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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1107/2023

ATA/54/2025 du 14.01.2025 sur JTAPI/129/2024 ( LCI ) , REJETE

Recours TF déposé le 19.02.2025, 1C_104/2025, D 317503/1
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1107/2023-LCI ATA/54/2025

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 14 janvier 2025

3ème section

 

dans la cause

 

A______,

B______ et C______,

D______,

E______ et F______,

G______,

H______,

I______,

J______
représentés par Me Olivier FAIVRE, avocat recourants

contre

K______ SA

représentée par Me Paul HANNA, avocat

et

L______ SA

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC intimés




Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 février 2024 (JTAPI/129/2024)


EN FAIT

A. a. La parcelle n° 6'510 (ci-après : la parcelle), située sur la commune de M______ (ci-après : la commune) à l’adresse route N______ (l’entrée se situant au __, chemin O______), appartenait jusqu’au 14 avril 2023 à P______ (ci-après : les époux P______), date à laquelle ils l’ont vendue à la société K______ SA (ci‑après : la société).

b. La parcelle, sise en zone 5 (villa), dans le secteur dénommé « La Q______ », fait l’angle entre le chemin O______, à l’est, et la route de R______, au sud. D'une surface totale de 2'381 m2, elle abrite une villa de 329 m2 au sol, d’un étage sur rez, d’une hauteur d’environ 7,5 m, construite en 1962, une piscine et un pool house.

c. À proximité de la parcelle, A______ est propriétaire de la parcelle n° 1'157 à l’adresse Route de R______, D______ de la n° 7'396 à l’adresse Route de R______, B______ et C______ de la parcelle n° 6'731, E______ et F______ de la n° 6'725, G______ de la n° 6'946, H______ de la n° 6'948, I______ de la n° 6'945 et J______ de la n° 6'724 (ci‑après : les voisins). Les six dernières parcelles sont sises aux adresses __ à __ du chemin O______.

d. À teneur du projet de Plan directeur communal « Guide communal pour l’évolution de la zone 5 » du 27 avril 2023 (PDCom), adopté par le Conseil Municipal de la commune le 27 juin 2023, la parcelle est située dans un périmètre de densification accrue (ci-après : PDA).

Le projet de PDCom mentionne : « Quant au secteur de S______-T______-Q______, son intégration dans un périmètre de densification accrue se justifie à double titre : sa situation est plus propice à la densification que celle des autres secteurs de la zone 5. Il est localisé dans le prolongement du village, en relation avec le réseau communal d’équipements publics et les principaux axes de transports collectifs en direction de Genève (la distance maximale à un arrêt TC dans ce secteur est d’environ 400m, cf. chapitre 10.4), dont l’accessibilité est facilitée par le réseau de chemin pour piétons (cf. chapitre 9, PDCP). > Ce secteur présente des qualités paysagères et biologiques aujourd’hui fragilisées. Les projets mobilisant une dérogation seront soumis aux conditions qualitatives du guide communal de la zone 5, dans la perspective d’améliorer cette situation. Ils feront donc l’objet d’une attention particulière de la part des services communaux et cantonaux ».

Ledit projet précise que dans le secteur S______-T______-Q______, l’indice d’utilisation du sol (ci‑après : IUS) des futurs projets est compris entre 0.00 et 0.48 maximum.

e. Par arrêté du 8 novembre 2023, le Conseil d’État a approuvé le PDCom. Il était déclaré PDCom sous deux réserves, dont seule la seconde est pertinente : la stratégie de densification de la zone 5, complétant le PDCom, était validée à l’exception des PDA que la commune proposait sur les secteurs de densification par modification des limites de zones définis dans les fiches A03 et A17 du plan directeur cantonal mis à jour, approuvé par la Confédération le 18 janvier 2021 2030 (ci-après : PDCn2030). Les PDA proposés dans les secteurs de T______ et de la Q______ n’étaient pas validés.

Il ressort du site internet de la commune que : « Afin de lever la réserve n° 2, la commune devra proposer à l’État une nouvelle stratégie de densification de la zone villa, qui comprendra également des secteurs en modification de zone (zone 5 villa vers zone 4 "immeuble"). Cette étude, qui débutera en 2024, requestionnera les contours des périmètres de densification accrue de T______ et de la Q______, non validés par le CE ».

f. La fiche A03 du PDCn2030 traite du programme de densification des quartiers en zone 5. Selon la « carte du programme de densification des quartiers en zone 5 » de la fiche précitée et la pratique administrative du 14 juillet 2020 y relative, trois zones sont définies : un secteur gris délimitant la zone villa existante, dans laquelle la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI ‑ L 5 05) s’applique normalement ; un secteur orange dans lequel il n’y a « pas de dérogations selon l’art. 59 al. 4 LCI » ; il s’agit d’une zone villa dont le développement est prévu à terme par le PDCn ; enfin, une zone rouge intitulée « modification de zones en cours », où la dérogation de l’art. 59 al. 4 LCI ne s’applique pas. Il est précisé que toute requête créant un nouveau logement est refusée selon l’art. 13B de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30).

La parcelle est sise en zone grise. La couronne de S______, secteur orange, est sis à 300 m environ du projet litigieux, au nord du chemin O______.

B. a. Le 22 décembre 2021, la L______ SA (ci-après : la L______) a déposé auprès du département du territoire (ci-après : le département ou le DT), pour le compte des époux P______, une demande de démolition de la villa, la piscine et le pool house sis sur la parcelle.

b. Le 9 mars 2022, la commune a préavisé favorablement le projet, tandis que le service des monuments et des sites (ci-après : SMS) a indiqué, sur son préavis de la même date, « pas concerné ».

c. Le département a délivré l'autorisation de démolir le 25 mai 2022 (M/1______/1), laquelle a été publiée dans la feuille d’avis officielle (ci-après : FAO) du même jour.

d. Par jugement du 8 décembre 2022, le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) a déclaré irrecevable le recours interjeté contre cette autorisation le 24 juin 2022 par les voisins (cause A/2080/2022).

e. Par arrêt du 9 août 2023 (ATA/842/2023), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a rejeté le recours interjeté par les voisins le 27 janvier 2023. Les voisins n'avaient pas d'intérêt de fait ou de droit pour exiger qu'un propriétaire conserve un bâtiment sur sa parcelle. Contrairement à ce que soutenaient les recourants, la valeur patrimoniale particulière du bâtiment n'était pas reconnue par les autorités compétentes et le dépôt d'une demande de mise à l'inventaire des immeubles dignes d’être protégés (ci-après : l’inventaire) n'y changeait rien.

Les considérants précisaient notamment que suite à la vente de la parcelle, par‑ devant le notaire, et l'inscription au registre foncier le 14 avril 2023, la propriété de la parcelle n° 6'510 avait été transférée des époux P______ à la société K______ SA. Les intimés avaient sollicité la substitution de parties le 15 mai 2023. Les recourants s'en étaient remis à justice sur ce point le 23 mai 2023. L'ayant droit ayant requis la substitution et les autres parties à la procédure, soit en particulier les recourants, n'ayant pas manifesté de désaccord, il était procédé à la substitution des époux P______ par la société K______ SA. Cette dernière n’avait pas demandé à pouvoir produire des écritures complémentaires, et avait indiqué le 12 mai 2023 « reprendr[e] le rôle des époux P______ ». Il n’y avait donc aucune raison de lui impartir un délai supplémentaire de 30 jours, comme requis par les recourants, pour faire valoir un point de vue dont il était patent qu’il ne saurait être en contradiction avec celui soutenu jusque-là par les anciens propriétaires de la parcelle, lesquels avaient pu présenter toutes écritures utiles devant le TAPI, puis la chambre de céans.

f. Un recours est actuellement pendant devant le Tribunal fédéral contre cet arrêt (cause 1C_474/2023). L’effet suspensif au recours a été octroyé le 19 octobre 2023.

C. a. En parallèle de l’autorisation de démolir, les anciens propriétaires de la parcelle n° 6'510 ont déposé le 22 décembre 2021 une requête en autorisation de construire auprès du département portant sur la construction d'un habitat groupé (44% HPE), d'une pompe à chaleur (ci-après : PAC) ainsi que sur l'abattage d'arbres. Cette requête a été enregistrée sous la référence DD 2______. La L______ était requérante principale et « U______ SA » (ci-après : U______), mandataire.

Selon le projet final, la construction prévue était rectangulaire, d’environ 17 m sur 26 m, d’une hauteur de 9.5 m, de deux étages sur rez, à toit plat. Elle serait parallèle au chemin O______, à environ 10 m de celui-ci, laissant un espace de pleine terre au sud.

À teneur des plans, le rez-de-chaussée comprendrait trois appartements avec terrasses, le premier étage trois appartements dont l’un avec terrasse sur le couvert à voitures de 35 m2, situé au nord-est et donnant sur le chemin O______, et deux avec balcon. L’attique comprendrait deux appartements avec terrasse de près de 50 m² chacune, donnant au sud-ouest.

b. Lors de son instruction, plusieurs instances de préavis ont été consultées, notamment :

- le 26 septembre 2022, la commune a rendu un préavis favorable avec dérogations et souhaits, relevant notamment que le gabarit du nouveau bâtiment était bien plus imposant que la volumétrie des constructions environnantes, ce qui n'était pas le cas du projet initial. Cependant, l'implantation et l'alignement avec les bâtiments existants ainsi que le volume proposé (niveaux en décalage), côté O______ spécialement, semblait être une intervention sensible et mesurée ;

- le 22 novembre 2022, l'office cantonal des transports (ci-après : OCT) a préavisé favorablement le projet, sous conditions ;

- le 6 décembre 2022, la commission d'architecture (ci-après : CA) a rendu un préavis favorable avec dérogations et sous conditions, relevant que l'application des art. 59 al. 4 et al. 10 LCI était acceptée, le projet répondant aux remarques émises dans les précédents préavis ;

- le 7 décembre 2022, le service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisant (ci-après : SABRA) a rendu un préavis favorable, sous conditions ;

- le 8 décembre 2022, la direction des autorisations de construire (ci-après : DAC) a émis un préavis portant la mention « instruction à poursuivre », tout en étant favorable à l'octroi d'une dérogation au sens de l'art. 59 al. 4 LCI.

c. Par courriel du 25 janvier 2023, la L______, sous la signature de V______, « chef de projet junior », a « confirm[é] [sa] volonté d’abandonner cette requête et de retirer le dossier ».

Par courriel du même jour, une architecte du département a confirmé à l’office des autorisations de construire que V______ les avait aussi contactés téléphoniquement et avait confirmé « la » volonté d’abandonner la requête DD 2______. Elle rappelait que la M 1______/1 avait déjà été délivrée.

d. Par courrier du 6 février 2023, le DT a confirmé à U______ avoir pris bonne note de l’abandon de la demande d’autorisation de construire et procéder à la clôture du dossier. Il joignait le bordereau pour les émoluments administratifs.

e. Le 7 février 2023, l’abandon a été inscrit sur la plate-forme de Suivi administratif des dossiers, anciennement « W______ », librement accessible.

f. Le 14 février 2023, la L______ a requis la réouverture de l'instruction du dossier. La demande de retrait du dossier avait été transmise par erreur par une collaboratrice de leur société. La demande n’avait pas été validée préalablement dans le cadre de leurs procédures internes et n’était pas signée par deux personnes dûment habilitées à représenter la L______. Ils présentaient leurs excuses pour cette erreur interne et de communication.

g. Par décision du 20 février 2023, « en reconsidération de la décision du 6 février 2023 » le département a délivré l’autorisation DD 2______/1, laquelle a été publiée dans la FAO du même jour.

h. Par courrier du 22 février 2023, les voisins ont sollicité l’invalidation de l’autorisation délivrée à tort. Pour relancer le projet de construction, une nouvelle demande de permis de construire aurait dû être déposée par les époux P______ sur la base du projet existant et non par la L______ qui n’avait plus qualité pour agir auprès du DT depuis sa renonciation et son abandon de mandat.

D. a. Par acte du 22 mars 2023, les voisins ont formé recours devant le TAPI contre la décision du 6 février 2023 concluant à titre principal à son annulation, subsidiairement à la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé dans la cause A/2080/2022 au sujet de la démolition de la villa.

La renonciation au projet du 15 janvier 2023 était définitive et irrévocable. La décision querellée était donc caduque.

Le département aurait dû solliciter l'avis des recourants quant au bien-fondé d'une reprise de la procédure. Leur droit d'être entendus avait en conséquence été violé. En outre, le département avait occulté leur demande de réexamen du projet depuis le début.

Le projet prévoyant un taux d'utilisation du sol de 44%, une dérogation au sens de l'art. 59 al. 4 LCI était nécessaire. Or, le projet était manifestement incompatible avec les caractéristiques du quartier. Il s'agissait d'un immeuble de huit appartements s'élevant sur trois étages hors sol avec toit plat, alors que l'ensemble du chemin ne comprenait que des villas individuelles avec toit en pente et de petits gabarits, d'un ou deux étages.

Le respect des normes relatives au calcul des surfaces était douteux. Le projet frôlait les maximums légaux tant en ce qui concernait la surface brute de plancher (ci‑après : SBP), la dimension des sous-sols que la taille totale des constructions de peu d'importance (ci-après : CDPI).

Le projet querellé entraînerait une fréquentation supplémentaire de pas moins de quinze véhicules, lesquels seraient appelés à manœuvrer à proximité d'un carrefour très fréquenté puisque les véhicules étaient censés se garer l'un après l'autre via un système d'ascenseur. Cette augmentation du trafic serait source d'inconvénients graves et de nuisances visuelles importantes, par la création de terrasses et balcons en toiture par rapport à l'intimité du voisinage.

b. Le 15 mai 2023, les anciens propriétaires ont informé le TAPI que la société avait acquis la propriété de la parcelle le 14 avril 2023. Ils sollicitaient du TAPI qu'il prononce la substitution de parties.

c. Par courrier du 17 mai 2023, le TAPI a informé les parties qu’il procéderait à la substitution sollicitée. Il a transmis à la société une copie du recours et leur a imparti un délai pour répondre, ce que la société a fait le 17 mai 2023.

d. Après les réponses des intimés, les parties ont procédé à un second échange d’écritures, les voisins se déterminant les 21 août et 13 octobre 2023.

e. Par jugement du 15 février 2024, le TAPI a rejeté le recours.

Aucune norme du droit des constructions ne prévoyait qu’une renonciation à un projet de construction en cours d'instruction serait définitive et irrévocable, contrairement, par exemple, à ce que prévoyait l'art. 89 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10) en cas de retrait du recours. La jurisprudence citée par les recourants avait trait à l'art. 386 al. 3 du code de procédure pénale (CPP - RS 312.0), non pertinent en l’espèce. On peinait à concevoir en quoi l'admission d'un tel grief toucherait les recourants dans un intérêt personnel se distinguant nettement de l’intérêt général des autres habitants de la collectivité concernée. Aucune norme de la LCI ou de son règlement n'imposait au département d'interpeller les parties à une future procédure, en sus de la publication de la requête et de la décision finale dans la FAO (art. 3 al. 1 et 5 LCI). En tout état, le projet n'avait subi aucune modification entre le moment de l'annonce de la renonciation et la demande de reprise de l'instruction du dossier, quelques jours après, de sorte que la reprise du dossier depuis le début d'instruction ne modifierait selon toute vraisemblance pas l'issue de la procédure d'instruction auprès du département et un renvoi pour nouvelle instruction ne constituerait ainsi qu'une simple formalité. Dans cette mesure, ce grief était déclaré irrecevable.

La demande de suspension de la cause jusqu'à l'issue de la procédure de recours dans la cause portant sur la démolition de la villa et jusqu'à l'issue de la demande de mise à l'inventaire de celle-ci était rejetée. La chambre administrative avait rejeté le recours et une suspension dans l'attente de la décision du Tribunal fédéral n’apparaissait pas nécessaire. Il ressortait par ailleurs de l'arrêt de la chambre administrative que, selon le SMS, le bâtiment avait été recensé en valeur « intérêt secondaire ». La villa existante ayant subi différent travaux, la substance d'origine avait été perdue, de sorte que l'adoption d'une mesure de protection n'était pas envisagée. Partant, il était manifeste que le dépôt de la demande de mise à l'inventaire n'était pas suffisant pour suspendre la procédure.

Le département n’avait pas prononcé une décision entachée de nullité, ni violé le droit d’être entendu des voisins en délivrant l'autorisation de construire querellée. La substitution de parties avait été admise par la chambre administrative dans le cadre de la procédure relative à l'autorisation de démolir, de sorte qu'il en allait logiquement de même dans le cadre de la procédure en autorisation de construire. On peinait à concevoir en quoi cette substitution de parties aurait conduit à un quelconque préjudice pour les recourants. Par ailleurs, la procédure de publication de la requête, puis de la décision finale, avait été respectée, de sorte à permettre aux tiers touchés par cette décision de recourir efficacement à son encontre.

La requête en autorisation de construire avait été déposée le 22 décembre 2021, soit après l'entrée en vigueur de la nouvelle version de l'art. 59 al. 4 LCI et de l'art. 59 al. 4bis LCI. Le PDCom de la commune avait été approuvé par le Conseil d'État à l'exception des PDA que la commune proposait sur les secteurs de densification par modification des limites de zones définis dans les fiches A03 et A17 du PDCn2030. « Les PDA proposés dans les secteurs de T______ et de la Q______ ne sont pas validés. Or, le projet querellé se trouve dans le secteur de R______ » [sic]. Cette question n'était toutefois pas déterminante, au vu du préavis favorable de la commune. Les recourants tentaient de substituer leur propre appréciation à celle de l'instance spécialisée. En accordant la dérogation fondée sur l'art. 59 al. 4 LCI sur la base des préavis favorables de la commune et de la CA, le département n'avait pas excédé ou abusé de son pouvoir d'appréciation.

Les recourants ne précisaient pas en quoi ils estimaient que les calculs de la SBP seraient erronés. Ils se contentaient d'une critique générale, laquelle s'opposait au préavis favorable de la DAC du 8 décembre 2022. Celle-ci s’était déclarée favorable à l'application de la dérogation de l'art. 59 al. 4 LCI, sans émettre de remarque s'agissant du calcul des rapports de surface. Elle avait relevé que la SBP hors sol était fixée à 1'047.5 m2 et celle du sous-sol à 753.7 m2 dont un « parking voiture de 514.5 m2 non comptabilisé (viser art. 59 al. 10 LCI) ». La CA s'était également prononcée favorablement à l'octroi de la dérogation de l'art. 59 al. 10 LCI, après avoir notamment estimé, dans ses préavis précédents, que la surface du sous-sol était excessivement importante. La place de stationnement visiteur à l'extérieur consistait en un marquage au sol, sans couvert. Le principe de renonciation à l'édification d'une CDPI à destination de garages en surface de l'art. 59 al. 10 LCI était respecté. Les recourants se limitaient à évoquer une prétendue impossibilité pour le local de contenir les vélos et ordures du projet vu sa dimension de 20 m2. Or, la critique des recourants n'était pas étayée et la DAC n'avait émis aucune réserve concernant le calcul des CDPI. Le projet respectait en conséquence les limites légales autorisées.

L’allégation des recourants selon laquelle l’accès au parking souterrain créerait un danger pour les usagers du chemin O______ n’était nullement étayée et ne reposait que sur des conjectures. L’OCT avait analysé trois fois le projet et l’avait préavisé favorablement sans émettre la moindre réserve. Les normes en matière de construction n’avaient pas pour vocation de protéger l’intimité des habitants, l’utilisation des terrasses relevant des règles de bon voisinage et de droit privé.

E. a. Par acte du 30 mars 2024, les voisins ont interjeté recours contre ce jugement devant la chambre administrative.

La cause devait être suspendue dans l’attente de l’arrêt du Tribunal fédéral dans la cause portant sur la démolition de la villa.

Le TAPI avait refusé l’audition des témoins et le transport sur place, violant leur droit d’être entendu. Ils réitéraient leurs requêtes d’actes d’instruction.

Le retrait de la requête par la L______ étant irrévocable, la décision était caduque. Le département avait violé leur droit d’être entendu en reprenant la procédure sans les interpeller au préalable. Il n’avait pas répondu à leur requête de réexamen du 6 février 2023, se rendant coupable d’un déni de justice. Les anciens propriétaires n’étaient plus parties à la procédure et la société n’étant pas intervenue dans le délai de 30 jours dès la publication du recours était forclose, sous réserve d’une substitution des parties. Or, d’une part, les voisins avaient manifesté leur opposition à la substitution de parties devant la chambre administrative contrairement à ce que celle-ci avait retenu. D’autre part, le lien fait par le TAPI entre les deux procédures était contesté.

Faute pour le PDCom d’avoir été approuvé par le Conseil d’État, aucune dérogation ne pouvait être accordée sur la base de l’art. 59 al. 4 LCI. Elle ne pouvait pas non plus être modifiée pour être accordée sur la base de l’al. 4bis. Le préavis de la commune, bien que positif, était fortement nuancé, à l’instar de celui de la CA. Les conditions de l’art. 59 al. 4 LCI n’étaient en conséquence pas remplies.

Le calcul des surfaces était erroné. Le projet causerait des nuisances importantes en raison de l’augmentation du trafic et des nuisances visuelles graves, en raison des terrasses offrant une vue directe sur les terrains adjacents. La distance à la parcelle voisine n’était pas respectée.

b. Le département ainsi que la société ont conclu au rejet de recours.

c. Dans leur réplique, les voisins ont relevé que la surface des ascenseurs à voitures de 35.02 m² avait été comptabilisée en tant que CDPI, alors qu’il s’agissait de SBP.

d. Par écritures spontanées du 21 août 2024, ils ont contesté le contenu de la duplique de la société.

e. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

f. La demande d’inscription à l’inventaire de la villa sise sur la parcelle a été rejetée le 21 février 2024 par le conseiller d’État en charge du département.

g. Le contenu des pièces et les arguments des parties seront repris en tant que de besoin dans la partie en droit du présent arrêt.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2.             Les recourants sollicitent la suspension de la procédure dans l’attente de l’issue de la cause pendante devant le Tribunal fédéral relative à l’autorisation de démolir.

2.1 Lorsque le sort d'une procédure administrative dépend de la solution d'une question de nature civile, pénale ou administrative relevant de la compétence d'une autre autorité et faisant l'objet d'une procédure pendante devant ladite autorité, la suspension de la procédure administrative peut, le cas échéant, être prononcée jusqu'à droit connu sur ces questions (art. 14 al. 1 LPA). L'art. 14 LPA est une norme potestative et son texte clair ne prévoit pas la suspension systématique de la procédure chaque fois qu'une autorité civile, pénale ou administrative est parallèlement saisie (ATA/833/2024 du 9 juillet 2024 consid. 3.1 ; ATA/129/2023 du 7 février 2023 consid. 2a).

Selon l’art. 78 LPA, l’instruction des recours est suspendue par la requête simultanée de toutes les parties, le décès d’une partie, la faillite d’une partie, sa mise sous curatelle de portée générale, la cessation des fonctions en vertu desquelles l’une des parties agissait, le décès, la démission, la suspension ou la destitution de l’avocat ou du mandataire qualifié constitué (let. a à f).

2.2 Lorsqu’une procédure de mise à l’inventaire aurait pu être engagée bien avant les procédures judiciaires et qu’il n’est pas certain qu’une décision puisse intervenir dans un délai raisonnable, il ne se justifie pas de suspendre la procédure judiciaire intentée contre la démolition de bâtiments dans l’attente de l’issue de la demande de son inscription à l’inventaire (ordonnance du Tribunal fédéral du 11 juillet 2019 mentionnée dans l’arrêt du Tribunal fédéral 1C_288/2019 let. d Faits, du 11 décembre 2019).

2.3 En l’espèce, aucune des conditions de l’art. 78 LPA n’est réalisée in casu, les intimés s’étant opposés à la suspension de la procédure. Concernant l’application de l’art. 14 LPA, la cause actuellement pendante devant le Tribunal fédéral a pour objet l’examen de la qualité pour recourir contre l’autorisation de démolir des recourants. La chambre administrative a déjà retenu que le bâtiment en cause ne faisait l’objet d’aucune mesure de protection et que sa valeur patrimoniale ne pouvait être retenue en l'état. Par arrêté départemental du 21 février 2024, la mise à l’inventaire de la villa a d’ailleurs été rejetée. Conformément à la jurisprudence précitée, dès lors que la procédure de mise à l’inventaire aurait pu être engagée bien avant les procédures judiciaires, la suspension d’une procédure en lien avec l’autorisation de démolir ne se justifie pas, soit a fortiori, pour celle en lien avec l’autorisation de construire, étant rappelé que l’art. 14 LPA est une norme potestative. Le fait que le Tribunal fédéral ait ordonné des mesures provisionnelles, par ordonnance du 19 octobre 2023, tendant à ce qu’il soit sursis à la démolition du bâtiment dans l’attente du prononcé de son arrêt ne modifie pas ce qui précède, s’agissant de la présente procédure en autorisation de construire et qu’elle sera en tous les cas conditionnée par la délivrance préalable de l’autorisation de démolir. Il ne sera ainsi pas donné suite à la demande de suspension.

3.             Les recourants se plaignent d’une violation de leur droit d’être entendus et renouvellent, devant la chambre de céans, leur demande d’audition de W______P______, X______, courtière de l’agence Y______, laquelle devrait expliquer pour quelles raisons la L______ n’avait pas été mandatée pour la vente de la villa, V______, Z______ ainsi que de transport sur place. Ils précisent que les auditions de témoins seraient essentielles pour démontrer que le retrait de la demande d’autorisation de construire était réfléchie, procédait d’une employée légitimée à le faire et agissant sur instruction de sa direction. Les auditions de W______ P______ et X______ devraient permettre de démontrer que la L______ n’avait plus le pouvoir de solliciter la reprise de la procédure d’autorisation de construire. Le transport sur place permettrait de prouver l’incompatibilité du projet avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier, ainsi que les inconvénients graves qu’il induirait.

3.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour la personne intéressée de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Il n’empêche toutefois pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_359/2022 du 20 avril 2023 consid. 3.1 et les références citées).

En particulier, écarter de la sorte une requête d'audition de témoin ne viole pas l'art. 29 al. 2 Cst. (ATF 130 II 425 consid. 2.1 ; ATA/624/2024 du 21 mai 2024 consid. 2.1). En outre, le droit d'être entendu ne comprend pas le droit d'être entendu oralement (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 134 I 140 consid. 5.3).

3.2 En l’espèce, les mesures proposées par les recourants ne sont pas susceptibles de permettre d’établir des éléments nécessaires à la solution du litige lequel porte uniquement sur la conformité au droit de la décision du département, confirmée par le TAPI. Les faits pertinents quant au déroulement de la procédure d’autorisation, de la requête à la décision, sont établis par pièces. Les liens contractuels entre les propriétaires et leurs représentants, qu’il s’agisse de la L______, de U______, de l’agence Y______, les rapports internes notamment de la L______ ou sur la problématique de la renonciation de la requérante à l’instruction de sa requête soit sont sans incidence sur l’issue du litige soit ne sont pas pertinents pour l’analyse du bien-fondé de l’autorisation de construire, conformément aux considérants qui suivent.

Le dossier contient par ailleurs de nombreux plans, des photos et les nombreux préavis des autorités compétentes. La consultation du SITG, en particulier des cartes interactives complètent utilement, si nécessaire, les pièces précitées. En conséquence, la chambre de céans considère qu’elle dispose d’un dossier complet et en état d’être jugé, de sorte qu’il ne sera pas donné suite aux demandes d’actes d’instruction formulées par les recourants. Pour les mêmes motifs que ceux exposés ci-dessus, il ne peut être reproché au TAPI d’avoir, procédant à une appréciation anticipée des preuves, mis un terme à l’instruction de la cause avant de rendre le jugement litigieux.

4.             Les recourants contestent le jugement du TAPI en ce qu’il a déclaré irrecevable le grief relatif à la renonciation, par les propriétaires, à leur requête.

Selon eux, l’irrecevabilité du grief ne pourrait être admise faute de base légale prévoyant une limitation des griefs. Ils avaient un intérêt personnel à invoquer ce grief, dans la mesure où le retrait définitif rendait caduque l’autorisation de construire et par conséquent les nuisances qu’elle leur causerait. Il s’agissait d’un acte formateur qui engendrait l’extinction de la relation de droit administratif de manière irrévocable. L’existence d’une erreur au sein de la L______ n’était pas crédible. Cette dernière n’était en conséquence plus autorisée à entreprendre de démarches auprès du DT en janvier 2023, en l’absence de mandat.

4.1 Une autorisation est une décision qui permet à son bénéficiaire d’exercer une activité qui, sans cette décision, serait interdite. L’autorisation de police représente un des types les plus connus de décisions favorisantes pour les administrés. Elles ne créent pas à proprement parler de droits nouveaux, car elles ont pour but de vérifier que les requérants remplissent bien les conditions prévues par la loi pour pouvoir entreprendre une activité que le législateur a soumis à autorisation pour des motifs tenant à la sauvegarde de l’ordre public (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n° 855 ss). L’autorisation de construire appartient à cette catégorie.

Au contraire des décisions d’office, « il existe maintes situations dans lesquelles la loi permet aux administrés de faire usage d’une faculté sans les y obliger. Une décision administrative ne pourra alors intervenir que sur requête de l’administré » (Thierry TANQUEREL, op cit., n. 826).

4.2 En l’espèce, la recevabilité du grief et par voie de conséquence l’intérêt des recourants à l’invoquer, souffrira de rester indécise dès lors qu’il doit en tous les cas être rejeté.

Les propriétaires ont déposé une demande d’autorisation de construire définitive au sens de l’art. 2 LCI le 22 décembre 2021. La requête a été publiée à son dépôt (art. 3 al. 1 LCI). L’instruction a permis d’obtenir différents préavis (art. 3 al. 3 LCI). Avant le prononcé de la décision, les propriétaires ont renoncé à la requête, ce qui a été inscrit dans le W______. S’agissant d’une procédure sur requête, les requérants sont libres d’y renoncer en tout temps et aucune disposition ne les empêche de renouveler leur requête ultérieurement, ce d’autant plus qu’elle n’avait pas encore fait l’objet d’une décision.

Il est établi que la procédure a été reprise à la requête des propriétaires. La question de savoir s’ils étaient valablement représentés est sans pertinence en l’espèce, ni les anciens, ni les nouveaux propriétaires ne contestant qu’il s’agissait de leur volonté.

Les voisins ne peuvent être suivis lorsqu’ils associent la reprise de la procédure à un nouveau dépôt, lequel aurait dû faire l’objet d’une nouvelle procédure impliquant une publication, un délai pour faire des observations et une instruction avec récolte de préavis. La demande étant identique à la précédente et l’instruction terminée, le DT pouvait, sans quoi il aurait fait du formalisme excessif et violé le principe d’économie de procédure, poursuivre l’instruction de la demande et rendre une décision.

La reprise de la procédure n’ayant toutefois pas été mentionnée dans le W______, les voisins n’en ont pas été informés avant le prononcé de la décision laquelle a été dûment publiée (art. 3 al. 5 LCI). Dès lors que les voisins ont pu recourir, dans le délai, contre l’autorisation, ils n’ont subi aucun désavantage de cette absence d’information.

Les voisins indiquent que la reprise du dossier depuis le début de l’instruction modifierait probablement l’issue de la procédure dès lors que le Conseil d’État avait refusé, en date du 8 novembre 2023, l’approbation du PDCom relatif au PDA proposé dans le secteur de la Q______. Le projet serait donc invalidé puisqu’il se situerait précisément dans le secteur concerné et que les propriétaires prétendent bénéficier d’une dérogation au sens de l’art. 59 al. 4 LCI. Cette conclusion est erronée, la dérogation de l’art. 59 al. 4 LCI étant en tous les cas applicable, conformément aux considérants qui suivent sur le grief lié à l’art. 59 al. 4 LCI.

La référence des voisins à un arrêt publié du 25 mai 1976 (ATF 102 Ib 115 consid. 4) est sans pertinence s’agissant de l’application des articles de la loi fédérale du 30 mars 1911, complétant le Code civil suisse (CO, Code des obligations - RS 220) sur l’erreur dans une procédure en application de la loi fédérale sur les brevets d’invention du 25 juin 1954 (Loi sur les brevets, LBI - RS 232.14). L’arrêt mentionne d’ailleurs qu’il convient de tenir compte de la nature du droit des brevets et de la réglementation détaillée de l'art. 47 LBI sur la réintégration en l'état antérieur. Cette jurisprudence n’est dès lors pas applicable au cas d’espèce.

Le grief sera écarté.

5.             Les voisins plaident l’existence d’un cas de réexamen. Le département avait rendu une décision d’abandon le 6 février 2023 qui le liait à l’égard des tiers.

Cette argumentation doit toutefois être écartée, conformément au considérant qui précède. Aucune décision formelle d’abandon n’a été prononcée. Seule est versée au dossier une correspondance qui prend bonne note de « l’abandon par le requérant » de la demande d’autorisation, l’informe de la clôture du dossier et lui transmet le bordereau concernant l’émolument.

Même à considérer qu’il s’agirait d’une décision, conformément au terme employé sur la « liste des annexes », celle-ci aurait fait l’objet d’une reconsidération, le 14 février 2023, date du courrier de la L______, soit avant d’entrer en force. Une reconsidération était possible et, comme vu précédemment, la reprise de l’instruction aussi.

6.             Les voisins se plaignent d’une violation de leur droit d’être entendu et d’un déni de justice en lien avec la décision du 6 février 2023. Le département aurait dû solliciter leur avis avant de rendre une décision sur le bien-fondé d’une reprise de la procédure d’autorisation de construire. Le DT ne s’était d’ailleurs jamais déterminé sur leur demande de réexamen du 22 février 2023. Dite violation devait conduire à l’annulation de la décision du 20 février 2023.

6.1 Le droit d’être entendu est une garantie de nature formelle dont la violation entraîne, lorsque sa réparation par l'autorité de recours n'est pas possible, l'annulation de la décision attaquée sans égard aux chances de succès du recours sur le fond (ATF 144 I 11 consid. 5.3).

Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend le droit pour les parties de faire valoir leur point de vue avant qu’une décision ne soit prise, de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur la décision, d’avoir accès au dossier, de participer à l’administration des preuves, d’en prendre connaissance et de se déterminer à leur propos (ATF 148 II 73 consid. 7.3.1).

Une décision entreprise pour violation du droit d’être entendu n’est en principe pas nulle, mais annulable (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1).

La réparation d'un vice de procédure en instance de recours et, notamment, du droit d'être entendu, n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure (ATF 145 I 167 consid. 4.4). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1) ; elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu’elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/949/2021 du 14 septembre 2021 consid. 5b et les références).

6.2 Lorsqu’une autorité mise en demeure refuse sans droit de statuer ou tarde à se prononcer, son silence est assimilé à une décision (art. 4 al. 4 LPA).

6.3 En l’espèce, outre que, comme l’a à juste titre retenu le TAPI, aucune disposition du droit de la construction ne prévoit une obligation du département de tenir informés les tiers de l’avancement de l’instruction du dossier, même à considérer que le droit d’être entendu des recourants ait été violé, ce vice aurait été réparé devant la chambre de céans.

Le grief relatif à un déni de justice sera écarté en l’absence de mise en demeure de statuer (art. 4 al. 4 LPA).

7.             Les recourants contestent la substitution de parties et relèvent l’absence de qualité de partie de la société.

7.1 La LPA ne règle pas expressément la question de la substitution de partie, soit celle du remplacement d'une partie par une autre en cours d'instance à la suite d’un transfert des droits ou obligations en cause. Conformément à la jurisprudence de la chambre de céans, la substitution de partie est en principe possible en procédure administrative. La succession à titre universel, qui peut résulter d'une succession pour cause de mort, d'une faillite ou d'une fusion d'entreprises, provoque en vertu du droit fédéral un changement de plein droit de parties sans l'accord des autres parties à la procédure, sous réserve des procédures portant sur les droits strictement personnels et intransmissibles, qui deviennent sans objet (ATA/842/2023 du 9 août 2023 consid 2.1 et les références citées).

La doctrine distingue deux situations en matière de substitution de parties. La succession dans les droits et obligations d’une partie, à titre universel, entraîne en vertu du droit fédéral de plein droit un changement de parties sans l’accord des autres parties à la procédure (succession à cause de mort, faillite, reprise des actifs et passifs ou fusion d’entreprises). Toutefois, la procédure portant sur des droits intransmissibles devient sans objet. En revanche, une succession à titre particulier, comme une aliénation du bien litigieux, n’entraîne en principe pas la substitution automatique des parties à la procédure ; la substitution n’est que facultative et ne s’opère pas de plein droit si l’ayant droit ne la requiert pas ou n’obtient pas l’accord des autres parties (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2e éd., 2015, p.182). Cela étant, il doit être possible de suppléer au refus d’une substitution par l’intervention ou l’appel en cause de l’acquéreur ou du cessionnaire des droits (ibidem, p. 184).

7.2 Le changement de propriétaire au cours de procédure est sans incidence sur la validité du permis auquel elle aboutit ultérieurement. Peu importe le motif du changement (vente du bien-fonds, succession pour cause de mort, faillite ou succession commerciale, reprise des actifs et passifs ou fusion d’entreprises). L’accord des autres parties à la procédure ne devrait pas être nécessaire en vertu du caractère réel du permis requis ; par contre, elles auront un droit d’être entendues sur la substitution (Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit public de la construction, 2024, n. 834 ch. 1).

7.3 L’autorité peut ordonner, d’office ou sur requête, l’appel en cause de tiers dont la situation juridique est susceptible d’être affectée par l’issue de la procédure ; la décision leur devient dans ce cas opposable (al. 1). L’appelé en cause peut exercer les droits qui sont conférés aux parties (art. 71 al. 2 LPA).

7.4 En l'espèce, il ressort de la procédure relative à l’autorisation de démolir que, suite à la vente de la parcelle, par devant le notaire, et son inscription au registre foncier le 14 avril 2023, la propriété de la parcelle n° 6'510 a été transférée des époux P______ à la société. Les époux P______ avaient en conséquence sollicité la substitution de parties le 15 mai 2023 tant dans la procédure pendante devant la chambre de céans en lien avec l’autorisation de démolir que dans la procédure portant sur la DD, pendante devant le TAPI.

Interpellés par la chambre de céans, les voisins s’en étaient remis à justice sur ce point le 23 mai 2023. L'ayant droit ayant requis la substitution et les autres parties à la procédure, soit en particulier les recourants, n'ayant pas manifesté de désaccord, il avait été procédé à la substitution des époux P______ par la société dans le cadre de l’arrêt de la chambre de céans dans la procédure relative à l’autorisation de démolir.

Si, certes, les voisins n’ont pas été interpellés par le TAPI sur la question de la substitution de parties, il apparaît très difficilement concevable que leur position ait été autre que celle soutenue devant la chambre de céans le 23 mai 2023. Ceci est d’autant plus vrai que dans leurs écritures du 21 août 2023, ils n’ont pas contesté ladite substitution, quand bien même ils relevaient que celle-ci n’était admissible qu’avec le consentement de la partie adverse. Cette position doit toutefois être nuancée, puisqu’un appel en cause pouvait en tous les cas être ordonné par la juridiction de première instance.

L’argumentation juridique des recourants selon laquelle il appartenait au nouvel acquéreur d’intervenir dans la procédure, dans le délai de 30 jours, ne résiste en conséquence pas à l’examen.

La société a qualité de partie puisqu’elle remplit les conditions pour être appelée en cause au sens de l’art. 71 LPA, sa situation juridique étant susceptible d’être affectée par l’issue de la procédure.

8.             Les requérants critiquent le gabarit du projet de construction et considèrent que l’art. 59 al. 4 LCI a été violé. Il s’agissait d’une dérogation soumise à plusieurs conditions, non remplies en l’espèce.

8.1 La modification de l’art. 59 LCI est entrée en vigueur le 28 novembre 2020.

La demande d'autorisation de construire litigieuse ayant été déposée le 8 juillet 2021, c’est l'art. 59 LCI en vigueur dès le 28 novembre 2020 qui est applicable (art. 156 al. 5 LCI ; ATA/739/2024 du 18 juin 2024 consid. 3.5 ; ATA/156/2021 du 9 février 2021 consid. 3).

8.2 L'art. 59 LCI règle les rapports des surfaces en zone villas (5e zone). L'art. 59 LCI fixe, en pourcentage de la surface de la parcelle en cause, la surface maximum de la construction. Celle-ci est en principe de 25% dans un cas standard et peut être portée à 27.5%, voire 30% selon la performance énergétique de la construction (al. 1).

Selon l’art. 59 al. 4 LCI, dans les PDA définis par un PDCom approuvé par le Conseil d’État et lorsque cette mesure est compatible avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier, le département peut autoriser, après la consultation de la commune et de la CA, un projet de construction en ordre contigu ou sous forme d’habitat groupé dont la surface de plancher habitable n’excède pas 44% de la surface du terrain, 48% lorsque la construction est conforme à un standard de très haute performance énergétique (ci-après : THPE), reconnue comme telle par le service compétent.

Selon l’art. 59 al. 4bis LCI, dans les communes qui n’ont pas défini de PDA dans leur PDCom, lorsque les circonstances le justifient et que cette mesure est compatible avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier, le département peut accorder des dérogations conformes aux pourcentages et aux conditions de l'art. 59 al. 4 let. a et b LCI. Pour toutes les demandes d’autorisation de construire déposées avant le 1er janvier 2023, un préavis communal favorable est nécessaire.

8.3 L’art. 59 al. 4bis LCI ne s’applique pas à un projet déposé avant le 28 novembre 2020 (arrêt du Tribunal fédéral 1C_642/2022 du 7 novembre 2023 consid. 4.2.3).

La mise en conformité au nouveau droit a nécessité un travail de grande ampleur en vue de l’adaptation de la stratégie des communes en matière de densification de la zone 5, raison pour laquelle le législateur, en accord avec les acteurs concernés, a introduit un délai d’adaptation fixé d’abord au 1er juillet 2022 puis reporté au 31 décembre 2022, vu le retard pris par certaines communes. Jusqu’à cette date, les communes avaient un droit de veto découlant de l’art. 59 al. 4bis sur toute demande d’autorisation contenant une dérogation fondée sur l’art. 59 al. 4 LCI (ATA/487/2023 du 9 mai 2023 consid. 7).

Dans un cas où la commune avait adopté un PDCom, mais avait émis des réserves, la chambre de céans avait appliqué l’art. 59 al. 4bis considérant qu’elle n’avait pas encore défini de périmètre de densification (ATA/487/2023 précité consid. 7).

8.4 Le caractère justifié des circonstances ne relève pas de l'opportunité mais de l'exercice d'un pouvoir d'appréciation dont la chambre de céans est habilitée, selon l'art. 61 al. 1 let. a LPA, à sanctionner l'excès ou l'abus (arrêt du Tribunal fédéral 1C_204/2021 du 28 octobre 2021 consid. 5.3 et l'arrêt cité).

8.5 La compatibilité du projet avec le caractère, l'harmonie et l'aménagement du quartier, exigée par l'art. 59 al. 4 let. a LCI, est une clause d'esthétique. Une telle clause fait appel à des notions juridiques indéterminées, dont le contenu varie selon les conceptions subjectives de celui qui les interprète et selon les circonstances de chaque cas d'espèce ; ces notions laissent à l'autorité une certaine latitude de jugement. Lorsqu'elle estime que l'autorité inférieure est mieux à même d'attribuer à une notion juridique indéterminée un sens approprié au cas à juger, l'autorité de recours s'impose une certaine retenue. Il en va ainsi lorsque l'interprétation de la norme juridique indéterminée fait appel, par exemple, à des connaissances spécialisées ou particulières en matière d'utilisation du sol, notamment en ce qui concerne l'esthétique des constructions (ATA/1364/2023 précité consid. 9.2 et l'arrêt cité).

8.6 Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités et n’ont qu’un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l’autorité reste ainsi libre de s’en écarter pour des motifs pertinents et en raison d’un intérêt public supérieur.

Au contraire de l'accord exigé à l'art. 59 al. 4 let. b LCI, la consultation des communes requise à l'art. 59 al. 4 let. a LCI, applicable en l'espèce, prend la forme d'un préavis qui ne lie pas davantage le département que celui qu'elles sont amenées à rendre pour tout projet de construction dans le cadre de l'art. 3 al. 3 LCI (arrêt du Tribunal fédéral 1C_535/2019 du 4 novembre 2019 consid. 2.4).

8.7 Selon une jurisprudence bien établie, chaque fois que l'autorité administrative suit les préavis des instances consultatives, les juridictions de recours – que ce soit la chambre de céans ou le TAPI – observent une certaine retenue, lorsqu'il s'agit de tenir compte des circonstances locales ou de trancher de pures questions d'appréciation (ATF 136 I 265 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_579/2015 du 4 juillet 2016 consid. 5.1). Elles se limitent à examiner si l’autorité administrative ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (arrêts du Tribunal fédéral 1C_891/2013 du 29 mars 2015 consid. 8.2 ; 1C_582/2012 du 9 juillet 2013 consid. 5.2 ; ATA/948/2022 du 20 septembre 2022 consid. 4e ; ATA/514/2018 du 29 mai 2018 consid. 4a).

8.8 L’autorité administrative jouit d’un large pouvoir d’appréciation dans l’octroi de dérogations, lesquelles ne peuvent toutefois être accordées ni refusées d’une manière arbitraire. Tel est le cas lorsque la décision repose sur une appréciation insoutenable des circonstances et inconciliable avec les règles du droit et de l’équité, se fonde sur des éléments dépourvus de pertinence ou néglige des facteurs décisifs (ATA/639/2020 du 30 juin 2020 consid. 4d ; ATA/875/2018 du 28 août 2018 consid. 6b). Il ne suffit pas qu’une autre solution paraisse concevable, voire préférable, pour que la décision soit annulée ; il faut qu’elle se révèle arbitraire non seulement dans ses motifs, mais aussi dans son résultat (ATF 143 IV 500 consid. 1.1 ; 142 II 369 consid. 4.3 ; 141 I 49 consid. 3.4 ; 138 I 305 consid. 4.3 ; 137 I 1 consid. 2.4).

8.9 En l’espèce, au moment de la décision, le PDCom n’avait pas encore été approuvé. L’art. 59 al. 4bis LCI trouve dès lors application.

Les recourants contestent qu’il puisse être fait application de cette dernière disposition alors que les préavis évoquent l’art. 59 al. 4 LCI. Cette nuance est en l’état sans pertinence, compte tenu du préavis favorable de la commune. Les conditions des art. 59 al. 4 et 59 al. 4 bis LCI sont quasiment identiques. Toutefois, c’est à tort que les recourants considèrent que l’art. 59 al. 4 LCI impose que les circonstances justifient la dérogation, cette exigence n’étant posée que pour l’al. 4 bis LCI.

Si certes, tant la commune que la CA ont évoqué dans leur préavis le fait que le projet initial avait un gabarit moindre que le projet finalement retenu, toutes deux ont émis un préavis favorable en relevant que l’implantation et l’alignement avec les bâtiments existants ainsi que le volume proposé (niveaux en décalage), côté O______ spécialement, leur semblait être une intervention « sensible et mesurée ».

La commune s’est prononcée à plusieurs reprises (9 et 10 mars, 7, 21 et 26 septembre 2022), précisant dès le début que la demande de dérogation de l’art. 59 al. 4 LCI (43.8% HPE) était acceptée. À cette dernière date, le préavis était favorable avec dérogation et souhaits. Ceux-ci portaient sur une réflexion ultérieure sur la relation entre les jardins privatifs et la zone verte commune ainsi que sur une question de fonctionnement des réseaux de canalisations. Suivait la remarque précitée.

La position de la commune est conforme à ses aspirations de densifier la zone concernée, telles que prévues dans son PDCom. Elle a d’ailleurs précisé, à la suite de l’approbation du PDCom sous deux réserves par le CE, qu’« afin de lever la réserve n° 2, la commune devra proposer à l’État une nouvelle stratégie de densification de la zone villa, qui comprendra également des secteurs en modification de zone (zone 5 villa vers zone 4 "immeuble"). Cette étude, qui débutera en 2024, requestionnera les contours des PDA de T______ et de la Q______, non validés par le CE » évoquant ainsi une densification plus intense.

Il ressort par ailleurs de la présentation de la commune « en introduction de la démarche de concertation » du 29 avril 2024, que la zone 5 peut évoluer vers une zone 5 plus dense (PDA) ou vers une autre zone, 4A ou 4B, plus dense.

De même, la CA s’est prononcée à trois reprises les 29 mars, 16 septembre et 6 décembre 2022. Son premier préavis était défavorable. Dans le deuxième, elle a sollicité des modifications avant de conclure favorablement, avec dérogation (art. 59 al. 4 LCI : 44% HPE et 59 al. 10 LCI) et une condition relative aux teintes et aux matériaux.

La DAC s’est elle aussi prononcée à plusieurs reprises les 24 août, 21 novembre et 8 décembre 2022. Le premier préavis était favorable y compris à la dérogation de l’art. 59 al. 4 LCI.

En conséquence, non seulement de nombreux services ont été sollicités pour émettre leur préavis, mais tous se sont dits favorables au projet.

Conformément à la jurisprudence, la chambre de céans observera une certaine retenue, l’autorité administrative ayant suivi les préavis des instances consultatives pour apprécier les circonstances locales et trancher de pures questions d'appréciation.

Certes, la très grande majorité des habitations sises de part et d’autre du chemin O______ consiste en une villa par parcelle, d’un étage sur un rez, les habitations ayant un toit en pente. Force est toutefois de constater que le quartier se développe. Ainsi, des habitations d’un étage sur rez, à toit plat, voire en pente à un pan pour les numéros impairs, ont été construites aux nos __, __ et __ du chemin O______. L’habitation du __, chemin O______ est une maison à deux étages sur rez. La maison actuellement sise sur la parcelle litigieuse et dont la démolition est contestée est déjà un bâtiment d’aspect plus moderne que les différentes habitations du chemin O______ et surtout beaucoup plus imposante au vu de sa surface au sol de plus de 300 m2.

Les trois prises de vue produites sous pièce n° 23 des recourants devant le TAPI ne montrent d’ailleurs pas le côté pair du chemin, sous réserve des deux premières propriétés, et se limitent au haut de celui-ci. Or, outre les bâtiments précités, il ressort de l’« information réseau » de SWISSCOM, que quatre villas étaient projetées sur la parcelle n° 6'725, à l’adresse __, chemin O______ et une nouvelle au 3bis du même chemin, en date des 15 novembre 2021 et 4 juillet 2022.

Dans ces conditions, le grief de violation de l’art. 59 al. 4 LCI est infondé.

9.             Les recourants se plaignent d’une violation de l’art. 59 al. 9 et 10 LCI relatif au calcul des surfaces.

9.1 Selon l’art. 59 al. 8 LCI, la surface des constructions en sous-sol, exprimée en m2 de plancher brut, ne doit pas excéder la surface de plancher hors sol qui peut être autorisée en application de l'art. 59 al. 1 LCI.

En vertu de l’art. 59 al. 9 LCI, dans tous les cas, la surface du sous-sol, y compris celle du sous-sol des CDPI, ne peut excéder le 20% de la surface de la parcelle. Cette surface peut être portée à 22% lorsque la construction est conforme à un standard de haute performance énergétique, respectivement à 24% lorsque la construction est conforme à un standard de THPE, reconnue comme telle par le service compétent.

Le département peut, toutefois, admettre une surface de sous-sol non comprise dans le calcul du rapport des surfaces, tel que défini aux al. 8 et 9 de l’art. 59 LCI, si la construction de garages au sous-sol permet de renoncer à l’édification de CDPI à destination de garages en surface (art. 59 al. 10 LCI).

9.2 Les recourants critiquent le raisonnement du TAPI, qui a retenu que la place de stationnement visiteur à l'extérieur consistait en un marquage au sol, sans couvert. Le principe de renonciation à l'édification d'une CDPI à destination de garages en surface de l'art. 59 al. 10 LCI était respecté.

Les recourants relèvent que ce raisonnement se heurterait frontalement à la ratio legis de la norme puisque l’al. 10 tendait à éviter que la surface des terrains soit occupée par des voitures. Ils ne peuvent être suivis, le texte, clair, de la loi tendant à éviter l’édification d’une CDPI.

Les requérants critiquent le TAPI, indiquant que l’on ignore si la place visiteurs bénéficiera d’un couvert. Le raisonnement du TAPI, qui se fonde sur les plans pour préciser que tel n’est pas le cas, ne prête pas le flanc à la critique.

Pour le surplus, les recourants reprennent la même argumentation que celle développée devant le TAPI, sans émettre de critiques spécifiques à l’encontre des considérants, détaillés, du TAPI. Les développements de la juridiction de première instance ne peuvent dès lors qu’être confirmés, à savoir que les recourants ne précisent pas en quoi ils estiment que les calculs seraient erronés, se contentant d'une critique générale, qui s'oppose au préavis favorable de la DAC du 8 décembre 2022.

De même, concernant le sous-sol, dans son préavis du 8 décembre 2022, la DAC s'est déclarée favorable à l'application de la dérogation de l'art. 59 al. 4 LCI, sans émettre de remarque s'agissant du calcul des rapports de surface. Cette instance a notamment relevé que la SBP hors sol était fixée à 1'047.5 m2 et celle du sous-sol de 753.7 m2 dont un « parking voiture de 514.5 m2 non comptabilisé (visé art. 59 al. 10 LCI) ». En outre, dans son préavis favorable du 6 décembre 2022, la CA s'est également prononcée favorablement à l'octroi de la dérogation visée à l'art. 59 al. 10 LCI, après avoir notamment estimé, dans ses préavis précédents, que la surface du sous-sol était excessivement importante.

Concernant le calcul des CDPI, notamment s'agissant du local à poubelles et à vélos, les recourants se limitent à évoquer une prétendue impossibilité pour ledit local de contenir les vélos et ordures du projet vu sa dimension de 20 m2. Or, outre le fait que la critique des recourants n'est pas étayée, la DAC n'a émis aucune réserve concernant le calcul des CDPI du projet et, à la lumière des plans autorisés, rien ne permet de conclure que l'analyse de cette instance serait dépourvue d'objectivité ou fondée sur des considérations étrangères aux buts de la loi.

Le projet respecte en conséquence les surfaces autorisées par le droit des constructions et les dérogations accordées l’ont été de façon conforme à la loi.

10.         Les recourants invoquent des nuisances visuelles et la dangerosité de la voie d’accès sur le chemin O______. Selon eux, la circulation posait déjà problème, comme en témoignait le projet de la commune visant à restreindre le trafic par l’installation de bornes. Le projet prévoyait plus de quinze véhicules supplémentaires dans le chemin. Ils devraient manœuvrer près d’un carrefour très fréquenté, les voitures étant censées se garer l’une après l’autre via un système d’ascenseur. Moins de 5 m sépareraient l’ascenseur du chemin. Le projet entraînerait des désagréments significatifs pour les riverains et pourrait même provoquer des accidents. Le DT aurait ainsi dû refuser l’autorisation en application de l’art. 14 al. 1 LCI. Le projet causerait par ailleurs des nuisances visuelles graves aux voisins. Outre sa taille excessive, la création de terrasses ou de balcons, en toiture, serait particulièrement préjudiciable à l’intimité des riverains. Ces installations offriraient aux nouveaux propriétaires une vue directe sur les terrains adjacents. La hauteur du projet était, à teneur des plans, de 9.5 m. Les plans prévoyaient une distance de 5.9 m à la parcelle voisine alors que la distance devrait être au minimum de 8.5 m.

10.1 À teneur de l’art. 14 al. 1 LCI, le département peut refuser une autorisation de construire notamment lorsqu’une construction ou une installation peut être la cause d’inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public (let. a) ou peut créer, par sa nature, sa situation ou le trafic que provoque sa destination ou son exploitation, un danger ou une gêne durable pour la circulation (let. e).

Cette disposition appartient aux normes de protection qui sont destinées à sauvegarder les particularités de chaque zone, en prohibant les inconvénients incompatibles avec le caractère d’une zone déterminée. Elle n’a toutefois pas pour but d’empêcher toute construction dans une zone à bâtir qui aurait des effets sur la situation ou le bien-être des voisins (ATA/1103/2021 du 19 octobre 2021 consid. 18b). La construction d’un bâtiment conforme aux normes ordinaires applicables au régime de la zone ne peut en principe pas être source d’inconvénients graves, notamment s’il n’y a pas d’abus de la part du constructeur. Le problème doit être examiné par rapport aux caractéristiques du quartier ou des rues en cause (ATA/285/2021 du 2 mars 2021 consid. 8b).

La notion d’inconvénients graves est une notion juridique indéterminée qui laisse à l’autorité une liberté d’appréciation et n’est limitée que par l’excès et l’abus de pouvoir (ATA/987/2024 du 20 août 2024 consid. 6.14 et l’arrêt cité). Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, l’accroissement du trafic routier, s’il est raisonnable, ne crée pas une gêne durable pour la circulation au sens de l’art. 14 LCI ; de fait, l’accroissement du trafic engendré par de nouvelles constructions conformes à la destination de la zone ne constitue pas un inconvénient grave au sens de l’art. 14 LCI (ATA/206/2024 du 13 février 2024 consid. 6.1 et l’arrêt cité).

10.2 En l’espèce, l’OCT a demandé des compléments et des modifications lors de ses préavis des 15 mars et 13 septembre 2022, notamment en lien avec le parking souterrain. Le 22 novembre 2022, il a préavisé favorablement sous conditions, en lien avec les ascenseurs à voiture.

Le jugement du TAPI relève, à juste titre, que l’allégation des recourants selon laquelle l’accès au parking souterrain créerait un danger pour les usagers du chemin O______ n’est nullement étayée et ne repose que sur des conjectures. Le fait que des véhicules puissent devoir attendre sur ce chemin, créant ainsi un ralentissement, voire un engorgement, peut certes générer une situation plus dangereuse, mais cela n’implique pas pour autant que la situation serait à ce point dégradée en terme de sécurité routière qu’il faille annuler l’autorisation querellée. Ainsi, rien n’indique que le trafic supplémentaire engendré serait incompatible avec les caractéristiques du quartier et la sécurité des usagers, que ce soit en raison de l’accès prévu à la construction projetée ou pour d’autres motifs.

Il n’en va pas différemment d’une éventuelle péjoration de la tranquillité et de l'intimité dont les recourants jouissent à l’heure actuelle, si tant est qu’elle puisse l’être par les nuisances hypothétiques liées à l’usage privé des terrasses. Comme justement souligné par le département, les normes en matière de construction n’ont pas pour vocation de protéger l’intimité des habitants (ATA/197/2022 du 22 février 2022 consid. 4c ; ATA/498/2020 du 19 mai 2020 consid. 7b), étant relevé que l’utilisation des terrasses relève des règles de bon voisinage et de droit privé.

Il sera pour le surplus relevé que les terrasses de près de 50 m² en lien avec les attiques, situé au deuxième étage, donnent au sud-ouest. Le bâtiment étant situé au nord de la parcelle, le jardin d’une longueur de plus de 30 m, bordé d’une haie, protège l’intimité des voisins, étant précisé que plus de 10 m supplémentaires séparent la limite de propriété du bâtiment des recourants. Au nord-est, aucune terrasse de l’attique ne donne sur les propriétés de l’autre côté du chemin O______. Une terrasse, au premier étage, soit à une hauteur conforme à ce qui est construit dans la rue, est érigée. Conformément au plan 3__ (façades nord-ouest et nord-est), ladite terrasse ne se trouve qu’à 3 m du sol et non à la même hauteur que le premier étage, du côté du chemin O______, compte tenu d’un talus. Pour le surplus, la façade nord-est du bâtiment étant alignée avec les autres villas du côté impair du chemin, les recourants ne peuvent pas se plaindre d’une atteinte à leur intimité en raison de l’existence d’un premier étage, ni même de deux fenêtres dans l’attique donnant sur le chemin. Dans ces conditions, l’argument n’est pas fondé.

11.         Les recourants critiquent la distance aux limites de propriété.

11.1 Le gabarit de hauteur des constructions sises en 5e zone est réglé aux art. 60 ss LCI.

11.2 Selon l’art. 60 LCI, les constructions ne doivent en aucun cas dépasser un gabarit limité par un alignement et une ligne verticale de façade dont la hauteur est définie à l’art. 61 LCI (al. 1). Le même gabarit doit être appliqué à toutes les faces d’une construction, à l’exception des murs en attente (al. 2).

À teneur de l’art. 61, la hauteur du gabarit est calculée, par rapport aux limites de propriétés privées, conformément aux dispositions de l’art. 69 (H ≤ D + 1; al. 3). La hauteur de la ligne verticale du gabarit ne peut dépasser nulle part 10 m au niveau supérieur de la dalle, les réserves n’étant pas pertinentes en l’espèce (al. 4).

11.3 Lorsqu’une construction n’est pas édifiée à la limite de propriétés privées, la distance entre cette construction et la limite doit être au moins égale à la hauteur du gabarit diminuée de 1 m (D ≥ H – 1 ; art. 69 al. 1 LCI).

Sous réserve des dispositions des art. 67 et 68, non pertinentes en l’espèce, la distance entre une construction et une limite de propriété ne peut être en aucun cas inférieure à 5 m (D ≥ 5; art. 69 al. 2 LCI).

11.4 Pour le calcul du gabarit, le point de référence au sol est mesuré conformément aux dispositions du plan d’aménagement ou des prescriptions du département ou, à défaut, à partir du niveau moyen du terrain naturel adjacent (art. 20 al. 1 RCI).

En 5e zone, le gabarit est mesuré du niveau indiqué à l'art. 20 RCI et jusque au‑dessus de la dalle brute de couverture du dernier étage lorsqu'il s'agit d'un toit plat (art. 21 al. 2 let. c RCI).

11.5 À teneur de l’art. 242 RCI, les dispositions applicables à la distance entre bâtiment et limite de propriété, à la surface de la parcelle et aux lucarnes dans les toitures sont figurées au croquis n° VI (voir également : modes de calcul, art. 20 à 31).

Le RCI comporte en annexes les croquis I à IX : le croquis n° VI concerne la mesure du gabarit alors que le croquis n° IX concerne les « toitures et superstructures ». Il fait référence à l’art. 36 LCI, applicable aux zones 1 à 4, et à l’art. 24 RCI applicable à toutes les zones. Il distingue le gabarit réel du bâtiment et le gabarit théorique.

11.6 En l’espèce, conformément au plan B-B, la distance entre le projet et la parcelle n° 6'946 est de 6.45 m (5.9 + 0.55). La hauteur à la dalle de couverture est de 5.86 m, conformément au plan 3__ Coupe B. La distance à la limite de propriété est en conséquence respectée (6,45 m ≥ 5,86 m – 1).

Le grief n’est pas fondé.

12.         Dans un grief invoqué pour la première fois devant la chambre de céans, les recourants se plaignent que la surface des ascenseurs à voitures de 35.02 m² a été comptabilisée en tant que CDPI, alors qu’il s’agirait de SBP. Les SBP totales comptabilisaient 1’082.40 m² qui correspondraient à une utilisation du sol atteignant 45.47% et non 44%. Ils contestent la jurisprudence admettant une imprécision de 3%, en se référant à « la jurisprudence récente » du TAPI du 16 mars 2023.

12.1 Lorsque les circonstances le justifient et que cette mesure est compatible avec le caractère, l’harmonie et l’aménagement du quartier, le département peut renoncer à prendre en considération dans le calcul du rapport des surfaces, la surface de plancher : c) des garages de dimensions modestes, lorsque ceux-ci font partie intégrante du bâtiment principal (art. 59 al. 3 let. c LCI).

12.2 La surface des constructions, selon l'art. 59 LCI, comprend les constructions annexes faisant corps avec le bâtiment principal, à l’exclusion de celles qui seraient admises comme CDPI (art. 29 RCI et 3 RCI pour la définition de la CDPI).

12.3 La directive LCI n° 021 – V 8 sur le rapport des surfaces en 5e zone émise par le département le 1er mars 2013 modifiée le 30 août 2024 sur un point non pertinent en l’espèce, précise que, sous réserve des surfaces définies à l’art. 59 al. 3 LCI, les constructions annexes définies à l’art. 29 RCI ainsi que toute SBP qui est nécessaire à l’accessibilité des locaux d’habitation telles que les circulations verticales et horizontales, chauffées ou non (coursive, ascenseur, sas d’entrée vitré ou non) sont à prendre en compte.

Un schéma détaille une situation avec un garage. Ce dernier est mentionné comme étant un périmètre à prendre en compte au titre de CDPI.

12.4 La directive LCI n° 024 – V 8 sur les CDPI émise par le département le 3 février 2014 modifiée le 20 septembre 2024 sur un point non pertinent en l’espèce, précise que sont considérés comme CDPI les garages, couverts à voitures, couverts à bois, couverts de rampe de garage, notamment.

À teneur de l’art. 29 RCI, les CDPI fermées et qui ont un accès direct avec le bâtiment principal (par exemple : villa) sont considérées comme faisant partie de l’habitation et par conséquent sont régies par les art. 59 et 62 LCI.

12.5 En l’espèce, il ressort du plan B03 « calcul détaillés rapport des surfaces » que le couvert ascenseur voiture/terrasse de 35.02 m² a été considéré comme CDPI. À teneur des plans 3__/01 du rez-de-chaussée il n’est pas prévu d’accès aux bâtiments entre l’ascenseur à voiture et les habitations. Les voitures provenant du chemin O______ peuvent s’engager sur l’ascenseur à voitures, prévu pour deux places, l’une pour l’entrée, l’autre pour la sortie. Selon les plans du sous-sol (3__/4__/5__), les voitures ont accès directement au garage. Les plans 3__ de la façade nord-est indiquent que le garage serait fermé par une porte coulissante, ce que confirme l’OCT dans son préavis du 22 novembre 2022.

En conséquence, le département a, conformément à la directive n° 021, pris en compte la surface de 35 m² de l’ascenseur à voitures, surface nécessaire à l’accessibilité des locaux d’habitation telle que les circulations verticales et horizontales, chauffées ou non. Il n’a en effet pas fait application de l’al. 3 de l’art. 59 LCI.

Est litigieuse la question de savoir si la surface doit être considérée comme SBP ou CDPI. Or, la directive 021 comprend en page 2 un croquis mentionnant ce qui doit être pris en compte comme SBP et comme CDPI. Le garage dont la configuration des murs porteurs est identique au présent dossier est défini comme CDPI.

Le grief est en conséquence infondé.

En tous points infondé, le recours sera rejeté.

13.         Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 2'500.- sera mis à la charge solidaire des recourants qui succombent (art. 87 al. 1 LPA). Une indemnité de procédure de CHF 2'500.- sera allouée à K______ SA qui y a conclu, à la charge solidaire des recourants. Il n’est pas alloué d’indemnité de procédure à la L______ qui n’a pas pris de conclusions dans ce sens (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 26 mars 2024 par A______, B______ et C______, D______, E______ et F______, G______, H______, I______ et J______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 15 février 2024 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 2'500.- à la charge solidaire de A______, B______ et C______, D______, E______ et F______, G______, H______, I______ et J______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 2'500.- à K______ SA à la charge solidaire de A______, B______ et C______, D______, E______ et F______, G______, H______, I______ et J______ ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Olivier FAIVRE, avocat des recourants, au département du territoire - OAC, à la L______ SA, à Me Paul HANNA, avocat de K______ SA, ainsi qu’au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Jean-Marc VERNIORY, Michèle PERNET, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

J. PASTEUR

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :