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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1389/2023

JTAPI/475/2023 du 28.04.2023 ( MC ) , CONFIRME

REJETE par ATA/493/2023

Descripteurs : MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS);DÉTENTION AUX FINS D'EXPULSION
Normes : LEI.75.al1.letc; LEI.76.al1.letb.ch1; LEI.80.al4; LEI.81.al2
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1389/2023 MC

JTAPI/475/2023

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 28 avril 2023

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Francesco MODICA, avocat, avec élection de domicile

 

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Depuis 2013, Monsieur A______, né le ______ 1986 et originaire de Guinée (alias B______, né le ______ 1985 et originaire de Côte d'Ivoire), a été condamné à neuf reprises, en particulier pour entrées illégales, séjours illégaux, contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup - RS 812.121), opposition aux actes de l'autorité, dommages à la propriété et non-respect d'une assignation à un lieu de résidence ou d'une interdiction de pénétrer dans une région déterminée, la dernière condamnation prononcée à son encontre, le 8 octobre 2021, ayant été assortie d'une mesure d'expulsion du territoire suisse pour une durée de trois ans, mesure que l'autorité administrative compétente a décidé de ne pas reporter.

2.             Dans le cadre des Accords Dublin, l'intéressé – qui avait déposé en Suisse une demande d'asile, laquelle a fait l'objet d'une décision de non-entrée en matière et de renvoi - a été renvoyé au Portugal – État Dublin responsable – à six reprises, la dernière fois le 17 mars 2021, après avoir été placé en détention administrative à cette fin.

3.             Revenu sur le territoire helvétique, M. A______ - désormais en possession d'un passeport guinéen et d'un titre de séjour en Espagne - a été arrêté, le 25 mars 2023, par les forces de l'ordre genevoises alors qu'il était en possession de six boulettes de cocaïne d'un poids total de 5,3 gr ainsi que de quatre sachets de marijuana d'un poids total de 10 gr. Entendu par les enquêteurs, il s'est refusé à toute déclaration. Il ne s'est ainsi prévalu d'aucun lieu de résidence fixe en Suisse, ni d'aucun lien particulier avec ce pays, ni non plus d'aucune source légale de revenu. Il a été prévenu, notamment, de rupture de ban et de trafic de stupéfiants ; la procédure relative à cette affaire est actuellement pendante auprès du Ministère public.

4.             L'intéressé faisant l'objet d'une parution RIPOL pour un ordre d'écrou, il a été acheminé à la prison de Champ-Dollon en vue de l'exécution d'une peine privative de liberté.

5.             Le 26 avril 2023, le Tribunal d'application des peines et des mesures a ordonné la libération conditionnelle de M. A______, pour le jour même.

6.             L'intéressé a été remis entre les mains des services de police en vue de son refoulement.

7.             Le 26 avril 2023, à 19h45, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée de six semaines.

Les démarches en vue de la réadmission de l'intéressé en Espagne étaient en cours d'organisation.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il était d'accord de retourner en Espagne. Il n'était pas en bonne santé et suivait un traitement contre la dépression.

8.             Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal) le même jour.

9.             Par courrier adressé par voie électronique au tribunal le 27 avril 2023, le conseil de M. A______ a requis la tenue d'un transport sur place à Favra, où était détenu son client, afin que le tribunal constate que les conditions de détention y étaient déplorables et inadaptées et qu'il ne pouvait y accueillir des détenus administratifs.

10.         Le même jour, le commissaire de police a transmis au tribunal une copie du formulaire de la demande de réadmission concernant l'intéressé.

11.         Le même jour également, le conseil de M. A______, évoquant la dépression dont souffrait son client et l'intervention d'un médecin lors de son audition devant le commissaire de police le 26 avril 2023, a sollicité du tribunal qu'il ordonne à l'Unité médicale de Champ-Dollon, l'apport du dossier médical de son mandant, subsidiairement l'audition d'un médecin de cette Unité lors de l'audience du 28 courant. Il a joint à son courrier une levée de secret médical signée par son client.

12.         Le même jour, suite à la requête du tribunal, le commissaire de police lui a transmis le rapport d'intervention du 26 avril 2023 établi par le médecin ayant examiné M. A______ lors de son audition précitée.

Le commissaire de police s'est également prononcé sur la requête de transport sur place, concluant à son rejet.

13.         Entendu ce jour par le tribunal, M. A______ a déclaré qu'il était d'accord de retourner en Espagne. Il a confirmé que sa femme était enceinte de huit mois, et qu'elle était prête à accoucher. C'était son premier enfant et il souhaitait vivement pouvoir assister à sa naissance. Il souffrait de dépression et depuis qu'il avait été incarcéré à Champ-Dollon, il prenait des anxiolytiques. Il souffrait de savoir que son épouse souffrait de son absence. Depuis qu'il était à Favra, on ne lui avait pas donné ses médicaments. Il avait été placé dans la cellule n° ______, juste à côté de celle qu'occupait le contraint qui s'était récemment suicidé. Pour lui, c'était très difficile de se trouver à côté de cette cellule, cela lui faisait peur et d'ailleurs, il n'avait pas osé aller prendre sa douche ce matin à l'étage. Cette nuit, il avait très mal dormi et s'était réveillé à plusieurs reprises. Il pensait sans arrêt à ce suicide, qui l'empêchait de dormir. Il avait demandé à être changé de cellule sans succès. Depuis son arrivée à Favra le jeudi 27 avril 2023 vers 11h, il n'avait pas vu d'infirmier ou d'infirmière. Il avait également été surpris d'être transféré à Favra car il croyait que cet établissement était fermé. Il a relevé également qu'il avait dû passer une nuit à Carl-Vogt après sa sortie de Champ-Dollon, ce qui n'était pas normal. À ce jour, on ne lui avait pas encore indiqué qu'il pouvait disposer d'un accès internet. Cette possibilité ne figurait pas dans le règlement de l'établissement. Il tenait également à souligner que cet établissement était sale et qu'il y avait vu des cafards.

La représentante du commissaire de police a confirmé que la demande de réadmission avait été adressée aux autorités espagnoles, lesquelles disposaient d'un délai de vingt-quatre heures pour se déterminer, voire de quatre jours si elles avaient des doutes sur l'autorisation de séjour dans leur pays de l'intéressé. Une fois obtenu l'accord des autorités espagnoles, une place à bord d'un avion devant reconduire l'intéressé en Espagne serait réservée en tenant compte du délai d'annonce pour le vol, devant permettre aux autorités espagnoles d'enregistrer sa réadmission. Une dizaine de jours devrait être nécessaire pour exécuter le renvoi de M. A______. Elle a confirmé que M. A______ était détenu dans l'établissement de Favra. Concernant d'éventuels soins médicaux, elle a rappelé qu'un médecin pour les affections somatiques se rendait à Favra tous les mercredis et qu'un médecin psychiatre s'y rendait un vendredi sur deux. En cas d'urgence, il était fait appel à une équipe médicale mobile. Dès lors que les visites du psychiatre avaient lieu le vendredi matin, elle n'était pas en mesure de dire s'il pourrait voir M. A______ le jour-même. Il était exact que la chambre administrative avait procédé à un transport sur place cette semaine. Son arrêt devrait être rendu très rapidement. Elle a conclu à la confirmation de l'ordre de mise en détention administrative prononcé le 26 avril 2023 à l'encontre de M. A______, tant dans son principe que dans sa durée.

Les conseils de M. A______ ont plaidé et conclu à l'annulation de l'ordre de mise en détention administrative du 26 avril 2023 et à sa libération immédiate. L'illicéité des conditions de la détention de M. A______ au sein de cet établissement mise en exergue dans le cadre des procédures ayant conduit aux jugements du tribunal du 20 avril 2023, la violation de l'art. 3 CEDH que consacrait une telle détention, l'atteinte à la santé de leur client, les événements du 8 avril 2023, l'absence d'indication relatif à l'accès à Internet à leur client devaient conduire à la libération immédiate de ce dernier.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 - LEI - RS 142.20 ; anciennement dénommée loi fédérale sur les étrangers - LEtr ; 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 26 avril 2023 à 18h45.

3.            Le tribunal se prononce au terme d'une procédure orale (art. 9 al. 5 LaLEtr) ; il peut confirmer, réformer ou annuler la décision du commissaire de police ; le cas échéant, il ordonne la mise en liberté de l'étranger (art. 9 al. 3 LaLEtr).

4.            À titre préalable, M. A______ sollicite un transport du tribunal à Favra de même que l'apport de son dossier médical en mains de l'Unité médicale de Champ-Dollon.

5.            Le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_507/2021 du 13 juin 2022 consid. 3.1). L’autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références citées). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

6.            En l’espèce, le prononcé de mesures d’instruction se concilie mal avec les délais impératifs et très brefs imposés par la loi en matière de mesures de contrainte, étant rappelé que le tribunal doit rendre le présent jugement, ce jour encore. De plus, s’agissant des problématiques constatées par les différentes organisations qui se sont rendues sur place et qui ressortent en particulier du document de la C______, elles sont connues des juridictions administratives et leur réalité n’est pas contestée. En outre, les conditions et modalités d’exécution de la détention à Favra ont longuement été débattues devant le tribunal le 18 avril 2023 dans le cadre des procédures (A/1240/2023 et A/1262/2023) ayant conduit aux jugements du 20 avril 2023 (JTAPI/423/2023 et JTAPI/422/2023) publiés sur le site du Pouvoir judiciaire.

Le tribunal estime dès lors disposer des éléments nécessaires pour statuer en toute connaissance de cause et il ne sera pas donné suite aux actes d’instruction requis.

7.            La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH (cf. ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 Cst., ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.1 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.1).

8.            À teneur de l'art. 76 al. 1 let. b ch. 1 LEI (cum art. 75 al. 1 let. c LEI), après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0), l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée notamment si elle a franchi la frontière malgré une interdiction d’entrer en Suisse et n'a pu être renvoyée immédiatement. Il découle de la jurisprudence qu'une décision d'expulsion pénale au sens des art. 66a ou 66abis CP vaut comme interdiction d'entrée pour la durée prononcée par le juge pénal (ATA/615/2022 du 9 juin 2022 consid. 2a ; ATA/730/2021 du 8 juillet 2021 consid. 4 ; ATA/179/2018 du 27 février 2018 consid. 4).

9.            Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 36 Cst., se compose des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de la personne concernée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

Il convient dès lors d'examiner, en fonction des circonstances concrètes, si la détention en vue d'assurer l'exécution d'un renvoi au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH est adaptée et nécessaire (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1 ; 2C_420/2011 du 9 juin 2011 consid. 4.1 ; 2C_974/2010 du 11 janvier 2011 consid. 3.1 ; 2C_756/2009 du 15 décembre 2009 consid. 2.1).

10.        En l'occurrence, M. A______ fait l'objet d'une décision d'expulsion de Suisse prononcée le 8 octobre 2021 pour une durée de trois ans. L’intéressé est revenu sans droit en Suisse, pendant la période d’interdiction démontrant, par ce comportement, son total mépris des ordres et décisions prises à son encontre. En outre, le renvoi n'était pas possible immédiatement, dès lors que l'accord préalable des autorités espagnoles est nécessaire. Les conditions d’une détention administrative sont dès lors fondées sur la base de l’art. 75 al. 1 let. c LEI par renvoi de l’art. 76 al. 1 let. b ch.1 LEI, sans qu'il soit nécessaire d'examiner si la détention se justifierait également pour un autre motif.

Sous l'angle du principe de proportionnalité, il est évident, vu la violation de la mesure d'expulsion prononcée à son encontre, que seule une détention administrative permettra de s'assurer de sa présence au moment où la prochaine exécution de son expulsion aura lieu. L’assurance de son départ de Suisse répond par ailleurs à un intérêt public certain.

11.        Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi doivent être entreprises sans tarder par l'autorité compétente (art. 76 al. 4 LEI). Il s'agit, selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt 2A.581/2006 du 18 octobre 2006 ; cf. aussi ATA/315/2010 du 6 mai 2010 ; ATA/88/2010 du 9 février 2010 ; ATA/644/2009 du 8 décembre 2009 et les références citées).

12.        En l'espèce, ayant sans attendre entrepris les démarches nécessaires en vue de sa réadmission en Espagne, préalable nécessaire avant la réservation d'une place à bord d'un avion, la police a en l'état respecté son obligation découlant de l'art. 76 al. 4 LEI.

13.        Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l’accord de l’autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l’autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l’obtention des documents nécessaires au départ auprès d’un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

En outre, la durée de la détention administrative doit respecter le principe de la proportionnalité (ATF 125 I 474 consid. 3 et les arrêts cités ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/752/2012 du 1er novembre 2012 consid. 7).

Compte tenu de ces circonstances, il se justifie de confirmer la détention administrative M. A______ pour la durée décidée de six semaines, qui respecte le cadre légal fixé par l'art. 79 al. 1 LEI et n'apparaît pas d'emblée inadéquate ou excessive. Il ne peut à cet égard être fait abstraction du fait que, malgré l'accord de réadmission la liant à la Suisse, l'Espagne n'est pas forcément toujours en mesure de respecter le délai de réponse prévu par celui-ci. Néanmoins, il y a tout lieu de penser que l'exécution de son renvoi pourra être organisée et avoir lieu avant cette échéance. La portée d'une telle durée apparaît ainsi relative.

14.        Faisant référence aux récents jugements du tribunal (JTAPI/422/2023 et JTAPI/423/2023) des 20 avril 2023, M. A______ soutient que sa détention à Favra serait illicite et il conclut à sa libération immédiate. Il invoque les conditions indignes de sa détention dans des locaux sales, le fait qu'il serait placé dans une cellule jouxtant celle dans laquelle un contraint a récemment mis fin à ses jours, qu'il n'aurait pas été informé qu'il pouvait avoir accès à Internet et qu'on lui aurait refusé les anxiolytiques dont il aurait besoin compte tenu de sa dépression.

15.        Selon l'art. 80 al. 4 LEI, l'autorité judiciaire qui examine la décision de détention, de maintien ou de levée de celle-ci, tient compte de la situation familiale de la personne détenue et des conditions d'exécution de la détention.

16.        À teneur de l’art. 81 al. 2 LEI, la détention a lieu dans un établissement servant à l’exécution de la détention en phase préparatoire, de la détention en vue du renvoi ou de l’expulsion ou de la détention pour insoumission. Si ce n’est exceptionnellement pas possible, notamment pour des raisons de capacités, les étrangers doivent être détenus séparément des personnes en détention préventive ou purgeant une peine. La forme de la détention doit tenir compte des besoins des personnes à protéger, des mineurs non accompagnés et des familles accompagnées d’enfants (al. 3). En outre, les conditions de détention sont régies : a. pour les cas de renvois à destination d’un pays tiers: par les art. 16, al. 3, et 17 de la directive 2008/115/CE240; b. pour les cas liés à un transfert Dublin: par l’art. 28, al. 4, du règlement (UE) no 604/2013241 (…) (al. 4).

17.        Si les conditions de détention ne respectent pas les exigences légales, il appartient au juge d'ordonner les mesures qui s'imposent ou – s'il n'est pas possible d'assurer une détention conforme à la loi dans les locaux de l'établissement de détention préventive – de faire transférer à bref délai le recourant dans d'autres locaux. Si la situation légale n'est pas rétablie dans un délai raisonnable, le recourant doit être libéré (ATF 122 II 299 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 5.2).

18.        Dans ses deux jugements du 20 avril 2023, le tribunal a rappelé que la légalité de la détention administrative au sein de l’établissement de Favra avait été régulièrement confirmée par la chambre administrative, la dernière fois le 16 mars 2023 (ATA/268/2023).

Il a souligné que cela étant, sur ordre de la chambre administrative, Favra s’était vu impartir un délai au 16 janvier 2023 pour installer une connexion internet (ATA/1218/2022 du 6 décembre 2022), étant rappelé qu’un tel accès pouvait être limité (ATA/83/2023 du 26 janvier 2023 consid. 9.4). Cet arrêt faisait suite à un arrêt récent du Tribunal fédéral, destiné à la publication, dans lequel ce dernier avait analysé les conditions de détention administrative d’une personne étrangère détenue dans l’établissement de Moutier et considéré qu’il était important que les personnes en détention administrative puissent conserver des liens sociaux et des contacts avec leur pays d’origine, et par voie de conséquence qu’elles devraient avoir accès à internet. Un refus généralisé à un accès internet dans le cadre de la détention administrative, contraire aux recommandations internationales, ne se justifiait pas et constituait une restriction de la liberté d’opinion et d’information qui n’était pas imposée par le but de la détention et n’était pas proportionnée. En l’occurrence, l’absence d’accès à internet violait la liberté d’opinion et d’information du recourant et allait au-delà de ce qui paraissait nécessaire pour le but de détention des mesures de contrainte relevant du droit des étrangers. La restriction n’était justifiée ni par les exigences du fonctionnement de l’établissement ni pour des raisons de sécurité (arrêt du Tribunal fédéral 2C_765/2022 du 13 octobre 2022 consid. 5.2 et 5.4 et les références citées).

Il a également relevé que dans l'ATA/1218/2022, la chambre administrative retenait qu’à Favra, les détenus pouvaient notamment circuler librement, avaient un accès 24h/24h à un appareil téléphonique, pouvaient accéder à une salle de sport, bénéficier d’une promenade extérieure de 7h30 à 19h et recevoir des visites « librement et sans surveillance » à raison de deux heures par semaine, leur permettant une vie sociale beaucoup plus étendue que celle des personnes en détention dans l’établissement de Moutier, qui subissaient un enfermement en cellule dix-huit heures par jour (consid. 8f).

Il a pour le surplus considéré s’agissant des conditions de l’exécution de la détention de l'étranger concerné, que, comme retenu par la jurisprudence, Favra, qui était un établissement destiné à la détention administrative, satisfaisait aux exigences légales de l'art. 81 LEI en matière de respect des personnes détenues administrativement. Il bénéficiait notamment d'un service médical approprié, pourvoyant aux soins ambulatoires et d'urgence (cf. art. 18 al. 2 CEDA et art. 20 RFavra).

Il a encore rappelé que l'objectif de la mise en détention administrative était de permettre l'exécution du renvoi ou de l'expulsion. En aucun cas, la décision de placer un étranger en détention, dans ces conditions, ne contrevenait par elle-même au droit à la vie garanti par l’art. 2 § 1 CEDH et à l’interdiction de la torture, des traitements inhumains ou dégradants garantie par l’art. 3 CEDH (cf. ATA/431/2019 du 11 avril 2019 consid. 4c ; ATA/184/2017 du 15 février 2017, consid. 10b).

S’agissant des critiques liées à l’infrastructure, son manque d’hygiène, son inadéquation et sa vétusté, les carences relevées ne sauraient en effet, en soi et prises individuellement, amener le tribunal à considérer que sa détention administrative à Favra était incompatible avec la dignité humaine.

En revanche, il a estimé que dans les deux cas qu'il avait à trancher « leur cumul et l’exacerbation de leur impact du fait de l’écoulement du temps et/ou d’évènements externes, tels ceux du 8 avril 2023, étaient problématiques ».

19.        C'est ainsi en prenant en compte les circonstances toutes particulières des situations qui lui étaient soumises qu'il a considéré que les conditions et modalités de la détention des intéressés à Favra posaient problème et, en particulier, les exposeraient à une détresse d’une intensité qui excédait le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention si elles devaient perdurer. À cela s’ajoutait l’absence d’accès à Internet, puisque Favra n’avait pas donné suite à l’injonction de la chambre administrative dans ce sens, qui violait sa liberté d’opinion et d’information et impliquait qu’ils soient transférés dans un lieu qui satisfaisait à l’exigence précitée, de sorte qu'il a ordonnée le transfert des intéressés dans un autre établissement de détention administrative dans un délai de cinq jours.

20.        À ce stade, il n'y a pas lieu de s'écarter des jugements précités, étant toutefois relevé qu'ils font l'objet de recours actuellement pendant devant la chambre administrative.

21.        Partant, dès lors que selon les récentes informations de l'OCPM un accès à Internet est désormais garanti à Favra, ce dont M. A______ est désormais informé et que les soins ambulatoires et d'urgences y sont assurés, il n'apparait pas que les conditions de M. A______, détenu administrativement depuis le 26 avril 2023 contreviennent aux exigences légales et jurisprudentielles. Le fait que sa cellule jouxte celle ayant été le théâtre du drame rappelé plus haut, peut être regretté mais ne saurait à lui seul justifier sa mise en liberté. Quant à sa demande de médicaments, elle devrait pouvoir être transmise sans délai au personnel médical, lequel pourra sans tarder les prescrire si son état de santé le requiert. Ainsi, dans les présentes circonstances, soit en particulier la durée de sa détention et la nécessité pour les autorités suisses de s’assurer de son départ, l’intéressé ne saurait se prévaloir de la pénibilité de sa détention administrative, pour s’opposer à celle-ci et exiger sa mise en liberté.

22.        Au vu de ce qui précède, il y a lieu de confirmer l'ordre de mise en détention administrative de M. A______ pour une durée de six semaines.

23.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au secrétariat d'État aux migrations.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             confirme l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 26 avril 2023 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée de six semaines, soit jusqu'au 6 juin 2023, inclus ;

2.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

 

Au nom du Tribunal :

La présidente

Caroline DEL GAUDIO-SIEGRIST

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le 28 avril 2023

 

La greffière