suffisent pas ; les craintes doivent se fonder sur des circonstances concrètes (ATF 138 II 229 consid. 3.2.3).

Enfin, la question de l'intégration de la personne concernée en Suisse n'est pas déterminante au regard des conditions de l'art. 50 al. 1 let. b LEI, qui ne s'attache qu'à l'intégration - qui doit être fortement compromise - qui aura lieu dans le pays d'origine (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_1003/2015 du 7 janvier 2016 consid. 4.4).

Lors de l'examen des raisons personnelles majeures au sens de l'art. 50 al. 1 let. b LEI, les critères énumérés à l'art. 31 al. 1 OASA peuvent entrer en ligne de compte, même si, considérés individuellement, ils ne sauraient fonder un cas individuel d'une extrême gravité (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_822/2013 du 25 janvier 2014 consid. 5.2 ; ATA/589/2014 précité consid. 9c).

15.         À teneur de l'art. 31 al. 1 OASA, une autorisation de séjour peut être octroyée dans les cas individuels d'extrême gravité ; lors de l'appréciation, il convient de tenir compte notamment : a) de l'intégration du requérant ; b) du respect de l'ordre juridique suisse par le requérant ; c) de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants ; d) de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation ; e) de la durée de la présence en Suisse ; f) de l'état de santé ; g) des possibilités de réintégration dans l'État de provenance. Ces critères ne constituent pas un catalogue exhaustif, pas plus qu'ils ne doivent être réalisés cumulativement (cf. arrêt du Tribunal administratif fédéral C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 6.1).

Le fait que l'étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu'il s'y soit bien intégré socialement et professionnellement et que son comportement n'ait pas fait l'objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d'extrême gravité ; encore faut-il que la relation du requérant avec la Suisse soit si étroite qu'on ne saurait exiger qu'il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d'origine (ATAF C-3337/2010 du 31 janvier 2012 consid. 4.3 et la jurisprudence citée ; ATA/780/2011 du 20 décembre 2011).

La durée d'un séjour illégal (telles les années passées en Suisse par l'intéressé jusqu'au dépôt de sa demande de régularisation), ainsi qu'un séjour précaire (tel celui accompli depuis le dépôt de la demande de régularisation, à la faveur d'une simple tolérance cantonale ou de l'effet suspensif attaché à la procédure de recours) ne doivent normalement être pris en considération que dans une mesure très restreinte (cf. notamment ATAF 2007/45 consid. 4.4 et 6.3 et ATAF 2007/44 consid. 5.2 et la jurisprudence citée, cf. également arrêts du Tribunal administratif fédéral C-5837/2013 du 19 novembre 2014 consid. 6.1 et C-5414/2013 du 30 juin 2015 consid. 5.2.1). Le Tribunal fédéral n'adopte pas une approche schématique qui consisterait à présumer, à partir d'une certaine durée de séjour en Suisse, que l'étranger y est enraciné et dispose de ce fait d'un droit de présence dans le pays. Il procède plutôt à une pesée des intérêts, en considérant la durée du séjour en Suisse comme un élément parmi d'autres et en n'accordant qu'un faible poids aux années passées dans l'illégalité, en prison ou au bénéfice d'une simple tolérance (cf. ATF 134 II 10 consid. 4.3 ; 130 II 493 consid. 4.6 ; arrêts 2C_110/2015 du 14 décembre 2015 consid. 3 ; 2C_507/2012 du 17 janvier 2013 consid. 5.2.1 et les arrêts cités).

A cet égard, les relations de travail, d'amitié ou de voisinage que l'étranger a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse justifiant, à eux seuls, la poursuite du séjour pour des motifs d'extrême gravité (ATF 137 II 345 consid. 3 ; 130 II 39 consid. 3 ; 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_283/2006 du 25 octobre 2007 consid. 3.2 ; ATAF C-3337/2010 du 31 janvier 2012 consid. 4.3 et la jurisprudence citée).

Son intégration professionnelle doit en outre être exceptionnelle : le requérant possède des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou alors son ascension professionnelle est si remarquable qu'elle justifierait une exception aux mesures de limitation (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATA/780/2011 du 20 décembre 2011 ; ATA/639/2011 du 11 octobre 2011 consid. 6 ; ATA/774/2010 du 9 novembre 2010 consid. 5).

Les motifs médicaux peuvent, suivant les circonstances, conduire à la reconnaissance d'une raison personnelle majeure, lorsque l'intéressé démontre souffrir d'une sérieuse atteinte à la santé, qui nécessite, pendant une longue période, des soins permanents ou des mesures médicales ponctuelles d'urgence, indisponibles dans le pays d'origine, de sorte qu'un départ de Suisse serait susceptible d'entraîner de graves conséquences pour sa santé. En revanche, le seul fait d'obtenir en Suisse des prestations médicales supérieures à celles offertes dans le pays d'origine ne suffit pas pour pouvoir demeurer en Suisse (ATF 128 II 200 consid. 5.3 ; 123 II 125 consid. 5b/dd et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_861/2015 du 11 février 2016 consid. 4.2 ; 2C_721/2014 du 15 janvier 2015 consid. 3.2.1 ; 2C_1119/2012 du 4 juin 2013 consid. 5.2 ; 2C_216/2009 du 20 août 2009 consid. 4.2 et les références citées).

Une grave maladie (à supposer qu'elle ne puisse être soignée dans le pays d'origine) ne saurait cependant justifier, à elle seule, la reconnaissance d'un cas de rigueur, l'aspect médical ne constituant que l'un des éléments, parmi d'autres (durée du séjour, intégration socioprofessionnelle et formations accomplies en Suisse, présence d'enfants scolarisés en Suisse et degré de scolarité atteint, attaches familiales en Suisse et à l'étranger, etc.), à prendre en considération (cf. ATF 128 II 200 consid. 5.1 à 5.4 ; 123 II 125 consid. 5b/dd et les références citées ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-6545/2010 du 25 octobre 2011 consid. 6.4 ; C-7939/2007 du 29 mars 2010 consid. 7.2 et 7.2.2). Ainsi, en l'absence de liens particulièrement intenses avec la Suisse, le facteur médical ne saurait constituer un élément suffisant pour justifier la reconnaissance d'un cas personnel d'extrême gravité. Les motifs médicaux constituent avant tout un obstacle à l'exécution du renvoi au sens de l'art. 83 al. 4 LEI et un individu ne pouvant se prévaloir que d'arguments d'ordre médical ne se distingue pas de ses compatriotes restés dans son pays d'origine et souffrant de la même maladie (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral F-7044/2014 du 19 juillet 2016 consid. 5.5.1 ; C-5710/2011 du 13 décembre 2013 consid. 5.1).

Hormis des cas d'extrême gravité, l'état de santé ne peut fonder un droit à une autorisation de séjour, ni sous l'aspect de l'art. 3 ni sous celui de l'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (cf. arrêt du Tribunal fédéral 2C_891/2016 du 27 septembre 2016 consid. 3.3 et la référence citée).

16.         Selon l’art. 96 LEI, les autorités compétentes tiennent compte, en exerçant leur pouvoir d’appréciation, des intérêts publics, de la situation personnelle de l’étranger, ainsi que de son intégration (al. 1).

17.         En préambule, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence précitée, la reconnaissance d’une raison personnelle majeure au sens de l’art. 50 al. 1 let. b LEI requiert que la relation du requérant avec la Suisse soit si étroite qu'on ne saurait exiger qu'il aille vivre dans un autre pays, soit, en l’occurrence, la Turquie.

En l’espèce, âgé de 35 ans, le recourant séjourne en Suisse depuis 8 ans. Arrivé au titre de regroupement familial, il a obtenu une autorisation de séjour, prolongée une fois jusqu’au 20 décembre 2017. Il séjourne depuis lors au titre d’une simple tolérance de l’autorité. Il ne peut par conséquent se prévaloir d’une très longue durée de séjour qui permettrait, à elle seule, de considérer qu'un renvoi du recourant dans son pays, qu'il a quitté à l'âge de 27 ans, constituerait un profond déracinement par rapport aux attaches qu'il s'est constituées en Suisse.

Sur le plan professionnel, l’intégration du recourant peut être qualifiée de bonne. Il a, jusqu’à ses récents arrêts de travail, pour maladie, travaillé pour subvenir entièrement à ses besoins. Il n’émarge pas à l’aide sociale et rien dans le dossier n’indique qu’il ferait l’objet de poursuites ou d’actes de défaut de bien. Son intégration sociale n’est en revanche pas documentée et son niveau de français lui permet uniquement de se débrouiller dans la vie courante. Ainsi, il convient de constater que l’intéressé n’a pas fait preuve d’une intégration sociale exceptionnelle par rapport à la moyenne des étrangers qui ont passé un nombre d’années équivalent en Suisse. Le recourant est divorcé et n’a pas d’enfants.

Le recourant est né en Turquie à Gölbasi (Adiyaman) et y a pour l’essentiel vécu jusqu’à son arrivée en Suisse en décembre 2014. Il parle la langue de son pays et plusieurs membres de sa famille se trouve là-bas, de sorte qu’il a conservé des liens très forts en Turquie où il se rendait régulièrement avant la pandémie Covid. Sa capacité de travail n’était jusqu’ici pas compromise par ses problèmes de santé, lesquels lui limitent toutefois l’accès à certaines professions, notamment la restauration. Sa réintégration sociale ne semble dès lors pas fortement compromise au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale. Ainsi, en définitive, seul son état de santé serait susceptible d'entrer en considération. Cependant, ainsi que cela découle de la jurisprudence rappelée plus haut, une problématique médicale ne saurait en principe justifier à elle seule l'octroi d'un permis de séjour pour cas de rigueur ; elle constitue cas échéant un obstacle à l'exécution du renvoi, qu'il convient d'examiner sous l'angle des dispositions légales ad hoc.

Au vu de ce qui précède, le tribunal retiendra dès lors que c'est à bon droit que l'autorité intimée a refusé d'octroyer au recourant un permis de séjour pour raisons personnelles majeures au sens des art. 50 al. 1 let. b LEI et 31 OASA.

18.         Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel l'autorisation de séjour est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée.

19.         Elles ne disposent à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande d'autorisation (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.1 ; C-5268/2008 du 1er juin 2011 consid. 10 ; C-406/2006 du 2 septembre 2008 consid. 8 et la référence citée ; cf. aussi not. ATA/954/2018 du 18 septembre 2018 consid. 9 ; ATA/598/2014 du 29 juillet 2014 consid. 12 ; ATA/228/2015 du 2 mars 2015 consid. 8 ; ATA/182/2014 du 25 mars 2014 consid. 12).

20.         Dès lors qu'elle a refusé de soumettre le dossier du recourant au SEM en vue de la délivrance d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur, l'autorité intimée devait en soi ordonner son renvoi de Suisse en application de l'art. 64 al. 1 let. c LEI.

21.         Reste toutefois à déterminer si l'exécution de cette mesure est possible, licite et peut être raisonnablement exigée.

22.         Le SEM décide d'admettre à titre provisoire l'étranger si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée (art. 83 al. 1 LEI). L'admission provisoire peut être proposée par les autorités cantonales (art. 83 al. 6 LEI).

23.         Aux termes de l'art. 83 al. 4 LEI, l'exécution de la décision de renvoi peut ne pas être raisonnablement exigée si le renvoi ou l'expulsion de l'étranger dans son pays d'origine ou de provenance le met concrètement en danger, par exemple en cas de guerre, de guerre civile, de violence généralisée ou de nécessité médicale.

24.         Cette disposition s'applique notamment aux personnes pour qui un retour reviendrait à les mettre concrètement en danger, notamment parce qu'elles ne pourraient plus recevoir les soins dont elles ont besoin ou qu'elles seraient, selon toute probabilité, condamnées à devoir vivre durablement et irrémédiablement dans un dénuement complet, et ainsi exposées à la famine, à une dégradation grave de leur état de santé, à l'invalidité, voire à la mort. En revanche, les difficultés socio-économiques qui sont le lot habituel de la population locale, en particulier des pénuries de soins, de logement, d'emplois, et de moyens de formation, ne suffisent pas en soi à réaliser une telle mise en danger (arrêt du Tribunal administratif fédéral F-838/2017 du 27 mars 2018 consid. 4.3).

S'agissant spécifiquement des personnes en traitement médical en Suisse, l'exécution du renvoi ne devient inexigible, en cas de retour dans leur pays d'origine ou de provenance, que dans la mesure où elles pourraient ne plus recevoir les soins essentiels garantissant des conditions minimales d'existence. Par soins essentiels, il faut entendre les soins de médecine générale et d'urgence absolument nécessaires à la garantie de la dignité humaine (arrêts du Tribunal administratif fédéral D-6799/2017 du 8 octobre 2020 ; E-3320/2016 du 6 juin 2016 et les références citées). L'art. 83 al. 4 LEI ne confère pas un droit général d'accès en Suisse à des mesures médicales visant à recouvrer la santé ou à la maintenir, au simple motif que l'infrastructure hospitalière et le savoir-faire médical dans le pays d'origine de l'intéressé n'atteignent pas le standard élevé prévalant en Suisse. Ainsi, si les soins essentiels nécessaires peuvent être assurés dans le pays d'origine ou de provenance de l'étranger concerné, l'exécution du renvoi sera raisonnablement exigible. Elle ne le sera plus, en raison de l'absence de possibilités de traitement adéquat, si l'état de santé de l'intéressé se dégradait très rapidement au point de conduire d'une manière certaine à la mise en danger concrète de sa vie ou à une atteinte sérieuse, durable, et notablement plus grave de son intégrité physique (arrêt du Tribunal administratif fédéral E-2693/2016 du 30 mai 2016 consid. 4.1 et les références citées ; ATA/1455/2017 du 31 octobre 2017 consid. 10d).

25.         En l'espèce, il ressort du dossier que le recourant souffre d’un neutropénie chronique d’origine auto-immune connue depuis mars 2015. Lors de l'audience du 10 novembre 2021, le Dr I______ a expliqué qu’il s’agissait d’un déficit d'une sous-catégorie de globules blancs faisant que les défenses immunitaires du patient étaient altérées. M. A______ souffrait également d'une thrombopénie, soit un déficit modéré en plaquettes qui faisait partie du processus de coagulation. Après avoir détaillé le traitement mis en place pour le recourant, il a notamment précisé que celui-ci était suffisant aujourd'hui mais que la situation était dynamique et pouvait évoluer. Cela avait d'ailleurs été le cas, avec l'augmentation de la fréquence des injections, en début d'année 2021, du fait de la diminution des neutrophiles chez ce patient. Par ailleurs, M. A______ prenait des médicaments pour prévenir ou traiter des infections dans la mesure où le déficit de défense immunitaires le rendait plus sujet à ces dernières, avec un risque important d'agranulocytose (neutrophiles très bas). En cas d'arrêt du traitement, il pouvait en résulter une chute rapide des neutrophiles, ce qui était la porte ouverte à une infection potentiellement sévère. Un patient souffrant de neutropénie devait être attentif à son hygiène. Des mesures telles que la désinfection des mains étaient particulièrement indiquées en continu. Les neutrophiles de M. A______ étaient contrôlés par prise de sang une fois par mois et ils le voyaient en consultation chaque trois mois. Le traitement de M. A______ lui permettait aujourd'hui de rester dans une zone confortable, mais il ne le prévenait pas de toute infection sévère. En cas d'état fébrile, le patient devait pouvoir être pris en charge rapidement. En cas d'infection, une collaboration avec un service d'infectiologie pouvait s'avérer nécessaire. L'agranulocytose pouvait également être prise en charge par un hôpital type, de même que l'administration d'antibiotiques par voie intraveineuse, toujours avec un suivi d'un service d'hématologie et (ou) d'infectiologie. Un suivi mensuel devait absolument être garanti afin d'éviter de mauvaises surprises. S'il était constaté que le niveau de neutrophiles du patient était trop bas, son hospitalisation était immédiate avec en parallèle un traitement antibiotique. Le traitement se faisait dans l'heure, après la prise en charge. Les traitements donnés à M. A______ étaient bien établis. Son traitement étant très coûteux, il était important que l'on puisse s'assurer de sa prise en charge en Turquie. Le fait que M. A______ se trouverait à une distance de onze heures de bus de l'hôpital d'Ankara était problématique. Un délai de onze heures en cas d'agranulocytose fébrile pouvait mettre le pronostic vital du patient en danger.

Le 20 janvier 2023, M. A______, sous la plume de son conseil, a toutefois informé le tribunal que son état de santé s’était détérioré, ce qui avait conduit à son hospitalisation. Il ressort ainsi d’un certificat du 12 janvier 2023 du département d’oncologie des HUG qu’il avait présenté des multiples complications infectieuses, nécessitant des hospitalisations itératives (07.07-08.07.2022, 28.07-23.08.2022, 31.08-04.10.2022, 24.10-14.11.2022, 14.11-16.12.2022) avec une nouvelle hospitalisation depuis le 1er janvier 2023, toujours pour une complication infectieuse. Au vu desdites complications infectieuses itératives, menaçant son pronostic vital, une transplantation allogénique des cellules souches hématopoïétiques était prochainement prévue. Dans les suites de l'allogreffe, on s'attendait à une immunosuppression importante et à une altération de l'état général qui nécessiterait également un suivi médical très rapproché. Les auteurs du rapport jugeaient donc nécessaire que le patient puisse rester en Suisse afin de recevoir les soins appropriés. Il ressort enfin du rapport médical du 9 mars 2023, complété par son médecin traitant à la demande de l’OCPM, et d’une lettre de sortie des soins aigus du 13 février 2023 que le recourant a subi une allogreffe le 8 février 2023 et que le traitement actuel est nécessaire probablement jusqu’au minimum deux ans. Des contrôles médicaux doivent être assurés en lien avec ce traitement 2x par semaine avec prise de sang et évaluation clinique et 1x par mois pour l’évaluation de la maladie, par ponction - biopsie de moelle. Sans traitement et sans suivi médical spécialisé par une équipe de greffe, les conséquences seront mortelles. Le traitement actuel et un suivi médical régulier sont nécessaires pour la survie du patient. Le pronostic est difficile à définir à ce stade précoce après transplantation. La situation est précaire.

Il résulte de ces éléments que la poursuite du traitement mis en place et d’un suivi médical régulier s'impose, à défaut de quoi la santé du recourant serait mise en danger de manière importante, le risque d'une issue fatale étant certain.

Or, à cet égard, le tribunal ne peut que constater que si la prise en charge requise par ses diverses pathologies aurait vraisemblablement pu être garantie en Turquie et en particulier auprès de l’hôpital de formation et de recherche d’Adlyaman, au regard du rapport de la section d’analyse du SEM, du rapport du Social Security Institution and Ministery of Health et des déclarations en audience du Dr I______, au moment du prononcé de la décision querellée, tel n’est plus le cas aujourd’hui au vu, d’une part, de la situation, notamment sanitaire, prévalant depuis février 2023 dans le sud-est de la Turquie et, d’autre part, de l’évolution de la situation médicale du recourant, qui vient tout juste de subir une allogreffe avec notamment pour conséquences une immunosuppression importante et une altération de son état général nécessitant un suivi médical très rapproché.

Dans cette mesure, il apparaît évident que le recourant serait concrètement exposé, en cas de retour dans son pays, au risque de ne pas pouvoir bénéficier des traitements et suivis requis par son état de santé, avec pour conséquence une grave et rapide dégradation de ce dernier pouvant conduire à son décès.

Partant, en l'état du dossier, il apparaît que l'exécution du renvoi du recourant en Turquie le mettrait concrètement dans une situation de péril immédiat pour sa vie, au vu de sa situation médicale.

Les conditions d’une admission provisoire apparaissent ainsi remplies.

26.         Le recours sera dès lors partiellement admis et la décision litigieuse annulée en tant qu’elle prononce le renvoi du recourant. [Rectification du 28.07.2023]

27.         Le dossier sera retourné à l’OCPM afin qu'il le soumette au SEM avec un préavis favorable à une admission provisoire.

28.         Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03).

Une indemnité de procédure réduite de CHF 800.-, à la charge de l’État de Genève, soit pour lui l'autorité intimée, sera allouée au recourant (art. 87 al. 2 à 4 LPA et 6 RFPA).

29.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au SEM.


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 23 avril 2021 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 10 mars 2021 ;

2.             l’admet partiellement au sens des considérants ; [Rectification du 28.07.2023]

3.             constate que le renvoi de Monsieur A______ n'est pas exigible ; [Rectification du 28.07.2023]

4.             annule la décision attaquée en ce qu'elle prononce le renvoi du recourant renvoie le dossier à l'office cantonal de la population et des migrations afin qu'il le soumette au secrétariat d'État aux migrations avec un préavis favorable à une admission provisoire ; [Rectification du 28.07.2023]

5.             la confirme pour le surplus ; [Rectification du 28.07.2023]

5.             renonce à percevoir un émolument et ordonne la restitution au recourant de son avance de frais de CHF 500.- ;

6.             condamne l'État de Genève, soit pour lui l'office cantonal de la population et des migrations, à verser au recourant une indemnité de procédure de CHF 800.- ;

7.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu’au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

Le greffier