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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/308/2025

ATA/861/2025 du 11.08.2025 ( EXPLOI ) , REJETE

Recours TF déposé le 15.09.2025, 2C_533/2025
Descripteurs : GARDERIE;AUTORISATION D'EXPLOITER;DEVOIR PROFESSIONNEL;CONVENTION COLLECTIVE DE TRAVAIL;DÉCISION D'EXTENSION;RÉTROACTIVITÉ;AMENDE;CONCLUSIONS;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;OBJET DU LITIGE;ORDONNANCE ADMINISTRATIVE;PRIMAUTÉ DU DROIT FÉDÉRAL
Normes : LPA.65; Cst.29.al2; LAPr.1; LAPr.3.leta; LAPr.30.al1; LIRT.1.al1.letc; LIRT.18.al1; LIRT.28.al4; LIRT.19.al5.leta; LIRT.23; LIRT.25; RIRT.42; LIRT.26; LIRT.27; LIRT.28; LIRT.29; LAPr.30.al2.letf; LIRT.45.al1.leta; LIRT.26A; RIRT.42A
Résumé : La chambre administratives ne peut se prononcer sur l’annulation de directives du CSME. En revanche, elle peut en examiner la conformité au droit supérieur. Conformément à la jurisprudence rappelée, les UPE ne sont pas considérés comme une extension de la CCT ville contraire à la LIRT et à la LECCT. Si l’OCIRT s’est inspiré de la CCT ville pour établir les UPE, il l’a fait conformément aux directives en la matière fondées en particulier sur les observations de l’OGMT, en conformité à la loi, en particulier aux art. 30 al. 2 let. f LAPr et 23 al. 1 et 2 LIRT. Les griefs de violation de la liberté économique, du principe de l’arbitraire et de l’interdiction de l’inégalité de traitement soulevés à l’encontre de l’art. 30 al. 2 let. f LAPr et des UPE ont d’ores et déjà été tranchés par la chambre administrative et le Tribunal fédéral, de sorte qu’il convient de se référer à la jurisprudence. L’obligation de la recourante de respecter les UPE ne dépendait pas de l’engagement à s’y conformer, celui-ci résultant de la loi. Les mesures visant à sanctionner le refus de mise en conformité aux UPE (art. 45 al. 1 let. a LIRT) sont cumulables avec celles visant à sanctionner les infractions à ceux-ci (art. 26A LIRT). Vu les manquements reprochés, l’amende est proportionnée. Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/308/2025-EXPLOI ATA/861/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 août 2025

2ème section

 

dans la cause

 

ASSOCIATION ÉCOLE A______ recourante
représentée par Me Nicolas GIORGINI, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE L'INSPECTION ET DES RELATIONS DU TRAVAIL intimé

 



EN FAIT

A. a. L’ASSOCIATION ÉCOLE A______, à B______ (ci-après : l'association), est une association à but non lucratif dont l'activité principale tend à diriger une école privée située à B______ comprenant une crèche, des classes enfantines et des classes primaires.

Ses ressources consistent dans les « cotisations ; produit des activités ; contributions en nature ; dons, legs ou toute autre prestation d’organismes privés ; subventions publiques ; tout autre produit ou revenu autorisé par la loi ».

b. Depuis le 7 novembre 2017, l'association a pour but de « dispenser et développer l'enseignement privé à Genève en fonction des valeurs de D______ pour l'éducation et d'exploiter École A______ ». Pour accomplir ce but, l'association devait respecter « le programme décrit par D______ pour l'éducation, [école A______ étant] ouverte à tous enfants d'âge préscolaire et en âge de scolarité obligatoire ».

B. a. Le 1er novembre 2018, sont entrés en vigueur les « usages petite enfance » (ci‑après : UPE), édictés par l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail (ci-après : OCIRT).

b. Par courrier du 6 février 2019, l’OCIRT a informé les « employeurs et titulaires des autorisations d’exploiter une structure d’accueil de la petite enfance » de l’organisation, en collaboration avec service d’autorisation et de surveillance de l’accueil de jour (ci‑après : SASAJ), d’une séance d’information le 1er mars 2019 afin de leur présenter les UPE, « document reflétant les conditions minimales de travail et prestations sociales en usage à Genève dans le secteur de la petite enfance ».

c. Par courrier du 30 avril 2019, faisant suite à celui du 15 novembre 2018 et à la séance du 1er mars 2019, le SASAJ a informé les titulaires des autorisations d’exploiter une structure de la petite enfance et leur employeur de la mise en application des UPE.

La mise en œuvre de l’art. 7 al. 4 let. f de l’ancienne loi sur les structures d’accueil de la petite enfance et sur l’accueil familial à la journée (aLSAPE) nécessitait pour les entités non signataires de la convention collective de travail du personnel des structures d’accueil de la petite enfance de la Ville de Genève, entrée en vigueur le 1er janvier 2022 (ci-après : CCT ville), de vérifier qu’elles offraient des conditions de travail et des prestations sociales au moins équivalentes aux UPE. Pour les signataires de la CCT intercommunale, il convenait de s’en référer à la fédération des institutions petite enfance genevoises suburbaines (ci-après : FIPEGS) qui pourrait assurer les démarches pour l’ensemble de ses membres.

Pour assurer la mise en conformité aux exigences légales, une annonce devait être faite auprès de l’OCIRT afin de procéder à l’analyse des conditions en vigueur au sein des structures et en vue de signer d’ici à la fin de l’année 2019, un engagement à respecter les UPE. La surveillance formelle effectuée par le SASAJ ne serait effective qu’à partir du 1er janvier 2020.

d. Au début du mois de décembre 2019, l’association a effectué l’annonce susmentionnée.

Après plusieurs échanges à cet égard, l’OCIRT lui a fait parvenir, par courriel du 13 janvier 2020, ses observations dans le cadre de l’examen préalable de conformité aux UPE. Quatre points (les heures supplémentaires, le congé maternité et adoption, le droit au salaire en cas de service militaire ou protection civile et les APG maladies) n’étaient pas conformes au UPE. Un point (assurance-accidents non professionnels [ci-après : AANP])) était à vérifier.

e. Par courrier du 2 novembre 2020, l’OCIRT a transmis à l’association deux formulaires d’engagements à respecter les UPE, à lui retourner dûment complétés et signés, accompagnés des documents figurant sur la liste annexée, d’ici au 30 novembre 2020.

f. Dans sa réponse du 1er décembre 2020, l’association a requis une prolongation du délai précité, en faisant valoir une dérogation accordée par le SASAJ jusqu’en septembre 2023.

g. Par courrier du 2 février 2021, l’OCIRT lui a adressé un avertissement avant le prononcé d’une sanction administrative pour refus de collaborer. Un délai au 16 février 2021 lui était imparti pour transmettre l’ensemble des renseignements et documents manquants, ainsi que ses éventuelles observations. À défaut, une sanction serait prononcée à son encontre.

h. Le 4 février 2021, l’OCIRT a demandé à l’association de procéder aux ajustements nécessaires afin de respecter les conditions de travail et de salaire applicables selon les UPE, édictés sur la base de la CCT ville. Conformément à ceux-ci, les grilles salariales étaient adaptées chaque année, proportionnellement à la durée effective du travail. L’institution du salaire minimum depuis le 1er novembre 2020 devait également être prise en considération.

i. Le 21 juin 2021, l’OCIRT a refusé de donner suite à la demande de dérogation du SASAJ en faveur de l’association afin de prolonger le délai de mise en application des UPE jusqu’à la rentrée 2023, étant précisé que des éléments requis avaient d’ores et déjà été mis en application durant l’année scolaire 2020-2021, et que cette démarche permettait également d’assurer l’exploitation de 56 places d’accueil qui ne faisaient pas l’objet de préoccupations particulières de leur part.

j. Par courrier du 26 février 2024, l’OCIRT a mis en demeure l’association de lui adresser d’ici au 30 avril 2024 son engagement signé à respecter les UPE. Elle devait également procéder à la mise en conformité prononcée dans le rapport de surveillance du 28 mars 2022 [recte : 25 avril 2022], ainsi qu’aux conditions de l’autorisation délivrée le 28 février 2023.

k. Dans le délai imparti au 30 avril 2024, l’association a informé l’OCIRT de son refus de signer les UPE.

Faute de bénéficier de subventions, sa pérennité économique dépendait de sa capacité constante à couvrir l’ensemble de ses charges, y compris les amortissements et les réserves usuelles, aux moyens des écolages et d’atteindre un niveau de rentabilité suffisant. Si elle devait appliquer les échelles de traitements de la ville, elle serait dans l’incapacité de faire face à ses charges et la poursuite de son activité serait compromise.

L’OCIRT avait élaboré les UPE en reprenant les dispositions contenues dans la CCT ville applicable aux crèches subventionnées. Il considérait donc que les conditions salariales appliquées à des crèches déficitaires représentaient les conditions réelles de ce secteur économique. Cette réglementation visait à imposer au secteur privé, sans appréciation économique objective, notamment s’agissant de leur impact à long terme, et sans mesures d’accompagnement (subsides), des conditions d’exploitation issues de structures paraétatiques fortement déficitaires, avec pour conséquence une fragilisation arbitraire et une éviction infondée des prestataires privés non subventionnés.

Dans ce contexte, elle entendait introduire une action en constatation de droit et en informer le Conseil d’État. Dans l’hypothèse où le salaire minimum ne serait pas accepté dans le cadre de la modification de la loi sur l’accueil préscolaire du 12 septembre 2019 (LAPr - J 6 28), elle initierait, avec d’autres crèches, une démarche auprès des syndicats en vue de négocier une CCT pour le personnel des crèches privées non subventionnées qui tenait compte de manière équilibrée des conditions économiques réelles.

l. Par courriel du 7 août 2024, faisant suite à la demande de l’association du 29 mai 2024, l’OCIRT lui a transmis la directive établie par le conseil de surveillance du marché de l’emploi (ci-après : CSME) sur laquelle il s’était fondé pour établir les UPE.

m. Par courrier du 3 juin 2024 adressé au Conseil d’État, l’association a relevé, après consultation des directives de l’OCIRT intitulées « Principes généraux et seuils » et « Protocole pour les enquêtes de terrain », que, dans les faits, les conditions salariales d’un unique employeur, soit la ville, avaient été imposées à tous les autres employeurs du canton de Genève. Il s’agissait d’une collectivité publique dont le financement n’était pas comparable à celui du secteur privé. La ville avait imposé ses conditions aux autres employeurs. La CCT ville avait été concrètement étendue à toute la branche économique des crèches sans que les conditions légales n’aient été respectées.

n. Par pli du 26 juin 2024, la direction générale de l’office de l’enfance et de la jeunesse (ci-après : DGOEJ) a informé l’association de la nécessité de se mettre en conformité avec l’art. 30 al. 2 let. f aLSAPE, applicable pour toutes les structures de la petite enfance depuis le 9 juin 2024. Une rencontre le 9 juillet 2024 lui était proposée à cette fin.

o. À la suite de celle-ci, le 15 juillet 2024, la DGOEJ a confirmé à l’association les engagements alors convenus, soit de signer l’engagement à respecter les UPE auprès de l’OCIRT d’ici la fin du mois de juillet 2024 et procéder à la mise en conformité complète avec les UPE d’ici le 31 décembre 2024. Le maintien de son autorisation était conditionné au respect de ces délais. En parallèle, une rencontre conjointe avec l’OCIRT le 27 août 2024 était proposée.

p. Par courriel du même jour, l’association a répondu qu’elle devait évaluer l’impact financier des UPE sur ses finances, avant de les signer, leur application pouvant conditionner une cessation des activités de la crèche.

L’échelle des traitements présentait une forte progressivité, dont l’application suscitait des questions.

q. Dans les échanges subséquents à la rencontre du 27 août 2024, l’association a confirmé son souhait de se mettre en conformité avec les UPE avant la fin de l’année, en précisant qu’elle avait déjà commencé à le faire depuis 2020. Un délai au 30 septembre 2024 lui était imparti pour remettre à l’OCIRT les documents requis en vue de sa mise en conformité. Ceux-ci concernaient les données depuis le mois de décembre 2020, étant donné que c’était la date à partir de laquelle elle avait entamé sa mise en conformité et que celle-ci concernait l’ensemble des employés.

r. Par courrier du 9 septembre 2024, la DGOEJ a rappelé à l’association ses engagements. Dans l’intervalle, l’OCIRT l’informerait sur les éléments à mettre en conformité. Ces démarches étaient indépendantes de la volonté de l’association de contester par voie judiciaire le processus d’édiction des UPE.

L’OCIRT en a également été informé.

s. Le 30 septembre 2024, l’association a transmis à l’OCIRT l’ensemble des documents requis.

Ceux-ci comprenaient notamment l’attestation de la caisse de compensation pour les cotisations, l’attestation de l’assurance-accident et de l’assurance perte de gain en cas de maladie, l’attestation du fond de prévoyance, la liste de l’ensemble du personnel employé de décembre 2020 à août 2024 et les fiches de salaire y relatives, les relevés des heures travaillées de tous les employés correspondant à la fiche de salaire d’août 2024, un document remis au personnel éducatif, indiquant pour chaque employé, le nombre d’heures de préparation hors de la présence des enfants pour chacun et leur planification, un exemple de contrat de travail pour le personnel éducatif et administratif, le règlement fixant les conditions générales d’emploi du personnel (ci-après : le règlement), dont les dispositions suivantes étaient pertinentes : art. 6 pour les heures supplémentaires ; art. 7 pour la rémunération ; art. 9 pour le treizième salaire ; art. 13.1 pour le droit au salaire en cas de maladie ou d’accident.

Était également joint un document intitulé « Taux de cotisations et aperçu des couvertures pour l’année 2024 » indiquant notamment que, s’agissant des prestations en cas d’incapacité de travail ou de perte de gain, « si l’assuré devient invalide à la suite d’un accident, il a droit à une rente d’invalidité. Celle-ci représente le 80% du salaire assuré (max. 90% avec les rentes de l’AI) ».

t. Par courriel du 3 octobre 2024, l’OCIRT a confirmé à l’association, sur demande de celle-ci, que les UPE avaient été « inspirés » de la CCT ville.

La procédure d’adoption des UPE avait été la suivante : la loi sur l'inspection et les relations du travail du 12 mars 2004 (LIRT - J 1 05) prévoyait le principe de l’édiction de documents spécifiques représentant les usages genevois. Ces derniers étaient constatés par l’OCIRT, sur la base des directives émises par le conseil de surveillance du marché de l’emploi (ci-après : CSME) et en se basant « notamment sur les CCT, les contrats-types de travail, les résultats de données recueillies ou d’enquêtes menées auprès des entreprises, les travaux de l’observatoire dont son calculateur des salaires, ainsi que sur les statistiques disponibles en la matière ». La LIRT précisait les différentes catégories d’entreprises soumises au respect des usages.

u. Le 9 octobre 2024, l’association a remis au SASAJ les formulaires d’engagement à signer les UPE dûment signés.

Le SASAJ en a accusé réception le lendemain, en précisant que son autorisation lui serait retirée si l’attestation délivrée par l’OCIRT, confirmant qu’elle remplissait les UPE, ne lui était pas transmise d’ici au 21 décembre 2024.

v. Dans un échange de courriels au début du mois d’octobre 2024, l’association a relevé que l’OCIRT n’avait fait usage d’aucune autre source que les directives émises par le CSME, en violation du cadre légal et institutionnel applicable en matière d’extension des CCT. Elle comprenait de leurs échanges que l’OCIRT n’entendait pas mettre fin à cette situation illégale, ayant déjà eu pour conséquence la fermeture de plusieurs crèches, ni attirer l’attention du Conseil d’État sur l’existence et le contenu des directives du CSME et la problématique de leur non‑conformité au droit supérieur cantonal et fédéral.

w. Le lendemain, l’association a confirmé à l’OCIRT que le premier versement du treizième salaire avait été effectué en décembre 2021, vu son absence de marge financière. Compte tenu d’un financement privé, par l’intermédiaire des frais de scolarité, il lui fallait du temps pour inscrire une mesure comme le treizième salaire dans son budget.

x. Par courriel du 14 octobre 2024, l’OCIRT a informé l’association, après examen des documents fournis, du constat d’infractions aux UPE (non-respect des conditions salariales au sens des art. 26 et 30 UPE, la non-conformité de l’art. 6 du règlement à l’art. 16 UPE, compléter le règlement en mentionnant les jours fériés officiels et le congé du 1er mai selon l’art. 18 UPE, une incohérence entre l’art. 13.1 du règlement, la police d’assurance perte de gain et les art. 31 et 37 UPE), ainsi que la nécessité de clarifier certains points de son règlement, en requérant des informations supplémentaires. Un délai au 5 novembre 2024 lui était imparti à cette fin.

Il précisait les montants dus au titre de rattrapages de salaire pour le mois de décembre 2020 (CHF 10'394.-), pour 2021 (CHF 102'027.-), pour 2022 (CHF 102'994.-), pour 2023 (CHF 110'216.-) et de janvier à août 2024 (CHF 95'654.-).

y. Le 5 novembre 2024, l’association a répondu à l’OCIRT que, dès 2021, le treizième salaire avait été mis en place conformément à l’art. 30 UPE.

Le règlement serait adapté aux art. 16, 18 UPE, étant précisé qu’en principe, les employés n’effectuaient pas d’heures supplémentaires. Le « Calendar Academic Year 2024-2025 » était joint concernant sa pratique en matière de jours fériés. Quant à l’assurance perte de gain, pendant les 30 premiers jours de congé maladie, elle prenait en charge tous les coûts de 100% du salaire brut, y compris les cotisations. Après 30 jours, l’assurance payait 90% du salaire brut (cotisations d’environ 10% non comprises). Les employés recevaient ainsi encore environ 100% du salaire net. Une augmentation de l’assurance à 100% du salaire brut (cotisations non comprises) signifiait que les employés en congé maladie recevraient environ 111% de leur salaire net. En compensation d’un taux de prime de l’assurance perte de gain maladie en 2020 et 2021, aucun coût n’avait été reporté sur les employés lorsque les primes avaient augmenté en 2022 et elle participait au paiement de la prime à hauteur d’environ 80%, soit 4/5. Les employés ne payaient ainsi que 1/5 de la prime, d’un coût total de 3.38%, ce qui représentait environ 0.44% de moins (0.69% au lieu de 1.13%).

En tant qu’association à but non lucratif financée par les frais de scolarité, elle ne disposait pas d’une grande marge financière, à laquelle c’était ajoutée la pandémie de Covid-19. Les rattrapages indiqués étaient irréalistes, compte tenu du fait qu’elle n’avait pas assez de fonds pour y remédier. Pour pouvoir augmenter les salaires, elle devait augmenter les frais de scolarité à partir de l’année scolaire 2025-2026. En cas contraire, elle devrait fermer.

C. a. Par courrier du 13 novembre 2024, anticipé par courriel du même jour, l’OCIRT a imparti à l’association un délai au 6 décembre 2024 pour :

- procéder au rattrapage de salaires chiffrés indiqués dans les tableaux joints et fournir les fiches de salaire le mentionnant et une copie des avis bancaires l’attestant ;

- ajouter à l’art. 6 du règlement que les heures supplémentaires au-delà de 40 heures qui n’ont pas pu être compensées en temps sans compromettre la bonne marche du service donnaient droit à une majoration de salaire de 50% ;

- indiquer à l’art. 13.1 du règlement que l’assurance perte de gain couvrait 90% du salaire ;

- transmettre une copie du règlement modifié et la preuve qu’il avait été porté à la connaissance de son personnel ;

- transmettre ses éventuelles observations afin de faire valoir son droit d’être entendu.

Les mêmes constats d’infractions demeuraient.

Étaient joints les tableaux de calcul annuel (établis sur la base des fonctions, de l’expérience professionnelle et de l’ancienneté de ses salariés, de leur taux d’emploi, des salaires versés et des salaires dus) qui chiffraient les rattrapages de salaire nécessaires à sa mise en conformité.

Finalement, son attention était attirée sur le fait que des sanctions cumulables pouvaient être prononcées à son encontre en cas de non-respect des conditions minimales de travail et des prestations sociales en usage. L’association pourrait également figurer sur la liste des entreprises faisant l’objet d’une décision exécutoire en ce sens.

b. Par pli du 6 décembre 2024, l’association a informé l’OCIRT qu’elle refusait de donner suite à ses injonctions financières.

En outre, elle contesterait, par la voie judiciaire, le processus d’édiction des UPE.

c. Par décision du 12 décembre 2024, l’OCIRT a refusé de délivrer à l’association l’attestation visée à l’art. 25 LIRT pour une durée de deux ans, en application de l’art. 45 al. 1 let. a LIRT, à compter de ladite décision et prononcé à son encontre une amende administrative de CHF 28'300.- en application de l’art. 45 al. 1 let. b LIRT. Le refus de délivrance de l’attestation était exécutoire nonobstant recours (sic).

Les salaires minimaux selon l’art. 26 UPE et le versement du 13ème salaire progressif selon l’art. 30 UPE n’avaient pas été respectés, de sorte que les montants suivants étaient dus :

- CHF 10'394.- pour décembre 2020, concernant dix salariés ;

- CHF 102'027.- pour 2021, concernant treize salariés ;

- CHF 102'994.- pour 2022, concernant treize salariés ;

- CHF 110'216.- pour 2023, concernant 16 salariés ;

- CHF 95'654.- de janvier à août 2024, concernant quatorze salariés ;

soit un montant total de CHF 421'285.- brut.

L’art. 6 du règlement n’était pas conforme à l’art. 16 UPE, dans la mesure où il prévoyait que les heures supplémentaires au-delà de 40 heures qui n’avaient pas pu être compensées en temps sans compromettre la bonne marche du service donnaient droit à une majoration de salaire de 50% alors que son règlement prévoyait que « les heures effectuées par le personnel, en plus de l’horaire normal, sont considérées comme des heures complémentaires compensées ou rémunérées au tarif horaire ».

L’art. 13.1 du règlement prévoyait également que « l’assurance perte de gain couvrira la totalité du salaire » ce qui n’était pas cohérent avec l’attestation d’assurance perte de gain maladie (ALLIANZ) fournie qui attestait d’une couverture à hauteur de 90% du salaire.

Vu que les faits concernés s’étaient déroulés entre décembre 2020 et août 2024, que les infractions constatées concernaient l’ensemble des travailleurs à l’exception d’un ou deux salariés selon les années, que les différences de salaires étaient importantes et l’absence de mise en conformité, il se justifiait de refuser de délivrer l’attestation pour une période de deux ans à compter de la notification de cette décision et de prononcer une amende administrative de CHF 28'300.-. Compte tenu du retrait de l’effet suspensif au recours, le nom de l’entreprise figurerait sur la liste publiquement accessible des entreprises ayant été sanctionnées par l’OCIRT. Dite sanction pourrait être réduite, voire levée, si elle acceptait de se soumettre au contrôle de l’OCIRT et qu’elle était en mesure de prouver que les UPE avaient été respectés pour toutes la période correspondant aux créances non prescrites.

D. a. Par acte du 28 janvier 2025, l’association a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, en concluant à son annulation, à l’annulation des « directives » du CSME du 13 mars 2015 et du 19 janvier 2018 adoptant la « règle d’or », et à l’annulation de la directive « Principes d’édiction des usages sur la base de la règle d’or » de la commission des mesures d’accompagnement (ci-après : CMA) détaillant la mise en œuvre de la « règle d’or ». Subsidiairement, elle demandait le constat de l’illégalité des directives précitées. Préalablement, elle sollicitait également la restitution de l’effet suspensif au recours, ainsi que la jonction de cette cause avec celle concernant la crèche de C______.

En édictant la « règle d’or », la CMA et l’OCIRT avaient violé la compétence exclusive du Conseil d’État et la compétence d’approbation de la Confédération en matière d’extension des conventions collectives, les règles de procédure applicables, les conditions matérielles nécessaires au prononcé d’une extension, les droits de recours (opposition) des citoyens et personnes morales pouvant justifier un intérêt en l’absence d’un arrêté du Conseil d’État étendant le champ d’application de la CCT ville.

Les UPE avaient été établis en violation des objectifs de la loi en matière d’usages et de la jurisprudence de la chambre administrative. Par l’application automatique de la « règle d’or », l’OCIRT avait imposé les conditions du secteur public - en réalité maximales ou sensiblement supérieures à la moyenne pour les professions considérées - à l’entier du secteur privé. C’étaient ainsi les conditions salariales d’un unique employeur, la ville, qui avaient été imposées à tous les autres employeurs du canton. La ville était matériellement l’unique employeur visé par la CCT ville, étant notamment rappelé que celle-ci contrôlait et finançait les comités employeurs des structures d’accueil et déterminait le statut et les rémunérations du personnel.

Les UPE violaient également le principe de l’égalité de traitement entre concurrents en imposant au secteur privé les charges plus élevées d’un écosystème public déficitaire dont les pertes étaient financées par l’impôt. Les conditions salariales appliquées à des crèches paraétatiques déficitaires ne pouvaient représenter les conditions réelles et usuelles d’un secteur économique. Contrairement aux crèches paraétatiques, toute augmentation de charges devait être répercutée dans les frais de crèche payés par les parents. Alors que l’augmentation automatique des salaires (système d’annuité) impliquait une augmentation importante, chaque année des frais de crèche pour les crèches privées et des risques associés à ces augmentations (diminution de la fréquentation, reports d’investissements, instabilité économique, etc), les tarifs des crèches de la ville pourraient rester stables, ces charges et déficits supplémentaires étant absorbés par les subventions tant et aussi longtemps que la ville ne modifierait pas les tarifs de ses crèches dès lors qu’elle était la seule habilitée à le faire.

La décision querellée violait l’interdiction de la rétroactivité des lois en tant qu’elle requérait le paiement d’arriérés de salaire avec effet rétroactif au mois de décembre 2020. Cette disposition allait dans le sens des propres représentations de l’OCIRT sur les effets de la signature de l’engagement à respecter les usages, du rapport de surveillance du SASAJ du 25 avril 2022 et de la correspondance subséquente de l’office de l’enfance et de la jeunesse (ci-après : OEJ), ainsi que des indications données par d’autres crèches selon lesquelles la mise en œuvre des UPE n’aurait pas commencé avant 2022 et que, dans ces dossiers, l’OCIRT n’aurait pas fait une application rétroactive des UPE. Dès lors qu’elle avait signé l’engagement de signer les UPE en 2024, celui-ci ne pouvait avoir un effet antérieur au 1er juin 2023.

L’amende infligée violait le principe de la proportionnalité en tant qu’elle correspondait à la moitié du montant légal maximal, compte tenu de l’absence d’antécédents, de sa motivation, de sa situation personnelle et des autres principes applicables à la fixation de la peine conformément à la jurisprudence en la matière. Or, seul le refus de délivrance de l’attestation pouvait être prononcé lorsqu’une entreprise contestait les UPE que l’OCIRT entendait lui appliquer.

Étaient notamment joints les documents suivants :

- le rapport de surveillance du SASAJ du 25 avril 2022 dont il ressortait que sa capacité d’accueil était de 56 places. L’association n’était en particulier pas conforme aux règles en vigueur, à savoir appliquer une CCT du personnel de la petite enfance, signer les UPE ou élaborer un statut communal tenant compte des spécificités relatives au champ professionnel de la petite enfance. Un délai à la rentrée scolaire 2023 lui était accordé pour se mettre en conformité ;

- un extrait du procès-verbal de la séance du CSME du 19 janvier 2018, concernant l’édiction des UPE sur la base de la « règle d’or », selon lequel celui-ci avait décidé de reprendre les dispositions suivantes dans les UPE édictés sur la base de la règle d’or : « [celles] figurant dans le protocole [de l’observatoire genevois du marché de l’emploi ; ci-après : OGMT] ; [celles] pouvant être étendues de manière facilitée, qui ne figurent pas dans le protocole OGMT » ;

- une copie de la directive « Principes d’édition des usages sur la base de la règle d’or » de la CMA ;

- une copie de la directive « Constatation des conditions de travail en usage à Genève - Principes généraux et seuils » de l’OGMT du 30 octobre 2015 ;

- une copie de la CCT ville du 1er janvier 2007, dans sa version au 1er septembre 2020 ;

- un extrait de la brochure sur les statistiques « Structures de l’emploi et salaires dans le secteur public à Genève » du mois de septembre 2012, dont il ressortait que, globalement, le salaire médian était plus bas dans le secteur public que dans le secteur privé, à l’exception de quelques domaines ;

- une copie des UPE ;

- une copie des « échelles des traitements 2024 structures d’accueil préscolaire à prestations élargies » ;

- une annonce de la Fédération des entreprises romandes indiquant la fermeture définitive du jardin d’enfants « E______ » en été 2025.

b. L’OCIRT a conclu au rejet de la requête en restitution de l’effet suspensif.

c. La recourante a répliqué sur effet suspensif.

d. L’OCIRT a conclu au rejet du recours.

La recourante ne prétendait pas qu’il avait violé la procédure d’établissement des UPE telle que prévue par la LIRT. Dans la mesure où son grief visait l’extension de la CCT ville par le biais de l’établissement des UPE, sans suivre les règles (d’extension) prévues, celui-ci ne visait pas directement la décision querellée, de sorte qu’il devait être jugé infondé. Les UPE devaient donc être compris comme étant les documents établis par l’OCIRT, qui reflétaient ce qui était en usage à Genève. Le fait que certaines entreprises non soumises à une CCT pouvaient se voir contraintes de signer un engagement à respecter les UPE pour bénéficier des avantages ou autorisations attachées au respect de ceux-ci, plaidait encore en faveur d’une telle compréhension du terme « usages ». Les entreprises ne s’engageaient pas à respecter les « conditions de travail et prestations sociales en usage à Genève », mais bien les obligations, pour elles nouvelles, contenues dans ces documents établis par lui. Il était ainsi habilité à identifier des règles, à les rassembler et à les formaliser dans ces documents. En d’autres termes, l’OCIRT se voyait déléguer la compétence de légiférer et devenait ce faisant l’auteur d’un acte normatif. Par documents, il fallait entendre quelque chose qui s’apparentait à une norme ou à un code. Les usages se distinguaient des contrat-types de travail (ci‑après : CTT) et des CCT de par leur nature, leur but, leur application ratione personae, leur contenu et quant à la procédure d’établissement. Une CCT même entièrement intégrée dans les usages n’en était plus une. En revanche, les usages s’apparentaient par certains égards aux CTT dans la mesure où, en tant qu’actes normatifs, ils n’étaient pas négociés ni n’étaient intégrés dans une loi soumise à référendum. Les conditions de la délégation législative en faveur de l’OCIRT et la procédure d’établissement des usages étaient remplies. Pour établir les documents qui reflétaient ce qui était en usage, l’OCIRT devait donc se fonder sur les directives du CSME et une liste de documents et de données non exhaustive. C’était suffisant pour lui reconnaître une certaine marge de manœuvre et un certain pouvoir d’appréciation pour établir les usages. Une CCT étendue ne constituait pas ipso facto les usages : il fallait encore que l’OCIRT intervienne en le constatant pour établir les documents qui la reflétaient. Pour établir les UPE, l’OCIRT s’était contenté de suivre les « Principes généraux et seuils » de l’Observatoire genevois du marché du travail, approuvés par le CSME. Les UPE étaient donc conformes au droit.

Contrairement à ce que prétendait la recourante, il n’imposait pas le respect des UPE. Les structures d’accueil de la petite enfance (ci-après : SAPE) étaient en effet tenus de respecter les UPE. Il s’agissait là d’une condition de délivrance et de maintien de leur autorisation d’exploitation. Cela étant dit, même la LAPr n’imposait pas, à proprement parler, le respect des UPE, en ce sens que celui-ci n’était pas absolument nécessaire à la délivrance et au maintien de l’autorisation d’exploitation. Pour le maintien et la délivrance de l’autorisation d’exploitation, il était nécessaire de respecter les neuf conditions prévues à l’art. 30 al. 2 LAPr, mais s’agissant de celle de l’art. 30 al. 2 let. f LAPr, il suffisait seulement de respecter (sans qu’il soit nécessaire) les UPE. La recourante avait donc tout loisir de négocier une CCT, vu la période de transition de plus de deux ans accordée aux SAPE avant la mise en œuvre des UPE.

Le grief relatif à la prétendue violation de la liberté économique devait être rejeté au vu de la jurisprudence cantonale en la matière.

S’agissant de la violation du principe de non-rétroactivité des lois, il était incompréhensible que la recourante signe un engagement à respecter les UPE en même temps qu’elle contestait la légalité de ceux-ci. En toute hypothèse, la signature dont il était question ne se rapportait pas au respect des UPE mais à l’engagement de les respecter. Interpréter l’art. 25 LIRT dans son ancienne teneur comme le faisait la recourante revenait à maintenir l’autorisation d’exploiter d’une SAPE sans que celle-ci respecte les UPE simplement parce qu’elle n’aurait pas signé un engagement à les respecter, ce qui constituait une solution inadmissible.

Concernant la prétendue violation du principe de la proportionnalité, l’art. 26A al. 2 LIRT n’avait pas trait au principe du respect des usages mais au type d’usages que l’OCIRT voulait appliquer à une entreprise. Compris ainsi, la recourante ne contestait pas, à proprement parler, les usages que l’OCIRT entendait lui appliquer. Contrairement aux allégations de la recourante et tel qu’indiqué dans la décision querellée, il avait tenu compte des principes généraux du droit pénal pour fixer la sanction, en faisant preuve de la sévérité commandée par la jurisprudence en la matière et compte tenu de son pouvoir d’appréciation. En matière de violation des UPE, il tenait notamment compte de la taille de l’entreprise et du pourcentage des salariés concernés par les infractions, de la gravité des infractions, du nombre d’infractions reprochées, de la durée des infractions reprochées, de la collaboration de l’entreprise, d’une éventuelle mise en conformité et d’une éventuelle récidive. En l’espèce, les faits s’étaient déroulés entre décembre 2020 et août 2024 (et les UPE étaient entrés en vigueur en 2018). Les infractions concernaient l’ensemble des travailleurs à l’exception d’un ou deux salariés selon les années. Les différences de salaire étaient importantes et la recourante n’avait pas donné suite à la demande de mise en conformité.

e. Par décision présidentielle du 19 mars 2025, la chambre administrative a refusé de restituer l’effet suspensif au recours et d’ordonner la jonction avec la cause pendante concernant la crèche C______, en réservant le sort des frais de la procédure jusqu’à droit jugé au fond.

f. La recourante a répliqué, en persistant dans ses conclusions et précédents développements.

La CCT ville n’engageait pas « des employeurs » mais matériellement un seul employeur et elle ne représentait pas « plus de 50% des travailleurs » du secteur au moment où l’OCIRT avait illégalement appliqué la « règle d’or » du CSME.

L’OCIRT reconnaissait avoir fait application du second cas de figure présenté dans les « principes généraux et seuils » de l’OGMT, soit la « règle d’or » du CSME qui voulait qu’une CCT sectorielle non étendue soit constitutive des usages si les employeurs concernés occupaient plus de 50% de tous les travailleurs. L’OCIRT avait fait une application rigoureuse des « Principes d’édiction des usages sur la base de la règle d’or » de la CMA qui n’était rien d’autre qu’une directive de mise en œuvre de la « règle d’or ». L’argumentation de l’OCIRT consistant en substance à prétendre que les bases applicables n’avaient pas pu être violées alors que les UPE n’étaient rien d’autre qu’un « copier-coller » de toutes les dispositions essentielles de la CCT ville, relevait du déni de réalité et d’une application insupportable des faits et du droit.

Elle lui reprochait précisément d’avoir établi les UPE en appliquant la « règle d’or » illégale du CSME.

Sur la base des faits complémentaires allégués et des nouvelles pièces produites, elle reprochait non seulement à l’OCIRT d’avoir appliqué une « règle d’or » illégale en vue d’établir les UPE et d’avoir ainsi violé l’art. 23 al. 2 LIRT en s’abstenant de procéder au travail requis par cette disposition et en manquant d’établir les conditions minimales de travail et de prestations sociales en usage sur le canton de Genève, mais également d’avoir fait une application arbitraire de cette « règle d’or » illégale.

Étaient notamment joints les documents suivants :

- un extrait du rapport « La Petite Enfance en Ville de Genève, contexte et indicateurs - édition 2020 », relevant la demande croissante de places en crèche en lien avec l’évolution de la population résidante de 0 à 4 ans en ville et canton de Genève, indiquant une insuffisance de celles-ci. Au mois de décembre 2018, 1'287 personnes étaient occupées dans les structures d’accueil de la petite enfance subventionnées par la ville et ses partenaires ;

- des tableaux de l’observatoire cantonal de la petite enfance/SRED.

g. Ultérieurement, la recourante a derechef transmis des extraits des statistiques sur l’accueil préscolaire publiées par l’État de Genève le 31 mars 2025.

Sur la base de celles-ci, il apparaissait que la CCT ville ne couvrait pas 50% des travailleurs du secteur au moment de l’adoption des UPE et que cela n’avait jamais été le cas. Pour chaque année considérée de 2018 à 2024, le nombre total de places d’accueil offertes par la ville était largement inférieur à la moitié du nombre total de places d’accueil offert dans le canton. Il revenait à l’OCIRT de démontrer qu’il avait respecté les conditions posées par la « règle d’or » lorsqu’il en avait fait application.

Elle s’étonnait d’avoir d’ores et déjà été informée que la cause était gardée à juger, en l’absence d’instruction sur cette question, ainsi que sur le fait que les conditions de la CCT ville n’étaient pas représentatives des conditions minimales de travail et de prestations sociales à Genève.

h. L’OCIRT a dupliqué.

L’art. 23 LIRT lui donnant compétence pour établir les usages précisait peu la manière dont il devait exercer cette compétence. Le législateur avait sans doute estimé que la nature même des usages et les directives du CSME, sur lesquelles il devait se baser pour les établir, encadraient efficacement son action pour prévenir tout abus. S’agissant du respect de la « règle d’or » elle-même, le CSME, pour lui la CMA, avait d’abord déterminé, lors de sa séance du 20 mars 2014 [sic], les secteurs qui devenaient susceptibles de faire l’objet d’une édiction d’usages selon la nouvelle « règle d’or ». C’était à cette date qu’il avait examiné les données alors disponibles concernant le nombre de travailleurs occupés par les employeurs liés par la CCT ville. À cette fin, le CSME s’était basé, comme c’était toujours le cas au moment de déterminer la possible application de ladite « règle d’or », sur les chiffres produits par le Registre des entreprises genevoises (ci-après : REG). Ce dernier était reconnu comme le plus fiable en matière de recensement des entreprises et des travailleurs qui y étaient actifs afin de fournir en tout temps des données actualisées. Le Secrétariat d’État à l’économie (ci-après : SECO) se fondait d’ailleurs également sur celui-ci pour constater l’obtention des quorums en vue de l’extension des CCT. Il était donc légitime de recourir à sa production, plus pertinente en la matière que celle que pourrait produire tout autre organisme. Il ressortait de l’analyse du REG que 1'266 travailleurs, représentant 53.02% du personnel du secteur de la petite enfance, étaient soumis à la CCT ville et que cette dernière ne pouvait devenir constitutive d’UPE, dont le mandat avait été donné à l’OCIRT de procéder aux travaux préparatoires en vue de les établir par la CMA. Même dans l’hypothèse où les chiffres de l’office cantonal de la statistique (ci‑après : OCSTAT) avaient dû servir de référence, le résultat aurait été sensiblement le même. En l’absence de possibilité d’appliquer la « règle d’or », il s’agissait, en sorte d’établir des usages sectoriels, de procéder à une observation du marché du travail, selon le protocole adopté et publié par le CSME, sur proposition de l’OGMT. Selon ce dernier, étaient considérées comme constitutives d’usages les conditions de travail qui étaient appliquées par au moins la moitié des entreprises et les deux tiers des travailleurs du secteur concerné. Étant donné que la CCT dite « intercommunale » de la petite enfance partageait, avec celle de la ville, l’ensemble des normes qui avaient été retenues dans les UPE, le double seuil de conditions de travail applicables constitutives des usages était atteint avec respectivement 55.75% des employeurs et 79.03% des travailleurs.

i. La recourante a encore précisé que les décisions du CSME n’étaient pas publiées, ni les directives de la CMA. C’était précisément cette opacité que l’OCIRT avait utiliser pour affirmer à la recourante qu’il s’était uniquement inspiré de la CCT ville dans son travail de détermination des UPE. Les explications « chiffrées » de l’OCIRT, infondées, étaient contestées. Le REG ne fournissait que des informations générales et approximatives sur la taille des entreprises. Aucun élément ne permettait de douter de la qualité et de la fiabilité des chiffres issus du travail de l’OCPE et du SRED. En cachant à la chambre administrative l’existence des différentes directives à l’origine de l’édiction des UPE et qui ordonnaient matériellement l’extension de la CCT ville en dehors du cadre légal applicable en la matière, l’OCIRT avait obtenu un premier arrêt de principe de la chambre administrative en sa faveur que rien ne semblait pouvoir remettre en cause.

Étaient joints des documents concernant le fonctionnement du REG.

j. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             À titre liminaire, la recourante ne conclut pas expressément à l’audition de témoins. Dans le texte de ses écritures de recours, elle indique toutefois la preuve de certains faits par l’audition de personnes nommément mentionnées.

2.1 Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (al. 2).

Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d'une certaine souplesse s'agissant de la manière par laquelle sont formulées les conclusions du recourant. Le fait qu'elles ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est, en soi, pas un motif d'irrecevabilité, pour autant que l'autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant. Ainsi, une requête en annulation d'une décision doit être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a, de manière suffisante, manifesté son désaccord avec la décision ainsi que sa volonté qu'elle ne déploie pas d'effets juridiques (ATA/20/2022 du 11 janvier 2022 consid. 2b et les arrêts cités).

En outre, l’exigence de motivation de l’art. 65 al. 2 LPA a pour but de permettre à la juridiction administrative de déterminer l’objet du litige qui lui est soumis et de donner l’occasion à la partie intimée de répondre aux griefs formulés à son encontre. Elle signifie que le recourant doit expliquer en quoi et pourquoi il s’en prend à la décision litigieuse (ATA/20/2022 du 11 janvier 2022 consid. 2c et les références citées). L’exigence de la motivation est considérée comme remplie lorsque les motifs du recours, sans énoncer les conclusions formelles, permettent de comprendre aisément ce que le recourant désire (arrêt du Tribunal fédéral 2C_823/2017 du 23 mars 2018 consid. 4).

2.2 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas la juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier. En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2).

2.3 En l’espèce, la recourante a pu faire valoir son droit d’être entendue à diverses reprises dans le cadre de ses échanges avec le SASAJ et l’intimé. Ceux-ci ont débuté, à tout le moins, au mois de décembre 2019 lorsqu’elle a fait l’annonce requise en vue de sa mise en conformité aux exigences légales, jusqu’à la notification de la décision querellée, avant laquelle l’intimé lui avait imparti un délai au 6 décembre 2024 pour se déterminer sur les manquements reprochés et leurs potentielles conséquences. Ainsi, durant environ cinq ans, la recourante a eu plusieurs occasions de faire valoir son point de vue en produisant tous les documents utiles.

Il en va de même au cours de la procédure par-devant la chambre de céans, laquelle contient l’ensemble des pièces produites par les parties, notamment relativement à leurs précédents échanges.

Par conséquent, vu les questions juridiques soulevées par la présente cause et les infractions reprochées à la recourante, la chambre de céans dispose d’un dossier complet, lui permettant de trancher le litige.

Il ne sera dès lors pas donné suite aux auditions de témoins indiquées par la recourante dans ses écritures.

3.             Au titre de ses conclusions, la recourante demande notamment, principalement, l’annulation des « directives » du CSME des 13 mars 2015 et 19 janvier 2018 adoptant « la règle d’or », de la directive « Principes d’édiction des usages sur la base de la règle d’or » de la CMA, ainsi que des UPE. Subsidiairement, elle sollicite le constat de l’illégalité desdites directives.

3.1 L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est‑à‑dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/1301/2020 du 15 décembre 2020 consid. 2b). Quant à l'autorité de recours, elle n'examine pas les prétentions et les griefs qui n'ont pas fait l'objet du prononcé de l'instance inférieure, sous peine de détourner sa mission de contrôle, de violer la compétence fonctionnelle de cette autorité-ci, d'enfreindre le principe de l'épuisement des voies de droit préalables et, en définitive, de priver les parties d'un degré de juridiction (ATA/688/2024 du 10 juin 2024 consid. 2.3 et les arrêts cités).

Ainsi, l'autorité de recours n'examine pas les prétentions et les griefs qui n'ont pas fait l'objet du prononcé de l'instance inférieure, sous peine de détourner sa mission de contrôle, de violer la compétence fonctionnelle de cette autorité-ci, d'enfreindre le principe de l'épuisement des voies de droit préalables et, en définitive, de priver les parties d'un degré de juridiction (ATF 144 II 359 consid. 4.3 et les références citées ; ATA/1390/2021 du 21 décembre 2021 consid. 2a et les références citées).

3.2 Les directives sont des ordonnances administratives dont les destinataires sont ceux qui sont chargés de l'exécution d'une tâche publique et non pas les administrés. Elles ne sont pas publiées dans le recueil officiel de la collectivité publique et ne peuvent donc pas avoir pour objet la situation juridique de tiers. Elles ne lient pas le juge, mais celui-ci les prendra en considération, surtout si elles concernent des questions d'ordre technique ; il s'en écartera cependant s'il considère que l'interprétation qu'elles donnent n'est pas conforme à la loi ou à des principes généraux (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3e éd., 2011, p. 420 ss n. 2.8.3). Par ailleurs, une directive ne peut pas sortir du cadre fixé par la norme supérieure qu'elle est censée concrétiser. En d'autres termes, à défaut de lacune, elle ne peut prévoir autre chose que ce qui découle de la législation ou de la jurisprudence (ATF 141 II 338 consid. 6.1 ; 140 V 343 consid. 5.2 ; ATA/752/2025 du 8 juillet 2025 consid. 2.9 et les références citées).

3.3 De plus, de jurisprudence constante, la chambre administrative est habilitée à revoir, à titre préjudiciel et à l’occasion de l’examen d’un cas concret, la conformité des normes de droit cantonal au droit fédéral (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. 1, 3e éd., 2012, p. 345 ss n. 2.7.3). Cette compétence découle du principe de la primauté du droit fédéral sur le droit des cantons, ancré à l’art. 49 al. 1 Cst. (ATF 138 I 410 consid. 3.1). D’une manière générale, les lois cantonales ne doivent rien contenir de contraire à la Cst., ainsi qu'aux lois et ordonnances du droit fédéral (ATF 127 I 185 consid. 2). Le contrôle préjudiciel permet de déceler et de sanctionner la violation par une loi ou une ordonnance cantonale des droits garantis aux citoyens par le droit supérieur. Toutefois, dans le cadre d'un contrôle concret, seule la décision d'application de la norme viciée peut être annulée (ATA/752/2025 du 8 juillet 2025 consid. 2.10 et les références citées ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, op. cit., p. 352 ss n. 2.7.4.2).

3.4 Il résulte de la jurisprudence susrappelée que la chambre de céans, en tant que juridiction de recours, ne dispose pas de la compétence d’annuler des directives. En revanche, elle peut, à titre préjudiciel, en apprécier la conformité au droit cantonal et au droit fédéral lors de l’examen d’un cas concret.

Ainsi, en l’occurrence, la chambre administrative ne peut se prononcer sur l’annulation des directives en question. En revanche, il lui revient d’en examiner la conformité au droit.

À cela s’ajoute que, contrairement aux allégations de la recourante, la « directive » du 19 janvier 2018 du CSME n’en est pas une, puisqu’il s’agit de la décision prise par ce dernier, lors de sa séance du 19 janvier 2018, de « reprendre les dispositions suivantes dans les usages édictés sur la base de la règle d’or : les dispositions figurant dans le protocole OGMT ; les dispositions pouvant être étendues de manière facilitée, qui ne figurent pas dans le protocole OGMT ». Quant à la « directive » du 13 mars 2015, la recourante ne l’a aucunement produite. Il ressort toutefois des directives « Constatation des conditions de travail en usage à Genève - Principes généraux et seuils » de l’OGMT du 30 octobre 2015, dont la recourante ne demande - à juste titre - pas l’annulation, ni le constat de sa non-conformité au droit supérieur, et « Principes d’édiction des usages sur la base de la règle d’or » de la CMA, qu’il s’agirait en réalité également d’une séance du CSME au cours de laquelle celui-ci a adopté la règle selon laquelle « lorsque les employeurs liés par une CCT de secteur non étendue occupent au moins 50% de tous les travailleurs, cette CCT devient, dans la règle et après examen par la CMA, constitutive de l’usage ». Par conséquent, les « directives » des 13 mars 2015 et 19 janvier 2018 visent concrètement des séances du CSME au cours desquelles celui-ci a pris des décisions de portée générale.

Il résulte de ce qui précède que les conclusions de la recourante, en tant qu’elles requièrent l’annulation de la directive de la CMA, des UPE et des décisions précitées du CSME, doivent être déclarées irrecevables, étant précisé que la conformité de celles-ci au droit supérieur sera traitée dans les considérants suivants.

4.             L’objet du litige porte sur la conformité au droit de la décision par laquelle l’intimé à refuser de délivrer à la recourante l’attestation visée par l’art. 25 LIRT pour une durée de deux ans, en application de l’art. 45 al. 1 let. a LIRT, et prononcé à son encontre une amende administrative de CHF 28'300.- en application de l’art. 45 al. 1 let. b LIRT.

Les agissements fondant la décision querellée se sont déroulés dès le mois de décembre 2020. Ils sont postérieurs à l’entrée en vigueur, le 1er septembre 2020, des UPE et, le 1er novembre 2020, du salaire minimum prévu par la LIRT.

5.             Dans ses deux premiers griefs qui se rejoignent, la recourante fait valoir une violation de la LIRT et de la loi fédérale du 28 septembre 1956 permettant d’étendre le champ d’application de la CCT du 28 septembre 1956 (LECCT - RS 221.215.311), dans la mesure où l’adoption des UPE équivaudrait à une extension indue du champ d’application de la CCT ville aux crèches privées. Selon elle, en édictant la « règle d’or », sa directive d’exécution et les UPE, le CSME, la CMA et l’intimé auraient violé plusieurs dispositions de la LIRT et de la LECCT. Les UPE contreviendraient également au sens et à l’objectif de la LIRT, dans la mesure où, par l’application automatique de la « règle d’or », l’OCIRT imposerait les conditions du secteur public à l’entier du secteur privé.

5.1 Le principe et l’application des usages au secteur de la petite enfance sont régis par la loi sur l’accueil préscolaire du 12 septembre 2019 (LAPr - J 6 28).

5.1.1 À teneur de l’art. 1 LAPr, celle-ci s’applique à toutes les structures d’accueil soumises à surveillance autorisées à exercer une activité conformément à la législation fédérale et cantonale sur le placement d’enfants hors du milieu familial (al. 1), ainsi qu’à l’accueil familial de jour et aux structures qui en assurent la coordination (al. 2).

5.1.2 Selon l’art. 3 let. a LAPr, sont des structures d’accueil préscolaire, les institutions qui accueillent collectivement les enfants d’âge préscolaire, dites à prestations élargies, celles qui sont ouvertes au moins 45 heures par semaine, avec repas de midi et une ouverture annuelle sur au moins 45 semaines (ch.1), le cas échéant à prestations restreintes, lorsqu’elles ne remplissent pas les trois conditions cumulatives précitées (ch. 2).

5.1.3 Aux termes de l’art. 30 al. 1 LAPr, le département chargé de l’instruction publique (ci-après : DIP) autorise et surveille les structures d’accueil préscolaire sur tout le territoire cantonal en application des dispositions fédérales et cantonales relatives aux mineurs placés hors du foyer familial.

5.1.4 La délivrance et le maintien de l’autorisation d’exploitation d’une structure d’accueil préscolaire sont subordonnés notamment au respect par l’exploitant d’une CCT pour le personnel de la petite enfance ou du statut du personnel de la collectivité publique dont la structure fait partie, ou des conditions de travail et prestations sociales en usage à Genève, au sens de la LIRT (art. 30 al. 2 let. f LAPr).

5.1.5 Une motion M 2789 « Pour mettre fin à l’étranglement des crèches privées », a été déposée le 20 septembre 2021 auprès du Grand Conseil. Cette motion, visant notamment à suspendre sans délai l’application obligatoire, pour les structures de la petite enfance non-subventionnées, des UPE établis par l’OCIRT a été votée par le Grand Conseil le 14 octobre 2022 et invite le Conseil d’État à procéder à toute modification législative ou réglementaire nécessaire à favoriser le maintien et la création de structures de la petite enfance non subventionnées.

Parallèlement à cette motion, un projet de loi PL 13'184 modifiant la LAPr « Pour permettre aux crèches non subventionnées d’offrir une alternative aux familles » a été déposé au Grand Conseil le 26 septembre 2022. Il prévoyait de remplacer à l’art. 20 al. 2 let. f LAPr la référence aux UPE par celle au salaire minimum, entré en vigueur le 1er novembre 2020, prévu par la LIRT. Ce projet de loi, adopté par le Grand Conseil le 23 juin 2023, a fait l’objet d’un référendum. Le 9 juin 2024, ledit projet a été rejeté en votation populaire.

5.2 La LIRT a notamment pour objet les conditions de travail et prestations sociales en usage à Genève (art. 1 al. 1 let. c).

5.2.1 Le CSME est l'autorité compétente en matière de politique générale du marché du travail (art. 18 al. 1 LIRT). La CMA dépend du CSME ; elle est chargée d’instruire pour lui les plaintes ou questions qui lui sont transmises (art. 28 al. 4 LIRT). L’OGMT a pour mission, en particulier d'observer l'évolution générale du marché du travail sous l'angle des salaires, des prestations sociales et des conditions de travail, conformément aux directives émises par le CSME (art. 19 al. 5 let. a LIRT).

5.2.2 Selon l’art. 23 LIRT, l’OCIRT est l'autorité compétente chargée d'établir les documents qui reflètent les conditions de travail et prestations sociales en usage à Genève (ci-après : usages), sur la base des directives émises par le CSME (al. 1). Pour constater les usages, il se base notamment sur les CCT, les contrats-types de travail, les résultats de données recueillies ou d’enquêtes menées auprès des entreprises, les travaux de l’observatoire dont son calculateur des salaires ainsi que sur les statistiques disponibles en la matière (al. 2). Les usages ne peuvent en aucun cas prévoir un salaire minimum inférieur à celui fixé à l'art. 39K LIRT (al. 2bis). Sauf exception reconnue par le CSME, les CCT qui ont fait l'objet d'une décision d'extension sont réputées constituer les usages du secteur concerné. L'al. 2bis est réservé (al. 3). L'office met ces informations à disposition du public intéressé par tout moyen approprié, notamment par le biais de l'Internet (al. 4).

D’après les travaux législatifs, lors de l’adoption de la LIRT le 12 mars 2004 (PL 8'965), l’art. 23 al. 1 LIRT prévoyait que l’OCIRT était formellement désigné comme autorité responsable de la détermination des conditions de travail et prestations sociales en usage dans le canton de Genève (ci-après : les usages). Il était en conséquence chargé d’établir les documents qui les reflètent. L’expression de cette compétence dans la loi est nouvelle, mais non son exercice, qui correspond à la procédure en vigueur depuis de nombreuses années (MGC 2002-2003 VII A 3794). L’art. 25 al. 1 PL 8’965, devenu l’art. 23 al. 2 LIRT, consacrait le principe de la pluralité des sources pour dégager un usage dans une profession ou une branche économique. Il n’y avait pas à proprement parler de hiérarchie des sources, mais il était évident que lorsqu’il existait une CCT pour un secteur économique donné, elle représenterait la première source d’informations vers laquelle se tournerait l’OCIRT. Cet alinéa donnait par ailleurs une base légale formelle au principe des enquêtes ou de récolte d’informations auprès des entreprises, qui serait assortie d’un devoir de renseigner à la charge de ces dernières. L’art. 25 al. 2 PL 8'965, devenu l’art. 23 al. 2 LIRT, posait la présomption selon laquelle les CCT étendues étaient réputées constituer les usages d'une profession ou d'une branche économique (MGC 2002-2003 VII A 3795).

Ultérieurement, l’art. 23 al. 2 LIRT a été modifié le 1er mai 2026 (PL 11'724), afin d’ajouter le calculateur des salaires comme base pour la constatation des usages. Le calculateur des salaires permettait d’obtenir une estimation du salaire mensuel brut correspondant au profil professionnel.

5.2.3 Sont soumises au respect des usages les entreprises pour lesquelles une disposition légale, réglementaire ou conventionnelle spéciale le prévoit (art. 25 al. 1 LIRT). Les entreprises soumises au respect des usages peuvent être amenées à signer auprès de l’office un engagement à respecter les usages lorsque cela est prévu par le dispositif ou lorsque l’entité concernée le demande. L’office délivre à l’entreprise l’attestation correspondante, d’une durée limitée (art. 25 al. 3 LIRT).

Les entreprises tenues de signer auprès de l'office un engagement à respecter les usages au sens de l'art. 25 al. 3 LIRT, peuvent en être exonérées par l'office, notamment lorsque, à la connaissance de l'office, elles sont liées par une CCT en vigueur à Genève et en respectent les conditions (art. 41 al. 1 du règlement d'application de la loi sur l'inspection et les relations du travail du 23 février 2005 - RIRT - J 1 05.01).

L'office délivre, sur demande, l'attestation visée à l'art. 25 al. 3 LIRT dans un délai de 5 jours ouvrables à compter de la réception d'un dossier complet. Les al. 2 et 3 sont réservés (art. 42 al. 1 RIRT). L'office sursoit à la délivrance de l'attestation, s'il dispose d'indices nécessitant un contrôle approfondi. Dans ce cas, l'attestation n'est délivrée qu'au terme du contrôle (art. 42 al. 2 RIRT). L'office ne délivre pas l'attestation si l'entreprise ne respecte pas les usages, les conteste ou enfreint son obligation de collaborer au sens de l'art. 76 RIRT (art. 42 al. 3 RIRT). La durée de validité de l'attestation délivrée par l'office est de 3 mois. Sont réservées les dispositions spéciales dotant l'attestation d'une durée de validité inférieure (art. 42 al. 4 RIRT).

5.2.4 Le département est compétent pour contrôler le respect des usages au sein des entreprises concernées. Cette compétence est exercée par l’OCIRT, sous réserve de l’al. 2. L’inspection paritaire a également la faculté d’effectuer de tels contrôles (art. 26 al. 1 LIRT). Dans les secteurs couverts par une CCT étendue, le département peut déléguer aux associations contractantes le contrôle du respect des usages, par le biais d'un contrat de prestations (art. 26 al. 2 LIRT).

5.3 Les UPE – dont la dernière mise à jour du 1er septembre 2024 est entrée en vigueur le 1er décembre 2024 –, sont entrés en vigueur le 1er novembre 2020. Ils ont été établis par l’OCIRT, sur la base de la LIRT et de la décision du CSME du 19 janvier 2018 et sont disponibles en ligne (www.ge.ch/document/12096/ telecharger).

Les UPE reflètent les conditions minimales de travail et de prestations sociales en usage sur le canton de Genève (art. I al. 1). Ils concernent les entreprises visées à l’art. 25 LIRT (art. I al. 2). Les dispositions spécifiques au secteur mentionnées au titre 3 sont tirées des dispositions de la CCT ville mentionnée en préambule (art. I al. 3). Comme cela ressort du procès-verbal de la séance du 19 janvier 2018 du CSME et des principes d’édiction des usages sur la base de la « règle d’or », en particulier, le respect des UPE a été rendu obligatoire, notamment en ce qui concerne le type d’activité exercé, les heures de travail et de repos, les salaires et indemnités, les vacances et jours fériés ainsi que les assurances.

5.4 Les UPE s’appliquent à tout employeur, toute entreprise et secteur d’entreprise, suisse ou étranger, qui effectue ou fait effectuer dans le canton de Genève, à titre principal ou accessoire, de l'accueil dans les structures de la petite enfance (art. II al. 1 UPE). Les UPE règlent notamment le salaire minimum (art. IIIbis UPE), la relation avec le contrat individuel de travail (art. IV UPE), les contrôles (art. V UPE), les sanctions (art. VI UPE), les voies de recours (art. VII UPE) et la faculté pour l’OCIRT de résilier l'engagement à respecter les usages d'une entreprise, notamment lorsque celle-ci n'est plus tenue de les respecter (art. VIII UPE).

Une annexe régulièrement mise à jour (www.ge.ch/document/12096/annexe/0) fixe, pour les structures à prestations élargies et restreintes, les salaires et leur progression selon l’ancienneté, pour une durée hebdomadaire de travail et 39 et 40 heures, pour les responsables de secteur, les directrices, les adjointes pédagogiques, les éducatrices, les assistantes socio-éducatives, les auxiliaires II, les auxiliaires, les psychomotriciennes, les aides, les stagiaires et apprenties, les secrétaires comptables qualifiées, les secrétaires qualifiées, les cuisinières diplômées et non diplômées, les aides de cuisine, les jardinières diplômées et non diplômées, les lingères, le personnel de maison, ainsi que la durée et les dates des congés et vacances annuelles et le mode de calcul des salaires et des taux de vacances.

5.5 Dans ses séances des 13 mars 2015 et 1er janvier 2018, le CSME a adopté la règle d’or, a modifié le quorum permettant l’application de la règle d’or et décidé de reprendre « les dispositions figurant dans le protocole OGMT et les dispositions pouvant être étendues de manière facilitée, qui ne figurent pas dans le protocole OGMT » dans le cadre de l’édiction des usages sur la base de la « règle d’or ».

Sur la base de ces décisions, la CMA a adopté la directive « Principes d’édiction des usages sur la base de la règle d’or ». Celle-ci précise notamment que « la règle d’or s’applique, dans les faits, à deux cas de figures, à savoir aux CCT ordinaires non étendues sous conditions qu’elles remplissent le quorum prévu par la règle d’or et aux CCT étendues de manière facilitée qui remplissent, par définition, le quorum prévu par la règle d’or ».

Le 30 octobre 2015, l’OGMT a également adopté une directive, validée par le CSME le 11 décembre 2015, intitulée « Constatation des conditions de travail en usage à Genève - Principes généraux et seuils ». En cas de CCT sectorielle non étendue, elle reprenait les consignes précitées, à savoir que « lorsque les employeurs liés par une CCT de secteur non étendue occupent au moins 50% de tous les travailleurs, cette CCT devient, dans la règle et après examen de la CMA, constitutive de l’usage ». Concernant la définition de seuils lors de la constatation des usages sur la base d’une enquête de terrain, « le CSME a[vait] défini, sur proposition de l’OGMT, que, dans la règle, les conditions de travail étaient constitutives d’usage dès lors qu’elles étaient appliquées par : au moins 50% des entreprises d’une branche donnée, qui emploient au moins 2/3 (66.67%) des travailleurs. Le cumul des deux limites a l’avantage de représenter une large majorité des relations de travail, tout en évitant que quelques entreprises majeures n’imposent leurs conditions aux autres ».

5.6 Par ailleurs, l'office assiste le département dans les tâches qu'il accomplit en vue de favoriser le développement des organisations professionnelles, la conclusion de CCT que pour prévenir les différends relatifs aux conditions de travail ou de salaire (art. 27 al. 1 LIRT).

5.6.1 Le Conseil d'État prononce, en vertu de l'art. 7 al. 2 LECCT, les décisions qui étendent le champ d'application d'une CCT au territoire du canton de Genève (art. 28 al. 1 LIRT). L'office assiste le Conseil d'État dans la procédure d'extension, notamment en conseillant les associations contractantes et en prenant les contacts nécessaires avec le SECO (art. 28 al. 2 LIRT).

5.6.2 Le CSME assure la fonction de commission tripartite au sens de l'art. 1a LECCT (art. 29 al. 1 LIRT). À ce titre, il propose notamment au Conseil d'État, avec l'accord des parties signataires, l'extension des dispositions CCT sur la rémunération minimale, la durée du travail correspondante, ainsi que sur les contrôles paritaires (art. 29 al. 2 LIRT).

5.7 Dans sa jurisprudence récente, soit son arrêt ATA/849/2024 du 15 juillet 2024 (consid. 4.10), repris dans son arrêt ATA/350/2025 du 28 mars 2025 (consid. 6), la chambre de céans a d’ores et déjà retenu que, dans ce cas, aucune CCT n’a été étendue formellement. L’OCIRT n’avait rien fait d’autre que de constater les UPE en tenant compte de la CCT ville, et s’était ainsi conformé à la loi. La recourante se plaignait ainsi à tort que l’application automatique des UPE serait contraire au droit fédéral, en ce qu’elle violerait les dispositions sur l’extension des CCT. Elle perdait de vue que l’art. 23 LIRT chargeait l’OCIRT d'identifier les conditions de travail et prestations sociales en usage dans le canton et de constater les usages, en se basant notamment sur les CCT, les contrats-types de travail, les résultats de données recueillies ou d’enquêtes menées auprès des entreprises, les travaux de l’OGMT dont son calculateur de salaires, ainsi que sur les statistiques disponibles en la matière. En soutenant que l’OCIRT aurait étendu matériellement la CCT ville, la recourante raisonnait contre la systématique de la loi, qui prévoyait au contraire que sauf exception reconnue par le CSME, les CCT qui avaient fait l'objet d'une décision d'extension étaient réputées constituer les usages du secteur concerné sous réserve du respect du salaire minimal (art. 23 al. 3 LIRT). L’OCIRT avait tenu compte de la CCT ville pour constater les UPE, et non pas appliqué la présomption de l’art. 23 al. 3 LIRT, ce qu’il n’aurait en toute hypothèse pas pu faire en l’absence de CCT étendue. Faute d’extension de la CCT, la LECCT ne trouvait pas application en l’espèce, et le grief de violation du droit fédéral tombait à faux.

5.8 En l’espèce, la recourante considère que son cas différerait des précédents cas susmentionnés car elle remet en question la conformité des décisions du CSME et des directives de la CMA et de l’OGMT prises sur cette base. Selon elle, celles-ci ne respecteraient pas les bases légales applicables en matière d’extension d’une CCT.

Or, contrairement aux allégations de la recourante, il ressort des bases légales et de la jurisprudence de la chambre de céans susrappelées que cette dernière a d’ores et déjà retenu qu’il ne pouvait être considéré que les UPE constituaient une extension de la CCT ville contraire à la LIRT et à la LECCT.

La recourante remet en question les décisions du CSEM, ainsi que les directives de la CMA et de l’OGMT visant l’application de la « règle d’or » aux CCT remplissant le quorum de 50% de tous les travailleurs du domaine concerné. À cet égard, l’intimé a précisé que, lors de sa séance du 20 mars 2014, le CSME avait d’abord déterminé les secteurs qui devenaient susceptibles de faire l’objet d’une édiction d’usages sur la base de la « règle d’or » en se fondant sur les chiffres produits par le REG, indiquant que plus de 50% des travailleurs du secteur de la petite enfance étaient soumis à la CCT ville. Il a également exposé que la situation serait semblable en prenant en considération les chiffres de l’OCSTAT relatifs à l’application de la CCT dite « intercommunale » et de la CCT ville.

La recourante ne conteste pas ces éléments, mais se contente d’opposer sa propre appréciation des chiffres concernant le nombre de membres du personnel de la petite enfance soumis à la CCT ville à celle de l’intimé. Ainsi, elle se prévaut de la référence aux chiffres mentionnés par l’observatoire cantonal de la petite enfance/SRED, ceux-ci montrant, d’après elle, que le nombre de places d’accueil offertes par la ville était inférieur à la moitié du nombre de places d’accueil offertes dans le canton. L’analyse de la recourante ne semble toutefois pas prendre en considération que les chiffres sur lesquels elle se fonde mentionnent le nombre de places d’accueil subventionnées par la ville et ses partenaires. En outre, on ne voit pas en quoi les statistiques sur la « répartition du personnel éducatif des structures d’accueil collectif, selon la formation » permettrait de déterminer le nombre de travailleurs soumis à la CCT ville ou à la CCT dite « intercommunale ».

En maintenant sa position, la recourante fait totalement fi du fait que les décisions du CSME étaient fondées sur les observations de l’OGMT en la matière, sur la base desquelles les directives remises en cause ont été prises.

Si, comme l’a indiqué l’intimé dans ses échanges avec la recourante, il s’est inspiré de la CCT ville pour établir les UPE, il l’a fait conformément aux directives en la matière fondées, en particulier, sur les observations de l’OGMT, en conformité de la loi, en particulier aux art. 30 al. 2 let. f LAPr et 23 al. 1 et 2 LIRT.

En définitive, la recourante ne saurait, par ce biais, revenir sur le PL 13'184, refusé par le peuple le 9 juin 2024.

Il résulte de ce qui précède que les griefs invoqués par la recourante quant à une prétendue extension de la CCT ville contraire au droit supérieur, ne sauraient justifier de s’écarter de la solution retenue précédemment par la chambre de céans en la matière.

6.             Dans un troisième grief, la recourante soulève une violation de la liberté économique (art. 27 Cst.) au motif que les UPE violeraient le principe de l’égalité de traitement entre concurrents en imposant au secteur privé les charges plus élevées d’un « écosystème public déficitaire » dont les pertes étaient financées par l’impôt.

6.1 Dans un arrêt récent 2C_577/2023 du 9 avril 2024, le Tribunal fédéral a examiné la conformité de l’art. 30 al. 2 let. f LAPr, notamment en tant qu’il impose le respect des UPE.

6.1.1 Au terme d’un examen détaillé, il a retenu qu’imposer le respect des UPE, qui reflètent les conditions minimales de travail et de prestations sociales en usage dans le canton de Genève dans les structures d'accueil de la petite enfance, n’était pas constitutif d'une inégalité de traitement par rapport aux crèches exploitées par les communes ou subventionnées par celles-ci. En effet, il s'agit de respecter un standard minimal à toute la profession, les structures subventionnées devant respecter des obligations supplémentaires. La critique visant la charge financière causée par le respect des usages alors qu'une structure ne bénéficiait d'aucune subvention revient à s’en prendre au système de subventionnement et non à l'obligation de respecter les usages. Or, la liberté économique ne confère aucun droit à une subvention de la part de l'État. Le fait de ne pas percevoir de subvention pour l'exploitation d’une crèche ne viole pas l'égalité de traitement entre concurrents directs. Si certaines crèches bénéficient de subventions, celles-ci ne peuvent pas, contrairement aux crèches privées, prétendre au plein exercice de leur liberté économique. D’ailleurs, certaines obligations n'incombent qu'aux crèches subventionnées. Celles-ci doivent notamment fixer la participation financière des parents en fonction de la capacité économique de ceux-ci et du nombre d'enfants à leur charge (art. 20 LAPr). Cette restriction est motivée par l'objectif de garantir l'égalité de traitement entre les parents des enfants qui fréquentent une structure d'accueil subventionnée et celui de fixer un prix correspondant à leur capacité économique. Les crèches subventionnées ne peuvent ainsi pas appliquer systématiquement le plafond des tarifs, sont tenues d'ouvrir les places d'accueil préscolaire à tous les enfants sans discrimination, en particulier les enfants à besoins spécifiques, de financer la formation continue de leur personnel, notamment (consid. 4.3).

Imposer le respect des usages n’implique donc pas une distorsion de concurrence, une inégalité de traitement et une violation du principe de la neutralité de l'état en matière de concurrence (consid. 4.5).

6.1.2 Il ne peut être retenu qu'il n'existe aucun intérêt public à garantir aux travailleurs du secteur de la petite enfance des conditions salariales plus favorables que le salaire minimum genevois. En effet, imposer aux employeurs d'appliquer des conditions de travail et de salaire conformes aux usages de la profession et de la région, lesquels sont établis sur la base des CCT, des contrats-types de travail, des résultats de données recueillies ou d'enquêtes menées auprès des entreprises, des travaux de l'observatoire, dont son calculateur des salaires, ainsi que sur les statistiques disponibles en la matière (art. 23 al. 2 LIRT), comme en l'espèce, permet d'éviter la sous-enchère salariale et d'assurer la qualité de la prise en charge des enfants. L'exigence du respect des UPE prévue à l'art. 30 al. 2 let. f LAPr poursuit ainsi des objectifs de politique sociale et un intérêt public conformes à l'art. 36 al. 2 Cst. (consid. 5.4).

6.1.3 Sous l'angle de la proportionnalité, il y a lieu de se référer à la volonté du législateur cantonal. Celui-ci a voulu consacrer, à l'art. 23 al. 2 LIRT, le principe de la pluralité des sources pour dégager un usage dans une profession ou une branche économique. Selon le commentaire des articles du projet de loi, il n'y a pas à proprement parler de hiérarchie des sources. Cela étant, une éventuelle convention collective pour un secteur économique donné représentera la première source d'informations vers laquelle se tournera l’OCIRT (commentaire du projet de loi sur l'inspection et les relations du travail déposé le 19 mars 2003, PL 8965, p. 33). Compte tenu de la manière de constater les usages prévue par le législateur cantonal, on ne voit pas en quoi une disposition imposant le respect d'usages, qui représentent précisément les conditions de travail et les prestations usuelles de la branche économique en cause dans la région genevoise, pourrait revêtir un caractère disproportionné. L’augmentation des charges que cela peut impliquer pour les structures soumises au respect des UPE ne suffit pas à rendre la disposition cantonale en tant que tel contraire aux art. 27 et 36 al. 3 Cst.

En effet, cette exigence apparaît comme une mesure adéquate et proportionnée pour garantir la protection des conditions salariales et des prestations sociales des travailleurs du secteur de la petite enfance et assurer la qualité de l'accueil des enfants en âge préscolaire. Conformément à la jurisprudence relative à l'art. 94 Cst., l'éventuelle charge financière qu'implique le respect des usages, qui ne pourrait pas être compensée par des subventions, apparait comme un inconvénient réduit à ce qui est nécessaire pour éviter la sous-enchère salariale, puisque les UPE reflètent les conditions minimales de travail et de prestations sociales dans le secteur de la petite enfance. Le grief de violation de la liberté économique est donc infondé. (consid. 5.5).

6.1.4 Dans la mesure où le respect des usages prévu à l'art. 30 al. 2 let. f LAPr est une exigence légale qui apparaît proportionnée, au vu des buts d'intérêt public recherchés, elle ne paraît pas non plus contraire à l'art. 203 al. 1 Cst-GE, qui prévoit que le canton et les communes encouragent la création et l'exploitation de crèches. L'obligation prévue à l'art. 30 al. 2 let. f LAPr de respecter au moins les usages n'empêche pas, en tant que telle, le canton et les communes d'encourager la création et l'exploitation de crèches (consid. 6.1).

6.1.5 Pour le surplus, les dispositions cantonales litigieuses ne violent pas le principe de primauté du droit fédéral (consid. 8.2). En particulier, en tant que la LIRT implique, en sus de ce salaire minimum, la détermination de plusieurs salaires planchers distincts, selon la profession ou la branche économique, elle ne se heurte pas non plus au droit fédéral (consid. 8.3).

6.2 Au vu de la motivation détaillée de l’arrêt précité, qui examine précisément les griefs de violation de la liberté économique, du principe de l’arbitraire et de l’interdiction de l’inégalité de traitement soulevés également in casu par la recourante à l’encontre de l’art. 30 al. 2 let. f LAPr et des UPE, la chambre les écartera, se référant expressément à l’arrêt précité (ATA/350/2025 précité consid. 5.2).

7.             Dans un quatrième grief, la recourante fait valoir une violation de l’interdiction de la rétroactivité des lois, la réclamation du paiement d’arriérés de salaires avec effet rétroactif au mois de décembre 2020 contredisant la teneur de l’art. 25 al. 1 et 2 aLIRT, en vigueur jusqu’au 1er janvier 2023.

7.1 Selon un principe général de droit intertemporel, les dispositions légales applicables à une contestation sont celles en vigueur au moment où se sont produits les faits juridiquement déterminants pour trancher celle-ci. Liée aux principes de sécurité du droit et de prévisibilité, l’interdiction de la rétroactivité des lois résulte du droit à l’égalité de traitement (art. 8 Cst.), de l’interdiction de l’arbitraire et de la protection de la bonne foi (art. 5 et 9 Cst.). L’interdiction de la rétroactivité (proprement dite) fait obstacle à l’application d’une norme à des faits entièrement révolus avant son entrée en vigueur, car les personnes concernées ne pouvaient, au moment où ces faits se sont déroulés, connaître les conséquences juridiques découlant de ces faits et se déterminer en connaissance de cause. Une exception à cette règle n’est possible qu’à des conditions strictes, soit en présence d’une base légale suffisamment claire, d’un intérêt public prépondérant, et moyennant le respect de l’égalité de traitement et des droits acquis. La rétroactivité doit en outre être raisonnablement limitée dans le temps (arrêt du Tribunal fédéral 9C_648/2022 précité consid. 6.1 et les références citées).

Il n’y a toutefois pas de rétroactivité proprement dite lorsque le législateur entend règlementer un état de chose qui, bien qu’ayant pris naissance dans le passé, se prolonge au moment de l’entrée en vigueur du nouveau droit. Cette rétroactivité improprement dite est en principe admise, sous réserve du respect des droits acquis (arrêt du Tribunal fédéral 9C_648/2022 précité consid. 6.1 et les arrêts cités).

En ce qui concerne les normes juridiques qui font dépendre la survenance de la conséquence juridique de plusieurs éléments de fait (état de fait dit composite), le Tribunal fédéral a jugé qu’il est déterminant de savoir sous l’empire de quelle norme l’ensemble des faits s’est produit de manière prépondérante (arrêt du Tribunal fédéral 9C_648/2022 précité consid. 6.2 et les arrêts cités).

7.2 Jusqu’au 1er juin 2023, l’art. 25 aLIRT prévoyait que « toute entreprise soumise au respect des usages, en vertu d'une disposition légale, réglementaire ou conventionnelle, doit en principe signer auprès de l'office un engagement de respecter les usages. L'office délivre à l'entreprise l'attestation correspondante, d'une durée limitée (al. 1) » et que « l'engagement vaut pour l'ensemble du personnel concerné. Il prend effet au jour de sa signature, sous réserve de l’alinéa 3 » (al. 2).

7.3 In casu, contrairement à ce que semble soutenir la recourante, son obligation de respecter les UPE ne dépendait pas de l’engagement à s’y conformer. L’art. 25 aLIRT prévoyait uniquement, pour les entreprises soumises au respect des usages – comme la recourante –, la nécessité de signer un engagement écrit de s’y conformer. Il ressort du texte même de la disposition que la signature d’un tel engagement n’était nullement constitutive, en tant que telle, de l’obligation de respecter les usages ; cette obligation résultait de la loi.

Dès lors que les UPE et le salaire minimum prévu par la LIRT étaient en vigueur depuis, respectivement le 1er septembre et le 1er novembre 2020, ceux-ci étaient bel et bien applicables à la recourante avant le 1er juin 2023.

8.             Finalement, la recourante fait valoir que seul un refus de délivrance de l’attestation prévue selon l’art. 45 al. 1 let. a LIRT pouvait être prononcé à son encontre à l’exclusion de toute autre sanction en vertu de la lettre de l’art. 26A LIRT. Cela étant, le montant de l’amende infligée était disproportionné vu les circonstances.

8.1 Selon l’art. 26A LIRT, les entreprises en infraction aux usages font l’objet des mesures et sanctions prévues aux art. 44A et 45 LIRT (al. 1). L’art. 45 al. 1 let. a LIRT est applicable lorsqu’une entreprise conteste les usages que l’office entend lui appliquer (al. 2).

L’art. 42A RIRT précise qu’en cas d'infractions aux usages ou de violation de l'obligation de collaborer au sens de l'art. 76 RIRT, l'organe de contrôle accorde à l'entreprise un délai pour se mettre en conformité (al. 1). Si le contrevenant ne donne pas suite dans les délais, l’office prononce les sanctions prévues à l'art. 45 al. 1 LIRT. L'art.16 al. 2 et 3 LPA est applicable pour le surplus (al. 2). Les autres mesures et sanctions prévues par la loi sont réservées (al. 3).

8.2 L’art. 45 al. 1 LIRT prévoit que lorsqu'une entreprise visée par l'art. 25 LIRT ne respecte pas les conditions minimales de travail et de prestations sociales en usage ou le salaire minimum prévu à l'art. 39K LIRT, l'OCIRT peut prononcer : une décision de refus de délivrance de l'attestation visée à l'art. 25 LIRT pour une durée de 3 mois à 5 ans. La décision est immédiatement exécutoire (let. a) ; une amende administrative de CHF 60'000.- au plus (let. b) ; l'exclusion de tous marchés publics pour une période de 5 ans au plus (let. c). L’art. 45 al. 2 LIRT prévoit que les mesures et sanctions visées à l’al. 1 sont infligées en tenant compte de la gravité et de la fréquence de l’infraction ainsi que des circonstances dans lesquelles elle a été commise. Elles peuvent être cumulées.

8.3 Selon les travaux législatifs relatifs à la modification des art. 26A al. 1 et 2 LIRT et 45 LIRT, entrée en vigueur le 16 novembre 2013 (loi 11'172), le nouvel art. 26A al. 1 LIRT renseignait sur les conséquences du non-respect des usages. Il renvoyait à cet égard aux mesures et sanctions prévues à l’art. 45 LIRT. L’art. 26A al. 2 LIRT, quant à lui, régissait la problématique relative à la contestation des usages qui figurait alors à l’art. 45 al. 1 2e phr. LIRT. Cette problématique concernait les entreprises tenues de respecter les usages en vertu de l’art. 25 al. 1 LIRT, mais qui contestaient ceux que l’office entendait leur appliquer. Les conséquences d’une contestation restaient inchangées. L’OCIRT prononcerait une décision de non délivrance de l’attestation visée à l’art. 25 al. 1 LIRT. Cette mesure, prévue par l’art. 45 LIRT alors en vigueur, était reprise dans le futur art. 45 al. 1 let. a LIRT (MGC 2012-2013 / IX A 9778).

L’art. 45 LIRT énumérait les mesures et sanctions que l’office était habilité à prononcer à l’encontre des entreprises en infraction aux conditions de travail en usage. Les modifications proposées complétaient celles prévues aux art. 25 et 26A LIRT et visaient l’optimisation du dispositif existant par le renforcement des mesures et sanctions. La mesure prévue à l’art. 45 al. 1 LIRT, alors en vigueur, à savoir la possibilité de prononcer une décision de non-délivrance d’attestation était reprise dans la nouvelle disposition à l’al. 1 let. a. Ce dispositif de base avait été complété au moyen d’une amende administrative maximale de CHF 60 000.- qui devait avoir un effet dissuasif sur les entreprises (al. 1 let. b) et par la possibilité de prononcer une exclusion des marchés publics futurs pour une durée maximale de 5 ans (al. 1 let. c) […]. L’al. 2 réglait les principes applicables en matière de sanction et les rapports entre mesures et sanctions. La disposition stipulait qu’elles pouvaient être cumulées. Enfin, l’al. 3 prévoyait l’établissement d’une liste des entreprises en infraction aux usages qui était régulièrement mise à jour par l’OCIRT. Cette liste contenait les noms d’entreprises qui avaient fait l’objet d’une sanction devenue exécutoire. L’al. 3 2e phr. habilitait l’OCIRT à rendre cette liste accessible au public (MGC 2012-2013 / IX A 9781). Les modifications proposées à l’art. 45 LIRT avaient été approuvées par le CSME – autorité tripartite compétente en matière de politique générale du marché du travail – dans sa séance du 25 janvier 2013. Tant les délégations patronales (Union des associations patronales genevoises – UAPG) que syndicales (Communauté genevoise d'action syndicale – CGAS) avaient déclaré être favorables au principe d’une liste d’entreprises accessible au public (MGC 2012-2013 / IX A 9782).

À la suite de l’entrée en vigueur de l’IN 173 le 31 octobre 2020, l’art. 45 al. 1 LIRT a été modifié dans sa teneur actuelle, la modification consistant uniquement en l’ajout de la référence au salaire minimum prévu à l'art. 39K LIRT.

Ultérieurement, soit le 1er juin 2023, est entrée en vigueur la loi 13'218 modifiant notamment les art. 25 et 26A al. 1 LIRT. Concernant cette dernière disposition, la modification concernait la mesure de suspension des travaux, laquelle avait été ajoutée à l'al. 1 parmi la liste des mesures et sanctions qui pouvaient être prononcées en cas de non-respect des usages (PL 13'218 p.6). L’art. 26A al. 2 LIRT n’a alors pas été modifié.

8.4 L’autorité qui prononce une mesure administrative ayant le caractère d’une sanction doit également faire application des règles contenues aux art. 47 ss du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0 ; principes applicables à la fixation de la peine), soit tenir compte de la culpabilité de l’auteur et prendre en considération, notamment, les antécédents et la situation personnelle de ce dernier (art. 47 al. 1 CP). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/131/2023 du 7 février 2023 consid. 5d ; ATA/1253/2022 du 13 décembre 2022 consid. 3b). Il doit être également tenu compte, en application de l'art. 106 al. 3 CP, de la capacité financière de la personne sanctionnée (ATA/651/2022 précité consid. 14f et la référence citée).

La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l’acte, par les motivations et les buts de l’auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (art. 47 al. 2 CP ; ATA/651/2022 précité consid. 14d et les arrêts cités).

Il doit être également tenu compte, en application de l'art. 106 al. 3 CP, de la capacité financière de la personne sanctionnée (ATA/651/2022 précité consid. 14f et la référence citée ; Michel DUPUIS et al. [éd.], Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., 2017, n. 6 ad. art. 106 CP).

8.5 L’autorité jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour fixer la quotité de l’amende. La chambre de céans ne le censure qu’en cas d’excès ou d’abus. Sont pris en considération la nature, la gravité et la fréquence des infractions commises dans le respect du principe de proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst. ; ATA/651/2022 précité consid. 14e et les arrêts cités).

Dans sa jurisprudence, la chambre de céans a réduit de CHF 28'000.- à CHF 14'000.- l’amende infligée à un employeur pour une sous-enchère salariale de CHF 381'701.18 dans le domaine de l’économie domestique, ayant eu lieu pendant quatre ans au préjudice de cinq employées successives. La collaboration de l’employeur avait été moyenne, et non faible, et il n’avait pas d’antécédents (ATA/894/2022 du 6 septembre 2022). Dans une autre affaire, la chambre administrative a réduit de CHF 28'000.- à CHF 12'000.- l’amende infligée à un employeur, sans antécédents, pour une sous-enchère salariale d’au minimum CHF 105'080.-, estimée par l’OCIRT à CHF 203'045.91, concernant cinq employés, qui s’était déroulée de novembre 2020 à mai 2022. La collaboration de l’employeur avait été jugée faible en raison de la production tardive et lacunaire de documents (ATA/1253/2022 du 13 décembre 2022). Enfin, elle a réduit une amende de CHF 27'400.- à CHF 25'000.- pour une sous-enchère salariale de CHF 471'691.67, concernant 23 des 67 employés de l’entreprise, commise entre novembre 2020 à novembre 2022, de nombreux rattrapages salariaux restant encore dus et la collaboration ayant été faible. L’absence d’antécédents avait conduit à la réduction de l’amende pour non-respect du salaire minimum cantonal, dont le maximum était de CHF 30'000.- (ATA/935/2024 du 12 août 2024).

Plus récemment, dans une affaire similaire concernant une SAPE devant se mettre en conformité avec les UPE, la chambre de céans a réduit l’amende infligée de CHF 37'600.- à CHF 25'000.-. Les manquements de la recourante avaient concerné l’ensemble de son personnel, pendant toute la période allant du 1er novembre 2020 à fin mars 2023. Il s’agissait d’infractions particulièrement graves, concernant le respect du salaire minimum prescrit par les UPE, voire le salaire minimum cantonal, ainsi que des jours de congé et de vacances. La recourante ayant été rendue attentive dès le 15 novembre 2018 à son obligation de se conformer aux UPE avec les conséquences en cas de non-respect, ses manquements relevaient d’une volonté délibérée de ne pas se conformer aux UPE, contrairement pourtant à l’engagement de respecter lesdits usages qu’elle avait signé. Le montant de la sous‑enchère salariale, d’au minimum CHF 283'031.66, constituait une sous‑enchère salariale importante qui n’avait cessé d’augmenter depuis mars 2023. La recourante n’avait procédé que très partiellement au rattrapage des charges sociales. Elle n’avait en revanche entrepris aucune démarche pour se conformer aux demandes de rattrapages salariaux formulées à plusieurs reprises par l'intimé. Elle avait persisté tout au long de la procédure à invoquer l'inapplication des UPE et des dispositions légales sur le salaire minimum, ce qui dénotait un certain mépris du respect de ces dispositions auquel s'ajoutait une absence de prise de conscience et une volonté de tirer profit de l'ignorance des employés à ce sujet. Enfin, elle avait, pour l’ensemble de son personnel, pendant toute la période du contrôle, violé les prescriptions régissant le droit aux vacances, le droit au salaire en cas de maladie, la répartition non paritaire des primes d’assurance perte de gain et accidents non professionnels et les règles spécifiques relatives au congé maternité ou adoption. Au vu de l’ensemble de ces éléments, l'intimé avait retenu à juste titre que la faute de la recourante était grave. Il convenait également de tenir compte du fait que la recourante n’avait pas d’antécédents. Sa collaboration n’avait été que partielle et n’était intervenue, qui plus est, essentiellement qu’après le prononcé d’une première décision la sanctionnant. En outre, bien qu’elle s’en fût prévalue, elle n’avait apporté ni devant l’OCIRT ni devant la chambre de céans de pièce rendant vraisemblable, ni a fortiori établissant, sa situation financière difficile. À l’aune de l’ensemble de ces éléments, notamment du fait que le montant de la sous-enchère pouvant lui être imputé était moins important que celui retenu dans la décision querellée, l’amende était ramenée à CHF 25'000.-. Le refus de délivrer l’attestation visée par l’art. 25 LIRT pendant trois ans, à compter du 4 juillet 2022, apparaissait, en revanche proportionné aux infractions commises par la recourante, étant relevé qu’en l’absence d’effet suspensif sur ce point, le refus en question arriverait à échéance prochainement, à savoir le 4 juillet 2025 (ATA/350/2025 précité consid. 10.4).

8.6 En l’espèce, la recourante conteste la sanction infligée sous deux aspects, à savoir, d’une part, le cumul des mesures prises à son encontre alors que seule la sanction de l’art. 45 al. 1 let. a LIRT lui serait applicable dans la mesure où elle conteste les UPE que l’OCIRT entend lui appliquer, et, d’autre part, la proportionnalité du montant de l’amende infligée.

8.6.1 Concernant le fait que la recourante considère que seule la mesure visée à l’art. 45 al. 1 let. a LIRT devrait être prononcée à son encontre, l’intéressée perd de vue deux éléments essentiels : les mesures mentionnées à l’art. 45 al. 1 LIRT sont cumulables et son refus de se conformer aux UPE n’empêche pas qu’elle se trouve également en infraction à ceux-ci. Si elle conteste l’application des UPE à son cas, elle ne contredit pas les constats d’infractions tels qu’indiqués par l’intimé dans la décision querellée.

Par conséquent, contrairement aux allégations de la recourante, c’est à juste titre que l’intimé a prononcé à son encontre diverses mesures visant à sanctionner tant le refus de mise en conformité aux UPE que les infractions à ceux-ci.

Ainsi, la décision est conforme au droit s’agissant des diverses mesures prononcées à l’encontre de la recourante au titre de sanction, soit, le refus de délivrance de l’attestation visée à l’art. 25 al. 1 LIRT pour une durée de deux ans, une amende administrative de CHF 28'300.- et l’inscription de son nom sur la liste des entreprises ayant été sanctionnées par l’intimé.

8.6.2 S’agissant du montant de l’amende infligée, il sied de relever que celui-ci tient compte des éléments suivants : les salaires minimaux et le versement du treizième salaire progressif n’ont pas été respectés entre les mois de décembre 2020 et d’août 2024 pour un montant total de CHF 421'285.- ; l’absence de compensation des heures supplémentaires avec une majoration de salaire de 50% ; et la non‑conformité de l’assurance perte de gain prévoyant une couverture réduite à 90% du salaire au lieu de la totalité de celui-ci.

Conformément à la jurisprudence susrappelée, les infractions reprochées sont graves. Le montant de la sous-enchère salariale est ici plus élevé que celui de l’arrêt susmentionné, ayant donné lieu à une réduction du montant de l’amende, alors que les circonstances dans lesquelles celle-ci a été infligée sont similaires. Ainsi, pour une sous-enchère salariale de CHF 283'031.66 sur une période de novembre 2020 à mars 2023, la chambre de céans a réduit le montant de l’amende à CHF 25'000.-, tandis que la recourante a été sanctionnée d’une amende de CHF 28'300.- pour une sous-enchère salariale de CHF 421'285.- du mois de décembre 2020 au mois d’août 2024. Le montant est donc plus important et la période d’infraction plus longue.

Certes, la recourante a tenté de se conformer aux UPE progressivement en prenant diverses mesures et entretenant des échanges suivis avec le SASAJ et l’intimé. Il n’en demeure pas moins que, dès le mois de janvier 2020, l’intimé a attiré l’attention de la recourante sur les points nécessitant une mise en conformité. Si la recourante s’y est conformée concernant le treizième salaire, elle a refusé de procéder au rattrapage de salaires requis, ainsi que de modifier son règlement au sujet des heures supplémentaires et du montant couvert par l’assurance perte de gain.

Finalement, la recourante n’a pas d’antécédents en la matière. Elle se prévaut de sa faible surface financière, sans toutefois en apporter la preuve.

Par conséquent, au vu des manquements reprochés, en particulier du montant important de la sous-enchère salariale pour laquelle la recourante se refuse à tout rattrapage, le montant de l’amende infligée apparaît proportionné aux circonstances du cas d’espèce.

En conséquence, l’ensemble des considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours.

9.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 2'000.-, y compris pour la décision de rejet de la requête de restitution de l’effet suspensif et de jonction de causes, sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 28 janvier 2025 par l’ASSOCIATION DE A______ contre la décision de l’office cantonal de l'inspection et des relations du travail du 12 décembre 2024 ;

 

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 2’000.- à la charge de l’ASSOCIATION DE A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession de la recourante, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Nicolas GIORGINI, avocat de la recourante ainsi qu'à l'office cantonal de l'inspection et des relations du travail.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Patrick CHENAUX, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

B. SPECKER

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :