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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1927/2022

JTAPI/585/2023 du 25.05.2023 ( LCI ) , ADMIS PARTIELLEMENT

Descripteurs : DROIT D'ÊTRE ENTENDU;REMISE EN L'ÉTAT;AMENDE;CONTRÔLE DES TRAVAUX;FIXATION DE L'AMENDE
Normes : LCI.129.ale; LCI.130; LCI.137.al1.letc
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1927/2022 LCI

JTAPI/585/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 25 mai 2023

 

dans la cause

 

Madame A______, représentée par Me Jacques-Alain BRON, avocat, avec élection de domicile

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

 


EN FAIT

1.             À l'occasion d'un transport sur place organisé le 12 octobre 2021 par le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), dans le cadre d'une procédure relative à la parcelle n° 1______ de la commune de F______, opposant Madame A______ au département du territoire (ci-après : DT ou le département), le conseil de cette dernière avait relevé la présence de constructions (véranda et agrandissement de la villa) sur la parcelle n° 2______ à l'adresse route de G______.

2.             Après examen de la situation par l'inspection de la construction de l'office des autorisations de construire (ci-après : OAC), il est ressorti des orthophotos SITG que la véranda datait d'avant 2001 et l'agrandissement de la villa de 2012-2015.

3.             En avril 2020, Monsieur C______, mandataire de la propriétaire de la parcelle d'alors (B______ SA), a déposé une demande de régularisation portant sur les deux objets précités, laquelle a été renvoyée d'entrée par le département, la procédure accélérée n'étant pas celle appropriée.

4.             Un dossier d'infraction a été ouvert sous le numéro I/3______.

5.             Mme A______ a acquis la parcelle n° 2______ en date du 2 juin 2020.

6.             Par plis séparés du 19 novembre 2021, le département a invité M. C______, B______ SA ainsi que Mme A______ à se déterminer sur les éléments précités, dans un délai de dix jours.

7.             En date du 24 novembre 2021, B______ SA a expliqué au département que la parcelle n° 2______ avait été vendue dans l'intervalle à Mme A______, de sorte qu'elle n'avait pas cherché à poursuivre la procédure de régularisation des constructions, ce dont elle avait informé la nouvelle propriétaire.

8.             Le 6 décembre 2021, Mme A______ a indiqué au département qu'elle avait le projet de démolir la véranda. Elle sollicitait un délai jusqu'à l'été suivant pour intégrer cette démolition dans un projet de rénovation plus complet.

9.             Le 3 janvier 2022, Mme A______ a requis, par le biais de son mandataire, Monsieur E______, un avis d'ouverture de chantier notamment pour la démolition de la véranda non autorisée et la mise en conformité.

10.         Par décision du 14 janvier 2022, le département a imparti un délai de nonante jours à Mme A______ pour procéder au rétablissement d'une situation conforme au droit, en exécutant la démolition de la véranda. Un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque de cette remise en état devait lui parvenir dans le même délai. En cas de non-respect de la présente décision et/ou à défaut de réception des éléments précités dans les délais impartis, elle s'exposait à toutes nouvelles mesures et/ou sanction justifiée par la situation.

11.         Par décision du 6 mai 2022, le département a infligé une amende de CHF 500.- à Mme A______ au motif que cette dernière ne s'était pas conformée à l'ordre précité dans la mesure où les preuves de l'exécution demandées, sous forme de reportage photographique, ne lui étaient pas parvenues dans le délai imparti.

Par ailleurs, il lui était ordonné, dans un nouveau délai de trente jours à compter de la réception de la présente, de fournir un reportage photographique ou tout autre élément attestant de manière univoque de la bonne exécution de son ordre, lui rappelant, qu’à défaut, elle s’exposait à toutes nouvelles mesures et/ou sanction justifiées par la situation.

12.         Par courriel du 11 mai 2022, l'architecte de Mme A______ a informé le département que les travaux de remise en état avaient été réalisés en avril et qu'il avait omis de transmettre le reportage photographique exigé. Il demandait également la reconsidération de la décision précitée.

Il transmettait en pièce jointe des photographies datées du 11 mai 2022.

13.         Le 20 mai 2022, le département a accusé réception des éléments reçus le 11 mai 2022, lesquels attestaient du rétablissement d'une situation conforme au droit. La procédure d'infraction I/3______ était désormais classée.

Par ailleurs, il maintenait sa décision du 6 mai 2022, laquelle pouvait être contestée par la voie du recours ordinaire.

14.         Par acte du 9 juin 2022, Mme A______, sous la plume de son conseil, a recouru auprès du tribunal contre la décision du 6 mai 2022, concluant, principalement, à son annulation. Subsidiairement, elle a conclu à la réduction du montant de l'amende à CHF 100.- ; le tout sous suite de frais et dépens.

La loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05) ne comportait pas de base légale pour amender un administré qui n'envoyait pas des photos à temps afin d'établir une remise en conformité effectuée dans le délai imparti, comme en l'espèce. Le respect du droit d'être entendu aurait exigé un rappel avant la prise de la décision querellée. La décision violait en outre le principe de proportionnalité dès lors que le montant de l'amende ne pouvait pas être le même pour la violation de l'ordre de démolition et le non-envoi des photographies en attestation la réalisation, la gravité de la faute n'étant manifestement pas la même.

15.         En date du 8 juin 2022, la recourante a payé l'amende de CHF 500.-.

16.         Le 18 août 2022, le département a transmis son dossier au tribunal accompagné de ses observations. Il concluait à la forme, à l'irrecevabilité du recours et au fond à son rejet.

La recourante avait payé l'amende prononcée en date du 26 juin 2022, postérieurement au dépôt de son recours. Elle ne présentait dès lors plus d'intérêt digne de protection actuel à l'annulation de la décision.

La décision du 14 janvier 2022 imposait un délai de nonante jours à la recourante pour remettre en état la parcelle et pour fournir un reportage photographique univoque prouvant la démolition. Or en date du 6 mai 2022, soit plus de nonante jours après la notification de la décision précitée, aucune preuve de la réalisation de la remise en état de la parcelle n'avait été communiquée au département. Dès lors elle ne s'était pas conformée à un ordre du département. La faute de la recourante était donc avérée et le principe de prononcé d'une amende ne pouvait qu'être confirmé.

Dans un arrêt 1C_557/2019 du 21 avril 2020, le Tribunal fédéral avait déjà eu l'occasion de juger concernant l'ordre de déposer une autorisation de construire, lequel n'était pas non plus prévu expressément à l'art. 129 LCI, que dans la mesure où la mesure litigeuse se rapportait à une obligation qui pouvait être déduite de la loi (dans le cas d'espèce, la démonstration de la remise en état), il n'était pas nécessaire que celle-ci repose sur une base légale expresse, l'habilitation à la prononcer résultant déjà du droit matériel.

Au regard du principe de la légalité, le DT pouvait valablement ordonner à la propriétaire de lui communiquer un reportage photographique attestant de la remise en état demandée, de sorte que la sanction infligée était fondée. L'art. 137 al. 1 let. c LCI visait expressément les contrevenants aux « ordres donnés par le département dans les limites de la présente loi ». Il était légitimé à amender la recourante en date du 6 mai 2022 pour ne pas s'être conformée à son ordre. Ce d'autant plus que la décision du 14 janvier 2022 réservait expressément toute mesure ou sanction en cas de non-respect de celui-ci.

Dans son courriel du 11 mai 2022, l'architecte avait affirmé que la remise en état de la parcelle avait été réalisée entre le 4 et le 8 avril 2022, soit juste avant l'échéance du délai de nonante jours, sans toutefois en apporter la preuve. Restait donc ouverte la question de savoir si la remise en état, elle-même, avait bien été réalisée dans le délai imparti, ce qui n'avait pas été prouvé par la recourante.

En ce qui concernait le droit d'être entendu, il ne conférait pas celui de se prononcer au préalable sur les mesures administratives que l'autorité administrative prévoyait d'ordonner, mais uniquement celui de se déterminer sur la situation du cas d'espèce. Or, le 19 novembre 2021, l'autorité avait permis à la recourante de se déterminer sur les faits constatés, ce que cette dernière avait fait par courrier daté du 6 décembre 2021. Il peinait ainsi à saisir pour quelle raison il aurait dû entendre la recourante avant de rendre sa décision alors qu'il était clairement établi que le délai était échu et que l'ordre de remise en état n'avait pas été respecté. D'ailleurs, la recourante avait été expressément avertie du fait qu'une sanction pouvait lui être infligée à défaut de réception des éléments cités dans la décision. Partant, le droit d'être entendu de la recourant n'avait pas été violé.

Enfin le montant de l'amende était proportionné.

Deux amendes distinctes n'avaient pas été notifiées à la recourante, dès lors le département ne comprenait pas sur quelle base de comparaison la recourante appuyait en l'espèce son grief. Il ne pouvait être retenue aucune violation du principe de proportionnalité sur la base de données abstraites, une amende pouvant parfaitement se justifier dans la mesure où il s'agissait dans les deux cas de violation d'un ordre du département. En l'espèce, l'aptitude et la nécessité de la sanction étaient données, puisqu'il s'agissait d'assurer le respect des ordres du département, en réprimant la violation commise par un administré. En outre, en infligeant une amende d'un montant de CHF 500.-, il était resté dans la fourchette très basse de ce qui lui était possible de décider et il ne pouvait pas lui être reproché une quelconque violation du principe de proportionnalité. Enfin, le montant de l'amende ne semblait pas propre à occasionner des difficultés financières particulières à la recourante, non seulement au vu de son montant modeste, mais également car elle ne les invoquait pas.

17.         Le 13 septembre 2022, la recourante a répliqué. Le paiement de l'amende avait été effectué par erreur et son remboursement demandé au département par courrier du 12 septembre produit en annexe. Elle conservait ainsi un intérêt au recours.

L'arrêt du Tribunal fédéral cité par le DT, se référait à un ordre de déposer une demande d'autorisation de construire pour régulariser une situation illicite, ce qui était bien différent de l'ordre donné en l'espèce, de transmettre un dossier photographique prouvant une absence d'infraction.

L'ordre litigieux ne consistait pas en une mesure propre à rétablir une situation conforme au droit mais en une inversion du fardeau de la preuve afin d'établir qu'une infraction précédemment constatée n'existait plus. Or, rien de tel n'était prévu dans la LCI. Pour le surplus, elle persistait dans les arguments de son recours.

18.         Le 7 octobre 2022, le département a dupliqué persistant dans son argumentation.

19.         Le 26 janvier 2023, le tribunal a imparti un délai au 6 février 2023 à la recourante pour qu'elle lui transmette tous les éléments susceptibles de prouver que la démolition de la véranda de l'immeuble concerné avait été effectuée dans le délai imparti par le DT.

20.         Le 6 février 2023, la recourante a transmis divers documents attestant de la démolition de la véranda.

Il s'agissait d'un courriel du 11 mai 2022 de M. E______, lequel précisait que la véranda litigieuse avait fini d'être démolie le 8 avril 2022, avec en annexes, des photos et un avis d'ouverture du chantier du 3 janvier 2022. Des factures des acomptes demandés par l'entreprise s'étant occupée de la démolition, datées des 31 mars et 29 avril 2022, ont également été jointes.

21.         Le 1er mars 2023, le département s'est déterminé.

Les pièces précitées, déjà connues du département, n'étaient pas à même de prouver que les travaux de démolition avaient été réalisés dans le délai imparti. Les demandes d'acomptes des factures produites ne constituaient aucunement une preuve de leur mise en œuvre et encore moins de la date des travaux. Pour le surplus, le département persistait dans son argumentation.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la LCI (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143 et 145 al. 1 LCI).

2.             La recevabilité du recours suppose que son auteur dispose de la qualité pour recourir.

3.             À teneur de l’art. 60 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), a qualité pour recourir toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

4.             Cette notion de l'intérêt digne de protection correspond aux critères exposés à l'art. 89 al. 1 let. c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), que les cantons sont tenus de respecter en application de la règle d'unité de la procédure figurant à l'art. 111 al. 1 LTF (arrêt du Tribunal fédéral 1C_91/2018 du 29 janvier 2019 consid. 3.1 ; ATF 138 II 162 consid. 2.1.1 ; 135 II 145 consid. 5).

L'intérêt digne de protection représente tout intérêt pratique ou juridique à demander la modification ou l'annulation de la décision attaquée. Il consiste donc dans l'utilité pratique que l'admission du recours apporterait au recourant, en lui évitant de subir un préjudice de nature économique, idéale, matérielle ou autre que la décision attaquée lui occasionnerait. Il implique que le recourant doit se trouver dans une relation spéciale, étroite et digne d'être prise en considération avec l'objet de la contestation et qu'il soit touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés de manière à empêcher l'action populaire (ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; 139 II 499 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_91/2018 précité consid. 3.1).

Cet intérêt suppose aussi qu'il soit actuel (cf. ATF 144 IV 81 consid. 2.3.1 ; 142 I 135 consid. 1.3.1 ; 139 I 206 consid. 1.1 ; 138 II 42 consid. 1 ; 135 I 79 consid. 1 ; ATA/1094/2020 du 3 novembre 2020 consid. 2 ; ATA/201/2017 du 16 février 2017 consid. 2). L’existence d’un intérêt actuel s’apprécie non seulement au moment du dépôt du recours, mais aussi lors du prononcé de la décision sur recours (ATF 137 I 296 consid. 4.2). Si l’intérêt actuel n’existe pas lors du dépôt du recours, celui-ci est déclaré irrecevable. S’il s’éteint pendant la procédure, le recours, devenu sans objet, doit être simplement rayé du rôle (ATF 139 I 206 consid. 1.1 ; 138 II 42 consid. 1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_61/2017 du 29 mars 2017 consid. 1.2 ; ATA/73/ 2017 du 31 janvier 2017 consid. 2c).

5.             En l'espèce, la recourante a exposé que le paiement de l'amende résultait d'une erreur et qu'elle en a demandé le remboursement, ce que le DT ne conteste pas.

Dans ces conditions, l'intérêt actuel de la recourante existe et le recours est recevable sur ce point. Pour le surplus, interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 LPA.

6.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd. Schulthess 2018, p. 179-180 n. 515).

7.             La recourante estime que son droit d'être entendue n'aurait pas été respecté puisque, à son sens, un rappel aurait dû lui être signifié avant de la sanctionner.

Tel que garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 6 par. 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), qui n’a pas de portée différente dans ce contexte, le droit d’être entendu comprend, notamment, le droit pour l’intéressé de prendre connaissance du dossier, de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 II 218 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 et les arrêts cités).

Selon la doctrine, le droit d'être entendu comprend avant tout le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu'une décision ne soit prise à son détriment, de prendre connaissance des pièces du dossier, de faire administrer des preuves sur des faits importants pour la décision envisagée, de participer à l'administration de l'ensemble des preuves d'en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd. Schulthess 2018, p. 519 n. 1528).

8.             Dans le cas d'espèce, le département a laissé la possibilité à la recourante, par courrier du 19 novembre 2021, de se déterminer sur les faits constatés lors du transport sur place, ce qu'elle a fait par courrier du 6 décembre 2021. De plus, dans sa décision du 14 janvier 2022, le département l'a clairement avisée qu'une sanction et/ou toute mesure pourrait lui être infligée si elle ne lui adressait pas, dans le délai imparti, un reportage photographique. La recourante était ainsi parfaitement informée des conséquences que pouvait entrainer le non-respect de l'ordre prononcé. Dans ces conditions, le département n'était à l'évidence pas tenu de signifier en plus un rappel à la recourante avant de la sanctionner.

Ce grief est dès lors rejeté.

9.             Ensuite, la recourante fait valoir que le principe de la légalité aurait été violé, la LCI ne prévoyant pas de base légale pour fonder le prononcé d'une amende à l'encontre d'un administré qui n'envoie pas un reportage photographique à temps afin d'établir une remise en conformité qui aurait été effectuée dans les temps.

10.         Lorsque l'état d'une construction, d'une installation ou d'une autre chose n'est pas conforme aux prescriptions de la LCI, des règlements qu'elle prévoit ou des autorisations délivrées en application de ces dispositions légales ou réglementaires, le département peut notamment en ordonner la remise en état, la réparation, la modification, la suppression ou la démolition (art. 129 let. e et 130 LCI). Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 LCI (art. 131 LCI). Le département notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu'il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu'il n'invoque l'urgence (art. 132 al. 1 LCI).

11.         La compétence du département de contrôler l'application de la législation sur les constructions, ainsi que d'en faire observer les règles, comprend celle d'exiger la production de documents permettant précisément de contrôler l'observation de ces règles. L'habilitation du département résulte du droit matériel (cf. arrêts 1C_523/2021 du 14 avril 2023 consid. 2.3 ; 1C_557/2019 du 21 avril 2020 consid. 2.4; cf. ATF 123 II 248 consid. 4b; cf. Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd. Schulthess 2018, p. 400 et 410 n. 1157 et 1200). 

12.         Partant, dès lors que le département est compétent pour ordonner la remise en état, la modification, la suppression ou la démolition de constructions, d'installations ou d'autres choses non conformes au droit (cf. art. 129 et 130 LCI), il devait pouvoir exiger de la propriétaire la production de documents permettant de vérifier la conformité des travaux réalisés à la règlementation applicable.  

13.          L'art. 137 al. 1 LCI prévoit qu'est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à CHF 150'000.- tout contrevenant à la présente loi (let. a), aux règlements et arrêtés édictés en vertu de la présente loi (let. b), aux ordres donnés par le département dans les limites de la présente loi et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci (let. c). Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction. Constituent notamment des circonstances aggravantes la violation de la loi par cupidité, les cas de récidive et l'établissement, par le mandataire professionnellement qualifié ou le requérant, d'une attestation au sens de l'art. 7 LCI non conforme à la réalité (art. 137 al. 3 LCI).

14.         L'art. 137 al. 1 let. c LCI érige la contravention aux ordres donnés par le département en infraction distincte de la contravention à la LCI et à ses règlements d'application (let. a et b). De par sa nature, cette infraction est très proche de celle visée par l'art. 292 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), soit l'insoumission à une décision de l'autorité, qui, d'une part, constitue un moyen d'exécution forcée, dans la mesure où elle permet d'exercer une certaine pression sur le destinataire d'une injonction de l'autorité, afin qu'il s'y conforme, et, d'autre part, en tant que disposition pénale, revêt un caractère répressif (cf. ATA/147/2014 du 11 mars 2014 consid. 11 ; Aude BICHOVSKY, in Commentaire romand du Code pénal II, n. 2 ad art. 292 p. 1887).

15.         Les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/508/2020 du 26 mai 2020 consid. 4 ; ATA/206/2020 du 25 février 2020, consid. 4b ; ATA/13/2020 du 7 janvier 2020, consid. 7b).

16.         En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), il y en effet lieu de faire application des dispositions générales (art. 1 à 110) du CP, sous réserve de celles qui concernent exclusivement le juge pénal (comme notamment les art. 34 ss, 42 ss, 56 ss, 74 ss, 106 al. 2 et 3 et 107 CP ; ATA/422/2020 précité ; ATA/440/2019 précité ATA/313/2017 précité).

La punissabilité du contrevenant exige que celui-ci ait commis une faute. Selon la jurisprudence constante, l'administration doit faire preuve de sévérité afin d'assurer le respect de la loi et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende. La juridiction de céans ne la censure qu'en cas d'excès ou d'abus. Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. – RS 101) ; ATA/206/2020 précité, consid. 4c ; ATA/13/2020 précité, consid. 7c et les références citées).

L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l'auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/440/2019 précité ; ATA/319/2017 précité consid. 3d).

Enfin, le mandant doit endosser la responsabilité des actes de son mandataire (ATA/260/2014 du 15 avril 2014 ; ATA/135/2011 du 1er mars 2011 consid. 10).

17.         En l'espèce, en ne produisant pas le reportage photographique requis par le DT, visant à mettre un terme à un dossier d'infraction ouvert, et propre à démontrer qu'elle s'était conformée à l'ordre de remise, en état entré en force - dans le délai imparti - la recourante ne s'est pas conformée aux ordres du département.

Concernant l'appréciation de la culpabilité de la recourante, il doit être admis qu'en sa qualité de propriétaire, elle connaissait ses obligations concernant la mise en conformité de sa propriété et la production du reportage photographique prouvant sa bonne mise en conformité. C'est en outre, en vain, qu'elle fait valoir que l'omission négligente de produire le reportage photographique a été commise par son mandataire dans la mesure où elle en endosse la responsabilité. Partant, elle a assurément commis une faute justifiant d'être sanctionnée.

Pour le surplus, la recourante n'invoque aucun élément susceptible de justifier l'absence de production du reportage photographique dans le délai ou justifiant une transmission tardive.

En tout état, la recourante ne parvient pas à démontrer, à défaut d'éléments probants, que les travaux de remise en conformité ont été réalisés dans le délai imparti, étant noté que ni l'avis d'ouverture de chantier ni les factures des acomptes demandés ne permettent d'établir la date de la réalisation de la mise en conformité.

18.         Le principe de l'amende est donc acquis.

19.         Reste à déterminer si la quotité de l'amende respecte le principe de proportionnalité. La jurisprudence précise que le département jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour en fixer le montant et le tribunal ne la censure qu’en cas d’excès. Sont pris en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de la proportionnalité (ATA/604/2022 du 7 juin 2022 consid. 8a ; ATA/19/2018 du 9 janvier 2018 consid. 9d, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_80/2018 du 23 mai 2019).

L’amende doit respecter le principe de la proportionnalité (ATA/894/2022 du 6 septembre 2022 consid. 8g et les références citées), lequel commande que la mesure étatique soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et qu’elle soit raisonnable pour la personne concernée (ATF 140 I 257 consid. 6.3.1). Ainsi, la décision prononcée doit être apte à produire les résultats escomptés (règle de l’aptitude), que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) et qu’il existe un rapport raisonnable entre le but d’intérêt public recherché par cette mesure et les intérêts privés en cause (ATA/917/2021 du 7 septembre 2021 consid. 8a).

20.         En l'espèce, le tribunal relèvera d'abord que la recourante n'a aucun antécédent en matière d'infraction à la LCI. De plus, elle a clairement manifesté au DT son intention de démolir la véranda dans ses déterminations du 6 décembre 2021, soit avant même que l'autorité ne le lui ordonne le 14 janvier 2022. En outre, il n'est pas contesté que la démolition de cette véranda a été effectuée et que son mandataire a finalement transmis le reportage photographique en question, le 11 mai 2022.

Au vu de tous ces éléments, le tribunal de céans considère que si une sanction pouvait certes être infligée pour cette infraction, en l'occurrence de peu de gravité, le montant de l'amende prononcée de CHF 500.- apparait excessif au vu des circonstances. Par conséquent, il y a lieu de ramener l'amende à CHF 200.- plus conforme au principe de proportionnalité.

21.         Il résulte de ce qui précède que le recours sera partiellement admis.

22.         Vu cette issue, un émolument réduit de CHF 250.- sera mis à la charge de la recourante, dès lors qu'elle n'obtient que partiellement gain de cause (art. 87 al.1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnité en procédure administrative du 30 juillet 1986 – RFPA – E 5 10.03). Il est couvert par l'avance de frais. Le solde de l'avance de frais, soit CHF 100.-, lui sera restitué.

Une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de l'autorité intimée, sera par ailleurs allouée à la recourante (art. 87 al. 2 LPA et 6 RFPA).

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 9 juin 2022 par Madame A______ contre la décision du département du territoire du 6 mai 2022 ;

2.             l'admet partiellement ;

3.             réforme l'amende prononcée le 6 mai 2022 à l'encontre de Madame A______ en la réduisant au montant de CHF 200.- ;

4.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 250.-, lequel est couvert par l'avance de frais et ordonne la restitution, en sa faveur, du solde de son avance de frais de CHF 100.- ,

5.             alloue à Madame A______, à la charge du département du territoire, une indemnité de procédure de CHF 500.- ;

6.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST, présidente, Julien PACOT et Saskia RICHARDET VOLPI, juges assesseurs.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

La greffière