Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/163/2025

ATA/1066/2025 du 30.09.2025 ( FPUBL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC;PROTECTION DE LA PERSONNALITÉ;HARCÈLEMENT PSYCHOLOGIQUE;HARCÈLEMENT SEXUEL(DROIT DU TRAVAIL);JUSTE MOTIF;PROPORTIONNALITÉ;APPRÉCIATION ANTICIPÉE DES PREUVES
Normes : LEg.3.al1; LEg.4; CO.328; CC.28; Cst
Résumé : Admission, dans les circonstances particulières du cas, d’une atteinte à la personnalité, faute pour l’employeur d’avoir protégé la santé psychique d’une employée ayant subi une surcharge de travail pendant plusieurs années sans revalorisation de son poste, lequel a par la suite été supprimé pour des motifs budgétaires. L’exposition non désirée à du contenu sexiste et de nature sexuelle au sein d’un groupe WhatsApp partiellement professionnel, composé des autres membres et de la cheffe du service, relève du harcèlement sexuel, indépendamment de l’intention des personnes ayant diffusé le contenu problématique. L’indemnité pour la résiliation des rapports de service sans juste motif est exprimée en mois de traitement, n’est pas soumise à des cotisations sociales et ne porte, en l’absence de conclusions sur ce point, pas d’intérêts.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/163/2025-FPUBL ATA/1066/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 septembre 2025

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Anne TROILLET, avocate

contre

B______ intimée
représentée par Me Laïla BATOU, avocate

et

C______

 



EN FAIT

A. a. L’A______ (ci-après : A______) a engagé B______ (ci-après : l’employée) en qualité d’agente accueil sécurité auxiliaire dès le 1er juin 2007, puis comme employée « agente sûreté spécialiste » au 1er juin 2008. Dès le 1er décembre 2013, celle-ci a, pour des motifs de santé, intégré le service « instruction de la division sûreté » (OSI), chargé de la formation des agents de sûreté, en tant qu’assistante d’instruction. Dans le cadre de ce transfert, l’assurance invalidité (AI) lui a octroyé des formations à hauteur de CHF 18'890.-.

b. En octobre 2016, D______, qui était alors le responsable hiérarchique de l’employée, a signalé que le titre de secrétaire (fonction indiquée sur le plan administratif) ne correspondait plus aux tâches effectuées et qu’une nouvelle dénomination (assistante instruction) serait nécessaire. Il a précisé que l’intéressée n’avait pas pu terminer les formations prévues avec l’AI, car elle avait été mise à contribution « trop tôt » lors de son engagement en 2013.

c. Lors d’un entretien de développement en mars 2017, D______ a indiqué que l’employée était « acculée par la masse de travail » et qu’il était nécessaire de trouver rapidement une personne à 50% pour la décharger des tâches de secrétariat afin qu’elle puisse se concentrer sur les plannings et les convocations, mais que ses demandes en ce sens avaient été refusées à plusieurs reprises. B______ a demandé une clarification de ses missions et responsabilités et un rappel du cadre hiérarchique. Elle rencontrait des difficultés de communication avec un collègue et a demandé à pouvoir évoluer dans le respect du travail fourni et de la sphère personnelle. Évoquant des tensions presque constantes depuis mi‑2016, de multiples demandes de rendez-vous restées sans réponse et un « cadre d’évolution hostile », elle a demandé plus d’écoute, de considération et de respect de son supérieur, qui la discréditait. Celui-ci en a pris bonne note et annoncé un entretien la semaine suivante afin de « mettre à plat » leurs différends.

d. Le 27 février 2018, E______ (ci-après : la cheffe de service), qui avait remplacé D______ comme cheffe de service formation sûreté dès le 1er septembre 2017, a informé son supérieur, F______, que les tâches et responsabilités de l’employée nécessitaient une réévaluation, comme cela aurait été discuté avec l’intéressée il y a une année. L’employée avait « énormément soutenu » le service OSI en 2017, notamment en prenant des initiatives personnelles au niveau de la planification et de la coordination avec les prestataires.

e. Au 1er mai 2018, l’A______ a engagé G______ au nouveau poste de « coordinateur instruction », qui reprenait certaines tâches de l’employée. Cette dernière avait participé à l’élaboration du descriptif du poste mais elle n’avait pas postulé. Selon ses déclarations, elle estimait que le poste n’était pas adapté à son profil et H______, directeur adjoint du service formation sûreté, lui avait promis de créer un autre poste avec plus de responsabilités.

f. L’employée a sollicité une réévaluation de son poste à plusieurs reprises, notamment par des courriels du 29 mars 2018 à la cheffe de service et du 13 juillet 2018 à H______ et lors d’un entretien de compétences du 17 octobre 2018. Lors de cet entretien, la cheffe de service, rappelant la forte augmentation de l’activité du service et le manque de ressources, a souligné les compétences de B______, qui détectait les tâches et responsabilités à couvrir pour répondre aux besoins du service, et sa très bonne collaboration avec les collègues et les clients. L’employée a sollicité une révision de son cahier des charges et une confirmation officielle des compétences acquises, rappelant le souhait en ce sens qu’elle avait émis en 2016.

g. Le 19 octobre 2018, l’employée a été informée que toutes les demandes de réévaluation étaient suspendues en attendant la révision du statut du personnel de l’A______ (ci-après : le statut).

h. B______ a été en incapacité de travail pour cause de surmenage professionnel du 27 novembre 2018 au 3 février 2019.

i. Lors d’un entretien de développement du 14 février 2019, l’employée a exprimé le sentiment de ne pas progresser du fait d’une réorganisation des tâches après la création du poste de coordinatrice et de la refonte des formations continues. Remerciant sa cheffe de son soutien et de ses encouragements, elle a affirmé que malgré une situation « comportant de l’incompréhension et du flou », la communication fonctionnait. La cheffe de service a décrit l’employée en des termes élogieux, soulignant son esprit d’équipe, son engagement et sa motivation exemplaires, et précisé qu’après le départ du précédent chef de service, l’employée avait repris certaines tâches et responsabilités et avait de la peine à trouver sa place du fait de la réorganisation du service et du transfert de certaines compétences.

j. L’employée a rencontré I______, responsable des ressources humaines (ci‑après : la responsable RH), le 20 juin 2019 ainsi que le 22 juillet suivant en la présence de la cheffe de service.

Selon un courrier du 6 août 2019 résumant ces entretiens, co-signé par la responsable RH et la cheffe de service, elles avaient discuté de la formation de l’employée, qui n’avait pas pu achever les formations octroyées par l’AI. La cheffe de service avait reconnu que l’employée faisait face à de nombreuses sollicitations au quotidien. L’employée s’était plainte d’un manque de respect voire d’attaques personnelles de la part de certains collègues et anciens responsables hiérarchiques, ce qui l’avait beaucoup affectée. La cheffe de service avait affirmé la très grande importance qu’elle accordait au respect mutuel devant prévaloir entre collègues et à tous niveaux hiérarchiques et, ressentant « une accumulation de tensions et de non-dits » dans le passé, avait fortement encouragé l’employée à lui signaler à l’avenir toute situation qui lui causerait des difficultés. L’employée avait exprimé le sentiment de ne pas être reconnue à la juste valeur de son travail et de son engagement personnel. La cheffe de service avait qualifié le poste de secrétaire de primordial et indispensable à la structure du service, qui était amenée à grandir encore dans les prochaines semaines. Face au ressenti de l’employée, la cheffe avait l’impression que la réunion s’assimilait à des reproches à son égard alors que de nombreux éléments évoqués avaient déjà fait l’objet d’échanges et de clarifications avec l’employée. La collaboration ne pouvait réussir qu’en se focalisant sur le présent et l’avenir et l’employée était invitée à faire un travail sur elle-même pour passer outre sa frustration, sa colère et ses exigences récurrentes liées à des déceptions du passé et au gel du processus de réévaluation du poste et à prendre du temps pour réfléchir si elle souhaitait poursuivre son activité au sein de l’OSI « selon les conditions précitées par [sa] supérieure hiérarchique ».

k. Par courrier du 22 août 2019, l’employée a confirmé son fort engagement au service, l’absence de sentiments de colère, de frustration ou de déception et sa compréhension que les demandes de réévaluation étaient gelées sur décision de la direction. Elle remerciait ses interlocutrices de leur implication dans un processus permettant, après plusieurs années, de clarifier sa position, reconnaître les services rendus et valoriser ses compétences.

l. Le 30 août 2019, G______ a créé un groupe WhatsApp appelé « J______ », ouvert aux collaborateurs du service instruction, soit une dizaine de personnes. En étaient notamment membres B______, ses collègues formateurs K______ et L______ et la cheffe de service.

Les messages, échangés de la fin août 2019 à mi-mars 2020, étaient majoritairement d’ordre amical, tels que des vœux d’anniversaire, des photos de sorties ou des nouvelles de vacances. D’autres étaient liés au travail, comme des annonces d’absence maladie ou de retard, des demandes d’information entre collègues ou l’organisation du repas de fin d’année du service. Les membres partageaient aussi des plaisanteries grossières, mettant par exemple en scène des personnes de petite taille voire atteintes de nanisme, ou diffusant des contenus sexistes sur la supposée place des femmes aux fourneaux et leurs compétences limitées en matière de conduite automobile. Certaines blagues véhiculaient des stéréotypes physiques selon la race ou l’origine, comme une image suggérant que toutes les personnes asiatiques se ressemblent, une blague concernant la pilosité (de la zone pubienne) des femmes portugaises ou des références répétées à la (petite) taille du pénis des hommes asiatiques. Un nombre non négligeable de messages avait un contenu obscène ou à connotation sexuelle. G______ a notamment envoyé une photo d’un poulet évoquant une vulve et un dessin stylisé inspiré des caractères chinois représentant l’acte sexuel. K______ a diffusé plusieurs images de seins ou évoquant des pénis ainsi que des illustrations représentant l’acte sexuel et un dessin de type bande dessinée d’une femme pratiquant une fellation. L______ a publié la photo d’une femme partiellement dévêtue occupée à réparer une moto dans une position suggestive, avec le commentaire « Messieurs je sais maintenant pourquoi j'aime les Ducati ». Il a aussi envoyé la photo d’un homme nu vu de face avec le commentaire « Pour vous les filles qui vous ennuyez », avec un lien vers une vidéo intitulée « danse slovaque », soit le spectacle d’un groupe d’hommes dansant entièrement nus sur une musique festive, la chorégraphie et les prises de vue insistant lourdement sur la région du bassin. Sur une autre image, floue dans sa version au dossier, on aperçoit un homme nu de couleur noire, de face et assis les jambes écartées, accompagné d’un message d’K______ souhaitant bonne nuit à ses collègues. G______ a répondu « je ne te remercie pas bonne nuit » avec un émoticône vomissant puis, après la réaction d’K______ « c'est sur c'est pas un chinois », le commentaire « ce serait plus digeste » suivi d’un émoticône riant. Début janvier 2020, K______ a envoyé une photo de deux jeunes filles en bikini avec le commentaire « Salut à tous, petit messages pour vous rappeler qu’à partir de 2020, les 2002 seront majeures » puis, en février 2020, la photo d’une femme partiellement dévêtue allongée sur le ventre qui se retourne vers son partenaire derrière elle qui la tient par les hanches, en lui demandant s’il s’agit bien du vaccin contre le COVID.

E______ envoyait des messages amicaux et parfois des informations concernant le service. Elle répondait à certaines plaisanteries, comme celles concernant les personnes de petite taille (« drôle »), une discussion sur la taille des pénis, apparemment en fonction de l’origine (« ce n’est pas le nombre de cm qui est important c’est ce qu’on en fait ») et la « danse slovaque » (« au secours », suivi d’un émoticône) alors qu’elle assistait à une formation jugée ennuyeuse. L’image d’une fée soufflant une bulle de savon en forme de pénis en érection, appelée « fée-lation », a semble-t-il été publiée en réponse à un message de E______, qui, le 15 janvier 2020, a envoyé la photo d’un homme nu vu de dos faisant face à un éléphant, avec un commentaire illisible. B______ envoyait essentiellement des messages amicaux et parfois des questions concernant le travail. Elle a échangé quelques fois, sur le ton de l’humour, des messages avec des collègues en reprenant les termes utilisés par ceux-ci, comme « tchong », « chang » ou « russkov » pour désigner certaines nationalités (« je vais me rabattre chez les chang, peut-être que ce n’est pas la taille qui compte »), et a occasionnellement participé, sur le ton de la plaisanterie, à des échanges concernant des opportunités amoureuses.

m. Un autre entretien a eu lieu le 20 septembre 2019. Selon le résumé figurant dans un courrier du 6 novembre 2019 co-signé par la responsable RH et la cheffe de service, l’employée avait réalisé que sa crainte d’exprimer son ressenti par le passé l’avait conduite à une position défensive à l’égard de la hiérarchie. Elle s’était déclarée satisfaite des échanges avec les soussignées pour enfin exprimer son ressenti et entendre les réponses à ses interrogations. Se sentant bien dans sa fonction, elle appréciait la collaboration et les dialogues constructifs avec sa supérieure hiérarchique. La description de son poste serait mise à jour malgré le gel du processus de réévaluation, qui ne la visait pas personnellement, et un plan de formation pourrait être discuté en temps utile. L’employée, qui peu de temps après la réunion avait dit au directeur des opérations, M______, sa déception de ne pas voir sa classe salariale réévaluée, était priée de se référer en premier lieu à sa hiérarchie directe, pour éviter de mettre à mal la confiance devant prévaloir dans toute relation professionnelle et maintenir les relations maintenant assainies et instaurées à la satisfaction de tous.

n. Le 29 janvier 2020, l’employée a été mise en arrêt de travail à 100% par son médecin traitant. Selon le certificat médical du même jour, son incapacité était « à nouveau » provoquée par une situation de surmenage liée à l’activité professionnelle et l’état de santé lié à l’environnement professionnel s’était aggravé par rapport aux précédentes consultations effectuées régulièrement depuis septembre 2016.

o. Le 30 janvier 2020, la cheffe de service a transmis un « formulaire de dysfonctionnement au travail » à la responsable RH et qualifié l’état de B______ de « préoccupant ». Elle y relevait différents types d’erreurs dans l’exécution du travail, des difficultés à gérer les priorités, de nombreuses arrivées tardives pour des raisons de prise de médicaments liée à la maladie et des réunions « en bilatérale » avec des « pleurs et positionnement en tant que ‘victime’ ». Elle signalait aussi un sentiment d’injustice à propos de promesses qui auraient été faites par le passé en lien avec la classe salariale.

p. Le 31 janvier 2020, la cheffe de service a quitté le groupe WhatsApp précité pour un motif inconnu.

q. N______, devenu directeur du département sûreté dès le 1er janvier 2020, a procédé à une analyse dudit département et a conclu, courant 2020, que pour réduire les coûts, il y avait lieu de supprimer cinq postes, dont celui de B______. Il a déclaré dans le cadre de la procédure qu’en 2019 ou 2020 les autres services n’avaient plus de secrétaire, ni d’assistante. Deux des cinq collaborateurs concernés avaient pu être affectés à d’autres postes.

r. En vue d’une reprise du travail, une réunion a eu lieu le 17 février 2021 avec la responsable RH, les représentants de la SWICA et de l’AI, et l’employée, accompagnée de O______ du « deuxième observatoire », personne de confiance externe de l’A______. Selon un courrier de la responsable RH résumant cette réunion, il a été question de la capacité de travail de l’employée et de son placement en vacances puis en RHT en raison de la situation sanitaire. Son temps pouvait, en attendant la reprise effective, être dévolu à des formations. Un entretien de clarification serait planifié en temps utile avec la supérieure hiérarchique concernant les rôles et responsabilités en tant que « secrétaire formation sûreté », la communication de ces éléments au sein de l’équipe et les relations interpersonnelles. L’employée s’était plainte de remarques racistes et sexistes de la part de E______, G______ et K______ et la responsable RH avait indiqué qu’elle organiserait une autre réunion à ce sujet vu, comme elle l’a déclaré ultérieurement, la présence des représentants des assurances.

s. Lors d’un entretien de service du 21 avril 2021, N______ et la responsable RH ont informé l’employée de la suppression de son poste au 1er octobre 2022 et de son licenciement potentiel, en proposant de lui communiquer des informations plus précises lors d’un entretien ultérieur, car l’employée avait fortement réagi.

t. La réunion consacrée aux accusations de racisme et de sexisme s’est tenue le 11 mai 2021, avec N______, I______ et l’employée, accompagnée de O______. L’intéressée s’est plainte de messages à caractère pornographique ou raciste sur le groupe WhatsApp, de son surnom « P______ » et du fait qu’on voulait lui présenter des hommes.

u. Par courriel du 25 mai 2021, I______ a demandé à l’employée, de fournir des preuves, comme les échanges WhatsApp concernés.

v. Le 2 juin 2021, l’employée a rencontré I______ et N______ à propos de la suppression de son poste, un éventuel reclassement et la résiliation des rapports de travail en cas d’impossibilité de reclassement.

w. Par courriels des 4 juin et 2 juillet 2021, la responsable RH a réitéré sa demande relative aux preuves des allégations de l’employée.

x. Dans un courriel du 5 juillet 2021, le représentant syndical de l’employée, Q______, a allégué différentes atteintes à la personnalité. Il se référait au groupe WhatsApp précité et des mentions « telles que ‘le coup de P______’, toutes griffes dehors » (panthère noire, référence à la couleur de peau) ou « le beau mec du Département des finances » et aux nombreuses photos, dessins et photomontages « ayant une connotation sexuelle, raciste et/ou pornographique stigmatisant les femmes et les Noirs », rappelant que B______, mère célibataire, était la seule personne de couleur dans le groupe et que les références à la consommation d’alcool stigmatisaient encore plus les personnes de confession musulmane comme elle. Des « images suggérant des rapports sexuels avec des mineurs » étaient partagées dans le groupe. E______ avait, lors d’un entretien de retour de maladie, indiqué à l’employée qu’elle « devait consulter ». Ces comportements répréhensibles avaient été mentionnés en février et en mai 2021, en la présence de O______, et il existait suffisamment de preuves pour conclure à un malaise au travail qui impliquait directement la responsabilité de l’encadrement. Il demandait une entrée en matière pour discuter des relations de travail de l’intéressée à début août.

y. Le 6 août 2021, la cheffe de service s’est déterminée par écrit à propos du courriel du 5 juillet 2021.

« P______ » était un surnom affectueux, dont l’intéressée riait sans avoir manifesté de mécontentement. Celle-ci évoquait souvent son souhait de trouver un compagnon et avait elle-même demandé des informations concernant un collègue du département des finances. Le groupe WhatsApp était accessible à tous les membres du service, sur une base volontaire, et ils pouvaient le quitter librement. Elle y avait participé quelques mois durant, puis l’avait quitté sans conserver aucune donnée. Il avait pour première vocation de permettre des échanges sociaux entre collègues et de maintenir des liens d’amitié. Il avait occasionnellement servi à communiquer des informations de dernière minute en lien avec le travail. Les photos et vidéos échangées relevaient de l’humour (« gags »). Elle n’avait pas souvenir de messages agressifs, irrespectueux ou blessants et n’avait jamais constaté que ce groupe avait servi pour mettre à l’écart ou rabaisser des collègues. L’employée n’avait jamais exprimé de ressenti négatif en lien avec des contenus ou faits susceptibles de porter atteinte à sa personne. Vu les problèmes récurrents d’arrivées tardives et d’états de somnolence le matin, que l’employée expliquait par des prises de médicaments, un accompagnement avait été suggéré lors d’un entretien de soutien du 14 novembre 2019, mais elle avait refusé de signer le procès‑verbal. La réorganisation impliquant la suppression de son poste avait été décidée en février ou mars 2020 et lui avait été communiquée en avril 2021.

z. Lors d’une réunion le 21 septembre 2021, la responsable RH et R______, juriste de l’A______ et titulaire du brevet d’avocat, ont informé l’employée et Q______ qu’en l’absence de preuves des images concernant les mineurs, l’A______ serait contraint de dénoncer les faits au Ministère public, ce qu’il a fait le 27 septembre 2021, en joignant le courriel précité du 5 juillet 2021.

aa. Par courriel du 12 octobre 2021, Q______ s’est plaint que lors de la réunion du 21 septembre 2021, l’A______ avait tenté de limiter les débats à la seule dénonciation d’images suggérant des rapports sexuels avec des mineurs dans le groupe WhatsApp, lui-même ayant indiqué que la réunion pouvait s’arrêter s’il ne pouvait pas exposer les plaintes de l’employée relatives au traitement inacceptable qui lui était réservé et à l’incertitude dans lequel elle se trouvait pour son poste de travail. Il sollicitait une proposition de convention de départ. Rappelant les devoirs de l’employeur envers ses employés qui se plaignent d’une atteinte à leur personnalité, dont celui de prendre les mesures nécessaires pour les protéger, il a déclaré déposer plainte pour harcèlement moral, harcèlement sexuel et discrimination raciale à l’encontre de E______, K______ et G______ et solliciter l’ouverture d’une enquête.

bb. L’employée a préparé un document intitule « Résumé de certains faits », communiqué à l’A______ en octobre 2021, qui énumérait des éléments qu’elle considérait attentatoires à sa personnalité de la part de ses collègues ou sa cheffe : des dénigrements de son travail ; des allusions à ses rapports avec des collègues ou consultants masculins (diverses suggestions pour user de son charme au travail) ; des moqueries d’K______ avec parfois sa cheffe (référence à l’employée comme « jardinière de légumes », imitations de sa voix et de l’accent africain, plaisanteries sur le Sénégal et les marabouts, réflexions désagréables concernant son goût pour le café à la vanille) ; l’insistance de ses collègues à propos de ses relations avec les hommes (références à des collègues, photos d’acteurs collées sur son ordinateur) ; des propos de sa cheffe ne respectant pas la confidentialité sur un entretien avec l’employée et une convocation aux RH ; et le conseil « d’aller consulter » pour des problèmes psychologiques.

cc. Le 9 novembre 2021, B______ a été convoquée par la Brigade des mœurs. Entendue sans l’assistance d’un avocat, l’intéressée a décrit son licenciement et les circonstances qui avaient, selon elle, conduit à la création du poste occupé par G______ et la suppression du sien. Elle s’est plainte de harcèlement par E______, K______ et G______, par des propos racistes, sexistes et dénigrants qui ne lui étaient pas adressés personnellement mais lui étaient destinés, car ils la regardaient en rigolant et se moquaient en imitant l’accent africain. Il y avait aussi des « photos d’Africains en mauvaises postures » et une vidéo montrant « le livre d’Hitler avec une croix gammée ». Concernant les images suggérant des rapports sexuels avec des mineurs, elle a pointé des images non pertinentes et a déclaré qu’elle ne se souvenait plus en détail du contenu des messages concernés, reçus alors qu’elle était en burn-out, et que ces « vidéos » étaient « bloquées », seul le début, flouté, étant visible. Elle a signé la constitution de partie plaignante et civile à l’issue de son audition.

dd. Entre le 23 et le 25 novembre 2021, la police a entendu K______, E______, G______, qui ont contesté les accusations.

ee. Selon le rapport de police du 1er décembre 2021, le contenu du groupe WhatsApp n’était pas constitutif de pornographie au sens de l’art. 197 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0). L’examen des conversations et fichiers media n’avait démontré aucune image ou vidéo suggérant des rapports sexuels avec des mineurs, ni aucune photo, dessin ou photomontage ayant une connotation sexuelle, raciste et/ou pornographique stigmatisant les femmes noires. La vidéo montrant le livre d’Hitler était une vidéo humoristique, diffusée sur les réseaux sociaux et YouTube. Aucun élément ne démontrait que B______ avait été harcelée par ses collègues, celle-ci participant aux conversations et blagues échangées.

ff. Les parties ont tenté en vain de trouver un accord amiable concernant la fin des rapports de travail et le montant d’une indemnité de départ.

gg. Par décision du 30 mars 2022, l’A______ a ouvert une enquête et mandaté S______ en qualité d’enquêtrice afin de constater « l’existence ou non d’une atteinte à la personnalité de l’employée (mobbing, harcèlement moral et/ou sexuel, discrimination etc.) », d’en désigner l’auteur, d’établir une description et l’appréciation de ces comportements, de prendre de manière générale position sur l’existence de comportements inadéquats dans le cadre professionnel au sein du service et d’émettre toute recommandation et/ou interdiction des messageries dans le cadre professionnel.

hh. Les 16 et 17 mai 2022, l’enquêtrice a procédé à l’audition d’K______, E______ et G______. L’audition de B______, prévue les 4 et 5 mai 2022 puis les 16 et 17 mai 2022 mais annulée pour des raisons de santé, a eu lieu le 19 juillet 2022. Entre le 19 juillet et le 5 septembre 2022, l’enquêtrice a entendu E______ et G______ ainsi que, en qualité de témoins, I______, N______ et plusieurs collègues du service OSI, dont L______.

ii. Le Ministère public a rendu une ordonnance de non-entrée en matière en date du 17 juin 2022, qui n’a pas fait l’objet d’un recours.

jj. Le rapport d’enquête interne, rendu le 10 octobre 2022, a conclu à l’absence de tout harcèlement, sous quelque forme que ce soit, de la part de l’un ou l’autre des mis en cause sur la personne de B______. Les conversations et images échangées étaient, globalement, sans particularité et si certaines publications étaient discutables ou de très mauvais goût, ils étaient admissibles dans un contexte humoristique. L’employée n’avait en particulier jamais dit avoir été heurtée par l’image de la « Fée-lation » publiée, selon l’experte, par E______. Il convenait cependant de rappeler à cette dernière qu’elle devrait, en sa qualité de cheffe d’équipe, s’abstenir de toute publication à connotation sexuelle et modérer si besoin, en cas de débordement, l’équipe, et de sensibiliser celle-ci au contenu échangé. Les éléments décrits par l’employée dans le document « Résumé de certains faits » n’étaient pas contraires au règlement sur la protection de la personnalité, l’égalité entre femmes et hommes et la protection contre toute forme de discrimination édicté par l’A______ ou n’avaient pas été établis, en l’absence notamment de témoins pouvant les confirmer.

kk. Le 15 novembre 2022, le nouveau conseil de l’employée a critiqué le rapport d’enquête. Celui-ci passait sous silence les messages gravement attentatoires à la dignité des femmes et les nombreux messages racistes et xénophobes. Le collègue dont l’employée s’était plainte en 2017 avait pour habitude de raconter sa vie sexuelle au bureau et les demandes de l’employée dans ce contexte étaient mises sur le compte de sa frustration sexuelle.

ll. Par décision du 29 novembre 2022, prenant acte de l’ensemble des conclusions et recommandations du rapport d’enquête, l’A______ a conclu que B______ n’avait été victime d’aucune atteinte à sa personnalité, que ce soit du mobbing, du harcèlement moral et/ou sexuel, ou de la discrimination, ni de la part de sa supérieure hiérarchique ni de ses collègues. Les échanges WhatsApp étaient inacceptables, mais non constitutifs d’une atteinte à la personnalité, notamment compte tenu de la participation active et l’absence de plainte de l’employée.

mm. Le 30 novembre 2022, l’A______ a informé l’employée de son intention de résilier les rapports de travail pour motif justifié, résiliation intervenue par décision du 21 décembre 2022 avec effet au 30 juin 2023. Le lien de confiance était rompu. L’employée avait affirmé, de manière contraire à la vérité, que des images à connotation sexuelle impliquant des mineurs avaient été publiées sur un groupe WhatsApp créé dans le cadre professionnel. Elle avait refusé de transmettre les moyens de preuve et l’A______ s’était vu contraint de dénoncer les faits au Ministère public. L’employée avait formellement porté plainte contre deux collègues et sa supérieure hiérarchique, accusés injustement vu les résultats de l’enquête de police et de l’enquête interne. Son attitude et ses propos mensongers, qui avaient eu un impact considérable au sein du service et auprès des collègues mis en cause de façon largement infondée, étaient contraires aux devoirs découlant du statut.

B. a. Par actes des 16 et 20 janvier 2023, B______ a fait recours devant la commission de recours de l’A______ contre les décisions du 29 novembre 2022 et 21 décembre 2022, recours qui ont été joints.

La décision constatant l’inexistence d’une atteinte à la personnalité devait être annulée et une nouvelle enquête ordonnée, car l’enquête interne avait été menée de manière irrégulière et s’était affranchie des définitions jurisprudentielles du mobbing et du harcèlement sexuel. Quant au licenciement, elle s’était plainte de manière légitime d’atteintes à sa personnalité, notamment d’être harcelée psychologiquement par la déconsidération de ses compétences professionnelles, le fait que sa hiérarchie n’avait cessé de temporiser face à ses demandes en lui faisant miroiter un nouveau poste pour qu’elle accepte le transfert d’une partie de ses tâches à une nouvelle collaboratrice et par des critiques de sa cheffe quand elle s’était plainte de son environnement de travail, alors qu’elle avait pleinement donné satisfaction pendant de nombreuses années. L’utilisation d’une ambiance graveleuse et d’images obscènes pour renforcer la cohésion d’équipe au détriment des collaborateurs plus réservés, pudiques ou fragiles, relevait par ailleurs du harcèlement sexuel. Quand elle avait, de bonne foi, tenté de dénoncer ces atteintes, la responsable RH avait repoussé la discussion, pour ensuite lui annoncer son probable licenciement. L’A______ l’accusait d’avoir tenu des propos mensongers, alors qu’elle n’avait jamais souhaité la dénonciation pénale, qui était le fait de l’A______, qui n’avait pas pris le temps d’éclaircir d’abord les faits. Son environnement de travail l’avait fortement impactée et avait conduit à son arrêt dès le 29 janvier 2020. Elle sollicitait la réintégration ou, à défaut, une indemnité équivalent à 18 mois de salaire.

b. L’A______ a conclu au rejet des deux recours. L’enquête interne s’était déroulée de manière régulière, notamment au regard du droit d’être entendu et de l’ordre des auditions, vu que l’employée avait été malade au début de l’enquête. L’A______ adhérait au rapport d’enquête, les échanges dans le groupe WhatsApp étant douteux, de très mauvais goût et inacceptables, mais pas constitutifs d’une atteinte à la personnalité. Avant février 2021, l’employée ne s’était plainte qu’à propos de son avancement, la reconnaissance et une revalorisation salariale, sans émettre de doléances relatives à une atteinte à sa personnalité. L’A______ proposait un espace d’écoute permettant de solliciter aide et soutien et l’employée avait pu faire appel à une personne de confiance externe. L’hypothèse d’un congé représailles devait être écartée. Le licenciement était fondé sur un motif clair, soit les graves accusations infondées élevées contre sa supérieure hiérarchique et ses collègues, et la procédure pénale, dans le cadre de laquelle elle s’était constituée plaignante au pénal et au civil, qui avaient eu des conséquences lourdes et douloureuses pour les mis en cause.

c. La commission de recours a entendu les parties, ainsi que les deux psychiatres traitants de B______. Selon la docteure T______, l’intéressée souffrait d’un état dépressif majeur causé par sa situation professionnelle et avait fait part d’un épuisement professionnel, relevant notamment la charge de travail, des promesses d’avancement non respectées, une attitude infantilisante de sa cheffe directe et un problème de sexualisation au travail, avec des commentaires relatifs à sa poitrine et ses vêtements. Les messages WhatsApp qu’elle lui avait montrés étaient très grivois, la psychiatre déclarant qu’elle aurait été mal à l’aise de travailler dans un tel contexte professionnel en tant que femme. Cette sexualisation au travail était ressentie comme une forme de harcèlement et une pression sexuelle malvenue. Selon le docteur U______, l’employée avait fait l’objet de mobbing en ce sens qu’elle avait subi des pressions professionnelles qu’elle avait décrites de manière constante, crédibles et sans exagération, et des remarques qui n’étaient pas bienveillantes et des critiques qui n’étaient pas positives et plutôt destinées à détruire la personne sur le plan psychologique. Ces faits lui semblaient vraisemblables sur la base de l’anamnèse et il n’y avait aucune indication d’une cause des troubles autre que professionnelle.

d. Par décision du 29 novembre 2024, la commission de recours a admis les recours.

B______ avait subi du harcèlement psychologique de la part de son encadrement et de certains collègues. Elle s’était plainte de tensions existantes dès la mi-2016 au sein du service et d’une forme de discrédit et avait, à tout le moins dès le 20 septembre 2017 et lors d’un entretien avec les RH le 20 juin 2019, fait part à sa hiérarchie d’un manque de considération, de respect et d’impartialité par son encadrement, voire d’attaques personnelles par certains collègues et anciens responsables hiérarchiques. Elle en avait été très affectée, ce que sa cheffe de service avait reconnu. Connaissant les doléances et la fragilité de l’intéressée, dont elle avait mentionné les pleurs et le positionnement comme victime dans la fiche de dysfonctionnement, la cheffe de service avait laissé perdurer ce climat et y avait, à certaines occasions, activement participé, notamment en interpellant l’employée par des surnoms, tels que « P______ » ou « V______ », et par le biais du contenu pour le moins problématique du groupe WhatsApp. Elle n’avait entrepris aucune modération et diffusé elle-même du contenu sur ce groupe, ce qui en renforçait la légitimité. Ce comportement s’était étendu sur plusieurs années et avait profondément affecté l’employée dans sa santé. L’employée avait aussi subi du harcèlement sexuel au vu du contenu du groupe WhatsApp qui, contrairement à l’avis de l’enquêtrice, ne pouvait être considéré comme admissible dans un contexte humoristique au regard du contexte social et temporel, sans tenir compte de la sensibilité de l’intéressée. Le fait d’être restée dans ce groupe ou de n’avoir jamais manifesté de doléance ne conduisait pas, seul, au constat que l’employée n’avait pas été victime de harcèlement sexuel en étant confrontée à son contenu. Les membres de son service, notamment sa supérieure hiérarchique, s’immisçaient en outre dans sa vie sentimentale et sexuelle, en lui prêtant des relations avec d’autres membres du personnel et en la questionnant sur les intentions de ses interlocuteurs.

Les motifs de licenciement invoqués, soit le manque de respect vis-à-vis des intérêts de l’A______ selon l’art. 11 du statut et l’attitude générale de l’employée au sens de l’art. 12 du statut, n’étaient pas réalisés. L’employée avait rapporté des atteintes à sa personnalité et la confrontation non désirée à des messages très discutables, comme le lui permettait le règlement sur la protection de la personnalité de l’A______. On ne pouvait lui reprocher que l’A______ avait interprété cette dénonciation comme constitutive d’une infraction pénale, alors qu’il aurait pu demander aux autres membres du groupe de lui transmettre le contenu pour examen. Les personnes mises en cause, affectées par les procédures administrative et pénale, étaient pleinement responsable du contenu partagé, des propos tenus et du défaut de surveillance quant aux informations circulant dans un groupe qui servait au moins de manière concurrente de canal d’information professionnel.

L’employée ayant retiré sa demande de réintégration, une indemnité lui était octroyée en application de l’art. 57 A ch. 5 du statut, arrêtée à douze mois du dernier salaire brut, calculée sur le traitement annuel, et l’A______ condamné à payer à ce titre la somme brute de CHF 98'421.55, avec intérêts à 5% dès le 21 décembre 2022.

e. Par ordonnance du 11 mars 2025, la commission de recours a rejeté la requête de l’employée tendant à la rectification de l’indemnité en ce sens qu’elle n’était pas brute mais nette, cette question relevant du fond.


 

C. a. Par acte déposé le 20 janvier 2025 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), l’A______ a formé recours contre la décision du 29 novembre 2024, concluant à son annulation et à la confirmation de ses décisions des 29 novembre et 21 décembre 2022. Il a sollicité l’audition de I______ à propos des différents entretiens avec l’employée.

La cheffe de service n’avait pas laissé perdurer des faits de harcèlement, les premières plaintes de l’employée datant de février 2021. La réunion de juin 2019 et la réponse de l’employée en août 2019 ne concernaient pas l’équipe actuelle et la cheffe de service avait souligné l’importance du respect mutuel entre collègues et encouragé l’intéressée à lui signaler toute situation causant des difficultés. Le terme « victime » dans la fiche de dysfonctionnement concernait la revalorisation de la fonction de l’intéressée et non du harcèlement. Cette fiche avait été remplie en raison de la baisse des performances et d’un comportement inquiétant de l’employée et visait à proposer des mesures d’aide et de soutien, mais l’intéressée avait refusé. Elle n’avait pas non plus fait appel aux personnes de confiance externes proposées. Les collaborateurs entendus avaient unanimement déclaré qu’il n’y avait eu aucun harcèlement et les personnes mises en cause avaient contesté la véracité des propos de l’employée, de sorte que la commission ne pouvait se baser sur les seules déclarations de cette dernière. Devant l’enquêtrice, l’employée avait mentionné sa confiance et son admiration pour une cheffe qu’elle considérait comme aidante et bienveillante. Il résultait de l’enquête que le terme « V______ » n’était pas un surnom pour l’employée, mais une blague concernant un plat servi à la cafétéria. D’autres collaborateurs avaient également des surnoms. Les échanges WhatsApp étaient inacceptables, mais pas constitutifs de harcèlement, car ils s’adressaient à tous les participants, sans viser spécifiquement l’employée, alors que le mobbing concerne des agissements hostiles et répétés contre une personne en particulier qu’ils visent à éliminer professionnellement. Le témoignage du Dr U______ n’était pas déterminant, car il n’était pas présent lors des faits et le mobbing était une notion juridique. L’employée n’avait été victime ni d’attouchements ni d’avances ni d’invitations dans un but sexuel et tous les collaborateurs entendus avaient nié l’existence de remarques ou commentaires sexistes, grossiers ou embarrassants. Les blagues sur le groupe WhatsApp étaient destinées à tout le groupe. L’employée pouvait quitter le groupe en tout temps si elle ne voulait pas être exposée à son contenu et s’était elle-même permis des blagues inappropriées de nature sexuelle.

Le licenciement reposait sur un motif justifié. L’employée avait émis des allégations très graves, tout en refusant de fournir des preuves, car elle savait que les messages WhatsApp n’avaient pas la gravité qu’elle leur attribuait. Le 21 septembre 2021, l’employée et son représentant syndical avaient salué la volonté de l’A______ de saisir les autorités pénales et il n’était pas exclu qu’ils aient tenté d’utiliser des allégations sans preuves pour obtenir une indemnité de départ particulièrement élevée. La cheffe de service ne disposait plus des images et, vu la gravité des accusations, l’A______ ne pouvait les demander informellement aux autres collaborateurs sans ouvrir une enquête. Comme il s’agissait potentiellement de crimes ou de délits poursuivis d’office, la procédure pénale avait la priorité, ce qui était aussi l’avis du Ministère public. Si l’employée estimait qu’une dénonciation pénale serait une erreur, elle devait le signaler immédiatement. Devant la police, elle avait persisté et accusé directement ses collègues sur la base d’accusations fallacieuses, en se constituant partie plaignante. Ses déclarations relatives aux vidéos des actes sexuels avec des mineurs et de prétendus messages antisémites et racistes étaient mensongères. L’A______ n’avait pas excédé ou abusé de son pouvoir d’appréciation en résiliant les rapports de travail, en l’absence de perspective d’une collaboration efficace au sein d’un service comptant dix personnes, dont un tiers avait fait l’objet d’une plainte pénale de l’employée pour des infractions pénales graves mais non avérées, y compris sa supérieure hiérarchique directe. Les personnes mises en cause étaient affectées dans leur santé, G______ et K______ ne pouvant plus travailler qu’à 50%. Il avait été décidé de supprimer le poste de l’employée dès le 1er octobre 2021, de sorte qu’il n’existait plus de fonctions pour elle au sein du service.

L’indemnité octroyée était excessive. L’employée avait commis une faute lourde en déposant une plainte pénale infondée pour des infractions pénales graves et l’A______ avait fondé sa décision sur deux enquêtes indépendantes qui avaient toutes deux conclu à l’absence de toute forme de harcèlement. Les faits dénoncés n’avaient pas la gravité nécessaire, le contenu du groupe WhatsApp ne visant pas l’employée directement et celle-ci avait montré d’importantes insuffisances au travail en 2019. Elle n’avait pas conclu à des intérêts moratoires, lesquels ne pouvaient en tout état courir qu’à compter de la fin des rapports de travail.

b. Le 28 mars 2025, B______ a conclu, principalement, au déboutement du recourant. Préalablement, elle a sollicité l’ouverture d’enquêtes aux fins d’entendre des témoins sur des faits nouveaux, et une audience publique en se prévalant de l’art. 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). Elle a sollicité l’audition de Q______ et de deux anciens employés de l’A______ ayant aussi subi des atteintes et qui l’avaient contactée après la décision de la commission de recours, qui pouvaient rendre compte de la culture d’entreprise.

Les représentants de l’A______ avaient fait preuve de complaisance à l’égard d’un climat de travail hostile à des groupes traditionnellement discriminées et plus fragiles, ce qui comportait un mécanisme d’exclusion de ceux qui ne se rangeaient pas du côté des rieurs, comme dans le cas du collègue dont elle s’était plainte en 2017. L’employée avait aussi subi une attitude intrusive et des plaisanteries condescendantes la visant directement, en particulier des surnoms « P______ » « V______ » et des allusions constantes à son statut de célibataire et de potentielles conquêtes. Constituaient aussi des atteintes le transfert sournois de ses tâches à d’autres collaborateurs pour rendre son poste inutile, en lui promettant une revalorisation des tâches restantes qui n’a pas eu lieu et la façon de procéder de la responsable RH, qui la recevait en présence de la personne mise en cause, dont elle ratifiait les déclarations dans des courriers qu’elles cosignaient et dont le ton relevait du recadrage voire de l’intimidation. Après sa mise en cause auprès des RH, la cheffe de service avait intensifié la surveillance, ne lui donnait plus d’instructions directement et l’avait invitée à se mettre en arrêt ou à consulter. Les erreurs qu’on lui reprochait provenaient notamment d’une faille dans les systèmes informatiques concernés et il était faux qu’elle ne « marchait pas droit » à cause des médicaments qu’elle prenait pour traiter sa polyarthrite, qui n’avait aucun effet neurologique. Elle n’avait pas signé le compte-rendu concernant l’entretien de soutien car sa cheffe avait refusé d’y consigner ses doléances. Au retour de son arrêt maladie, elle avait formulé des doléances claires concernant le climat de travail, mais l’employeur avait refusé de les entendre et, au lieu de prendre des mesures pour permettre un retour serein au travail, l’avait placée en RHT complet alors que les autres collègues avaient repris le travail. Il avait reporté l’entretien pour l’entendre formellement au sujet des atteintes dénoncées, trouvant plus urgent de lui annoncer la suppression de son poste. L’A______ avait encore différé le traitement des doléances de l’employée au prétexte de l’ouverture d’une procédure pénale, qui l’avait rendue haïssable aux yeux de ses collègues et dans son courriel du 12 octobre 2021, le représentant de l’employée s’était opposé à la démarche pénale. Elle avait pris part à la procédure pénale par méconnaissance du droit et parce que c’était la première fois qu’on dressait un procès-verbal des doléances qu’elle tentait de formuler depuis 2014. L’A______ n’avait ouvert une enquête interne que le 30 mars 2022, après avoir sérieusement affaibli sa position et lui avoir gravement aliéné l’ensemble des témoins.

Sous l’angle du harcèlement sexuel, elle avait subi un climat de travail hostile et sexiste au sein du service pendant des années de la part de nombreux supérieurs et collègues, ce qui montrait une culture d’entreprise extrêmement tolérante avec le sexisme et le dénigrement des femmes, le groupe WhatsApp donnant une idée assez précise du climat qui régnait. Quand elle s’était plainte d’un collègue en 2016, D______ avait réduit le problème à un différend interpersonnel et l’A______ n’avait pas démontré avoir alors communiqué à ses collaborateurs que les plaisanteries et allusions sexuelles étaient intolérables sur le lieu du travail. Cette atmosphère avait donc perduré, au vu et au su des cadres complaisants. En tant que femme musulmane issue d’une minorité discriminée, occupant une position en bas de l’échelle hiérarchique, elle avait le choix de se conformer à l’état d’esprit bruyant et graveleux de son entourage professionnel ou de se marginaliser, sa participation globalement passive de l’employée au groupe WhatsApp s’expliquant par sa tentative de résister à la marginalisation.

Sa dénonciation des faits était légitime, y compris concernant l’image qui sexualisait des mineurs en les destinant à devenir des proies dès leur prochain anniversaire, et ne justifiait pas un licenciement. La procédure pénale avait été déclenchée par l’employeur et elle avait accepté la constitution de partie plaignante proposée dans le cadre des questions rituelles de la police par méconnaissance des procédures. Elle n’avait plus les échanges WhatsApp précisément en tête et avait pointé les mauvaises images, leur donnant une mauvaise interprétation, mais n’avait jamais accusé ses collègues de pornographie ou de discrimination et incitation à la haine au sens du code pénal. L’indemnité octroyée était justifiée compte tenu des circonstances. Elle avait été lourdement atteinte dans sa santé et n’avait toujours pas retrouvé de travail. Son licenciement signalait au personnel de l’A______ que les dénonciateurs étaient sanctionnés. Le montant de l’indemnité se justifiait aussi du point de vue de sa finalité punitive et sa vocation réparatrice.

c. Sur réplique, l’A______ s’est opposé à l’audition des témoins proposés par l’intimée, la situation individuelle d’autres collaborateurs n’étant pas susceptible de démontrer l’existence de mobbing ou d’un harcèlement sexuel de l’employée. Il a sollicité l’audition de R______.

L’employée occupait la fonction d’assistante instruction et percevait la rémunération correspondante. Elle n’avait pas été écartée du poste de coordinatrice sûreté et ne pouvait accuser son employeur de la « dépouiller » de ses tâches alors qu’elle se plaignait d’une surcharge de travail. L’A______ ne lui avait jamais fait miroiter la création d’un nouveau poste et H______, qui ne représentait pas la direction de l’A______ à l’égard de l’employée, n’était en tout état pas compétent en la matière. L’employée n’avait pas eu à former une collaboratrice à qui ses tâches avaient ensuite été déléguées, la collaboratrice en question n’étant venue que pour quelques heures par semaine et ayant collaboré ponctuellement tant qu’avait duré l’incapacité partielle de l’employée. Il n’y avait pas de clientélisme ou « copinage » au sein de l’A______. Il n’y avait pas non plus eu de « foule de rieurs hostiles » autour du collègue dont l’employée s’était plainte, qui avait quitté le département en juillet 2019. Avant le mois de février 2021, elle ne s’était jamais plainte de harcèlement ou de dénigrement, mais seulement d’un manque de respect dans le passé, de l’intitulé de son poste et de la revalorisation de son salaire et elle était allée voir le directeur des opérations à deux reprises à ce sujet. Il n’y avait eu aucun « musèlement », la cheffe de service l’ayant fortement encouragée à lui signaler toute situation qui lui causerait des difficultés. Une consultation auprès du médecin du travail et la mise en place d’un soutien personnalisé, proposées mais refusées, lui auraient permis d’adresser ses plaintes à une tierce personne. L’employée n’avait jamais contesté les différents courriers résumant les entretiens qu’elle avait eus. Elle aurait pu quitter le groupe WhatsApp, l’ignorer ou à tout le moins ne pas renchérir, comme l’avait fait un de ses collègues, qui avait déclaré qu’on ne lui en avait pas tenu rigueur. Tous les collaborateurs avaient décrit la cheffe de service comme une responsable aidante et bienveillante, sans relever aucun comportement déplacé. Celle-ci n’avait fait preuve d’aucune hostilité, était restée courtoise s’agissant des erreurs commises par l’employée et avait suggéré qu’elle contacte le médecin du travail pour l’aider et non pour la harceler. Il ressortait du dossier que l’employée prenait du Temesta, qui avait d’importants effets neurologiques, et qu’elle reconnaissait avoir commis des erreurs ; elle ne contestait pas ses nombreuses arrivées tardives.

L’A______ n’était pas resté inactif et avait interpelé la cheffe de service, tenu la réunion du 21 septembre 2021 et procédé à la dénonciation pénale, alors que l’employée ne répondait pas aux demandes d’informations complémentaires. L’A______ n’avait pas manqué de diligence en ouvrant l’enquête interne en mars 2022, le Ministère public lui ayant enjoint d’attendre la clôture de l’enquête pénale. Le secrétaire syndical avait salué la décision de dénoncer les faits pénalement et ne s’y était pas opposé par la suite, indiquant seulement qu’il aurait voulu élargir la discussion, notamment au sujet de la prochaine suppression du poste de l’employée. L’employée, comme toute personne qui accuse trois collègues devant la police, comprenait la gravité de ses accusations. La question était uniquement de savoir si les propos étaient inexacts, ce qui était le cas de ses déclarations que ses collègues avaient échangé des vidéos suggérant des actes sexuels avec des mineurs ou des vidéos antisémites.

d. Selon la duplique de l’intimée du 12 février 2025, ni elle-même ni Q______ n’avaient « salué » l’annonce d’une dénonciation pénale et elle n’était pas concernée par les intérêts protégés d’office par l’art. 197 CP. S’agissant de la discrimination, la réglementation pénale ne se recoupait que très partiellement avec ses doléances, vu qu’elle n’appréhendait pas la discrimination à raison du sexe et avait un seuil de tolérance plus élevé qu’en droit contractuel en matière de racisme. Q______ avait identifié la dénonciation pénale comme une manœuvre de diversion et de procrastination des mesures de protection à prendre, à commencer par l’ouverture d’une enquête interne. Pour une enquête selon la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes du 24 mars 1995 (LEg ‑ RS 151.1), l’employeur n’avait pas besoin de « plus amples informations », l’existence d’images à caractère sexuel dans un groupe professionnel étant suffisante, et il n’était pas prouvé que le Ministère public avait enjoint l’A______ d’attendre. Il aurait en revanche été légitime d’obtenir de plus amples informations avant d’engager les moyens d’ultima ratio du droit pénal. Elle s’était constituée partie plaignante, sans désigner personne en particulier, pour tous les faits dans ses déclarations qui seraient relevants pénalement. L’autorité avait jugé qu’il n’y en avait aucun, mais elle n’avait pas dit de mensonges devant la police. Mère célibataire avec deux enfants à charge, elle n’était pas libre de changer d’emploi ni de contester la teneur des courriers contenant une « mise au point claire et ferme » conjointement signés par la cheffe qu’elle mettait en cause et la responsable RH, ce qui lui montrait que toute discussion était forclose et qu’elle était considérée comme étant la seule responsable de son malheur.

E______ avait adopté une attitude hostile par l’absence de réponse à la demande de réévaluation, suivie d’un simple transfert de courriel dont on pouvait déduire un refus. Elle lui donnait ses instructions par courriel ou post-it sur son bureau, privilégiait G______ dans l’attribution des dates de vacances et la rendait responsable des erreurs d’autres collaborateurs en lui imposant des rectifications en urgence en dépit de son cahier des charges déjà chargé. Elle traquait les erreurs et formulait des reproches écrits même pour de simples fautes de frappe. Un grand nombre d’arrivées tardives avait été dûment annoncées et compensées le jour même et elle n’avait pas reçu de convocation ou avertissement, une certaine tolérance prévalant dès lors que les employés faisaient leurs heures. Sa polyarthrite ne réduisait pas sa capacité de travail ni le traitement, constitué essentiellement d’antalgiques ; le Temesta ne lui avait été prescrit qu’en 2005 et à partir de janvier ou février 2020, en raison du harcèlement qu’elle subissait sur son lieu de travail et uniquement en réserve. Elle n’était pas sous médication à l’automne et l’hiver 2019 et la dégradation de son état de santé et des « difficultés de concentration » et « pertes de mémoire » l’empêchant de réfléchir étaient causées par le stress vécu dans son milieu professionnel.

e. Par courrier du 12 février 2025, l’intimée a confirmé sa demande d’audition de trois témoins, dont elle communiquait les coordonnées.

f. Le 12 mai 2025, le recourant a réitéré sa demande d’audition de I______ et de R______ à propos de l’allégation selon laquelle les représentants de l’A______ avaient indiqué, le 21 septembre 2021, qu’ils seraient contraints de dénoncer les faits au Ministère public et que l’employée et Q______ avaient salué cette décision. Il produisait une attestation signée par R______ qui déclarait que lors de ladite réunion, elle avait insisté sur le caractère potentiellement pénal des images suggérant des rapports avec des mineurs et indiqué que l’A______ avait l’obligation de dénoncer les faits. Q______ avait confirmé l’existence de telles images, tout en refusant de les transmettre. L’employée et son représentant ne s’étaient pas opposés à une telle dénonciation, le second ayant ajouté que c’était une bonne chose et qu’il avait connaissance d’autres employeurs qui auraient mérités d’être dénoncés mais que cela n’avait pas été fait.

g. Sur ce, la chambre administrative a informé les parties que la cause était gardée à juger, y compris sur mesures d’instruction.

 

 

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA) ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce. Il y a abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité, tout en restant dans les limites de son pouvoir d'appréciation, se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et qui sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi ou le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 consid. 5.1 ; ATA/1164/2023 du 31 octobre 2023 cons. 4.5 et les références citées).

3.             Le recourant sollicite l’audition de I______ et de R______, qui ont assisté pour son compte à la réunion du 21 septembre 2021. L’intimée sollicite l’audition de trois collaborateurs de l’A______ qui auraient également subi du harcèlement ainsi qu’une audience publique.

3.1 En procédure administrative, la constatation des faits est gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2e phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; ATA/573/2015 du 2 juin 2015). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées, et ce n'est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA 417/2024 du 26 mars 2024 consid.  2.2 et les références citées).

3.2 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_157/2021 du 7 juillet 2021 consid. 3.1). Le droit d’être entendu n'implique pas une audition personnelle de l'intéressé, celui-ci devant simplement disposer d'une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l'issue de la cause (art. 41 LPA ; ATA/242/2023 du 14 mars 2023 et les références citées).

Le droit de faire administrer des preuves n’empêche pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_576/2020 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; ATA/965/2021 du 21 septembre 2021 consid. 2a et les références citées). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 142 III 433 consid. 4.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_90/2020 du 17 novembre 2020 consid. 4.1.2 ; ATA/907/2021 du 6 septembre 2021 consid. 4a).

3.3 Selon l'art. 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101), toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien‑fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Cette disposition s’applique aussi s’agissant d’actes administratifs adoptés par une autorité dans l'exercice de la puissance publique, lorsque ces actes produisent un effet déterminant sur des droits et obligations de caractère civil (ATF 147 I 153 consid. 3.4.1; 144 I 340 consid. 3.3.4 ; ATA/1148/2024 du 1er octobre 2024 consid. 2.1). L'art. 6 CEDH n'exige pas nécessairement la tenue d'une audience dans toutes les procédures, notamment dans les cas prévus par l’art. 6 § 1 2e phr. CEDH, lorsque la demande est abusive, chicanière, ou dilatoire, lorsqu’il apparaît clairement que le recours est infondé, irrecevable ou, au contraire, manifestement bien-fondé ou encore lorsque l’objet du litige porte sur des questions hautement techniques (ATF 141 I 97 consid. 5.1 ; 136 I 279 consid. 1 ; 134 I 331 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8D_5/2019 du 4 juin 2020 consid. 3.2.2). Il peut notamment y être renoncé dans les affaires ne soulevant pas de question de crédibilité ou ne suscitant pas de controverse sur les faits qui auraient requis une audience, et pour lesquelles les tribunaux peuvent se prononcer de manière équitable et raisonnable sur la base des conclusions présentées par les parties et d’autres pièces. L’art. 6 CEDH n’implique pas toujours le droit à une audience publique indépendamment de la nature des questions à trancher. D’autres considérations, dont le droit à un jugement dans un délai raisonnable et la nécessité en découlant d’un traitement rapide des affaires inscrites au rôle, entrent en ligne de compte pour déterminer si des débats publics sont nécessaires (ACEDH MUTU et PECHSTEIN c. Suisse du 2 octobre 2018, req. no 40575/10, § 177 ; arrêt du Tribunal fédéral 8D_5/2019 précité consid. 3.2.2).

3.4 En l’espèce, I______ a été entendue dans le cadre de l’enquête interne, qui a notamment examiné les circonstances dans lesquelles l’A______ a décidé de faire une dénonciation pénale. Son audition a fait l’objet d’un procès-verbal qui figure au dossier et sur lequel les deux parties ont pu se déterminer par écrit, aussi bien devant l’enquêtrice que dans le cadre du double échange d’écriture dans la présente procédure. L’on ne voit pas en quoi une nouvelle audition serait utile et nécessaire à la solution du litige. R______ a établi une attestation versée au dossier qui concerne précisément l’allégué pour lequel son audition est sollicitée. Le recourant n’explique pas ce que son audition apporterait de plus.

L’audition de témoins sollicitée par l’intimée n’apparaît pas non plus nécessaire. Il résulte en effet des motifs exposés ci‑après que le dossier contient tous les faits nécessaires pour apprécier et trancher le présent litige. Il en va de même de l’audience publique, sollicitée par l’intimée sur la base de l’art. 6 CEDH sans autre explication, la chambre de céans étant en mesure de se prononcer sur la base des pièces et conclusions présentées par les parties.

Il ne sera dès lors pas donné suite aux demandes d’instruction des parties.

4.             Le litige concerne deux décisions de l’A______ portant sur l’existence ou non d’une atteinte à la personnalité de son employée et le licenciement de celle-ci.

L’A______ est un établissement de droit public autonome jouissant de la personnalité juridique ayant pour but d’exploiter l’______ et ses installations (art. 1 de la loi sur l'A______ du 10 juin 1993 - LA______ - H 3 25). Les rapports de travail entre l’A______ et son personnel sont régis par le statut du personnel, complété par les règlements, les directives et les instructions (art.  1 al. 1 statut). Tous les membres du personnel sont liés à l’A______ par des rapports de droit public (art. 4 statut).

5.             Le recourant conteste l’existence d’une atteinte à la personnalité de l’intimée sous la forme d’un harcèlement psychologique.

5.1 Selon l’art. 328 de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220), l’employeur protège et respecte, dans les rapports de travail, la personnalité du travailleur ; il manifeste les égards voulus pour sa santé et veille au maintien de la moralité et veille en particulier, à ce que les travailleurs ne soient pas harcelés sexuellement ou désavantagés en raison de tels actes (al. 1) ; il prend, pour protéger la vie, la santé et l’intégrité personnelle du travailleur, les mesures commandées par l’expérience, applicables en l’état de la technique, et adaptées aux conditions de l’exploitation ou du ménage, dans la mesure où les rapports de travail et la nature du travail permettent équitablement de l’exiger de lui (al. 2). Une atteinte à la personnalité est en principe illicite, à moins que son auteur puisse invoquer un des motifs justificatifs énumérés à l’art. 28 al. 2 du Code civil suisse (CC - RS 210), soit le consentement de la victime, un intérêt prépondérant privé ou public, ou la loi (arrêt du Tribunal fédéral 5A_612/2019 du 10 septembre 2021 consid. 6.1.1 ; Nicolas JEANDIN, in Commentaire romand - Code civil I, Pascal PICHONNAZ/Bénédict FOËX [éd.], 2e éd., 2023, n. 71 ad art. 28 CC). L’illicéité est une notion objective, de sorte qu'il n'est pas décisif que l'auteur soit de bonne foi ou ignore qu'il participe à une atteinte à la personnalité (ATF 134 III 193 consid. 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 5A_612/2019 du 10 septembre 2021 consid. 6.1.1).

La portée et la valeur matérielle de la notion de protection de la personnalité et l’obligation qui en découle pour l’employeur sont identiques en droit public et en droit privé (Valérie DÉFAGO GAUDIN, Conflits et fonctions publiques : Instruments, in Jean-Philippe DUNAND/Pascal MAHON [éd.], Conflits au travail. Prévention, gestion, sanctions, 2015, p. 156 et les références citées). Il incombe à l'employeur public, comme à l'employeur privé, de protéger et respecter la personnalité du travailleur, ce qui comprend notamment le devoir d'agir dans certains cas pour calmer une situation conflictuelle et de ne pas rester inactif (ATF 137 I 58 consid. 4.2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_340/2009 du 24 août 2009 consid. 4.3.2 ; 1C_245/2008 du 2 mars 2009 consid. 4.2). L’employeur a l’obligation de protéger la personnalité de son personnel, sous peine d’engager sa propre responsabilité (ATA/263/2022 du 15 mars 2022 consid. 2a-c) et doit en particulier protéger son personnel contre des actes commis par la hiérarchie, des collègues ou des personnes tierces. Son devoir de diligence comporte deux aspects, à savoir prévenir les actes de façon générale et y mettre fin dans les cas concrets (ATA/532/2025 du 13 mai 2025 consid. 4.11). L’employeur qui n'empêche pas que son employé subisse un mobbing contrevient à l'art. 328 CO (ATF 125 III 70 consid. 2a). Le point de savoir si et, le cas échéant, quand une réaction est indiquée dépend largement de l'appréciation du cas concret. Dans le cadre de son pouvoir d'examen limité à l'arbitraire, le Tribunal fédéral n'intervient que lorsque l'attitude de l'employeur apparaît manifestement insoutenable (ATF 137 I 58 consid. 4.2.3 ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_340/2009 précité consid. 4.3.2 ; 1C_245/2008 précité consid. 4.2 ; 1C_406/2007 du 16 juillet 2008 consid. 5.2). La chambre de céans se limite, quant à elle, à l’examen de l’abus ou l’excès de pouvoir d’appréciation.

5.2 Selon la jurisprudence, la notion de harcèlement psychologique ou mobbing, qui vaut pour les relations de travail fondées sur le droit privé ou sur le droit public (arrêts du Tribunal fédéral 8C_398/2016 du 17 mai 2017 consid. 4.1.1 ; 8C_358/2009 du 8 mars 2010 consid. 5.1 ; ATA/1220/2021 du 16 novembre 2021 consid. 6c), se définit comme un enchaînement de propos et/ou d’agissements hostiles, répétés fréquemment pendant une période assez longue, par lesquels un ou plusieurs individus cherchent à isoler, marginaliser, voire exclure une personne sur son lieu de travail. Il arrive souvent que chaque acte, pris isolément, apparaisse encore comme supportable, mais que les agissements pris dans leur ensemble constituent une déstabilisation de la personnalité, poussée jusqu’à l’élimination professionnelle du travailleur visé. Il n’y a toutefois pas harcèlement psychologique du seul fait qu’un conflit existe dans les relations professionnelles ou qu’il règne une mauvaise ambiance de travail, ni du fait qu’un membre du personnel serait invité – même de façon pressante, répétée, au besoin sous la menace de sanctions disciplinaires ou d’une procédure de licenciement – à se conformer à ses obligations résultant du rapport de travail, ou encore du fait qu’un supérieur hiérarchique n’aurait pas satisfait pleinement et toujours aux devoirs qui lui incombent à l’égard de ses collaboratrices et collaborateurs.

Le harcèlement est généralement difficile à prouver, si bien qu'il faut savoir admettre son existence sur la base d'un faisceau d'indices convergents (arrêts du Tribunal fédéral 4A_381/2014 du 3 février 2015 consid. 5.1 ; 4D_22/2013 du 19 septembre 2013 consid. 3.1), mais aussi garder à l'esprit qu'il peut n'être qu'imaginaire, sinon même être allégué abusivement pour tenter de se protéger contre des remarques et mesures justifiées (arrêts du Tribunal fédéral 4A_381/2011 du 24 octobre 2011; 4A_32/2010 du 17 mai 2010 consid. 3.2).

5.3 Selon l’art. 5 du statut, l’organisation du travail doit être conçue de telle sorte qu’elle assure le bon fonctionnement de l’A______ et qu’elle permette aux membres du personnel de faire valoir leur personnalité, leurs aptitudes professionnelles et leurs facultés d’initiative. L’A______ a adopté un « règlement sur la protection de la personnalité, l’égalité entre femmes et hommes et la protection contre toute forme de discrimination » (ci-après : règlement sur la protection de la personnalité), qui a pour but de prévenir et éliminer toute forme de discrimination de quelque nature qu'elle soit, en particulier toute forme de harcèlement (psychologique ou sexuel), toute atteinte illicite à la personnalité à l'encontre des membres du personnel de l'A______ ainsi que tout comportement discriminatoire ou constitutif d'une atteinte illicite à la personnalité d'autrui de la part des membres du personnel de l'A______. Il fixe la conduite à tenir par la direction générale et le personnel encadrant pour parvenir à ce but, ainsi que les procédures offertes aux personnes qui s’estiment victimes d’une atteinte. À teneur de l’art. 3 al. 1 du règlement sur la protection de la personnalité, le harcèlement psychologique ou mobbing au travail (appelé encore « terreur psychologique » ou « chicanes ») comprend des actes dirigés par un individu ou un groupe d’individus de manière systématique contre une personne déterminée et/ou un groupe de personnes et ressentis comme hostiles. Ces actes doivent se répéter fréquemment et durer pendant une période prolongée (en principe pendant plusieurs mois). Sont visés les actes à l’égard d’une personne ou d’un groupe, de caractère vexatoire, méprisant ou humiliant, qui sont de nature à porter atteinte à la dignité, à l’intégrité physique ou psychique de la personne, à compromettre son emploi ou encore à créer des conditions de travail hostiles (al. 2). Ils peuvent notamment consister (al. 3) à priver ou notablement restreindre la victime de toute possibilité de s’exprimer (let. a), à l’isoler (let. b), à la déconsidérer auprès des collègues (let. c), à la discréditer dans son travail (let. d) ou à porter atteinte, voire compromettre, à la santé physique ou psychique de la victime.

5.4 En l’espèce, il ressort du dossier que l’employée a travaillé pendant plusieurs années dans des conditions difficiles qui ont gravement affecté sa santé.

B______ a dû faire face à une surcharge importante dès son arrivée dans le service en décembre 2013, au point où elle n’a pas pu terminer les formations mises en place avec l’AI. Cette surcharge a perduré, comme l’ont reconnu ses supérieurs hiérarchiques successifs en mars 2017 et février 2019. E______ a indiqué à ce sujet que le nombre de formations avait doublé et que l’employée avait repris certaines tâches et responsabilités après le départ de l’ancien responsable. Certaines tâches dont l’employée avait été chargée excédaient son cahier des charges. L’intéressée avait demandé une valorisation de sa fonction et de son salaire en tout cas dès 2017, demande restée sans réponse jusqu’à octobre 2018, quand elle a appris que toutes les demandes de réévaluation étaient suspendues jusqu’à nouvel ordre, soit, selon les indications de la responsable RH pendant encore deux ou trois ans. Le recourant n’explique pas pour quelle raison aucune réponse ne lui a été donnée avant octobre 2018 à la demande a priori raisonnable de l’employée, ni pourquoi même la dénomination de sa fonction et son cahier des charges n’ont pas été adaptés durant cette période.

L’intimée a fait état à plusieurs reprises de son sentiment de manque de reconnaissance, de manque de respect et d’insécurité par rapport à son poste. Le 22 juillet 2019, quelques mois après son retour d’une incapacité de travail de trois mois pour cause de surmenage professionnel, les représentants de l’employeur lui ont demandé, sans reconnaître aucune responsabilité pour le contexte précité, de faire un travail sur elle-même pour passer outre sa frustration et ses déceptions et se focaliser sur l’avenir, en réfléchissant si elle souhaitait poursuivre son activité au sein du service OSI. La description de l’état d’esprit de l’employée dans le courrier du 6 novembre 2019, relatif à la réunion du 20 septembre précédent, est sujette à caution dans la mesure où elle émane des seuls représentants de l’employeur et où il résulte du même courrier que l’employée s’est adressée directement au directeur des opérations peu de temps après la réunion.

C’est le lieu de noter que l’employée s’est plainte d’un climat de travail difficile également sous l’angle relationnel, notamment avec sa supérieure hiérarchique, dès le mois de juin 2019. La responsable RH à qui elle s’est adressée dans ce contexte, ne l’a reçue seule qu’à une reprise, la cheffe de service ayant assisté à tous les entretiens qui ont suivi, ce qui peut paraître surprenant vu que l’employée la mettait précisément en cause. Dans la mesure où les courriers résumant ces entretiens, notamment ceux des 6 août et 6 novembre 2019 étaient cosignés par la responsable RH et la cheffe de service, et reflétaient donc une position commune, ils n’étaient pas de nature à encourager l’employée à se confier et à chercher conseil ou soutien auprès des RH et encore moins à réclamer, le cas échéant, les mesures de protection que doit prendre l’employeur. Quant à leur teneur, ces courriers tendaient à souligner les positions de la cheffe dont l’employée se plaignait et à insister sur la responsabilité incombant à l’employée de se prendre en main, au lieu de proposer des mesures de soutien, ce qui n’était pas conforme aux égards dus par le recourant à l’intimée.

L’ensemble de ces circonstances, qui se sont étalées sur plusieurs années, était de nature à compromettre la santé psychique de l’employée. Du 29 janvier 2020 au 1er mars 2021, l’employée s’est à nouveau retrouvée en arrêt de travail à cause, selon les certificats et rapports médicaux au dossier et l’audition de ses psychiatres traitants, d’un burn-out exclusivement professionnel.

En revanche, il n’est pas établi que l’employée aurait reçu des assurances concernant la création d’un nouveau poste de la part de l’ancien directeur adjoint ni que la redistribution des tâches intervenue dans le cadre de la réorganisation du service et la création du nouveau poste de coordinatrice en 2018 visait d’emblée et de manière « sournoise » à rendre le poste de l’employée inutile en vue de sa suppression. N______ a déclaré que les autres services du département n’avaient déjà plus de secrétaire, qu’il avait envisagé la suppression du poste de l’employée dès le printemps 2020 pour des raisons budgétaires et que c’était assez tard qu’il en avait informé la cheffe de service, qui n’avait pas participé à la décision. Le dossier ne permet pas non plus d’établir que l’employée aurait été directement confrontée à des remarques ou comportements racistes, c’est-à-dire en dehors du groupe WhatsApp et d’autres événements concernant ses collègues, relatés dans le document « Résumé de certains faits », n’ont pas non plus été démontrés, notamment faute de témoin. Il n’est enfin pas établi que l’employée aurait subi du mobbing de la part de la cheffe de service au sens défini ci-dessus, notamment par le biais d’une surveillance accrue et injustifiée de son activité, le refus de donner des instructions claires et directes, la formulation de critiques infondées ou des manœuvres déloyales pour que l’employée forme la personne à qui ses tâches allaient être transférées et contribue ainsi à la suppression de son propre poste. De tels éléments ne ressortent pas du dossier, même sous forme d’indices, et ne sont corroborées par aucun témoignage.

Il résulte de ce qui précède que le recourant n’a pas manifesté tous les égards voulus pour respecter la personnalité et la santé de l’employée ni pris toutes les mesures qui pouvaient être équitablement exigées de lui pour les protéger. Il apparaît au contraire qu’il y a participé, en offrant des conditions de travail et un encadrement qui n’étaient pas conformes à ses devoirs selon l’art. 328 CO et le règlement sur la protection de la personnalité. Partant, il y a lieu de constater l’existence d’une atteinte illicite à la personnalité de l’intimée.

6.             Le recourant conteste l’existence d’une atteinte à la personnalité de l’intimée sous la forme, notamment, d’un harcèlement sexuel.

6.1 Selon l’art. 3 al. 1 LEg, dont les art. 2 à 7 s'appliquent aux rapports de travail régis par le droit public fédéral, cantonal ou communal (art. 2 LEg), il est interdit de discriminer les travailleurs à raison du sexe, soit directement, soit indirectement, notamment en se fondant sur leur état civil ou leur situation familiale ou, s’agissant de femmes, leur grossesse. Par comportement discriminatoire, on entend tout comportement importun de caractère sexuel ou tout autre comportement fondé sur l’appartenance sexuelle, qui porte atteinte à la dignité de la personne sur son lieu de travail, en particulier le fait de proférer des menaces, de promettre des avantages, d’imposer des contraintes ou d’exercer des pressions de toute nature sur une personne en vue d’obtenir d’elle des faveurs de nature sexuelle (art. 4 LEg). Selon les procédés utilisés, plusieurs incidents peuvent être nécessaires pour constituer une discrimination au sens de l'art. 4 LEg. La répétition d'actes ou l'accumulation d'incidents n'est toutefois pas une condition constitutive de cette forme de harcèlement sexuel (Claudia KAUFMANN, in Commentaire de la loi sur l'égalité, Margrith BIGLER-EGGENBERGER/Claudia KAUFMANN [éd.], 2000, n. 59 ad art. 4 LEg p. 118 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_74/2019 précité consid. 3.1.1).

À teneur de l’art. 4 du règlement sur la protection de la personnalité, le harcèlement sexuel se manifeste par des paroles, des actes ou des gestes non désirés, voire de nature contraignante, à connotation sexuelle, un acte isolé pouvant être considéré comme constitutif de harcèlement sexuel (al. 1). Cette disposition reprend à son al. 2 la définition du comportement discriminatoire selon l’art. 4 LEg et précise à son al. 3 que le harcèlement peut prendre différentes formes, notamment des remarques ou commentaires sexistes, grossiers ou embarrassants (let. a), l’exposition ou la diffusion de matériel à connotation sexuelle (let. b), des attouchements (let c) ou des avances et/ou invitations dans un but sexuel, accompagnées ou non, de promesses de récompenses ou de menaces de représailles.

6.2 Bien que les exemples cités à l'art. 4 LEg ne se réfèrent qu'à des cas d'abus d'autorité, la définition englobe tous les comportements importuns fondés sur le sexe, soit également ceux qui contribuent à rendre le climat de travail hostile, comme des remarques concernant les qualités ou les défauts physiques, des blagues grivoises et des plaisanteries déplacées, des propos obscènes et sexistes et les commentaires grossiers ou embarrassants (ATF 126 III 395 consid. 7b/bb ; arrêts du Tribunal fédéral 4A_283/2022 du 15 mars 2023 consid. 3.1.1 et 8C_74/2019 du 21 octobre 2020 consid. 3.1.1 ; ATA/809/2021 du 10 août 2021 consid. 10 a). Il résulte notamment des publications diffusées par le Bureau fédéral de l’égalité entre femmes et hommes et du commentaire des ordonnances 3 et 4 relative à la loi sur le travail du secrétariat d’État à l’économie (p. 281) que l’exhibition sur le lieu de travail de matériel pornographique, qu’il soit affiché au mur ou laissé en évidence, ainsi que l'envoi d'images pornographiques, y compris par voie électronique, entrent dans la définition du harcèlement sexuel. Selon la jurisprudence de la chambre administrative, l’interdiction du harcèlement sexuel sous la forme d’un climat de travail hostile imposé au travailleur comporte qu’il n’ait pas à subir sur son lieu de travail de remarque sexiste ni recevoir d’image ou de vidéo à caractère sexuel et sexiste de manière répétée (ATA/242/2023 du 14 mars 2023 consid 7h). Dans un arrêt confirmé par le Tribunal fédéral, la chambre administrative a en outre retenu que le cadre membre d’un groupe WhatsApp avec des personnes dont il était le supérieur et dans lequel étaient échangés des messages très grossiers dont il n’était lui-même pas l’expéditeur, avait le devoir de freiner ou à tout le moins d’essayer de calmer les intervenants (ATA/349/2019 du 24 août 2021 consid. 5f ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_336/2019 du 9 juillet 2020).

6.3 Le harcèlement sexuel se caractérise avant tout par le fait qu'il est importun, à savoir qu'il n'est pas souhaité par la personne qui le subit. Afin de juger du caractère importun des actes, il faut considérer non seulement le point de vue objectif d’une « personne raisonnable », mais aussi la perception de la victime et de sa sensibilité, eu égard aux circonstances du cas d’espèce. L’existence d’un harcèlement sexuel ne saurait être écartée du seul fait que la personne concernée a aussi eu recours à un vocabulaire grossier ou a « choisi » de travailler dans un milieu où ce type de langage est courant (Karine LEMPEN, in Commentaire romand - Code des obligations I, vol. 2, Luc THÉVENOZ/Franz WERRO [éd.], 3e éd., 2021, n. 25 ad art. 328 CO et les références citées, en particulier ATF 126 III 395 consid. 7d ; arrêt du Tribunal fédéral 4C.60/2006 du 22 mai 2006 consid. 3.1). Vu le rapport de subordination résultant du contrat de travail, on ne saurait inférer un acquiescement (consentement) tacite d'une collaboratrice victime de remarques déplacées à connotation sexuelle (sur son lieu de travail) du seul fait qu'elle n'a exprimé aucune plainte (arrêt du Tribunal fédéral 4A_105/2018 du 10 octobre 2018 consid. 3.3).

L’intention de l’auteur n’est pas déterminante. Si une intention de nuire pourrait peser comme facteur de gravité du harcèlement sexuel (arrêt du Tribunal fédéral 4C.289/2006 du 5 février 2007 consid. 5.2 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral A-4876/2020 précité consid. 7.2), l'absence d'une telle intention ne saurait en atténuer le caractère inadmissible. En effet, sauf lorsqu'il s'agit d'établir l'existence d'un chantage sexuel, la motivation de l'auteur est sans pertinence pour la qualification du harcèlement sexuel (arrêt du Tribunal fédéral 8C_74/2019 précité consid. 3.3.4). Il n'est en particulier pas nécessaire que la personne accusée vise à obtenir des faveurs sexuelles. Il suffit de se trouver en présence d'une atteinte à la personnalité ayant un contenu sexuel ou du moins une composante sexuelle (ATA/30/2023 du 17 janvier 2023 consid. 5a).

6.4 En cas de harcèlement sexuel, l'employeur a l'obligation de protéger son personnel en prenant les mesures que l’expérience commande, qui sont appropriées aux circonstances et que l’on peut équitablement exiger de lui pour prévenir ces actes ou y mettre fin (art. 5 al. 3 LEg). Selon l’art. 5 al. 3 du règlement sur la protection de la personnalité, l'A______ initie, le cas échéant, la procédure prévue par le règlement ou toute autre procédure adéquate pour mettre fin à toute conduite répréhensible et protéger la personne lésée, dès qu’il en est informé. La direction générale veille, notamment, à protéger tout membre de son personnel victime de conduite répréhensible par un dispositif d’information, d'assistance et de recours (art. 6 al. 1 let. b du règlement sur la protection de la personnalité). La direction générale de l'A______ peut, de sa propre initiative, sur demande de la personne s'estimant lésée ou sur proposition de la personne de confiance visée à l'art. 7, décider d'ouvrir une enquête interne (art. 9 ch. 1). Après réception du rapport d'enquête définitif et d’éventuelles déterminations des personnes concernées, l’A______ rend une décision motivée constatant l'existence ou non d'une atteinte à la personnalité (art. 9 ch. 6 let. c) et prend, le cas échéant, les mesures disciplinaires utiles à l'égard du ou des auteurs de l'atteinte à la personnalité, ainsi que toutes autres mesures, notamment organisationnelles, nécessaires à la bonne marche de l'A______.

6.5 En l’espèce, la commission de recours a retenu au titre du harcèlement sexuel que les échanges sur le groupe WhatsApp confrontaient l’employée à un contenu problématique qui, compte tenu des règles établies par la jurisprudence constante et contrairement à ce qu’avait retenu l’enquêtrice, ne pouvaient être considérés comme admissibles dans un contexte humoristique. Ce raisonnement ne prête pas le flanc à la critique.

La consultation du fil de conversation du groupe WhatsApp permet de constater qu’une partie non négligeable du contenu échangé entre septembre 2019 et mars 2020 répond à la définition jurisprudentielle du harcèlement sexuel sous la forme de comportements créant un climat de travail hostile, soit les blagues sexistes dévalorisant les femmes et les propos et images à connotation sexuelle ou pornographique. Sont rappelés ici les représentations de différents types d’actes sexuels et les dessins, photos et vidéos isolant ou insistant lourdement sur la poitrine féminine ou les parties génitales masculines, parfois adressés spécifiquement à l’attention des collègues féminines (« Pour vous les filles qui vous ennuyez »). De tels contenus, obscènes et propres à heurter une personne raisonnable, sont inopportuns dans un cadre professionnel. L’A______ a d’ailleurs reconnu dans le cadre de la procédure que le contenu du groupe WhatsApp était « inacceptable ». C’est le lieu de relever que la très grande majorité de ces contenus n’avait aucune valeur ou visée artistique ou culturelle décelable, se contentant de réduire les personnes, et en particulier les femmes, à des objets du désir sexuel. C’est aussi le sens de l’image partagée de deux jeunes filles sexy en bikini qui, si elle n’est peut-être pas particulièrement choquante seule, était de nature à heurter certaines sensibilités du fait du texte qui l’accompagnait et qui annonçait leur majorité imminente, tel un « avis aux amateurs ». Le fait que les contenus problématiques ne s’adressaient pas directement ou exclusivement à l’intimée ne leur fait pas perdre la qualification de harcèlement sexuel. La diffusion des contenus précités dans un groupe réunissant les membres d’un service est en effet comparable à l’acte d’afficher du matériel pornographique au mur, acte dont il est admis qu’il constitue du harcèlement sexuel.

Ni l’utilisation par l’intimée, à quelques occasions, de certains termes discutables également employés par ses collègues ni le fait qu’elle n’ait pas quitté le groupe ne permettent de considérer que les échanges obscènes, sexistes ou à connotation xénophobe, auxquels elle ne participait pas, ne la gênaient pas, en d’autres termes qu’ils n’étaient pas inopportuns. Contrairement à ce que soutient le recourant, l’intimée n’était pas entièrement libre de décider de quitter le groupe WhatsApp. Il est en effet établi que celui-ci était en partie utilisé pour envoyer des informations professionnelles. En quittant le groupe, l’employée aurait donc manqué des informations susceptibles d’influencer l’organisation de son travail. L’intimée occupait par ailleurs une fonction subalterne par rapport aux autres membres du groupe, qui étaient formateurs, coordinatrice et cheffe de service, ce qui est une circonstance dont il y a lieu de tenir compte au regard de la jurisprudence. Il était difficile pour l’employée de se plaindre de l’ambiance grossière en général et des messages particuliers qui la heurtaient alors qu’ils rencontraient l’approbation, ou à tout le moins la clémence, de sa supérieure hiérarchique, qui participait activement aux échanges.

La motivation et l’intention, apparemment humoristique, des expéditeurs et expéditrices ne sont pas déterminantes pour la qualification du harcèlement. Le fait qu’aucun des collaborateurs interrogés n’ait apparemment identifié ces échanges comme des actes de harcèlement sexuel dénote un manque de sensibilisation qui contrevient au devoir de l’employeur de prévenir de telles atteintes. Il semble que les commentaires sexistes, à connotation sexuelle ou stigmatisant certaines catégories de personnes, étaient complètement banalisés, puisque selon les déclarations de la cheffe de service et des collaborateurs entendus au cours de l’enquête, ils n’avaient jamais été témoin de sexisme ou de racisme au sein du service et les messages WhatsApp relevaient uniquement de l’humour.

Le recourant n’allègue ni ne démontre que E______, en sa qualité de cheffe de service, aurait fait la moindre tentative de sensibiliser son équipe ou de freiner les échanges sexistes, d’ordre pornographique ou stigmatisant certains groupes sociaux, dont la plupart a été envoyée avant qu’elle ne quitte le groupe, contrairement aux devoirs de l’employeur résultant des dispositions et de la jurisprudence précitées, notamment celui de faire cesser tout harcèlement sexuel.

6.6 L’existence d’immixtions dans la vie sentimentale et sexuelle de l’intimée par des membres du service où elle travaillait, dont sa supérieure hiérarchique, ne sont pas établies. Selon les déclarations des collaborateurs de l’A______ entendus dans le cadre de l’enquête administrative, aucun d’eux n’a été témoin de remarques en ce sens faites l’intimé ou d’autre actes désobligeants la visant personnellement, ce qui ne ressort pas non plus d’autres pièces au dossier. Les quelques échanges faits dans le cadre du groupe WhatsApp ne sont pas particulièrement choquants ou insistants et l’intimée y a réagi sur le ton de la plaisanterie, sans que le dossier ne démontre qu’elle s’en serait plainte.

Au vu de ce qui précède, c’est à juste titre que la commission de recours a considéré que l’intimée avait subi une atteinte à la personnalité sous la forme d’un harcèlement sexuel.

7.             Le recourant conteste l’absence d’un motif justifié pour résilier les rapports de travail avec l’intimée.

7.1 Selon l’art. 57 let. A al. 3 et 4 du statut, l’A______ ne peut notifier une résiliation que pour un « motif justifié », cette condition étant remplie lorsque, pour une raison sérieuse, la poursuite des rapports de travail n’est pas dans l’intérêt du bon fonctionnement du service.

Selon la jurisprudence de la chambre administrative relative au licenciement fondé sur un motif justifié au sens de l’art. 57 let. A al. 3 du statut, cette norme doit être jugée comme étant moins sévère dans les motifs permettant le licenciement que l’art. 22 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) visant le licenciement pour « motifs fondés » (ATA/1780/2019 du 10 décembre 2019 consid. 2 et les arrêts cités ; ATA/693/2015 du 30 juin 2015 consid. 9).

Dans les deux affaires précitées, concernant des agents de sûreté ______ employés par l’A______, la chambre administrative a rappelé la jurisprudence applicable au licenciement pour motif justifié d’employés des Transports publics genevois (ci-après : TPG) qui disposent d’une réglementation propre (ATA/123/2012 du 6 mars 2012 consid. 4c ; ATA/791/2010 du 16 novembre 2010 consid. 7c), mais similaire à l’A______ en ce qui concerne le licenciement dit administratif, plus précisément pour « motifs dûment justifiés » dans le respect du délai de congé. Est considéré comme dûment justifié tout motif démontrant que la poursuite des rapports de service n’est pas, objectivement, dans l’intérêt du bon fonctionnement de l’entreprise (ATA/68/2024 du 23 janvier 2024 consid. 2.4). Il  n'est pas imposé aux TPG de démontrer que la poursuite des rapports de service est rendue impossible, mais uniquement qu'elle n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'entreprise. (ATA/68/2024 précité consid. 2.5 ; ATA/1839/2019 du 20 décembre 2019 consid. 7c et les arrêts cités). Ledit motif (ou motif fondé s’agissant des art. 21 al. 3 et 22 LPAC) est un élément objectif indépendant de la faute du membre du personnel. La résiliation pour motif fondé, qui est une mesure administrative, ne vise pas à punir mais à adapter la composition de la fonction publique dans un service déterminé aux exigences relatives au bon fonctionnement dudit service (ATA/68/2024 précité consid. 2.5 ; ATA/1471/2017 du 14 novembre 2017).

Les justes motifs de renvoi peuvent procéder de toutes circonstances qui, selon les règles de la bonne foi, excluent la poursuite des rapports de service, même en l'absence de faute. De toute nature, ils peuvent relever d'événements ou de circonstances que l'intéressé ne pouvait éviter, ou au contraire d'activités, de comportements ou de situations qui lui sont imputables (arrêt du Tribunal fédéral 8C_638/2016 du 18 août 2017 consid. 4.2 et les références citées).

7.2 L’art. 57 let. A al. 3 du statut laisse un large pouvoir d’appréciation à l’autorité d’engagement que l’autorité de recours ne censure qu’en cas d’excès ou abus de pouvoir conformément à l’art. 61 al. 2 LPA. L’autorité d’engagement doit respecter le but dans lequel un tel pouvoir lui a été conféré, procéder à un examen complet de toutes les circonstances pertinentes, user de critères transparents et objectifs, ne pas commettre d’inégalité de traitement et appliquer le principe de proportionnalité. Seules les mesures objectivement insoutenables devaient être annulées, la chambre de céans vérifiant que l’autorité n’outrepasse pas son pouvoir d’appréciation et respecte les conditions de fond et de forme dont les textes imposent la réalisation (ATA/123/2012 du 6 mars 2012 consid. 4b et les références citées ; ATA/791/2010 du 16 novembre 2010 consid. 7b et les arrêts cités). Les rapports de service étant soumis au droit public, leur résiliation doit respecter les principes constitutionnels généraux, notamment les principes de la légalité, de l'égalité, de la proportionnalité, de la bonne foi, de l'interdiction de l'arbitraire, lors de la fin des rapports de travail des employés (ATA/68/2024 précité consid. 2.8 ; ATA/479/2020 du 19 mai 2020 consid. 5d).

Le principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.) exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent pas être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité) ; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 143 I 403 consid. 5.6.3 ; 142 I 76 consid. 3.5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_635/2020 du 22 juin 2021 consid. 3.1 ; ATA/68/2024 précité consid. 2.9).

7.3 S'agissant plus spécifiquement de l'existence d'un environnement de travail hostile, il a été jugé que le fait que la société employeuse n'ait pas pris les mesures pourtant commandées par les circonstances en application de l'art. 328 CO et des dispositions de la LEg ne l'empêche pas de prononcer un licenciement immédiat si les circonstances de l'espèce le justifient (ATF 127 III 351 consid. 4b/dd ; cf. arrêt 4C.289/2006 du 5 février 2007 consid. 3.2). Pour déterminer le caractère justifié (ou injustifié) d'une résiliation immédiate, il convient d'examiner l'ensemble des circonstances et une large place est laissée à l'appréciation du juge, de sorte qu'établir une casuistique en se focalisant sur un seul élément du dossier, sorti de son contexte, n'est pas significatif (arrêt du Tribunal fédéral 4A_404/2014 du 17 décembre 2014 consid. 4.1 et l'arrêt cité).

7.4 En l’espèce, le recourant a motivé sa décision de résilier les rapports de travail en reprochant à l’employée d’avoir injustement accusé E______, G______ et K______ d’avoir porté atteinte à sa personnalité et d’avoir publié des images à connotation sexuelle impliquant des mineurs sur un groupe WhatsApp créé dans le cadre professionnel, tout en refusant de transmettre les moyens de preuve y relatifs.

Il découle de ce qui précède que l’employée a bien subi des atteintes à sa personnalité, par son exposition à du matériel à connotation sexuelle voire pornographique et sous l’angle de son droit à des conditions et un environnement de travail respectueux de sa personnalité et le devoir de l’employeur de prendre les mesures requises pour protéger la santé psychique de ses employés. Ces atteintes sont notamment imputables à G______ et K______, à l’origine de bon nombre des contenus inopportuns, et à E______, qui n’a pris aucune mesure pour prévenir ou faire cesser les atteintes illicites. Le motif de licenciement invoqué n’est dès lors pas réalisé, en tant qu’il porte sur le caractère infondé des accusations d’atteinte à la personnalité.

Quant au reproche d’avoir faussement accusé d’autres collaborateurs d’infractions pénales graves, il y a lieu de tenir compte de l’ensemble des circonstances. Courant 2021, l’employée a dénoncé des atteintes à sa personnalité à son employeur en alléguant l’existence de remarques racistes et sexistes de la part de E______, G______ et K______L et de messages à caractère pornographique ou raciste sur le groupe WhatsApp. Le courriel du 5 juillet 2021 de Q______ mentionnait, à titre d’atteintes à la personnalité, des « images suggérant des rapports sexuels avec des mineurs », mais aussi des messages « ayant une connotation sexuelle, raciste et/ou pornographique stigmatisant les femmes et les Noirs » et d’autres exemples. L’image concernant les mineurs était donc un élément parmi d’autres, mentionné dans le cadre d’une demande relevant du droit du travail et de la protection de la personnalité. Le fait d’évoquer des images à suggestion sexuelle concernant des mineurs en tant qu’atteinte à la personnalité ne se confond pas avec une accusation de pédopornographie. Il ne ressort pas du dossier que B______ avait l’intention ou la volonté d’accuser ses collègues au pénal quand elle s’est adressée à son employeur et N______ a déclaré qu’il avait assisté à toutes les réunions avec le 2e observatoire, mais n’avait jamais entendu l’employée utiliser le mot pédopornographie. Il ressort de l’attestation de R______ que c’est la juriste de l’A______ qui a expliqué la situation sur le plan pénal à l’employée et au représentant syndical, qui n’avaient pas l’expertise nécessaire pour apprécier l’opportunité de la démarche pénale, par laquelle ils ne se sentaient pas concernés, comme le démontre le courriel du 12 octobre 2021.

La raison pour laquelle l’employée n’a pas pu ou voulu, à ce stade, transmettre les messages WhatsApp à son employeur n’est pas établie. Cependant, dans la mesure où l’A______ a initié la procédure pénale en fonction de ses propres obligations, il lui incombait en tout état de réunir un minimum d’informations à propos des faits allégués par l’employée et de leur portée sur le plan pénal. Compte tenu de la gravité des allégations et des conséquences d’une dénonciation pénale pour les collaborateurs concernés, l’employeur ne pouvait se contenter de la réponse de la cheffe de service, qui avait tout effacé, et aurait pu interpeller un autre membre du groupe WhatsApp pour pouvoir déterminer si l’affaire relevait uniquement du droit de travail ou s’il y avait lieu de déclencher la procédure pénale. Contrairement à ce qu’affirme le recourant, une telle démarche était parfaitement envisageable, ce d’autant plus que certains membres utilisaient le groupe WhatsApp sur leur téléphone professionnel, comme l’a déclaré E______ dans le cadre de l’enquête. L’A______ a décidé d’y renoncer pour des raisons qui lui sont propres, choix qu’il ne saurait imputer à l’employée.

Si l’employée a certes signé sa déposition et le formulaire de plainte présenté par les policiers, ce n’est pas elle qui a saisi les autorités pénales mais l’A______, après avoir pris les conseils juridiques pertinents. Devant la police, c’est en répondant à un mandat de comparution et sans être assistée d’un avocat que l’employée a fait une déposition qui reflète uniquement ses préoccupations quant à ses conditions de travail et un éventuel harcèlement sur le lieu de travail, ses déclarations n’étant guère pertinentes sur le plan pénal. Le fait que l’enquête de police ait abouti à la conclusion que les conditions de l’art. 197 CP, différentes de celles d’une atteinte à la personnalité au sens de l’art. 328 CO dont se prévalait l’employée, n’étaient pas réunies, ne suffit pas encore pour considérer que celle-ci était de mauvaise foi, tenait des propos mensongers ou agissait de manière coupable au sens d’une dénonciation calomnieuse notamment. Si le fait qu’une allégation n’est finalement pas retenue au terme d’une procédure en faisait une accusation mensongère, cela ne manquerait pas d’avoir pour effet de dissuader les personnes qui s’estiment victime d’une atteinte de faire valoir leurs droits, ce qui n’est pas souhaitable et viendrait contrecarrer le système de protection mis en place par le législateur.

7.5 Selon le recourant, la résiliation est aussi justifiée au motif de la décision de supprimer le poste de l’employée de sorte qu’il ne restait plus de fonctions pour elle au sein du service et qu’une réintégration dans le service ne serait pas envisageable pour des raisons de relations interpersonnelles. C’est le lieu de relever que ce motif justificatif n’est pas invoqué dans sa décision de résiliation du 21 décembre 2022, qui se fonde entièrement sur la rupture du lien de confiance causée par les affirmations, qualifiées de mensongères, de l’employée.

Le fait que le maintien de l’employée dans le service OSI ne semble en effet pas opportun ne signifie pas nécessairement que le maintien de ses rapports de travail est incompatible avec le bon fonctionnement de l’A______. En outre, si le recourant a un large pouvoir d’appréciation en la matière, en tant qu’employeur public, il doit s’assurer qu’il n’y ait pas de moyen moins incisif et que sa décision s’impose au terme d’une pesée des intérêts privés et publics compromis, conformément au principe de la proportionnalité. Dans les circonstances très particulières du cas de l’employée, l’employeur devait, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, prêter une attention particulière à la situation de celle-ci. Il a très fortement sollicité B______ pendant plusieurs années, apparemment sans contrepartie supplémentaire, et les perspectives d’une amélioration de son poste se sont réduites, d’abord temporairement du fait d’une révision du statut du personnel en cours, puis en raison d’une réorganisation pour des motifs budgétaires qui supprimait son poste. Ces décisions stratégiques de l’employeur, si elles sont légitimes, ont cependant contribué au burn-out professionnel de l’employée. Dans ces circonstances, on pouvait attendre de l’A______ qu’il fasse tout son possible pour choisir la mesure la moins incisive et accorde une importance particulière aux intérêts de l’employée, mère avec deux enfants à charge. Il y a aussi lieu de prendre en considération que les faits dénoncés par l’intimée ne relevaient certes pas du droit pénal, mais qu’ils constituaient en grande partie des atteintes illicites à sa personnalité. Le recourant n’a pas démontré qu’il a pris toutes les mesures possibles suite à la suppression de son poste et, en particulier, qu’il a cherché à l’affecter à un autre poste, comme il l’a fait pour deux autres collaborateurs dont les postes avaient été également été supprimés. Il n’a ainsi pas établi que la résiliation des rapports de travail respectait le critère de nécessité et s’imposait au terme d’une pesée des intérêts.

Partant, il y a lieu de confirmer la décision attaquée en tant qu’elle retient que les conditions pour résilier les rapports de service n’étaient pas réunies.

7.6 La chambre administrative a pour pratique de fixer l'indemnité pour refus de réintégration à un certain nombre de mois du dernier traitement brut de l'employé, conformément à l'art. 31 al. 4 LPAC. L'indemnité fondée sur cette disposition comprend le treizième salaire au prorata du nombre de mois fixés et n'est pas soumise à la déduction des cotisations sociales. En l'absence de conclusion sur ce point, les intérêts moratoires n'y sont pas additionnés (art. 69 al. 1 LPA ; ATA/751/2023 du 11 juillet 2023 consid. 7.3 et les références citées).

7.7 En l’espèce, les critères retenus par la commission de recours pour fixer une indemnité équivalant à douze mois de salaire, à savoir la durée des rapports de travail de quinze ans, des états de service relativement bons, la reconnaissance unanime de l’investissement de l’intéressée au sein du service, son âge (50 ans), sa santé lourdement affectée par l’atteinte à sa personnalité dont elle a été victime et le fait qu’elle n’avait pas retrouvé de travail, sont convaincants. Il ressort de la procédure que l’intimée n’a toujours pas retrouvé de travail. La réduction de six mois par rapport au maximum autorisé de 18 mois selon l’art. 57 A ch. 5 du statut tient suffisamment compte des éléments invoqués par le recourant, notamment le fait qu’il avait fondé sa décision de résiliation sur les résultats de l’enquête interne, dont les conclusions se sont toutefois révélées erronées. Il est cependant précisé que, conformément à la pratique précitée de la chambre administrative, le montant de l’indemnité est exprimé en nombre de mois du dernier traitement brut, mais n’est pas soumise aux déductions sociales.

Dans la mesure où l’intéressée n’avait pas conclu à l’octroi d’intérêts, la commission de recours n’était pas fondée à lui en accorder. Sur ce dernier point, le recours est très partiellement admis.


 

8.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de CHF 1'000.- sera allouée à l’intimée, qui y a conclu et qui était assistée d’un avocat, à la charge de l’A______. L’A______ pouvant disposer d’un service juridique suffisant pour assumer sa défense, aucune indemnité ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/605/2021 du 8 juin 2021 et les références citées).

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 16 janvier 2025 par l’A______ contre la décision de la C______ du 29 novembre 2024 ;

 

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision en tant qu’elle condamne l’A______ au paiement en mains de B______ une somme brute de CHF 98'421.55 avec intérêts à 5% dès le 21 décembre 2022 ;

condamne l’A______ à payer à B______ une indemnité correspondant à douze mois du dernier traitement annuel brut, comprenant le treizième salaire au prorata du nombre de mois fixés et non soumise à la déduction des cotisations sociales, à l’exclusion de tout autre élément de rémunération ;

rejette le recours pour le surplus ;

alloue à B______ une indemnité de procédure de CHF 1'000.- à la charge de l’A______ ;

met à la charge de l’A______ un émolument de CHF 1'000.- ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Anne TROILLET, avocate du recourant, ainsi qu'à Me Laïla BATOU, avocate de B______, ainsi qu’à la C______.

Siégeant : Michèle PERNET, présidente, Eleanor McGREGOR, Philippe KNUPFER, Patrick CHENAUX, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. MARMY

 

 

la présidente siégeant :

 

 

M. PERNET

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :