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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2908/2023

ATA/19/2024 du 09.01.2024 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2908/2023-AIDSO ATA/19/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 janvier 2024

1ère section

 

dans la cause

 

A______ et B______ recourants

contre

HOSPICE GÉNÉRAL intimé



EN FAIT

A. a. Le couple formé par A______, née en 1965, ressortissante suisse et marocaine, et B______, né en 1963, ressortissant égyptien naturalisé suisse en 2021 (ci-après : le couple), a sollicité et obtenu de l’Hospice général (ci‑après : l’hospice) des prestations d’aide sociale financière exceptionnelle du 1er juin 2017 au 31 août 2017, puis dès le 1er avril 2020 jusqu’au 28 février 2022. Ils ont une fille à charge nommée C______, née le ______ 2006.

b. Le 21 avril 2017, A______ a indiqué, lors de l’entretien d’accueil, à son assistante sociale que son couple rencontrait des difficultés financières. Elle était sans emploi et son mari, chauffeur de taxi, avait été récemment hospitalisé et n’avait plus perçu de revenus de son activité. En réponse aux questions de l’assistante sociale, elle a précisé que le couple n’était propriétaire d’un bien immobilier, ni en Suisse, ni à l’étranger.

c. Le 6 juin 2017, le couple a signé le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général », confirmant avoir pris acte de la subsidiarité des prestations d’aide financière versées par l’hospice à toute autre ressource provenant du travail, de la famille, de la fortune et de prestations sociales, devoir tout mettre en œuvre pour améliorer sa situation sociale et financière, devoir donner immédiatement et spontanément à l’hospice tout renseignement et toute pièce nécessaire à l’établissement de sa situation personnelle, familiale et économique, tant en Suisse qu’à l’étranger, devoir informer immédiatement et spontanément l’hospice de tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant de ses prestations d’aide financière, notamment de toute modification de sa situation personnelle, familiale et économique tant en Suisse qu’à l’étranger, et devoir rembourser à l’hospice toute prestation exigible perçue indûment.

Le même document a été signé une nouvelle fois par le couple le 6 avril 2020.

d. Le 6 juin 2017, le couple a aussi complété et signé le document intitulé « Demande de prestations d’aide sociale financière » déclarant que B______ percevait des revenus provenant de son activité indépendante en tant que chauffeur de taxi dont l’entreprise était inscrite au registre du commerce et ne pas être propriétaire d’un bien immobilier, ni en Suisse, ni à l’étranger, en cochant la case « non » y relative.

Le couple a renouvelé la demande d’aide sociale financière le 15 juin 2020, puis le 3 juin 2021, sans indiquer de changement pertinent pour le calcul des prestations d’aide financière. Dans le même document complété et signé le 2 septembre 2021, il était indiqué que la fille du couple était entrée au collège et que le couple percevait un montant de CHF 300.- par mois en raison de la location des plaques d’immatriculation du taxi de B______.

e. Le 2 avril 2020, les intéressés ont remis à l’hospice un courrier attestant que B______ avait déposé une demande de prestations de l’assurance‑invalidité (ci‑après : AI) à l’office cantonal des assurances sociales (ci‑après : OCAS). Le même jour, celui-ci a signé un courrier de l’hospice indiquant que les prestations d’aide sociale financière auxquelles lui et les membres de son groupe de famille avaient droit étaient accordées à titre d’avances, dans l’attente des prestations sociales qui pourraient lui être allouées par l’AI et que les prestations d’aide sociale financière étaient par conséquent remboursables à hauteur des avances consenties. Un ordre de paiement en faveur de l’hospice était signé à cet effet par B______.

f. Le 28 octobre 2021, une procédure d’enquête a été ouverte par le « service des enquêtes et conformités » de l’hospice.

g. Lors de l’audition du couple le 16 décembre 2021, B______ a complété et signé un document intitulé « Déclaration : biens immobiliers », déclarant ne pas posséder de bien immobilier en Suisse ou à l’étranger. Dans un document identique séparé, A______ a indiqué posséder un appartement de 136 m2 au second étage d’un immeuble sis à Tanger au Maroc.

h. Le 6 février 2022, le couple a fait parvenir, sur demande, à l’hospice, les copies de deux documents intitulés « contrat de vente provisoire » du 16 juillet 2002 et « vente totale immobilière » du 5 septembre 2002, portant sur l’achat de l’appartement sis à Tanger, effectué par A______. D’après le second document, le prix de vente final s’était élevé à un montant de 544’000.- Dirhams, soit l’équivalent de CHF 48'348.51.

Par courriel du même jour, B______ a indiqué que la valeur de cet appartement se situait entre CHF 45'000.- et CHF 48'000.- en raison de la crise sanitaire et qu’il faudrait « bien être sur place pour estimer la valeur vénale ».

D’après des extraits du 7 juin 2023 d’un site internet immobilier marocain produits par l'hospice, un appartement du standing de celui de A______ était mis en vente à 1'240'000.- Dirhams, soit l’équivalent de CHF 110'663.- pour la valeur la plus basse.

i. Informé le 23 janvier 2022 que A______ avait trouvé un emploi, l’hospice a mis fin au versement des prestations d’aide sociale financière en faveur du couple avec effet au 28 février 2022.

j. Entre le 1er juin 2017 et 28 février 2022, l’hospice a versé au couple la somme totale de CHF 84'536.75.

B. a. Par décision de restitution du 29 août 2022, l’hospice a demandé au couple le remboursement des prestations d’aide financière indûment perçues d’un montant cumulé de CHF 67'453.35.

Cette somme prenait en compte plusieurs déductions provenant, d’une part, du remboursement par les bénéficiaires en mai 2019 d’un montant de CHF 9'602.85 perçu en 2017 en lien avec la demande de naturalisation de B______. D’autre part, elles portaient sur la perception par l’hospice du montant de CHF 7'480.55 – comprenant les allocations pour perte de gain (ci-après : APG) de B______ de CHF 5'813.85 et les allocations d’études et apprentissage versées par le service des bourses et prêts d’études (ci‑après : SBPE) d’C______ de CHF 1'666.70 – destiné au couple en application du principe de subsidiarité des prestations d’aide sociale financière.

Le couple avait sciemment omis dans sa demande d’aide sociale financière du 15 juin 2020, renouvelée le 3 juin 2021, d’informer l’hospice de l’existence de l’appartement au Maroc acheté en 2002 ainsi que des revenus provenant de l’entreprise D______, qui était toujours inscrite au registre du commerce depuis avril 2015 alors que l'époux avait annoncé avoir cessé son activité indépendante.

b. Par opposition formée le 8 septembre 2022 et complétée le 6 octobre 2022, les intéressés ont contesté que B______ avait exercé une activité lucrative indépendante en qualité de chauffeur de taxi depuis la demande de prestations d’aide sociale financière à l’hospice, à cause de ses problèmes de santé. Il avait mis en location les plaques d’immatriculation de son taxi, ce dont il avait informé l’hospice. Ils reconnaissaient devoir rembourser l’aide financière accordée par l’hospice entre avril 2020 et février 2022. Le remboursement se ferait dès que l’AI aurait validé le dossier de l'époux. L’appartement sis au Maroc avait été acquis en 2002 et l’aide financière avait été sollicitée en raison de l’urgence de l’hospitalisation de B______. Celui-ci affirmait être redevable de la somme de CHF 67'453.35 et « pas [s]on épouse ».

C. a. Par décision sur opposition du 14 août 2023, l’hospice a admis partiellement l’opposition en admettant que les revenus provenant de l’entreprise ou de l’activité indépendante de B______ n'avaient pas été dissimulés et confirmé pour le surplus sa décision.

La somme réclamée était de CHF 39'062.25 en tenant compte des divers remboursements déjà effectués. Il s’agissait précisément des encaissements par l’hospice des allocations d’assurances sociales en faveur de B______, provenant des arrérages de rente de l’AI et du service des prestations complémentaires au titre de prestations fédérales ou cantonales complémentaires à l’AI d’un montant total de CHF 28'391.30.

D. a. Par acte déposé le 14 septembre 2023 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : la chambre administrative), les intéressés ont formé « opposition » contre cette décision, sans prendre des conclusions formelles. Il ressort en particulier de leur écriture qu’ils contestaient divers postes du relevé des prestations d’aide sociale financière faisant l’objet de la demande de restitution de l’hospice : ils indiquaient avoir remboursé le montant de CHF 9'602.85 au titre des prestations d’aide sociale financière accordées en 2017 alors que le montant dû était de CHF 7'480.55, le montant de CHF 2'354.35 constituait donc un trop-perçu dont la restitution était demandée. Ils contestaient aussi la perception par l’hospice de la somme de CHF 7'480.55 correspondant aux allocations APG de B______ d’un montant de CHF 5'813.85 et aux allocations du SBPE d’C______ d’un montant de CHF 1'666.70. Au total, le montant de CHF 9'834.90 devait être déduit de la somme totale due de CHF 39'062.25.

L’appartement avait été acquis avant mariage par l'épouse avec ses propres économies. En raison de la maladie de l'époux et de la pandémie du Covid-19, il n’était pas possible de le vendre, sauf avec le risque de perdre la moitié de sa valeur. Celui-ci indiquait avoir des dettes envers l’État de Vaud et n’avait jamais demandé à son épouse de vendre son appartement pour rembourser ses dettes. Enfin, le couple n’avait pas dissimulé des informations en lien avec les plaques d’immatriculation du taxi à l’hospice. L'époux avait définitivement remis lesdites plaques et avait été mis au bénéfice de l’AI.

b. Le 13 octobre 2023, l’hospice a conclu au rejet du recours. Faute d’avoir déclaré que l'épouse était propriétaire d’un appartement sis au Maroc, les recourants avaient perçu à tort toutes les prestations sociales financières accordées par l’hospice. La violation répétée de leur devoir de renseigner était constitutive d’une faute grave propre à exclure leur bonne foi. Ils s’opposaient au remboursement de divers postes du décompte des prestations d’aide financière alors qu’ils avaient été dûment informés et avaient donné leur accord. En tout état, la contestation des montants allégués était tardive et exorbitante au présent litige.

c. Le 22 novembre 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

d. Les arguments des parties et la teneur des pièces de la procédure seront pour le surplus repris ci-dessous dans la mesure utile au traitement du litige.

 

 

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10 ; art. 52 de la loi sur l’insertion et l’aide sociale individuelle du 22 mars 2007 - LIASI - J 4 04).

2.             L’acte expédié à la chambre de céans par les recourants ne mentionne pas de recours contre la décision litigieuse, ni ne comporte de conclusions formelles.

2.1 L’acte de recours contient, sous peine d’irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (art. 65 al. 1 LPA). Il contient également l’exposé des motifs, ainsi que l’indication des moyens de preuve. Les pièces dont dispose le recourant doivent être jointes. À défaut, la juridiction saisie impartit un bref délai au recourant pour satisfaire à ces exigences, sous peine d’irrecevabilité (art. 65 al. 2 LPA).

2.2 La jurisprudence se montre assez large lorsqu’elle apprécie la réunion des diverses conditions que doit respecter le mémoire de recours. Toutefois, la volonté de recourir doit ressortir de l’acte de l’administré, sans qu’il ne soit exigé que le terme de « recours » y figure expressément (ATA/966/2020 du 29 septembre 2020 consid. 3 ; ATA/182/2013 du 19 mars 2013 consid. 4). Il convient par ailleurs de ne pas se montrer trop strict sur la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait que les conclusions ne ressortent pas expressément de l’acte de recours n’est pas, en soi, un motif d’irrecevabilité, pourvu que l’autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/657/2022 du 23 juin 2022 consid. 2b). Une requête en annulation d’une décision doit par exemple être déclarée recevable dans la mesure où le recourant a, de manière suffisante, manifesté son désaccord avec la décision ainsi que sa volonté qu’elle ne développe pas d’effets juridiques (ATA/1068/2023 du 27 septembre 2023 consid. 2.2).

2.3 En l’espèce, l’acte de recours mentionne que les intéressés forment opposition à la décision sur opposition du 29 août 2023, suivi de la remise en cause de certains postes du décompte des prestations d’aide sociale financière dont le remboursement a été déjà effectué. De plus, en dépit d’une formulation peu claire, il apparaît que les recourants reconnaissent, à tout le moins, une partie de la somme due et évoquent la difficulté à réaliser l’appartement sis au Maroc en période de Covid‑19.

Cela dit, l’écriture du 14 septembre 2023 comporte le contenu d’un acte de recours et sera considéré comme tel.

3.             Le litige porte d’abord sur le bien-fondé de la décision de restitution prise par l’hospice.

3.1 La LIASI a pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1). Elle vise à garantir à ceux qui se trouvent dans la détresse matérielle et morale des conditions d’existence conformes à la dignité humaine (art. 1 al. 2 phr. 2). Avec le règlement d’exécution de la LIASI du 25 juillet 2007 (RIASI - J 4 04.01), elle concrétise les art. 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 39 al. 1 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00 ; ATA/256/2020 du 3 mars 2020 consid. 4b).

3.2 Ses prestations sont fournies notamment sous forme de prestations financières (art. 2 let. b LIASI), qui sont subsidiaires à toute autre source de revenu (art. 9 al. 1 LIASI). Le bénéficiaire et les membres du groupe familial doivent faire valoir sans délai leurs droits auxquels l’aide financière est subsidiaire et doivent mettre tout en œuvre pour améliorer leur situation sociale et financière (art. 9 al. 2 LIASI). Exceptionnellement, les prestations d’aide financière peuvent être accordées à titre d’avance sur prestations sociales ou d’assurances sociales (art. 9 al. 3 let. a LIASI).

À teneur du texte de l’art. 9 al. 3 LIASI, cette disposition ne vise qu’à alléger le principe de subsidiarité pour permettre le versement d’une aide financière, alors même que le requérant est dans l’attente d’une prestation. Il ressort en particulier des débats parlementaires que l’art. 9 al. 3 LIASI visait essentiellement le régime de l’AI. L’élaboration d’un dossier AI prend plusieurs années, temps pendant lequel la personne en attente peut se trouver privée de revenus. Si son revenu est inférieur au barème, elle peut ainsi entrer dans le champ d’application de la LIASI et recevoir des prestations financières (MGC 2006-2007/V A - Séance 25 du 23 février 2007).

Le droit aux prestations d’aide financière naît dès que les conditions de la loi sont remplies, mais au plus tôt le premier jour du mois du dépôt de la demande (art. 28 al. 1 LIASI). Il s’éteint à la fin du mois où l’une des conditions dont il dépend n’est plus remplie (art. 28 al. 2 LIASI).

3.3 Ont droit à des prestations d’aide financière les personnes majeures qui ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien ou à celui des membres de la famille dont ils ont la charge (art. 8 al. 1 LIASI). Ces prestations ne sont pas remboursables, sous réserve des art. 12 al. 2 et 36 à 41 LIASI (art. 8 al. 2 LIASI). L’art. 11 al. 1 LIASI précise que ces personnes doivent avoir leur domicile et leur résidence effective sur le territoire genevois (let. a), ne pas être en mesure de subvenir à leur entretien (let. b) et répondre aux autres conditions de la loi (let. c).

En vertu de l’art. 11 al. 4 LIASI, le Conseil d’État fixe par règlement les conditions d’une aide financière exceptionnelle, qui peut être inférieure à l’aide financière ordinaire et/ou limitée dans le temps, en faveur notamment des personnes exerçant une activité lucrative indépendante (let. d). Peut être mise au bénéfice de prestations d’aide financière ordinaire, à l’exception des prestations à caractère incitatif, la personne qui exerce une activité lucrative indépendante (art. 16 al. 1 du règlement d’exécution de la LIASI du 25 juillet 2007 - RIASI - J 4 04.01). L’aide financière est accordée pour une durée de trois mois. En cas d’incapacité de travail du bénéficiaire, les prestations peuvent être accordées pendant une durée maximale de six mois (art. 16 al. 2 RIASI, dans son état avant le 1er janvier 2022).

3.4 Les prestations d’aide financière sont accordées au demandeur et au groupe familial dont il fait partie (art. 13 al. 1 LIASI). Le groupe familial est composé du demandeur, de son conjoint, concubin ou partenaire enregistré vivant en ménage commun avec lui, et de leurs enfants à charge (art. 13 al. 2 LIASI).

3.5 Les prestations d’aide financière sont accordées aux personnes dont le revenu mensuel déterminant n’atteint pas le montant destiné à la couverture des besoins de base et dont la fortune ne dépasse pas les limites fixées par règlement du Conseil d’État (art. 21 al. 1 LIASI). L’art. 1 al. 1 RIASI prévoit que les limites de fortune permettant de bénéficier des prestations d’aide financière sont de CHF 4'000.- pour une personne seule majeure (let. a) et de CHF 2'000.- pour chaque enfant à charge (let. c). Le total de la fortune ne peut en aucun cas dépasser la somme de CHF 10'000.- pour l’ensemble du groupe familial (art. 1 al. 2 RIASI).

Les conditions et mode de calcul des prestations d’aide financière sont prévus aux art. 21 ss LIASI et 1 ss RIASI, notamment les revenus (art. 22 LIASI) et la fortune (art. 23 LIASI). Est assimilée à la fortune de l’intéressé celle des membres du groupe familial (art. 23 al. 2 LIASI). À titre de fortune et en référence à l’art. 47 de la loi sur l’imposition des personnes physiques du 27 septembre 2009 (LIPP - D 3 08), l’art. 6 de la loi sur le revenu déterminant unifié du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06), applicable par renvoi de l’art. 23 al. 1 LIASI, prend en compte tous les immeubles situés dans et hors du canton (let. a).

3.6 Selon l’art. 32 al. 1 LIASI, le demandeur ou son représentant légal doit fournir gratuitement tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d’aide financière. Le bénéficiaire doit immédiatement déclarer à l’hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI).

Le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général » concrétise l’obligation de collaborer et de renseignement. Le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l’hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression (art. 33 al. 1 LIASI ; ATA/1304/2021 du 30 novembre 2021 consid. 3a ; ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3a). Il atteste notamment du fait que le bénéficiaire a été informé du caractère subsidiaire des prestations d’aide financière exceptionnelle et du fait que des prestations sociales ou d’assurances sociales ne peuvent se cumuler avec les prestations d’aide financière dont elles doivent être déduites (ATA/1231/2022 précité consid. 4c). Ces obligations valent pour tous les membres du groupe familial (art. 32 al. 4 LIASI).

3.7 Selon l’art. 12 al. 2 LIASI, exceptionnellement, une aide financière peut être accordée à une personne propriétaire d’un bien immobilier, si ce bien lui sert de demeure permanente. Dans ce cas, l’aide financière accordée est remboursable (art. 39 al. 1 LIASI). L’immeuble peut être grevé d’une hypothèque au profit de l’hospice. À teneur de l’art. 39 al. 2 LIASI, l’hospice demande le remboursement de prestations versées à un propriétaire d’un bien immobilier en vertu de l’art. 12 al. 2 LIASI, dès que le bénéficiaire ne remplit plus les conditions de l’art. 8 al. 1.

Cette exception s’explique par le fait que la valeur d’un immeuble dépasse pratiquement toujours les limites de fortune fixées à l’art. 1 al. 1 RIASI, une personne propriétaire d’un immeuble n’aura pratiquement jamais droit à des prestations d’aide financière (ATF 146 I 1 consid. 6.4). La volonté du législateur était d’offrir l’aide de l’hospice à une personne propriétaire de son logement pour éviter que celle-ci soit obligée de réaliser son bien et qu’elle se retrouve sans toit, à certaines conditions notamment que ledit logement constitue sa demeure permanente (MGC 2006-2007/V A - Séance 25 du 23 février 2007 ; ATA/10/2020 du 7 janvier 2020 consid. 2f et les références citées).

3.8 Le Tribunal fédéral a rappelé que, selon le principe de la subsidiarité, qui s’applique tant dans le cadre de l’aide sociale cantonale que dans le cadre de l’aide d’urgence selon l’art. 12 Cst., l’aide n’intervient que si la personne ne peut pas subvenir elle-même à ses besoins et si toutes les autres sources d’aide disponibles ne peuvent pas être obtenues à temps et dans une mesure suffisante. Ainsi, pour apprécier si une personne est dans le besoin, il faut tenir compte des ressources qui sont immédiatement disponibles ou qui sont réalisables à court terme. En l’absence de ressources disponibles ou réalisables à court terme, l’intéressé doit être considéré comme étant dans le besoin et l’État doit au moins lui accorder une aide à titre transitoire (ATF 146 I 1 consid. 8.2.1 et les références citées). Lorsque l’élément de fortune constitue un bien-fonds, il ne peut en général pas être réalisé à court terme ou à temps pour couvrir les besoins actuels du demandeur d’aide. Dans l’intervalle, celui-ci doit pouvoir compter sur une aide de l’État, qu’il remboursera dès la réalisation des éléments de fortune en question (ATF 146 I 1 consid. 8.2.2 et les références citées).

Pour les prestations ordinaires de l’aide sociale, incombant aux cantons et se distinguant de l’aide d’urgence de l’art. 12 Cst. (ATF 146 I 1 consid. 5), le Tribunal fédéral a également considéré que la recourante pouvait y prétendre sur la base de l’art. 9 al. 3 let. b LIASI, mais à titre d’avance et avec l’obligation de les rembourser dès qu’elle disposerait de sa part de succession (consid. 9.3). L’interprétation cantonale vidait cette disposition de son sens, les éléments de fortune de la recourante n’étant pas immédiatement disponibles pour couvrir ses besoins d’entretien. Rien ne justifiait, selon le Tribunal fédéral, de conditionner le versement de l’aide transitoire de l’art. 9 al. 3 let. b LIASI à la possibilité d’être qualifié de bénéficiaire des prestations financières de la LIASI. Si une personne remplissait les conditions pour bénéficier de celles-ci, elle n’aurait a priori aucun intérêt à demander une avance sur la base de cette disposition, étant rappelé que, selon les juges cantonaux, les avances visées par cette norme ne se différenciaient pas de l’aide financière générale (ATF 146 I 1 consid. 9.2).

3.9 Selon la norme D.3.1 de la Conférence suisse des institutions d’action sociale (ci-après : CSIAS), dans sa version du 1er janvier 2021, accessible sur le site des normes de la CSIAS in https://rl.skos.ch/lexoverview-home/lex-RL_A_1 (consulté le 3 janvier 2024), font partie de la fortune tous les biens sur lesquels une personne demandant une aide a un droit de propriété. Le besoin d’aide est évalué sur la base des biens effectivement disponibles ou réalisables à court terme (al. 1). Certains biens peuvent ne pas être pris en compte lorsque (al. 2) : une rigueur excessive en résulterait pour les bénéficiaires de l’aide ou leurs proches (let. a), l’utilisation ne serait pas rentable (let. b) ; ou la vente d’objets de valeur ne serait pas raisonnablement exigible pour d’autres raisons (let. c). Un délai approprié doit être accordé pour la vente des actifs réalisables. Si nécessaire, une aide financière est accordée dans l’intervalle (al. 3).

Le commentaire CSIAS de la norme D.3.1 (point c) concernant les biens non réalisables à court terme, comme en cas de copropriété dans une hoirie ou de propriété immobilière, précise qu’il est possible que des personnes demandant une aide possèdent des biens qui doivent être pris en compte et dont la valeur dépasse le montant de la franchise, mais que la réalisation de tels biens peut s’avérer impossible à court terme. Dans de tels cas, malgré la présence d’une fortune, une situation de détresse peut survenir faute de liquidités. Les besoins de base seront alors couverts à titre d’avance. Un délai approprié sera fixé pour la vente des biens en question. De même, le remboursement de prestations d’aide consenties à titre d’avances devra être assuré.

La norme CSIAS D.3.2, dans sa version du 1er janvier 2021, relative à la propriété immobilière dispose que les biens immobiliers en Suisse et à l’étranger font partie de la fortune. Ils sont pris en compte dans l’examen des conditions d’octroi.

Le commentaire CSIAS de la norme D.3.2 précise que les personnes possédant des biens immobiliers ne doivent pas être mieux loties que celles ayant des biens sous forme de comptes épargne ou de titres, soulignant qu’il n’existe pas de droit de conserver une propriété immobilière (point a). Une aide accordée malgré une propriété immobilière est considérée comme une avance. Le remboursement d’une telle aide consentie à titre d’avance peut être garanti par la constitution d’un gage immobilier (point b).

3.10 Sous réserve des cas spécifiques tels que les art. 37 à 39 LIASI, le remboursement des prestations d’aide financière est régi par l’art. 36 LIASI. Est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1). L’hospice réclame, par décision écrite, au bénéficiaire le remboursement de toute prestation d’aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2). Le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n’est pas de bonne foi (al. 3).

Selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, une prestation reçue en violation de l’obligation de renseigner l’hospice est une prestation perçue indûment (ATA/336/2020 du 7 avril 2020 consid. 6b ; ATA/265/2017 du 7 mars 2017 consid. 7 ; ATA/54/2013 du 29 janvier 2013 consid. 6 ; ATA/193/2006 du 4 avril 2006 consid. 3b). Les bénéficiaires des prestations d’assistance sont tenus de se conformer au principe de la bonne foi dans leurs relations avec l’administration, notamment en ce qui concerne l’obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d’abus de droit. Si le bénéficiaire n’agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu’il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps (ATA/336/2020 précité consid. 6b ; ATA/1083/2016 du 20 décembre 2016 consid. 12b ; ATA/35/2005 du 25 janvier 2005 consid. 4). Celui qui a encaissé des prestations pécuniaires obtenues en violation de son obligation de renseigner est tenu de les rembourser selon les modalités prévues par la LIASI qui concrétisent tant le principe général de la répétition de l’enrichissement illégitime que celui de la révocation, avec effet rétroactif, d’une décision administrative mal fondée, tout en tempérant l’obligation de rembourser en fonction de la faute et de la bonne ou mauvaise foi du bénéficiaire (ATA/336/2020 précité consid. 6b et les références citées ; ATA/1024/2014 du 16 décembre 2014 consid. 5).

Ainsi, lorsque la personne sollicitant l’aide sociale ne déclare pas posséder un bien immobilier, elle viole son devoir de renseigner. Il lui appartient en effet de signaler l’existence du bien en précisant, si elle les estime pertinentes, les circonstances dans lesquelles elle l’a acquis. L’examen de l’éventuelle prise en compte de ce bien dans le calcul du droit aux prestations incombe à l’autorité intimée et non au bénéficiaire des prestations. La violation de ce devoir conduit à nier sa bonne foi, ce d’autant plus si l’immeuble se trouve à l’étranger, vu l’absence de moyen pour l’hospice de vérifier la fausse indication, régulièrement répétée, et cette violation constitue une faute grave (ATA/1237/2018 du 20 novembre 2018 consid. 3a). Dans cette affaire, en tant que propriétaire d’un bien immobilier ne servant pas de demeure permanente, la recourante aurait dû se voir refuser toute prestation conformément à l’art. 12 al. 2 LIASI. L’entier des prestations a dès lors été perçu indûment. Toutefois, vu les circonstances particulières, l’hospice ne pouvait pas procéder à la simple demande de remboursement des prestations indûment perçues, de sorte que la cause lui a été renvoyée pour déterminer le montant à rembourser en fonction de toutes les circonstances et de tenter de trouver un accord raisonnable de remboursement (ATA/1237/2018 du 20 novembre 2018 consid. 3b).

3.11 Dans une affaire genevoise récente, le Tribunal fédéral a considéré qu’il n’y avait pas, sur la base de l’art. 36 al. 1 LIASI, matière à restitution, indépendamment de la bonne ou mauvaise foi de l’intéressée, si en tenant compte de l’élément caché, la demandeuse d’aide aurait quand même eu droit auxdites prestations, voire à davantage. Il n’était en revanche pas critiquable que la violation du devoir de collaboration par l’intéressée conduise à nier sa bonne foi au sens de l’art. 36 al. 3 LIASI (arrêt du Tribunal fédéral 8C_499/2019 du 20 février 2020 consid. 7.2).

3.12 Prenant en compte cette jurisprudence fédérale, la chambre de céans postule de raisonner dorénavant en deux temps en présence d’une décision litigieuse de remboursement des prestations d’aide sociale financière : premièrement, il faut examiner la question, fondée sur l’art. 36 al. 1 LIASI, de savoir si la personne sollicitant l’aide sociale financière a droit à celle-ci en tenant compte de tous les éléments, y compris ceux qu’elle n’aurait pas annoncés, pour déterminer si le versement des prestations perçues est indu. Deuxièmement, se pose, en vertu de l’art. 36 al. 3 LIASI, la question de sa bonne ou mauvaise foi, étant précisé que la violation du devoir d’informer conduit, de jurisprudence fédérale et cantonale constante, à nier la bonne foi (ATA/548/2022 du 24 mai 2022 consid. 5).

4.             Il convient de déterminer si les recourants auraient eu droit aux prestations d’aide sociale financière en tenant compte de tous les éléments de revenus et de fortune, y compris ceux qu’ils n’ont pas annoncés.

4.1 Dans l’ATA/548/2022 du 24 mai 2022 portant sur un remboursement des prestations d’aide financière prétendument indues fondé sur l’omission de déclarer un bien immobilier sis à l’étranger, la chambre de céans a considéré que la recourante aurait pu avoir droit à une aide transitoire limitée et remboursable, dans l’attente de la réalisation de son bien immobilier français, conformément à la jurisprudence fédérale et aux normes CSIAS précitées. Même si ce cas de figure n’est pas prévu par la LIASI, il peut trouver un ancrage légal à l’art. 9 al. 3 let. b LIASI dont le caractère exemplatif a été admis par la chambre de céans, étant précisé que son application ne peut pas être conditionnée à la qualité préalable de bénéficiaire des prestations financières de la LIASI selon l’ATF 146 I 1 consid. 9.2. Le fait que cette hypothèse ait été exclue par le législateur genevois, qui a soumis la possibilité de verser des avances remboursables à la condition que le bien immobilier appartenant au demandeur d’aide soit sa demeure permanente (art. 12 al. 2 LIASI), n’a pas d’impact sur le principe de l’octroi d’une aide sociale, mais sur l’étendue (ou nature) de celle-ci. En effet, le droit fédéral ne peut imposer aux cantons une aide sociale qu’au titre de l’aide d’urgence au sens de l’art. 12 Cst. (ATA/548/2022 du 24 mai 2022 consid. 5).

4.2 En l’espèce, il n’est pas contesté que le groupe familial composé des recourants ainsi que de leur fille a bénéficié de prestations d’aide sociale financière exceptionnelle pendant trois mois entre le 1er juin et le 21 août 2017 en raison de l’activité indépendante du recourant. Du 1er avril 2020 au 28 février 2022, d’autres prestations d’aide sociale financière exceptionnelle lui ont été accordées à titre d’avance sur prestations d’AI. Reste à savoir si les recourants auraient eu droit à ces aides financières s’ils avaient déclaré l’ensemble des éléments de revenus et de fortune du groupe familial, en particulier l’appartement marocain.

À plusieurs reprises, les recourants ont reproché à l’intimé d’avoir motivé la demande de restitution des prestations sociales financières indues entre autres par le fait qu’ils avaient dissimulé les revenus provenant de l’activité indépendante de chauffeur de taxi de B______ en violation de leur devoir de renseigner. Dans la mesure où l’hospice a admis ce grief dans sa décision sur opposition, maintenant toutefois sa demande de restitution sur la base du défaut de déclaration d’un bien immobilier, la chambre de céans n’examinera pas plus avant ce point.

Il ressort du dossier que la recourante est propriétaire d’un bien immobilier au Maroc. Il n’est pas contesté que ce bien ne sert pas de demeure permanente aux recourants. Ils ne remplissaient en principe pas les conditions pour bénéficier des prestations d’aide financière (art. 12 al. 2 LIASI). Il convient à présent de s’intéresser à l’hypothèse dans laquelle la valeur de l’appartement eut été effectivement intégrée dans la fortune des recourants par l’hospice dès avril 2017 lors de l’examen de la première demande d’aide. Avant toute chose, en tant que l’appartement appartient à un membre du groupe familial, sa valeur doit être comptabilisée comme élément de fortune de celui-ci, nonobstant le fait qu’il ait été acquis avant mariage par la recourante au moyen de ses propres économies.

Sans discuter de la valeur réelle du bien immobilier et en se référant par hypothèse à sa valeur d’acquisition de l’ordre de CHF 48'000.-, laquelle est proche de la valeur haute avancée par les recourants le 6 février 2022 en prenant en compte l’impact du Covid-19, elle aurait dans les tous cas dépassé largement le total de la fortune fixé à CHF 10'000.- pour l’ensemble du groupe familial. Il en résulte que les recourants n’auraient pas rempli les conditions requises pour prétendre aux prestations d’aide financière et n'auraient donc pu partie du cercle des bénéficiaires au sens de la LIASI.

Étant donné qu’on ne pouvait raisonnablement exiger des recourants qu’ils réalisassent le bien immobilier au Maroc dans un court délai pour couvrir leurs besoins causés par la situation de détresse dans laquelle ils se sont retrouvés à la suite de l’accident ou la maladie du recourant, ils étaient, d’après les principes rappelés plus haut, en droit de bénéficier d’une aide transitoire à titre d’avance qu’ils auraient été tenus de rembourser, conformément à l’art. 9 al. 3 let. b LIASI, au besoin en réalisant l’appartement dans un délai approprié. Alors que la chambre de céans a considéré qu’un délai de quatre ans ne paraissait pas répondre à cette exigence (ATA/548/2022 précité consid. 6 d), il est probable que la durée de trois mois pendant laquelle les recourants ont perçu des prestations d’aide financière en 2017 aurait été conforme à celle d’une aide transitoire remboursable. Pour la période comprise entre avril 2020 et février 2022, la question de l’adéquation de la durée des prestations d’aide financière perçues par les recourants avec les caractéristiques de l’aide transitoire envisagée aurait pu se poser, étant précisé que celle-ci n’est censée être accordée que dans l’intervalle nécessaire au bénéficiaire pour réaliser l’immeuble aussi rapidement que possible afin de la rembourser. Cette question doit cependant être relativisée, compte tenu du fait que les prestations d’aide financière versées aux recourants au cours de cette période l’ont été à titre d’avance remboursable, à l’instar de l’aide transitoire.

Quant à l’étendue de l’aide transitoire, la question de savoir si elle aurait pu être limitée aux prestations minimales dues au titre de l’aide d’urgence ou porter sur l’ensemble des prestations d’aide financière relevant de la LIASI, peut rester en l’occurrence indécise, vu que les recourants n’ont pas annoncé l’existence de l’appartement sis au Maroc et, ce faisant, ont perçu les prestations d’aide financière complètes. En effet, les recourants ont sciemment omis de déclarer la propriété marocaine lors de l’entretien d’accueil du 21 avril 2017 et en signant les formulaires de demande de prestations du 6 juin 2017. Il en va de même lors de leurs signatures réitérées du 6 juin 2017, 15 juin 2020, 3 juin 2021 et 2 septembre 2021 du document intitulé « Demande de prestations d’aide sociale financière », dans laquelle les recourants y ont déclaré ne pas être propriétaires d’un bien immobilier, que ce soit en Suisse ou à l’étranger, en cochant la case « Non » y relative. Il a fallu qu’une enquête soit diligentée par l’hospice pour que l’existence du bien immobilier soit révélée.

Bien que ne faisant pas partie du cercle des bénéficiaires au sens de la LIASI, les recourants avaient droit à des prestations d’aide financière, mais uniquement sous la forme d’une aide transitoire remboursable pour la période du 1er juin au 31 août 2017. Entre le 1er avril 2020 et le 28 février 2022, les prestations d’aide sociale financière accordées constituaient des avances remboursables. Qu’elles soient considérées comme une avance sur prestations d’AI ou d’aide transitoire, leur fondement trouvent leur ancrage dans l’art. 9 al. 3 LIASI.

Dans ces conditions, que les prestations d’aide financière soient constituées d’avance sur prestations d’AI ou qualifiées d’aide transitoire qu’auraient pu percevoir les recourants s’ils s’étaient conformés à leur devoir de renseigner, l’hospice était fondé à réclamer leur restitution. En conséquence, la chambre de céans confirmera la décision de remboursement litigieuse, le cas échéant, par substitution de motifs (art. 69 al. 1 LPA).

5.             Les recourants contestent le bien-fondé de certaines modalités de remboursement.

5.1 Exceptionnellement, les prestations d’aide financière peuvent être accordées à titre d’avance sur prestations sociales ou d’assurances sociales (art. 9 al. 3 let. a LIASI). Si les prestations d’aide financières prévues par la LIASI ont été accordées à titre d’avances, dans l’attente de prestations sociales ou d’assurances sociales, les prestations d’aide financière sont remboursables, à concurrence du montant versé par l’hospice durant la période d’attente, dès l’octroi desdites prestations sociales ou d’assurances sociales (art. 37 al. 1 LIASI).

Selon la chambre de céans, il revient à l’hospice de déterminer la manière de procéder au remboursement des prestations versées au bénéficiaire en tenant compte des circonstances particulières, notamment du fait que l’existence du bien immobilier à l’étranger n'a pas été annoncée. Il dispose en la matière d’une liberté d’appréciation, notamment dans le choix des moyens adéquats pour obtenir et, le cas échéant, garantir le remboursement litigieux, qui est plus large, au regard de la norme CSIAS D.3.2 (ATA/548/2022 précité consid. 6).

5.2 Les prestations d’aide sociale entrent dans les « besoins courants de la famille » au sens de l’art. 166 du Code civil suisse du 10 décembre l907 (CCS - RS 210), pour lesquels chaque époux représente l’union conjugale pendant la vie commune et oblige solidairement l’autre tant qu’il n’excède pas ses pouvoirs d’une manière reconnaissable pour les tiers (art. 166 al. 3 CCS).

5.3 Le principe de la proportionnalité (art. 5 al. 2 Cst.) se compose traditionnellement des règles d’aptitude - qui exigent que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé -, de nécessité - qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés -, et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et sur le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (TF 140 I 257 consid. 6.3.1 ; 140 II 194 consid. 5.8.2.

5.4 En l’espèce, les recourants s’opposent non seulement au remboursement de la somme de CHF 2'354.35 mais aussi à l’encaissement par l’hospice des versements de CHF 5'813.85 au titre des APG Covid-19 et de CHF 1'666.70 correspondant aux allocations du SBPE.

Il ressort du décompte des prestations d’aide financière de l’année 2017 que les recourants ont perçu entre juin et août 2017 un montant total de CHF 9'602.85, y compris le remboursement des primes d’assurance-maladie obligatoire de CHF 2'354.70. En tant que l’un des membres du groupe familial était propriétaire d’un bien immobilier sis au Maroc, les recourants n’avaient droit qu’à une aide transitoire à titre d’avance remboursable. Partant, les prestations d’aide financière touchées par eux de juin à août 2017 doivent être qualifiées d’avances remboursables. Dès lors que le montant contesté de CH 2’354.70 correspondait au total des primes d’assurance-maladie obligatoire du groupe familial pris en charge par l’hospice (art. 21 al. 2 let. c LIASI), les recourants étaient redevables dudit montant. C’est donc à juste titre qu’il a été encaissé par l’hospice à la suite du remboursement opéré par les recourants en mai 2019, peu importe qu’ils y aient procédé de leur propre initiative afin d’obtenir une attestation nécessaire à la naturalisation du recourant.

Pour la période comprise entre avril 2020 et février 2022, il est constant que les recourants ont également bénéficié des prestations d’aide financière versées par l’hospice à titre d’avance sur prestations d’AI. Vu le caractère remboursable de cette avance, l’hospice était en droit d’en exiger la restitution. C’est ainsi qu’il a fait signer par les recourants des ordres de paiement en sa faveur, lesquels ont abouti aux versements en ses mains par l’OCAS des APG Covid-19 du recourant de CHF 5'813.85 ainsi que par le SBPE des allocations d’études de la fille des recourants de CHF 1'666.70. Contrairement à ce que soutiennent les recourants, ces versements proviennent des prestations d’assurances sociales pour ce qui concerne les APG covid-19 et des prestations sociales pour ce qui est des allocations SBPE, lesquelles peuvent servir au remboursement des avances consenties par l’hospice en application de l’art. 9 al. 3 let. a LIASI. Ils ne pouvaient ignorer cette situation dans la mesure où ils ont signé les ordres de paiement en faveur de l’hospice dès lors que les prestations sociales ou d’assurances sociales ne peuvent se cumuler avec les prestations d’aide financière.

Le fait que l’hospice ait obtenu le remboursement partiel des prestations d’aide financières accordées à titre d’avance sur prestations d’AI par l’encaissement des APG covid-19 et des allocations du SBPE ne prête pas le flanc à la critique.

Les modalités de remboursement des avances de prestations d’aide financière allouées aux recourants jusqu’ici mises en place respectent le principe de proportionnalité.

Pour le surplus, contrairement à ce que soutiennent les recourants, l’épouse du recourant est solidairement redevable de CHF 39'062.25.

Les griefs des recourants relatifs aux modalités de remboursement seront par conséquent écartés.

Compte tenu de ce qui précède, le recours, mal fondé, sera rejeté.

6.             Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

 

* * * * *


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 septembre 2023 par A______ et B______ contre la décision sur opposition de l’Hospice général du 14 août 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ et B______ ainsi qu’à l’Hospice général.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :