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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/670/2023

ATA/543/2023 du 23.05.2023 ( EXPLOI ) , REJETE

Recours TF déposé le 23.06.2023, rendu le 28.03.2024, REJETE, 2C_356/2023
Descripteurs : LOI COVID-19;CAS DE RIGUEUR;AIDE FINANCIÈRE;FUSION;TRANSFORMATION DE LA SOCIÉTÉ
Normes : COVID19.12; Ordonnance COVID-19.2; Ordonnance COVID-19.2a; Ordonnance COVID-19.3; Ordonnance COVID-19.5.al1; Ordonnance COVID-19.5.al1bis; aLAFE-2021.1; aLAFE-2021.3; aLAFE-2021.4; aLAFE-2021.8; aLAFE-2021.9; aRAFE-2021.3; aRAFE-2021.11; aRAFE-2021.14
Résumé : Confirmation d’une décision de refus d’aide financière, au motif que le recul du chiffre d’affaires en 2020 n’était pas d’au moins 40% par rapport au chiffre d’affaires moyen des exercices 2018 et 2019 pour la partie d’activités faisant l’objet de la demande. Le changement, au 1er juillet 2018, de la raison sociale, du but et des activités de la société recourante ne permet pas de s’écarter de la règle stricte concernant la prise en compte du chiffre d’affaires moyen pour les années 2018 et 2019, compte tenu de la date de création de la société antérieure au 31 décembre 2017. Le chiffre d’affaires réalisé au premier semestre 2018 par la société absorbée par fusion le 1er juillet 2018 ne peut pas être pris en considération. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/670/2023-EXPLOI ATA/543/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 mai 2023

 

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Guillaume BARAZZONE, avocat

contre

DIRECTION GÉNÉRALE DU DÉVELOPPEMENT ÉCONOMIQUE, DE LA RECHERCHE ET DE L'INNOVATION intimée
représentée par Me David HOFMANN, avocat



EN FAIT

A. a. A______, ancienne société anonyme inscrite au registre du commerce le 26 juin 1930 sous le numéro d'identification des entreprises
(ci-après : IDE) CHE-1______, avait, à teneur de l’extrait du registre du commerce avec radiations, pour but social la fabrication, l’achat et la vente de tous articles de boulangerie, pâtisserie, biscuiterie, confiserie, chocolaterie, traiteur et glaces et d'une manière générale de tous produits alimentaires.

B______, société anonyme inscrite au registre du commerce le
20 juillet 2015 sous le numéro IDE CHE-2______, avait pour but statutaire les services, l’assistance ou les conseils aux sociétés dans lesquelles C______ avait des intérêts financiers ou commerciaux.

b. Par contrat du 22 octobre 2018, B______ a transféré une partie de son patrimoine à la société D______, inscrite au registre du commerce le 5 novembre 2018, dont le but social était le même que celui de B______. Elle lui a vendu ses activités de services au 30 juin 2018, conformément à l’« annexe au 31 décembre 2018 » joint au rapport du 31 juillet 2019 de l’organe de révision de B______ portant sur l’exercice 2018.

c. Le 12 novembre 2018, A______ (ci-après : la société absorbée) et B______ ont conclu un contrat de fusion, par lequel la seconde a absorbé la première. Les parties ont convenu que la fusion deviendrait effective au moment de son inscription au registre du commerce et qu’à cette date, l'ensemble des actifs et passifs de la société absorbée serait transféré par voie de succession universelle à la société absorbante (cf. art. 5.1 du contrat). Dans leurs rapports internes, elles ont donné effet à la fusion au 1er juillet 2018 et décidé que toutes les affaires conclues par la société absorbée à partir de cette date seraient considérées comme conclues au nom et pour le compte de la société absorbante (cf. art. 5.2 du contrat).

Le 14 novembre 2018, la société absorbée a été radiée du registre du commerce et B______ a modifié sa raison sociale en A______. Elle a également repris le but social de la société absorbée, à savoir la fabrication, l'achat et la vente de tous articles de boulangerie, pâtisserie, biscuiterie, confiserie, chocolaterie, traiteur et glaces et d'une manière générale de tous produits alimentaires.

d. Le 19 octobre 2021, A______ (ci-après : la société requérante) a rempli le formulaire de demande d'aide financière « pour cas de rigueur ».

Par courriels du mois de juin 2022, elle a sollicité une aide similaire pour le premier semestre 2021.

B. a. Par décision du 12 septembre 2022, la direction générale du développement économique, de la recherche et de l’environnement (ci-après : la direction générale) du département de l’économie et de l’emploi (ci-après : le département) a refusé d’allouer une aide financière à la société requérante, au motif que le recul du chiffre d’affaires 2020 (CHF 1'368'153.-) n’était pas d’au moins 40% par rapport au chiffre d’affaires moyen des exercices 2018 (CHF 1'395'395.-) et 2019 (CHF 2'563'528.-), pour la partie de l’activité faisant l’objet de la demande.

b. Le 6 octobre 2022, la société requérante a adressé une réclamation à la direction générale du département. Elle exerçait deux types d'activités distinctes qui généraient du chiffre d’affaires et s’inscrivaient dans son but statutaire : d’une part, la vente d'articles aux magasins du réseau d'enseignes D______, et d’autre part, la vente d'articles au secteur E______ et aux réseaux de la grande distribution
(ci-après : la vente de gros). Seul le second secteur faisait l’objet de sa demande. Par la fusion, elle avait repris, au 1er juillet 2018, l’ensemble de la vente de gros, domaine dans lequel elle n’exerçait auparavant aucune activité. Par ailleurs, le principe de la prééminence de la substance sur la forme s'appliquait. Enfin, le département ne s’était pas prononcé sur sa demande concernant la seconde période.

c. Par décision sur réclamation du 31 janvier 2023, la direction générale du département a confirmé la décision du 12 septembre 2022.

La demande d’indemnisation du 19 octobre 2021 avait été soumise par la société requérante inscrite au registre du commerce en juillet 2015 et dont le numéro IDE était CHE-2______. La société absorbée avait été dissoute sans liquidation avec effet au 1er juillet 2018, suite au transfert de son patrimoine intervenu le jour même. Elle était devenue une coquille vide et sa radiation avait été formalisée le
14 novembre 2018. Les effets de la fusion ne pouvaient être retenus pour la période antérieure au 1er juillet 2018. Le chiffre d’affaires de la société absorbée, en particulier celui résultant de la vente de gros, ne pouvait pas être ajouté à celui de la société requérante, dès lors qu’il avait été réalisé par une société distincte, portant un numéro IDE différent, avant que ne déploient les effets de la fusion. Le chiffre d’affaires de la société requérante dans le secteur de la vente de gros s’élevait à CHF 0.- pour le premier semestre 2018 (avant fusion), CHF 1'395'395.- pour le second semestre 2018 (après fusion), CHF 2’563'528.- pour 2019, soit un montant moyen de CHF 1'979'461.50. Compte tenu du chiffre d’affaires pour 2020, le recul était de 30.88%.

Le principe de la prééminence de la substance n’était pas pertinent car il n’y avait pas eu de changement de forme juridique, mais une fusion par absorption. La société absorbée avait été dissoute sans liquidation et son patrimoine transféré par la fusion.

L’éligibilité de la société à l’aide financière n’étant pas réalisée pour 2020, le département n’était pas entré en matière sur la demande complémentaire.

C. a. Par acte du 27 février 2023, la société requérante a interjeté recours par-devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), concluant à l’annulation de la décision sur réclamation du 31 janvier 2023, à la condamnation de l’autorité intimée à lui allouer les aides financières auxquelles elle avait droit pour les années 2020 et 2021, à tout le moins les sommes de CHF 316'932.50 pour 2020 avec intérêts à 5% dès le 19 octobre 2021 et de CHF 211'569.40 pour 2021 avec intérêts à 5% 1'an dès le 19 octobre 2021. Subsidiairement, elle a conclu à l’annulation de la décision litigieuse et au renvoi de la cause à l’intimée pour nouvelle décision dans le sens des considérants.

Elle avait repris au 1er juillet 2018 tous les actifs et passifs de la société absorbée par voie de succession universelle, dont les droits et obligations nés et dus antérieurement à cette date. En reprenant cette société, elle avait notamment
« absorbé » son chiffre d'affaires réalisé au premier semestre 2018. Elle existait ainsi sous deux formes avant le 1er juillet 2018 : d'une part en tant que A______, qui avait généré l'ensemble du chiffre d'affaires de la vente de gros ; d’autre part en tant que B______, qui n'avait réalisé aucun chiffre d'affaires dans ce secteur, puisqu’elle était uniquement active dans la vente de services. La fusion avait réuni ces deux entités en une seule par transfert de patrimoine. À partir du deuxième semestre 2018, son chiffre d'affaires provenait exclusivement de la vente de biens, qui comprenait la vente de gros, puisqu’elle avait transféré l'activité de services à une autre société au 30 juin 2018. Elle avait donc exercé le même type d'activités que la société absorbée au premier semestre 2018 et les années précédentes. Les chiffres d’affaires générés par le secteur de la vente de gros s’élevaient à CHF 2'708'237.- en 2018 (CHF 1'312'842.- pour la société absorbée au premier semestre et CHF 1'395'395.- pour elle-même au second semestre) et CHF 2'563'528.- en 2019, soit une moyenne de CHF 2'635'883.-. Compte tenu du chiffre d’affaires de 2020 (CHF 1'368'153.-), il en résultait une différence de CHF 1'267'730.-, correspondant à une baisse de 48%. S’agissant du premier semestre 2021, la différence entre le chiffre d'affaires moyen des exercices 2018 et 2019 sur six mois (CHF 1'317'941.50) et le chiffre d'affaires au premier semestre 2021 (CHF 471'700.-) se montait à CHF 846'241.50, soit une baisse de 64%.

La décision attaquée revenait à privilégier la forme sur la substance, ce que souhaitait précisément éviter le législateur, et la pénalisait. En effet, s’il n’y avait pas eu de fusion, la société absorbée aurait bénéficié d'une aide financière extraordinaire en raison du recul de son chiffre d'affaires en lien avec la vente de gros. Il importait peu quelle société avait réalisé le chiffre d'affaires du premier semestre 2018. Celui-ci devait lui être imputé.

Elle avait droit à une indemnité correspondant au recul du chiffre multiplié par une part de coûts fixes forfaitaires de 25%, soit des montants de CHF 316'932.50 pour 2020 et de CHF 211'569.40 pour le premier semestre 2021, avec intérêts de 5% 1'an dès le dépôt de sa requête.

b. Dans sa réponse du 27 mars 2023, l’autorité intimée a conclu au rejet du recours.

Il ne pouvait y avoir qu’une seule entité juridique par procédure d'aide étatique et les activités de différentes sociétés ne pouvaient pas être additionnées pour la même période. La reprise des droits et obligations mentionnée par la recourante existait « dans l'abstrait », mais se heurtait « dans le concret » au concept d'indemnisation pour les cas de rigueur qui se fondait sur le numéro IDE, ainsi que sur le respect des choix stratégiques et économiques des entreprises. Les entrepreneurs devaient en effet bénéficier des opportunités, mais aussi assumer les risques de leurs activités. Par conséquent, s'agissant de l’aide pour cas de rigueur, la fusion ne permettait pas de mélanger les entités d'une part, et les prestations effectuées d'autre part. Elle ne permettait pas non plus d'additionner sur la même période les chiffres d'affaires d’entités distinctes.

La question de la prééminence de la substance concernait la « forme juridique » qui avait changé après le 1er octobre 2020. Or, il s’agissait toujours d’une société anonyme et la fusion avait eu lieu avec effet au 1er juillet 2018.

c. Dans sa réplique, la recourante a relevé que l’argumentation de l’intimée méconnaissait les effets juridiques d'une fusion par absorption. Le chiffre d'affaires réalisé par la société absorbée durant le premier semestre 2018 appartenait à la société recourante, la fusion ayant pris effet le 1er juillet 2018. La nature des activités de la société absorbée était sans pertinence pour juger des effets juridiques de la fusion. Il ne s’agissait pas de traiter une procédure d'aide unique pour deux entreprises distinctes, puisque les deux sociétés étaient devenues une seule et unique entité.

Le principe de la prééminence de la substance sur la forme s'appliquait également, selon le Conseil fédéral, si une entreprise était au bord de l'insolvabilité et que les parties qui fonctionnaient étaient transférées à une société de défaisance. Le chiffre d'affaires de la société de défaisance était calculé sur la base de la part du chiffre d'affaires total que représentait la partie de l’entreprise transférée. Ainsi, dans le cas de deux entreprises distinctes, le chiffre d'affaires réalisé par l'une des entreprises pouvait dans certaines circonstances être imputé à l'autre entreprise. A fortiori, en cas de fusion, le chiffre d'affaires réalisé par la société absorbée devait obligatoirement être pris en compte dans le chiffre d'affaires réalisé par la société reprenante.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du
12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de la décision sur réclamation du 31 janvier 2023, en tant qu’elle refuse de tenir compte du chiffre d’affaires réalisé par la société absorbée durant le premier semestre 2018.

3.             Le 25 septembre 2020, l'Assemblée fédérale a adopté la loi fédérale sur les bases légales des ordonnances du Conseil fédéral visant à surmonter l'épidémie de
Covid-19 (loi Covid-19 ; RS 818.102), entrée en vigueur le 26 septembre 2020.

Son art. 12, consacré aux « Mesures pour les cas de rigueur destinées aux entreprises », a été modifié lors des sessions de l'Assemblée fédérale des
18 décembre 2020 et 19 mars 2021. Le 17 décembre 2021, sa durée de validité a été prolongée au 31 décembre 2022.

En vertu de cette disposition (dans sa teneur en vigueur du 20 mars 2021 au
31 décembre 2022), à la demande d'un ou de plusieurs cantons, la Confédération peut soutenir les mesures de ces cantons pour les cas de rigueur destinées aux entreprises individuelles, aux sociétés de personnes ou aux personnes morales ayant leur siège en Suisse (entreprises) qui ont été créées ou ont commencé leur activité commerciale avant le 1er octobre 2020, avaient leur siège dans le canton le
1er octobre 2020, sont particulièrement touchées par les conséquences de l'épidémie de Covid-19 en raison de la nature même de leur activité économique et constituent un cas de rigueur, en particulier les entreprises actives dans la chaîne de création de valeur du secteur événementiel, les forains, les prestataires du secteur des voyages, de la restauration et de l'hôtellerie ainsi que les entreprises touristiques (al. 1). Il y a cas de rigueur au sens de l'al. 1 si le chiffre d'affaires annuel de l'entreprise est inférieur à 60% de la moyenne pluriannuelle. La situation patrimoniale et la dotation en capital globales doivent être prises en considération, ainsi que la part des coûts fixes non couverts (al. 1bis). La Confédération verse aux cantons une participation financière à hauteur de 70% des mesures pour les cas de rigueur visées à l’al. 1 qu’ils destinent aux entreprises réalisant un chiffre d’affaires annuel de
5 millions de francs au plus (al. 1quater let. a). Le soutien de la Confédération n’est accordé que si les entreprises étaient rentables ou viables avant l’apparition du Covid-19 et à condition qu’elles n’aient pas droit à d’autres aides financières de la Confédération au titre du Covid-19. Ces dernières n’incluent pas les indemnités en cas de réduction de l’horaire de travail, les allocations pour perte de gain et les crédits visés par l’ordonnance du 25 mars 2020 sur les cautionnements solidaires liés au Covid-19 et par la loi du 18 décembre 2020 sur les cautionnements solidaires liés au Covid-19 (al. 2bis). Si les activités d’une entreprise sont clairement délimitées, différentes aides doivent pouvoir être versées, pour autant que ces aides ne se recoupent pas (al. 2ter). Le Conseil fédéral règle les détails dans une ordonnance ; il prend en considération les entreprises qui ont réalisé en moyenne un chiffre d'affaires de CHF 50'000.- au moins au cours des années 2018 et 2019 (al. 4).

3.1 Le 25 novembre 2020, le Conseil fédéral a adopté l'ordonnance Covid-19, entrée en vigueur le 1er décembre 2020 et modifiée à plusieurs reprises.

Selon l’art. 2 de l’ordonnance Covid-19, l'entreprise a la forme juridique d'une entreprise individuelle, d'une société de personnes ou d'une personne morale ayant son siège en Suisse (al. 1). Elle a un numéro d'identification des entreprises (al. 2).

À teneur de l’art. 2a de l’ordonnance Covid-19 (en vigueur depuis le 1er avril 2021), les entreprises dont les domaines d'activité sont clairement délimités au moyen d'une comptabilité par secteur peuvent demander que le respect des exigences énoncées aux art. 3 al. l let. c, 4 al. l let. c, 5, 5a et 8 à 8c soit vérifié séparément pour chaque secteur.

Selon l’art. 3 de l’ordonnance Covid-19 (dans sa teneur en vigueur jusqu’au
31 mars 2021), l’entreprise a fourni au canton les preuves suivantes (al. 1) : elle s’est inscrite au registre du commerce avant le 1er mars 2020, ou, à défaut d’inscription au registre du commerce, a été créée avant le 1er mars 2020
(let. a) ; elle a réalisé pour les exercices 2018 et 2019 un chiffre d’affaires moyen d’au moins CHF 50'000.- (let. b) ; elle paie la plus grande partie de ses charges salariales en Suisse (let. c). Si l’entreprise a commencé son activité commerciale le 1er janvier 2020 ou plus tard, ou si elle a été créée en 2018 ou en 2019 et présente ainsi un exercice d’une durée supérieure à une année civile, le chiffre d’affaires moyen visé à l’al. 1 let. b est celui qui a été réalisé entre le 1er janvier 2018 et le
29 février 2020, calculé sur 12 mois (al. 2).

À partir du 1er avril 2021, cette disposition prévoyait que l’entreprise a fourni au canton les justificatifs suivants (al. 1) : elle s’est inscrite au registre du commerce avant le 1er octobre 2020, ou, à défaut d’inscription au registre du commerce, a été créée avant le 1er octobre 2020 (let. a) ; elle a réalisé pour les exercices 2018 et 2019 un chiffre d’affaires moyen d’au moins CHF 50'000.- (let. b) ; elle paie la plus grande partie de ses charges salariales en Suisse (let. c). Par chiffre d’affaires annuel moyen au sens de l’al. 1 let. b, on entend (al. 2) : pour une entreprise qui a été créée entre le 31 décembre 2017 et le 29 février 2020 : le chiffre d’affaires moyen qui a été réalisé entre la création de l’entreprise et le 29 février 2020, calculé sur 12 mois (let. a ch. 1), ou le chiffre d’affaires moyen qui a été réalisé entre la création de l’entreprise et le 31 décembre 2020, calculé sur 12 mois ; mois (let. a ch. 2) ; pour une entreprise qui a été créée entre le 1er mars 2020 et le 30 septembre 2020 : le chiffre d’affaires moyen qui a été réalisé entre la création de l’entreprise et le
31 décembre 2020, calculé sur 12 mois (let. b). Le chiffre d’affaires au sens de la présente ordonnance se réfère au compte individuel de l’entreprise requérante
(al. 3).

Conformément à l’art. 5 de l’ordonnance Covid-19, l'entreprise a prouvé au canton que son chiffre d'affaires 2020 est inférieur à 60% du chiffre d'affaires moyen des exercices 2018 et 2019 en raison des mesures ordonnées par les autorités aux fins de la lutte contre l'épidémie de Covid-19 (al. 1). En cas de recul du chiffre d’affaires enregistré entre janvier 2021 et juin 2021 en raison des mesures ordonnées par les autorités aux fins de la lutte contre l’épidémie de Covid-19, l’entreprise peut calculer le recul de son chiffre d’affaires sur la base du chiffre d’affaires des
12 derniers mois au lieu du chiffre d’affaires de l’exercice 2020 (al. 1bis, dans sa teneur en vigueur jusqu’au 31 mars 2021). Pour les entreprises créées après le
31 décembre 2017, le chiffre d’affaires calculé selon l’art. 3 al. 2 est réputé chiffre d’affaires moyen des exercices 2018 et 2019 (al. 2).

Au 1er avril 2021, l’art. 5 al. 2 a été abrogé et l’al. 1bis modifié comme suit : En cas de recul du chiffre d'affaires enregistré entre janvier 2021 et juin 2021 en raison des mesures ordonnées par les autorités aux fins de la lutte contre l'épidémie de
Covid-19, l'entreprise peut calculer le recul de son chiffre d'affaires sur la base du chiffre d'affaires d'une période ultérieure de 12 mois au lieu du chiffre d'affaires de l'exercice 2020.

3.2 À Genève, l’aide « cas de rigueur » était initialement régie par la loi urgente 12'863 relative aux aides financières extraordinaires de l'État destinées aux entreprises particulièrement touchées par la crise économique ou directement par les mesures de lutte contre l'épidémie de coronavirus pour l'année 2021
(aLAFE-2021 du 29 janvier 2021, entrée en vigueur le 1er janvier 2021).

Le 3 février 2021, le Conseil d’État a adopté le règlement d’application de
l’aLAFE-2021 (ci-après : aRAFE-2021).

3.2.1 Le 30 avril 2021, le Grand Conseil a adopté la loi urgente 12'938 qui a abrogé la loi 12'863, tout en en reprenant le dispositif pour l’essentiel. Cette loi a été modifiée le 2 juillet 2021 par la loi 12'991.

À teneur de son article premier, cette loi a pour but de limiter les conséquences économiques de la lutte contre l'épidémie de coronavirus (Covid-19) pour les entreprises sises dans le canton de Genève (al. 1), en atténuer les pertes subies par les entreprises dont les activités ont été interdites ou réduites en raison de la nature même de leurs activités, entre le 1er janvier et le 31 décembre 2021 (al. 2) et en soutenant par des aides cantonales certaines entreprises qui ne remplissent pas les critères de l'ordonnance Covid-19 en raison d'une perte de chiffre d'affaires insuffisante et qui ne couvrent pas leurs coûts fixes, dans les limites prévues à
l'art. 12 (al. 3).

Selon l’art. 3 de la loi 12'938, l'aide financière extraordinaire consiste en une participation à fonds perdu de l'État de Genève destinée à couvrir les coûts fixes non couverts de l'entreprise, en application des dispositions de l’ordonnance Covid-19 (al. 1). Les coûts fixes considérés et les modalités de leur prise en compte dans le calcul du montant de la participation accordée par l'Etat sont précisés par voie réglementaire (al. 2). L'activité réelle de l'entreprise est prise en compte dans la détermination de l'indemnité (al. 3).

Conformément à l’art. 4 de la loi 12'938, peuvent prétendre à une aide les entreprises (al. 1) : qui, en raison des mesures prises par la Confédération ou le canton pour endiguer l'épidémie de Covid-19, doivent cesser totalement ou partiellement leur activité selon l’ordonnance Covid-19 (let. a), dont le chiffre d’affaires a subi une baisse substantielle selon l’ordonnance Covid-19 (let. b), dont la baisse de chiffre d’affaires enregistrée se situe entre 25% et 40% et qui ne couvrent pas leurs coûts fixes (indemnisation cantonale) ; cette aide est destinée aux entreprises qui réalisent un chiffre d'affaires moyen 2018-2019 de 5 millions de francs au plus (let. c). L'aide financière demandée en raison de l'al. 1 let. b ou c est réduite de l'aide financière éventuelle apportée durant la même période suite à une demande fondée sur l'al. 1 let. a (al. 3).

En vertu de l’art. 8 al. 1 de la loi 12'938, l’indemnité n’est accordée que si le chiffre d'affaires annuel de l’entreprise est inférieur à 60% de son chiffre d'affaires moyen des exercices 2018 et 2019.

L’art. 9 de la loi 12'938, relatif à l’indemnisation cantonale, prévoit que l’État de Genève peut octroyer sans participation financière de la Confédération des aides en faveur des entreprises (al. 1) : dont la baisse de chiffre d’affaires enregistrée se situe entre 25% et 40% du chiffre d’affaires moyen des exercices 2018 et 2019 (let. a) ; ou créées depuis mars 2020 ou créées avant mars 2020 mais dont les activités commerciales n’ont débuté qu’après le 1er mars 2020. Dans ce cas, l’indemnisation est calculée sur la base du chiffre d’affaires moyen de l’entreprise pendant les mois durant lesquels elle a pu mener son activité commerciale (let. b). L’indemnisation cantonale comble la différence entre l’éventuelle indemnisation calculée selon les critères de l’ordonnance Covid-19 et l’indemnité calculée selon les critères de
l’al. 1 (al. 2). Les critères permettant de déterminer le début de l'activité commerciale sont déterminés par voie réglementaire (al. 3).

3.2.2 Le 5 mai 2021, le Conseil d’État a adopté le règlement d'application de la loi 12'938 (ci-après : RAFE-2021), modifié le 7 juillet 2021.

Selon l’art. 3 al. 2, sont également bénéficiaires de l’aide considérée, pour autant qu'elles répondent aux autres exigences définies dans les sections 1 et 2 de l'ordonnance Covid-19, les entreprises : (a) qui ne répondent pas aux exigences des art. 3 al. 1 let. b et 5 de l’ordonnance Covid-19 en vertu des modalités de détermination du chiffre d’affaires annuel moyen visées par l’art. 3 de ladite ordonnance, mais y répondent en vertu des modalités de l’art. 9 al. 1 let. b de la loi, et (b) qui ont été créées depuis mars 2020, ou avant mars 2020, mais dont les activités commerciales n’ont débuté qu’après le 1er mars 2020.

L’art. 11 du règlement précise que peuvent prétendre à une aide financière, les entreprises qui démontrent que leur chiffre d’affaires, généré sur une période de
12 mois comprise entre le 1er janvier 2020 et le 30 juin 2021, est inférieur à 60% du chiffre d’affaires moyen déterminé selon les modalités prévues par l’art. 3 de l’ordonnance Covid-19.

Selon l’art. 14 du règlement, peuvent prétendre à une aide financière les entreprises qui démontrent que la baisse de leur chiffre d’affaires, calculée sur une période de 12 mois comprise entre le 1er janvier 2020 et le 30 juin 2021, se situe entre 25% et 40% du chiffre d’affaires moyen déterminé selon les modalités prévues par l’art. 3 de l’ordonnance COVID-19 cas de rigueur.

3.3 Le 18 juin 2021, l'Administration fédérale des finances a publié des commentaires de l’ordonnance covid-19 cas de rigueur (ci-après : commentaire AFF, accessible à l’adresse suivante : https://www.newsd.admin.ch/newsd/
message/attachments/67163.pdf).

Elle a rappelé en préambule que les critères d’éligibilité et les critères concernant le type et l’étendue des mesures énoncés aux sections 2 et 3 de l’ordonnance représentent des conditions minimales que les dispositions cantonales relatives aux cas de rigueur doivent remplir en vue d’une participation de la Confédération ou, dans le cas des entreprises dont le chiffre d’affaires dépasse 5 millions de francs, des prescriptions concrètes que ces dispositions cantonales doivent respecter en vue d’un financement intégral par la Confédération. Les conditions-cadres permettant d’adapter les mesures pour les cas de rigueur aux particularités cantonales sont ainsi mises en place, et les cantons disposent d’une certaine marge dans l’appréciation de ces cas.

Concernant les exigences relatives aux entreprises, en particulier la forme juridique et le numéro IDE, il est précisé que la définition d’une entreprise à l’art. 2 al. 1 de l’ordonnance Covid-19 correspond à celle de l’ordonnance du 25 mars 2020 sur les cautionnements solidaires liés au Covid-19 (RS 951.261). Conformément à l’al. 2, l’entreprise doit disposer d’un numéro d’identification des entreprises (IDE). Celui-ci ne doit pas être marqué comme « radié » dans le registre IDE.

L’art. 3 al. 1 de l’ordonnance Covid-19 fixe les conditions relatives à la date de création et au chiffre d’affaires qu’une entreprise doit respecter afin que la Confédération participe aux coûts des mesures cantonales pour les cas de rigueur : seules seront soutenues les entreprises qui existaient déjà avant la deuxième vague de l’épidémie de Covid-19 en octobre 2020 (let. a). Si la forme juridique d’une entreprise a changé après le 1er octobre 2020, une participation fédérale aux contributions cantonales pour les cas de rigueur est néanmoins possible. Dans ce cas, le principe de la prééminence de la substance sur la forme s’applique. À titre d’exemple, on peut supposer qu’une entreprise individuelle non inscrite au registre du commerce s’est transformée en SÀRL lors de l’hiver 2020. L’inscription au registre du commerce est donc postérieure au 1er octobre 2020, mais dans les faits la société existait déjà depuis un certain temps. Dans ce cas, la date de création de l’entreprise individuelle peut servir de base. Le changement de nature juridique ne doit être pris en compte que s’il existe une intention d’abus (par ex. si une société récemment créée est transférée à une société anonyme existant depuis longtemps). Ce principe devra également s’appliquer au cas particulier d’une société de défaisance. Si une entreprise est au bord de l’insolvabilité, les parties qui fonctionnent peuvent être transférées à une société de défaisance (avant ou pendant la procédure concordataire). La participation de la Confédération aux contributions cantonales est possible pour une société de défaisance créée après le
1er octobre 2020 aux conditions suivantes : - cette société a repris une partie substantielle des opérations d’une entreprise ; - l’entreprise qui transfère une part a été créée avant le 1er octobre 2020 ; - l’entreprise qui transfère une part n’a pas déjà reçu de soutien au titre de l’ordonnance Covid-19 cas de rigueur (pas de double indemnisation). Le chiffre d’affaires de la société de défaisance est calculé sur la base de la part au chiffre d’affaires total que représente la partie de l’entreprise transférée. Le principe de la prééminence de la substance sur la forme est lié à l’entreprise. Un changement d’affermataire dans un restaurant ou un changement de locataire dans une boutique ne remplit donc pas les conditions au sens de ce principe ; dans le cas contraire, l’État risquerait de verser les contributions à double pour une seule et même exploitation. Le chiffre d’affaires minimum étant de
CHF 50'000.-, les propriétaires de très petites entreprises qui ne pouvaient subvenir que partiellement à leurs besoins grâce aux bénéfices de celles-ci avant la pandémie sont exclus des aides destinées aux cas de rigueur (let. b). C’est le chiffre d’affaires moyen de 2018 et 2019 qui sert de référence, c’est-à-dire les chiffres d’affaires réalisés avant le début de l’épidémie de Covid-19. De plus, l’objectif étant de conserver les postes de travail en Suisse, la Confédération participe uniquement au financement des mesures pour les cas de rigueur qui bénéficient à des entreprises payant la majeure partie de leurs charges salariales en Suisse (let. c). L’al. 2 règle la façon dont il faut calculer le chiffre d’affaires des entreprises qui ont été fondées après le 31 décembre 2017 et dont le chiffre d’affaires ne comprend ainsi pas deux années entières avant le début de l’épidémie : - pour une entreprise qui a été créée entre le 31 décembre 2017 et le 29 février 2020 (c’est-à-dire avant la mise en œuvre en Suisse de mesures de restriction de l’activité économique en vue de protéger la santé) : le chiffre d’affaires moyen qui sert de référence est celui qui a été réalisé entre la création de l’entreprise et le 29 février 2020, calculé sur 12 mois ; ou le chiffre d’affaires moyen qui a été réalisé entre la création de l’entreprise et le
31 décembre 2020, calculé sur 12 mois. Le chiffre d’affaires pris en considération est celui qui permet à l’entreprise de recevoir l’aide la plus importante (let. a). Cette règle garantit que les entreprises qui ont été créées en 2018 ou 2019, mais qui n’ont réalisé des chiffres d’affaires plus élevés qu’à partir de 2020, ne soient pas défavorisées par rapport à celles qui ont été créées après le 29 février 2020 et qui ont réalisé des chiffres d’affaires en été 2020 ; - pour une entreprise qui a été créée entre le 1er mars 2020 et le 30 septembre 2020 : le chiffre d’affaires moyen qui sert de référence est celui qui a été réalisé entre la création de l’entreprise et le
31 décembre 2020, calculé sur 12 mois (let. b). L’aide pour les cas de rigueur sert aux entreprises visées à l’art. 2. Elle concerne en principe également les sociétés mères d’un groupe. L’al. 3 dispose que, pour le calcul de l’aide pour les cas de rigueur, les cantons ne peuvent invoquer le chiffre d’affaires d’une société du groupe qu’à une seule reprise. Si, dans le cadre d’une structure de groupe, une aide pour les cas de rigueur a été accordée à plus d’une reprise - par un ou plusieurs cantons - pour le même chiffre d’affaires, elle ne peut pas être décomptée plus d’une fois à l’égard de la Confédération sur la base de ce chiffre d’affaires. Les demandes peuvent être déposées et les aides allouées en plusieurs étapes, jusqu’à concurrence du montant maximum fixé aux art. 8, 8a, 8c et 8d.

S’agissant du recul du chiffre d’affaires, il est rappelé qu’en vertu de l’art. 12
al. 1bis loi Covid-19, il y a cas de rigueur si le chiffre d’affaires annuel de l’entreprise est inférieur à 60% de la moyenne pluriannuelle. La réglementation vise à atténuer les cas de rigueur qui sont dus directement ou indirectement aux mesures prises par les autorités. L’al. 1 précise que ce recul du chiffre d’affaires 2020 doit représenter plus de 40% du chiffre d’affaires moyen des années 2018 et 2019. Concernant le calcul du chiffres d’affaires de 2018 et 2019 pour les jeunes entreprises, le commentaire renvoie à l’art. 3 al. 2).

3.4 Conformément aux principes généraux du droit intertemporel, lorsqu'un changement de droit intervient au cours d'une procédure administrative contentieuse ou non contentieuse, la question de savoir si le cas doit être tranché sous l'angle du nouveau ou de l'ancien droit se pose. En l'absence de dispositions transitoires, s'il s'agit de tirer les conséquences juridiques d'un événement passé constituant le fondement de la naissance d'un droit ou d'une obligation, le droit applicable est celui en vigueur au moment dudit événement. Dès lors, en cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste en principe celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l'état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (ATA/918/2018 du
11 septembre 2018 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2018, n. 403 ss).

3.5 Un canton est tenu, lorsqu'il octroie des subventions, de se conformer aux principes généraux régissant toute activité administrative, soit notamment le respect de la légalité, de l'égalité de traitement, de la proportionnalité et de la bonne foi ainsi que l'interdiction de l'arbitraire (ATF 138 II 91 consid. 4.2.5 ; 136 II 43
consid. 3.2 ; 131 II 306 consid. 3.1.2 ; ATA/1559/2022 du 17 août 2022
consid. 4e).

Les cantons ne conservent pas dans le cadre de la détermination du chiffre d’affaires de référence un pouvoir d’appréciation, dès lors que la loi a strictement repris le droit fédéral sur ce point, afin qu’une réglementation uniforme s’applique à ce type de sociétés dans l’ensemble du pays. Même si la solution à laquelle aboutit l’application des normes tant fédérales que cantonales peut paraître insatisfaisante dans un cas particulier, elle n’est toutefois ni arbitraire ni objectivement insoutenable, de sorte qu’il n’appartient pas au juge de combler cet éventuel silence qualifié (ATA/1270/2022 du 16 décembre 2022 consid. 2h ; ATA/1050/2022 du
18 octobre 2022).

3.5.1 La chambre de céans a déjà eu l’occasion de constater qu’il ressortait des travaux préparatoires de la loi Covid-19 que lorsque le débat avait porté sur la période de référence, une réduction de cette durée ou une extrapolation du chiffre d’affaires n’avaient été évoqués que pour les entreprises créées durant celle-ci (ATA/2680/2022 du 8 mars 2023 consid. 3.1.8 ; ATA/1559/2022 du 17 août 2022 consid. 6a). Elle a notamment relevé le texte de l’ordonnance Covid-19 était clair et que les exceptions à la prise en compte du chiffre d’affaires de référence moyen des années 2018-2019 étaient limitées aux entreprises fondées après le
31 décembre 2017. Ainsi, pour une entreprise créée entre le 31 décembre 2017 et le 29 février 2020, soit avant la mise en œuvre des mesures de restriction, le chiffre d’affaires moyen qui sert de référence est celui qui a été réalisé entre la création de l’entreprise et le 29 février 2020, calculé sur douze mois ; ou le chiffre d’affaires moyen qui a été réalisé entre la création de l’entreprise et le 31 décembre 2020, calculé sur douze mois. Le chiffre d’affaires pris en considération est celui qui permet à l’entreprise de recevoir l’aide la plus importante (art. 3 al. 2 let. a de l’ordonnance Covid-19 cas de rigueur). Cette règle garantit que les entreprises créées en 2018 ou 2019, mais qui n’ont réalisé des chiffres d’affaires plus élevés qu’à partir de 2020, ne soient pas défavorisées par rapport à celles qui ont été créées après le 29 février 2020 et qui ont réalisé des chiffres d’affaires en été 2020. L’extrapolation du chiffre d’affaires durant la période de référence 2018-2019 ne se justifie que si l’entreprise a été créée durant cette période (ATA/2680/2022 précité consid. 3.1.9 ; ATA/1559/2022 précité consid. 6b).

La chambre administrative a confirmé à maintes reprises que la « création d'entreprise » correspond à la date de son inscription au registre du commerce (ATA/1270/2022 du 16 décembre 2022 ; ATA/861/2022 du 26 août 2022 ; ATA/798/2022 du 9 août 2022 ; ATA/79/2022 du 25 janvier 2022).

3.5.2 Dans le cadre des aides Covid, elle a jugé plusieurs litiges relatifs au chiffre d’affaires pour la période de comparaison 2018-2019.

Dans le cas d’une société inscrite depuis 1996 pour l'achat, la vente et le courtage de véhicules automobiles, dont la raison sociale, les statuts et le but avaient été modifiés au printemps 2019, la chambre administrative a retenu qu’il convenait de tenir compte de la date de la création de l'entreprise, soit celle de son inscription au registre du commerce, et non de la date de la modification de son activité. Elle a relevé que l'exploitation du restaurant qui avait été transférée à la société à cette même période résultait d'un choix économique et ne permettait pas de s'écarter de la jurisprudence en la matière, dès lors que le législateur n'avait pas voulu prendre en considération ce cas de figure dans le cadre de l'octroi d'aides liées à la crise sanitaire. Le fait que l'activité de la recourante, qui exploitait un garage automobile, ait drastiquement changé pour devenir un restaurant – lequel existait déjà depuis plusieurs années – n'était pas non plus pertinent et ne constituait pas une exception à la règle stricte de la prise en compte du chiffre d’affaires moyen pour les années 2018 et 2019, compte tenu de la date de création de l'entreprise antérieure au
31 décembre 2017 (ATA/1106/2022 du 2 novembre 2022 consid. 7).

L’ouverture d’un hôtel le 1er mars 2019 pour développer son activité par une entreprise inscrite au registre du commerce depuis 2002, qui exploitait déjà en
mars 2019 deux autres établissements, résultait d’un choix économique de cette société que le législateur tant fédéral que cantonal n’avait pas entendu prendre en compte dans l’octroi des aides Covid-19. Cette expansion n’était pas comparable à la création d’une nouvelle entreprise (ATA/501/2022 du 11 mai 2022).

Il n’y avait pas non plus lieu d’extrapoler le chiffre d’affaires à la reprise de l’activité dans le cas de l’exploitation d’un restaurant interrompue par des travaux (ATA/154/2022 du 10 février 2022 consid. 3b).

Dans le cas d’une société créée en 1997, qui avait commencé son activité commerciale avant 2018 et qui faisait valoir que l’interruption de son activité pour cause de travaux de rénovation constituait un cas particulier devant exclure de comptabiliser la période de fermeture dans l’exercice et conduire à l’annualisation du chiffre d’affaires réalisé dès la réouverture le 6 mai 2019, la chambre administrative a jugé que la fermeture pour rénovation complète pendant une partie de la période de comparaison résultait d'un choix entrepreneurial (ATA/86/2022 du 1er février 2022 consid. 4a).

Une société inscrite au registre du commerce depuis 2012, qui avait entrepris l’exploitation d’un restaurant dès le mois de juillet 2020, avait changé sa raison sociale au 1er octobre 2020 et dont le chiffre d’affaires moyen des exercices 2018 et 2019 était nul, réalisait la condition d’inscription au registre du commerce avant le 1er mars 2020, la question de l’applicabilité de l’art. 3 al. 2 let. b de l’ordonnance Covid cas de rigueur entré en vigueur le 1er avril 2021, soit après la décision litigieuse, demeurant ouverte (ATA/1055/2021 du 12 octobre 2021 consid. 7).

3.6 La loi fédérale sur la fusion, la scission, la transformation et le transfert de patrimoine du 3 octobre 2003 (LFus - RS 221.301) règle l’adaptation des structures juridiques des sociétés de capitaux, des sociétés en nom collectif, des sociétés en commandite, des sociétés coopératives, des associations, des fondations et des entreprises individuelles par voie de fusion, de scission, de transformation et de transfert de patrimoine (art. 1 al. 1 LFus).

L’art. 3 al. 2 LFus prévoit que la fusion de sociétés peut résulter de la reprise d’une société par une autre (fusion par absorption ; al. 1 let. a), de leur réunion en une nouvelle société (fusion par combinaison ; al. 1 let. b). La fusion entraîne la dissolution de la société transférante et sa radiation du registre du commerce (al. 2).

Conformément à l'art. 22 al. 1 LFus, la fusion déploie ses effets dès son inscription au registre du commerce. À cette date, l'ensemble des actifs et passifs de la société transférante sont transférés de par la loi à la société reprenante.

4.             En l’espèce, la société recourante a été inscrite au registre du commerce le
20 juillet 2015, avec le numéro IDE CHE-2______. Sa raison sociale était alors B______ et elle œuvrait dans les domaines des services, de l’assistance et du conseil en faveur de certaines sociétés. À partir du 1er juillet 2018, elle a fondamentalement modifié ses activités. Elle a, d’une part, transféré une partie de son patrimoine à une entreprise tierce nouvellement créée qui a repris son but et, d’autre part, absorbé par fusion A______, société inscrite au registre du commerce depuis 1930 sous le numéro IDE CHE-1______, dont elle a repris la raison sociale et le but.

La fusion par absorption, soit la reprise sans liquidation par transfert de patrimoine, a déployé ses effets à partir du 1er juillet 2018 seulement, de sorte que le chiffre d’affaires réalisé par la société absorbée avant cette date ne peut pas être ajouté à celui de la recourante. Les deux sociétés étaient jusqu’à cette opération des entités juridiques distinctes qui poursuivaient des buts différents, et la société absorbée possédait sa propre comptabilité et son propre numéro IDE jusqu’à sa radiation du registre du commerce. Les effets de la fusion ne peuvent pas être retenus pour une période antérieure au 1er juillet 2018.

Le transfert d’activité puis la fusion par absorption résultent d'un choix entrepreneurial et ressortissent à la vie économique ordinaire des entreprises. Ces opérations n’ont aucune influence sur la date de la création de la recourante qui n’est pas une société fondée durant la période de référence 2018-2019, puisqu’elle a été inscrite au registre du commerce le 20 juillet 2015. Qu’elle ait changé de raison sociale et de but à partir du 1er juillet 2018 pour déployer dès ce moment des activités dans un tout autre domaine ne permet pas de s’écarter de la règle stricte concernant la prise en compte du chiffre d’affaires moyen pour les années 2018 et 2019, puisque sa date de création est antérieure au 31 décembre 2017. Cette solution a d’ailleurs déjà été retenue par la chambre de céans dans une affaire analogue qui concernait également une société créée antérieurement au 31 décembre 2017 et qui avait drastiquement modifié son activité durant la période de référence
(ATA/1106/2022 du 2 novembre 2022).

La recourante ne remplit donc pas les conditions de l’exception prévue à l’art. 3
al. 2 ordonnance Covid-19 auquel renvoie le RAFE-2021, qui permet de calculer dans certains cas précis, pour des entreprises créées postérieurement au
31 décembre 2017, le chiffre d’affaires moyen en comparaison sur une période d’activité réduite.

Enfin, comme relevé à juste titre par l’autorité intimée, le principe de la prééminence de la substance sur la forme n’est d’aucune aide à la recourante, puisque sa forme juridique n’a pas changé. Il en va de même du cas particulier de la société de défaisance, qui doit avoir été créée après le 1er octobre 2020.

Par conséquent, l’autorité intimée n'a pas mésusé de son pouvoir d'appréciation ni violé la loi en se fondant sur les faits pertinents pour considérer que la société recourante ne réalisait pas les conditions lui permettant de se voir allouer une aide financière pour cas de rigueur économique.

Mal fondé, le recours sera rejeté.

5.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante (art. 87 al. 1 LPA). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à cette dernière, ni au département qui, bien que plaidant par un avocat, dispose d’un service juridique (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/1738/2019 du 3 décembre 2019).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 27 février 2023 par A______ contre la décision sur réclamation de la Direction générale du développement économique, de la recherche et de l'innovation du 31 janvier 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Guillaume BARAZZONE, avocat de la recourante, ainsi qu'à Me David HOFMANN, avocat de la Direction générale du développement économique, de la recherche et de l'innovation.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Valérie LAUBER et Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. MEYER

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :