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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3246/2010

ATA/780/2011 du 20.12.2011 sur JTAPI/743/2011 ( PE ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3246/2010-PE ATA/780/2011

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 décembre 2011

1ère section

 

dans la cause

 

Madame R______ et Monsieur A______ et leurs enfants J______, D______ et S______
représentés par Me Gian Luigi Berardi, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 juin 2011 (JTAPI/743/2011)


EN FAIT

1. Monsieur A______, né en 1958, est ressortissant somalien. Il a épousé Madame R______ à Mogadiscio (Somalie) le 8 juillet 1988.

Le couple a eu quatre fils : M______, né en 1989 à Mogadiscio ; J______, né en 1992 à Mogadiscio ; D______, né en 1995 à Mogadiscio) ; et S______, né en 1997 à Mogadiscio.

2. M. A______ est arrivé en Suisse le 26 juillet 2000 et y a déposé une demande d'asile.

Celle-ci a été rejetée par décision du 13 novembre 2000. M. A______ a en revanche été mis au bénéfice d'une admission provisoire au vu de la situation régnant dans son pays d'origine et de sa santé, l'intéressé souffrant d'un diabète insulinodépendant nécessitant un traitement continu à vie.

3. M. A______ a été totalement assisté par l'Hospice général (ci-après : l'hospice) du 7 août 2000 au 31 août 2001, et partiellement assisté du 1er septembre 2001 au 30 novembre 2002.

Dès le mois d'août 2001, il travaillé pour diverses entreprises, principalement dans le domaine de l'entretien et du nettoyage.

4. Le 22 octobre 2003, M. A______ a déposé, auprès de la représentation suisse à Milan (Italie), une demande d'asile en faveur de son fils aîné, M. M______, et de sa nièce, Madame H______, née en 1987 et élevée au sein du foyer familial ; ces derniers, accompagnés par une proche de l'épouse de M. A______, avaient gagné l'Europe pour rejoindre leur père et oncle sans que celui-ci le sût.

Le 20 janvier 2004, M. A______ a sollicité de l'office cantonal de la population (ci-après : OCP) la délivrance d'une autorisation d'entrée et de séjour en faveur des deux mineurs précités. L'OCP a rejeté cette demande par décision du 18 février 2004, mais, par décision du 8 mars 2005, la commission cantonale de recours de police des étrangers (ci-après : CCRPE) remplacée par la commission cantonale de recours en matière administrative (ci-après : CCRA) et devenue depuis le 1er janvier 2011 le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a admis un recours contre cette décision. Les deux mineurs ont été admis en Suisse à titre provisoire dès le 4 juin 2007.

5. Entre le 1er juin 2006 et le 31 juillet 2007, M. A______ a été assisté partiellement par l'hospice pour ses frais de santé et, certains mois, son logement.

6. Dès le 4 février 2008, M. A______ a été mis au bénéfice d'une autorisation de séjour de type B, suite à sa demande de transformation d'autorisation de séjour effectuée le 23 janvier 2007.

7. Le 16 juin 2008, il a sollicité de l'OCP, au titre du regroupement familial, la délivrance d'une autorisation de séjour en faveur de son épouse et de ses trois fils cadets, qui demeuraient à Kampala (Ouganda).

8. En septembre 2009, l'épouse et les trois fils cadets de M. A______ ont déposé, auprès de l'ambassade de Suisse à Kampala, une demande d'autorisation d'entrée au titre du regroupement familial.

9. Depuis le 15 janvier 2010, M. A______ vit dans un studio sis au ______, boulevard C______, pour un loyer mensuel de CHF 690.- charges comprises.

10. Selon attestation d'aide financière de l'hospice du 23 août 2010, M. A______ a été assisté dès le 1er novembre 2009 ; il a perçu de l'hospice CHF 1'596,70 en 2009 et CHF 6'530,80 en 2010.

11. Par décision du 5 août 2010, l'OCP a rejeté la demande de regroupement familial déposée par M. A______ en faveur de son épouse et de leurs trois enfants cadets. L'intéressé émargeait à l'aide sociale et ne disposait pas d'un logement approprié, un appartement d'une pièce ne permettant pas de loger deux adultes et trois mineurs.

12. Le 27 septembre 2010, M. A______, son épouse et leurs trois fils cadets ont recouru contre la décision précitée auprès de la CCRA.

Le 28 juin 2011, M. A______ a été entendu par le TAPI. Il était toujours marié à son épouse. Malgré son état de santé, il cherchait un emploi à plein temps. Il percevait toujours une assistance financière de l'hospice, et habitait toujours son studio du boulevard C______. Il avait cherché sans succès un appartement plus grand. Il lui avait été indiqué qu'il pourrait le cas échéant se présenter à la gérance immobilière municipale de la Ville de Genève dès l'arrivée de sa famille et déposer une nouvelle demande. Il envoyait CHF 400.- par mois à son épouse.

M. M______ a également été entendu, à titre de renseignements. Il a indiqué qu'il s'était récemment rendu en Ouganda. La vie y était très chère, et sa mère ne disposait pas assez d'argent pour nourrir toute la famille. Le loyer du logement, de deux pièces, se montait à USD 400.-. Lui-même était en stage auprès de la Coop et envoyait CHF 500.- par mois à sa mère. Les membres de sa famille étaient en bonne santé, mais il n'existait pas d'hôpital en Ouganda.

13. Par jugement du 28 juin 2011, le TAPI a rejeté le recours.

Les conditions posées au regroupement familial par l'art. 44 de la loi fédérale sur les étrangers du 16 décembre 2005 (LEtr - RS 142.20) n'étaient pas remplies. En effet, M. A______ était à la charge de l'hospice.

L'art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) ne pouvait être invoqué qu'à la condition que le membre de la famille qui séjournait en Suisse dispose d'un droit de présence assuré, ce qui n'était pas le cas de M. A______.

Enfin, il était manifeste que ni l'épouse de M. A______, ni ses trois enfants séjournant en Ouganda ne remplissaient les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour pour cas individuels d'une extrême gravité.

14. Le 4 août 2011, M. A______, son épouse et leurs trois fils cadets ont interjeté recours contre ce jugement auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative). Ils concluent à l'annulation du jugement attaqué, et à ce que la chambre administrative invite l'OCP à préaviser favorablement auprès de l'office fédéral des migrations (ci-après : ODM) l'octroi d'une autorisation d'entrée et de séjour en faveur des recourants.

Son épouse et leurs trois fils cadets étaient restés en Somalie jusqu'en octobre 2006, mais ils avaient dû à cette date, compte tenu de la dégradation de la situation du pays, quitter ce dernier pour l'Ouganda. Ils vivaient actuellement dans un logement précaire à Kampala, où ils n'avaient aucune attache ni statut légal. Ils ne subsistaient que grâce à l'argent envoyé.

Il avait pu se rendre à une reprise auprès des siens en Ouganda au cours de l'année 2008. Il n'avait pu y retourner par la suite en raison du coût d'un tel déplacement, et entretenait seulement des contacts téléphoniques hebdomadaires. S'agissant de son diabète, il devait être suivi régulièrement et traité à vie, faute de quoi son pronostic vital était engagé. A cause de sa maladie, qui avait notamment entraîné un mal perforant plantaire, il pouvait difficilement travailler à 100 %.

Sur le fond, la condition posée par la jurisprudence du Tribunal fédéral, et reprise dans le jugement attaqué, de bénéficier d'un droit de présence assuré en Suisse pour pouvoir se prévaloir de l'art. 8 CEDH était contraire à la jurisprudence récente de la Cour européenne des droits de l'homme (ci-après : CourEDH). Les recourants pouvaient ainsi invoquer cette disposition, que la décision attaquée violait, dès lors qu'un examen du cas laissait apparaître que les membres de la famille A______ entretenaient des liens réguliers et profonds et désiraient ardemment vivre à nouveau réunis et faire ménage commun en Suisse. On ne pouvait attendre raisonnablement des recourants qu'ils demeurent en Ouganda ou qu'ils s'intègrent dans ce pays, dans lequel ils ne jouissaient d'aucun statut légal ni d'aucune famille, étant rappelé que, pour des raisons médicales, M. A______ ne pouvait pas y rejoindre sa famille. S'il était venu seul en Suisse en l'an 2000, c'était du reste justement pour survivre à sa maladie, et il avait ainsi quitté les siens dans l'espoir de les retrouver un jour.

Le logement actuel du recourant n'était certes pas suffisant pour héberger tous les siens, mais il fallait tenir compte des circonstances locales, soit de la pénurie de logements qui sévissait à Genève, ainsi que du fait que les démarches seraient plus faciles une fois la famille réunie.

Un permis humanitaire devait, alternativement, être accordé aux membres de sa famille résidant en Ouganda. Leur situation dans ce pays, où ils étaient de facto réfugiés et vivaient sans statut légal, dans des conditions d'existence précaires et dans un grand isolement social et affectif, était constitutive d'un cas d'extrême gravité.

15. Le 9 septembre 2011, l'OCP a conclu au rejet du recours. L'art. 44 LEtr fixait les conditions de base qui devaient impérativement être remplies pour bénéficier du regroupement familial. M. A______ était assisté financièrement par l'hospice, si bien qu'il n'était pas en mesure de subvenir aux besoins de sa famille, et il ne disposait pas non plus d'un logement approprié lui permettant d'accueillir son épouse et ses trois enfants, dont l'un était adulte et les deux autres adolescents. Les conditions de l'art. 44 LEtr n'étaient dès lors manifestement pas réalisées.

M. A______ ne possédait pas une autorisation de séjour fondée sur un droit durable. Il ne pouvait dès lors pas se prévaloir de l'art. 8 CEDH.

Ne pas autoriser le regroupement familial avait certes pour effet de maintenir la séparation de la famille, mais ne suffisait pas dans le cas d'espèce à constituer un cas de rigueur. Ils n'étaient en effet pas davantage affectés que leurs compatriotes vivant dans les mêmes conditions.

16. Le 20 octobre 2011, les recourants ont persisté dans leurs conclusions.

S'agissant de l'art. 44 LEtr, la situation financière actuelle de M. A______ était imputable à son état de santé précaire. Cette situation ne devait pas être considérée comme durable, vu les possibilités qu'auraient Mme M______ et M. J______ d'exercer une activité lucrative et de contribuer ainsi à l'entretien de la famille, en sus de ce que gagnerait également le fils aîné des recourants, M______, qui venait d'obtenir une autorisation de séjour. Ce dernier habitait du reste, avec sa cousine, l'appartement de trois pièces anciennement occupé par M. A______, et pourrait donc dans un premier temps accueillir le reste de sa fratrie.

Au regard de l'art. 8 CEDH, la vie familiale était gravement compromise depuis plusieurs années. Cela constituait précisément une circonstance particulière.

Par rapport enfin à l'examen du cas de rigueur, M. A______ ne pouvait plus envoyer que USD 100.- par mois à sa famille. Par ailleurs, le fait pour Mme R______ et ses trois fils d'être séparé de leur mari et père les affectait précisément de manière plus rigoureuse que leurs compatriotes vivant dans les mêmes conditions.

17. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La question qui se pose en l'espèce est celle du regroupement familial du bénéficiaire d'une autorisation de séjour de type B pour son épouse et trois de ses enfants âgés respectivement de 19, 16 et 14 ans et résidant actuellement en Ouganda, étant précisé que tous les membres de la famille sont originaires de Somalie.

3. En l'absence de tout traité international liant la Suisse à l'Ouganda ou à la Somalie en matière de droit des étrangers, la question est réglée par le droit interne suisse, à savoir les art. 42 ss LEtr.

Le regroupement familial des étrangers au bénéfice d'une autorisation de séjour est prévu par l'art. 44 LEtr. Selon cette disposition, qui ne confère pas un droit au regroupement familial (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_711/2010 du 1er avril 2011 consid. 1.2), l’autorité compétente peut octroyer une autorisation de séjour au conjoint étranger du titulaire d’une autorisation de séjour et à ses enfants célibataires étrangers de moins de 18 ans aux conditions suivantes :

a) ils vivent en ménage commun avec lui ;

b) ils disposent d’un logement approprié ;

c) ils ne dépendent pas de l’aide sociale.

Ces conditions sont cumulatives.

4. Dans le cadre de l'application de l'art. 44 LEtr, l'âge déterminant est celui de l'enfant au moment de la demande de regroupement familial (ATF 136 II 497 consid. 3.7), si bien que la situation des trois fils cadets de M. A______ est à cet égard semblable, le plus âgé des trois ans étant encore mineur au moment du dépôt de la demande en 2008.

5. S'agissant du caractère approprié du logement, le but de la norme est principalement de s'assurer que les étrangers admis en Suisse ne vivent pas dans des conditions contraires à la dignité (M. CARONI, in M. CARONI/ T. GÄCHTER/D. THURNHERR [éd.], Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer [AuG], Berne 2010, n. 11 ad art. 44 LEtr).

Selon les directives de l'ODM (http://www.bfm.admin.ch/content/ bfm/fr/home/dokumentation/rechtsgrundlagen/weisungen_und_kreisschreiben/auslaenderbereich/familiennachzug.html, consulté le 15 décembre 2011), un logement est considéré comme approprié lorsqu’il permet de loger toute la famille sans qu’il soit surpeuplé (ch. 6.4.2.2). Toujours selon ces directives - dont le contenu est partagé sur ce point par la doctrine (L. OTT, in M. CARONI/T. GÄCHTER/ D. THURNHERR [éd.], op. cit., n. 9 ad art. 24 LEtr ; A. ACHERMANN, Die « angemessene Wohnung » als Voraussetzung für den Familiennachzug, Begrenzungsmassnahme, Überregulierung oder Schutz ?, terra cognita 2004 56 ss, p. 59 ; M. S. NGUYEN, Droit public des étrangers, Berne 2003, p. 282) - il faut que le logement suffise pour tous les membres de la famille, une partie des autorités cantonales compétentes en matière d’étrangers se fondant sur le critère du nombre de pièces (nombre de personnes - 1 = taille minimale du logement - directives ODM, ch. 6.1.4), étant rappelé que si l'on retient le décompte genevois du nombre de pièces, ce dernier sera alors égal au nombre maximal d'occupants.

En l'espèce, M. A______ ne dispose que d'un studio, alors qu'il sollicite la venue dans son foyer de 4 personnes supplémentaires, dont aucun n'est un enfant en bas âge pouvant s'accommoder d'un espace plus réduit (M. S. NGUYEN, op. cit., ibid.). Il est donc manifeste que son logement n'est pas approprié au sens de l'art. 44 LEtr. Quant à la proposition contenue dans la réplique, de faire loger une partie des nouveaux arrivants dans le logement occupé par le fils aîné et la nièce de M. A______, elle contreviendrait quant à elle à la règle prévue à l'art. 44 let. a LEtr, à savoir le ménage commun des membres de la famille.

6. S'agissant de l'art. 44 let. c LEtr, il n'est pas contesté que M. A______ est en ce moment à charge de l'hospice, émargeant donc à l'aide sociale, et qu'il n'est ainsi pas à même d'assurer l'entretien de 4 personnes supplémentaires. Que cet état de choses soit induit en tout ou en partie par l'état de santé de l'intéressé ne change rien du point de vue de l'application de l'art. 44 LEtr.

C'est ainsi à juste titre que le jugement attaqué retient que les conditions de cette disposition légale ne sont pas remplies, et qu'un regroupement familial ne peut être admis à ce titre.

7. a. Selon l’art. 30 al. 1 let. b LEtr, il est possible de déroger aux conditions d’admission d’un étranger en Suisse pour tenir compte d’un cas individuel d’extrême gravité.

b. A teneur de l’art. 31 al. 1 de l’ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative du 24 octobre 2007 (OASA - RS 142.201), lors de l’appréciation d’un cas d’extrême gravité, il convient de tenir compte notamment :

a) de l’intégration du requérant ;

b) du respect de l’ordre juridique suisse par le requérant ;

c) de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants ;

d) de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation ;

e) de la durée de la présence en Suisse ;

f) de l’état de santé ;

g) des possibilités de réintégration dans l’Etat de provenance.

c. La jurisprudence développée au sujet des cas de rigueur selon le droit en vigueur jusqu’au 31 décembre 2007 (art. 13f de l’ordonnance limitant le nombre des étrangers du 6 octobre 1986 - aOLE) est toujours d’actualité pour les cas d’extrême gravité qui leur ont succédé. Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEtr et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel et les conditions pour la reconnaissance d’une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive (ATF 128 II 200 ; ATA/531/2010 du 4 avril 2010).

d. Pour admettre l’existence d’un cas d’extrême gravité, il est nécessaire que l’étranger concerné se trouve dans une situation de détresse personnelle. Cela signifie que ses conditions de vie et d’existence, comparées à celles applicables à la moyenne des étrangers, doivent être mises en cause de manière accrue, c’est-à-dire que le refus de soustraire l’intéressé à la règlementation ordinaire d’admission comporte pour lui de graves conséquences. Le fait que l’étranger ait séjourné en Suisse pendant une assez longue période, qu’il y soit bien intégré socialement et professionnellement et que son comportement n’ait pas fait l’objet de plaintes ne suffit pas, à lui seul, à constituer un cas d’extrême gravité ; il faut encore que sa relation avec la Suisse soit si étroite qu’on ne puisse exiger qu’il aille vivre dans un autre pays, notamment dans son pays d’origine. A cet égard, les relations de travail, d’amitié ou de voisinage que l’intéressé a pu nouer pendant son séjour ne constituent normalement pas des liens si étroits avec la Suisse qu’ils justifieraient une exception (ATF 124 II 110 consid. 3 ; Arrêts du Tribunal administratif fédéral C.6628/2007 du 23 juillet 2009 consid. 5 ; 2A.429/2003 du 26 novembre 2003 consid. 3, et les références citées ; ATA/648/2009 du 8 décembre 2009). Son intégration professionnelle doit en outre être exceptionnelle ; le requérant possède des connaissances professionnelles si spécifiques qu’il ne pourrait les utiliser dans son pays d’origine ; ou alors son ascension professionnelle est si remarquable qu’elle justifierait une exception aux mesures de limitation (Arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; ATA/639/2011 du 11 octobre 2011 ; ATA/774/2010 du 9 novembre 2010).

8. En l'espèce, la plupart des critères posés par l'art. 31 al. 1 OASA, ne revêtent aucun sens pour l'épouse et les trois fils cadets de M.A______, qui n'ont jamais vécu en Suisse. Comme par ailleurs leur état de santé est bon, que leur survie économique n'est assurée en l'état que par leur époux et père actuellement à l'aide sociale, que rien n'indique qu'ils sachent le français ou même une autre langue européenne, et que l'on ne sait rien de leur volonté de prendre part à la vie économique et d’acquérir une formation, on ne peut que conclure à l'absence de cas d'extrême gravité au sens des art. 30 al. 1 let. b LEtr et 31 al. 1 OASA.

Le recours doit dès lors être rejeté sur ce point.

9. L'art. 190 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) prévoit que le Tribunal fédéral et les autres autorités sont tenus d’appliquer les lois fédérales et le droit international.

Selon la jurisprudence, en cas de contrariété entre une loi fédérale et la Cst., l'autorité qui statue peut relever ladite contrariété, mais n'en doit pas moins appliquer la disposition de la loi fédérale en cause (ATF 135 II 384 consid. 3.1 et les arrêts cités).

En revanche, en cas de contrariété entre une loi fédérale et le droit international, en particulier les traités internationaux de protection des droits fondamentaux, le droit international prévaut en principe (ATF 133 V 367 consid. 11.1.1 ; 125 II 417 consid. 4c, et les arrêts cités).

10. Selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, il n'est possible de se prévaloir de l'art. 8 CEDH dans le cadre du regroupement familial que lorsque le membre de la famille résidant en Suisse dispose d'un droit de présence assuré, ce qui est le cas du national suisse, de l'étranger au bénéfice d'une autorisation d'établissement et de celui bénéficiant d'une autorisation de séjour dont il a droit au renouvellement (ATF 135 I 143 consid. 1.3.1 ; 130 II 281 consid. 3.1).

M. A______ est au bénéfice d'une autorisation de séjour, mais sans droit au renouvellement de celle-ci.

Il invoque que la jurisprudence précitée contrevient à la CEDH, en particulier à la jurisprudence récente de la CourEDH. Cette question peut toutefois rester ouverte, car même s'il est vrai que dans deux arrêts concernant la Suisse rendus en 2010, la CourEDH a abordé le fond des affaires - et même reconnu une violation de l'art. 8 CEDH - alors que les requérantes ne disposaient pas d'un droit de présence assuré au sens de la jurisprudence fédérale (ACEDH Mengesha Kimfe c. Suisse, du 29 juillet 2010, req. n° 24404/05, § 22, 49 et 61 ss ; Agraw c. Suisse, du 29 juillet 2010, req. n° 3295/06, § 34 et 44 ss), un examen concret de la situation ne permettrait pas d'aboutir à un constat de violation de la CEDH en l'espèce, pour les raisons qui suivent.

11. Selon la jurisprudence de la CourEDH, les demandes d'autorisation de séjour présentées dans le cadre du regroupement familial ont trait non seulement a la vie familiale, mais aussi a l’immigration, et les contestations élevées suite à un refus doivent être considérées comme relatives à une allégation de manquement de la part de l’Etat défendeur à une obligation positive (ACEDH Rodrigues da Silva et Hoogkamer c. Pays-Bas, Rec. 2006-I, req. no 50435/99, § 39 ; Ahmut c. Pays-Bas, 28 novembre 1996, Rec. 1996-VI, req. n° 21702/93, § 63).

Dans le contexte des obligations positives comme dans celui des obligations négatives, l’Etat doit ménager un juste équilibre entre les intérêts concurrents de l’individu et de la communauté dans son ensemble. Dans un cas comme dans l’autre, toutefois, l’Etat jouit d’une certaine marge d’appréciation (ACEDH Nunez c. Norvège, du 28 juin 2011, req. no 55597/09, § 69 ; Gül c. Suisse, du 19 février 1996, Recueil 1996-I, req. n° 23218/94, § 38).

De surcroît, l’art. 8 CEDH n’emporte pas une obligation générale pour un Etat de respecter le choix par des immigrants de leur pays de résidence et d’autoriser le regroupement familial sur le territoire de ce pays (ACEDH Ahmut c. Pays-Bas, du 28 novembre 1996, Rec. 1996-VI, req. n° 21702/93, § 67) ; il ne consacre pas le droit de choisir l'endroit le plus approprié à la poursuite de la vie familiale (DCEDH Adnane c. Pays-Bas, du 6 novembre 2011, req. n° 50568/99 ; Mensah c. Pays-Bas, du 9 octobre 2001, req. n° 47042/99). Dans une affaire qui concerne la vie familiale aussi bien que l’immigration, l’étendue des obligations pour l’Etat d’admettre sur son territoire des proches de personnes qui y résident varie cependant en fonction de la situation particulière des personnes concernées et de l’intérêt général (ACEDH Osman c. Danemark, du 14 juin 2011, req. n38058/09, § 54 ; Abdulaziz, Cabales et Balkandali c. Royaume-Uni, du 28 mai 1985, série A n94, § 67 et 68).

Les facteurs à prendre en considération dans ce contexte sont la mesure dans laquelle il y a effectivement entrave à la vie familiale, l’étendue des liens que les personnes concernées ont avec l’Etat contractant en cause, la question de savoir s’il existe ou non des obstacles insurmontables à ce que la famille vive dans le pays d’origine d’une ou plusieurs des personnes concernées et celle de savoir s’il existe des éléments touchant au contrôle de l’immigration ou des considérations d’ordre public pesant en faveur d’une exclusion (ACEDH Rodrigues da Silva et Hoogkamer c. Pays-Bas, req. no 50435/99, Rec. 2006-I, § 39 ; DCEDH Margoul c. Belgique, du 15 novembre 2011, req. n° 63935/09).

12. En l'espèce, M. A______ et les autres recourants vivent séparés depuis plus de dix ans. Ces derniers n'ont aucun lien avec la Suisse et ne parlent aucune langue nationale. En outre, des considérations d'ordre public militent contre le regroupement familial, étant précisé que la CourEDH considère le fait d'être au chômage ou à l'assistance publique comme un facteur négatif (ACEDH Gezginci c. Suisse, du 9 décembre 2010, req. n° 16327/05, § 76).

Dès lors, même si le refus de regroupement familial constitue effectivement une entrave à la vie de famille, et que l'on ne peut exiger des recourants qu'ils mènent leur vie familiale en Somalie, pays d'où ils sont tous originaires, on ne peut considérer que ledit refus consacre une violation de l'art. 8 CEDH.

13. Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté. Aucun émolument ne sera mis à la charge des recourants, ceux-ci étant au bénéfice de l’assistance juridique. Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 4 août 2011 par Madame R______ et Monsieur A______ et leurs enfants J______, D______ et S______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 juin 2011 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d'indemnité ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Gian Luigi Berardi, avocat des recourants, au Tribunal administratif de première instance, à l'office cantonal de la population, ainsi qu'à l'office fédéral des migrations.

Siégeants : M. Thélin, président, Mme Hurni, M. Verniory, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

C. Derpich

 

le président siégeant :

 

 

Ph. Thélin

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 

 

 


Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

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Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.