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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/183/2022

ATA/530/2024 du 30.04.2024 ( FPUBL ) , REJETE

Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC;FONCTIONNAIRE;VIOLATIONS DES DEVOIRS DE SERVICE;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;PROPORTIONNALITÉ;POUVOIR D'APPRÉCIATION;RECONVERSION PROFESSIONNELLE
Normes : LPA.61; Cst.29.al2; RPAC.21; LPAC.20.al3; LPAC.21.al3; LPAC.22; RPAC.46; Cst.5.al2
Résumé : Compte tenu des éléments du dossier, la conduite du recourant était propre à rompre les rapports de confiance avec son employeur, de sorte que celui-ci était fondé à mettre un terme aux rapports de service. Cette mesure était nécessaire et adéquate. Pour les mêmes motifs, son employeur pouvait légitimement nourrir des doutes quant aux risques que d’autres patients pourraient courir. Cette problématique ne pouvait être résolue par le reclassement, lequel s’avérait illusoire. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/183/2022-FPUBL ATA/530/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 30 avril 2024

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Butrint AJREDINI, avocat

contre

HÔPITAUX UNIVERSITAIRES DE GENÈVE intimés
représentés par Me Marc HOCHMANN FAVRE, avocat

 



EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1972, a été engagé, dès le 1er avril 2010, en qualité d’infirmier auprès des Hôpitaux universitaires de Genève (ci‑après : HUG).

b. Les 14 juin 2010, 18 mars 2011 et 29 décembre 2011, ont eu lieu ses trois entretiens d’évaluation et de développement des compétences (ci‑après : EEDC), avant sa nomination comme fonctionnaire à partir du 1er avril 2012, par arrêté du Conseil d’État du 15 mars 2012.

Il en ressortait notamment que A______ devait améliorer son comportement et sa communication (il devait apprendre à communiquer de manière calme et constructive avec ses collègues et à gérer le stress qui l’amenait à être directif auprès de ses collègues), son autonomie, ainsi que l’organisation de son travail (priorisation des activités sur la journée de travail), ce qu’il avait fait progressivement. Au surplus, les bilans étaient positifs.

c. Les 26 juin 2015 et 26 février 2018, ont eu lieu deux nouveaux EEDC.

Les critères des connaissances professionnelles, de la qualité des prestations, du comportement et de la communication devaient être améliorés. A______ devait gagner en précision dans le déroulement des soins techniques ; s’assurer, en tant que « référent douleur de l’unité » de la mise en application des consignes et transmettre de manière plus active les décisions prises ; être vigilant à la gestion de son stress lors de charges de travail importantes ou de situations de soins complexes ; éviter de s’endormir pendant les cours. Ces points avaient été améliorés, à l’exception de la gestion du stress qui rendait son expression verbale difficile lorsqu’il se sentait submergé (soit émotionnellement, soit par la charge de travail et qui avait notamment impliqué un conflit avec un médecin).

d. Après l’obtention du Certificate of Advanced Studies (ci-après : CAS) en oncologie et soins palliatifs le 31 janvier 2019, A______ a bénéficié d’une annuité supplémentaire dès le 1er avril 2019.

À partir du 1er septembre 2019, il a été transféré du service de médecine interne de réhabilitation - Beau-Séjour - unité 2BK département de réadaptation et gériatrie, au service de médecine interne de réhabilitation - Beau-Séjour - unité 2AK département de réadaptation et gériatrie (ci-après : unité 2AK).

Le 1er janvier 2020, une nouvelle annuité lui a été accordée en raison de la réussite de son CAS.

e. Le 29 mars 2020, a eu lieu le dernier bilan bisannuel de A______ dont la notation était globalement bonne.

Selon le document y relatif, il possédait notamment une bonne capacité d’organisation et priorisait ses soins. Face aux imprévus, aux rythmes de travail qui s’accéléraient et aux situations d’urgence, il devait apprendre à se recentrer sur la situation. Il convenait qu’il structure son raisonnement et prépare ses transmissions au médecin. Il avait été confronté à une situation conflictuelle avec une collègue de travail, à l’issue de laquelle il s’était engagé à prendre en compte les problèmes ou opinions des autres, à moduler sa communication et à développer la maîtrise de soi, de son attitude et de son comportement. Il améliorait la gestion de son stress, mais devait apprendre à résister aux pressions, à persister positivement afin d’être en mesure de maintenir un climat de confiance avec les patients et les collègues.

Lui-même a indiqué être satisfait de ses relations avec ses collègues, bien qu’il pût parfois y avoir des sujets d’incompréhension. Il entretenait des rapports convenables avec les patients, les visiteurs et les clients internes.

f. Le 26 octobre 2020, B______, infirmière responsable d’équipe de soins (ci-après : IRES), lui a fixé des objectifs supplémentaires, prenant en considération ses « difficultés communicationnelles ».

B. a. Le 7 juin 2018, une procédure pour un événement indésirable grave (ci-après : EIG) a été ouverte à l’encontre de A______.

Le 3 juin 2018, la patiente T. avait informé une infirmière que le 1er juin 2018, en début de nuit, « l’infirmier de nuit l’[avait] embrassé, qu’elle l’[avait] repoussé contre l’armoire et qu’il [n’était] plus revenu vers elle ensuite ». L’organisation du travail avait été modifiée, de sorte que l’infirmier n’avait plus revu la patiente T. avant le changement d’unité de celle-ci.

Faute d’élément convaincant ressortant de l’enquête interne à l’encontre du collaborateur, dite procédure a été close le 11 juin 2018.

b. Le 12 mars 2021, la patiente P. s’est plainte des paroles et du comportement de A______ à son égard la veille.

Au moment des soins, les infirmières avaient trouvé la patiente P. en pleurs et choquée. Selon celle-ci, « quand il [était] arrivé dans la chambre, il [était] resté cinq minutes avec les autres patientes, bien plus malades [qu’elle]. Pour [elle], il [était] resté bien plus longtemps. Lorsqu’il a[vait] posé le patch de Flector, il a[vait] passé sa main avec un geste de massage sur [sa] cuisse. Les autres infirmières le coll[aient] et c’[était] tout. Ensuite, il a[vait] dû faire la piqûre. Il [lui] a[vait] dit : vous la voulez où ? Sur la cuisse, le bras, le ventre ? [Elle avait] répondu que ça [lui] [était] égal. Il [lui] a[vait] dit : vous n’avez pas envie dans le vagin ? [Elle] [était] restée bloquée, sans voix […]. Finalement, il a[vait] fait l’injection dans la cuisse […]. Il [prenait] toujours plus de temps avec [elle] qu’avec les autres, c’[était] toujours compliqué avec son comportement : il [lui] [disait] ma chérie, c’est dommage que tu ne sois pas ma femme. Hier, avant de faire ce qu’il a[vait] fait, il [lui] a[vait] dit : c’est cool, tu pourras baiser toute la journée ce week-end, il sera content ton mari quand tu vas rentrer, il a de la chance ton mari, j’aimerais bien être à sa place. Parfois, il [la] tuto[yait], des fois il [la] vouvo[yait] et d’autres fois, il [l’appelait] par [son] prénom. Il a[vait]] toujours des gestes style faire l’amour, il [lui] parl[ait] tout près pour que les autres patientes n’entendent pas, avec les rideaux tirés. Il oubli[ait] souvent de [lui] apporter [ses] médicaments. Hier, il a[vait] répondu quand [elle] avait sonné, et il n’a[vait] pas dit à l’infirmière du matin qu’[elle] avait demandé un médicament ».

La patiente P. s’est entretenue de ces faits avec l’IRES, C______ et le docteur D______, médecin adjoint responsable d’unité.

c. Par courriel du même jour, l’IRES a informé les RH qu’une collaboratrice lui avait rapporté que la patiente F. avait manifesté à deux reprises durant son hospitalisation, ne plus vouloir être prise en soin par A______. Lorsqu’elle s’était entretenue avec la patiente F., celle-ci lui avait indiqué : « il y a eu des choses très embarrassantes durant mon séjour. Je dois réfléchir si je vous en parle, j’ai peur des conséquences sur la suite de mon hospitalisation. De toute façon, je ne donnerai pas de nom, de toute ma carrière professionnelle, je n’ai jamais dénoncé personne ».

L’IRES a alors signalé formellement un nouvel EIG.

d. Ce jour-là encore, un entretien a eu lieu entre A______, l’IRES et E______, responsable des ressources humaines (ci-après : RRH), lors duquel les faits précités lui ont été communiqués.

L’infirmier les a réfutés. Il avait été accusé une fois par la patiente T. à tort. Selon lui, la patiente P. avait une humeur changeante et était dépressive. Il appelait toutes les patientes « princesse » pour « mettre une bonne ambiance ».

Compte tenu des versions contradictoires, le RRH ouvrait une enquête. A______ avait été « mis en récupération » le jour même, soit le vendredi, ainsi que les lundi et mardi suivants.

e. Par courriel au RRH du 16 mars 2021, A______ a derechef contesté les faits reprochés. Il en était traumatisé et souffrait de ces accusations. Il expliquait le déroulement des faits le soir du 11 mars 2021, en confirmant n’avoir touché aucune partie du corps de la patiente P., autre que les sites de l’injection et de la pose du patch.

f. Le même jour, il a été convoqué à un entretien de service prévu le 22 mars 2021, reporté à sa demande au 26 avril 2021, date à laquelle il a finalement été effectué par écrit par l’IRES et le RRH, vu l’incapacité de travail de l’intéressé depuis le 18 mars 2021.

Il lui était reproché une insuffisance des prestations et une potentielle infraction aux devoirs du personnel, en particulier vu la plainte de la patiente P., selon laquelle il aurait tenu des propos à caractère sexuel inappropriés à son égard et adopté une attitude inadaptée.

g. Par courrier recommandé du 7 mai 2021, l’IRES lui en a transmis le compte rendu écrit, en lui impartissant un délai pour faire part de ses observations.

Selon ledit document, en plus de la plainte de la patiente P., six entretiens avaient été effectués avec l’intéressé sur une période d’une année à la suite d’insuffisances de prestations. Des incidents avaient démontré des difficultés communicationnelles impactant la qualité des soins prodigués aux patients. Les événements en question étaient les suivants : mars 2020 (situation conflictuelle avec une collègue, entretien de résolution de conflit et définition d’objectifs), 30 juillet 2020 (évaluation et définition d’objectifs de progression sur la communication), octobre 2020 (non‑respect de la procédure institutionnelle de soins DAVI le 1er octobre 2020, plainte de la patiente D. le 20 octobre 2020 au sujet d’une prise de sang, fixation de nouveaux objectifs le 26 octobre 2020, perte de moyens dans la prise en charge d’un patient instable le 27 octobre 2020 et nouvel entretien avec la hiérarchie le 30 octobre 2020), le 12 mars 2021 (plainte de la patiente P. avec suivi et enquête interne). Les faits dénoncés étaient susceptibles de conduire à une résiliation des rapports de service pour motif fondé ou à une sanction disciplinaire.

h. Dans ses observations du 7 juin 2021, A______ a contesté l’existence d’un motif fondé de résiliation.

Selon ses EEDC et bilans d’évaluation, il avait toujours effectué son travail à l’entière satisfaction de ses supérieurs hiérarchiques depuis plus de 12 ans. En cas de remarques, il veillait à tout mettre en œuvre pour améliorer ce qui lui était demandé, satisfaire les besoins des patients et les consignes de la hiérarchie. Il avait suivi plusieurs formations afin de progresser. Il avait appris à gérer les tâches qui lui étaient confiées et à faire face au stress qu’impliquait son métier. N’ayant jamais eu de conflit avec ses supérieurs hiérarchiques ou ses collègues causant une rupture du lien de confiance au sein du service, une résiliation de ses rapports de service serait disproportionnée. Les reproches qui étaient faits dans le cadre de l’entretien de service remontaient pour la plupart au mois d’octobre 2020 tandis que, depuis lors, il avait tout mis en œuvre pour s’améliorer.

L’entretien de service violait son droit d’être entendu dans la mesure où il ne semblait pas tenir compte de ses déterminations du 16 mars 2021. Aucune enquête n’avait été mise en place en vue de comprendre le déroulement des faits suivant la plainte de la patiente P. alors que celle-ci était atteinte de troubles psychiatriques.

i. Par courriel du 14 juillet 2021, le Dr D______ a confirmé à l’IRES que le dossier de la patiente P. ne contenait pas d’éléments susceptibles de faire penser à « des hallucinations ou une altération psychiatrique suffisamment sévère pour mettre en doute sa parole ».

j. Par décision du 22 novembre 2021, déclarée exécutoire nonobstant recours, les HUG ont résilié les rapports de service de A______, avec effet au 28 février 2022, pour motif fondé, insuffisance de prestations engendrant une inaptitude à remplir les exigences du poste d’infirmier, au sein du service des soins du support 7FL du département d’oncologie.

Cette décision se justifiait au vu de son comportement relevant du harcèlement sexuel à l’égard d’une patiente, auquel s’ajoutaient des difficultés de communication avec les patients et ses collègues, affectant la qualité des soins prodigués aux patients, ainsi que ses difficultés à établir un climat de confiance avec ses collègues et à gérer le stress. Vu les faits reprochés lors de l’entretien de service du 26 avril 2021 et le risque d’atteinte dans un autre service, le reclassement ne se justifiait pas in casu. L’intéressé était libéré de son obligation de travailler.

C. a. Par acte du 10 janvier 2022, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, en concluant, principalement, à son annulation, au constat du caractère infondé de son licenciement, à ce que sa réintégration soit ordonnée et à ce que les HUG soient condamnés à lui payer son traitement dès le 28 février 2022, ainsi que l’annuité supplémentaire, avec intérêts à 5% l’an dès le 28 février 2022. Subsidiairement, en cas de refus de réintégration de la part des HUG, il demandait qu’il soit constaté que son licenciement était contraire au droit et que ceux-ci soient condamnés à lui verser une indemnité équivalant à 24 mois de traitement avec intérêts à 5% l’an dès le 28 février 2022. Préalablement, il sollicitait la restitution de l’effet suspensif, à ce qu’il soit ordonné aux HUG de maintenir le paiement de son traitement au-delà du 28 février 2022 et de lui octroyer l’annuité 2022, ainsi que l’audition de témoins.

Il maintenait, pour les motifs déjà exposés, que la résiliation de ses rapports de service était abusive, contraire au droit, et disproportionnée. De même, aucune sanction disciplinaire n’apparaissait proportionnée, les reproches formulés dans le cadre de l’entretien de service datant du mois d’octobre 2020, période du pic de la crise sanitaire, et compte tenu du fait que depuis lors, il avait tout mis en œuvre pour s’améliorer. Malgré les motifs invoqués à l’appui du licenciement, aucune enquête n’avait été effectuée. Sa réintégration devait être ordonnée.

Son droit d’être entendu avait été violé. Son courriel du 16 mars 2021 n’était pas annexé à l’entretien de service écrit, tandis que la note du 12 mars 2021 l’était. Aucune enquête n’avait été mise en place en vue de comprendre le déroulement des faits allégués par la patiente P., malgré les souffrances psychiatriques de celle-ci. Alors qu’il avait expressément demandé que l’entretien de service fût effectué « en présentiel », à la fin du mois de mai 2021, les HUG avaient procédé à un entretien en la forme écrite, sans lui répondre. Bien qu’il eût pu formuler des observations par courrier du 7 juin 2021, une enquête administrative aurait dû avoir lieu, au vu des graves accusations formulées à son encontre, d’autant plus que le courrier de licenciement mentionnait un comportement « relevant du harcèlement sexuel ».

Pour les mêmes motifs, la décision querellée violait les principes de proportionnalité, de légalité et d’arbitraire. Les HUG n’avaient aucunement, préalablement à la résiliation, proposé des mesures de développement et de réinsertion professionnels, ni recherché si un autre poste au sein de l’administration cantonale correspondait à ses capacités.

Étaient notamment joints les documents suivants :

- une attestation des HUG du 22 juin 2016 en vue de sa demande de naturalisation indiquant qu’il était « un collaborateur très apprécié tant par sa hiérarchie que par ses collègues » et qu’il n’avait « jamais posé de problème dans le cadre de son travail » ;

- divers certificats médicaux attestant de son incapacité de travail du 18 mars 2021 au 31 janvier 2022.

b. Par décision du 28 février 2022, la chambre administrative a rejeté la requête de restitution de l’effet suspensif.

c. Les intimés ont conclu au rejet du recours.

Signée par le directeur général et le directeur des RH des HUG, ainsi qu’à l’échéance de la période de protection contre le congé en temps inopportun, la décision querellée avait été valablement notifiée.

Quant à l’événement du 1er juin 2018, l’enquête interne n’avait pas permis de retenir des éléments convaincants contre le recourant. La deuxième plainte relative à l’événement du 11 mars 2021 apportait toutefois rétrospectivement un éclairage autre à ce sujet. Le recourant considérait à tort que les antécédents médicaux et psychiatriques de la patiente P. ne permettaient pas de juger crédible sa plainte. D’une part, le fait qu’une personne eût des antécédents psychiatriques ne signifiait pas que ses dires n’étaient pas crédibles. D’autre part, les soignants avaient été unanimes sur le fait que la patiente P. l’était, ce que le Dr D______ confirmait. La réalité des faits reprochés apparaissait d’autant plus avérée que sa hiérarchie avait été informée d’une troisième situation avec un comportement à connotation sexuelle qui avait eu lieu en 2019 avec une infirmière, alors stagiaire, qu’il avait tentée d’embrasser, puis de la situation de la patiente F. ne voulant plus être prise en soins par le recourant en raison de « choses très embarrassantes » qui s’étaient produites durant son séjour. Cette convergence de plaintes ne laissait subsister aucun doute sur la réalité du comportement reproché au recourant, malgré ses dénégations. La clôture de l’événement de 2018, le doute devant profiter au recourant, ne signifiait pas qu’il eût acquis force de chose jugée. Une enquête interne avait bien été menée concernant la plainte du 12 mars 2021. Dans le cadre de celle-ci, les dires de la patiente P. avaient été jugés crédibles et d’autres problèmes étaient remontés à sa hiérarchie. Il n’était pas contesté qu’une enquête administrative n’avait pas été ouverte. Ils avaient toutefois le choix d’y renoncer, ainsi qu’à la révocation, au profit de la voie du licenciement pour motif fondé. Ce comportement reproché aux dépens de la patiente P., hospitalisée dans une unité d’oncologie particulièrement vulnérable, rompait tout lien de confiance.

Le parcours professionnel du recourant avait démontré d’importantes carences dans son comportement à l’égard de ses collègues et des patients, lesquelles avaient subsisté malgré des objectifs réitérés et des entretiens « de recadrage ». Il était erroné de prétendre qu’il avait toujours effectué le travail confié à l’entière satisfaction de ses supérieurs hiérarchiques. Il avait manqué de professionnalisme de manière récurrente à l’égard de ses collègues. Ses problèmes de comportement avaient également affecté des patients. En revanche, aucun élément ne permettait de corroborer sa thèse selon laquelle il aurait été victime d’un acharnement.

Vu le comportement reproché, aucun reclassement n’était envisageable, afin d’éviter de reporter dans un autre service les comportements reprochés au recourant.

Conformément aux bases légales applicables et vu l’absence pour cause de maladie du recourant, l’entretien de service avait été mené en la forme écrite. Avant d’y procéder, le recourant avait été convoqué et il avait demandé son report à deux reprises, sans indiquer la fin prévisible de son incapacité. Ils avaient ainsi procédé par le biais d’un entretien de service écrit, dont le compte rendu lui avait été transmis avec un délai pour se déterminer. Une enquête interne avait été menée, dans le cadre de laquelle le recourant avait été reçu, avait été informé des faits reprochés et pu se prononcer à leur sujet. Son droit d’être entendu avait été respecté.

d. Le recourant a répliqué en persistant dans ses conclusions. En outre, il sollicitait l’audition de l’ensemble des médecins, psychologues et psychiatres ayant suivi la patiente P. afin de déterminer la crédibilité de ses déclarations, la production de la part des intimés de tout document interne en lien avec l’état de santé de celle-ci ainsi qu’une copie de son dossier médical pour déterminer ses antécédents médicaux.

Il n’avait jamais été entendu pour les deux autres situations évoquées avec une stagiaire devenue infirmière et une autre patiente. Il convenait d’entendre l’infirmière l’accusant d’avoir tenté de l’embrasser. Aucune plainte pénale n’avait été déposée à son encontre. Il se sentait épié depuis son entrée au service d’oncologie et particulièrement depuis le mois de mars 2020. Il avait le sentiment que les intimés étaient à la recherche du moindre motif pour le licencier. Depuis son départ, son entourage professionnel savait qu’il était accusé de harcèlement sexuel. Il se sentait victime de « mobbing ». La patiente P. était décédée le ______ 2022. Le 23 février 2022, il avait déposé une plainte pénale pour diffamation. La décision querellée portait atteinte à ses intérêts financiers dans la mesure où il devait subvenir aux besoins de sa famille, sans dédommagement du chômage.

Prétendre désormais que l’événement du 11 mars 2021 apporterait un éclairage rétrospectif à la plainte du mois de juin 2018 était calomnieux et diffamatoire. Vu son contenu, le courriel du Dr D______ du 14 juillet 2021 n’était pas un élément suffisamment probant permettant d’attester que les déclarations de la patiente P. étaient crédibles. Il avait probablement été victime de racisme de la part de cette dernière. Il contestait tous les faits reprochés. Aucune des accusations subséquentes à l’événement du 11 mars 2021 n’était établie par des pièces. Les éléments qui ne lui avaient pas été exposés et sur lesquels il n’avait pas été entendu ne pouvaient être retenus à son encontre. Concernant le problème avec la patiente D., il avait pris en considération les reproches de sa hiérarchie et expliqué que celle‑ci avait refusé dans un premier temps que la prise de sang soit réalisée par lui comme il avait rencontré des difficultés avec la pose d’une aiguille DAVI auparavant. Le boîtier de celle-ci était mal positionné et avait été retiré quelques jours plus tard. Son « abandon de poste » était contesté et relevait d’un malentendu.

Son cas n’était pas comparable à celui d’un « reclassement illusoire », puisqu’il avait atteint tous les objectifs fixés de manière suffisante pour le poste occupé, sans avoir eu d’entretiens dits de « recadrage ».

Il n’avait pas été confronté à la patiente P. et n’avait pas pu participer à l’enquête interne. Les éléments ressortant des plaintes d’une patiente en 2019 et d’une collègue qu’il aurait essayé d’embrasser n’avaient pas été évoqués dans le cadre de son entretien de service écrit.

Était notamment joint un courrier de l’OCPM du 22 février 2022 attestant du décès de la patiente P. le 10 janvier 2022.

e. Les intimés ont dupliqué en maintenant leur position.

Les motifs du licenciement n’avaient pas été divulgués aux autres collaborateurs. Les actes d’enquête sollicités n’étaient pas utiles puisque les soignants avaient été unanimes sur le fait que le témoignage de la patiente P. était crédible, ce que le Dr D______ avait confirmé après avoir à nouveau consulté les rapports psychiatriques figurant au dossier médical de la patiente. Le fait que le recourant ait déposé plainte pénale – sans en apporter la preuve –, un jour après avoir appris le décès de la patiente P., surprenait.

L’absence de plainte pénale de la part de la patiente T. pour les faits de 2018 n’enlevait rien au fait qu’elle avait rapporté le comportement de nature sexuelle de la part du recourant dans le but qu’ils prennent les mesures nécessaires. Au terme de l’enquête interne, la procédure avait été close faute d’éléments suffisants, mais il n’avait alors pas été « blanchi ». La crise sanitaire n’expliquait ni ne permettait d’accepter le comportement du recourant lors de l’altercation avec une collègue du 3 mars 2020.

Si le recourant avait pu ne pas avoir été informé de plaintes de la patiente F. et d’une collègue qu’il aurait tenté d’embrasser, il avait dorénavant pu se déterminer à ce sujet dans le cadre de son recours, et l’éventuelle violation de son droit d’être entendu être réparée.

f. Des audiences de comparution personnelle des parties et d’enquêtes ont eu lieu les 28 septembre 2023, 29 janvier et 21 février 2024.

f.a. Le recourant a indiqué travailler depuis le 2 novembre 2022 auprès des établissements publics pour l’intégration (ci-après : EPI) avec des personnes en situation de handicap physique et psychique. Il avait été en arrêt de travail du 18 mars 2021 jusqu’au 28 février 2022. Dès le 18 mars 2021, il avait été suivi par un médecin psychiatre et une psychologue. Seules les consultations avec le premier se poursuivaient trimestriellement. Les symptômes ressentis à la suite des événements disparaissaient progressivement. Il diminuait son traitement médicamenteux. Il envisageait de commencer un CAS en soins palliatifs pour personnes âgées. Il ne souhaitait plus être réintégré aux HUG. Il était déjà référent pour les soins palliatifs aux EPI et sa nomination était prévue pour le mois d’août 2024. Le chômage l’avait sanctionné d’une suspension pendant deux mois. 

Il a déposé de nouvelles pièces, à savoir :

- son EEDC du 3 novembre 2023 après neuf mois de travail auprès des EPI, lequel était très positif et indiquait que les objectifs fixés avaient été atteints ;

- une attestation du docteur F______, psychiatre, du 6 octobre 2023, indiquant que le recourant bénéficiait d’un suivi psychiatrique et psychologique depuis le 18 mars 2021, lequel était désormais ponctuel ;

- une décision de la commission du secret professionnel du 12 avril 2022, l’autorisant à transmettre à toute autorité judiciaire qui aurait à traiter de son licenciement et de sa plainte pénale, les seuls éléments pertinents de sa prise en charge infirmière de la patiente P. tels qu’il les avait décrits.

f.b. Les éléments suivants ressortent des auditions des témoins :

- G______, aide en soins et accompagnement au service d’oncologie, a confirmé que le recourant l’avait traitée une fois de « Brésilienne de merde », alors qu’il était fâché car elle n’avait pas pu préparer la chambre d’une patiente, faute d’avoir été informée de son admission. À la fin de la journée de travail, elle avait pensé pouvoir en rediscuter avec lui, mais il était alors très nerveux et furieux, s’était penché vers elle et parlait fort. Elle avait eu très peur de lui, était partie et avait pleuré. Un entretien avec leur cheffe et le recourant avait eu lieu pour apaiser la situation.

Elle avait également trouvé la patiente P. en pleurs au moment des soins en présence de l’infirmière. Elle avait directement parlé à la patiente P. après les faits, lesquels étaient ceux tels que retenus dans l’entretien de service. Celle-ci était dépressive. Présente lors de l’incident du 27 octobre 2020, elle a expliqué que le recourant avait alors perdu ses moyens et été dans l’incapacité de rester. Après avoir dit être désolé de ne pas avoir été à la hauteur, il avait poursuivi son travail l’après-midi qui s’était bien déroulé. Si les explications fournies par le recourant le 16 mars 2021 constituaient un autre éclairage, cela ne modifiait pas son appréciation sur ceux-ci. Par la suite, une infirmière lui avait spontanément dit qu’une patiente lui avait indiqué ne plus souhaiter être prise en charge par le recourant. Elle était immédiatement allée voir cette patiente qui lui avait uniquement dit qu’il s’agissait d’une « chose embarrassante » en la regardant comme si elle allait comprendre. Une autre infirmière était également venue la voir spontanément après l’incident avec la patiente P. pour lui dire que le recourant avait tenté de l’embrasser quelques temps auparavant lorsqu’elle était encore stagiaire. D’une manière générale, le recourant était très motivé à son entrée en oncologie, réceptif aux remarques et capable de se remettre en question. Puis, des incidents ou des récidives s’étaient produits et les objectifs fixés n’étaient pas atteints. Il avait donc fallu mettre en place un suivi, qui n’avait pas empêché de nouveaux incidents ;

- le RRH a expliqué que la patiente P. s’était plainte auprès d’une soignante, avant d’être entendue par une responsable, puis la responsable des soins du département d’oncologie et enfin le médecin responsable de l’unité. L’ensemble lui avait été rapporté et la patiente P. avait pu lui redire les faits, ce qui ressortait du compte rendu de l’entretien de service. Lorsqu’il avait convoqué le recourant le 12 mars 2021, celui-ci était dans un état de stress important avec de la peine à s’exprimer. Il n’avait jamais eu affaire à ce genre de situation depuis son entrée en fonction en 2001. Les mesures prises consistaient à se renseigner sur la situation et l’éventuelle existence de faits antérieurs. Dans le cadre de l’enquête, différentes problématiques lui avaient été remontées, lesquelles étaient indiquées dans l’entretien de service. Il avait pris en compte les EEDC qui étaient « assez bons ». L’idée avait toujours été de motiver le recourant à améliorer sa relation avec les collègues et sa capacité à gérer le stress ;

- Selon H______, IRES au service de médecine interne et de réadaptation, l’évolution du recourant était, dans l’ensemble, bonne au cours de leurs années de collaboration, de 2015 à 2019. À l’exception d’un seul conflit avec un médecin, le recourant entretenait de bonnes relations avec ses collègues de travail. Il avait lui-même souhaité effectuer un CAS et elle y était favorable en vue d’évoluer et d’enrichir ses compétences. En 2018, elle était de garde lorsqu’une infirmière l’avait appelée pour lui dire que la patiente T. se plaignait de faits. Après l’avoir interrogée, elle avait pris des mesures pour la protéger, ainsi que le recourant, et en avait informé sa supérieure. Lorsqu’elle avait demandé à son équipe s’il y avait eu d’autres faits, personne n’en avait soulevé. C’était la première fois qu’elle recevait une telle plainte. Le recourant avait été accueilli à son retour après deux mois d’absence à la suite de ces événements. D’après ses souvenirs, la patiente T. se plaignait du fait que le recourant l’avait embrassée ou avait essayé de le faire. Le recourant avait contesté les faits. Tous deux avaient été vus en entretien. La patiente T. était très affectée et avait consulté plusieurs médecins ;

- la docteure I______, cheffe de clinique au service d’oncologie à l’époque des faits, n’avait rencontré aucun problème avec le recourant. Elle n’avait pas imputé au recourant l’incident du 20 octobre 2020, dans la mesure où il arrivait que des patients vivent mal une situation de soins ;

- B______ a confirmé les différentes pièces produites par les intimés et le fait que l’entretien de service retraçait selon elle correctement les différents incidents qui avaient impliqué le recourant. Elle avait recueilli la plainte de G______ et procédé à « l’entretien de recadrage » du recourant, en lui indiquant que cela ne devait pas se reproduire. S’agissant du problème de la pose de l’aiguille dans le DAVI, le recourant l’avait d’abord nié avant de le reconnaître. Il avait reconnu ne pas avoir respecté la procédure, à savoir qu’après deux tentatives, il convenait de demander l’aide d’une infirmière spécialisée dans les accès veineux. Le non-respect de cette procédure impliquait un risque infectieux pour le patient. Elle n’avait pas été présente lorsque la patiente D. s’était plainte du comportement du recourant. Le médecin responsable du service d’oncologie lui avait relaté les faits. Le recourant avait reconnu les faits lorsqu’elle lui en avait parlé. Il ne s’était toutefois pas rendu compte de l’impact de son attitude sur la patiente, de sorte qu’elle avait ensuite reformulé les objectifs en matière de communication et de gestion du stress ;

- J______, infirmier au service d’oncologie, connaissait le recourant avant son entrée en fonction aux HUG. Depuis leur collaboration, leurs liens s’étaient renforcés dans le contexte professionnel. Les relations du recourant avec ses collègues étaient plutôt tranquilles. Il aimait bien plaisanter. Il n’avait pas eu de patients qui s’étaient plaints de lui. Le recourant ne lui avait jamais fait part de difficultés qu’il aurait pu rencontrer avec le personnel des HUG ou des patients ;

- le Dr D______ n’avait pas de remarque particulière sur son travail, à l’exception de deux épisodes. D’une part, deux filles d’une patiente reprochaient au recourant une erreur dans la dispense d’un traitement de chimiothérapie. Il avait dû intervenir car le ton était monté et le recourant avait adopté une attitude qui avait heurté les proches. Le dosage n’était effectivement pas correct et relevait d’une erreur de préparation de la part du recourant. Lors de la discussion qui s’en était suivie, le comportement du recourant montrant des signes d’agacement et d’énervement, était difficile, ce qui n’était pas approprié au vu de la situation. Cet épisode se situait aux environs de fin 2019/début 2020. D’autre part, la patiente P. s’était plainte d’un comportement inapproprié de la part du recourant en mars 2021. Comme elle refusait de le revoir, l’infirmière responsable des soins avait décidé qu’il ne devait plus s’occuper d’elle. Elle avait accompagné le recourant à un entretien avec les RH. Puis, l’infirmière responsable du département et lui-même étaient allés voir la patiente P., laquelle était assez émotive et anxieuse par rapport à cet événement. Il n’avait aucune raison de penser que la patiente P. aurait eu un problème de perception de la réalité, ni un problème de capacité de discernement. La patiente P. lui paraissait crédible. Aucune raison médicale ou incohérence dans ses propos ne lui avait fait douter de la véracité de ceux-ci. À sa connaissance, elle ne s’était pas plainte du comportement d’autres personnes durant son hospitalisation, au contraire.

f.c. Au terme de l’instruction, les parties ont maintenu leurs demandes d’audition de témoins et leurs conclusions. Elles ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 31 al. 1 et 32 al. 6 et 7 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 - LPAC - B 5 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit de la décision des HUG résiliant les rapports de service du recourant pour motif fondé ainsi que pour insuffisance de prestations conduisant à une inaptitude à remplir les exigences du poste d’infirmier.

3.             À titre liminaire, le recourant sollicite l’audition de témoins. Dans sa duplique, il a également demandé l’audition des médecins ayant suivi la patiente P., la production de la part des HUG de tout document interne en lien avec l’état de santé de celle‑ci, ainsi qu’une copie de son dossier médical. En outre, au terme de l’instruction, les parties ont maintenu leurs demandes d’audition de témoins.

3.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas la juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier si elle acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d’obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que la juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 142 III 433 consid. 4.3.2 ; 141 III 28 consid. 3.2.4). En outre, il n'implique pas le droit à l’audition orale ni à celle de témoins (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1).

3.2 En l’espèce, il ressort du dossier qu’une copie du dossier personnel du recourant a été produite dans le cadre de la présente procédure, de sorte que ses EEDC y figurent, ce qu’il ne conteste pas. Par ailleurs, l’ensemble des notes d’entretiens effectués à la suite de la plainte de la patient P. du 11 mars 2021 ont été produites, de même que le compte rendu écrit de l’entretien de service du 26 avril 2021.

Concernant la plainte du 11 mars 2021, les infirmières ayant recueilli les premières réactions de la patiente P. le lendemain des faits ainsi que le Dr D______ qui l’a suivie ont été entendus. Il s’agit des personnes ayant eu à connaître directement de cette situation. Le RRH a également expliqué la manière dont la procédure s’est déroulée à la suite de la découverte de ces faits, ayant au demeurant lui-même convoqué le recourant à l’entretien du 12 mars 2021.

Quant aux autres faits, les personnes ayant directement été visées par ceux-ci ont également été entendues, de même qu’un collègue de travail, proche du recourant. Ainsi, H______ a recueilli la plainte de la patiente T. le 3 juin 2018, la Dre I______ celle de la patiente D. et G______ a vécu une situation conflictuelle avec le recourant.

Compte tenu de ces éléments, il n’apparaît pas que l’audition d’autres témoins permettrait d’apporter des précisions supplémentaires nécessaires pour trancher le litige. De même, au vu des développements qui vont suivre, rien ne justifie de s’immiscer autant que le requiert le recourant dans la situation médicale de la patiente P. dès lors que les infirmières et le Dr D______, en se basant lui‑même sur son dossier médical, ont pu s’exprimer sur la crédibilité de celle-ci.

Finalement, les parties ont pu largement se déterminer par écrit et s’exprimer lors des audiences afin de faire valoir leurs points de vue respectifs. Il s’ensuit que la chambre de céans est en possession d’un dossier complet, en état d’être jugé.

Par conséquent, il ne sera pas fait droit aux demandes d’actes d’instruction complémentaires des parties.

4.             Le recourant invoque une violation de son droit d’être entendu dans la mesure où il n’avait pas été valablement entendu préalablement à la décision querellée.

4.1 Le droit d’être entendu comprend également le droit pour la personne concernée de s’expliquer avant qu’une décision ne soit prise à son détriment et celui d’avoir accès au dossier. En tant que droit de participation, le droit d’être entendu englobe donc tous les droits qui doivent être attribués à une partie pour qu’elle puisse faire valoir efficacement son point de vue dans une procédure (ATF 148 II 73 consid. 7.3.1 ; 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_700/2022 du 28 novembre 2022 consid. 3 et les références).

4.2 En matière de rapports de travail de droit public, la jurisprudence admet que des occasions relativement informelles de s'exprimer avant le licenciement peuvent remplir les exigences du droit constitutionnel d'être entendu, pour autant que la personne concernée ait compris qu'une telle mesure pouvait entrer en ligne de compte à son encontre (ATF 144 I 11 consid. 5.3 in fine ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_176/2022 du 21 septembre 2022 consid. 4.1). La personne concernée ne doit pas seulement connaître les faits qui lui sont reprochés, mais doit également savoir qu'une décision allant dans une certaine direction est envisagée à son égard (arrêt du Tribunal fédéral 8C_158/2009 du 2 septembre 2009 consid. 5.2, non publié aux ATF 136 I 39, et les arrêts cités).

4.3 La violation du droit d’être entendu doit en principe entraîner l’annulation de la décision attaquée, indépendamment des chances du recourant sur le fond (ATF 141 V 495 consid. 2.2 ; 140 I 68 consid. 9.3 ; 135 I 279 consid. 2.6.1). Une réparation devant l’instance de recours est possible si celle-ci jouit du même pouvoir d’examen que l’autorité intimée (ATF 137 I 195 consid. 2.3.2 ; 133 I 201 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_302/2018 du 14 mars 2019 consid. 2.1). Le recours à la chambre administrative ayant un effet dévolutif complet, celle-ci dispose d’un libre pouvoir d’examen en fait et en droit (art. 61 LPA). Celui-ci implique la possibilité de guérir une violation du droit d’être entendu, même si l’autorité de recours n’a pas la compétence d’apprécier l’opportunité de la décision attaquée (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral du 12 mai 2020 8C_257/2019 consid. 2.5 et les références citées), sous réserve que ledit vice ne revête pas un caractère de gravité (arrêts du Tribunal fédéral 8C_541/2017 du 14 mai 2018 consid. 2.5). La réparation d’un vice de procédure en instance de recours peut se justifier en présence d’un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2).

4.4 En l’occurrence, à la suite de l’entretien du 12 mars 2021 entre le RRH et le recourant – lequel a fait l’objet d’une note écrite du premier que le second ne conteste pas –, l’intéressé s’est derechef déterminé par écrit dans son courriel du 16 mars 2021, produit dans le cadre de la présente procédure.

Par la suite, le recourant a été convoqué à un entretien de service dont la date a été reportée à sa demande à deux reprises. En raison de son incapacité de travail à durée indéterminée, un nouvel entretien de service « en présentiel » ne pouvait raisonnablement être convoqué à défaut de savoir quand le recourant serait en mesure d’y participer. Le RRH n’avait donc d’autre alternative que celle d’effectuer un entretien de service par écrit, en transmettant ledit document au recourant afin que celui-ci puisse se déterminer, comme il l’a fait dans ses déterminations du 7 mai 2021. La procédure a donc été respecté in casu.

Cela étant dit, bien que le document en question contienne une énumération précise de l’ensemble des faits qui sont reprochés au recourant, force est de constater que la plainte de la patiente F. de 2019, ainsi que le fait qu’il aurait tenté d’embrasser une collègue alors qu’elle était stagiaire n’étaient pas mentionnés.

La présente procédure, de même que l’instruction y relative, ont toutefois également porté sur ces éléments. Il s’ensuit que, dans ce cadre, le recourant a pu se prononcer sur ceux-ci et ainsi exercer son droit d’être entendu. Il a donc été en mesure de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu’il aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse.

Ce grief sera écarté.

5.             Le recourant conteste l’existence d’un motif fondé, justifiant son licenciement.

5.1 En tant que membre du personnel des HUG, le recourant est soumis au statut du personnel des HUG du 16 décembre 1999 (ci-après : le statut) en application de l'art. 1 al. 1 let. e LPAC et de l'art. 7 let. e de la loi sur les établissements publics médicaux du 19 septembre 1980 (LEPM - K 2 05). Il est aussi soumis à la LPAC, au règlement d'application de la loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01), à la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15), ainsi qu'au règlement d'application de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'État et des établissements hospitaliers du 17 octobre 1979 (RTrait - B 5 15.01).

5.2 Les devoirs des membres du personnel des HUG sont énoncés dans le titre III du statut. Ces derniers sont tenus au respect de l'intérêt de l'établissement et doivent s'abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 du statut). Selon l'art. 21 du statut, qui reprend en substance la teneur de l'art. 21 RPAC, les membres du personnel se doivent notamment, par leur attitude, d'entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés ; de permettre et de faciliter la collaboration entre ces personnes (let. a) ; de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l'objet (let. c). Ils se doivent de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 al. 1 du statut).

5.3 La LPAC prévoit que lorsque les rapports de service ont duré plus d’une année, le délai de résiliation est de trois mois pour la fin d’un mois (art. 20 al. 3 LPAC). Ils peuvent être résiliés pour motif fondé (art. 21 al. 3 LPAC). Il y a motif fondé, lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de l'insuffisance des prestations (art. 22 let. a LPAC), de l'inaptitude à remplir les exigences du poste (art. 22 let. b LPAC) ou de la disparition durable d'un motif d'engagement (art. 22 let. c LPAC).

L'élargissement des motifs de résiliation des rapports de service, lors de la modification de la LPAC entrée en vigueur le 31 mai 2007, n'implique plus de démontrer que la poursuite des rapports de service est rendue difficile, mais qu'elle n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration. L'intérêt public au bon fonctionnement de l'administration cantonale, déterminant en la matière, sert de base à la notion de motif fondé, lequel est un élément objectif indépendant de la faute du membre du personnel. La résiliation pour motif fondé ne vise pas à punir mais à adapter la composition de la fonction publique dans un service déterminé aux exigences relatives au bon fonctionnement dudit service (ATA/1219/2022 du 6 décembre 2022 consid. 4c et les références citées).

La notion de motifs fondés doit être concrétisée, dans chaque situation, à la lumière des circonstances du cas d’espèce (ATA/892/2016 du 25 octobre 2016 consid. 5a). L’employeur jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour juger si les manquements d’un fonctionnaire sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l’administration. Le Tribunal fédéral a retenu comme justes motifs de résiliation des rapports de service toutes les circonstances qui, d'après les règles de la bonne foi, font admettre que l'autorité qui nomme ne peut plus continuer ces rapports, mentionnant comme exemple de causes de cessation de l'emploi tenant à l'intérêt du service le fait que, par sa seule présence, le fonctionnaire perturbe la marche du service, notamment en cas de conflit de personnalités au sein d'un même service (arrêt du Tribunal fédéral 8C_392/2019 du 24 août 2020 consid. 4.1 et l'arrêt cité). De plus, selon une jurisprudence constante, le fait de ne pas pouvoir s'intégrer à une équipe ou de présenter des défauts de comportement ou de caractère tels que toute collaboration est difficile ou impossible est de nature à fonder la résiliation des rapports de travail, quelles que soient les qualités professionnelles de l'intéressé (ATA/421/2021 du 20 avril 2021 consid. 3d et les arrêts cités).

Tel a également été jugé comme étant le cas des difficultés relationnelles répétées avec les collègues et la hiérarchie, émaillées d’incidents et d’emportements, mis en évidence par les évaluations successives et ayant fait l’objet d’entretiens, de rappels et d’accompagnements (ATA/1521/2019 du 15 octobre 2019 consid. 6 et 7). Des manquements comportementaux récurrents envers la hiérarchie et des collègues, malgré de nombreux rappels à l’ordre et des changements de secteur, ont aussi été jugés constitutifs d’un motif fondé de résiliation, malgré la constance et la qualité des prestations depuis le début des relations de travail (ATA/1042/2016 du 13 décembre 2016 consid. 10 et 11). Le fait de minimiser à plusieurs reprises l’importance de manquements pouvait contribuer à rompre le lien de confiance (ATA/634/2016 du 26 juillet 2016 consid. 6). La chambre de céans a en outre considéré que les difficultés comportementales, en particulier d'impulsivité, à l’encontre des collègues, auxquelles s'ajoutent d’autres problématiques récurrentes, notamment en lien avec la planification du travail par rapport à l'équipe, le refus de transport des patients et des consignes des supérieurs hiérarchiques, justifiaient la résiliation des rapports de service pour motif fondé (ATA/506/2022 du 17 mai 2022 consid. 6c).

Le licenciement pour motif fondé au sens des art. 21 al. 3 et 22 let. b LPAC est une mesure administrative dont le but est de permettre la résiliation des rapports de service lorsque leur continuation n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration. Elle ne suppose pas l'existence d'une violation fautive des devoirs de service par le fonctionnaire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_392/2019 du 24 aout 2020 consid. 4.2 et les arrêts cités), raison pour laquelle elle n'est pas soumise à l'ouverture d'une enquête administrative préalable, au contraire de la révocation disciplinaire (art. 27 al. 2 LPAC ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_244/2014 du 17 mars 2015 consid. 5.2). Il faut que le comportement de l'employé – dont les manquements sont aussi reconnaissables pour des tiers – perturbe le bon fonctionnement du service ou qu'il soit propre à ébranler le rapport de confiance avec le supérieur (arrêt du Tribunal fédéral 8C_392/2019 précité consid. 4.1 et 4.2).

5.4 L'employeur jouit d'un large pouvoir d'appréciation pour juger si les manquements d'un fonctionnaire sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l'administration. Les rapports de service étant soumis au droit public (ATA/1343/2015 du 15 décembre 2015 consid. 8 ; ATA/82/2014 du 12 février 2014 consid. 11 et les références citées), la résiliation est en outre assujettie au respect des principes constitutionnels, en particulier ceux de la légalité (art. 5 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101), de l’égalité de traitement (art. 8 Cst.), de l’interdiction de l’arbitraire (art. 9 Cst.) et de la proportionnalité (art. 5 al. 2 et 36 al. 3 Cst. ; ATA/993/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4e ; ATA/562/2020 du 9 juin 2020 consid. 6e et les références citées).

En particulier, le principe de la proportionnalité exige que les mesures mises en œuvre soient propres à atteindre le but visé (règle de l'aptitude) et que celui-ci ne puisse être atteint par une mesure moins contraignante (règle de la nécessité) ; il doit en outre y avoir un rapport raisonnable entre ce but et les intérêts compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 140 I 168 consid. 4.2.1 ; ATA/932/2018 du 11 septembre 2018 consid. 6).

5.5 La violation fautive des devoirs de service n'exclut pas le prononcé d'un licenciement administratif (soit, pour le canton de Genève, le licenciement pour motif fondé comme dans le cas d’espèce au sens des art. 21 al. 3 et 22 LPAC). Si le principe même d'une collaboration ultérieure est remis en cause par une faute disciplinaire de manière à rendre inacceptable une continuation du rapport de service, un simple licenciement, dont les conséquences sont moins graves pour la personne concernée, peut être décidé à la place de la révocation disciplinaire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_203/2010 du 1er mars 2011 consid. 3.5 ; ATA/1019/2023 du 19 septembre 2023).

5.6 En l’espèce, il n'est pas contesté que les HUG ont procédé le 22 novembre 2021 à la résiliation des rapports de service les liant au recourant pour le 28 février 2022, soit dans le respect du délai prévu à l'art. 20 al. 3 LPAC.

Il est reproché au recourant un comportement relevant du harcèlement sexuel à l’égard de la patiente P., auquel s’ajoutaient ses difficultés de communication avec les patients et ses collègues, qui ont eu un impact sur la qualité des soins prodigués, ainsi que ses difficultés à établir un climat de confiance avec ses collègues et à gérer le stress. Dite attitude est considérée comme grave et inadmissible à l’égard des collègues et des patients, dans le cadre de l’institution. Ces motifs sont contestés.

Il ressort des premiers EEDC du recourant que son comportement et sa communication, en particulier avec ses collègues et dans des situations de stress, devaient déjà faire l’objet d’améliorations. Les EEDC postérieurs à sa nomination ont confirmé ces points faibles, en dépit de la réussite de son CAS et de son changement de service. Si le recourant a pu parfois montrer des améliorations, force est de constater que celles-ci sont demeurées fluctuantes compte tenu de son évolution professionnelle.

Globalement, son dossier professionnel démontre que des incidents pouvant sembler isolés avant 2020, ont pris une autre importance lors de la plainte de la patiente P. le 12 mars 2021, d’autant plus que celle-ci a impliqué les révélations de faits similaires inconnus.

Il ressort des éléments au dossier ainsi que de l’instruction du recours que le recourant ne conteste pas les erreurs reprochées dans le cadre de gestes médicaux, tel que, notamment, le non-respect de la procédure institutionnelle des soins DAVI, la situation conflictuelle avec une collègue, le fait d’avoir quitté son poste à un moment inopportun. En revanche, il conteste, pour l’essentiel, les actes susceptibles de s’apparenter à du harcèlement sexuel, rapportés par la patiente P., puis des infirmières pour d’autres patientes et une ancienne stagiaire.

Concernant la patiente P., les témoins entendus, présents le lendemain des faits pour recueillir les premières déclarations de celles-ci, corroborent sans aucun doute son état émotionnel et la crédibilité de ses propos, confirmée par le Dr D______ après l’avoir vue et consulté son dossier médical. La version du recourant s’oppose donc à celle d’au moins quatre personnes unanimes. À cet égard, l’intéressé n’apporte aucun élément permettant d’asseoir sa théorie de victime de « mobbing » ou de racisme, tandis que lui-même prétendait avoir de bons rapports avec ses collègues et ses supérieurs hiérarchiques.

Le fait que les incidents mentionnés avant la plainte de la patiente P. avaient eu lieu principalement en 2020, soit dès le début de la crise de Covid-19 ne saurait être utile au recourant pour justifier ses errements. La nature même de son métier d’infirmier implique qu’il soit capable de gérer des situations de stress, sans commettre d’erreurs médicales ni adopter une attitude agressive à l’égard d’une collègue de travail.

Pris dans leur ensemble, les nombreux incidents, décrits de manière circonstanciée, fondés sur différents témoignages, émanant de différents supérieurs hiérarchiques, impliquant non seulement les collègues du recourant mais aussi des patientes, sont des comportements inadéquats, contraires à ses obligations.

La plupart des incidents avec le recourant, relevés dans le compte rendu de l’entretien de service du 26 avril 2021, avaient donné lieu à des rappels de règles et de procédures, à la fixation de nouveaux objectifs ainsi qu’à plusieurs entretiens, soit notamment lors des EEDC, ainsi que les 29 mars et 26 octobre 2020. En dépit de ces derniers ou des engagements pris par lui-même, les effets escomptés sur son comportement ne se sont pas réalisés, à tout le moins, durablement.

Ces éléments et l'obstination du recourant à contester les plaintes des patientes démontrent une absence de remise en question. Il a eu tendance à les minimiser, sans prendre conscience de leur gravité. En particulier, il invoque le fait qu’une annuité supplémentaire lui aurait été accordée à deux reprises pour mettre en avant ses compétences. Or, il ressort clairement du dossier que ladite annuité lui a été octroyée pour la réussite de son CAS uniquement, et par erreur deux fois, ce qu’il s’est gardé de signaler.

Par ses divers manquements, le recourant a, au contraire, perturbé le bon fonctionnement du service et, ce faisant, contribué à la péjoration des conditions de travail.

Au vu de ce qui précède, la conduite du recourant était propre à rompre les rapports de confiance avec son employeur. Les HUG étaient en conséquence fondés à mettre un terme aux rapports de service du recourant, sans mésuser de leur pouvoir d’appréciation ni violer les bases légales et principes constitutionnels applicables.

Le licenciement est apte à atteindre le but d’intérêt public à employer dans les établissements publics médicaux du personnel respectueux de l’institution, de ses collègues et des tiers, de ses obligations, ainsi que de protection de la patientèle. La mesure est nécessaire pour atteindre cet objectif et proportionnée au sens étroit compte tenu, notamment, de l’absence de remise en question du recourant dont le comportement a irrémédiablement rompu le lien de confiance avec les HUG.

Partant, le grief est mal fondé.

6.             Le recourant reproche aux HUG de ne pas avoir initié de procédure de reclassement.

6.1 Préalablement à la décision de résiliation, l'autorité compétente est tenue de proposer au fonctionnaire qu'elle entend licencier des mesures de développement et de réinsertion professionnelle et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond à ses capacités (art. 21 al. 3 LPAC).

6.2 À teneur de l’art. 46 RPAC, lorsque les éléments constitutifs d'un motif fondé de résiliation sont dûment établis lors d'entretiens de service, un reclassement selon l'art. 21 al. 3 LPAC est proposé pour autant qu’un poste soit disponible au sein de l’administration et que l’intéressé au bénéfice d'une nomination dispose des capacités nécessaires pour l’occuper (al. 1). Des mesures de développement et de réinsertion professionnels propres à favoriser le reclassement sont proposées (al. 2). L’intéressé est tenu de collaborer. Il peut faire des suggestions (al. 3). L’intéressé bénéficie d’un délai de dix jours ouvrables pour accepter ou refuser la proposition de reclassement (al. 4). En cas de reclassement, un délai n'excédant pas six mois est fixé pour permettre à l'intéressé d'assumer sa nouvelle fonction (al. 5). En cas de refus, d’échec ou d'absence du reclassement, une décision motivée de résiliation des rapports de service pour motif fondé intervient (al. 6). Le service des ressources humaines du département, agissant d’entente avec l’office du personnel de l’État, est l’organe responsable (al. 7).

L’art. 48A du statut a la même teneur.

6.3 Le principe du reclassement, applicable aux seuls fonctionnaires, est une expression du principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.) et impose à l’État de s’assurer, avant qu’un licenciement ne soit prononcé, qu’aucune mesure moins préjudiciable pour l’administré ne puisse être prise (arrêt du Tribunal fédéral 1C_309/2008 du 28 janvier 2009 consid. 2.2 ; ATA/130/2022 du 8 février 2022 consid. 6b). La loi n’impose toutefois pas à l’État une obligation de résultat, mais celle de mettre en œuvre tout ce qui peut être raisonnablement exigé de lui (ATA/361/2022 du 5 avril 2022 consid. 7b). En outre, l’obligation de l’État de rechercher un autre emploi correspondant aux capacités du membre du personnel se double, corrélativement, d’une obligation de l’employé, non seulement de ne pas faire obstacle aux démarches entreprises par l’administration, mais de participer activement à son reclassement (ATA/361/2022 précité consid. 7b).

L’État a l’obligation préalable d’aider l’employé et de tenter un reclassement, avant de prononcer la résiliation des rapports de service : il s’agit tout d’abord de proposer des mesures dont l’objectif est d’aider l’intéressé à retrouver ou maintenir son « employabilité », soit sa capacité à conserver ou obtenir un emploi, dans sa fonction ou dans une autre fonction, à son niveau hiérarchique ou à un autre niveau. Avant qu’une résiliation ne puisse intervenir, différentes mesures peuvent être envisagées et prendre de multiples formes, comme le certificat de travail intermédiaire, un bilan de compétences, un stage d’évaluation, des conseils en orientation, des mesures de formation et d’évolution professionnelles, un accompagnement personnalisé, voire un « outplacement ». Il s’agit ensuite de rechercher si une solution alternative de reclassement au sein de l’établissement peut être trouvée (ATA/78/2020 du 28 janvier 2020 consid. 4a).

Récemment, le Tribunal fédéral a rappelé qu’il n’existait pas d’obligation pour l’État d’appliquer dans chaque cas l’intégralité des mesures possibles et imaginables, l’autorité disposant d’un large pouvoir d’appréciation pour déterminer et choisir les mesures qui lui semblaient les plus appropriées afin d’atteindre l’objectif de reclassement. L’intéressé peut faire des suggestions mais n’a pas de droit quant au choix des mesures entreprises. Le principe du reclassement, qui concrétise le principe de la proportionnalité, signifie que l’employeur est tenu d’épuiser les possibilités appropriées et raisonnables pour réincorporer l’employé dans le processus de travail et non de lui retrouver coûte que coûte une place de travail (arrêt du Tribunal fédéral 8C_381/2021 du 17 décembre 2021 consid. 6.2).

6.4 Selon la jurisprudence, lorsqu’un reclassement revient en fin de compte à reporter dans un autre service des problèmes de comportement reprochés au recourant, il paraît illusoire (arrêt du Tribunal fédéral 8C_839/2014 du 5 mai 2015 consid. 7.1). L’employeur se doit non seulement de protéger ses intérêts financiers, mais principalement ceux des patients qu’il accueille et auxquels il doit offrir toutes les garanties quant au personnel avec qui ils entrent en contact (ATA/1143/2018 du 30 octobre 2018 consid. 9b).

Toutefois, seules les circonstances particulières, dûment établies à satisfaction de droit, peuvent justifier une exception au principe légal du reclassement et faire primer l’intérêt public et privé de nombreux employés de l’État sur l’intérêt privé, pourtant important, de la personne licenciée (ATA/1060/2020 du 27 octobre 2020 consid. 9c ; ATA/1579/2019 du 29 octobre 2019 consid. 12h).

La jurisprudence genevoise connaît une casuistique où la chambre administrative a admis l'absence de procédure de reclassement (ATA/1345/2020 du 22 décembre 2020 consid. 3i et les arrêts cités). Elle a ainsi été admise dans le cas d’une gérante sociale qui avait eu de très importants problèmes de communication et de comportement, durant une période de sept ans, avec l’ensemble des catégories d’interlocuteurs, tant internes qu’externes, à son institution (ATA/1576/2019 du 29 octobre 2019 consid. 14). Elle l’a également été compte tenu de l’attitude générale inappropriée d’une autre employée sur son lieu de travail, insuffisamment respectueuse de la sphère personnelle d’autrui, et de comportements inappropriés à l’égard de certaines collaboratrices, ce qui avait conduit au prononcé d’un avertissement et à la fixation d’objectifs qui n’avaient pas été réalisés, si bien que la continuation des rapports de service a été jugée incompatible avec le bon fonctionnement du département intimé (ATA/674/2017 du 20 juin 2017 consid. 19).

6.5 En l’occurrence, le comportement du recourant, tant dans le cadre de l’incident du 11 mars 2021 qu’auparavant, est de nature à rompre le lien de confiance. Sa faute est grave. Dès le mois de mars 2020, sa hiérarchie était intervenue à plusieurs reprises pour résoudre des situations conflictuelles le concernant, relevant principalement de ses difficultés communicationnelles et de gestion du stress, tel que cela avait déjà été relevé dans ses précédents EEDC, même avant sa nomination en tant que fonctionnaire à partir du 1er avril 2012. Force est de constater qu’en dépit de quelques améliorations fluctuantes, ces problématiques comportementales sont demeurées récurrentes jusqu’à la plainte de la patiente P., laquelle a mis en évidence d’autres dysfonctionnements. Son employeur peut légitimement nourrir des doutes quant aux risques que d’autres patients pourraient courir, dont la santé voire la vie sont concernées. La problématique ne saurait dès lors être résolue par une procédure de reclassement. Au contraire, transférer le recourant dans un autre service, y compris administratif, reviendrait à déplacer le problème. Le reclassement s’avère ainsi illusoire.

Dans ces conditions, l’appréciation des HUG, selon laquelle le comportement du recourant et la rupture définitive du lien de confiance pouvaient justifier une exception au principe légal du reclassement et que l'intérêt public et privé de nombreux employés de l'État, voire de tiers et de l’institution primait l'intérêt privé, pourtant important, du recourant, ne prête pas le flanc à la critique.

Le grief est par conséquent écarté.

7.             Au vu des considérants qui précèdent, il n’y a pas lieu d’examiner les conclusions du recourant tendant à l’octroi d’une indemnité, étant de surcroît précisé qu’il a en cours de procédure renoncé à demander sa réintégration.

8.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge du recourant. Les HUG disposant d'un service juridique, aucune indemnité ne leur sera allouée (art. 87 LPA ; ATA/605/2021 du 8 juin 2021 et les références citées).

Compte tenu des conclusions du recours, la valeur litigieuse est supérieure à CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 - LTF - RS 173.110).

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 janvier 2022 par A______ contre la décision des Hôpitaux universitaires de Genève du 22 novembre 2021 ;

au fond :

le rejette ;

met à la charge de A______ un émolument de CHF 1'500.- ;

dit qu'il n'est pas alloué d'indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss LTF, le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, avenue du Tribunal fédéral 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Butrint AJREDINI, avocat du recourant, ainsi qu'à Me Marc HOCHMANN FAVRE, avocat des Hôpitaux universitaires de Genève.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Patrick CHENAUX, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

 

M. RODRIGUEZ ELLWANGER

 

 

la présidente siégeant :

 

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :