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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/116/2023

ATA/321/2024 du 05.03.2024 ( EXPLOI ) , REJETE

Descripteurs : DROIT D'ÊTRE ENTENDU;APPRÉCIATION ANTICIPÉE DES PREUVES;EFFET DÉVOLUTIF;CENSURE;MOTIVATION DE LA DÉCISION;CONSTATATION DES FAITS;MAXIME INQUISITOIRE;RÉPLIQUE;LOI FÉDÉRALE SUR LE SERVICE DE L'EMPLOI ET LA LOCATION DE SERVICES;ORDONNANCE SUR LE SERVICE DE L'EMPLOI;LÉGALITÉ;PLACEMENT DE PERSONNEL;AUTORISATION D'EXERCER;NATURE JURIDIQUE;LIBERTÉ ÉCONOMIQUE;ABUS DE DROIT
Normes : Cst.29.al2; LPA.41; LPA.42.al4; LPA.44.al1; LIPAD.26.al2.letl; LPA.61; LPA.19; LPA.20; LPA.68; LPA.69.al1; Cst.5.al1; Cst.27; Cst.36; LSE.1; LSE.2; LSE.16; LSE.39.al1.leta; LSELS.3; LSELS.4; LSELS.2; RSELS.1; RSELS.2; LSE.19; LSE.22; LSE.12.al1; OSE.26; OSE.29; OSE.27
Résumé : Confirmation de l'obligation, par la recourante, de présenter une demande d'autorisation de pratiquer la location de services en lien avec son activité, exercée à Genève, de transport de personnes par chauffeurs par le biais d'une plateforme numérique. Même si l'application numérique constitue un outil de travail mis en place par une autre société, celle-là dispose, à travers celle-ci, d'un pouvoir de direction sur les chauffeurs employés par la recourante, au moins partiellement. Le critère d'une intégration des chauffeurs de la recourante dans l'organisation de la société ayant mis en place ladite application apparaît également réalisé. Enfin, le risque commercial de la prestation des chauffeurs de la recourante n'est pas supporté exclusivement par elle, mais également par elle, mais également par l'autre société. Rejet du recours.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/116/2023-EXPLOI ATA/321/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 mars 2024

 

dans la cause

 

 

A______ recourante
représentée par Me Joël CHEVALLAZ, avocat

contre

OFFICE CANTONAL DE L'EMPLOI intimé
représenté par Me Stéphanie FULD, avocate



EN FAIT

A. a. A______ (ci-après : A______ ou la société) est une société anonyme inscrite au registre du commerce (ci‑après : RC) du canton de Genève depuis le 1er septembre 2020 dont le but est l'exploitation d'une entreprise de transport de personnes et/ou d'objets, de personnes avec chauffeur, ainsi que toute autre opération convergeant à ses buts.

Depuis juin 2022, un nombre moyen de plus de 350 chauffeurs travaillent pour A______. Au 20 mars 2023, la société en employait 380. Celle-ci compte en sus dix employés administratifs.

Elle dispose d'une succursale dans le canton de Vaud.

b. UBER B.V. est une société à responsabilité limitée de droit néerlandais dont le siège social se trouve à Amsterdam, aux Pays-Bas.

c. UBER SWITZERLAND GmbH (ci-après : UBER CH) est une société à responsabilité limitée de droit suisse dont le siège social se trouve à Zurich.

d. Par arrêt du 30 mai 2022 (2C_34/2021), le Tribunal fédéral a rejeté le recours d'UBER B.V. contre l'arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : la chambre administrative) qui avait confirmé la décision du service de police du commerce et de lutte contre le travail au noir (ci-après : PCTN) du 29 octobre 2019 la considérant comme une entreprise de transport au sens de la loi sur les taxis et les voitures de transport avec chauffeur du 13 octobre 2016 (LTVTC - H 1 31) et lui faisant interdiction de poursuivre son activité jusqu’au rétablissement d’une situation conforme au droit.

e. Le 15 juin 2022, UBER B.V. et A______ ont conclu une convention portant sur le transfert des chauffeurs au bénéfice de la carte de chauffeur de voiture de transport avec chauffeur (ci-après : VTC) disposant des autorisations requises par la LTVTC et sous contrat avec UBER B.V. La date effective du transfert était le 17 juin 2022.

f. Le 17 juin 2022, UBER B.V. et A______ ont conclu un contrat cadre selon lequel la première transférait son entreprise de transport à la seconde. Ce transfert comprenait en particulier le transfert du matériel de transport appartenant à UBER B.V., des contrats de partenariat, le contrat UBER B.V. des chauffeurs et la mise à disposition de la technologie UBER B.V.

g. Le même jour, UBER B.V., UBER CH et A______ ont conclu un contrat commercial régissant la façon dont UBER B.V. mettait à la disposition de A______ sa technologie et ses services, et la façon dont A______ les utilisait pour fournir des services de transport de personnes à titre professionnel aux utilisateurs.

B. a. Le 17 juin 2022, un entretien s'est tenu dans les locaux de l'office cantonal de l'emploi (ci-après : OCE ou l'office) ayant pour but de comprendre les relations contractuelles unissant A______ aux chauffeurs VTC ainsi qu'à la plateforme « UBER » et de déterminer si son activité était ou non soumise à l'obtention d'une autorisation de pratiquer la location de services au sens de la loi fédérale sur le service de l’emploi et la location de services du 6 octobre 1989 (LSE - RS 823.11).

Un compte rendu de cet entretien a été établi au terme duquel il a été convenu que A______ produirait les contrats de travail – une fiche de salaire –, un schéma des relations entre les différents protagonistes – les relations avec le diffuseur. À la réception de ces documents, l'OCE étudierait le cas en concertation avec le secrétariat d’État à l’économie (ci-après : SECO) et le canton de Vaud, dans lequel A______ employait 90 chauffeurs.

b. Le 29 juin 2022 le syndicat B______ a demandé à l'OCE d'examiner si la relation juridique entre A______ et UBER B.V. ou une autre société du groupe UBER devait être considérée comme de la location de services, ce qui était le cas à son sens.

c. Le 1er juillet 2022, le SECO, à la suite des arrêts du Tribunal fédéral dans l'affaire « UBER/UberEats », a demandé à l'OCE de poursuivre l'instruction en demandant différentes informations aux entreprises qui opéraient via la plateforme « UBER », et d'examiner si celles-ci exerçaient une activité de location de services soumise à autorisation.

Il a joint à son courriel un mémorandum établi le 14 mars 2018 analysant la relation juridique entre le groupe UBER B.V. et une société de droit suisse.

d. Le 4 juillet 2022, A______ a transmis à l'OCE un schéma de son fonctionnement et les contrats et convention précités.

Il était clair qu’elle seule disposait du pouvoir de direction et de contrôle de ses employés. Ceux-ci travaillaient selon son organisation, avec ses outils, ses moyens et ses horaires. Les moyens qu’elle utilisait comprenaient notamment les locaux sis Quai du Seujet 12, une salle permettant la tenue de séances d'animation et de présentation des évolutions de services et de procédures, une plateforme interne de gestion opérationnelle qui portait les dossiers des chauffeurs, des véhicules et des autorisations y attachées, la réception des courses issues des plateformes de diffusion de ses partenaires, le suivi des temps travaillés, des disponibilités et absences, des outils d'analyse des courses. Elle disposait également d'une plateforme de gestion des salaires basée sur l'information issue de la plateforme opérationnelle, d'une équipe d'animation des chauffeurs, d'une équipe de pilotage des évolutions et de la qualité des prestations responsable de la mise en place des éventuelles mesures correctives ou d'adaptation de l'offre de services, ainsi que d'une équipe administrative qui supportait les conséquences administratives de ses activités de transport.

Elle supportait seule le risque commercial et garantissait le résultat contractuel (la course).

Son activité n'entrait donc pas dans le champ d'application de la LSE.

e. Le 6 juillet 2022, A______ a transmis à l'OCE un exemplaire des contrats de travail, intitulé « Contrat de travail pour travailleurs occasionnels avec horaires irréguliers (travail sur appel improprement dit) », qui mentionnait comme annexe un document intitulé « Annexe au chauffeur », ainsi que les conditions générales d'engagement et ses règles de conduite dans une version du 15 juin 2022.

f. Le même jour, C______, entité chargée de contrôler le respect des dispositions de la convention collective de travail LSE, a demandé à l'OCE comment elle considérait la relation entre A______ et le groupe UBER B.V., laquelle à son sens relevait de la location de services.

g. Le 15 juillet 2022, A______ a précisé à l'OCE qu'elle avait prévu de mettre en place « une annexe au chauffeur » qui préciserait les pré-requis en terme de service et de confort pour l'usager selon la gamme de prestations commercialisées. Il en était de même d'une charte pour encadrer les réclamations des usagers et qualifier les actions correctives qui devaient être mises en place par elle-même et ses chauffeurs.

h. Le 1er septembre 2022, A______ a transmis à l'OCE son organigramme, ainsi que la liste de ses chauffeurs au 10 août 2022.

Elle a précisé que la signature des contrats de travail des chauffeurs se faisait sur rendez-vous dans ses locaux. Les chauffeurs étaient évalués par les clients qui leur attribuaient une note de satisfaction de 1 à 5, uniquement informative et reposant sur une moyenne de 500 courses. Son pôle « Animation Chauffeurs » procédait aussi à une évaluation opérationnelle des chauffeurs. En cas de manquement constaté et non corrigé, une concertation avait lieu entre ce pôle et le pôle « Promotion, Contrôle et Qualité » pour décider des éventuelles actions correctrices ou sanctions à mettre en œuvre.

La question d'une prime de performance aux chauffeurs était décidée sur proposition du pôle « Animation Chauffeurs » de façon concertée avec sa direction générale. Les critères reposaient sur la qualité et l'efficacité du service rendu aux clients contribuant ainsi à la promotion et au développement de son activité.

En cas d'annulation d'une course par le chauffeur, aucuns frais n'étaient facturés à qui que ce soit. En cas d'annulation par le client, elle fixait et lui facturait une indemnité collectée par le diffuseur de course et prise en compte dans les calculs de contribution aux revenus.

Le véhicule des chauffeurs était équipée d'un GPS et le(s) diffuseur(s) de course pouvai(en)t proposer un itinéraire. Les chauffeurs recevaient des directives complémentaires du pôle « Animation Chauffeurs » qui leur signalait les événements perturbateurs (travaux, manifestations, etc.) ou attractifs (spectacles, etc.) permettant d'infléchir la proposition « de l'automate du véhicule » et/ou du diffuseur de course. La recommandation en dehors de ces événements était de suivre la proposition « de l'automate ». Le chauffeur décidait en dernier ressort de l'itinéraire le plus adapté de façon à rendre le service le plus efficace au client transporté.

Chaque diffuseur de course suggérait et calculait un prix de base pour Genève. Sur la base de sa connaissance de l'offre et de la demande, le pôle « Promotion Contrôle et Qualité » avait toute latitude pour définir sur chaque période donnée le multiple à appliquer au prix de base calculé par l'automate du(des) diffuseur(s) de course. Il était ainsi possible de modifier le prix de la course et d'influencer son chiffre d'affaires selon les affluences et comportement des « compétiteurs ».

i. Le 3 octobre 2022, l'OCE a fixé un délai à A______ au 31 octobre 2022 pour faire valoir ses arguments et produire tout justificatif utile à même de déterminer l’assujettissement ou non de son activité à la LSE.

j. Le 31 octobre 2022, A______ a contesté le fait que la configuration des relations entre UBER B.V. et A______, et entre cette dernière et ses chauffeurs, relevât de la location de services.

Depuis le 17 juin 2022, elle était devenue l'employeuse des chauffeurs auparavant liés contractuellement à UBER B.V., en raison du transfert d'entreprise. Elle avait mis en place des contrats de travail sur appel improprement dit avec les chauffeurs, assortis de conditions d'engagement et règles de conduite. Elle était l’unique employeuse juridique. Elle donnait des instructions aux chauffeurs, qu’elle avait intégrés dans son organisation, et payait les salaires. Le but des contrats de travail était d'effectuer une prestation pour son compte (le transport de personnes) et pas pour les chauffeurs d'être loués à des entreprises tierces.

Chacun de ses employés pouvait décider de travailler pour elle ou non, de travailler pour un tiers employeur ou non, de se connecter à la ou les plateforme(s) qu’elle mettait à disposition, d'accepter une course, d'annuler une course acceptée, ce sans pénalisation, et de se connecter à d'autres applications de mise en relation simultanément à sa plateforme.

Elle concluait les contrats de travail, rémunérait les chauffeurs, les affiliait auprès des assurances sociales concernées, les assurait en cas d'accident et de perte de gain maladie. Elle remboursait leurs frais à raison de CHF 0.70 par km.

Elle exerçait un réel (et unique) pouvoir de direction envers les chauffeurs et était seule habilitée à leur donner des instructions relatives à l'exécution de leur travail. Les chauffeurs étaient intégrés dans son organisation (prix des courses proposés, mise à disposition d'un véhicule de remplacement en cas de panne ou de service de maintenance, abonnements téléphoniques, messagerie instantanée, etc.). Elle disposait d'un logiciel lui permettant de gérer ses chauffeurs, qui contenait leurs dossiers, ceux des véhicules et les autorisations y attachées, ainsi que la réception des courses issues des plateformes de diffusion des partenaires.

Depuis le 17 juin 2022, elle avait émis un nombre important de communications/directives destinées à ses employés, exerçant par là même son pouvoir de direction et d'instruction, typique d'une relation employeuse-employé.

Elle avait instauré une représentation des travailleurs au sens de la loi fédérale sur l’information et la consultation des travailleurs dans les entreprises du 17 décembre 1993 (Loi sur la participation - RS 822.14) avec laquelle elle avait mis en place différentes mesures.

UBER CH était « diffuseur de courses » au sens de la définition de l'art. 4 let. d aLTVTC qui ne prévoyait pas de notion d'employeur de fait ou de droit ou de location de services avec délégation du pouvoir de direction. UBER CH n'avait d'ailleurs pas pour objectif de fournir des prestations de transport et par conséquent d'employer des chauffeurs.

Elle-même ne facturait aucun montant à UBER B.V. Elle s'acquittait de frais/redevances pour le droit d'utiliser l'application UBER B.V. et la possibilité de bénéficier des services de diffusion de courses et d'autres services de nature administrative. Les frais dus à UBER B.V. pour l'utilisation de ses services étaient calculés en pourcentage du « Tarif utilisateur », « Utilisateur » étant le client qui bénéficiait de la prestation de transport qu’elle facturait.

Elle ne facturait à aucun tiers la prestation de travail des chauffeurs qu'elle employait. Leur rémunération était tirée de son chiffre d'affaires issu des prestations de transport qu'elle offrait. Elle payait le droit d'utiliser les plateformes des diffuseurs de courses permettant à ses chauffeurs de choisir les courses à effectuer. Elle tenait un décompte des heures de travail par chauffeur, qu’elle rémunérait à l'heure. Elle établissait leurs fiches de salaire mensuelles.

Elle était seule à supporter le risque économique. La course était garantie au client qui l'avait réservée par A______, seule responsable du résultat de la prestation. Le client en était informé et pouvait constater avant et durant la course que le chauffeur travaillait pour elle. Les quittances émises pour les utilisateurs finaux des services de chauffeurs l'étaient à son nom. Elle était la seule à conclure un contrat de transport avec ces derniers. Si les chauffeurs avaient un accident ou causaient des dommages, elle en supportait les conséquences (dommage, ou baisse du chiffre d'affaires par exemple).

Par le biais de son système informatique, elle vérifiait le temps de travail des chauffeurs. Elle analysait les données issues de sa plateforme et vérifiait s’ils respectaient la loi. Si tel n'était pas le cas, elle leur envoyait une alerte, voire un avertissement. Elle pouvait les sanctionner s’ils ne se conformaient pas aux prescriptions légales.

Ses contrats de travail octroyaient – de par leur nature – une grande flexibilité dont la réalisation dépendait des choix propres de ses employés. Ceux-ci s'engageaient d'ailleurs à respecter les heures de travail maximum prévues par la législation.

Différentes annexes étaient jointes à ce courrier.

k. Le 30 novembre 2022, le SECO, sur la base des documents remis par l'OCE, a conclu qu'UBER CH (recte : B.V.) assumait une responsabilité étendue pour l'exécution des transports de personnes et qu'elle donnait à cet égard des directives étendues à A______, mais aussi et surtout aux chauffeurs. UBER CH (recte : B.V.) conservait en réalité un rôle central dans les relations avec les clients. Elle traitait les chauffeurs quasiment comme ses propres employés. Toutefois, comme ces derniers étaient employés par A______, l'entreprise partenaire, la seule possibilité juridiquement autorisée pour cette constellation était la location de services. Ce n'était qu'avec la location de services qu'un client pouvait responsabiliser les employés d'un prestataire de services et leur donner de nombreuses directives à respecter.

Le fait que le chauffeur décide lui-même de la période pendant laquelle il travaillerait pour UBER CH (recte : B.V.) et s'il souhaitait exercer d'autres activités en plus de son activité « UBER » ne permettait pas de conclure qu'il n'y avait pas de location de services. Dès lors que le chauffeur était enregistré dans le système « UBER » et qu'il effectuait des trajets dans le cadre de l'organisation « UBER », mais qu'il était employé par A______, cette activité de travail était considérée comme une location de services au sens de la LSE.

A______ agissait donc en tant que bailleresse de services en louant des chauffeurs à UBER CH (recte : B.V.), l'entreprise locataire de services, pour la fourniture de prestations de transport. Elle devait par conséquent déposer une demande d'autorisation de pratiquer la location de services auprès des autorités LSE du canton de Genève, étant précisé qu'une autorisation fédérale était également à requérir, puisque l'activité de A______ était transfrontalière.

l. Le 7 décembre 2022, l'OCE a informé A______, après analyse de son dossier et au vu de ses activités, qu’elle devait être en possession d'une autorisation de pratiquer la location de services. Elle était ainsi invitée à compléter les documents relatifs à l'obtention de l'autorisation en question dans un certain délai. Passé celui-ci, sans demande déposée, l'OCE rendrait une décision qui pourrait être assortie du retrait de l'effet suspensif.

Suivait la liste de différentes annexes jointes au courrier et des précisions sur la location de services.

m. Le 13 décembre 2022, un entretien s'est tenu entre A______ et l'OCE et un échange de courriels s'en est suivi entre eux.

n. Le 5 janvier 2023, A______ a requis de l'OCE qu’il rende une décision motivée sujette à recours constatant son non-assujettissement à la LSE.

Elle a toutefois requis la suspension de l'examen de son dossier et le prononcé de toute décision la concernant, à tout le moins dans l'attente de l'intervention du médiateur administratif cantonal.

o. Par décision déclarée exécutoire nonobstant recours du 12 janvier 2022 (recte : 2023), l'OCE a assujetti A______ à la LSE dans le cadre de son activité de mise à disposition de chauffeurs plateforme dite « Uber » et lui a interdit de pratiquer toute activité jusqu'à l'obtention de l'autorisation de pratiquer la location de services, à défaut de quoi il prononcerait les peines prévues notamment à l'art. 39 LSE.

Il n'était pas contesté que A______ et les collaborateurs étaient liés par un contrat de travail, tel celui transmis le 31 octobre 2022, ce qui n'excluait toutefois pas l'existence d'une relation de location de services. Il ressortait des autres documents transmis, notamment du contrat commercial conclu le 17 juin 2022 entre UBER CH, UBER B.V. et A______, qu'UBER B.V. disposait d'un large pouvoir de direction sur les chauffeurs de A______ ainsi que sur celle-ci, puisqu'elle imposait une tarification différenciée en fonction de la catégorie de véhicule utilisé par les chauffeurs (art. 8 du contrat commercial), que les personnes transportées pouvaient, par l'intermédiaire de l'application développée par UBER B.V., visualiser les évaluations des chauffeurs et les noter (art. 4 du contrat commercial), que ceux-ci étaient géolocalisés en tout temps par l'application (art. 4 et 5 du contrat commercial), qu'elle imposait un montant recommandé maximum par défaut pour les courses (art. 8 du contrat commercial) et qu’elle encaissait leur paiement et les facturait (art. 2, 8 et 10 du contrat commercial).

Ainsi, A______ mettait à disposition de la plateforme dite « Uber » son personnel pour réaliser des courses ; ses chauffeurs étaient subordonnés au groupe « Uber », en contrepartie de quoi le client, soit le groupe, payait à A______ un montant en lien avec les courses effectuées.

Au vu des art. 1 et 7 du contrat commercial, qui précisait qu'UBER B.V. était le titulaire de l'application et que A______ bénéficiait d'une « licence » non exclusive et révocable pour l'utiliser uniquement pour effectuer des courses, il était manifeste que ladite application utilisée par les chauffeurs A______ était toujours gérée par UBER B.V. Il était également avéré que cette société gérait la plateforme et recourait aux chauffeurs de A______, des employés d'une société tierce, pour répondre aux demandes de courses. Cela était confirmé par la teneur de l'art. 4 du contrat commercial qui mentionnait que des informations « clés » telles que « la distance de la course, des éléments sur la prise en charge et la destination souhaitée » et « le prix de la Course proposé par Uber [B.V.] » étaient fournies au chauffeur dans l'application.

Les chauffeurs de A______ dépendaient de ladite plateforme, car chacun y possédait un compte, créé par UBER B.V., ce qui ressortait notamment de l'art. 4 du contrat commercial, et avait accès à l'application afin de pouvoir effectuer des courses. Il était donc établi que c'était l'application qui donnait les instructions aux chauffeurs de A______ et que par conséquent le groupe « Uber » exerçait sur eux un pouvoir de direction caractéristique d'une relation de location de services.

A______ était dépendante de la plateforme « Uber », puisqu'entre autres, elle devait passer, selon l'art. 4 du contrat commercial, par l'intermédiaire d'UBER B.V. si elle souhaitait qu'un chauffeur en soit déconnecté. Cette application comprenait également, selon l'art. 2 du contrat commercial, la technologie associée, ce qui démontrait que le groupe « Uber » jouait un rôle central dans l'exécution par les chauffeurs de A______ de leur prestation de travail et que ceux-ci étaient intégrés dans l'organisation du groupe « Uber ».

La prime que A______ disait verser à des chauffeurs n'était prévue dans aucun des documents remis, alors que ce genre de gratification pouvait dépendre des données des courses effectuées répertoriées sur la plateforme « Uber » ainsi que des informations et signalements reçus par exemple d'un utilisateur, la personne souhaitant être transportée, via l'application « Uber ». Il s'agissait d'un élément supplémentaire confirmant le pouvoir de direction et de contrôle exercé sur les chauffeurs par le groupe « Uber » et leur intégration dans son organisation.

A______ avait annoncé dans divers courriels qu'elle déposerait une demande d'autorisation de pratiquer la location de services, indiquant encore à la mi-décembre 2022 qu'elle travaillait à la constitution d'un tel dossier. Elle avait ainsi explicitement reconnu que son activité relevait de la location de services, ce qui était aussi l’avis du SECO, du syndicat B______ et de C______.

C. a. Le 13 janvier 2023, A______ a déposé une requête auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, concluant, par voie de mesures superprovisionnelles et provisionnelles à la restitution de l'effet suspensif.

Elle avait finalement déposé le 5 janvier 2023 une demande de non-assujettissement à la LSE.

L'OCE avait refusé la médiation par le médiateur administratif cantonal.

L'office avait prononcé une mesure non prévue par la loi.

b. Le 17 janvier 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative, reprenant ses conclusions sur mesures superprovisionnelles et provisionnelles et concluant, sur le fond, préalablement, à la restitution de l'effet suspensif et principalement à l'annulation de la décision du 12 janvier 2023 et à ce qu'il soit dit qu'elle n'était pas assujettie à la LSE.

c. Le 19 janvier 2023, la chambre administrative a admis les conclusions prises à titre superprovisionnel.

d. Le 30 janvier 2023, l'OCE a conclu, à titre provisoire, à la confirmation de l'exécution nonobstant recours de sa décision, conclusion qu'il a reprise au fond et préalablement. Principalement, l'office a conclu à la confirmation de sa décision et au constat que A______ était assujettie à la LSE dans le cadre de son activité de transport de personnes.

e. Le 13 février 2023, A______ a complété son recours.

Le 6 février 2023, UBER B.V. avait mis à jour les conditions générales d'utilisation de l'application à destination de ses clients.

Son droit d'être entendue avait été violé. Jusqu'à réception de la décision émise par l'OCE, elle ignorait que celui-ci avait reçu des courriers du syndicat B______, de C______ et une détermination du SECO. De plus, le courrier de C______ avait été caviardé et elle n'avait toujours pas pu prendre connaissance de son contenu intégral. L’OCE avait violé son droit à une décision motivée en ne précisant pas quelle relation il considérait comme faisant l'objet d'une location de services. Son courrier du 7 décembre 2022 ne contenait aucune explication. Elle n'avait eu connaissance de l'avis du SECO du 14 mars 2018 qu'à la suite de la communication de la détermination de l’OCE du 30 janvier 2023.

Les faits étaient insuffisamment établis et inexacts pour certains d'entre eux. L'attitude de l'OCE devait être explicitée, notamment par rapport à l'engagement pris par l'ancienne conseillère d'État en charge de département de l'économie et de l'emploi (ci-après : DEE) de ne pas interrompre les activités des entreprises qui travaillaient avec l'application. A______ avait collaboré autant qu'elle le pouvait à la constatation des faits pertinents. La société n'avait pas reconnu que ses activités relevaient de la location de services et celles-ci devaient être « décolorées » de celles du groupe « UBER ». Elle exerçait activement et exclusivement son pouvoir de direction et d'instruction auprès de ses chauffeurs.

Le raisonnement de l'office, basé sur des avis de 2018 ou des jurisprudences antérieures, ne tenait pas compte de l'évolution concrète de sa relation avec UBER B.V. Selon le contrat commercial les liant, elle n'avait aucune obligation de proposer un chauffeur adéquat à UBER B.V. Elle n'était pas rétribuée par UBER B.V. en échange d'une mise à disposition de chauffeurs mais au contraire payait UBER B.V. pour pouvoir utiliser l'application. Aucun contrat de mission n'était conclu subséquemment entre A______ et ses employés. Les chauffeurs n'avaient, en vertu du contrat de travail sur appel improprement dit, aucune obligation d'accepter les missions que A______ leur proposait.

UBER B.V. lui permettait de constituer un compte à son nom dans l'application au travers duquel elle pouvait gérer ses chauffeurs, intégrés dans sa propre organisation, renforçant ainsi l'élément spatial du rapport de subordination Elle offrait des conditions confortables à ses chauffeurs, qu’elle recrutait. À la suite du recrutement, elle contactait UBER CH pour qu'un compte d'accès lié à l'environnement A______ sur l'application soit créé. UBER B.V. ne donnait aucune instruction à ses chauffeurs, de quelqu’ordre que ce soit, sur la manière de réaliser leurs courses.

L'application informait les chauffeurs de la présence d'une personne à proximité, intéressée par une course. En se fondant sur les instructions qu’elle avait données à UBER B.V. quant aux conditions d'acceptation d'une course, l'application informait le chauffeur qu'il pouvait y donner suite. Les chauffeurs restaient libres de choisir un autre itinéraire que celui proposé par l'application, sans encourir de sanctions.

Elle était libre d'avoir recours aux services d'autres diffuseurs de courses ou de toute autre catégorie d'intermédiaire, y compris des concurrents d'UBER B.V. Celle-ci ne fournissait aucun matériel ou outil à ses chauffeurs. Elle-même leur offrait la possibilité de conclure des abonnements téléphoniques à des prix préférentiels, fournissait les véhicules de remplacement et les équipait de tachymètres pour calculer leur rémunération. Elle collectait l'ensemble des informations des chauffeurs via le téléphone hébergeant l'application du diffuseur de course, mais également via leur véhicule, le tachygraphe et le taximètre.

Sur cette base, A______ établissait un « time sheet » de la journée, examinait les temps de pause, de veille active et de conduite afin de calculer le salaire et toute autre rémunération due. Les frais engagés par les chauffeurs étaient pris en compte avant de procéder au versement des montants. A______ conservait l'ensemble des données afin qu'elle puisse les communiquer aux autorités, si besoin.

La note reçue par les chauffeurs n'avait aucun impact sur leur accès à l'application. UBER B.V. ne possédait aucun moyen et pouvoir de contrôle, de correction, d'amélioration, de validation et de répression de la qualité du travail de ses chauffeurs. Il était de son ressort exclusif de prendre des mesures pendant une enquête interne en cas de violation de la législation applicable, soit notamment d’interdire aux chauffeurs concernés d'utiliser l'application et si nécessaire de les sanctionner.

Le diffuseur de courses ne concluait pas de contrat avec le client transporté. UBER B.V et UBER CH reversaient contre rémunération les montants collectés auprès des clients en vertu du mandat d'encaissement qu’elle leur avait confié. Les clients étaient avertis au moment de la réservation d'une course qu'ils concluaient un contrat de transport avec une société tierce, soit elle-même, et ils recevaient une quittance à son nom. Ils pouvaient s'acquitter du prix de la course en espèces, directement en mains du chauffeur, pour son compte, sur la base du « tarif utilisateur » Le chauffeur conservait la somme ainsi réglée à ses risques à elle. Elle assumait la conséquence financière de la bonne ou mauvaise exécution de la prestation des chauffeurs.

La question du prix avait une influence sur les relations commerciales entre deux entités juridiques, et non entre un employeur et ses employés. Les chauffeurs percevaient le salaire minimum genevois. UBER B.V. mettait uniquement à disposition un outil permettant d'optimiser le prix d'une course, notamment en prenant en compte les tarifs des taxis genevois fixés par la loi. Elle pouvait modifier les tarifs recommandés par l'application. Il n'y avait donc aucune dépendance économique ni d'abandon du pouvoir de direction.

Les relations entre A______ et les diffuseurs de courses qui opéraient via une application consistaient en la transmission d'information quant aux opportunités de courses à proximité des lieux où se situaient les chauffeurs de A______, la transmission automatique des comptes rendus des courses exécutées et des quittances des factures encaissées pour le compte de A______, le versement des montants encaissés au nom de et pour le compte de A______ (sous déduction des frais de service), l'ouverture ou la fermeture des comptes attribués aux chauffeurs par A______ sur ordre de cette dernière. Ces activités n'étaient pas constitutives d'un abandon du pouvoir de direction et d'instruction vis-à-vis de ses chauffeurs, puisqu'elle continuait de gérer l'entier des opérations de ses employés.

La décision de l'OCE l'entravait dans sa liberté économique. L'intérêt public à un assujettissement de son modèle économique à la LSE était inexistant, puisque ses chauffeurs bénéficiaient de meilleures conditions salariales que s'ils étaient soumis au régime de la LSE.

f. Le 1er mars 2023, A______ a produit un avis de droit établi par Me D______.

Selon cet avocat, aucun des critères relatifs à la location de services n'était rempli, étant précisé que l'appréciation devait être globale.

g. Le 13 mars 2023, la juge déléguée a tenu une audience de comparution des parties.

Le représentant de A______ a confirmé que les contrats de travail à l'appel improprement dit avaient pour conséquence que les chauffeurs n'avaient pas d'heures minimum de travail garanties. En contrepartie, ils disposaient d'une grande flexibilité, devant toutefois respecter le maximum de 45 heures de travail par semaine. Leur temps d'attente, qui était en moyenne de trois à cinq minutes, était rémunéré à hauteur d’environ un quart d'heure.

Concrètement, un chauffeur qui entendait travailler activait son profil sur la plateforme UBER, laquelle le géolocalisait et l'orientait. Un particulier faisait une demande via cette plateforme en indiquant le lieu de prise en charge, la destination, l'heure souhaitée et ses références de carte de crédit. La plateforme calculait le montant dû. A______ avait sa propre plateforme connectée au serveur d'UBER qui lui permettait de voir ses chauffeurs en temps réel, de les orienter, de connaître la destination globale parcourue au moment T et son chiffre d'affaires. Elle informait ses chauffeurs de demandes reçues parfois d'hôtels à Genève.

Elle avait fait l'acquisition de 50 véhicules électriques qui devaient être livrés le 21 mars 2023, financés par un leasing global pris à son nom et dont elle prenait en charge le coût des recharges. En juin 2023, elle devrait en posséder 70. Ces véhicules seraient mis à disposition, en priorité, des nouveaux chauffeurs qui n'avaient pas de véhicules mais disposaient du « permis 121 ». Un véhicule coûterait CHF 890.- par mois (pour le leasing) et le chauffeur devrait payer un forfait de CHF 1'100.- pour l'amortissement de la logistique liée à l'usage de ces véhicules. Les CHF 1'100.- seraient toutefois calculés en fonction de l'utilité concrète du véhicule. Ces véhicules disposeraient de tachymètres électroniques, ce qui n'était pas le cas des véhicules actuels. Ils seraient connectés à ses serveurs et les données seraient mises à disposition du PCTN en cas de contrôle.

Elle réglait les charges sociales.

Elle a déposé un jeu de pièces complémentaires, dont des fiches de salaires de chauffeurs et des courriers de licenciement.

h. Par décision du 28 mars 2023, après de nouvelles déterminations, la chambre administrative a restitué l'effet suspensif au recours.

Le recours de l'OCE contre cette décision a été déclaré irrecevable par arrêt du Tribunal fédéral du 20 juin 2023 (2C_240/2023)

i. Le 19 mai 2023, l'OCE a conclu à la confirmation de sa décision du 12 janvier 2022.

Le droit d'être entendu de A______ avait été respecté, dans la mesure où elle avait pu participer activement à la phase d'instruction du dossier et que l'avis établi par le SECO le 30 novembre 2022 était un avis interne qui n'avait pas à lui être communiqué avant la prise de décision.

L'application d'UBER B.V. réunissait de nombreuses données sur les chauffeurs de A______ et leur transmettait, lorsqu'ils y étaient connectés et en ligne, des instructions clés afin d'effectuer les courses, à savoir le lieu de prise en charge, la destination souhaitée, le nom d'utilisateur, ses coordonnées, sa note, sa photographie, la distance de la course et le prix proposé par UBER B.V.. Les chauffeurs étaient évalués par les utilisateurs via l'application, géolocalisés et pouvaient être déconnectés de l'application. Ils devaient utiliser le véhicule identifié sur leur compte UBER B.V.. Cette dernière fixait à A______ un nombre minimum de chauffeurs à déployer selon un planning précis tout en lui imposant un pourcentage croissant de chauffeurs avec une voiture hybride ou électrique.

La charte de la communauté UBER B.V. mise à jour le 28 avril 2021 (ci-après : la charte) et la déclaration de confidentialité d'UBER mise à jour le 23 décembre 2022 (ci-après : la déclaration de confidentialité), disponibles sur le site Internet d'UBER B.V., contenaient essentiellement des instructions et des recommandations assorties de sanctions à l'attention des chauffeurs pour la première et des informations sur le recueil de données et leurs utilisations pour la seconde. UBER B.V. donnait par ce biais aux chauffeurs une multitude d'instructions détaillées propres à ses normes de qualité.

UBER B.V. avait un important pouvoir dans le choix des chauffeurs de A______, puisque ceux-ci ne pouvaient travailler pour UBER B.V. que s'ils remplissaient des critères précis (permis de conduire professionnel et permis de travail valable). Les chauffeurs devaient aussi transmettre à UBER B.V. de nombreuses données personnelles les concernant (licences, permis, autorisations, historique de conduire, casier judiciaire, etc.). UBER B.V. exigeait également que les véhicules des chauffeurs remplissent certains critères prédéfinis pour la Suisse romande. Lorsque les chauffeurs étaient connectés à l'application, ils recevaient et exécutaient des courses uniquement par celle-ci, laquelle répartissait entre eux le travail à effectuer en leur transmettant toutes les informations indispensables (le prix de la course, le nom du passager, l'heure et le lieu de prise en charge, l'itinéraire pour s'y rendre, le lieu de destination et le nouvel itinéraire pour s'y rendre de manière la plus rapide avec mention du trajet estimé).

UBER B.V. obligeait les chauffeurs à réaliser personnellement les courses. Des contrôles inopinés étaient effectués et les chauffeurs devaient se photographier (selfie). Leur géolocalisation permettait une bonne répartition du travail en fonction des courses à réaliser. L'application et la géolocalisation permettaient aussi à UBER B.V. de vérifier le comportement des chauffeurs (excès de vitesse, etc.).

UBER B.V. utilisait les évaluations des chauffeurs afin de proposer à chacun d’eux des moyens d'améliorer son travail. Elle pouvait désactiver un compte personnel sans préavis notamment en cas de prestation insuffisante, de violation de la charte ou si un chauffeur ne transmettait pas, via l'application, la preuve du renouvellement de son permis de travail.

Les chauffeurs de A______ étaient totalement dépendants de l'application d'UBER B.V. C'était par leur géolocalisation y apparaissant en temps réel, qu'ils recevaient les courses à effectuer. Cette application était pour eux un outil de travail indispensable (demandes et acceptation des courses, géolocalisation des chauffeurs, validation de réalisation de la course, facturation et encaissement du prix des courses, évaluation des chauffeurs, etc.). Toute la période de la course se déroulait selon les directives d'UBER B.V. et les chauffeurs bénéficiaient de ses services d'assistance. A______ ne fournissait aucun matériel de travail, la mise à disposition d'éventuels véhicules étant payante. Selon le contrat commercial, UBER B.V. fixait seule, selon des critères qui lui étaient propres et qu’elle était en droit de modifier unilatéralement et en tout temps, le montant de chaque course. UBER B.V. avait la maîtrise de l'entier du processus financier (encaissement, éventuel pourboire, émission de quittances et litiges sur les prix). A______ ne facturait pas un prix fixe convenu à l'avance pour une prestation de travail, mais des heures de travail. Le paiement des charges sociales était également une obligation légale selon la LSE.

Si une course était mal effectuée, le passager ne pouvait s'en plaindre que directement à UBER B.V. par l'intermédiaire de son application. Seule cette dernière pouvait faire un geste commercial auprès d'un passager insatisfait en ajustant ou en annulant le prix d'une course. Au vu de l'image distinctive auprès du grand public d'UBER B.V., si un quelconque problème devait survenir, c'était la marque d'UBER B.V. qui en subissait les conséquences. A______ n'assumait que le risque du bon choix du collaborateur.

j. Le 24 août 2023, A______ a répliqué et requis un transport sur place dans ses locaux.

La charte accessible sur le site internet d'UBER B.V. n'était plus applicable en Suisse depuis juillet 2022. Les dispositions pertinentes de la déclaration de confidentialité n'étaient applicables que dans le cadre de l'exécution du contrat commercial conclu avec UBER B.V.

Des pièces produites par l'OCE n'étaient pas lisibles ou ne se rapportaient pas à des faits pertinents pour l'objet du litige. La chambre administrative ne devait pas en tenir compte.

Les échanges de l’OCE avec le SECO, le syndicat B______ et C______ ne constituaient pas des actes internes qui ne devaient pas lui être communiqués. L'avis du SECO ne portait pas sur des questions techniques et il n’avait pas cherché à examiner l'évolution de sa situation factuelle et juridique. En l'absence de communication de l'existence même de ces interventions externes, il ne pouvait pas lui être reproché de ne pas en avoir demandé la consultation. L'OCE avait agi en simple « exécutant » du SECO. Au vu de la quantité d'informations contradictoires et fausses circulant dans les médias et auprès des syndicats, l'OCE se devait de la consulter, puisqu’elle était la seule à même de s’exprimer sur son propre fonctionnement.

L'OCE ne pouvait pas se référer à la jurisprudence fédérale en matière d'assurances sociales pour conclure à l'existence d'un lien de subordination entre UBER B.V. et ses chauffeurs. UBER B.V. n'entretenait aucune relation contractuelle ou de fait avec ces derniers. Elle ne les notait pas. Le système de notation avait en outre disparu de l’application. Elle-même était seule habilitée à les sanctionner. La géolocalisation était une obligation de la LTVTC pour exercer en tant que diffuseur de courses.

Aux termes du contrat commercial, c'était bien elle-même qui rémunérait UBER B.V. et non l'inverse. Il n'y avait pas de partage de direction entre elles. En tant que diffuseur de courses, UBER B.V. avait une obligation légale de droit public de disposer des informations utiles quant aux chauffeurs et aux voitures utilisées. Elle déconnectait, dans son environnement de l'application, les chauffeurs dont elle se séparait. UBER B.V. ne lui imposait aucun nombre minimum de chauffeurs, le contrat commercial ne contenant aucune sanction si les seuils y mentionnés n'étaient pas atteints.

Les retranscriptions par l'OCE du contrat commercial étaient trompeuses. La charte qu’il mentionnait n'était pas applicable à ses chauffeurs mais concernait la Belgique. La propriété de l'application n'avait aucun lien avec l'éventuelle intégration de ses chauffeurs dans son organisation sur ladite application. À défaut, les chauffeurs ne pourraient pas du tout accéder à ladite application. Elle seule fournissait conseils et assistance à ses chauffeurs.

Considérant les sommes importantes dont elle était redevable chaque mois au titre de salaires et de charges sociales, argumenter qu'UBER B.V. supportait le risque d'entreprise relevait d'une méconnaissance des faits pertinents. L'acquisition de 19 véhicules sur les 50 prévus constituait un autre investissement d'envergure, de pratiquement CHF 1'000'000.-. Elle employait une dizaine de personnes pour gérer au quotidien son activité et était ainsi loin d'être une « coquille vide ».

À l'appui de cette écriture, A______ a produit de nouvelles pièces.

k. Le 20 octobre 2023, l'OCE a dupliqué.

Les divers investissements auxquels avait procédé A______ étaient des faits nouveaux irrecevables.

Aucun droit d'être entendu n'existait au sujet des préavis, étant relevé que le plus récent du SECO datait du 30 novembre 2022 et non de cinq ans plus tôt.

Dans l'hypothèse où les chauffeurs n'étaient pas employés par UBER B.V. mais des personnes morales, cela n'entraînait aucune conséquence juridique sur l'exécution des prestations de transport vis-à-vis des clients finaux. Pour ces derniers, le transfert d'entreprise intervenu le 17 juin 2022 n'avait entraîné aucun changement juridique.

La conservation d'un pouvoir d'instruction sur les chauffeurs par UBER B.V. constituait pour elle une nécessité économique absolue. Le seul moyen juridique permettant à UBER B.V. de se ménager une position analogue à celle d'un employeur était de maintenir le lien de subordination se trouvant dans la location de services. Le but unique d'UBER B.V. était d'exercer ses activités sans assumer un rôle d'employeur formel, mais non de renoncer à son service standardisé et à son pouvoir d'instruction sur les chauffeurs.

l. Le 6 novembre 2023, A______ s'est déterminée spontanément pour relever notamment que la maxime d'office (recte : inquisitoire) étant applicable, de nouveaux moyens de fait et de droit pouvaient être déposés, y compris devant l'instance de recours.

L'OCE mélangeait la question du contrat de transport avec celle du pouvoir d'instruction dont elle bénéficiait en raison de son statut d'employeuse de ses chauffeurs pour tenter de détourner l'attention de la chambre administrative.

Les clients finaux faisant usage de l'application étaient avertis qu'ils contractaient avec elle et recevaient une quittance émise à son nom.

Elle avait démontré qu'elle disposait de tout le pouvoir d'instruction sur ses chauffeurs ; l'automatisation de ses relations avec UBER B.V. en constituait la preuve la plus flagrante.

Un transport sur place dans les locaux de A______ se justifiait pour démontrer les efforts et investissements consentis afin de mettre en œuvre son activité d'entreprise de transport. La chambre administrative pourrait constater directement qu’elle était la seule et unique employeuse des chauffeurs et qu'elle exerçait bien effectivement son pouvoir d'instruction et d'intégration à leur égard.

m. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées par courrier de la juge déléguée du 7 novembre 2023.

n. Le 20 novembre 2023, l'OCE s'est plaint de ne pas avoir été autorisé à produire une nouvelle écriture et s'est opposé à un transport sur place.

o. Les arguments des parties et la teneur des pièces versées à la procédure seront pour le surplus repris ci-dessous dans la mesure nécessaire au traitement du litige.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 38 al. 1, al. 2 let. a et al. 3 LSE).

2.             Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de l'autorité intimée prononçant l'assujettissement de la recourante à la LSE dans le cadre de son activité de transport de personnes avec chauffeur.

3.             Dans le corps de son mémoire complémentaire de recours, la recourante sollicite son audition, mesure d'instruction qu'elle a reprise dans sa réplique. Dans cette dernière écriture, elle a également proposé la preuve par « témoignage », et a requis la tenue d'un transport sur place dans ses locaux.

3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit ne s'étend qu'aux éléments pertinents pour l'issue du litige et n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3).

En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

3.2 En l'espèce, la chambre de céans a procédé à l’audition des parties le 13 mars 2023 au cours de laquelle la recourante a pu apporter des précisions notamment sur son fonctionnement, celui de l'application UBER, sur sa propre plateforme, et ses projets. Elle a également produit de nombreuses pièces à l'appui de ses diverses écritures. La chambre de céans dispose ainsi d’un dossier complet qui lui permet de se prononcer sur les griefs soulevés et de rendre son arrêt en toute connaissance de cause.

Il ne sera donc pas procédé à d’autres actes d’instruction.

4.             La recourante soutient que son droit d'être entendue aurait été violé sur plusieurs points. Elle n'aurait en effet pas pu se déterminer sur les courriers du syndicat B______ du 29 juin 2022, de C______ du 6 juillet 2022 et à propos de la détermination du SECO du 30 novembre 2022. Le caviardage du courrier de C______ constituerait également une violation de son droit d'être entendue. Son droit à une décision motivée aurait été violé dans la mesure où l'intimé n'aurait pas précisé quelle relation il considérait comme faisant l'objet d'une location de services. Le courrier de l'intimé du 7 décembre 2022 n'expliquerait pas pour quels motifs la recourante devait déposer une autorisation LSE. Enfin, elle n'aurait eu connaissance de l'avis du SECO du 14 mars 2018 qu'à la suite de la communication de la détermination de l'intimé du 30 janvier 2023.

4.1 Le droit d'être entendu comprend aussi le droit pour l’intéressé de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes et de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 148 II 73 consid. 7.3.1 ; 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_507/2021 du 13 juin 2022 consid. 3.1). Il n’empêche pas l’autorité de mettre un terme à l’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de se forger une conviction et que, procédant de manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude qu’elles ne pourraient pas l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1).

4.2 Le Tribunal fédéral a expliqué qu'une proposition de décision d'une autorité d'instruction représente un document purement interne, qui n'est pas soumis au droit d'accès au dossier des parties, sauf si la loi prévoit une règle particulière (ATF 131 II 13 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 2C_66/2013 du 7 mai 2013 consid 3.2.2). Il a même explicitement écrit que le préavis de la commission (genevoise) de surveillance des professions de la santé, qui comporte les conclusions de l'instruction relative aux faits et à la sanction envisagée, répond à la définition de l'acte interne à l'administration et n'a pas à être transmis aux parties (arrêt du Tribunal fédéral 2C_915/2022 du 3 août 2023 consid. 4.3 et les références citées).

4.3 Au plan cantonal genevois, l’art. 41 1ère phrase LPA prévoit que les parties ont le droit d’être entendues par l’autorité compétente avant que ne soit prise une décision. L’art. 42 al. 4 LPA précise que les parties ont le droit de prendre connaissance des renseignements écrits ou des pièces que l’autorité recueille auprès de tiers ou d’autres autorités lorsque ceux-ci sont destinés à établir des faits contestés et servent de fondement à la décision administrative. Par ailleurs, les parties et leurs mandataires sont admis à consulter au siège de l’autorité les pièces du dossier destinées à servir de fondement à la décision (art. 44 al. 1 LPA).

4.4 Selon la jurisprudence constante, les préavis sont des documents internes à l’administration, qui sont préparatoires à la décision. Ils ont pour objet d’aider l’autorité compétente à se forger une opinion, souvent sur des questions techniques. Dépourvus de conséquences juridiques directes sur la situation des administrés, ils n’ont pas à être communiqués avant la prise de la décision entreprise et aucun droit d’être entendu n’existe à leur sujet, à ce stade de la procédure, l’idée étant que leur contenu pourra être discuté dans le recours interjeté contre la décision préavisée, dans la mesure et pour autant que le préavis litigieux ait été suivi par l’autorité (ATA/987/2022 du 4 octobre 2022 consid. 4b, confirmé par arrêt du Tribunal fédéral 2C_915/2022 du 3 août 2023 consid. 4.3 et les références citées).

4.5 L’autorité n’a pas à attirer spécialement l’attention des parties sur les faits décisifs qui leur sont connus et qui fonderont la décision, ni sur l’argumentation juridique future de cette décision ou sur son appréciation juridique des faits allégués (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2015, p. 269-270).

4.6 Le droit d’être entendu implique également pour l’autorité l’obligation de motiver sa décision. Il suffit toutefois que l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause. L’autorité n’a pas l’obligation d’exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais elle peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 136 I 229 consid. 5.2). La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêts du Tribunal fédéral 6B_970/2013 du 24 juin 2014 consid. 3.1 et 6B_1193/2013 du 11 février 2014 consid. 1.2). Dès lors que l’on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée (arrêt du Tribunal fédéral 4A.25/2007 du 25 mai 2007 consid. 3 ; ATA/1235/2018 du 20 novembre 2018 consid. 6a).

4.7 Le recours à la chambre administrative ayant un effet dévolutif complet, celle‑ci dispose d'un libre pouvoir d'examen en fait et en droit qui implique la possibilité de guérir une violation du droit d'être entendu, même si l'autorité de recours n'a pas la compétence d'apprécier l'opportunité de la décision attaquée (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_257/2019 du 12 mai 2020 consid. 2.5 ; ATA/1190/2021 du 9 novembre 2021 consid. 3b et les références citées).

4.8 En l'espèce, il ne ressort pas des échanges préalables à la décision attaquée – et la recourante ne le soutient pas – qu'elle aurait demandé à consulter son dossier auprès de l'intimé, ce qui lui aurait permis de prendre éventuellement connaissance des documents auxquels elle dit ne pas avoir eu accès. Indépendamment de cette remarque, la question de savoir si les courriers du syndicat B______, de C______, ainsi que les deux déterminations du SECO constituent des actes internes – ne nécessitant pas une communication avant la prise de la décision entreprise – peut souffrir de rester indécise. En effet, en toute hypothèse, compte tenu de l'effet dévolutif complet du recours, une éventuelle violation du droit d'être entendue de la recourante aurait été réparée dans le cadre de la présente procédure de recours, puisque l'intéressée a pu en prendre connaissance à ce stade et se déterminer à leur propos.

S'agissant plus particulièrement du courrier de C______ précité, il est exact qu'il est caviardé. Néanmoins, ce document se limite à signaler à l'OCE la situation du groupe « UBER » avec la recourante, à donner son avis sur cette relation et à demander à l'office son appréciation à ce sujet. De plus, la situation de la recourante y est expliquée « Parallèlement » à un premier point caviardé. Ce premier point concerne indubitablement la relation entre le groupe « UBER » et une autre entreprise que la recourante. Cela est confirmé par la conclusion du paragraphe concernant l'intéressée où il est dit que « L'AFPL est également intéressée à connaître l'appréciation que fait votre Office de cette situation […] ». Le terme « également » ne peut que faire référence à une première situation concernant une société tierce. Ainsi, dans la mesure où le passage caviardé ne concerne pas directement la recourante, celle-ci ne peut pas se plaindre de ne pas avoir eu accès au document dans son intégralité, à plus forte raison que le secret des affaires de l'autre société dont il est question dans ce courrier pouvait justifier le caviardage des passages la concernant (art. 26 al. 2 let. i de la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 - LIPAD - A 2 08).

La recourante ne saurait être suivie lorsqu'elle soutient que la décision attaquée ne préciserait pas quelle relation fait l'objet de la location de services. Il ressort en effet notamment du 3e paragraphe de la page 13 de la décision attaquée qu'UBER B.V. est clairement désignée comme étant la locataire de services. La décision entreprise est donc suffisamment motivée et la recourante a pu la contester en toute connaissance de cause.

Enfin, il est vrai que le courrier du 7 décembre 2022 de l'OCE ne contient pas d'explications permettant de conclure que les activités de la recourante ressortiraient à la location de services. Toutefois, la question de savoir si ce courrier constitue une décision au sens de l'art. 4 LPA – ce que la recourante ne soutient pas – peut souffrir de rester indécise compte tenu de la chronologie du dossier. En effet, par le biais de la décision du 12 janvier 2023 qu’elle a elle-même sollicitée, la recourante a pu prendre connaissance des motifs ayant conduit l'intimé à considérer que ses activités étaient soumises à autorisation au sens de la LSE. C'est d'ailleurs contre cette décision que la recourante a fait recours et non contre le courrier du 7 décembre 2022. En outre, force est de constater que la recourante, en la contestant auprès de la chambre de céans, a bénéficié du droit d'accès au juge garanti par les art. 29 et 29a Cst.. Au surplus, comme l'indique la doctrine précitée, l'autorité intimée n'avait à transmettre à la recourante avant sa décision ni les faits ni l’argumentation juridique future qu’elle retiendrait, étant rappelé que l'intéressée a pu faire valoir ses arguments dans les différents échanges avec l'intimé préalablement à la décision du 12 janvier 2023. La recourante n'a dès lors subi aucun préjudice du fait que le courrier du 7 décembre 2022 n'aurait pas été motivé.

Le grief est mal fondé.

5.             La recourante se plaint que les faits tels que retenus par l’autorité intimée seraient insuffisamment établis et inexacts pour certains d'entre eux.

5.1 Selon l’art. 61 al. 1 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (let. a), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (al. 2), non réalisée en l'espèce.

5.2 En application de la maxime inquisitoire, qui prévaut en particulier en droit public (art. 19 et 20 LPA), l’autorité définit les faits pertinents et ne tient pour existants que ceux qui sont dûment prouvés ; cette maxime oblige notamment les autorités compétentes à prendre en considération d’office l’ensemble des pièces pertinentes qui ont été versées au dossier. Elle ne dispense pas pour autant les parties de collaborer à l’établissement des faits (ATF 124 II 361 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_728/2020 du 25 février 2021 consid. 4.1 ; 2C_416/2013 du 5 novembre 2013 consid. 10.2.2 ; 2C_84/2012 du 15 décembre 2012 consid. 3.1) ; il leur incombe d’étayer leurs propres thèses, de renseigner le juge sur les faits de la cause et de lui indiquer les moyens de preuves disponibles (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1), spécialement lorsqu’il s’agit d’élucider des faits qu’elles sont le mieux à même de connaître, respectivement qui relèvent de leur sphère d’influence ; la jurisprudence considère à cet égard que le devoir de collaboration des parties à l’établissement des faits est spécialement élevé s’agissant de faits que celles-ci connaissent mieux que quiconque (arrêts du Tribunal fédéral 2C_284/2019 du 16 septembre 2019 consid. 4.3 ; 1C_426/2017 du 11 mars 2019 consid. 5.3 et les références citées). En l’absence de collaboration de la partie concernée par de tels faits et d’éléments probants au dossier, l’autorité qui met fin à l’instruction du dossier en considérant qu’un fait ne peut être considéré comme établi, ne tombe ni dans l’arbitraire ni ne viole les règles régissant le fardeau de la preuve (ATF 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_611/2020 du 10 mai 2021 consid. 2.3 ; ATA/957/2020 du 29 septembre 2020 consid. 3c).

La constatation des faits est, en procédure administrative, gouvernée par le principe de la libre appréciation des preuves (art. 20 al. 1 2e phr. LPA ; ATF 139 II 185 consid. 9.2 ; 130 II 482 consid. 3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_668/2011 du 12 avril 2011 consid. 3.3 ; ATA/874/2020 du 8 septembre 2020 consid. 5a ; ATA/659/2017 du 13 juin 2017 consid. 2b et les références citées). Le juge forme ainsi librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n’est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion (ATA/957/2020 du 29 septembre 2020 consid. 3d et les références citées).

5.3 En l'occurrence, à la suite de l'arrêt du Tribunal fédéral du 30 mai 2022, un accord a été conclu entre l'État de Genève et UBER B.V. le 10 juin 2022 formalisant l'engagement de cette dernière à se mettre en conformité avec la loi, selon le communiqué de presse du même jour, disponible sur le site internet de l'État de Genève. UBER B.V. s'engageait ainsi à ce que les chauffeurs bénéficient des conditions de travail résultant des art. 319 et ss de la loi fédérale complétant le Code civil suisse du 30 mars 1911 (Livre cinquième : Droit des obligations - CO - RS 220), du salaire minimum cantonal et d’affiliations aux assurances sociales, et ce jusqu’à la fin des rapports contractuels. Il apparaît néanmoins qu'UBER B.V. n'est plus l'employeur des chauffeurs en question, puisque, depuis le 17 juin 2022, c'est la recourante qui l’est. La situation de fait a donc radicalement changé, ce qui justifiait une nouvelle analyse juridique de l'autorité compétente en la matière, soit l'OCE, comme il sera vu ci-dessous.

L'intimé ne saurait être suivi lorsqu'il soutient que la recourante n'a pas collaboré à l'établissement des faits pertinents. Il ressort au contraire des échanges entre les parties que la recourante a tâché de répondre aux demandes de l'intimé et lui a fourni de nombreuses pièces, certes parfois après une relance. C'est d'ailleurs sur la base des documents produits que l'intimé est arrivé à la conclusion que l'activité de la recourante entrait dans le champ d'application de la LSE et qu'elle devait être au bénéfice d'une autorisation tant cantonale que fédérale.

Même s'il est vrai que le courriel du 13 décembre 2022 peut laisser penser que la recourante avait manifesté son accord pour déposer un dossier LSE, les échanges antérieurs et postérieurs entre les parties démontrent qu’elle n’en a pas moins contesté son assujettissement à la LSE. Le recours par-devant la chambre de céans contre la décision d'assujettissement constitue d'ailleurs le prolongement de cette contestation.

Ces deux points n'ont au final pas d'incidence sur les éléments qui doivent être pris en considération pour statuer sur la question juridique à résoudre, comme il sera expliqué ci‑dessous.

Enfin, la critique de la recourante sur le fait qu'elle serait seule employeuse des chauffeurs et que par conséquent, elle exercerait exclusivement son pouvoir de direction et d'instruction sur ceux-ci, porte en réalité sur l’appréciation des faits effectuée par l’autorité intimée, et non sur leur constatation inexacte, ce qui relève du fond du litige.

Le grief sera dès lors écarté.

6.             La recourante soutient que certaines des pièces produites par l'intimé ne seraient pas lisibles ou ne se rapporteraient pas à des faits pertinents pour l'objet du litige. La chambre administrative ne devrait donc pas en tenir compte. L'intimé estime, de son côté, que de nouveaux allégués de la recourante, formulés au stade de la réplique seulement, seraient irrecevables.

6.1 Sauf exception prévue par la loi, le recourant peut invoquer des motifs, des faits et des moyens de preuves nouveaux qui ne l’ont pas été dans les précédentes procédures (art. 68 LPA). La juridiction administrative chargée de statuer est liée par les conclusions des parties. Elle n’est en revanche pas liée par les motifs que les parties invoquent (at. 69 al. 1 LPA).

L'autorité de recours doit en principe prendre en compte les faits et moyens de preuve qui surviennent après le dépôt du mémoire de recours et l'échange des écritures s'ils sont pertinents. De même, elle doit tenir compte de modifications des circonstances qui interviennent en cours de procédure (ATA/751/2023 du 11 juillet 2023 consid. 2.1 et l’arrêt cité ; Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2e éd., 2015, p. 618).

6.2 Le mémoire de réplique ne peut toutefois contenir qu'une argumentation de fait et de droit complémentaire, destinée à répondre aux arguments nouveaux développés dans le mémoire de réponse. Il ne peut en principe pas être utilisé afin de présenter de nouvelles conclusions ou de nouveaux griefs qui auraient déjà pu figurer dans l'acte de recours (arrêt du Tribunal fédéral 1C_130/2015 du 20 janvier 2016 consid. 2.2 in SJ 2016 I 358 ; ATA/1190/2022 du 29 novembre 2022 consid. 2b ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 244 n. 927).

6.3 En l'espèce, il est exact que la pièce 33 produite par l'OCE, sur le support d'une clé USB, n'est pas lisible. Néanmoins, comme vu ci-dessus, le juge forme librement sa conviction en analysant la force probante des preuves administrées et ce n’est ni le genre, ni le nombre des preuves qui est déterminant, mais leur force de persuasion. Compte tenu de la documentation recueillie par l'intimé et des pièces produites en instance de recours, la chambre de céans est en mesure de statuer sans tenir compte des vidéos « Je souhaite connaître ma note » (pièce 33 de l'intimé), « Fonctionnement des notes avec étoiles » (pièce 34 de l'intimé), « How our guidelines apply to you » (pièce 36 de l'intimé) et de la charte (pièce 37 de l'intimé).

Comme l'indique la doctrine précitée, l'autorité de recours doit en principe prendre en compte les faits et moyens de preuve qui surviennent après le dépôt du mémoire de recours et l'échange des écritures s'ils sont pertinents. De même, elle doit tenir compte de modifications des circonstances qui interviennent en cours de procédure. Il convient donc de tenir compte notamment des modifications du fonctionnement de l'application utilisée par les chauffeurs de la recourante. En outre, contrairement à ce que soutient l'intimé, les faits allégués par la recourante dans sa réplique s'inscrivent dans la suite de son mémoire complémentaire de recours. Dans cette écriture, la société faisait, par exemple, déjà référence à des investissements consentis pour exercer son activité d'entreprise de transport, tels que des véhicules de remplacement. Il en est de même de la relation entre la recourante et UBER B.V. ou entre la société et son application ou encore du recrutement, de l'engagement et de l'intégration des chauffeurs. On ne saurait dès lors conclure que la recourante aurait pris la liberté de présenter des arguments nouveaux ou des griefs qui auraient déjà pu figurer dans l’acte de recours. Cette solution s’impose d’autant plus que la maxime inquisitoire prévaut en droit public comme vu ci-dessus. Les allégués dont fait état la recourante dans sa réplique sont par conséquent recevables.

Les requêtes des deux parties seront écartées.

7.             La recourante considère qu'une interdiction de pratiquer toute activité jusqu'à l'obtention d'une autorisation de pratiquer la location de services serait dépourvue de toute base légale. La décision attaquée violerait donc le principe de la légalité.

7.1 Selon l'art. 5 al. 1 Cst., le droit est la base et la limite de l'activité de l'État. Le principe de la légalité se compose de deux éléments : le principe de la suprématie de la loi et le principe de l'exigence de la base légale. Le premier signifie que l'autorité doit respecter l'ensemble des normes juridiques ainsi que la hiérarchie des normes. Le second implique que l'autorité ne peut agir que si la loi le lui permet ; son action doit avoir un fondement dans une loi (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3e éd., 2012, p. 621s, 624 et 650 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 448, 467 ss et 476 ss).

Le principe de la légalité exige que les autorités n’agissent que dans le cadre fixé par la loi (ATF 147 I 1 consid. 4.3.1). Hormis en droit pénal et fiscal où il a une signification particulière, le principe de la légalité n’est pas un droit constitutionnel du citoyen. Il s’agit d’un principe constitutionnel qui ne peut pas être invoqué en tant que tel, mais seulement en relation avec la violation, notamment, du principe de la séparation des pouvoirs, de l’égalité de traitement, de l’interdiction de l’arbitraire ou la violation d’un droit fondamental spécial (ATF 146 II 56 consid. 6.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_776/2020 du 7 juillet 2022 consid. 7.1).

7.2 Selon l'art. 27 al. 1 Cst., la liberté économique est garantie. Elle comprend notamment le libre choix de la profession, le libre accès à une activité économique lucrative privée et son libre exercice (art. 27 al. 2 Cst.). La liberté économique protège toute activité économique privée, exercée à titre professionnel et tendant à la production d'un gain ou d'un revenu (ATF 137 I 167 consid. 3.1 ; 135 I 130 consid. 4.2). L’art. 36 Cst. exige que toute restriction d’un droit fondamental soit fondée sur une base légale (al. 1), justifiée par un intérêt public ou par la protection d’un droit fondamental d’autrui (al. 2) et proportionnée au but visé (al. 3).

Les restrictions à la liberté économique peuvent consister en des mesures de police ou d'autres mesures d'intérêt général tendant à procurer du bien-être à l'ensemble ou à une grande partie des citoyens ou à accroître ce bien-être, telles des mesures sociales ou de politique sociale. Ces restrictions ne doivent toutefois pas se fonder sur des motifs de politique économique et intervenir dans la libre concurrence pour favoriser certaines formes d'exploitation en dirigeant l'économie selon un certain plan, à moins qu'elles ne soient prévues par une disposition constitutionnelle spéciale ou fondées sur les droits régaliens des cantons (arrêt du Tribunal fédéral 2A.456/2004 du 23 mai 2005 consid. 4.2).

7.3 À teneur de l’art. 1 LSE, cette loi vise à régir le placement privé de personnel et la location de services (let. a), à assurer un service public de l’emploi qui contribue à créer et à maintenir un marché du travail équilibré (let. b) et à protéger les travailleurs qui recourent au placement privé, au service public de l’emploi ou à la location de services (let. c).

Selon l'art. 2 LSE, quiconque entend exercer en Suisse, régulièrement et contre rémunération, une activité de placeur, qui consiste à mettre employeurs et demandeurs d’emploi en contact afin qu’ils puissent conclure des contrats de travail, doit avoir obtenu une autorisation de l’office cantonal du travail (al. 1). Est en outre soumis à autorisation le placement de personnes pour des représentations artistiques ou des manifestations semblables (al. 2). Celui qui s’occupe régulièrement de placement de personnel de l’étranger ou à l’étranger (placement intéressant l’étranger) doit avoir obtenu une autorisation du SECO en sus de l’autorisation cantonale (al. 3). Est assimilé au placement de personnel de l’étranger le placement d’un étranger qui séjourne en Suisse, mais n’est pas encore autorisé à exercer une activité lucrative (al. 4). Si une succursale n’a pas son siège dans le même canton que la maison mère, elle doit avoir obtenu une autorisation; si elle est établie dans le même canton que la maison mère, elle doit être déclarée à l’office cantonal du travail (al. 5).

L'art. 16 LSE prévoit que l'autorisation est retirée lorsque le bailleur de services l’a obtenue en donnant des indications inexactes ou fallacieuses ou en taisant des éléments essentiels (al. 1 let. a), enfreint de manière répétée ou grave des dispositions impératives ressortissant à la protection des travailleurs, la présente loi ou des dispositions d’exécution, en particulier les dispositions fédérales ou cantonal les relatives à l’admission des étrangers (al. 1 let. b), ne remplit plus les conditions requises pour l’octroi de l’autorisation (al. 1 let. c). Si le bailleur de services ne remplit plus certaines des conditions requises pour l’octroi de l’autorisation, l’autorité qui l’a délivrée doit, avant d’en décider le retrait, impartir au bailleur de services un délai pour régulariser sa situation (al. 2).

L'art. 39 al. 1 let. a LSE précise que sera puni d’une amende de CHF 100'000.- au maximum celui qui, intentionnellement, aura procuré du travail ou loué des services sans posséder l’autorisation nécessaire.

7.4 Au plan cantonal genevois, l'art. 3 de la loi sur le service de l’emploi et la location de services du 18 septembre 1992 (LSELS - J 2 05) prévoit qu'une autorisation est nécessaire pour effectuer du placement privé ou de la location de services selon les prescriptions de la LSE (al. 1) L’autorisation est délivrée par l’autorité compétente pour une durée illimitée (al. 2). Selon l'art. 4 LSELS, les activités de placement privé et de location de services sont soumises à la surveillance de l’autorité compétente (al. 1), qui est l'OCE (art. 2 LSELS et 1 du règlement d’exécution de la loi sur le service de l’emploi et la location de services du 14 décembre 1992 - RSELS - J 2 05.01). L’autorité compétente contrôle si l’entreprise remplit les conditions d’octroi de l’autorisation (al. 2).

Conformément à l'art. 2 RSELS, l’autorisation prévue à l’art. 3 LSELS, est délivrée par l'OCE, si les conditions prévues par les prescriptions fédérales et cantonales sont remplies (al. 1). L’office statue par voie de décision sur la demande d’autorisation (al. 2). Par ailleurs, lorsque les conditions d’octroi de l’autorisation sont remplies, l’OCE délivre un titre d’autorisation au nom de l’entreprise (al. 3).

7.5 Selon la doctrine, une autorisation est une décision qui permet à son bénéficiaire d'exercer une activité qui, sans cette décision, serait interdite. L'interdiction sous réserve d'autorisation ne vise normalement pas à empêcher par principe l'exercice de l'activité soumise à ce régime, mais à la contrôler. Dans le régime de l'autorisation de police, le contrôle se limitera à vérifier si les conditions posées par la loi sont remplies (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 305 n. 855)

Les autorisations de police représentent un des types les plus connus de décisions favorisantes pour les administrés. Elles ne créent pas à proprement parler de droits nouveaux, car elles ont pour but de vérifier que les requérants remplissent bien les conditions prévues par la loi pour pouvoir entreprendre une activité que le législateur a soumise à une autorisation pour des motifs tenant à la sauvegarde de l'ordre public (ATF 110 Ib 364). Appartiennent à ces catégories, par exemple, les autorisations de construire, les permis de conduire, les autorisations de pratique des médecins, les brevets d'avocat, les patentes d'aubergistes, etc. (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 305 n. 857).

Ces décisions ne constituent cependant pas des décisions constatatoires, mais des décisions formatrices, car elles ouvrent formellement le droit d'exercer l'activité en cause. Le fait d'exercer cette activité sans autorisation constitue bien une violation de la loi. Le droit créé par la loi n'est donc que virtuel tant qu'une autorisation n'a pas été obtenue (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 306 n. 858).

7.6 La doctrine prévoit également que les mesures administratives ont pour objet d'imposer des obligations ou de refuser – ou de retirer – des droits à des administrés afin d'obliger ceux-ci à se conformer à des obligations générales ou particulières qui leur incombent en vertu de la loi ou de décisions. Elles se distinguent des mesures d'exécution forcée. De plus, si elles peuvent avoir un effet sanctionnateur, le but des mesures administratives est d'assurer le respect de la loi et de l'intérêt public poursuivi par celle-ci. Leur prononcé n'exige donc pas une faute de l'administré (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 409 n. 1197). Ces mesures peuvent consister en une injonction de cesser une activité violant le droit ou de rétablir une situation qui y soit conforme (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 410 n. 1199).

S'agissant de la base légale d'une mesure administrative, il faut examiner si la mesure ne fait que confirmer à l'administré une obligation qui résulte déjà de la loi ou d'une décision. Dans un tel cas, la mesure n'a pas besoin d'être expressément prévue par la loi : l'habilitation à la prononcer résulte déjà du droit matériel (ATF 123 II 248 consid. 4b ; 111 Ib 213 consid. 6c) (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 410 n. 1200). Par ailleurs, en matière d'exécution, une base légale spécifique ne sera pas nécessaire lorsque l'autorité ordonne le rétablissement d'une situation conforme au droit à un administré qui s'est mis dans l'illégalité, par exemple en exigeant la démolition d'une construction illégale ou la cessation d'une activité interdite (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 400 n. 1157). C'est le principe de la légalité, considéré sous l'angle de la suprématie de la loi, qui impose à l'autorité de veiller à l'exécution des obligations de droit administratif. Il serait paradoxal que le même principe, sous l'angle de l'exigence de la base légale, pose un obstacle trop important à cette exécution (Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 400 n. 1156).

7.7 En l'espèce, l'autorisation, dans le régime de la location de services, a pour but de vérifier que les requérants remplissent bien les conditions prévues par la LSE pour pouvoir entreprendre une activité que le législateur a soumise à une autorisation pour des motifs tenant à la sauvegarde de l'ordre public (voir à ce sujet le message concernant la révision de la loi fédérale sur le service de l'emploi et la location de services du 27 novembre 1985 in FF 1985 III 524 qui rappelle les buts du projet de la loi, dont celui de la protection des travailleurs en matière de placement et de location de services, ainsi que celui de la volonté de combattre plus efficacement l'occupation illégale de main d'œuvre étrangère). L'autorisation LSE revêt ainsi les caractéristiques d'une autorisation de police.

Comme l'indique la doctrine précitée, cette autorisation est donc une décision formatrice, puisqu'elle ouvre le droit d'exercer la location de services.

Ainsi, contrairement à ce que soutient la recourante, l'intimé est en droit d'interdire immédiatement de pratiquer une activité potentiellement soumise à la LSE dans l'attente du dépôt du dossier visant à obtenir ladite autorisation formatrice. Le fait que la LSE prévoie une amende en cas de violation à la LSE (art. 39 LSE) – ce que d'ailleurs précise la décision attaquée – n'empêche aucunement l'intimé d'interdire immédiatement à une société de pratiquer une activité potentiellement soumise à la LSE. Cela résulte en effet déjà du droit matériel de la LSE, lequel prévoit un régime d'autorisation de police formatrice, si bien qu'il n'est pas nécessaire que l'interdiction immédiate soit fondée sur une base légale expresse.

Le grief est mal fondé.

8.             La recourante conteste l’assujettissement à la LSE de son activité exercée dans le cadre de transport de personnes avec chauffeur.

8.1 Comme vu ci-dessus, la LSE a plusieurs buts.

La location de services désigne des relations tripartites entre un employeur (bailleur), une entreprise locataire et un travailleur (ATF 148 II 203 consid. 3.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_132/2018 du 2 novembre 2018 consid. 4.3.2 ; message concernant la révision de la loi fédérale sur le service de l'emploi et la location de services, FF 1985 III 524 p. 533 s.). La location de services implique ainsi deux contrats : d'une part un contrat de travail au sens des art. 319 ss CO entre le bailleur de services et le travailleur (art. 19 LSE ; ATF 145 III 63 consid. 2.2.1; 119 V 357 consid. 2a) et, d'autre part, un contrat de location de services entre le bailleur et le locataire de services (art. 22 LSE ; ATF 137 V 114 consid. 4.2.1 ; Romain FÉLIX, Location de services versus autres contrats de prestations : critères de distinction, in Rémy WYLER [éd.], Panorama III en droit du travail, 2017, p. 779 ss, p. 782 ; Fabian LOOSER, Der Personalverleih, thèse 2015, p. 116 n. 350, 118 n. 355). L'existence d'un contrat de travail est ainsi une condition préalable à toute situation de location de services au sens de la LSE.

8.2 La LSE impose des exigences spécifiques aux bailleurs de services. Elle les soumet à un régime d'autorisation obligatoire (art. 12 ss LSE), les astreint à fournir des sûretés (art. 14 LSE) et leur impose une obligation de renseigner (art. 17 LSE). La publication d'offres d'emploi (art. 18 LSE), la forme et le contenu du contrat de travail conclu entre le bailleur de services et le travailleur (art. 19 LSE), ainsi que ceux du contrat de location de services entre le bailleur et l'entreprise locataire (art. 22 LSE) sont en outre réglementés strictement (148 II 426 consid. 5.2).

8.3 Selon l’art. 12 al. 1 LSE, les employeurs (bailleurs de services) qui font commerce de céder à des tiers (entreprises locataires de services) les services de travailleurs doivent avoir obtenu une autorisation de l’office cantonal du travail (al. 1), soit à Genève l'OCE (art. 2 LSELS et art. 1 RSELS).

La définition de l’art. 12 al. 1 LSE est large afin d’éviter que la finalité de la loi ne soit détournée, la caractéristique principale de la location de services étant la cession à des fins lucratives, c’est-à-dire régulière et contre rémunération, de travailleurs à d’autres employeurs. Elle implique que la loi est également applicable aux entreprises dont les travailleurs exécutent des travaux pour des tiers qui s’en chargent habituellement eux-mêmes, c’est-à-dire qui sont spécifiques à la branche (FF 1985 III 524, p. 581 ss).

8.4 L’art. 26 OSE précise l’activité de location de services. Est réputé bailleur de services celui qui loue les services d’un travailleur à une entreprise locataire en abandonnant à celle-ci l’essentiel de ses pouvoirs de direction à l’égard du travailleur (al. 1). On peut également conclure à une activité de location de services, notamment lorsque le travailleur est impliqué dans l’organisation de travail de l’entreprise locataire sur le plan personnel, organisationnel, matériel et temporel (al. 2 let. a) ; le travailleur réalise les travaux avec les outils, le matériel ou les appareils de l’entreprise locataire (al. 2 let. b) ; l’entreprise locataire supporte elle-même le risque en cas de mauvaise exécution du contrat (al. 2 let. c). Fait commerce de location de services celui qui loue les services de travailleurs à des entreprises locataires de manière régulière et dans l’intention de réaliser un profit ou qui réalise par son activité de location de services un chiffre d’affaires annuel de CHF 100'000.- au moins (art. 29 al. 1 OSE). Exerce régulièrement celui qui conclut avec les entreprises locataires, en l’espace de douze mois, plus de dix contrats de locations de services portant sur l’engagement ininterrompu d’un travailleur individuel ou d’un groupe de travailleurs (art. 29 al. 2 OSE).

8.5 Le pouvoir de donner des instructions ne doit pas être entièrement détenu par le tiers ; pour qu'il y ait location de services, il suffit que le tiers se voie confier des compétences essentielles en matière d'instructions ; le droit de donner des instructions entre l'employeur légal (bailleur de services) et l'entreprise locataire de services est scindé (arrêts du Tribunal fédéral 2C_543/2014 du 26 novembre 2014 consid. 2.1 ; 2C_356/2012 du 11 février 2013 consid. 3.1).

Dans le cadre du contrat de location de services, le bailleur de services ne s'engage donc pas à fournir une prestation de travail déterminée qu'il fait exécuter par des auxiliaires, mais plutôt à choisir soigneusement les travailleurs correspondants et à les remettre à l'entreprise locataire de services contre rémunération, en leur octroyant un pouvoir d'instruction essentiel. La différence essentielle entre la location de services et un contrat de mandat réside dans le fait que, dans le cas du mandat, il n'existe pas de rapport de subordination au sens du droit du travail entre le prestataire de services et le destinataire de la prestation (art. 321d CO) : le mandataire recherche et acquiert ses missions pour lui-même et travaille simultanément pour différents mandants, sans être dépendant d'un seul mandant sur le plan économique ou organisationnel. En revanche, le travailleur détaché dans le cadre d'une location de services est soumis aux directives du tiers ou de l'entreprise locataire de services : il est intégré dans l'organisation de l'entreprise d'un tiers, ce dernier ayant ainsi la possibilité d'employer des personnes comme des salariés, sans conclure avec elles un rapport de travail ; le rapport de travail avec le bailleur de services subsiste (arrêts du Tribunal fédéral 2C_543/2014 précité consid. 2.2 ; 2C_356/2012 précité consid. 3.2).

La distinction entre les contrats de mise à disposition de travailleurs et ceux qui visent l’offre d’une prestation de nature différente à effectuer auprès d’un tiers n’est pas aisée, le nom que les parties donnent au contrat n’étant pas déterminant. En particulier, la distinction doit se faire dans chaque cas d’espèce, en s’appuyant sur le contenu du contrat, la description du poste et la situation du travail concrète dans l’entreprise de mission (arrêts du Tribunal fédéral 4A_500/2018 du 11 avril 2019 consid. 4.1 ; 2C_543/2014 précité consid. 2.4 ; 2C_356/2012 précité consid. 3.5).

8.6 Comme critères auxiliaires pour les questions de délimitation, la jurisprudence s'inspire également des directives et commentaires du SECO relatifs à la LSE (arrêts du Tribunal fédéral 2C_132/2018 précité consid. 4.1 ; 2C_543/2014 précité consid. 2.4 ; 2C_356/2012 précité consid. 3.5).

Celles-ci définissent différents critères, non exhaustifs, permettant de conclure à la fourniture d’une prestation de travail sous la forme de la location de services. Il en va ainsi du rapport de subordination, dans le cadre duquel le pouvoir de direction et de contrôle, caractéristique essentielle de la fourniture d’une prestation de travail, appartient à l’entreprise de mission, notamment s’agissant de la compétence de donner des instructions concernant la manière d’exécuter le travail et le choix des moyens auxiliaires. Cette condition peut déjà être remplie lorsque le bailleur de services et l'entreprise de mission se partagent le pouvoir de direction. Il en va de même de l’intégration du travailleur dans l’entreprise de mission au niveau du personnel, de l’organisation et des horaires : il travaille avec les outils, le matériel, les instruments de l'entreprise de mission, principalement au siège de celle-ci et selon ses horaires. Tel est également le cas de l’obligation d’établir le décompte des heures effectuées, le bailleur de services ne facturant pas un prix fixe convenu d’avance pour la prestation de travail. Par ailleurs, le risque commercial de la prestation de travail est supporté par l’entreprise de mission, le bailleur de services assumant le seul risque du bon choix du travailleur ; il ne garantit aucun résultat contractuel (quant à la qualité ou à l'achèvement du produit jusqu'à une date donnée). Si l'objectif n'est pas atteint, il ne fait pas de rabais sur le prix convenu ni ne fournit pas exemple des prestations réparatoires gratuites. Finalement, le bailleur de services ne répond pas non plus des dommages que son travailleur est susceptible de causer par négligence ou intentionnellement à l'entreprise de mission ou à des tiers dans le cadre de son activité pour l'entreprise de mission (SECO, Directives et commentaires relatifs à la LSE, 2003, p. 65-66). La durée de la mission et la nature du travail ne jouent aucun rôle dans l’identification du rapport de location de services (SECO, op. cit., p. 66).

Dans ce sens, il n’y a pas de contrat de location de services lorsque l’entreprise n’a pas le pouvoir de direction, que le travailleur ne se sert pas des outils, du matériel et des instruments de l’entreprise de mission, que le travailleur ne travaille pas exclusivement au siège selon les horaires de travail de l’entreprise de mission, que le contrat conclu entre l’entrepreneur et l’entreprise de mission n’a pas pour objet primordial la facturation d’heures de travail mais la réalisation d’un objectif clairement défini contre une certaine rémunération, qu’en cas de non-réalisation de cet objectif, l’entrepreneur garantit à l’entreprise de mission des prestations réparatoires gratuites ou des réductions des honoraires (SECO, op. cit., p. 66). Le fait que les personnes mises à disposition se qualifient elles-mêmes d’indépendantes ou sont dites telles par le bailleur de services n’est pas déterminant, une activité étant qualifiée d’indépendante sur la base de la manière dont elle est exécutée et non pas de la nature juridique du contrat liant les parties (SECO, op. cit., p. 63, p. 67).

8.7 La location de services peut prendre différentes formes.

Selon l’art. 27 OSE, elle comprend le travail temporaire, la mise à disposition de travailleurs à titre principal (travail en régie) et la mise à disposition occasionnelle de travailleurs (al. 1). Il y a travail temporaire lorsque le but et la durée du contrat de travail conclu entre le bailleur de services et le travailleur sont limités à une seule mission dans une entreprise (al. 2). Il y a mise à disposition de travailleurs à titre principal (travail en régie) lorsque le but du contrat de travail conclu entre l’employeur et le travailleur consiste principalement à louer les services du travailleur à des entreprises locataires et que la durée du contrat de travail est en principe indépendante des missions effectuées dans les entreprises locataires (al. 3 let. a et b). Il y a mise à disposition occasionnelle de travailleurs (al. 4) lorsque le but du contrat de travail conclu entre l’employeur et le travailleur consiste à placer le travailleur principalement sous les ordres de l’employeur (let. a), que les services du travailleur ne sont loués qu’exceptionnellement à une entreprise locataire (let. b) et que la durée du contrat de travail est indépendante d’éventuelles missions effectuées dans des entreprises locataires (let. c).

8.8 Dans une affaire genevoise concernant une application du groupe d'UBER B.V., soit « UberEats », le Tribunal fédéral a eu l'occasion de statuer sur la question de savoir si la relation entre UBER et les restaurateurs était susceptible de relever de la location de services au sens de la LSE (arrêt du Tribunal fédéral 2C_575/2020 du 30 mai 2022 publié en partie aux ATF 148 II 426).

Après avoir retenu l'existence d'un rapport de subordination propre à la relation de travail entre UBER et ses livreurs, le Tribunal fédéral a considéré que la relation entre UBER et les restaurateurs ne relevait pas de la location de services, au sens où les restaurateurs n'étaient pas locataires de services, n'exerçant notamment aucun pouvoir de direction sur les livreurs.

La question de la location de services en lien avec les plateformes numériques de travail doit être examinée sous un autre angle. Il s'agit en effet de savoir si la société gérant la plateforme peut recourir à des prestataires employés par des entreprises tierces, et si elle est elle-même une locataire de services.

C'est ce cas de figure dont il est question en l'espèce s'agissant de la relation entre UBER B.V. et la recourante dans le cadre de son activité de transport de personnes avec chauffeur.

8.9 Récemment, la chambre de céans a retenu qu'une société ayant recours à la plateforme « UberEats » dans le cadre de son activité de livraison de repas devait être considérée comme une bailleresse de services au bénéfice d'UBER B.V. (ATA/1306/2023 du 5 décembre 2023, étant précisé qu'un recours au Tribunal fédéral est pendant).

8.10 L’interdiction de l’abus de droit représente un correctif qui intervient dans l'exercice des droits (Giorgio MALINVERNI et al., Droit constitutionnel suisse, vol. II – Les droits fondamentaux, 4e éd., 2021, n. 1307). L’abus de droit consiste à utiliser une institution juridique à des fins étrangères au but même de la disposition légale qui la consacre, de telle sorte que l’écart entre le droit exercé et l’intérêt qu’il est censé protéger s’avère manifeste (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3e éd., 2012, n. 6.4.4 p. 933 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 208 n. 583). L’interdiction de l’abus de droit vaut, tout comme la notion de fraude à la loi qui en constitue une composante, en droit administratif (ATF 142 II 206 consid. 2.3), et ce tant pour les administrés que pour l’administration (ATA/872/2023 du 22 août 2023 consid. 6.3).

Selon la jurisprudence, il y a fraude à la loi lorsqu'un justiciable cherche à éviter l'application d'une norme imposant ou interdisant un certain résultat par le biais d'une autre norme permettant d'aboutir à ce résultat de manière apparemment conforme au droit (ATF 144 II 49 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_370/2021 du 10 novembre 2022 consid. 3.1). La norme éludée doit alors être appliquée nonobstant la construction destinée à la contourner (ATF 134 I 65 consid. 5.1 ; 131 I 166 consid. 6.1 et les arrêts cités).

Pour décider s'il existe une fraude à la loi, il faut interpréter la norme d'interdiction en cherchant si, selon son sens et son but, celle-ci s'applique aussi à l'opération litigieuse, ou si cette dernière est exclue du champ d'application de la norme d'interdiction et est ainsi valable (ATA/1105/2023 du 10 octobre 2023 consid. 4.8 et la référence citée).

9.             En l'espèce, la recourante a pour but social l'exploitation d'une entreprise de transport de personnes et/ou d'objets, de personnes avec chauffeur, ainsi que toute autre opération « convergeant à ses buts ». Ce but social ne permet pas de déduire que sa relation avec UBER B.V. relèverait de la location de services au sens de la LSE.

Il convient dès lors d'examiner concrètement les relations entre la recourante et UBER B.V.

Selon les pièces figurant au dossier, le document intitulé « NOUVEL ENGAGEMENT » comporte une référence à UBER B.V., en ce sens que le chauffeur candidat à l'engagement peut indiquer son adresse électronique auprès de cette société « @ mail UBER ». Le contrat de travail (travail sur appel improprement dit) fait également référence à UBER B.V. pour le temps d'essai auquel n’étaient pas soumis les chauffeurs issus du transfert entre UBER B.V. et la recourante. Dans ce document, il est également fait référence, dans la rubrique « Salaire », à la plateforme mise à disposition par le « Commercialisateur », soit en l'occurrence UBER B.V., devant être considérée comme étant « diffuseur de course », où il est indiqué qu'« En règle générale le travail effectif commence à l'acceptation d'une demande de transport transmise par la plateforme d'un Commercialisateur ou par l'Employeur. Le travail prend fin lorsque la course est terminée et facturée ».

Il est également expliqué dans les conditions générales d'engagement et règles de conduite établies par la recourante, version du 15 juin 2022, que le « Commercialisateur » est une entreprise qui propose à des personnes physiques disposant des compétences, du matériel et des autorisations requises, de prendre en charge des services de transport de personnes ou de marchandises. En contrepartie, l'employeur facture avec l'appui éventuel des moyens du commercialisateur au client le montant pour la course. Le bénéficiaire de la prestation règle généralement la course à l'employeur avec ou sans l'appui des moyens du commercialisateur ; cependant il est possible que le travailleur collecte lui-même l'intégralité de la course en espèces. Le commercialisteur peut proposer ses services selon une gamme de prestations sélectionnée par le client, ces gammes de prestations peuvent justifier une tarification différentiée définie par l'employeur avec le commercialisateur concerné. Il est également précisé qu'afin de permettre à l'employeur d'exécuter son activité administrative, le chauffeur autorise le commercialisateur à lui transmettre le détail des courses acceptées par celui-ci (Préambule). La rubrique « Documents contractuels » précise également que dans la mesure où la plateforme du commercialisateur est utilisée, la charte de la communauté de ce dernier s'applique. Elle fait partie intégrante des conditions d'engagement et règles de conduite. En outre, chaque travailleur se voit attribuer un compte chauffeur par chacun des commercialisateurs (p. 8). Lorsque le chauffeur accepte une demande de course, le client reçoit des informations au sujet du chauffeur, y compris son prénom, sa photographie, des détails concernant son véhicule (notamment son immatriculation), sa géolocalisation (avant et pendant les courses) et l'évaluation moyenne laissée par les autres clients. Toutes ces données peuvent être transmises à l'exploitant de la plateforme. L'exploitant de la plateforme peut surveiller, suivre et partager avec des tiers les données de géolocalisaiton du travailleur collectées à des fins de sécurité, de sûreté et pour des raisons techniques. Le chauffeur y consent expressément, y compris au fait qu'il peut faire l'objet d'évaluations de la part des clients. La recourante doit avoir accès aux données collectées par la plateforme du commercialisateur concernant l'activité du chauffeur (p. 15).

Le contrat cadre de transfert d'entreprise du 17 juin 2022 prévoit également qu'UBER B.V. met à disposition de la recourante la technologie numérique d'UBER B.V. afin que celle-ci puisse l'utiliser pour fournir des services de transport de personnes à titre professionnel (art. 6 du contrat cadre de transfert d'entreprise).

Le contrat commercial signé le même jour régit la façon dont « UBER », qu'il convient d'interpréter comme étant UBER B.V. dans la mesure où c'est cette société qui est titulaire de l'application (art. 1 let. b dudit contrat) et que c'est elle qui peut solliciter une filiale ou un tiers afin d'exécuter les services d'« UBER » pour son compte (art. 2 let. b dudit contrat), met à la disposition de la recourante sa technologie et ses services. UBER B.V. permet à la recourante de constituer un compte à son nom qui regroupera les chauffeurs et leur donnera l'accès à l'application, ainsi qu'à ses logiciels et sites Web dans le cadre de leur relation de travail avec la recourante et de bénéficier des services de paiement et services d'assistance. La recourante pourra également bénéficier d'outils qui lui fourniront des informations sur la façon dont ses chauffeurs utilisent l'application (art. 1 let. d dudit contrat). De plus, UBER B.V. permet à la recourante d'utiliser l'application et lui fournit les services de collecte des paiements (pour facturer le « tarif utilisateur » et tous autres frais ou suppléments applicables, les collecter et les verser sur son compte bancaire) ainsi que d'émission de factures et de reçus au nom et pour le compte de la recourante (art. 2 let. b dudit contrat). UBER B.V. accorde par ailleurs à la recourante une licence personnelle, non exclusive, non transférable, révocable et non susceptible de sous-licence, pour installer et utiliser (et permettre aux chauffeurs d'utiliser) l'application sur ses équipements électroniques et/ou ceux des chauffeurs, uniquement pour effectuer des courses. (…). UBER B.V. s'engage à transmettre sur le tableau de bord les données liées aux courses réalisées par les chauffeurs employés par la recourante. UBER B.V. s'engage à transmettre, chaque jour, un décompte précis contenant les données liées aux courses réalisées par les chauffeurs et, sur une base mensuelle, un décompte consolidé des courses du mois en cours. Les décomptes contiendront au minimum l'identité du chauffeur concerné, la date, l'heure de commande de la course, l'heure de prise en charge de l'utilisateur, l'heure de la fin de course, le prix « HC » et « TTC » de la course payée par l'utilisateur et le montant net reversé à la recourante après déduction de la commission en faveur d'UBER B.V (art. 7 dudit contrat). Conformément à la réglementation applicable et notamment à la LTVTC, UBER B.V. n'est pas autorisée à attribuer des courses à des chauffeurs qui ne sont pas au bénéfice des autorisations et permis nécessaires pour exercer leur activité. En conséquence, la recourante devra fournir sur demande toute la documentation pertinente (y compris lorsque des documents sont renouvelés) relative notamment à l'exercice de son activité et à ses chauffeurs, y compris concernant les véhicules utilisés pour fournir des courses, afin de permettre à UBER B.V. d'examiner cette documentation de façon régulière et ainsi remplir ses obligations réglementaires (art. 6 let. d dudit contrat). Si UBER B.V. a des raisons légitimes de croire qu'un chauffeur a violé la législation applicable (y compris en cas de fraude ou lorsqu'UBER B.V. reçoit une réclamation sérieuse d'un utilisateur ou de tout tiers en matière de sécurité), UBER B.V. informera sans délai la recourante de la nature de la violation potentielle et du contexte entourant cette violation potentielle, dans le respect du droit applicable. La recourante décidera ensuite seule de la mesure à prendre envers le chauffeur pendant le temps de l'enquête interne. (…). Si la violation est confirmée au terme de l'enquête interne, la recourante décidera seule des sanctions à prendre à l'encontre du chauffeur, dans le respect du droit du travail applicable. UBER B.V. et la recourante s'engagent à coopérer pendant l'enquête interne si nécessaire (art. 14 let. b dudit contrat).

Les divers documents produits et l'audience de comparution personnelle des parties permettent d'expliciter le fonctionnement de l'application dont UBER B.V. est titulaire. Les chauffeurs de la recourante doivent ainsi télécharger l'application d'UBER B.V. et s'inscrire sur le compte de la recourante créé à son nom dans celle‑ci. Ils doivent transmettre à UBER B.V. diverses données personnelles (leur prénom, leur photographie, des détails concernant leur véhicule [notamment leur immatriculation]). Une fois connectés à ladite application, les chauffeurs de la recourante reçoivent des demandes de courses ditribuées par la plateforme numérique. Une fois la demande acceptée, le client reçoit des informations au sujet du chauffeur (son prénom, sa photographie, les détails concernant son véhicule), sa géolocalisation (avant et pendant la course). Le client, lors de sa commande, indique sur la plateforme le lieu de prise en charge, la destination, l'heure souhaitée et ses références de carte de crédit. La plateforme calcule également le montant dû pour la course qui peut être payé soit en espèces auprès du chauffeur soit via l'application.

Quand bien même il appert que la plateforme « UBER » constitue un outil de travail mis en place par les services d'UBER B.V., cette dernière dispose, à travers son application, d'un pouvoir de direction sur les chauffeurs employés par la recourante.

En effet, comme vu ci-dessus, l'application donne des instructions quant à la mission de transport en elle-même et à la manière de l'exécuter. Les chauffeurs doivent ainsi se rendre sur le lieu de prise en charge indiqué par l'application dans un certain délai, puisque le client indique l'heure souhaitée pour débuter la course. La question du GPS utilisé par les chauffeurs n'est en soi pas décisive, dans la mesure où seul compte pour la recourante et UBER B.V. le fait que le client soit bien pris en charge. UBER B.V. dispose également d'un certain pouvoir de direction et de surveillance sur les chauffeurs, dans la mesure où elle n'attribue pas de courses à des chauffeurs qui ne sont pas au bénéfice des autorisations et permis nécessaires pour exercer leur activité (cf. art. 6 let. d du contrat commercial). Il est également indiqué dans les conditions générales d'engagement et règles de conduite précitées que l'exploitant de la plateforme peut surveiller, suivre et partager avec des tiers les données de géolocalisaiton du travailleur collectées à des fins de sécurité, de sûreté et pour des raisons techniques (p. 15). Même si la demande émane de la recourante, c'est UBER B.V qui procède à la déconnection des chauffeurs sur l'application (art. 4 let. g du contrat commercial précité). S'il est vrai que la recourante fournit des véhicules de remplacement, des abonnements téléphoniques ou encore des gilets aux chauffeurs, il ne peut être retenu qu’elle décide seule des instructions à leur donner à propos de la prise en charge des clients à véhiculer que ses employés peuvent accepter, refuser ou ignorer, et quant à la manière de procéder à ces courses. La disposition topique du contrat commercial (art. 4 let. e du contrat commercial précité) se heurte ainsi à la situation effective et concrète qui se dégage de l'utilisation de l'application d'UBER B.V. par les chauffeurs, telle que présentée ci‑dessus. Il doit toutefois être retenu que comme cela ressort des documents précités, la recourante est seule responsable de ses collaborateurs, liés à elle par un contrat de travail, de sorte que c'est elle qui est responsable des mesures à prendre à l'encontre de ses collaborateurs.

Compte tenu de ces éléments, le critère du transfert du pouvoir de direction au sens de l'art. 26 al. 1 OSE en faveur d'UBER B.V. apparaît rempli, au moins partiellement.

L'activité de chauffeur consiste à aller chercher un client ayant sollicité, via l'application d'UBER B.V., une course de transport et à le déposer à l'endroit souhaité sur la base des instructions données par l'application « UBER » détenue par UBER B.V. Bien que la recourante le conteste, cette activité implique une forme d'intégration des chauffeurs dans l'organisation d'UBER B.V. En effet, même si le matériel (véhicules de remplacement, gilets, téléphones) n'est pas remis par UBER B.V. aux chauffeurs de la recourante, le contrat commercial indique que c'est UBER B.V. qui demeure l'unique titulaire de l'application (art. 1 let. b du contrat commercial), ce qui se déduit également de l'art. 7 let. a du même contrat qui précise qu'UBER B.V. accorde à la recourante une licence personnelle portant sur l'application en question (voir également l'art. 6 du contrat de transfert d'entreprise). L'art. 18 du contrat commercial prévoit d'ailleurs qu'UBER B.V. demeure propriétaire de ses appareils, de ses services (notamment l'application) et de l'ensemble des données collectées dans le cadre des droits non expressément accordés dans ledit contrat (y compris tous les droits de propriété intellectuelle concernant les éléments du contrat commercial). L'application est donc indispensable aux chauffeurs pour déployer leur activité.

De plus, les documents figurant au dossier établissent que les chauffeurs doivent fournir aux services d'UBER B.V. leurs données personnelles pour pouvoir bénéficier de l'application. Cet élément va aussi dans le sens d'une intégration des livreurs dans l'entreprise de mission. En outre, c'est toujours UBER B.V. qui reçoit tout signalement ou réclamation à l'encontre d'un chauffeur (art. 14 let. b du contrat commercial). Il est vrai que ces éventuelles plaintes doivent être transmises à la recourante pour que cette dernière puisse prendre les mesures adéquates, ce qui constitue d'ailleurs un nouvel indice d'un partage du pouvoir de direction entre UBER B.V. et la recourante. Néanmoins, il ressort des autres documents figurant au dossier que c'est UBER B.V. qui procède in fine à la déconnection des chauffeurs à l'application (art. 4 let. g du contrat commercial) et qui peut prévoir des restrictions géographiques quant à l'endroit où les chauffeurs peuvent recevoir des courses en fonction des autorisations dont la recourante (et/ou les chauffeurs) disposent pour exercer l'activité de transport de personnes à titre professionnel (art. 4 let. l du contrat commercial). UBER B.V. délimite donc la zone géographique dans laquelle interviennent les chauffeurs de la recourante.

Au vu de ces éléments, le critère d'une intégration des chauffeurs de la recourante dans l'organisation d'UBER B.V. apparaît réalisé.

Il est établi que la rémunération des chauffeurs est fixée par la recourante selon un contrat de travail qui la lie à ses coursiers. La recourante perd toutefois de vue que le contrat commercial qu'elle a conclu avec UBER B.V. prévoit différentes clauses qui concernent notamment la tarification du service pour chaque course, la facturation ainsi que les frais de services en faveur d'UBER B.V.

Ainsi, UBER B.V. facture le prix de transport à l'utilisateur pour chaque course. Par défaut, UBER CH propose un prix de transport, calculé en fonction d'un tarif de base et de la distance et/ou du temps de la course réels ou estimés. Le prix de transport varie selon la région et peut varier en fonction de l'offre et de la demande locale (« tarification dynamique »), et également être mis à jour en fonction de facteurs du marché local. Le prix de transport peut également varier selon la catégorie de véhicule (dans ce cas, les chauffeurs peuvent accepter des courses correspondant à la catégorie de véhicule applicable et à toutes les catégories inférieures, le cas échéant). UBER B.V. notifie à la recourante de temps à autre et en avance tout changement des tarifs de base et du calcul de la distance et/ou du temps, ainsi que la manière dont la recourante peut régler ses préférences tarifaires (art. 8 let. a du contrat commercial). À la fin de chaque course, UBER B.V. envoie automatiquement pour le compte de la recourante un justificatif électronique à l'utilisateur. Ce justificatif contient le détail des sommes facturées et certaines informations concernant la recourante et le chauffeur (y compris l'itinéraire suivi). UBER B.V. émet également une facture pour le compte de la recourante pour l'utilisateur. Celle-ci inclut la TVA si la recourante y est assujettie. Si la recourante considère qu'une erreur a été commise, elle doit en aviser UBER B.V. par écrit dans un délai de trois jours ouvrables suivant la date de réalisation de la course, faute de quoi la responsabilité d'UBER B.V. ne pourra être engagée (art. 10 du contrat commercial). La recourante paie à UBER CH les frais de services en contrepartie de l'utilisation de ses services (art. 9 let. c du contrat commercial). Les frais de services d'UBER B.V. s'élèvent à 18% hors taxes, soit 19,386% toutes taxes comprises (calculés sur la base du prix de transport de chaque course). Dès lors que la recourante dispose d'un nombre égal ou supérieur à 80 chauffeurs salariés et actifs sur la plateforme dans le canton de Genève, les frais de services UBER B.V. passent à 20% hors taxes, soit 21,54% toutes taxes comprises (Let. A de la partie II du contrat commercial). En outre, le contrat commercial précise qu'UBER B.V. s'engage à transmettre, chaque jour, un décompte précis contenant les données liées aux courses réalisées par les chauffeurs et, sur la base mensuelle, un décompte consolidé des courses du mois en cours. Les décomptes contiennent au minimum l'identité du chauffeur concerné, la date, l'heure de commande de la course, l'heure de prise en charge du client, l'heure de fin de la course, le prix « HC » et toutes taxes comprises de la course payée par le client et le montant net reversé à la recourante après déduction de la commission en faveur d'UBER B.V. (art. 7 let. c du contrat commercial).

Même s'il n'y a pas de décompte des heures facturées par la recourante à proprement parler, le mécanisme mis en place avec UBER B.V. implique que la rémunération de la recourante dépend du volume de courses de transport effectuées par ses chauffeurs et du tarif des courses (art. 7 let. c et 8 let. a du contrat commercial). Ainsi, le décompte d'heures est remplacé par un décompte des courses de transport lequel détermine, in fine, la rémunération de la recourante, après la déduction de la commission par UBER B.V. (art. 7 let. c et let. A de la partie II du contrat commercial). En fin de compte, que l'on parle du nombre d'heures effectuées ou du nombre de courses de transport effectuées, cela revient au même résultat, puisque ce nombre déterminera la rémunération de la recourante. Il n'y a donc pas un prix fixe convenu d'avance pour le travail de transport effectué par les chauffeurs de la recourante. Le fait que ce soit UBER CH qui encaisse d'abord les frais de transport auprès du client n'est pas pertinent, dans la mesure où le contrat commercial prévoit que cela est fait au nom et pour le compte de la recourante (art. 2 let. b du contrat commercial).

Au vu de ce mécanisme, il apparaît qu'un nouveau critère distinctif par rapport à la question d'une location de services en faveur d'UBER B.V. est réalisé.

La recourante peut être suivie lorsqu'elle soutient qu'elle a une obligation de résultat par rapport à son activité dans la mesure où elle a également un intérêt à ce que les courses de transport soient correctement effectuées comme analysé supra. Toutefois, le risque commercial de la prestation de ses chauffeurs n'est pas supporté uniquement par elle. En effet, en cas de mauvaise exécution de la course de transport par l’un de ses chauffeurs, UBER B.V. s'expose à ce que le client mécontent n'utilise plus l'application et fasse appel par exemple à des chauffeurs de taxis bénéficiant de l’usage accru du domaine public. Ainsi, tant la recourante que UBER B.V. supportent le risque commercial d'une mauvaise exécution de la course de transport. Quant à la question des dommages causés par les chauffeurs dans le cadre de leurs activités, leur prise en charge par la recourante découle en réalité d'une clause contractuelle prévoyant qu’elle seule est responsable des dommages causés en cas d'accident si, lors de l'utilisation des services, les chauffeurs sont impliqués dans un accident (art. 19 du contrat commercial). En toute hypothèse, cette seule clause ne permettrait pas d'exclure une location de services au vu des autres éléments plaidant pour une telle relation comme examinés ci-dessus, étant relevé que la question d'un abus de droit pourrait se poser. En effet, il ressort expressément du contrat commercial l'obligation par la recourante de fournir des services de transport de personnes à titre professionnel (art. 1 let. d du contrat commercial), ce qui renforce la conclusion d'une location de services en faveur d'UBER B.V.

La question d'un abus de droit pourrait également se poser quant au comportement du groupe « UBER » qui apparaît avoir adapté son fonctionnement aux seules fins d'échapper au champ d'application de la LSE, notamment par rapport à la difficulté à individualiser à quelle société il est fait référence dans les documents contractuels entre UBER CH et UBER B.V. ou encore quant aux différentes adaptations de l'application elle-même, telle que par exemple la problématique de la notation des chauffeurs par les clients sollicitant, via celle-ci, une course de transport. Il n'est toutefois pas nécessaire d'examiner plus avant cette problématique compte tenu de ce qui a été retenu plus haut.

Enfin, le fait que les employés de la recourante soient liés à elle par un contrat de travail en bonne et due forme ne permet pas à celle-ci d'échapper au contrôle par l'intimé de ses activités compte tenu de la configuration mise en place par la recourante et UBER B.V. ou UBER CH et de leurs relations concrètes et effectives.

Les éléments qui précèdent, pris dans leur ensemble, conduisent à retenir que la recourante doit être considérée, au sens des dispositions et de la jurisprudence précitées, comme une bailleresse de services et UBER B.V. comme une locataire de services. C’est ainsi conformément au droit que l’intimé a prononcé son assujettissement à la LSE, considérant que son activité était soumise à autorisation au sens de la LSE.

Enfin, la décision attaquée repose sur une base légale claire sur laquelle se fonde la restriction à la liberté économique (art. 2 LSE). De plus, la protection des travailleurs et le maintien d'un marché équilibré constituent des objectifs d'intérêt public qui justifient la limitation de droits fondamentaux, tels que la liberté économique (art. 1 let. c LSE ; art. 8 OSE). La décision litigieuse ne porte enfin pas une atteinte disproportionnée aux intérêts de la recourante, laquelle demeure une entreprise de transport, au sens de la LTVTC, qui emploie des chauffeurs au bénéfice de l'ensemble des autorisations requises pour fournir la prestation de service de transport de personnes à titre professionnel (cf. définition du terme « Chauffeur » du contrat commercial), si bien qu'elle pourrait exercer son activité en développant par exemple sa propre plateforme numérique à l'instar de E______ ou de F______ dans le domaine connexe de la livraison de repas ou de poursuivre une activité sans utiliser de plateforme numérique tierce. Compte tenu de ces éléments, la décision attaquée ne porte pas atteinte à l'essence de la liberté économique de la recourante.

Le grief sera écarté.

Compte tenu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

10.         Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 3'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à l’autorité intimée qui, bien que plaidant par une avocate, dispose d’un service juridique (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/543/2023 du 23 mai 2023 consid. 5).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 17 janvier 2023 par A______ contre la décision de l'office cantonal de l'emploi du 12 janvier 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 3'000.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Joël CHEVALLAZ, avocat de la recourante, ainsi qu'à Me Stéphanie FULD, avocate de l'intimé.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Valérie LAUBER, Michèle PERNET, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :