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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/1324/2022

JTAPI/1040/2022 du 05.10.2022 ( LDTR ) , REJETE

Descripteurs : AMENDE;PROPORTIONNALITÉ;FAUTE;TRAVAUX SOUMIS À AUTORISATION;PRINCIPE DE LA BONNE FOI
Normes : LCI.1; LCI.4; LCI.7; Cst.5; Cst.9.al3; LCI.129; LCI.130; LCI 137; LDTR.44.al1
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1324/2022 LDTR

JTAPI/1040/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 5 octobre 2022

 

dans la cause

 

A______ SA

 

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE

 


EN FAIT

1.             Mesdames et Monsieur B______, C______ et D______ sont copropriétaires de l'immeuble sis rue du E______ 1______, 2______ F______, parcelle n° 3______ de la commune de F______.

Cet immeuble de logements est géré par A______ SA (ci-après : la Régie) depuis le 1er juin 2015.

2.             Le 25 octobre 2021, la Régie a déposé, pour le compte des copropriétaires, une requête en autorisation de construire en procédure accélérée (APA) auprès du département du territoire (ci-après : DT ou le département), souhaitant entreprendre des travaux de rafraîchissement dans un appartement de 3 pièces au 2ème étage de l’immeuble susmentionné, lequel avait été loué jusqu'au 29 juillet 2021 par Madame G______, décédée quelques semaines auparavant.

Dans sa lettre d’accompagnement, elle relevait que ces travaux n’étaient pas soumis à la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), consistant uniquement en de l’entretien. De son avis, ils n’étaient pas non plus soumis à autorisation selon la loi sur les démolitions, transformations et rénovations de maisons d'habitation (mesures de soutien en faveur des locataires et de l'emploi) du 25 janvier 1996 (LDTR - L 5 20), si bien que le loyer après travaux ne devait pas être bloqué, ce qu’elle invitait le département à lui confirmer. Toutefois, comme l’office des autorisations de construire (OAC) était prêt à se déterminer sur la question de savoir si les travaux d’entretien étaient soumis à la LCI et/ou à la LDTR uniquement via une procédure APA, elle lui avait soumis cette question par ce biais, relevant toutefois que le dépôt d’une telle demande était coûteux et chronophage, au vu du nombre de documents à joindre, qu’elle annexait.

Les travaux de rafraîchissement prévus étaient les suivants :

Peinture : remise en état des peintures et papiers décollés ;

Carrelage : scellement des faïences et remise en état des joints dans la salle de bain et la cuisine ;

Parquet : réparation ponctuelle, ponçage et imprégnation des parquets et seuils ;

Sanitaire : contrôle des sanitaires, appareils et accessoires ;

Menuiserie : réglages et contrôle pour bonne fermeture, remplacement de la porte palière (suite à l’intervention de la police dans le cadre du décès de la locataire) ;

Agencement de la cuisine : contrôle et réparation des électroménagers ;

Electricité : mise aux normes de l'installation électrique (en l'occurrence remplacement des fils électriques de 1 mm interdits actuellement par des fils électriques de 1.6 mm imposés par la législation actuelle, remplacement des prises et interrupteurs) ;

Polluants : repérage des polluants, qui sont nécessaires pour tous travaux, soumis ou non à la LCI et/ou à la LDTR ;

Nettoyage après travaux.

Leur coût était estimé à CHF 29'040.-. Il s’agissait de travaux de pur entretien. L’appartement était exactement le même, la salle de bain et la cuisine étant toujours d’époque. Il avait été entretenu régulièrement, comme le démontrait la liste de tous les travaux effectués depuis sa reprise de la gérance de l’immeuble et le loyer était resté en-dessous du marché pendant de nombreuses années si bien qu'il s'agissait de le réadapter à ceux du quartier. Enfin, dans la mesure où les travaux envisagés n’étaient pas non plus soumis à autorisation selon la LCI, elle allait les débuter sans attendre.

3.             Les travaux ont été exécutés de fin octobre au 19 novembre 2021.

4.             Le 18 novembre 2021, l’OAC a transmis à la Régie un préavis de la direction des autorisations de construire (DAC) et un préavis de l'office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF), des 1er et 2 novembre 2021, lui demandant diverses pièces complémentaires. Un délai de 10 jours lui était imparti pour ce faire.

5.             Par courrier du 30 novembre 2021, la Régie a transmis au département les documents requis, soit en particulier le nouveau formulaire G01, Attestation de substances dangereuses dûment complété, le devis de l’entreprise de peinture. Elle a confirmé que les plans remise étaient justes, complété le formulaire D12 avec ses honoraires et divers imprévus. Elle n’avait pas les factures d’entretien de la salle de bain, celles-ci étant antérieures à 2015.

6.             Par courriel du 17 novembre 2021, le chef du service de l'inspection de la construction et des chantiers, se référant à sa conversation téléphonique du même jour avec le gérant technique de la Régie, a confirmé avoir pris note que les travaux étaient réalisés et terminés. Se référant à un autre appartement sur le même étage, il relevait que tel ne pouvait être le cas, vu l'APA 4______ en cours, et que cette situation était susceptible de constituer une infraction à la LCI. Un délai de dix jours lui était dès lors imparti pour faire valoir ses observations. Il se tenait à disposition pour toute discussion qu’elle ou l’H______ pourrait avoir avec l'instance LDTR pour ce type de cas.

Cette situation a donné lieu à l’ouverture de la procédure d’infraction I-5______ laquelle fait l’objet de la procédure A/6______ devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal).

7.             Par courriel du 14 décembre 2021, se référant à l'email précité du 17 novembre 2021 ainsi qu’à l’appartement visé par les travaux, l'inspection de la construction et des chantiers a informé la Régie que l'exécution des travaux sans attendre l'issue de la procédure APA 7______ constituait une potentielle infraction à la LCI. Un délai de 10 jours lui était imparti pour se déterminer. A cet égard, toutes mesures et/ou sanction justifiées par la situation demeuraient, en l’état, expressément réservées.

Cette situation a donné lieu à l’ouverture de la procédure I-8______.

8.             Par courriel du 22 décembre 2021 adressé à l’inspection de la construction et des chantiers, la Régie, se référant à une séance du 19 novembre 2021 à l'OCLPF avec Madame I______, cheffe du service technique de la direction immobilière au sein de cet office, à propos des problématiques LDTR rencontrées, a rappelé l’historique du dossier et sa position au regard de la LCI et de la LDTR pour ce type de travaux. La situation était exactement la même pour l'appartement de 2 pièces au 2ème étage (APA 4______).

Lors de cette séance, elle avait fait part de son étonnement concernant le courriel du 17 novembre 2021 et Mme I______ lui avait indiqué qu'elle prendrait contact avec l’inspection de la construction et des chantiers à propos de ces deux dossiers et que, selon les dernières pratiques orales de l'OCLPF, si les propriétaires estimaient que les travaux projetés n’étaient pas soumis à APA, ils ne devaient pas déposer d'APA pour poser leurs questions ou informer l’inspection de la construction et des chantiers des travaux entrepris.

Or, elle était à nouveau menacée de sanctions, alors même qu’elle pensait bien faire et avait veillé à faire son travail le plus sérieusement possible en tentant de respecter toutes les règles. Elle espérait que la situation puisse changer en 2022 et restait à disposition pour en discuter.

9.             Par courriel du même jour, le Chef du service de l’inspection de la construction et des chantiers a répondu à la Régie n’avoir aucune connaissance de la réunion avec l’OCLPF. Il ne partageait pas sa position, relevant une incohérence flagrante dans son processus de fonctionnement. Soit elle considérait que les travaux étaient de l'entretien, donc non soumis à autorisation de construire et ne soumettait pas de dossier, soit elle estimait que ces travaux étaient soumis et elle ne pouvait alors se passer des règles qui étaient de mises, à savoir obtenir l'autorisation avant de débuter les travaux au risque de se retrouver avec des conditions potentielles qu’elle ne pourrait plus suivre. Il acquiesçait à l’organisation d’une réunion multipartite afin de réexpliquer leurs principes. La présence de l’H______ serait judicieuse.

10.         Dans le cadre de l'instruction de l’APA 7______, les préavis suivants ont notamment été délivrés :

-          favorable, le 15 décembre 2021, du service des monuments et des sites
(ci-après : SMS) relevant que le bâtiment était situé dans le périmètre d’un plan de site en cours d’étude, qu’il s’agissait d’une intervention d’ordre mineur et de travaux d'entretien courant - permettant notamment « l'amélioration du confort des locaux sanitaires » - et que la porte palière de remplacement devait remplir certaines conditions.

-          favorable, le 25 janvier 2022, de l’OCLPF, sous conditions que les dispositions de la LDTR seront respectées (art. 9 LDTR) et que le loyer de l'appartement de 3 pièces au 2ème étage n'excède pas CHF 7'171.- par an, soit CHF 2'390.- la pièce par an. Ce loyer serait appliqué pour une durée de trois ans à dater de la remise en location après la fin des travaux (art. 10 al. 1, 11 et 12 LDTR). Sous « Remarques », il était mentionné : "( ) Nous avons visité le logement le 25 janvier 2022 et avons constaté qu’il s’agissait de travaux de rénovation. Cette autorisation régularisait l'infraction 1-8______ ;

11.         Par décision du 2 février 2022, le département a délivré l’APA 4______ (régularisation infraction 1/5______) laquelle a été publiée dans la Feuille d'avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du même jour.

Son chiffre 7 indiquait expressément que les conditions figurant dans les préavis précités devaient être respectées et faisaient partie intégrante de l'autorisation.

Cette décision est en force, aucun recours n’ayant été interjeté à son encontre.

12.         Le 4 février 2022, faisant suite au préavis de la DAC du 14 décembre 2021, la Régie a transmis au département le plan de l’appartement selon la configuration initiale, soit sans la paroi amovible installée par la locataire entre la cuisine et le séjour.

13.         Par décision du 18 février 2022, le département a délivré l’APA 7______ (régularisation infraction 1/8______), dont le chiffre 7 indiquait expressément que les conditions figurant dans les préavis précités devaient être respectées et faisaient partie intégrante de l'autorisation.

Cette décision, publiée dans la FAO du même jour, est en force, aucun recours n’ayant été interjeté à son encontre.

14.         Par décision du 18 mars 2022, l’OAC a infligé à la Régie une amende de CHF 1'000.-, aux motifs des travaux engagés sans autorisation, ce qui ne pouvait être toléré sous aucun prétexte et devait être sanctionné. Ce montant tenait compte de la gravité tant objective que subjective de l'infraction et de son statut de professionnel.

Au surplus, il lui était ordonné de rétablir une situation conforme au droit dans un délai de 30 jours en procédant à la réalisation de l'autorisation APA 7______ et de lui transmettre, dans ce même délai, une attestation globale de conformité (AGC) accompagnée des plans conformes à exécution. A cet égard, toutes autres mesures et/ou sanction justifiées par la situation demeuraient expressément réservées.

Une décision identique lui était adressée en lien avec l’APA 4______ – I/5______.

15.         Par acte du 22 mars 2022, la Régie a recouru auprès du tribunal à l'encontre de cette dernière décision, concluant à son annulation, sous suite de frais et dépens.

Ce recours a été ouvert sous le n° de cause A/6______.

16.         Par acte du 29 avril 2022, la Régie a également recouru auprès du tribunal à l'encontre de la décision du 18 février 2021 en tant qu’elle concernait l’APA 7______ – I/8______, concluant à son annulation, sous suite de frais et dépens.

Le présent recours s’imposait du fait que le département appliquait à la lettre et de manière extensive la jurisprudence en matière de LDTR, que ces services avaient mis en place des processus extrêmement lourds pour de simples travaux de rénovation et qu’en outre ils étaient, depuis un certain temps, dans une logique de sanctions et menaces de sanction à tout va.

Le département lui faisait grief d’avoir violé la loi en effectuant ses travaux sans autorisation, sans expliquer quelle loi serait violée.

En l’espèce, les travaux étaient des purs travaux d’entretien et leur coût estimé en octobre 2021 à CHF 29'040.- correspondait aux prix pratiqués par les entreprises genevoises d'aujourd'hui et à toutes les normes à respecter. Comme cela ressortait des photographies versées au dossier, l’appartement, qui avait été régulièrement entretenu, était exactement le même, la salle de bain et la cuisine étant toujours d’époque.

De tels travaux, qui n'avaient pas pour effet de modifier l'appartement (peinture, parquet, mise aux normes électriques, pose de nouveaux joints, remplacement d'un four par un four de même type, etc.), n’étaient clairement pas soumis à la LCI. Partant, aucune APA n'était nécessaire. S'il s'agissait d'un logement locatif et que le loyer après travaux d'entretien pur ne changeait pas, ces travaux n’étaient pas non plus soumis à la LDTR. Enfin, lorsque la question de l’adaptation du loyer à ceux du marché après les travaux se posait, comme en l’espèce, la soumission de tous ces cas à autorisation LDTR, comme aujourd’hui, apparaissait excessive. L'Etat devrait plutôt, pour respecter les principes de proportionnalité et de maîtrise des deniers publics, mettre en place un processus très simple permettant aux propriétaires ou à leurs mandataires de contacter directement le service LDTR pour savoir si les travaux projetés étaient assujettis ou non à autorisation et donc à blocage du loyer. L'OAC violait ainsi la LDTR en imposant l'application stricte de la LCI et c’était à tort qu’il l’avait amendée sur la base de cette loi qu’elle n’avait précisément pas violée.

Pour le surplus, à teneur de l’art. 3 RDTR, les travaux d'entretien non soumis à la LDTR et ceux soumis à cette loi (car assimilés à de la rénovation ; art. 3 al. 2 LDTR) nécessitaient « en règle générale » uniquement une ouverture de chantier en application de l'art. 4 du règlement sur les chantiers du 30 juillet 1958 (RChant - L 5 05.03). Or, dans le cas présent, vu le type de travaux et l’absence de risque d’accident et d’atteinte à la sécurité publique, il n'y avait pas d'obligation d'annoncer l'ouverture du chantier, le RChant ne s'appliquant pas. Ainsi, selon l'art. 3 RDTR, les travaux d'entretien ne devaient pas faire l'objet d'une APA.

L’amende violait par ailleurs l'art. 137 LCI, en l’absence de violation de la loi, étant souligné que les travaux d'entretien avaient été exécutés dans les règles de l'art et conformément à toutes les lois. Si par impossible, le tribunal devait néanmoins retenir qu’elle aurait violé une règlementation, cette amende était inique, sachant qu’elle avait informé l'OAC qu’elle entendait commencer les travaux, de tout temps collaboré au mieux avec les services de l'Etat et qu’elle œuvrait activement au sein de l'H______ pour que les relations entre les privés et les services de l'Etat, actuellement compliquées, s'améliorent. Il était choquant que l'Etat se réfère à une prétendue « régularisation », alors que l'OAC était informé, dès le départ, du commencement des travaux et qu’elle avait attendu jusqu’ici la réponse de l'OCLPF quant au loyer.

S’agissant du rétablissement de la situation conforme au droit demandée, elle ne savait pas ce qu’elle pourrait rétablir puisque, ayant attendu la réponse de l'Etat sur la seule question du loyer pendant tous ces derniers mois, le logement était resté vacant avec toutes les pertes de loyers engendrées. L’AGC et les plans conformes à exécution visés à l'art. 7 LCI ne devaient enfin être requis que lorsqu'une autorisation était nécessaire au sens de la LCI (art. 1 LCI). Lorsque les travaux étaient des purs travaux d'entretien par nature non soumis à cette loi, ces documents étaient inutiles. D'ailleurs, dans le cas présent, les plans avant et après travaux étaient les mêmes. Ainsi, exiger des plans conformes à exécution était tout simplement aberrant et il en allait de même d'une AGC pour confirmer avoir effectué les travaux d'entretien (notamment peinture, ponçage parquet, remplacement de verre à dent).

Elle a joint un chargé de pièces, lesquelles seront reprises, en tant que de besoin, dans la partie en droit.

Ce recours, qui fait l’objet de la présente procédure, a été ouvert sous le n° de cause A/9______.

17.         Dans ses observations du 1er juin 2022, le département a conclu au rejet du recours sous suite de frais et dépens.

Les travaux réalisés ayant été assujettis à autorisation de construire par une décision qu’elle n’avait pas contestée, le fait de les avoir entrepris sans attendre la délivrance de l’autorisation de construire y relative contrevenait à l’art. 1 al. 7 LCI. Ce manquement constituait à lui seul une faute. Partant, l’amende était fondée dans son principe et le développement de la recourante sur la nature des travaux était exorbitant à l’objet du litige. En tout état, ce n’était pas à elle mais au département de déterminer la nature des travaux. Le fait qu’elle ait annoncé au département entendre commencer les travaux n’y changeait rien, sauf à rendre lettre morte la disposition précitée.

Quant au montant de l’amende, quand bien même la recourante ne s’en plaignait pas implicitement, il apparaissait adapté aux ressources d’une personne morale et correspondait à sa pratique en la matière, vu l’intérêt public du bien lésé.

S'agissant enfin de l'ordre de rétablir une situation conforme au droit, si les travaux réalisés s'avéraient effectivement conformes à l'autorisation de construire délivrée, l’ordre deviendrait sans objet. Enfin, sans la transmission de l’AGC, l’occupation de l’appartement n’était tout simplement pas envisageable.

18.         Par réplique du 20 juin 2022, la Régie a persisté dans ses motifs et conclusions regrettant que l’OAC aurait préféré que les propriétaires de l’immeuble recours contre l’APA et que l’on se place ainsi dans une logique conflictuelle.

Le département indiquait que c’était à lui et non aux administrés de déterminer si les travaux étaient soumis à autorisation. C’était bien pour cela qu’elle avait déposé une requête APA. Il n’expliquait au surplus toujours pas pourquoi elle aurait violé l’art. 1 al. 7 LCI, ce que signifiait son ordre de rétablissement d’une situation conforme au droit, ni pourquoi l’occupation du logement concerné ne serait pas envisageable sans l’AGC. Elle n’avait pas critiqué le montant de l’amende car c’était son principe qu’elle contestait. L’art. 7 LCI ne s’appliquait pas en l’espèce et l’obliger à déposer des plans avant et après travaux qui seraient identiques était aberrant.

19.         Dans sa duplique du 30 juin 2022, le département a persisté dans ses observations et conclusions rappelant quel était ici l’objet du litige. La production d’une AGC s’avérait enfin tout à fait pertinente en l’espèce, afin qu’il puisse vérifier si les conditions fixées dans l’APA 7______ avaient été intégralement respectées. Cette attestation était au demeurant inhérente à toute autorisation de construire quelle que soit la nature des travaux réalisés.

20.         Par jugement JTAPI/10______ du 5 octobre 2022, le tribunal a rejeté le recours de la Régie dans la cause A/6______.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l’espèce, contre les décisions prises par le département en application de la LCI et de la LDTR (art. 115 al. 2 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 143, 145 al. 1 LCI et art. 45 al. 1 LDTR).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Selon l'art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). En revanche, les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l'espèce.

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'égalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3 ; 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 137 V 71 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_763/2017 du 30 octobre 2018 consid. 4.2 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 515 p. 179).

4.             Saisi d'un recours, le tribunal applique le droit d'office. Le juge détermine par conséquent lui-même qu'elle est la norme topique qui régit le rapport juridique et les conséquences à en tirer sans avoir à interpeller les parties. La juridiction pourra ainsi substituer une autre motivation juridique à celle de l'autorité de première instance pour fonder sa motivation (Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 234 n° 880 ad art. 69 LPA et les références citées). S'il ne peut pas aller au-delà des conclusions des parties, il n'est pas lié par les motifs qu'elles invoquent (art. 69 al. 1 LPA ; ATA/386/2018 du 24 avril 2018 consid. 1b ; ATA/117/2016 du 9 février 2016 consid. 2 ; ATA/723/2015 du 14 juillet 2015 consid. 4a). Aussi peut-il admettre le recours pour d'autres motifs que ceux invoqués par le recourant, comme il peut le rejeter en opérant une substitution de motifs (ATF 135 III 397 consid. 1.4 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_540/2013 du 5 décembre 2013 consid. 3 ; 2C_349/2012 du 18 mars 2013 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-1734/2019 du 23 mars 2020 consid. 2).

5.             L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions de la recourante ou du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'elle ou il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1400/2019 du 17 septembre 2019 consid. 2b).

6.             En l'espèce et pour rappel, par décision du 2 février 2022 ayant pour objet « régularisation infraction 1/8______ » et renvoyant aux préavis de l’OCLPF et du SMS en faisant partie intégrante et devant être strictement respectés, le département a délivré à la recourante l’APA 7______. Cette décision est en force. Il s’ensuit que la qualification des travaux, leur assujettissement à autorisation de construire et ses conséquences (notamment fixation du loyer durant trois ans) ne sauraient être remis en cause dans le cadre de la présente procédure.

L’objet du recours ne porte ainsi que sur la décision du 18 mars 2022, en tant qu’elle inflige à la recourante une amende de CHF 1'000.-, aux motifs des travaux engagés sans autorisation, et lui ordonne de rétablir une situation conforme au droit en procédant à la réalisation de l'autorisation APA 7______ ainsi que de lui transmettre une AGC accompagnée des plans conformes à exécution, le tout dans un délai de 30 jours.

7.             Dans un premier grief, la recourante expose que le département lui reproche d’avoir violé la loi en effectuant ses travaux sans autorisation, sans préciser quelle loi aurait été violée. Elle semble ainsi faire valoir une violation de son droit d’être entendu, au motif d’un défaut de motivation de la décision querellée.

8.             Le droit d'être entendu implique notamment pour l'autorité l'obligation de motiver sa décision. Il ne lui impose cependant pas d'exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties. Elle peut, au contraire, se limiter à ceux qui, sans arbitraire, lui paraissent pertinents. Une motivation est suffisante lorsque le destinataire de la décision est en mesure de se rendre compte de la portée de cette dernière, d'en comprendre les raisons et de la déférer à l'instance supérieure en connaissance de cause. Dès lors que l'on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision de l'autorité, le droit à une décision motivée est respecté. La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision (ATF 141 IV 249 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_701/2018 du 27 novembre 2018 consid. 5.2 et les références citées).

9.             La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_240/2017 du 11 décembre 2018 consid. 3.2 ; 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 2.1). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception. Elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1B_556/2017 du 5 juin 2018 consid. 2.1) En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/802/2020 du 25 août 2020 consid. 4c et les références cités).

10.         En l’espèce, s’agissant de la motivation de la décision querellée, cette dernière n’indique effectivement pas quelles dispositions légales auraient été violées par la recourante. Il ressort toutefois clairement de cette dernière que l’amende est prononcée en application de l’art. 137 LCI et qu’elle sanctionne le fait d’avoir engagé des travaux sans autorisation, ce qui avait donné lieu à l’ouverture de la procédure I-8______. Au demeurant, dans son recours, la recourante s’est, à juste titre référée à l’art. 1 LCI ainsi qu’à d’autres dispositions de cette loi, de son règlement d’application et de la LDTR (art. 7 LCI, 33 RCI, 3 al. 1 let. d LDTR), au sujet desquelles elle a pu faire valoir tous ses arguments. L'autorité intimée s'est expliquée plus en détails dans ses observations du 1er juin 2022, puis dans sa duplique du 30 juin 2022, et la recourante a eu l’occasion de se déterminer à cet égard. Dans ces circonstances, force est de constater que l’éventuel défaut de motivation a pu être réparé devant le tribunal de céans.

Partant, le grief sera écarté.

11.         Selon l'art. 1 al. 1 LCI, sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé : modifier même partiellement le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation (let. b). Aucun travail ne doit être entrepris avant que l'autorisation n'ait été délivrée (art. 1 al. 7 1ère phrase LCI).

12.         A teneur de l’art. 4 LCI, le délai de réponse à toute demande d’autorisation est de 60 jours à compter de la date d’enregistrement de la demande. Dans le cadre d'une autorisation en procédure accélérée, le délai de réponse est de 30 jours (al. 1). Lorsque le département demande des pièces ou renseignements complémentaires nécessaires, le délai est suspendu jusqu’à réception des documents. Le requérant en est avisé par écrit (al. 3). Si le requérant n’a pas reçu de réponse dans le délai, il peut aviser le département, par lettre recommandée, qu’il va procéder à l’exécution de ses plans. A défaut de notification de la décision dans un nouveau délai de 10 jours à compter de la réception de cet avis, le requérant est en droit de commencer les travaux (al. 4).

13.         Valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst., exige que l’administration et les administrés se comportent réciproquement de manière loyale. En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 129 I 161 consid. 4 p. 170 ; 129 II 361 consid. 7.1 p. 381 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_534/2009 du 2 juin 2010 consid. 2.2 ; 9C_115/2007 du 22 janvier 2008 consid. 4.2 ; ATA/700/2014 précité consid. 4a ; ATA/141/2012 du 13 mars 2012 consid. 4 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 193 n. 568).

14.         Le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 137 II 182 consid. 3.6.2 p. 193 ; 137 I 69 consid. 2.5.1 p. 72 s. ; 131 II 627 consid. 6.1 p. 637 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_151/2012 du 5 juillet 2012 consid. 4.2.1 et 2C_1023/2011 du 10 mai 2012 consid. 5). Conformément au principe de la confiance, qui s’applique aux procédures administratives, les décisions, les déclarations et comportements de l’administration doivent recevoir le sens que l’administré pouvait raisonnablement leur attribuer en fonction des circonstances qu’il connaissait ou aurait dû connaître (arrêt du Tribunal fédéral 2P.170/2004 du 14 octobre 2004 consid. 2.2.1 = RDAF 2005 I 71 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 193 n. 569 s). Le principe de la confiance est toutefois un élément à prendre en considération et non un facteur donnant en tant que tel naissance à un droit (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 193 n. 569 et les références citées). La protection de la bonne foi ne s’applique pas si l’intéressé connaissait l’inexactitude de l’indication ou aurait pu la connaître en consultant simplement les dispositions légales pertinentes (ATF 135 III 489 consid. 4.4 ; 134 I 199 consid. 1.3.1 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 193 s n. 571).

15.         Selon la jurisprudence, les assurances ou les renseignements erronés donnés par les autorités confèrent des droits aux justiciables lorsque les cinq conditions cumulatives suivantes sont remplies. Tout d’abord, une promesse concrète doit avoir été émise à l’égard d’une personne déterminée. Il faut ensuite que l’autorité ait agi dans le cadre et dans les limites de sa compétence, que la personne concernée n’ait pas été en mesure de se rendre compte immédiatement de l’inexactitude du renseignement fourni, qu’elle se soit fondée sur ce renseignement pour prendre des dispositions qu’elle ne peut ensuite modifier sans subir de préjudice et, enfin, que la loi n’ait pas subi de changement depuis le moment où la promesse a été faite (ATA/700/2014 précité consid. 4c ; ATA/811/2012 du 27 novembre 2012 consid. 2a ; ATA/398/2012 du 26 juin 2012 consid. 8 ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, Vol. 1, 3ème éd., 2012, p. 922 ss n. 6.4.1.2 et 6.4.2.1 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 196 s n. 578 s ; Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 6ème éd., 2010, p. 140 ss et p. 157 n. 696 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, Droit constitutionnel suisse, vol. 2, 3ème éd., 2013, n. 1'173 ss).

16.         Les propriétaires ou leurs mandataires, les entrepreneurs et les usagers sont tenus de se conformer aux mesures ordonnées par le département en application des art. 129 et 130 LCI (art. 131 LCI). Le département notifie aux intéressés, par lettre recommandée, les mesures qu'il ordonne. Il fixe un délai pour leur exécution, à moins qu'il n'invoque l'urgence (art. 132 al. 1 LCI).

17.         Aux termes de l'art. 137 LCI est passible d'une amende administrative de CHF 100.- à 150'000.- tout contrevenant à la LCI, aux règlements et aux arrêtés édictés en vertu de ladite loi, ainsi qu'aux ordres donnés par le département dans les limites de ladite loi et des règlements et arrêtés édictés en vertu de celle-ci (al. 1). Le montant maximum de l'amende est de CHF 20'000.-, lorsqu'une construction, une installation ou tout autre ouvrage a été entrepris sans autorisation, mais que les travaux sont conformes aux prescriptions légales (al. 2). Il est tenu compte, dans la fixation du montant de l'amende, du degré de gravité de l'infraction. Constituent notamment des circonstances aggravantes la violation des prescriptions susmentionnées par cupidité, les cas de récidive et l'établissement, par le mandataire professionnellement qualifié ou le requérant, d'une attestation au sens de l'art. 7 LCI non conforme à la réalité (al. 3). La poursuite et la sanction administrative se prescrivent par sept ans (al. 5).

18.         Selon l'art. 44 LDTR, celui qui contrevient aux dispositions de la LDTR est passible des mesures et sanctions administratives prévues par les art. 129 à 139 LCI, sous réserve des peines plus élevées prévues par le Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

19.         Selon la jurisprudence constante, les amendes administratives prévues par les législations cantonales sont de nature pénale, car aucun critère ne permet de les distinguer clairement des contraventions, pour lesquelles la compétence administrative de première instance peut au demeurant aussi exister. C'est dire que la quotité de la sanction administrative doit être fixée en tenant compte des principes généraux régissant le droit pénal (ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7c ; ATA/206/2020 du 25 février 2020 consid. 4b ; ATA/1277/2018 du 27 novembre 2018 consid. 6b ; ATA/1030/2018 du 2 octobre 2018 consid. 9b ; ATA/319/2017 du 21 mars 2017 consid. 3c et les références citées).

20.         En vertu de l'art. 1 let. a de la loi pénale genevoise du 17 novembre 2006 (LPG - E 4 05), les dispositions de la partie générale du CP s'appliquent à titre de droit cantonal supplétif. On doit cependant réserver celles qui concernent exclusivement le juge pénal (ATA/440/2019 du 16 avril 2019 et les références citées).

21.         Il est ainsi en particulier nécessaire que le contrevenant ait commis une faute, fût-ce sous la forme d'une simple négligence (ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7d ; ATA/13/2020 du 7 janvier 2020 consid. 7c ; ATA/1828/2019 du 17 décembre 2019 consid. 13c ; ATA/1277/2018 du 27 novembre 2018 consid. 6c).

22.         L'autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d'une sanction doit faire application des règles contenues aux art. 47 ss CP (principes applicables à la fixation de la peine). La culpabilité doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution. Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle, ainsi que les motivations et les buts de l'auteur. À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même, à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure (ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 ; 136 IV 55 ; 134 IV 17 consid. 2.1 ; 129 IV 6 consid. 6.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 ; 6B_1276/2015 du 29 juin 2016 consid. 2.1 ; ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7e) et ses capacités financières (ATA/719/2012 du 30 octobre 2012 consid. 20 et les références citées).

23.         S'agissant de la quotité de l'amende, la jurisprudence de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après: la chambre administrative) précise que le département jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour en fixer le montant et n'est censuré qu'en cas d'excès. Sont pris en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de la proportionnalité (ATA/13/2020 précité consid. 7d ; ATA/19/2018 du 9 janvier 2018 consid. 9d confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 1C_80/2018 du 23 mai 2019 ; ATA/558/2013 du 27 août 2013 consid. 18).

24.         En outre, l'administration doit faire preuve de sévérité, afin d'assurer le respect de la loi, et jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour infliger une amende, le juge ne la censurant qu'en cas d'excès (ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7d ; ATA/147/2021 du 9 février 2021 consid. 4d et e ; ATA/403/2019 du 9 avril 2019 consid. 7c ; ATA/1277/2018 du 27 novembre 2018 consid. 6d). L'autorité ne viole le droit en fixant la peine que si elle sort du cadre légal, si elle se fonde sur des critères étrangers à l'art. 47 CP, si elle omet de prendre en considération des éléments d'appréciation prévus par cette disposition ou, enfin, si la peine qu'elle prononce est exagérément sévère ou clémente au point de constituer un abus du pouvoir d'appréciation (ATF 136 IV 55 consid. 5.6 ; 135 IV 130 consid. 5.3.1 ; 134 IV 17 consid. 2.1 ; 129 IV 6 consid. 6.1 et les références citées ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_28/2016 du 10 octobre 2016 consid. 5.1 ; 6B_1276/2015 du 29 juin 2016 consid. 2.1).

25.         Enfin, l'amende doit respecter le principe de la proportionnalité garanti par l'art. 5 al. 2 Cst. (ATA/559/2021 du 25 mai 2021 consid. 7d et les arrêts cités ; ATA/313/2017 du 21 mars 2017), lequel commande que la mesure étatique soit nécessaire et apte à atteindre le but prévu et qu'elle soit raisonnable pour la personne concernée (ATF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 140 II 194 consid. 5.8.2 ; 139 I 218 consid. 4.3).

26.         En l'espèce, la recourante ne conteste pas avoir réalisé les travaux visés par l’APA 7______, avant la délivrance de celle-ci. Elle soutient à cet égard que les travaux entrepris n’étaient pas soumis à autorisation et avoir, en tout état, informé le département entendre les commencer sans attendre. Ces explications ne sauraient la dédouaner. D’une part, il ressort de la décision du département du 18 février 2022, en force, que les travaux en question sont effectivement soumis à autorisation. Si elle l’entendait différemment, il lui appartenait de recourir contre cette décision. A défaut, elle ne saurait aujourd’hui remettre en question la qualification des travaux, leur assujettissement à autorisation de construire et ses conséquences (notamment fixation du loyer durant trois ans) dans le cadre de la présente procédure. D’autre part, le fait qu’elle ait informé le département, le 25 octobre 2021, qu’elle entendait débuter les travaux, n’y change rien. Elle n’a du reste nullement attendu que ce dernier se positionne à cet égard - ce qu’il a fait les 17 novembre et 14 décembre 2021 en l’informant que la situation était susceptible de constituer une infraction à la LCI -, le mettant devant le fait accompli. Or, en sa qualité de professionnel de l’immobilier, qui plus est au bénéfice de son propre service juridique, la recourante ne pouvait ignorer qu'elle enfreignait la loi en agissant de la sorte. Quand bien même elle ne partagerait pas la position du département, elle ne saurait dicter ses propres règles. Cela étant, il est également important que le département se prononce dans le respect des délais de l’art. 4 LCI.

Il s’ensuit que la recourante a violé l’art. 1 LCI. L’amende querellée est dès lors parfaitement fondée dans son principe.

S'agissant du montant de l'amende, qui n'est pas contesté en soi, sa quotité reste tout à fait modeste au regard du montant maximum possible de CHF 20'000.- prévu par la loi (art. 137 al. 2 LCI) et du comportement adopté par la recourante.

Par ailleurs, aucun élément au dossier ne laisse à penser que le paiement de l'amende occasionnerait à la recourante, qui est une personne morale professionnelle dans l’immobilier, des difficultés financières particulières (ATA/440/2019 du 16 avril 2019 ATA/886/2014 du 11 novembre 2014), ce qu'elle n'allègue au demeurant pas.

L'amende est ainsi également fondée quant à sa quotité et il apparait que l'autorité intimée a fait une application correcte et proportionnée de la loi et n'a aucunement abusé ou excédé de son pouvoir d'appréciation.

27.         Dans un second grief, la recourante considère que l'ordre de rétablir une situation conforme au droit est sans objet et qu’elle n’a pas à produire l’AGC et les plans conformes requis par le département, cette exigence étant « aberrante ».

28.         Selon l’art. 7 al. 1 LCI, les constructions ou installations neuves ou modifiées, destinées à l’habitation ou au travail (let. a), la confection, le dépôt ou la vente de denrées alimentaires (let. b) ou la confection, le dépôt ou la vente de matières inflammables, explosives ou dangereuses pour toute autre cause (let. c), ne peuvent être occupées ou utilisées à un titre quelconque avant le dépôt au département d’un dossier de plans conformes à l’exécution et d’une attestation de conformité établie par un MPQ, cas échéant le requérant, dans les cas prévus par les art. 2 al. 3 2ème phr. et 6 de la loi.

29.         L’art. 7 al. 2 et 3 LCI précise encore que l’attestation certifie que les constructions ou installations sont conformes à l’autorisation de construire, aux conditions de celle-ci, ainsi qu’aux lois et règlements applicables au moment d’entrée en force de l’autorisation de construire. Suivant la nature du dossier et si le mandataire ou le requérant l’estime nécessaire, l’un ou l’autre peut joindre à sa propre attestation celles des autres mandataires spécialisés intervenus dans le cadre de la réalisation des travaux et/ou l’attestation du propriétaire selon laquelle il n’a sollicité aucune réalisation contraire à la loi.

30.         Selon l’art. 37 RCI, l’attestation prévue par l’art. 7 al. 1 et 2 de la loi doit être adressée au département sur formule délivrée par celui-ci (al. 1) et le département peut accepter des attestations partielles pour des parties de constructions ou d’installations achevées (al. 2).

31.         En l’espèce, le département ne semble pas contester que les travaux entrepris sont conformes à l’APA 7______. Cela étant, c’est précisément ce que lui permettront de vérifier l’AGC et les plans conformes requis. A cet égard, la teneur de l’art. 7 al. 1 LCI est claire et sans la moindre équivoque. Une construction modifiée destinée à l’habitation - ce qui est à l’évidence le cas de l’appartement dont la rénovation a fait l’objet de l’APA 7______ - ne peut être occupée ou utilisée à un autre titre que suite au dépôt au département d’un dossier de plans conformes à l’exécution et d’une attestation de conformité établie par un MPQ.

Dans ces conditions, le département était en droit, voire même avait le devoir, d’ordonner le respect des exigences posées par l’art. 7 al. 1 LCI, soit la remise de l’AGC et des plans conformes à l'exécution, pour contrôler, entre autres, que la construction ou l’installation en cause avait bien été réalisée conformément au projet et qu’elle respectait ainsi les prescriptions relatives aux différentes politiques publiques. À défaut de tels documents, le département ne peut s’assurer du respect des normes topiques. Sur ce point également, la décision querellée apparait dès lors parfaitement fondée et légitime.

Partant, le grief doit être écarté.

32.         Entièrement mal fondé, le recours est rejeté.

33.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), la recourante, qui succombe, est condamnée au paiement d'un émolument s'élevant à CHF 750.- ; il est partiellement couvert par l'avance de frais versée à la suite du dépôt du recours.

34.         Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 29 avril 2022 par A______ SA contre la décision du département du territoire du 18 mars 2022 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge de la recourante un émolument de CHF 750.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais ;

4.             dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Siégeant : Marielle TONOSSI, présidente, Suzanne AUBERT-LEBET, Evis BARANYAI, Thierry ESTOPPEY et François HILTBRAND, juges assesseurs

Au nom du Tribunal :

La présidente

Marielle TONOSSI

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties.

Genève, le

 

Le greffier