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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/568/2022

JTAPI/152/2022 du 21.02.2022 ( MC ) , ANNULE

Descripteurs : DÉTENTION POUR INSOUMISSION;MESURE DE CONTRAINTE(DROIT DES ÉTRANGERS)
Normes : LEI.78; LEI.90.letC
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/568/2022 MC

JTAPI/152/2022

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 21 février 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Nicolas AMADIO, avocat

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

 


 

EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le ______ 1984, est originaire du Maroc. Il était précédemment connu sous divers alias, dont celui de B______, né le ______ 1985, originaire d'Algérie.

2.             Le 3 décembre 2010, il a déposé une première demande d'asile en Suisse. Par décision du 9 août 2013, le secrétariat d'Etat aux migrations (ci-après : SEM) a rejeté sa demande de protection internationale et a prononcé son renvoi de Suisse. Cette décision est entrée en force. Lors de la première demande d'asile, l'intéressé s'est présenté comme un ressortissant algérien ayant vécu à C______ depuis sa naissance, n'ayant jamais eu d'activités politiques ni de problèmes particuliers avec les autorités algériennes et ayant quitté l'Algérie en 2004 pour l'Europe où il avait vécu dans de nombreux pays avant de gagner la Suisse.

3.             Le 2 février 2015, il a déposé une demande de reconsidération qui a été rejetée par décision du SEM du 9 février 2015.

4.             Le 3 août 2015, il est retourné au Maroc, son pays d'origine. L'organisation internationale pour les migrations (ci-après : OIM) avait reçu comme mandat le paiement d'une aide à la réintégration de USD 3'333.- en sa faveur. Le 5 août, il s'est rendu dans un bureau de l'OIM Maroc, puis, depuis lors, n'a plus donné de nouvelles.

5.             Le 12 octobre 2015, de retour en Suisse, il a déposé par écrit une nouvelle demande d'asile invoquant sa sécurité et ses problèmes de santé.

6.             Par décision du 12 février 2016, entrée en force le 22 février 2016, le SEM n'est pas entré en matière sur sa demande de protection internationale et, simultanément, a prononcé son renvoi de Suisse. Sa prise en charge et l'exécution de son renvoi ont été confiées au canton de Genève.

7.             En date du 5 février 2016, le foyer dans lequel il était censé résider a annoncé la disparition de M. A______.

8.             Le 24 mars 2016, le SEM a saisi le Maroc d'une demande d'identification et de délivrance de laissez-passer en faveur de l'intéressé.

9.             Entre le 21 décembre 2010 et le 8 août 2016, l'intéressé a été condamné pas moins de sept fois, pour séjour illégal, injure, lésions corporelles simples, rixe et vol au sens de l'art. 139 ch.1 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

10.         Le 9 octobre 2020, M. A______ a été arrêté par les forces de l'ordre genevoises à la suite du vol d'un sac à main à D______. Lors de la perquisition de la chambre qu'il occupe au E______, les policiers ont découvert une carte de crédit signalée volée le 12 mai 2020. Par ailleurs, plusieurs autres objets considérés comme étant de provenance douteuse ont été saisis. Entendu par les enquêteurs, l'intéressé a reconnu avoir volé le sac en question. Par ailleurs, il a indiqué n'avoir aucun lien particulier avec la Suisse et vivre des aides sociales qu'il perçoit. Il a été prévenu de vol, de recel et d'infractions à la LEI. Le 10 octobre 2020, l'intéressé a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public pour les faits ayant mené à son arrestation de la veille, puis il a été libéré.

11.         Le 10 octobre 2020, le commissaire de police lui a notifié une interdiction de quitter le territoire de la commune de Genève pendant une durée de douze mois.

12.         Le 3 juin 2021, le SEM a informé l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) que l'intéressé avait été identifié par les autorités marocaines comme étant leur citoyen. Malgré cette demande d'identification positive, un retour au Maroc (volontaire ou forcé) n'était pas possible à l'heure actuelle. En effet, les liaisons aériennes entre la Suisse et le Maroc étaient temporairement suspendues et l'état d'urgence sanitaire durerait au moins jusqu'au 10 juin 2021. Aucun document de voyage de remplacement ne pourrait être établi avant cette date.

13.         Le 10 juin 2021, M. A______ a été condamné par ordonnance pénale du Ministère public pour infractions aux art. 115 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et 139 al. 1 CP pour avoir, à Genève, le 24 février 2021, à la rue F______ 1______, dérobé deux colis postaux qui se trouvaient dans la remorque bâchée, attelée au véhicule de la Poste, ainsi que deux colis postaux qui se trouvaient dans un véhicule de la Poste sis Rue G______ 2______.

14.         Le 29 septembre 2021, M. A______ a été incarcéré à la prison de H______ en vue de purger plusieurs écrous judiciaires.

15.         Le 16 février 2022, le Tribunal d'application des peines et des mesures a ordonné la libération conditionnelle de M. A______ pour le 18 février 2022.

16.         Le 17 février 2022, le SEM a informé l'OCPM que :

« Les vols DEPU et DEPA sont bien à nouveau possible et assez facilement, aux conditions suivantes :

·         La personne doit avoir reçu les deux doses de vaccins contre le Covid et, en principe, si la 2ème dose remonte à plus de quatre mois, une nouvelle dose est nécessaire. Si l’intéressé a reçu une dose et a ensuite été guéri du Covid, c’est également valable. Madame SALVATO me précise qu’en raison de l’évolution favorable de la situation sanitaire, le SEM va entrer en contact avec les autorités marocaines pour obtenir leur autorisation pour simplement une vaccination à deux doses.

·         Un test PCR d’une durée maximale de 48h00 avant le vol est nécessaire.

·         Arrivé au Maroc, les autorités marocaines lui feront faire un test rapide antigénique. 

Les renvois maritimes (« vol spécial ») sont actuellement difficiles par manque de « collaboration » (protection) de la police française. Le SEM va s’entretenir à ce sujet avec les autorités françaises dans les quatre prochains mois pour arriver à une normalisation de la situation. Si un renvoi maritime devait être envisagé avant ces quatre mois, il serait important de s’entretenir avec le SEM pour voir si cette opération peut être envisagée et planifiée.

L'ambassade du Maroc à Berne ne délivre des laissez-passer qu'aux personnes déjà identifiées et qui :

·         ne sont pas gravement malades,

·         n'ont pas d'enfants en Suisse,

·         n'ont pas de procédure en cours en Suisse. »

17.         Le 17 février 2022, le service médical de H______ a infirmé l'OCPM que M. A______ n'était pas vacciné contre la Covid-19.

18.         Le 18 février 2022, M. A______ a été libéré de H______ et remis aux services de police.

19.         Le même jour, à 15h15, le commissaire de police a émis un ordre de mise en détention administrative à l'encontre de M. A______ pour une durée d'un mois.

Au commissaire de police, M. A______ a déclaré qu'il s'opposait à son renvoi au Maroc et qu'il n'était pas d'accord de se soumettre à un test Covid-19 ni de se faire vacciner contre le Covid-19.

20.         Le commissaire de police a soumis cet ordre de mise en détention au Tribunal administratif de première instance (ci-après le tribunal) le même jour.

21.         Ce jour à 8h57, le commissaire de police a informé le tribunal de l'hospitalisation de l'intéressé aux HUG pour avoir avalé des lames de rasoir.

22.         M. A______ a ainsi été représenté à l'audience de ce jour par son conseil qui a déclaré avoir essayé de joindre son client plusieurs fois mais qu'il n'avait pas pu communiquer avec lui. Toutefois, il était clair qu’il ne souhaitait pas rester en détention et qu’il refusait de retourner au Maroc.

Le représentant du commissaire de police a exposé qu'il aurait souhaité que M. A______ soit présent aujourd’hui car trois solutions s’offraient ici : la première aurait été que l’intéressé change d’avis et se soumette à la vaccination de la Covid-19 ; la seconde que les autorités marocaines reviennent sur leurs conditions d’entrée dans leur pays ; la troisième si la situation persistait, d’organiser un vol spécial d’ici trois ou quatre mois avec un départ maritime. Dans ce cas, il était déjà arrivé que le SEM parvienne à discuter des conditions d’entrée dans le pays en question. Mais cette solution ne serait pas envisageable avant quatre mois car il semblait que les transferts maritimes ne soient pas possibles avant. Il a confirmé la demande mise en détention administrative de M. A______ pour une durée d’un mois.

Le conseil de M. A______ a conclu à la mise en liberté immédiate de son client.

EN DROIT

1.            Le Tribunal administratif de première instance est compétent pour examiner d'office la légalité et l’adéquation de la détention administrative en vue de renvoi ou d’expulsion (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 7 al. 4 let. d de loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

Il doit y procéder dans les nonante-six heures qui suivent l'ordre de mise en détention (art. 80 al. 2 LEI ; art. 9 al. 3 LaLEtr).

2.            En l'espèce, le tribunal a été valablement saisi et respecte le délai précité en statuant ce jour, la détention administrative ayant débuté le 18 février 2022 à 14h.

3.            La détention administrative porte une atteinte grave à la liberté personnelle et ne peut être ordonnée que dans le respect de l'art. 5 par. 1 let. f de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) (cf. ATF 135 II 105 consid. 2.2.1) et de l'art. 31 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), ce qui suppose en premier lieu qu'elle repose sur une base légale. Le respect de la légalité implique ainsi que la mise en détention administrative ne soit prononcée que si les motifs prévus dans la loi sont concrètement réalisés (ATF 140 II 1 consid. 5.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_105/2016 du 8 mars 2016 consid. 5.1 ; 2C_951/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2.1).

4.            Selon l'art. 78 al. 1 LEI, si l’étranger n’a pas obtempéré à l’injonction de quitter la Suisse dans le délai prescrit et que la décision entrée en force de renvoi ou la décision entrée en force d’expulsion au sens des art. 66a ou 66abis CP - notamment - ne peut être exécutée en raison de son comportement, il peut être placé en détention, afin de garantir qu’il quittera effectivement le pays, pour autant que les conditions de la détention au sens de l’art. 76 LEI ne soient pas remplies et qu’il n’existe pas d’autre mesure moins contraignante permettant d’atteindre l’objectif visé.

5.            La cause pour l'inexécution du renvoi ou de l'expulsion doit résider dans le comportement de l'étranger. Cela peut être son manque de collaboration, qui peut concerner autant son identification que l'obtention des documents de voyage, ou son refus de quitter sans force le pays (cf. Gregor CHATTON/Laurent MERZ, in Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE [éd.], Code annoté de droit des migrations - vol. II : LEtr, 2017, p. 834 ; cf. aussi ATA/1517/2017 du 21 novembre 2017 consid. 5c).

Le but de la détention pour insoumission est de pousser un étranger tenu de quitter la Suisse à changer de comportement, lorsqu’à l’échéance du délai de départ, l’exécution de la décision ordonnant son refoulement ne peut être assurée sans la coopération de celui-ci, malgré les efforts des autorités (ATF 140 II 409 consid. 2.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 I 92 consid. 2.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_280/2021 du 22 avril 2021 consid. 2.2.1 ; 2C_188/2020 du 15 avril 2020 consid. 7.1 ; 2C_984/2013 du 14 novembre 2013 consid. 3.1). La détention pour insoumission apparaît ainsi comme une ultima ratio, dans la mesure où il n'existe plus d'autres mesures permettant d'aboutir à ce que l'étranger présent illégalement en Suisse soit refoulé dans son pays (ATF 140 II 409 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_188/2020 du 15 avril 2020 consid. 7.1 ; 2C_984/2013 du 14 novembre 2013 consid. 3.1 ; 2C_26/2013 du 29 janvier 2013 consid. 3.1).

Conformément aux conditions fixées à l'art. 78 al. 1 LEI, il faut, pour qu'une telle détention soit ordonnée, qu'une décision de renvoi ou d'expulsion soit entrée en force, que la personne concernée ne s'y soit pas conformée dans le délai imparti et que l'exécution de celle-ci échoue en raison du comportement reprochable de l'intéressé (cf. not. arrêts du Tribunal fédéral 2C_188/2020 du 15 avril 2020 consid. 7.2 ; 2C_1038/2018 du 7 décembre 2018 consid. 2.2). En outre, la détention en vue du renvoi (art. 76 LEI) ne doit plus être possible et il ne doit pas y avoir d'autres moyens moins contraignants pour atteindre le but visé (cf. not. arrêts du Tribunal fédéral 2C_188/2020 du 15 avril 2020 consid. 7.2 ; 2C_1038/2018 du 7 décembre 2018 consid. 2.2).

Les objectifs de la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion ne sont donc pas les mêmes que ceux de la détention pour insoumission. Alors que la première tend à permettre l'exécution du renvoi ou de l'expulsion en évitant que l'étranger disparaisse (cf. art. 76 LEI), la seconde vise à obtenir un changement de comportement chez l'intéressé et ne se justifie que si sa détention en vue du renvoi ou de l'expulsion n'est plus possible. Ces deux détentions trouvent du reste une base différente dans la CEDH : la première est assimilée à une détention régulière d'une personne contre laquelle une procédure d'expulsion ou d'extradition est en cours au sens de l'art. 5 par. 1 let. f CEDH, tandis que la seconde est conçue comme une mesure tendant à garantir l'exécution d'une obligation prescrite par la loi selon l'art. 5 par. 1 let. b CEDH dans ce contexte (ATF 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 133 II 97 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_538/2010 du 19 juillet 2010 consid. 4.3.2 ; cf. aussi arrêt 2C_280/2021 du 22 avril 2021 consid. 2.2.1).

6.            À teneur de l'art. 78 al. 2 LEI, la détention pour insoumission peut être ordonnée pour une période d’un mois. Moyennant le consentement de l’autorité judiciaire cantonale et dans la mesure où l’étranger n’est pas disposé à modifier son comportement et à quitter le pays, elle peut être prolongée de deux mois en deux mois. Elle ne doit pas excéder - avec la détention en vue du renvoi et la détention en phase préparatoire - dix-huit mois (art. 78 al. 2 LEI et 79 al. 1 et 2 LEI ; ATF 140 II 409 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_188/2020 du 15 avril 2020 consid. 7.3).

La détention pour insoumission doit en tous les cas respecter le principe de la proportionnalité, ce qui suppose d'examiner l'ensemble des circonstances pour déterminer si elle paraît appropriée, ainsi que nécessaire, et s'il existe un rapport raisonnable entre les moyens (la détention) et le but visé (le changement de comportement) (cf. ATF 140 II 409 consid. 2.1 ; 135 II 105 consid. 2.2.1 ; 134 II 201 consid. 2.2.2). Le refus explicite de collaborer de la personne concernée est un indice important, mais d'autres éléments entrent aussi en compte (ATF 135 II 105 consid. 2.2.2 ; 134 II 201 consid. 2.2.4). Ainsi, le comportement de l'intéressé, la possibilité qui lui est offerte de mettre concrètement lui-même fin à sa détention s'il coopère, ses relations familiales ou le fait qu'en raison de son âge, son état de santé ou son sexe, il mérite une protection particulière, peuvent aussi jouer un rôle (ATF 135 II 105 consid. 2.2.2 ; 134 I 92 consid. 2.3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_188/2020 du 15 avril 2020 consid. 7.4 ; 2C_1038/2018 du 7 décembre 2018 consid. 2.3 ; 2C_984/2013 du 14 novembre 2013 consid. 3.2 et 3.4 et les arrêts cités).

7.            Conformément à l'art. 78 al. 6 LEI, la détention pour insoumission est levée dans les cas suivants : un départ de Suisse volontaire et dans les délais prescrits n'est pas possible, bien que l'étranger se soit soumis à l'obligation de collaborer avec les autorités (let. a), le départ de Suisse a lieu dans les délais prescrits (let. b), la détention en vue du renvoi ou de l'expulsion est ordonnée (let. c), une demande de levée de la détention est déposée et approuvée (let. d).

L'art. 78 al. 6 let. a LEI prévoit, par opposition à l'art. 80 al. 6 let. a LEI, que la détention pour insoumission est levée si un départ de Suisse volontaire et dans les délais prescrits n'est pas possible, bien que l'étranger se soit soumis à l'obligation de collaborer avec les autorités. En d'autres termes, tant que l'impossibilité du renvoi dépend de la volonté de l'étranger de collaborer avec les autorités, celui-ci ne peut pas se prévaloir de l'art. 80 al. 6 let. a LEI en cas de détention pour insoumission. Il ne peut faire valoir l'impossibilité du renvoi pour justifier sa libération que si cette situation n'est pas en lien avec son obligation de collaborer en application de l'art. 78 al. 6 let. a LEI (arrêt du Tribunal fédéral 2C_639/2011 du 16 septembre 2011 consid. 4.1 ; 2C_624/2011 du 12 septembre 2011 consid. 3 ; cf. aussi Gregor CHATTON/Laurent MERZ, op. cit., n. 39 ad art. 78 p. 843). Le refus constant et catégorique de collaborer du détenu ne permet à lui seul pas d'en déduire que la détention pour insoumission n'est pas ou plus propre à atteindre son but ; il ne s'agit que d'un élément à prendre en considération parmi l'ensemble des circonstances, sous peine d'aboutir au résultat que le maintien en détention serait d'autant moins justifié que la personne refuse avec force son renvoi ou son expulsion (cf. arrêts du Tribunal fédéral 2C_188/2020 du 15 avril 2020 consid. 7.9 ; 2C_984/2013 du 14 novembre 2013 consid. 3.2 et les arrêts cités ; cf. aussi ATA/226/2014 du 8 avril 2014).

Sous l'angle de l'art. 80 al. 6 let. a LEI, si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion s'avère impossible pour des raisons juridiques ou matérielles, la détention dans l'attente du renvoi ou de l'expulsion ne peut plus être justifiée par une procédure d'éloignement en cours ; de plus, elle est contraire à l'art. 5 par. 1 let. f CEDH (cf. ATF 130 II 56 consid. 4.1.1 ; 122 II 148 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_634/2020 et 2C_635/2020 du 3 septembre 2020 consid. 6.1 ; 2C_597/2020 du 3 août 2020 consid. 4.1). Ces raisons doivent être importantes (« triftige Gründe »), l'exécution du renvoi ou de l'expulsion devant être qualifiée d'impossible lorsque le rapatriement est pratiquement exclu, même si l'identité et la nationalité de l'étranger sont connues et que les papiers requis peuvent être obtenus (arrêts du Tribunal fédéral 2C_634/2020 et 2C_635/2020 du 3 septembre 2020 consid. 6.1 ; 2C_597/2020 du 3 août 2020 consid. 4.1 ; 2C_672/2019 du 22 août 2019 consid. 5.1 et les arrêts cités). Il s'agit d'évaluer la possibilité d'exécuter la décision de renvoi ou d'expulsion dans chaque cas d'espèce. Le facteur décisif est de savoir si l'exécution de l'éloignement semble possible dans un délai prévisible, respectivement raisonnable, avec une probabilité suffisante. La détention viole l'art. 80 al. 6 let. a LEI, ainsi que le principe de proportionnalité, lorsqu'il y a de bonnes raisons de penser que tel ne pourra pas être le cas (ATF 130 II 56 consid. 4.1.3 et les arrêts cités ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_280/2021 du 22 avril 2021 consid. 2.2.2 ; 2C_634/2020 et 2C_635/2020 du 3 septembre 2020 consid. 6.1 ; 2C_597/2020 du 3 août 2020 consid. 4.1). Sous l'angle de l'art. 80 al. 6 let. a LEI, la détention ne doit être levée que si la possibilité de procéder au refoulement est inexistante ou hautement improbable et purement théorique, mais pas s'il y a une chance sérieuse, bien que mince, d'y procéder (cf. ATF 130 II 56 consid. 4. 1. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_280/2021 du 22 avril 2021 consid. 2.2.2 ; 2C_634/2020 et 2C_635/2020 du 3 septembre 2020 consid. 6.1 ; 2C_597/2020 du 3 août 2020 consid. 4.1).

Il n'y a pas d'impossibilité si la personne concernée peut partir volontairement, c'est-à-dire s'il n'y a pas d'obstacles techniques à cet égard ; il en va de même si le refoulement forcé est exclu, mais que le départ volontaire s'avère techniquement possible ; la détention pour insoumission est dès lors inadaptée, si tant l'expulsion que le départ volontaire s'avèrent objectivement impossibles (arrêt du Tribunal fédéral 2C_280/2021 du 22 avril 2021 consid. 2.2.4 et l'arrêt cité).

8.            Dans plusieurs arrêts en lien avec la pandémie de Covid-19, le Tribunal fédéral a jugé que si l'exécution forcée du renvoi ou de l'expulsion vers le pays concerné est exclue au moment où l'autorité ou le juge statue, elle ne peut être qualifiée de possible dans un délai prévisible et, donc, de réalisable que si l'autorité ou le juge dispose d'indications suffisamment concrètes permettant de retenir qu'il existe au moins une chance sérieuse d'y procéder, même si elle s'avère mince. Ces indications sont en particulier fournies par le SEM (arrêts 2C_280/2021 du 22 avril 2021 consid. 2.2.3 ; 2C_634/2020 et 2C_635/2020 du 3 septembre 2020 consid. 6.2 ; 2C_597/2020 du 3 août 2020 consid. 4.1 ; 2C_442/2020 du 24 juin 2020 consid. 5.3.1 ; 2C_323/2020 du 18 juin 2020 consid. 5.4.2 ; 2C_414/2020 du 12 juin 2020 consid. 3.3.1). À défaut, il y a lieu d'admettre qu'il n'y a pas de perspective sérieuse d'exécution de la décision de renvoi ou d'expulsion et le détenu doit être libéré, la vague possibilité que l'obstacle à son refoulement puisse être levé dans un avenir prévisible ne suffisant pas à justifier le maintien de sa privation de liberté (arrêts 2C_634/2020 et 2C_635/2020 du 3 septembre 2020 consid. 6.2 ; 2C_518/2020 du 10 juillet 2020 consid. 4.3.1 ; 2C_442/2020 du 24 juin 2020 consid. 5.3.3). Rien n'empêche ensuite l'autorité compétente de prononcer une nouvelle mise en détention, si de nouveaux éléments de fait indiquent - par exemple - une réouverture de l'espace aérien permettant de conclure de manière suffisamment précise que l'exécution du refoulement apparaît possible dans le délai de la détention (cf. arrêts 2C_634/2020 et 2C_635/2020 du 3 septembre 2020 consid. 6.8 ; 2C_597/2020 du 3 août 2020 consid. 4.2).

9.            Avant l'adoption de l'actuel art. 72 LEI (en vigueur du 2 octobre 2021 au 31 décembre 2022), introduisant l'obligation pour l'étranger de se soumettre à un test Covid-19 si cette mesure est nécessaire pour exécuter son renvoi ou son expulsion, le Tribunal fédéral a jugé que le devoir de coopération pour l'obtention de documents prescrit par l'art. 90 let. c LEI englobe toutes les prescriptions que l'État d'origine exige pour l'entrée sur son territoire, soit, notamment, l'accomplissement d'un éventuel test PCR-Covid-19 (arrêts 2C_280/2021 du 22 avril 2021 consid. 2.2.3 ; 2C_35/2021 du 10 février 2021 consid. 3.2). Dans le cas que le Tribunal fédéral avait à juger, l'exigence de ce test faisait partie des conditions d'entrée tunisiennes en vigueur, que la Suisse était tenue de respecter sur la base de l'art. 3 par. 2 (conditions d'entrée et de séjour) de l'Accord de coopération en matière de migration entre la Confédération suisse et la République tunisienne du 11 juin 2012 (RS 0.142.117.589). Le Tribunal fédéral a estimé que, sous cet angle, l'atteinte à l'intégrité corporelle et à la vie privée de la personne concernée n'apparaissait pas grave, dans la mesure où il s'agissait d'un simple prélèvement effectué dans le nez ou la gorge ; pouvant certes être désagréable, une telle intervention n'avait aucun effet sur la santé et était réalisée en quelques secondes seulement (arrêt 2C_35/2021 du 10 février 2021 consid. 3.2 s. et 3.4.1). En l'absence d'une base légale suffisante, une telle mesure ne pouvait toutefois pas être effectuée contre la volonté de la personne concernée ; celle-ci pouvait néanmoins, en cas de refus de s'y soumettre, être placée ou maintenue en détention administrative, pour autant que, compte tenu des circonstances, le principe de proportionnalité ne s'y oppose pas (arrêts 2C_280/2021 du 22 avril 2021 consid. 2.2.3 ; 2C_35/2021 du 10 février 2021 consid. 3.5.1).

10.        En l'occurrence, M. A______ fait l'objet d'une décision de renvoi fédérale prononcée le 12 février 2016 et entrée en force, n'ayant toujours pas été exécutée.

11.        Son retour au Maroc est a priori possible (et pourrait être effectué très rapidement), puisque les autorités de ce pays l'ont reconnu comme étant l'un de leurs ressortissants, qu'elles ont déjà délivré un laissez-passer en sa faveur, dont rien n’indique que le renouvellement poserait problème, que son état de santé ne s'oppose pas à son rapatriement (la blessure qu'il s'est infligée ce jour n'étant manifestement pas grave au point qu'elle rendrait impossible l'exécution de son renvoi) et que des liaisons aériennes entre la Suisse et le Maroc sont actuellement disponibles, ce plusieurs fois par semaine, même si les autorités marocaines exigent désormais un statut vaccinal complet contre la Covid-19 pour l'entrée sur leur territoire.

M. A______ s'oppose catégoriquement à son retour au Maroc et il n'est pas contesté que celui-ci refuse catégoriquement de se faire vacciner contre la Covid-19. Or, comme le droit suisse exclut la possibilité d'une vaccination forcée, un retour sous la contrainte est devenu impossible. Il convient donc de déterminer si l'impossibilité d'exécuter l'expulsion réside dans le comportement de M. A______, soit si on peut lui reprocher son refus de se soumettre à la vaccination lequel rend impossible la présentation du pass vaccinal prescrit.

Dans cette perspective, il y a lieu d'examiner si le devoir de collaboration pour l'obtention de documents prescrit par l'art. 90 let. c LEI inclut, à l'instar de l'accomplissement d'un test de dépistage au Covid 19, le respect de l'exigence de l'État d'origine consistant à lui présenter un statut vaccinal complet comportant l'administration de deux doses de vaccins ou la preuve d'une guérison, suivie d'une dose de vaccin, comme l'estime le commissaire de police.

Dans son arrêt 2C_35/2021 précité, le Tribunal fédéral a considéré que le devoir de coopération prévu par l'art. 90 let. c LEI, englobait toutes les prescriptions exigées par l'État d'origine pour l'entrée sur son territoire, soit notamment l'accomplissement d'un test PCR-Covid 19. Il doit toutefois être relevé que le Tribunal fédéral est parvenu à cette conclusion après une analyse circonstanciée du principe de proportionnalité, considérant notamment que l'atteinte à l'intégrité physique et à la sphère privée induite par un tel test n'était pas grave, dès lors que si un prélèvement dans le nez ou dans la gorge pouvait être désagréable, il n'avait aucun effet sur la santé et pouvait être réalisé en quelques secondes.

12.        De l'avis du tribunal, la présentation d'un pass vaccinal qui implique une vaccination complète, à savoir l'injection de deux doses de vaccins, à 21 jours d'intervalle pour le vaccin Comirnaty® de Pfizer/BioNTech et à 28 jours d'intervalle pour le vaccin Spikevax® de Moderna (https://www.ge.ch/se-faire-vacciner-contre-covid-19/schema-vaccination, page consultée le 21 février 2022), ou la preuve d'une guérison, suivie d'une dose vaccinale, ne peut être assimilée à l'accomplissement d'un seul test de dépistage.

13.        Si les effets éventuels sur la santé d'une telle vaccination ne sont, à l'heure actuelle, pas connus du tribunal, il est communément admis que l'obligation d'une vaccination constitue une restriction au droit à la liberté individuelle de l’individu dans le cadre de laquelle la distinction entre les intérêts publics et privés en matière de santé ne se fait pas sans peine, au point que de nombreux États - dont la Suisse - concernés par la pandémie, ne l'ont pas adoptée (cf. JTAPI/128/2022 du 16 février 2022 consid. 15).

À ce sujet, dans le cadre de la modification de la LEI (test Covid-19 en cas de renvoi ou d’expulsion), le Conseil fédéral a relevé que « contrairement à un test Covid-19, le test sanguin et la vaccination sont des mesures invasives qui constituent des atteintes plus significatives à l’intégrité physique des personnes concernées ». Il a estimé « que de telles mesures invasives forcées sont disproportionnées, raison pour laquelle il les rejette. Il en va de même pour la vaccination obligatoire, dont il est proposé qu’elle soit sanctionnée, en cas de non-respect, dans le cadre d’une violation de l’obligation de collaborer » (Message du 11 août 2021 - FF 2021 1901 p. 17).

14.        Eu égard à ce qui précède, le tribunal considère que l'exigence de la présentation d'un pass vaccinal - qui implique une vaccination complète - posée comme une condition d'entrée de l'État d'origine, qui implique une vaccination complète, excède ce qui est prévu par l'art. 90 let. c LEI, de sorte que le refus de s'y soumettre ne peut pas constituer un comportement « reprochable », propre à fonder une détention administrative pour insoumission. En effet, d'une part, de telles mesures apparaissent nettement plus invasives qu'un simple test de dépistage d'un point de vue de la santé et le choix de s'y soumettre relève de la liberté personnelle et du droit à l'autodétermination individuelle, laquelle confère à chacun le droit de décider seul des aspects fondamentaux de sa propre vie, tel que garanti par l’art. 10 al. 2 Cst. D'autre part, par opposition aux quelques secondes que dure un test de dépistage, une vaccination complète ne peut pas être réalisée en moins de 21 jours ce qui prolongerait d'autant la détention pour insoumission de l'étranger quand bien même ce dernier se serait décidé de coopérer (cf. JTAPI/128/2022 précité consid. 15)

15.        Pour ces raisons, le tribunal considère que le refus de se soumettre à la vaccination, opposé par M. A______ ne saurait constituer de sa part un comportement « reprochable » justifiant une détention pour insoumission.

Au vu de ce qui précède, il y a lieu d'annuler l'ordre de mise en détention administrative pour insoumission de M. A______ et d'ordonner sa mise en liberté immédiate.

16.        Conformément à l'art. 9 al. 6 LaLEtr, le présent jugement sera communiqué à M. A______, à son avocat et au commissaire de police. En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), il sera en outre communiqué au SEM.


 

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             annule l’ordre de mise en détention administrative pris par le commissaire de police le 18 février 2022 à l’encontre de Monsieur A______ pour une durée d’un mois ;

2.             lève la détention de Monsieur A______ et ordonne sa mise en liberté immédiate ;

3.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 10 al. 1 LaLEtr et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les dix jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

La présidente

Michèle PERNET

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée à Monsieur A______, à son avocat, au commissaire de police et au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière