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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/555/2023

ATA/268/2023 du 16.03.2023 sur JTAPI/229/2023 ( MC ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/555/2023-MC ATA/268/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 16 mars 2023

en section

 

dans la cause

 

Monsieur A______ recourant
représenté par Me Catarina Monteiro Santos, avocate

contre


OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 février 2023 (JTAPI/229/2023)


EN FAIT

A. a. Par jugement du 28 février 2023, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a prolongé la détention administrative de Monsieur A______ pour une durée de cinq mois, soit jusqu'au 2 août 2023 inclus.

b. Par acte expédié le 6 mars 2023 à la chambre administrative de la Cour de justice, M. A______, agissant en personne, a recouru contre ce jugement. Malgré sa volonté de retourner en Algérie, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) lui demandait de se présenter au Consulat d’Algérie pour obtenir un laissez-passer jusqu’au mois de juin 2023, ce qu’il trouvait « assez sévère ».

c. Une avocate ayant été nommée d’office pour assister le recourant dans ses démarches judiciaires, tant de première instance que de recours, celle-ci a été interpellée par la chambre administrative en vue de compléter l’argumentaire de son client.

d. Par courrier du 10 mars 2023, l’avocate a confirmé la volonté de son client de recourir contre le jugement précité. Elle a conclu, au nom de celui-ci, à l’annulation du jugement et, principalement, à sa mise en liberté immédiate. Préalablement, son audition devait être ordonnée. Subsidiairement, le recourant a conclu qu’il soit enjoint à ne pas quitter le canton de Genève et, plus subsidiairement, à ce que sa détention administrative soit limitée au 30 juin 2023.

e. Le commissaire de police a conclu à la confirmation du jugement.

f. Dans sa réplique, le recourant a rajouté deux chefs de conclusions « plus subsidiaires », tendant à ce que sa détention administrative soit limitée au 31 mars 2023, respectivement au 30 avril 2023.

g. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

B. a. Monsieur A______, né le ______ 1971 – alias Monsieur B______, né le ______ 1971 –, est originaire d'Algérie.

b. Il est arrivé en Suisse en 2019 et s'est présenté sous son alias, M. B______.

c. Les 10 mars 2019, 8 juin 2019 et 1er avril 2020, il a été condamné – sous son alias – par ordonnances pénales du Ministère public pour dommage à la propriété, lésions corporelles simples et entrée et séjours illégaux. Le prévenu était célibataire, sans domicile fixe, démuni de revenus et sans aucune attache avec la Suisse.

d. Il a fait l’objet d’une interdiction d’entrée dans l’ensemble du canton, notifiée le 21 juin 2019, valable du 14 juin 2019 jusqu'au 13 juin 2022.

e. Le 16 juin 2020, les Pays-Bas ont rejeté la demande de reprise en charge de l'intéressé qui leur avait été soumise par la Suisse.

f. Par courriel du 29 juin 2020, le secrétariat d'État aux migrations (ci-après: SEM), a informé la police genevoise que l'intéressé avait déclaré être retourné dans son pays d'origine à la fin de l'année 2017 et qu'il n'était dès lors pas possible d'envoyer une demande de réexamen aux Pays-Bas. Le dossier de M. A______ devait être traité par les autorités cantonales en vue d'un renvoi dans son pays d'origine.

g. Le 12 octobre 2021, le SEM a informé l’OCPM que l'intéressé avait été identifié par les autorités algériennes sous le nom de M. A______, né le ______ 1971 à Alger. Un entretien consulaire devait avoir lieu avant la réservation d'une place sur un vol. À l'issue de celui-ci, une place pourrait être réservée auprès de swissREPAT dont la date devait être communiquée trente jours ouvrables auparavant. À réception du laissez-passer par le SEM, le document serait envoyé directement à swissREPAT.

h. Le 19 novembre 2022, M. A______ a été incarcéré à la prison de Champ-Dollon pour purger plusieurs condamnations.

i. Le 22 novembre 2022, l'OCPM a informé le SEM que M. A______ était en détention pénale et l’a prié de poursuivre le processus d'identification et d'obtention d'un document de voyage.

j. Par courriel du 29 novembre 2022, le SEM a proposé aux autorités genevoises de présenter M. A______ aux auditions consulaires de l'Algérie le 21décembre 2022.

k. M. A______ n'a finalement pas pu être présenté, mais est demeuré sur la liste d'attente pour le canton de Genève.

l. Il a été libéré de sa détention pénale le 23 décembre 2022.

m. Le même jour, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative pour une durée de quatre mois, en application des art. 76 al. 1 let. b ch. 3 et 4 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20). Les démarches relatives à l'organisation d'un entretien avec le Consul d'Algérie en vue de la délivrance d'un laissez-passer se poursuivaient.

M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi en Algérie.

n. Par courriel du 26 décembre 2022, le commissaire de police a indiqué au SEM que M. A______ était détenu administrativement et que, dès lors, il demandait que ce dossier soit traité de manière prioritaire.

C. a. Outre la procédure pénale précitée, M. A______ a fait l’objet, le 6 juillet 2020, d’un arrêt de la Chambre pénale d'appel et de révision de la Cour de justice ordonnant son expulsion judiciaire pour une durée de trois ans.

b. Le 18 novembre 2022, il a été interpellé, démuni de documents d'identité, après qu'il se fut montré violent avec une employée de l'association « C______ », à la suite du refus de celle-ci de le laisser entrer dans les locaux.

Selon le rapport d’arrestation, M. A______ lui aurait craché dessus, et un agent de sécurité aurait été très légèrement blessé après avoir expulsé M. A______ des locaux de l'association. Les recherches dans les bases de données de la police ont révélé qu’il faisait l'objet de trois mandats d’arrêt pour une peine privative de liberté totale de quarante-sept jours ou CHF 1'010.- de jours-amende.

c. M. A______ a contesté s'être battu avec l'agent de sécurité et a déclaré qu'il voulait récupérer certaines de ses affaires restées dans l'association du temps où il y logeait. Il était démuni d'argent et ne pouvait pas payer la peine de jours-amende à laquelle il avait été condamné. Il n'était pas au courant de l'expulsion judiciaire et des trois ordres d’exécution de peine. Il a refusé de répondre aux autres questions posées par la police lors de son interrogatoire

d. Par jugement du 14 avril 2021, M. A______ a été condamné par le Tribunal de police (ci-après : TP) pour rupture de ban, voies de fait et dommage à la propriété.

e. Deux procédures pénales supplémentaires ont été ouvertes en 2021 par le Ministère public à l'encontre de M. A______ pour rupture de ban, violation de domicile et vol simple, lesquelles sont actuellement en cours.

D. a. Entendu le 27 décembre 2022 par le TAPI, M. A______ a déclaré qu’il ne s’opposait plus à son renvoi en Algérie, ayant changé d’avis, et qu'il était d’accord d’être présenté aux autorités algériennes afin qu'elles puissent délivrer un laissez-passer. Il n'avait pas de documents d'identité. Il avait été logé à Genève, soit chez une amie, soit dans un foyer de l'Armée du Salut, et avait vécu grâce à des aides d'associations et d'amis. Il n'avait pas quitté Genève depuis 2019. Lors de son interrogatoire le 19 novembre 2022, la police avait répondu à sa place et lui avait fait signer deux documents. Il avait été auditionné par le Ministère public le 5 décembre 2022 pour une procédure pénale concernant une rupture de ban et cette procédure avait été renvoyée au TP. Il avait également reçu un jugement du TP le 30 juin 2022, pour des infractions de rupture de ban et de séjour illégal contre lequel son conseil avait fait appel.

b. Le commissaire de police a indiqué que la police avait demandé aux autorités algériennes que M. A______ soit entendu prioritairement. Entre l'audition par les autorités algériennes, la délivrance du laissez-passer et la date d'un vol, il fallait compter en tous cas trente jours.

c. Le 27 décembre 2022, le TAPI a confirmé l’ordre de mise en détention administrative pour une durée de dix semaines, soit jusqu'au 2 mars 2023 inclus.

M. A______ faisait l’objet d’une décision d’expulsion judiciaire de Suisse prononcée en juillet 2020 pour une durée de trois ans et de très nombreuses condamnations. Il n’avait jamais entrepris la moindre démarche en vue de se soumettre à la décision d’expulsion. Il s’était présenté sous une fausse identité et avait indiqué lors son audition du 23 décembre 2022 qu’il s’opposait à son renvoi de Suisse ; le fait qu'il avançât pour la première fois, manifestement pour les besoins de la cause, ne plus être opposé à retourner en Algérie, ne permettait pas de considérer qu'il serait désormais disposé à collaborer à son départ. Il était sans domicile fixe en Suisse, sans source de revenu et sans attaches particulières à Genève. Il n’avait pas l’intention de se soumettre aux décisions des autorités, et le risque qu’il disparaisse dans la clandestinité était avéré, étant rappelé que seul un renvoi à destination de l’Algérie était possible, puisqu’il s’agissait du seul pays dans lequel M. A______ était autorisé à se rendre. Les autorités avaient par ailleurs agi avec diligence et célérité. La durée de la détention de quatre mois paraissait toutefois disproportionnée et était réduite à dix semaines.

d. Il ressort d’un courriel du 6 janvier 2023 d’une collaboratrice du service de retour de l’OCPM au commissaire de police qu’elle s’était entretenue avec M. A______ à l’établissement de FAVRA la veille. Elle l’avait informé qu’afin d’accélérer les démarches, il pouvait prendre contact avec son Ambassade. Il lui avait répondu qu’il voulait réfléchir et en discuter avec son avocate avant d’entreprendre des démarches.

E. a. Par requête du 17 février 2023, l’OCPM a sollicité la prolongation de la détention administrative de M. A______ pour une durée de six mois, exposant que l'intéressé serait présenté à une prochaine audition consulaire de l'Algérie qui devrait intervenir d'ici au mois de juin 2023. Un vol pourrait ensuite être organisé.

b. Lors de l'audience, qui s’est tenue le 28 février 2023 devant le TAPI, M. A______ a déclaré se nommer en réalité B______. Il s'était toujours présenté ainsi. Le commissaire de police avait changé son nom le 23 décembre 2022. La date de naissance était également fausse, puisqu'il était né le ______ 1978, et non en 1971. Il n'avait toutefois aucun document d'identité.

L'OCPM s'est référé à un courrier du SEM du 12 octobre 2021, indiquant que l'intéressé avait été identifié par les autorités algériennes en tant que M. A______, né le ______ 1971.

M. A______ a rajouté avoir essayé de joindre les autorités algériennes pour obtenir des documents d'identité. Il était tombé à chaque fois sur une boîte vocale. Il avait envoyé un courrier à l'Ambassade, il y avait environ deux mois, mais n'avait pas reçu de réponse. Il n'avait pas fait de copie de ce courrier. Il a confirmé être toujours d'accord de retourner en Algérie.

Son avocate a précisé qu'elle avait également tenté de contacter téléphoniquement l’Ambassade d’Algérie, mais était tombée sur une boîte vocale. Elle s'est engagée à effectuer elle-même des démarches auprès de l'Ambassade pour essayer de faire accélérer les choses.

L'OCPM a précisé qu’il y avait audience consulaire chaque mois, mais que la liste d'attente était longue au vu du nombre de personnes devant y être présentées par les cantons. Il avait toutefois indiqué au SEM que le dossier était prioritaire. Quand la demande venait des autorités suisses, les autorités algériennes ne faisaient pas de distinction entre le fait que leur ressortissant était volontaire ou pas, mais si M. A______ contactait lui-même son Ambassade pour attester du fait qu’il était volontaire, la procédure irait plus vite et les autorités algériennes délivreraient immédiatement un laissez-passer.

Le conseil de M. A______ a remis ses extraits de compte au 1er novembre 2022, montrant qu'il avait travaillé au centre de détention de Favra et qu'il pouvait en partie financer son billet de retour. M. A______ a précisé avoir obtenu en totalité plus de CHF 1'000.-.

c. Dans son jugement, le TAPI a retenu qu’en l’absence de changement de circonstances depuis le jugement du 27 décembre 2022, les conditions de la détention administrative demeuraient remplies. Malgré les démarches que l’intéressé indiquait avoir entreprises auprès de son Ambassade, il n'avait toujours pas de document de voyage qui lui permettait de retourner à ce jour en Algérie, de sorte que seul le rendez-vous consulaire que les autorités suisses étaient en train d'organiser permettraient un tel retour.

Les démarches entreprises par les autorités en vue d’exécuter l'expulsion continuaient à l'être avec diligence et célérité puisque l'intéressé serait présenté à la prochaine audience consulaire de l'Algérie qui devrait intervenir d'ici au mois de juin 2023, étant encore précisé qu'elles avaient interpellé le SEM afin de l’informer de l’importance de pouvoir le présenter prioritairement aux autorités algériennes. La durée de la détention de six mois paraissait toutefois disproportionnée et était réduite à cinq mois, soit jusqu’au 2 août 2023 inclus, cette durée permettant la présentation de M. A______ aux autorités algériennes et le temps suffisant pour obtenir ensuite un laissez-passer et une place sur un vol pour l’Algérie. Si, cependant, les autorités ne parvenaient pas à finaliser toutes ces démarches, elles pourraient demander la prolongation de la détention.

F. a. Dans son complément de recours, M. A______ a exposé qu’il était toujours disposé à rentrer en Algérie. Son avocate avait encore pris contact avec l’Ambassade de ce pays le 10 mars 2023 pour obtenir un laissez-passer en vue de son renvoi. Il recevait régulièrement la visite de son amie, Madame D______, qui l’avait hébergé et soutenu financièrement. Celle-ci s’était engagée à l’héberger à nouveau, le temps qu’il reçoive son laissez-passer, comme cela ressortait de son courrier du 10 mars 2023.

Il vivait très mal sa détention administrative et ne dormait quasiment plus. Il avait cessé de se nourrir depuis le 20 février 2023 et allait débuter une grève de la faim le 10 mars 2023 en signant le formulaire idoine qui lui serait fourni par les médecins de l’établissement pénitentiaire.

Il avait suffisamment collaboré lors de la détention administrative. Il était d’accord de se présenter au rendez-vous consulaire, de collaborer afin que le processus de retour s’accélère, notamment en contactant à plusieurs reprises son ambassade. L’absence de réaction de celle-ci ne lui était pas imputable.

Il était contradictoire de considérer en décembre 2022 que la durée de la détention requise de quatre mois était disproportionnée pour la réduire à six semaines, puis deux mois plus tard de la prolonger de cinq mois supplémentaires. En cas de libération, il serait hébergé par son amie dans l’attente du laissez-passer. Il existait des mesures moins coercitives, notamment le fait de l’obliger à se présenter régulièrement à une autorité jusqu’à son départ en Algérie et à ne pas quitter le canton. Si le principe de la détention était confirmé, il convenait de réduire sa durée à trois mois, soit jusqu’au 30 juin 2023, l’OCPM ayant indiqué que sa présentation aux autorités algériennes se ferait d’ici à fin juin 2023.

b. L’OCPM a relevé qu’à la suite de son insistance pour que le dossier du recourant soit traité de manière prioritaire, il était possible que l’audition par l’Ambassade d’Algérie puisse avoir lieu le 23 mars 2023, pour autant qu’une place supplémentaire se libère. Si tel n’était pas le cas, cette audition aurait vraisemblablement lieu en avril 2023, sans qu’il puisse cependant le garantir.

Le fait que le TAPI, dans son précédent jugement, avait violé le principe de l’interdiction de l’insuffisance qui avait empêché que l’administré puisse être présenté aux autorités consulaires ne s’opposait pas à la prolongation de la détention tenant dûment compte des difficultés, notoires, d’exécution des décisions de renvoi vers l’Algérie.

c. Dans sa réplique, le recourant a indiqué que rien n’empêchait la chambre administrative de constater qu’il avait changé d’avis et souhaitait désormais rentrer en Algérie. Il avait collaboré ayant pris contact par téléphone et instruit son avocate d’écrire à son Ambassade. Invoquant l’art. 317 al. 2 du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272), il a exposé qu’il convenait de tenir compte de ces faits nouveaux.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Selon l'art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr – F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 7 mars 2023 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3.             Le recourant sollicite, à titre préalable, son audition.

3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 132 II 485 consid. 3.2). Ce droit n'empêche pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

3.2 En l'espèce, le recourant a eu l’occasion de s’exprimer oralement devant le commissaire de police et le TAPI. Il a pu exposer son point de vue devant la chambre de céans dans son recours, le complément de recours et sa réplique. Il a, en outre, pu produire toutes les pièces utiles. Il n’explique pas en quoi son audition permettrait d’apporter d’autres éléments utiles à la solution du litige.

Il ne sera donc pas procédé à son audition.

4.             Le recourant estime qu’au regard de sa collaboration à l’exécution de son renvoi, les conditions légales de la détention administrative ne sont pas remplies.

4.1 La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101 ; ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 Cst., ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale.

4.2 Après notification d'une décision de première instance de renvoi ou d'une décision de première instance d'expulsion au sens des art. 66a ou 66abis CP, l'autorité compétente peut, afin d'en assurer l'exécution, mettre en détention la personne concernée lorsque des éléments concrets font craindre que la personne entend se soustraire au renvoi ou à l'expulsion, en particulier parce qu'elle ne se soumet pas à son obligation de collaborer en vertu de l'art. 90 LEI (art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI), ou encore si son comportement permet de conclure qu'elle se refuse à obtempérer aux instructions des autorités (art. 76 al. 1 let. b ch. 4 LEI). Les ch. 3 et 4 de l'art. 76 LEI décrivent tous deux les comportements permettant de conclure à l'existence d'un risque de fuite ou de disparition (arrêt du Tribunal fédéral 2C_128/2009 du 30 mars 2009 consid. 3.1).

4.3 Selon la jurisprudence, un risque de fuite – c'est-à-dire la réalisation de l'un des deux motifs précités – existe notamment lorsque l'étranger a déjà disparu une première fois dans la clandestinité, qu'il tente d'entraver les démarches en vue de l'exécution du renvoi en donnant des indications manifestement inexactes ou contradictoires ou encore s'il laisse clairement apparaître, par ses déclarations ou son comportement, qu'il n'est pas disposé à retourner dans son pays d'origine. Comme le prévoit expressément l'art. 76 al. 1 let. b ch. 3 LEI, il faut qu'il existe des éléments concrets en ce sens (ATF 140 II 1 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_381/2016 du 23 mai 2016 consid. 4.1 ; 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.2 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.2).

4.4 En l’espèce, le recourant a fait l’objet d’une décision d’expulsion le 6 juillet 2020 pour une durée de trois ans ainsi que de plusieurs condamnations, notamment pour séjour illégal et rupture de ban, étant demeuré à Genève malgré l’interdiction de pénétrer dans le canton valable jusqu’au 13 juin 2022. Par ailleurs, il n’a, depuis ses premières interpellations, notamment pour séjour illégal et infractions à la LEI et les condamnations y relatives, entrepris aucune démarche en vue de quitter la Suisse et se conformer à ces décisions. Au contraire, il s’est présenté sous une fausse identité, compliquant ainsi son identification. Le 23 décembre 2022, il a encore indiqué qu’il s’opposait à son renvoi de Suisse.

Il soutient désormais qu’il aurait changé d’avis, qu’il désirait collaborer à l’exécution de son renvoi et avait instruit son avocate de se mettre en contact avec l’Ambassade d’Algérie en vue de faciliter son renvoi. Toutefois, il n’expose pas sur quels motifs repose cette volte-face, se prévalant uniquement de sa déclaration devant le TAPI le 27 décembre 2022 lors de laquelle il a indiqué qu’il ne s’opposait plus à son renvoi. Il ressort cependant du dossier que le 6 janvier 2023, il a dit à une collaboratrice du service de retour de l’OCPM l’informant qu’afin d’accélérer les démarches, il pouvait prendre contact avec son Ambassade, qu’il voulait réfléchir et en discuter avec son avocate. À teneur du dossier, aucune démarche documentée n’a été entreprise par ses soins auprès de l’Ambassade d’Algérie avant le 10 mars 2023. En outre, alors que, selon les informations transmises par le SEM, les autorités algériennes l’avaient identifié comme A______, né le ______ 1971 à Alger, le recourant a déclaré lors de l’audience du 28 février 2023 devant le TAPI qu’il se nommait B______, né le ______ 1978, remettant ainsi en cause le constat des autorités algériennes.

Au vu de ces éléments, il ne peut être accordé de crédit aux récentes déclarations du recourant relatives à sa volonté de quitter la Suisse. Par ailleurs, il est sans domicile fixe, sans aucune ressource financière mis à part son pécule d’environ CHF 730.- et n’a pas d’attaches particulières en Suisse. L’amie disposée à l’accueillir le temps qu’il reçoive un laissez-passer ne fait, en particulier, pas état d’une relation sentimentale.

Compte tenu de qui précède, son comportement laisse apparaître qu’il n’a pas l’intention de retourner dans son pays et que le risque qu’il disparaisse dans la clandestinité est élevé.

Les conditions de la détention administrative sont donc remplies.

5.             Il convient encore d’examiner sur la détention administrative viole le principe de la proportionnalité.

5.1 Ce principe, garanti par l'art. 36 al. 3 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2).

5.2 Selon l'art. 79 al. 1 LEI, la détention en vue du renvoi ne peut excéder six mois au total. Cette durée maximale peut néanmoins, avec l'accord de l'autorité judiciaire cantonale, être prolongée de douze mois au plus, lorsque la personne concernée ne coopère pas avec l'autorité compétente (art. 79 al. 2 let. a LEI) ou lorsque l'obtention des documents nécessaires au départ auprès d'un État qui ne fait pas partie des États Schengen prend du retard (art. 79 al. 2 let. b LEI).

5.3 La détention doit être levée notamment si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles (art. 80 al. 6 let. a LEI). L'exécution du renvoi est impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêt du Tribunal fédéral 2C_984/2020 du 7 janvier 2021 consid. 4.1 et les références).

5.4 Les démarches nécessaires à l'exécution du renvoi ou de l'expulsion doivent être entreprises sans tarder (art. 76 al. 4 LEI ; « principe de célérité ou de diligence »). Il s'agit d'une condition à laquelle la détention est subordonnée (arrêt du Tribunal fédéral 2A.581/2006 du 18 octobre 2006). Le principe de célérité est violé si les autorités compétentes n'entreprennent aucune démarche en vue de l'exécution du renvoi ou de l'expulsion pendant une durée supérieure à deux mois et que leur inactivité ne repose pas en première ligne sur le comportement des autorités étrangères ou de la personne concernée elle-même (ATF 139 I 206 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1132/2018 du 21 janvier 2019 consid. 3.3).

5.5 En l’espèce, l’intérêt public à l’exécution du refoulement du recourant est certain, celui-ci ayant notamment commis à réitérées reprises des infractions et son expulsion judiciaire ayant été prononcée.

Vu son refus systématique de quitter la Suisse pour l’Algérie, ses affirmations récentes contraires, non crédibles, et le risque de fuite retenu ci-dessus, il est à craindre que le recourant se soustraira à l’exécution de son renvoi vers l’Algérie. Une mesure moins incisive, comme celle l’enjoignant à se présenter régulièrement à un poste de police jusqu’à sa présentation à l’Ambassade d’Algérie et l’octroi d’un laissez-passer, ne paraît pas apte à s’assurer de sa présence lors de cette présentation et au moment du départ de son vol pour l’Algérie. Seule sa détention permet d’atteindre ce but et s’avère nécessaire, compte tenu de la difficulté prévisible de l’exécution du renvoi en raison de son refus d’être renvoyé en Algérie et de sa contestation de son identité telle qu’établie par les autorités de son pays. L’intérêt public à son renvoi l’emporte également sur son intérêt privé à ne pas subir de détention administrative.

Les autorités suisses ont agi avec célérité, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté. Elles ont encore récemment insisté auprès de l’Ambassade d’Algérie pour que la présentation du recourant, nécessaire à l’octroi d’un laissez-passer en vue de l’exécution de son renvoi, se fasse prioritairement. L’appréciation du TAPI, faite dans son premier jugement, selon laquelle une durée de détention administrative de dix semaines était suffisante pour permettre la présentation du recourant à l’Ambassade d’Algérie s’est toutefois avérée trop optimiste.

L’OCPM a affirmé, de manière constante, que si les présentations auprès de l’Ambassade de l’Algérie n’avaient lieu qu’une fois par mois et que, bien qu’il ne dispose d’aucune garantie que celle du recourant puisse avoir lieu en mars 2023, elle devait en tout cas se faire d’ici à fin juin 2023. Partant, il n’y a, en l’état, pas de motif justifiant que la détention administrative soit prononcée au-delà de cette date. La durée de celle-ci sera ainsi réduite à quatre mois, soit au 2 juillet 2023. Cette durée est compatible avec la limite posée par l’art. 79 LEI.

Au vu de ce qui précède, le recours sera partiellement admis en tant que la détention administrative sera confirmée pour une durée de quatre mois, soit jusqu’au 2 juillet 2023.

6.             La procédure étant gratuite, aucun émolument ne sera perçu. Le recourant n’obtenant que partiellement gain de cause, une indemnité de procédure, réduite, de CHF 500.- lui sera allouée (art. 87 LPA).


* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 6 mars 2023 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 28 février 2023 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule le jugement précité en tant qu'il confirme l'ordre de mise en détention pour cinq mois, soit jusqu’au 2 août 2023 ;

confirme l'ordre de mise en détention pour une durée de quatre mois, soit jusqu'au 2 juillet 2023 ;

confirme le jugement attaqué pour le surplus ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue à Monsieur A______ une indemnité de procédure de CHF 500.-, à la charge de l’État de Genève (OCPM) ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Catarina Monteiro Santos, avocate du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations ainsi qu'à l'établissement Favra, pour information.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mmes Krauskopf et Michon Rieben, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. Marinheiro

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :