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Décisions | Chambre des baux et loyers

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C/1477/2022

ACJC/786/2022 du 13.06.2022 sur JTBL/182/2022 ( SBL ) , CONFIRME

Normes : CPC.257; CO.257f.al3
En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

C/1477/2022 ACJC/786/22

ARRÊT

DE LA COUR DE JUSTICE

Chambre des baux et loyers

DU LUNDI 13 JUIN 2022

 

Entre

CAISSE DE PRÉVOYANCE DE L'ETAT DE GENÈVE (CPEG), sise boulevard de Saint-Georges 38, case postale 176, 1211 Genève 8, appelante d'un jugement rendu par le Tribunal des baux et loyers le 8 mars 2022, comparant par Me Boris LACHAT, avocat, rue Saint-Ours 5, 1205 Genève, en l'étude duquel elle fait élection de domicile,

et

Monsieur A______, domicilié ______[GE], intimé, comparant par Me Marco ROSSI, avocat, quai Gustave-Ador 2, 1207 Genève, en l'étude duquel il fait élection de domicile.

 


EN FAIT

A. Par jugement JTBL/182/2022 du 8 mars 2022, reçu le 11 mars 2022 par la CAISSE DE PREVOYANCE DE L'ETAT DE GENEVE (ci-après : la CPEG), le Tribunal des baux et loyers, statuant par voie de procédure sommaire, a déclaré irrecevable la requête de celle-ci en évacuation, exécution et paiement formée par la voie de la protection du cas clair à l'encontre de A______ (ch. 1 du dispositif), débouté les parties de toutes autres conclusions (ch. 2) et dit que la procédure était gratuite (ch. 3).

B. a. Par acte déposé le 15 mars 2022 à la Cour de justice, la CPEG forme "appel" contre le chiffre 1 du dispositif précité, dont elle requiert l'annulation. Elle conclut, principalement, à ce que A______ soit condamné à évacuer immédiatement de sa personne, de ses biens et de tout occupant l'appartement de deux pièces au 4ème étage de l'immeuble sis 1______ à Genève, ainsi que le parking n° 17 au sous-sol du même immeuble, à ce qu'elle soit autorisée à requérir, aux frais de A______, l'évacuation immédiate de celui-ci par la force publique, à ce que A______ soit condamné à lui verser, avec intérêts à 5% l'an dès chaque échéance, le montant mensuel de 872 fr. 25 jusqu'à la libération intégrale de l'appartement et du parking à titre d'indemnités pour occupation illicite, sous déduction des indemnités versées à la régie E______ SA en lien avec les objets précités et à ce que soient réservées pour le surplus ses éventuelles prétentions financières à l'encontre de A______. Subsidiairement, la CPEG conclut au renvoi de la cause au Tribunal pour nouvelle décision dans le sens des considérants de l'arrêt à rendre.

Elle produit des pièces postérieures à l'audience à l'issue de laquelle les premiers juges ont gardé la cause à juger, soit un courrier qu'elle a déposé le 10 mars 2022 au Tribunal, un courriel du 8 mars 2022 (16h21) du conseil de A______ à la régie E______ SA et la réponse de celle-ci du 10 mars 2022 (pièces C et 7).

b. Par acte du 25 mars 2022, A______ conclut à la confirmation du jugement attaqué.

Il produit une pièce nouvelle, soit un acte de mariage.

c. Dans leurs déterminations subséquentes, les parties ont persisté dans leurs conclusions.

d. Elles ont été informées par avis du 9 mai 2022 de ce que la cause était gardée à juger.

C. Les faits suivants résultent du dossier de première instance.

a. Par contrat(s) ne figurant pas à la procédure, la CPEG a remis à bail à A______ un appartement de deux pièces au 4ème étage et une place de parking n° 17 au sous-sol de l'immeuble sis 1______ à Genève. Il n'est pas contesté que le loyer mensuel des deux objets s'élevait en dernier lieu à 872 fr. 25, charges comprises.

b. Par courriers recommandés du 31 mai 2021 adressés au logement loué, ainsi qu'à la place 2______, ______ [code postal] Genève ("p.a. B______"), la CPEG, représentée par la régie E______ SA, a informé A______ qu'elle avait appris et constaté qu'il n'occupait plus l'appartement et qu'il le sous-louait sans autorisation. Le locataire était invité à "congédier" ses sous-locataires et à réintégrer le logement avant le 30 juin 2021, faute de quoi le contrat serait résilié avec effet immédiat, pour justes motifs.

Les relevés Track and Trace de la Poste suisse relatifs à ces envois ne sont pas produits.

c.a Par plis recommandés et simples du 23 juillet 2021 adressés au logement loué, ainsi qu'à la place 2______, ______[code postal] Genève ("p.a. B______"), la CPEG, représentée par la régie E______ SA, a fait parvenir à A______, "principalement, un congé extraordinaire pour le 31 août 2021", "donné conformément aux dispositions de l'art. 257f CO" et, "subsidiairement, par surabondance de droit pour le cas où le congé extraordinaire serait contesté et considéré comme inefficace, un congé ordinaire pour l'échéance du 31 mars 2022".

Les lettres d'accompagnement faisaient référence au courrier du 31 mai 2021, par lequel il était demandé au locataire de "congédier [s]es sous-locataires et de réintégrer" le logement, ce que le locataire n'avait pas fait malgré la mise en demeure.

c.b Parallèlement, la bailleresse a adressé au locataire des avis de résiliation, pour les mêmes échéances, relatifs à l'emplacement de parking, les lettres d'accompagnement faisant référence à un courrier du 31 mai 2021 (non produit dans la procédure) demandant au locataire de "congédier [s]es sous-locataires et de réintégrer l'emplacement" au 30 juin 2021.

c.c Les congés n'ont pas été contestés devant la Commission de conciliation en matière de baux et loyers.

d.a Par courrier du 23 juillet 2021 à la régie, A______ a contesté avoir sous-loué la place de parking. Il a expliqué que durant une certaine période le véhicule de sa "copine" était garé sur cet emplacement. "Dorénavant" il allait garer son propre véhicule sur cette place, ce que la régie pourrait constater. La bailleresse était invitée à annuler la résiliation, injustifiée selon le locataire.

d.b Par lettre du 30 juillet 2021 à la régie, A______ a contesté avoir sous-loué son appartement. Il a exposé que sa "copine" avait occupé avec lui le logement durant une certaine période. Il s'était marié, s'était séparé de sa "copine" et avait pris temporairement un appartement en sous-location pour y vivre avec son épouse en attendant que son "ex-copine" trouve un nouveau logement. A compter du 15 août 2021, il allait réintégrer le logement litigieux avec son épouse et allait envoyer à la régie sa nouvelle attestation de domicile.

Par ailleurs, le locataire contestait avoir reçu la mise en demeure du 31 mai 2021 et demandait à la régie de lui envoyer la preuve de l'envoi. Il considérait que la résiliation était injustifiée et invitait la bailleresse à l'annuler.

d.c Le 18 août 2021, A______ a annoncé son changement d'adresse à l'Office cantonal de la population et des migrations: son ancienne adresse était place 2______ à Genève (c/o C______); sa nouvelle adresse était celle du logement litigieux. Le changement d'adresse concernait également son épouse, D______.

e. Le 20 août 2021, la régie a informé le locataire qu'un état des lieux de sortie serait effectué le 31 août 2021.

Le 3 septembre 2021, la régie a écrit au locataire que, dans la mesure où il ne s'était pas présenté lors de l'état des lieux de sortie pour la remise des clés du logement et du parking, il se trouvait en situation d'occupation illicite à compter du 1er septembre 2021.

Le 24 septembre 2021, le locataire a répondu à la régie qu'il ne comprenait pas comment un état des lieux de sortie avait pu être fixé, alors qu'il avait réintégré le logement avec son épouse comme cela lui avait été demandé. Il indiquait qu'il annexait à son courrier "l'attestation de l'annonce de changement d'adresse qu'[il avait] envoyée au contrôle des habitants de Genève". Par ailleurs, la régie n'avait pas répondu à son courrier du 30 juillet 2021, par lequel il contestait la résiliation des baux.

f. Le 27 janvier 2022, la bailleresse a déposé une requête en protection des cas clairs auprès du Tribunal, concluant à l'expulsion de A______ de l'appartement et du parking (conclusion n° 1), assortie de mesures d'exécution (conclusion n° 2), ainsi qu'à la condamnation du locataire à lui verser, avec intérêts à 5 % l'an dès chaque échéance, le montant mensuel de 872 fr. 25 à compter du 1er septembre 2021 et jusqu'à la libération intégrale de l'appartement et du parking, à titre d'indemnités pour occupation illicite, sous déduction des indemnités versées à la régie E______ SA en lien avec les objets précités (conclusion n° 3), ses éventuelles prétentions financières à l'encontre de A______ devant être réservées (conclusion n° 4).

La bailleresse a fait valoir que les baux relatifs à l'appartement et au parking avaient été valablement résiliés pour le 31 août 2021 et que les congés n'avaient pas été contestés en justice. Elle était ainsi fondée à requérir l'évacuation du locataire ainsi que des mesures d'exécution.

La procédure a été enregistrée sous le n° C/1477/2022 en tant qu'elle concernait le logement et sous le n° C/3______/2022 en tant qu'elle visait le parking.

g. Lors de l'audience du Tribunal du 8 mars 2022, la CPEG a persisté dans sa requête. Elle a déclaré qu'elle n'avait pas de "conclusions en paiement à formuler" et qu'elle maintenait la conclusion n° 3 de la requête.

Le locataire s'est opposé à la restitution de l'appartement.

Il a montré au Tribunal son acte de famille avec le nom de son épouse (D______) et la date du mariage (______ 2018) sur une photographie figurant sur son téléphone. Il a déclaré qu'il vivait dans le logement litigieux avec son épouse et leur enfant. Il avait quitté cet appartement durant environ dix mois pour le laisser à "son ex-petite amie" et il s'était installé en sous-location à la place 2______. Il était revenu dans le logement litigieux le 18 août 2021 avec son épouse. Avant de déménager à la place 2______, il occupait déjà le logement litigieux avec son épouse. Il n'avait pas reçu d'avis de résiliation au nom de cette dernière.

Le conseil de la bailleresse a déclaré qu'à sa connaissance, la régie ignorait que le locataire était marié.

A l'issue de l'audience, le Tribunal a ordonné la jonction des causes C/1477/2022 et C/3______/2022 sous le n° C/1477/2022 et a gardé la cause à juger.

h. Le 10 mars 2022, la bailleresse a déposé au Tribunal un courrier comprenant des allégations nouvelles, accompagné d'une pièce nouvelle (pièces C et 7 mentionnées ci-dessus sous let. B.a). Ce courrier a été transmis le 11 mars 2022 au locataire.

i.a Dans le jugement attaqué, le Tribunal a considéré que le locataire avait établi en audience être marié depuis 2018. Il avait déclaré avoir toujours vécu dans le logement avec son épouse, à l'exception d'une durée de dix mois durant laquelle il avait sous-loué un appartement à la place 2______ pour laisser le logement de la rue 1______ à son "ex-petite amie". Or, la bailleresse n'avait pas adressé un avis de résiliation séparé à l'épouse du locataire. Le caractère familial du logement étant litigieux, il appartiendrait au juge du fond d'établir si le logement de la rue 1______ constituait le domicile conjugal à l'époque où la bailleresse avait adressé l'avis comminatoire et l'avis officiel de résiliation du bail. Cette question ne pouvait être tranchée sans une instruction approfondie qui n'était pas du ressort du juge saisi d'une requête en cas clair. La sous-location reprochée étant contestée par le locataire s'agissant du congé extraordinaire, il appartiendrait également au juge du fond de trancher en tant que de besoin cette question.

L'état de fait étant contesté et la situation juridique pas claire, la requête en évacuation et en exécution était irrecevable.

i.b Les conclusions en paiement d'une indemnité pour occupation illicite jusqu'à reddition des locaux étaient également irrecevables (art. 257 al. 3 CPC). En effet, une telle condamnation prononcée pour la durée de l'occupation illicite équivalait à un jugement conditionnel, qui ne pouvait être admis en matière de prétentions fondées sur l'art. 267 CO (ACJC/760/1997 du 16 juin 1997 et les références citées). Un tel jugement s'avérerait en effet inexécutable en cas de litige survenant au sujet de la date ou des modalités de restitution des locaux.

EN DROIT

1. 1.1 La voie de l'appel est ouverte contre les décisions d'évacuation, lorsque la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr. (art. 308 al. 2 CPC).

Les contestations portant sur l'usage d'une chose louée sont de nature pécuniaire (arrêts du Tribunal fédéral 4A_388/2016 du 15 mars 2017 consid. 1; 4A_72/2007 du 22 août 2007 consid. 2).

Pour calculer la valeur litigieuse dans les actions en expulsion initiées selon la procédure de l'art. 257 CPC, il faut distinguer les cas où seule est litigieuse l'expulsion en tant que telle, de ceux où la résiliation l'est également à titre de question préjudicielle. S'il ne s'agit que de la question de l'expulsion, l'intérêt économique des parties réside dans la valeur que représente l'usage des locaux pendant la période de prolongation résultant de la procédure sommaire elle-même, laquelle est estimée à six mois. Si en revanche la résiliation des rapports de bail est également contestée, la valeur litigieuse est égale au loyer pour la période minimale pendant laquelle le contrat subsiste si la résiliation n'est pas valable, période qui s'étend jusqu'à la date pour laquelle une nouvelle résiliation peut être signifiée; comme il faut prendre en considération la période de protection de trois ans prévue à l'art. 271a al. 1 let. e CO, la valeur litigieuse correspondra en principe au montant du loyer brut (charges et frais accessoires compris) pendant trois ans (ATF 144 III 346 consid. 1.2.1 et 1.2.2.3 - JdT 2019 II 235 pp. 236 et 239; arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 du 7 janvier 2022 consid.1; LACHAT, Procédure civile en matière de baux et loyers, Lausanne 2019, pp. 69-70).

En l'espèce, la bailleresse requiert l'évacuation du locataire, qui conteste la validité des résiliations. Eu égard au loyer mensuel de 872 fr. 25, charges comprises, la valeur litigieuse est supérieure à 10'000 fr., de sorte que la voie de l'appel est ouverte contre le rejet des conclusions en évacuation et de celles (non chiffrées) en paiement.

En revanche, contre le rejet des mesures d'exécution, seule la voie du recours est ouverte (art. 309 let. a CPC).

1.2 L'appel et le recours, écrits et motivés, doivent être introduits auprès de la deuxième instance dans les trente jours à compter de la notification de la décision motivée (art. 311 al. 1 et 321 al. 1 CPC). Le délai est de dix jours pour les décisions prises en procédure sommaire (art. 314 al. 1 et 321 al. 2 CPC), ce qui est le cas des procédures en protection des cas clairs (art. 248 let. b et 257 CPC).

1.3 L'acte du 15 mars 2022 comporte des conclusions portant tant sur le prononcé de l'évacuation que sur l'exécution de celle-ci; il s'agit dès lors d'un appel et d'un recours, en dépit de son intitulé.

Ceux-ci ont été formés dans le délai et la forme prescrits par la loi. Ils sont donc recevables.

Par souci de simplification, la bailleresse sera désignée ci-après comme l'appelante.

1.4 Dans le cadre d'un appel, la Cour revoit la cause en fait et en droit avec un plein pouvoir d'examen (art. 310 CPC), dans la limite des griefs suffisamment motivés qui sont formulés (art. 321 al. 1 CPC; cf. arrêts du Tribunal fédéral 4A_290/2014 du 1er septembre 2014 consid. 5; 5A_89/2014 du 15 avril 2011 consid. 5.3.2).

Le juge d'appel contrôle librement l'appréciation des preuves effectuée par le juge de première instance (art. 157 CPC en relation avec l'art. 310 let. b CPC) et vérifie si celui-ci pouvait admettre les faits qu'il a retenus (ATF 138 III 374 consid. 4.3.1).

Le recours n'est recevable que pour violation du droit et constatation manifestement inexacte des faits (art 320 CPC).

2. Les parties produisent des pièces nouvelles et allèguent des faits nouveaux.

2.1 Les faits et moyens de preuve nouveaux ne sont recevables qu'aux conditions de l'art. 317 al. 1 CPC. Les nova improprement dits (ou faux ou pseudo-nova) ne sont recevables qu'à deux conditions: (1) la partie qui s'en prévaut ne pouvait les invoquer avant, malgré sa diligence et (2) elle les présente sans retard. Ainsi, ne sont pas recevables les contestations et objections que le locataire soulève pour la première fois en instance de recours, comme le fait qu'il a payé l'arriéré de loyer dans le délai de sommation de 30 jours (art. 257d al. 1 CO) ou qu'il a obtenu du bailleur un sursis au paiement. Le locataire doit invoquer ces moyens de défense en temps utile, conformément au principe de la simultanéité des moyens d'attaque et de défense (maxime éventuelle ou maxime de concentration), qui vaut aussi en procédure sommaire de protection dans les cas clairs, soumise à la maxime des débats (cf. ATF 142 III 462 consid. 4.3). Tel est le cas de l'extinction de la dette ou de la compensation, faits destructeurs (arrêt du Tribunal fédéral 4A_376/2021 précité consid. 4.2.2). De même, c'est en première instance que le locataire doit contester avoir reçu la notification de la formule officielle que le bailleur allègue lui avoir adressée (ATF 142 III 462 consid. 3.3.2).

En ce qui concerne les vrais nova, le Tribunal fédéral a jugé que le requérant qui a succombé en première instance et a vu sa requête déclarée irrecevable ne peut pas produire en appel des pièces nouvelles, même s'il ne lui était pas possible de les produire devant le premier juge. En effet, dans les procédures en protection des cas clairs, les exigences posées par l'art. 257 al. 1 CPC doivent être satisfaites en première instance déjà et le juge d'appel ne saurait contrôler l'appréciation du tribunal sur la base de pièces différentes, fussent-elles recevables au regard de l'art. 317 al. 1 CPC (arrêts du Tribunal fédéral 4A_376/2021 précité consid. 4.2.2; 4A_420/2012 du 7 novembre 2012 consid. 5; 4A_312/2013 du 17 octobre 2013 consid. 3.2).

2.2 En l'espèce, les pièces C et 7 de l'appelante sont postérieures à l'audience à l'issue de laquelle le Tribunal a gardé la cause à juger. Elles sont ainsi nouvelles, donc irrecevables en appel, comme les faits qu'elles visent. Il en va de même de la pièce nouvelle de l'intimé, qui aurait pu la produire ou l'obtenir en première instance.

3. L'appelante fait grief au Tribunal d'avoir retenu que l'état de fait état litigieux et que la situation juridique n'était pas claire. Il était admis qu'au moment de la notification des congés - non contestés en justice -, ni le locataire ni son épouse n'occupaient l'appartement litigieux, qui avait été mis à disposition d'une tierce personne sans autorisation de la bailleresse. Par ailleurs, l'intimé n'avait ni allégué ni prouvé avoir informé la bailleresse de son mariage et de la constitution d'un logement de famille dans l'appartement litigieux, de sorte qu'il commettait un abus de droit en s'en prévalant aujourd'hui. Il n'était ainsi pas nécessaire de procéder à une instruction approfondie. L'appartement litigieux ne pouvant être qualifié de logement de famille et les congés n'ayant pas été contestés, les baux avaient pris fin le 31 août 2021.

3.1

3.1.1 Aux termes de l'art. 257 CPC, relatif à la procédure de protection dans les cas clairs, le tribunal admet l'application de la procédure sommaire lorsque les conditions suivantes sont remplies : (a) l'état de fait n'est pas litigieux ou est susceptible d'être immédiatement prouvé et (b) la situation juridique est claire (al. 1). Le tribunal n'entre pas en matière sur la requête lorsque cette procédure ne peut pas être appliquée (al. 3). La recevabilité de la procédure de protection dans les cas clairs est donc soumise à deux conditions cumulatives.

Premièrement, l'état de fait n'est pas litigieux lorsqu'il n'est pas contesté par le défendeur; il est susceptible d'être immédiatement prouvé lorsque les faits peuvent être établis sans retard et sans trop de frais. En règle générale, la preuve est rapportée par la production de titres, conformément à l'art. 254 al. 1 CPC. La preuve n'est pas facilitée : le demandeur doit ainsi apporter la preuve certaine des faits justifiant sa prétention; la simple vraisemblance ne suffit pas. Si le défendeur fait valoir des objections et exceptions motivées et concluantes, qui ne peuvent être écartées immédiatement et qui sont de nature à ébranler la conviction du juge, la procédure du cas clair est irrecevable (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 620 consid. 5.1.1 et les arrêts cités).

Secondement, la situation juridique est claire lorsque l'application de la norme au cas concret s'impose de façon évidente au regard du texte légal ou sur la base d'une doctrine et d'une jurisprudence éprouvées (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 138 III 123 consid. 2.1.2, 620 consid. 5.1.1, 728 consid. 3.3). En règle générale, la situation juridique n'est pas claire si l'application d'une norme nécessite l'exercice d'un certain pouvoir d'appréciation de la part du juge ou que celui-ci doit rendre une décision en équité, en tenant compte des circonstances concrètes de l'espèce (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 141 III 23 consid. 3.2; 138 III 123 consid. 2.1.2; arrêt du Tribunal fédéral 4A_273/2012 du 30 octobre 2012 consid. 5.1.2, non publié in ATF 138 III 620).

Si le juge parvient à la conclusion que ces conditions sont remplies, le demandeur obtient gain de cause par une décision ayant l'autorité de la chose jugée et la force exécutoire (ATF 138 III 620 consid. 5.1.1). Si elles ne sont pas remplies et que le demandeur ne peut donc obtenir gain de cause, le juge ne peut que prononcer l'irrecevabilité de la demande. Il est en effet exclu que la procédure puisse aboutir au rejet de la prétention du demandeur avec autorité de la chose jugée (ATF 144 III 462 consid. 3.1; 140 III 315 consid. 5).

3.1.2 Selon la jurisprudence, la nullité du congé, à la différence de l'annulation qui ne peut être sollicitée que si le locataire a respecté le délai et l'art. 273 al. 1 CO, peut être invoquée en tout temps, même lors de la procédure d'évacuation
(ATF 121 III 156 consid. 1c : arrêt du Tribunal fédéral 4C.116/2005 du 20 juin 2005 consid. 2.3; Lachat, Le bail à loyer, 2ème éd. 2019, p. 949).

Pour faire obstacle à la requête en cas clair, il ne suffit pas que le locataire ait déposé une requête en annulation ou en constatation de la nullité du congé, ou qu'il avance des arguments sans proposer le moindre indice à leur appui. Ces démarches et avis de la partie citée doivent avoir une certaine substance, ne pas être contredits par la partie requérante de manière convaincante. Ils ne doivent pas être d'emblée voués à l'échec. Ils doivent être crédibles et susceptibles de faire douter le tribunal chargé de statuer sur la requête en cas clair (Lachat/Lachat, Procédure civile en matière de baux et loyers, 2019, p. 244).

3.1.3 Aux termes de l'art. 257f al. 3 CO, lorsque le maintien du bail est devenu insupportable pour le bailleur ou les personnes habitant la maison parce que le locataire, nonobstant une protestation écrite du bailleur, persiste à enfreindre son devoir de diligence ou à manquer d'égards envers les voisins, le bailleur peut résilier le contrat avec effet immédiat; les baux d'habitation et de locaux commerciaux peuvent être résiliés moyennant un délai de congé minimum de trente jours pour la fin d'un mois.

La résiliation anticipée au sens de l'art. 257f al. 3 CO suppose la réalisation des cinq conditions cumulatives suivantes: (1) une violation du devoir de diligence incombant au locataire, (2) un avertissement écrit préalable du bailleur, (3) la persistance du locataire à ne pas respecter son devoir en relation avec le manquement évoqué par le bailleur dans sa protestation, (4) le caractère insupportable du maintien du contrat pour le bailleur et, enfin, (5) le respect d'un préavis de trente jours pour la fin d'un mois (arrêts du Tribunal fédéral 4A_596/2019 du 30 juin 2020 consid. 4.1; 4A_173/2017 du 11 octobre 2017 consid. 3.1.1; 4A_227/2017 du 5 septembre 2017 consid. 5.1.1; 4A_347/2016 du 10 novembre 2016 consid. 3.1.1; 4A_485/2014 du 3 février 2015 consid. 3.1; 4A_457/2013 du 4 février 2014 consid. 2 et les arrêts cités).

Pour apprécier la validité du congé anticipé, le juge doit prendre en considération le motif de congé invoqué par le bailleur et se placer au moment où il a été notifié (ATF 140 III 496 consid. 4.1; 138 III 59 consid. 2.1 et les arrêts cités).

Il y a notamment violation du devoir de diligence incombant au locataire lorsque celui-ci ne respecte pas ses obligations contractuelles en rapport avec l'usage de la chose louée (ATF 132 III 109 consid. 5 p. 113 s.; arrêts du Tribunal fédéral 4A_39/2019 du 23 juillet 2019 consid. 3.1; 4A_644/2011 du 10 février 2012 consid. 3.2 et les arrêts cités).

Lorsque la violation du devoir de diligence invoquée (1ère condition) est la sous-location sans le consentement du bailleur, deux situations sont visées: premièrement, le bailleur a refusé son consentement à la sous-location et il était en droit de le faire pour l'un des motifs de l'art. 262 al. 2 CO; deuxièmement, le locataire s'est abstenu de demander au bailleur l'autorisation de sous-louer et celui-ci aurait disposé d'un motif valable au sens de l'art. 262 al. 2 CO pour s'opposer à la sous-location. Lorsque l'un des motifs visés à l'art. 262 al. 2 CO est réalisé, soit parce que le locataire a refusé de communiquer les conditions de la sous-location (let. a), soit parce que les conditions de la sous-location, comparées à celles du contrat de bail principal, sont abusives (let. b), soit parce que la sous-location présente pour le bailleur des inconvénients majeurs (let. c), la condition du caractère insupportable du maintien du contrat pour le bailleur (4ème condition) de l'art. 257f al. 3 CO est automatiquement réalisée (celle-ci "n'a pas de portée indépendante"; ATF 134 III 300 consid. 3.1; arrêt du Tribunal fédéral 4A_347/2016 du 10 novembre 2016 consid. 3.1.2).

Face à une sous-location illicite, le bailleur doit soit protester et demander au locataire de lui communiquer les conditions de la sous-location, soit le sommer de mettre un terme à celle-ci et lui accorder pour ce faire un délai suffisant. Ce délai doit être raisonnable. Afin de tenir compte des difficultés en cas de pénurie de logement et de la durée d'une éventuelle procédure en contestation intentée par le sous-locataire, il suffit, selon Lachat, que le bailleur impartisse au locataire un délai pour résilier le bail du sous-locataire, par exemple un mois (Lachat, Le bail à loyer, 2ème éd. 2019, p. 887 et p. 737, note 104).

Lorsque le locataire sous-loue le logement sans y être autorisé alors qu'il a perdu toute idée de reprendre un jour l'usage de celui-ci, il procède en réalité à une substitution de locataire par la voie détournée de la sous-location, ce qui justifie une résiliation anticipée (art. 257f al. 3 CO) (ATF 134 III 446 consid. 2.4; arrêt du Tribunal fédéral 4A_39/2019 précité consid. 4.1).

De la sous-location, il faut distinguer l'hébergement. L'usage normal d'un logement implique le droit pour le locataire d'y héberger notamment son conjoint, son partenaire, son concubin, ses enfants, ainsi que d'autres proches, comme par exemple des amis (arrêt du Tribunal fédéral 4A_30/2019 du 4 février 2019 consid. 4.3). Si l'hébergement implique généralement que le locataire continue d'occuper lui-même l'appartement dans lequel il reçoit des proches, le Tribunal fédéral a admis des exceptions (cf. arrêts du Tribunal fédéral 4A_596/2019 précité consid. 4.2.2; 4A_39/2019 précité consid. 4.3).

Le congé qui ne remplit pas l'une ou l'autre des cinq conditions susmentionnées est un congé inefficace (arrêt du Tribunal fédéral 4A_2/2017 du 4 septembre 2017 consid. 3.4).

3.1.4 Le congé donné par le bailleur doit être communiqué séparément au locataire et à son conjoint (art. 266n CO), sous peine de nullité (art. 266o CO).

L'art. 266n CO est conçu pour protéger le conjoint ou partenaire (non titulaire du bail) en cas de résiliation par le bailleur et lui permettre de faire valoir, le cas échéant, les droits qui appartiennent à un locataire (ATF 139 III 7 consid. 2.3.2).

On entend par logement de la famille l'appartement ou la maison qui sert de domicile aux époux, le foyer où se déroule la vie familiale commune (ATF 118 II 489 consid. 2).

Il a été admis que les conjoints ou partenaires puissent avoir deux logements familiaux, notamment en cas d'occupation simultanée de plusieurs appartements lorsque la volonté de constituer une demeure commune existe aux deux endroits et que la nécessité est prouvée, par exemple dans le cas d'une famille nombreuse qui ne pourrait se contenter pour des raisons d'espace et d'intimité d'un seul appartement (Barrelet, in BOHNET/MONTINI, Droit du bail à loyer, 2ème éd. 2017, n. 6 ad art. 266m CO).

C'est au locataire qui se prévaut de la nullité du congé fondée sur l'art. 266a CO de prouver que son épouse vivait avec lui dans l'appartement loué à l'époque où le bailleur lui a adressé l'avis officiel de résiliation (arrêt du Tribunal fédéral 4C.441/2006 du 23 mai 2007 consid. 4.3.2).

3.2

3.2.1 En l'espèce, l'appelante fonde sa requête en évacuation sur le congé extraordinaire notifié pour le 31 août 2021 et l'intimé se prévaut de la nullité de celui-ci. Cette résiliation était motivée par une prétendue sous-location non autorisée du logement litigieux. La bailleresse a protesté et imparti au locataire un délai - inférieur à un mois - pour résilier le sous-bail et réintégrer le logement. Dans sa correspondance de juillet 2021 à la bailleresse, l'intimé a contesté avoir sous-loué l'appartement et le parking. Il a exposé qu'il les avait laissés (gratuitement?) à la disposition de son ex-compagne, jusqu'à ce que celle-ci trouve une solution de relogement. Il avait l'intention de les réintégrer, ce qu'il a fait avec son épouse dès le 18 août 2021 et dont il a informé la bailleresse en septembre 2021. Il a fourni les mêmes explications lors de l'audience du Tribunal de mars 2022.

Les objections de l'intimé sont crédibles et ne peuvent pas être écartées immédiatement. Un instruction complémentaire, incompatible avec la procédure sommaire en protection des cas clairs, est nécessaire afin de déterminer si les cinq conditions de la résiliation anticipée de l'art. 257f al. 3 CO étaient réalisées, en premier lieu si le logement était sous-loué et, dans l'affirmative, notamment si la sous-location a présenté pour la bailleresse des inconvénients majeurs et si le délai imparti au locataire par lettre du 31 mai 2021 (dont la date de notification au locataire, qui en conteste la réception, ne résulte pas du dossier) était raisonnable.

C'est ainsi à bon droit que le Tribunal est parvenu à la conclusion que l'état de fait était litigieux et que la situation juridique n'était pas claire, de sorte que l'évacuation ne pouvait pas être prononcée par la voie de la protection du cas clair.

Au vu de ce qui précède, il est superflu d'examiner si l'appartement avait un caractère familial au moment de la résiliation et si, donc, le congé devait être communiqué séparément à l'épouse du locataire.

3.2.2 L'appelante ne développe aucun grief contre le jugement en tant qu'il retient l'irrecevabilité de ses conclusions en paiement. Il n'y a donc pas lieu de s'attarder sur cette question. A toutes fins utiles, le Cour fait sienne l'argumentation du Tribunal à ce sujet (cf. ci-dessus, En fait, let. C.i.b).

En définitive, le jugement attaqué sera intégralement confirmé.

4. A teneur de l'art. 22 al. 1 LaCC, il n'est pas prélevé de frais dans les causes soumises à la juridiction des baux et loyers (ATF 139 III 182 consid. 2.6).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
La Chambre des baux et loyers :

A la forme :

Déclare recevables l'appel et le recours interjetés le 15 mars 2022 par la CAISSE DE PRÉVOYANCE DE L'ETAT DE GENÈVE (CPEG) contre le jugement JTBL/182/2022 rendu le 8 mars 2022 par le Tribunal des baux et loyers dans la cause C/1477/2022-7.

Au fond :

Confirme le jugement attaqué.

Dit que la procédure est gratuite.

Déboute les parties de toutes autres conclusions.

Siégeant :

Monsieur Ivo BUETTI, président; Madame Pauline ERARD, Madame Fabienne GEISINGER-MARIETHOZ, juges; Madame Zoé SEILER, Monsieur Nicolas DAUDIN, juges assesseurs; Madame Maïté VALENTE, greffière.

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 72 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF) par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière civile.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14.

 

Valeur litigieuse des conclusions pécuniaires au sens de la LTF supérieure ou égale à 15'000 fr.