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Décisions | Tribunal administratif de première instance

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A/3704/2020

JTAPI/499/2021 du 25.05.2021 ( OCPM ) , REJETE

REJETE par ATA/920/2021

Descripteurs : CAS DE RIGUEUR;PREUVE
Normes : LEI.30.al1.letb; OASA.31
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3704/2020

JTAPI/499/2021

 

JUGEMENT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

du 25 mai 2021

 

dans la cause

 

Monsieur A______, représenté par Me Philippe GIROD, avocat, avec élection de domicile

 

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS

 


EN FAIT

1.             Monsieur A______, né le _____ 1976, est ressortissant de Tunisie.

2.             Par décision du 16 octobre 2020, l'office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a considéré qu'il ne répondait pas aux critères de l'opération Papyrus et qu'il ne remplissait pas les conditions d'octroi d'une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité et a refusé de soumettre son dossier avec un préavis positif au Secrétariat d'État aux migrations (SEM). Il a par ailleurs prononcé son renvoi de Suisse, constatant en outre qu'aucun élément n'indiquait que l'exécution de son renvoi ne serait pas possible, pas licite ou ne pourrait être raisonnablement exigé. Enfin, il était tenu de quitter le territoire des Etats membres de l'union européenne (UE) et des Etats associés à Schengen, à moins qu'il ne soit titulaire d'un permis de séjour valable émis par l'un de ces Etats et que celui-ci consente à le réadmettre sur son territoire.

Les pièces qu'il avait produites à l'appui de sa requête du 20 décembre 2018 ne permettaient pas de retenir qu'il séjournait à Genève depuis au moins 10 ans, car aucun document n'avait été fourni pour les années de 2010 à 2017. Par ailleurs, il ne remplissait pas les critères relatifs à un cas individuel d'extrême gravité, n'ayant pas prouvé une très longue durée de séjour en Suisse ni l'existence d'aucun élément permettant de déroger à cette exigence, il n'avait pas non plus démontré qu'une réintégration dans son pays d'origine aurait de graves conséquences sur sa situation personnelle, indépendamment des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place.

3.             Par acte du 16 novembre 2020, M. A______ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le tribunal), en concluant à son annulation.

Il était arrivé en Suisse en 2002, mais disposait de preuves de son séjour depuis 2008. À cet égard, dans le cadre de sa requête de régularisation, il avait produit cinq attestations de travail établies par B______ pour la période de juin 2008 à septembre 2017. Il avait également produit une demande d'autorisation de séjour remplie le 13 décembre 2018 par son employeur, C______, ainsi que des attestations du 12 novembre 2018 concernant l'absence de poursuites à son égard et de prise en charge par l'Hospice général. Ultérieurement, il avait produit une attestation de Monsieur D______ du 6 juin 2019, qui exposait le connaître depuis plus de 12 ans en tant que barman dans un bistro à la rue E______ et dans une salle de billard à la rue de F______. Il avait également produit une attestation de Monsieur G______ du 12 septembre 2019, indiquant qu'il connaissait M. A______ depuis environ huit ans et qu'il l'avait fréquenté de manière presque journalière lorsqu'il se rendait dans les deux établissements publics susmentionnés. Une autre attestation établie le 20 juillet 2019 par l'H______ indiquait qu'il participait aux différentes activités de l'association depuis 2012. Il avait encore produit une attestation établie le 20 juillet 2020 par l'association I______, indiquant que l'intéressé était membre de l'association depuis ses débuts. L'association avait pour but de créer des événements culturels autour de la citoyenneté entre la Suisse et la Tunisie. Elle organisait également, lors d'élections locales et nationales, des rencontres avec des candidats et des politiciens suisses afin d'encourager les citoyens tunisiens double nationaux de première et deuxième génération à participer à la vie active de leur cité. M. A______ était une personne très attachante, ouverte et bien intégrée dans la société genevoise. Il avait produit en outre une facture relative à des travaux de peinture effectués en février 2010 et en avril 2015, ainsi que des quittances de 2011 pour l'achat d'un canapé d'occasion et de 2016 pour l'achat d'un téléphone. Enfin, il avait passé avec succès un examen de français le 3 mai 2018.

La décision litigieuse ne tenait pas compte de la difficulté pour une personne en situation irrégulière, de fournir des preuves strictes de son séjour. Elle tenait insuffisamment compte des éléments de preuve concernant sa présence à Genève dès 2018 et pour les années suivantes. Il s'agissait d'apprécier à nouveau son cas à la lumière de ces considérations.

4.             Par écritures du 14 janvier 2021, l'OCPM a conclu au rejet du recours, reprenant en substance les motifs de sa décision.

5.             Par réplique du 10 février 2021, M. A______ a produit de nouveaux documents, à savoir :

·         une attestation signée le 23 novembre 2020 par Monsieur J______, indiquant qu'il connaît M. A______ depuis 2002 et considérant qu'il s'agit d'une personne moralement irréprochable ;

·         une attestation non datée signée par Monsieur K______, indiquant qu'il a fait la connaissance de M. A______ depuis 2002, alors que le précité travaillait en tant que barman dans une salle de billard à la rue de F______ ;

·         une attestation signée le 16 novembre 2020 par Monsieur L______, indiquant qu'il connaît M. A______ 2002, qu'il est devenu un ami de la famille, qu'il a toujours travaillé rigoureusement et qu'il s'est pleinement intégré à la société suisse, dont il respecte les valeurs ;

·         une attestation non datée signée par M______ Sàrl, indiquant que M. A______ a régulièrement fait des remplacements entre 2005 et 2010 au bar N______, rue E______, dont elle était à l'époque l'exploitante ;

·         une attestation établie le 10 décembre 2018 par Madame O______, indiquant qu'elle connaît M. A______ depuis 2005 et qu'il s'agit d'un ami de son mari et qu'elle l'a souvent fréquenté en compagnie de ce dernier ;

·         une attestation non datée et signée par Monsieur P______, indiquant que M. A______ a travaillé en tant que nettoyeur de fin de chantier de 2008 à 2015 auprès de l'entreprise C______ ;

·         des attestations non datées établies par Q______ Sàrl, indiquant avoir employé M. A______ à 80 % de 2017 à 2020 auprès du bar N______ à la rue E______ ;

·         une attestation établie le 5 décembre 2018 par Monsieur R______, indiquant que M. A______ avait habité chez lui, au 4, Rue du S______, de juillet 2002 à juin 2006, pour un loyer mensuel de CHF 300.- ;

·         une attestation établie le 3 décembre 2018 par Monsieur T______, indiquant que M. A______ avait loué une chambre chez lui au _____, avenue de V______, pour la période de juillet 2006 à janvier 2013, pour un loyer mensuel de CHF 400.- ;

·         une attestation établie le 10 décembre 2018 par Monsieur W______, indiquant que M. A______ avait loué son studio au _____, rue de X______, durant la période de février 2013 jusqu'à la date de l'attestation, pour un loyer mensuel de CHF 400.-.

6.             À l'appui de ces pièces, M. A______ a sollicité l'audition des auteurs des attestations en tant que témoins, si le tribunal l'estimait nécessaire.

7.             Par duplique du 17 février 2021, l'OCPM a souligné que contrairement aux extraits AVS, les attestations de travail étaient considérées comme des preuves de catégories B et non pas de catégories A. S'agissant des preuves de catégorie B, la personne concernée devait présenter trois à cinq documents par année. Par ailleurs, les documents établis par des connaissances, des amis ou des collègues ne faisaient pas partie des preuves de catégorie B, car ils pouvaient être rédigés pour les besoins de la cause.

EN DROIT

1.             Le Tribunal administratif de première instance connaît des recours dirigés, comme en l'espèce, contre les décisions de l'office cantonal de la population et des migrations relatives au statut d'étrangers dans le canton de Genève (art. 115 al. 1 et 116 al. 1 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 3 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2.             Interjeté en temps utile et dans les formes prescrites devant la juridiction compétente, le recours est recevable au sens des art. 60 et 62 à 65 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10).

3.             Le recourant conclut préalablement à ce que le tribunal ordonne au besoin l'audition des auteurs des différentes attestations qu'il a produites.

4.             Tel que garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour le justiciable de produire des preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (cf. ATF 142 II 2018 consid. 2.3 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Ce droit ne s'étend toutefois qu'aux éléments pertinents pour décider de l'issue du litige et le droit de faire administrer des preuves n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 136 I 229 consid. 5.2 ; ATA/168/2020 du 11 février 2020 consid. 2 et les références citées). Par ailleurs, il ne confère pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (art. 41 in fine LPA ; ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_51/2018 du 17 janvier 2019 consid. 4.1 ; 2C_901/2014 du 27 janvier 2015 consid. 3).

5.             En l'espèce, les attestations produites par le recourant ne font qu'établir la date la plus ancienne à laquelle il serait arrivé à Genève, soit en 2002. Or, comme on va le voir plus loin, c'est non seulement l'ancienneté de l'arrivée à Genève ou en Suisse qui importe sous l'angle des critères de l'opération Papyrus ou des conditions légales relatives à l'octroi d'un permis de séjour pour cas individuel d'extrême gravité, mais également la continuité du séjour depuis lors, cette continuité excluant des séries d'allers-retours entre la Suisse et le pays d'origine ou un pays tiers. En tant que simples connaissances du recourant, les personnes qui ont attesté de son arrivée à Genève il y a de longues années et du fait qu'elles ont continué à le fréquenter depuis lors, ne peuvent exclure de tels allers-retours, lesquels sont de nature à passer relativement inaperçus lorsque, par exemple, il s'agit de période de 3 à 6 semaines répétées plusieurs fois par année. Dans cette mesure, seuls des éléments objectifs tels que des versements mensuels de salaire, des renouvellements mensuels d'abonnements, des rendez-vous médicaux, des attestations de formation, etc. (ces différents documents pouvant se combiner entre eux), sont de nature à permettre de retenir la continuité du séjour à Genève ou en Suisse.

Pour ces raisons, l'audition des auteurs de ces attestations n'apporteraient pas d'informations suffisamment fiables sur la continuité du séjour du recourant en Suisse depuis 2002. Par appréciation anticipée des preuves, le tribunal écartera donc cette mesure d'instruction.

6.             L'objet du litige concerne le refus par l'OCPM de préaviser favorablement le dossier du recourant auprès du SEM, en vue de l'octroi d'une autorisation de séjour sous l'angle des critères de l'opération Papyrus ou pour cas individuel d'extrême gravité.

7.             La LEI et ses ordonnances d'exécution, en particulier l'OASA, règlent l'entrée, le séjour et la sortie des étrangers dont le statut juridique n'est pas réglé par d'autres dispositions du droit fédéral ou par des traités internationaux conclus par la Suisse (cf. art. 1 et 2 LEI), ce qui est le cas pour les ressortissants de Tunisie.

8.             S'agissant de l'opération Papyrus, la jurisprudence a confirmé les critères retenus pour pouvoir bénéficier d'une régularisation du séjour à Genève (ATA/1585/2019 du 29 octobre 2019 consid. 9a). Ces critères sont les suivants :

- avoir un emploi

- être indépendant financièrement ;

- ne pas avoir de dettes ;

- avoir séjourné à Genève de manière continue sans papiers pendant cinq ans minimum (pour les familles avec enfants scolarisés) ou dix ans minimum pour les autres catégories, à savoir les couples sans enfants et les célibataires ; le séjour doit être documenté ;

- faire preuve d'une intégration réussie (minimum niveau A2 de français du cadre européen commun de référence pour les langues et scolarisation des enfants notamment) ;

- absence de condamnation pénale (autre que séjour illégal).

Ces critères ont été énoncés dans le livret intitulé "Régulariser mon statut de séjour dans le cadre de Papyrus".

9.             Les preuves relatives au séjour dans le canton de Genève sont réparties dans deux catégories distinctes, selon leur force probante. Les preuves de catégorie A correspondent aux documents qui suffisent à eux seuls à démontrer le séjour de la personne concernée durant l'année correspondante, tandis que les preuves de catégories B correspondent aux documents dont la force probante est considérée comme moins grande. Dans cette catégorie, chaque année de séjour doit être attestée par trois à cinq documents distincts.

La catégorie A correspond aux documents suivants :

- extrait AVS (cotisation retraite)

- preuve de cotisations LPP (2e pilier)

- attestation de l'administration fiscale

- fiches de salaires

- contrat de travail

- contrat de bail

- copie en cas de demande déposée auprès du tribunal des prud'hommes

- preuves de versements d'allocations familiales pour enfants

- attestation de scolarité à Genève, carnet scolaire

- documents scolaires genevois (ou parascolaires, cours de sport, musique, etc.) adressés nominativement aux parents (pas de simple circulaire)

- attestation de suivi d'un cours de langue à Genève

- preuves de paiement des primes assurances maladies ou accident (LAMal) (pour les parents ou les enfants)

- documents assurance maladie-accident (police d'assurance, décision de subside)

- police d'assurance (RC, incendie ou ménage etc.)

- abonnement TPG au nom des parents ou à celui de leurs enfants

- attestation de suivi individuel par une association à Genève

- extraits de comptes bancaires ou postaux faisant état de retraits ou de paiements réguliers dans des commerces locaux

- preuve de versement Western Union ou autres

- facture nominative du médecin, SIG, téléphone à Genève

La catégorie B correspond aux documents suivants :

- abonnement de fitness

- témoignages "engageants" (enseignants, association dont le requérant est membre, anciens employeurs, médecins, etc.)

- documents attestations de différentes démarches, y compris le fait d'avoir un passeport établi ou renouvelé par une représentation diplomatique du pays d'origine.

10.         L'opération Papyrus a pris fin le 31 décembre 2018, « date limite pour le dépôt des dossiers de régularisation dans le cadre du projet » (cf. communiqué de presse du DSES et département de la cohésion sociale du 4 mars 2019, https://www.ge.ch/document/point-situation-intermediaire-relatif-cloture-du-projet-papyrus, consulté le 26.02.2021).

11.         A titre subsidiaire et dans l'hypothèse où les conditions de l'opération Papyrus susmentionnées ne seraient pas remplies, il convient d'examiner le dossier sous l'angle du cas de rigueur.

12.         Selon l'art. 30 al. 1 let. b LEI, il est possible de déroger aux conditions d'admission d'un étranger en Suisse pour tenir compte d'un cas individuel d'extrême gravité.

L'art. 31 al. 1 OASA précise cette disposition et prévoit qu'une autorisation de séjour peut être octroyée dans les cas individuels d'extrême gravité, l'autorité devant, lors de leur appréciation, tenir compte de l'intégration du requérant (let. a), du respect de l'ordre juridique suisse (let. b), de sa situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants (let. c), de sa situation financière, ainsi que de sa volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation (let. d), de la durée de sa présence en Suisse (let. e), de son état de santé (let. f), ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance (let. g). Les critères énumérés par cette disposition, qui doivent impérativement être respectés, ne sont toutefois pas exhaustifs (ATF 137 II 345 consid. 3.2.3 ; 137 II 1 consid. .1 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-3986 2015 ; F-3986/2015 du 22 mai 2017 consid. 9.3 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017), d'autres éléments pouvant également entrer en considération, comme les circonstances concrètes ayant amené un étranger à séjourner illégalement en Suisse (cf. ATA/465/2017 du 25 avril 2017 consid. 5 ; ATA/425/2017 du 11 avril 2017).

13.         La jurisprudence développée au sujet des cas de rigueur selon le droit en vigueur jusqu'au 31 décembre 2007 (art. 13f de l'ancienne ordonnance limitant le nombre des étrangers du 6 octobre 1986 - aOLE - RS 142.20) est toujours d'actualité pour les cas d'extrême gravité qui leur ont succédé (ATF 136 I 254 consid. 5.3.1 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017).

Les dispositions dérogatoires des art. 30 LEI et 31 OASA présentent un caractère exceptionnel, de sorte que les conditions pour la reconnaissance d'une telle situation doivent être appréciées de manière restrictive et ne confèrent pas un droit à l'obtention d'une autorisation de séjour (ATF 137 II 345 consid. 3.2.1 ; 128 II 200 consid. 4 ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8). L'autorité doit néanmoins procéder à l'examen de l'ensemble des circonstances du cas d'espèce pour déterminer l'existence d'un cas de rigueur (ATF 128 II 200 consid. 4 ; 124 II 110 consid. 2 ; ATA/92/2020 du 28 janvier 2020 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017).

L'art. 30 al. 1 let. b LEI n'a pas pour but de soustraire le requérant aux conditions de vie de son pays d'origine, mais implique qu'il se trouve personnellement dans une situation si grave qu'on ne peut exiger de sa part qu'il tente de se réadapter à son existence passée. Des circonstances générales affectant l'ensemble de la population restée sur place, en lien avec la situation économique, sociale, sanitaire ou scolaire du pays en question, et auxquelles le requérant serait également exposé à son retour ne sauraient davantage être prises en considération, tout comme des données à caractère structurel et général, telles que les difficultés d'une femme seule dans une société donnée (ATF 123 II 125 consid. 5b/dd ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.245/2004 du 13 juillet 2004 consid. 4.2.1). Au contraire, dans la procédure d'exemption des mesures de limitation, seules des raisons exclusivement humanitaires sont déterminantes, ce qui n'exclut toutefois pas de prendre en compte les difficultés rencontrées par le requérant à son retour dans son pays d'un point de vue personnel, familial et économique (ATF 123 II 125 consid. 3 ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1131/2017 du 2 août 2017 consid. 5e).

La question n'est donc pas de savoir s'il est plus facile pour la personne concernée de vivre en Suisse, mais uniquement d'examiner si, en cas de retour dans le pays d'origine, les conditions de sa réintégration sociale, au regard de sa situation personnelle, professionnelle et familiale, seraient gravement compromises (arrêt du Tribunal fédéral 2C_621/2015 du 11 décembre 2015 consid. 5.2.1 ; ATA/92/ 2020 du 28 janvier 2020 consid.4f).

Parmi les éléments déterminants pour la reconnaissance d'un cas d'extrême gravité, il convient en particulier de citer la très longue durée du séjour en Suisse, une intégration sociale particulièrement poussée, une réussite professionnelle remarquable, la personne étrangère possédant des connaissances professionnelles si spécifiques qu'elle ne pourrait les mettre en oeuvre dans son pays d'origine, une maladie grave ne pouvant être traitée qu'en Suisse et la situation de ses enfants, notamment une bonne intégration scolaire aboutissant après plusieurs années à une fin d'études couronnée de succès. Constituent en revanche des facteurs allant dans un sens opposé le fait que la personne concernée n'arrive pas à subsister de manière indépendante et doive recourir aux prestations de l'aide sociale ou des liens conservés avec le pays d'origine, par exemple sur le plan familial, susceptibles de faciliter sa réintégration (arrêt du Tribunal fédéral 2A.543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-2584/2019 du 11 décembre 2019 consid. 5.3 ; F-6510/2017 du 6 juin 2019 consid. 5.6 ; F-736/2017 du 18 février 2019 consid. 5.6 et les références citées ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1130/2017 du 2 août 2017 consid. 5b).

Bien que la durée du séjour en Suisse constitue un critère important lors de l'examen d'un cas d'extrême gravité, elle doit être examinée à la lumière de l'ensemble des circonstances et être relativisée lorsque l'étranger a séjourné en Suisse de manière illégale, sous peine de récompenser l'obstination à violer la loi (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal fédéral 2D_13/2016 du 11 mars 2016 consid. 3.2 ; 2A.166/2001 du 21 juin 2001 consid. 2b/bb ; arrêt du Tribunal administratif fédéral C-912/2015 du 23 novembre 2015 consid. 4.3.2 ; ATA/895/2018 du 4 septembre 2018 consid. 8 ; ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; ATA/465/2017 du 25 avril 2017 ; ATA/287/2016 du 5 avril 2016). La durée du séjour (légal ou non) est ainsi un critère nécessaire, mais pas suffisant, à lui seul, pour la reconnaissance d'un cas de rigueur. La jurisprudence requiert, de manière générale, une très longue durée (ATA/1538/2017 du 28 novembre 2017 ; Minh Son NGUYEN/Cesla AMARELLE, Code annoté de droit des migrations, vol. 2 : LEtr, 2017, p. 269 et les références citées).

Ainsi, le simple fait, pour un étranger, de séjourner en Suisse pendant de longues années, y compris à titre légal, ne permet pas d'admettre un cas personnel d'extrême gravité sans que n'existent d'autres circonstances tout à fait exceptionnelles (cf. ATAF 2007/16 consid. 7 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral E-643/2016 du 24 juillet 2017 consid. 5.1 et les références citées ; cf. ég., sous l'ancien droit, ATF 124 II 110 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2A.540/2005 du 11 novembre 2005 consid. 3.2.1).

Il ne faut pas non plus perdre de vue qu'il est parfaitement normal qu'une personne ayant effectué un séjour prolongé en Suisse s'y soit créée des attaches, se soit familiarisée avec le mode de vie de ce pays et maîtrise au moins l'une des langues nationales. Aussi, les relations d'amitié ou de voisinage, de même que les relations de travail que l'étranger a nouées durant son séjour sur le territoire helvétique, si elles sont certes prises en considération, ne sauraient constituer des éléments déterminants pour la reconnaissance d'une situation d'extrême gravité (ATF 130 II 39 consid. 3 ; arrêts du Tribunal administratif fédéral F-1714/2016 du 24 février 2017 consid. 5.3 ; F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.3).

S'agissant de l'intégration professionnelle, elle doit revêtir un caractère exceptionnel au point de justifier, à elle seule, l'octroi d'une autorisation de séjour en dérogation aux conditions d'admission. Le requérant doit posséder des connaissances professionnelles si spécifiques qu'il ne pourrait les utiliser dans son pays d'origine ou doit avoir réalisé une ascension professionnelle remarquable, circonstances susceptibles de justifier à certaines conditions l'octroi d'un permis humanitaire (arrêt du Tribunal fédéral 2A543/2001 du 25 avril 2002 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral F-3298/2017 du 12 mars 2019 consid. 7.4 et les références citées ; ATA/775/2018 du 24 juillet 2018 consid. 4d ; ATA/882/2014 du 11 novembre 2014 consid. 6d et les arrêts cités). À titre d'exemple, le Tribunal fédéral a notamment retenu en faveur d'un étranger installé depuis plus de onze ans en Suisse qu'il y avait développé des liens particulièrement intenses dans les domaines professionnel (création d'une société à responsabilité limitée, emploi à la délégation permanente de l'Union africaine auprès de l'ONU) et social (cumul de diverses charges auprès de l'Eglise catholique) (arrêt 2C_457/2014 du 3 juin 2014 consid. 4 et les références citées).

L'intégration socio-culturelle n'est donc en principe pas susceptible de justifier à elle seule l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas de rigueur. Néanmoins, cet aspect peut revêtir une importance dans la pesée générale des intérêts (cf. not. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-541/2015 du 5 octobre 2015 consid. 7.3 et 7.6 ; C-384/2013 du 15 juillet 2015 consid. 6.2 et 7 ; Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10), les lettres de soutien, la participation à des associations locales ou l'engagement bénévole pouvant représenter des éléments en faveur d'une intégration réussie, voire remarquable (cf. arrêts du Tribunal administratif fédéral C-74672014 du 19 février 2016 consid. 6.2.3 in fine ; C-2379/2013 du 14 décembre 2015 consid. 9.2 ; C-5235/2013 du 10 décembre 2015 consid. 8.3 in fine ; cf. aussi Actualité du droit des étrangers, 2016, vol. I, p. 10).

14.         En l'espèce, le recourant soutient qu'il séjournerait en Suisse depuis 2002. La décision litigieuse retient qu'en tout état, même si cette date correspond à l'arrivée du recourant en Suisse, il n'est pas établi qu'il y aurait depuis lors séjourné de manière continue et ininterrompue. Il convient à cet égard de rappeler que, conformément à la jurisprudence susmentionnée, la notion d'intégration rattachée à la durée du séjour implique que la personne concernée implante véritablement son centre de vie en Suisse et qu'elle ne quitte plus ce pays, hormis pour des absences liées à des périodes de vacances ou à quelques rares situations de nécessité. Inversement, lorsqu'une personne séjourne en Suisse par intermittence et retourne régulièrement dans son pays pour des périodes plus ou moins prolongées, elle peut certes finir par intégrer un certain nombre de codes et références propres à la Suisse, mais pour autant, on ne saurait admettre qu'elle y a durablement transféré son centre de vie avec l'intention d'abandonner définitivement l'idée de vivre dans son pays d'origine.

Dans le cas présent, il semble plausible, à teneur des attestations produites par le recourant, qu'il est arrivé en Suisse, c'est-à-dire à Genève, en 2002. A défaut de fiches de salaire ou de relevés AVS correspondant aux périodes les plus anciennes du séjour du recourant, on ne saurait retenir qu'il a occupé un ou plusieurs emplois successifs de manière continue. De manière beaucoup plus vraisemblable, il n'a travaillé que par intermittence. L'attestation établie par M______ Sàrl concernant les remplacements effectués par le recourant au bar N______, de 2005 à 2010, va dans ce sens. L'attestation établie par M. P______, à teneur de laquelle le recourant aurait travaillé pour son entreprise en tant que nettoyeur de fin de chantier entre 2008 et 2015, est rédigée en termes extrêmement généraux et ne permet pas de retenir qu'il aurait occupé un emploi régulier durant toute cette période, sans interruptions notables. On relèvera à ce sujet que si tel avait été le cas, le recourant se serait sans doute lié à des collègues de travail. Or, force est de constater qu'il n'a mentionné, parmi ses connaissances, aucune personne avec laquelle il aurait travaillé sur les chantiers durant les sept années concernées, de manière continue.

15.         Hormis la question du rattachement professionnel, la vraisemblance de la continuité d'un séjour en Suisse ou à Genève peut résulter de documents relatifs à l'intégration sociale, à des aspects médicaux, des formations, des démarches administratives, des contrats, etc. Or, en l'occurrence, les attestations fournies par l'H______ et par l'association I______ attestent uniquement, et en termes généraux, que le recourant à la qualité de membre depuis 2012 et 2013 et qu'il a participé à la vie associative. Or, la qualité de membre d'une association et même la participation régulière à ses activités ne permet pas d'exclure que la personne concernée effectue des allers-retours entre la Suisse et son pays d'origine, voire entre la Suisse et un pays limitrophe comme la France ou l'Italie.

Par conséquent, c'est à juste titre que l'autorité intimée a retenu que le critère de la durée minimal d'un séjour continu de dix ans à Genève n'était pas rempli de manière suffisamment probante.

C'est également à raison qu'elle a retenu que, même si elle pouvait être considérée comme convenable, l'intégration sociale et professionnelle du recourant ne pouvait être qualifiée de remarquable au sens de la jurisprudence susmentionnée, au point qu'elle permette de faire exceptionnellement abstraction de l'exigence d'un séjour de longue durée.

16.         Par conséquent, sous l'angle de l'opération Papyrus, force est de constater que la décision litigieuse est correctement fondée.

17.         Il en va de même sous l'angle des conditions légales prévues par les art. 30 al. 1 let b LEI et 31 OASA. Ce qui vient d'être dit au sujet du manque de preuves relatives à la durée d'un séjour continu et ininterrompu en Suisse depuis de nombreuses années, ainsi qu'au sujet de l'intégration socioprofessionnelle du recourant, demeure valable sous l'angle de ces dispositions légales.

Par ailleurs, le recourant n'indique pas en quoi son retour dans son pays d'origine impliquerait pour lui des difficultés particulières, pour des raisons différentes que les difficultés socio-économiques qui affectent l'ensemble de la population tunisienne.

18.         Au vu de ce qui précède, c'est avec raison que l'autorité intimée a refusé de préaviser favorablement le dossier du recourant à l'attention du SEM, en vue de l'octroi d'une autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité.

19.         Selon l'art. 64 al. 1 let. c LEI, les autorités compétentes rendent une décision de renvoi ordinaire à l'encontre d'un étranger auquel une autorisation est refusée ou dont l'autorisation n'est pas prolongée, car il n'en remplit pas les conditions.

Elles ne disposent à ce titre d'aucun pouvoir d'appréciation, le renvoi constituant la conséquence logique et inéluctable du rejet d'une demande d'autorisation (arrêt du Tribunal administratif fédéral C-4183/2011 du 16 janvier 2012 consid. 3.1 et les références citées ; ATA/709/2016 du 23 août 2016 consid. 8a et ATA/228/2018 du 2 mars 2015 consid. 8).

20.         Enfin, aux termes de l'art 83 al. 1 LEI, le SEM décide d'admettre à titre provisoire l'étranger si l'exécution du renvoi ou de l'expulsion n'est pas possible, n'est pas licite ou ne peut être raisonnablement exigée.

21.         En l'espèce, dès lors que le recourant est dépourvu de toute autorisation lui permettant de séjourner en Suisse, son renvoi a été prononcé à juste titre. Par ailleurs, aucun élément ne laisse supposer que l'exécution de cette mesure ne serait pas possible, pas licite ou qu'elle ne pourrait pas être raisonnablement exigée.

22.         Le recours, mal fondé, doit donc être rejeté.

23.         En application des art. 87 al. 1 LPA et 1 et 2 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), le recourant, qui succombe, est condamné au paiement d'un émolument s'élevant à CHF 700.- ; il est partiellement couvert par l'avance de frais de CHF 500.- versée à la suite du dépôt du recours. Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

24.         En vertu des art. 89 al. 2 et 111 al. 2 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent jugement sera communiqué au secrétariat d'État aux migrations.

 


PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

DE PREMIÈRE INSTANCE

1.             déclare recevable le recours interjeté le 16 novembre 2020 par Monsieur A______ contre la décision de l'office cantonal de la population et des migrations du 16 octobre 2020 ;

2.             le rejette ;

3.             met à la charge du recourant un émolument de CHF 700.-, lequel est partiellement couvert par l'avance de frais de CHF 500.- ;

4.             dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

5.             dit que, conformément aux art. 132 LOJ, 62 al. 1 let. a et 65 LPA, le présent jugement est susceptible de faire l'objet d'un recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (10 rue de Saint-Léger, case postale 1956, 1211 Genève 1) dans les trente jours à compter de sa notification. L'acte de recours doit être dûment motivé et contenir, sous peine d'irrecevabilité, la désignation du jugement attaqué et les conclusions du recourant. Il doit être accompagné du présent jugement et des autres pièces dont dispose le recourant.

Au nom du Tribunal :

Le président

Olivier BINDSCHEDLER TORNARE

 

Copie conforme de ce jugement est communiquée aux parties, ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Genève, le

 

La greffière