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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2545/2005

ATA/193/2006 du 04.04.2006 ( HG ) , REJETE

En fait
En droit
Par ces motifs
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2545/2005-HG ATA/193/2006

ARRÊT

DU TRIBUNAL ADMINISTRATIF

du 4 avril 2006

dans la cause

 

Monsieur B__________
représenté par Me Philippe Girod, avocat

contre

HOSPICE GéNéRAL


 


1. a. Monsieur B__________, originaire d’Algérie, est né le __________ 1949.

b. Il a épousé en premières noces Madame B__________ née M__________. Trois filles sont nées de cette union : Y__________ (en 1974), L__________ (en 1978), et A__________ (en 1980). Toutes sont domiciliées à Genève.

c. M. B__________ a épousé en secondes noces Mme B__________ née O__________ le 25 juin 1993. De cette union sont nées, en Haute-Savoie, deux filles, X__________(en 1994), et I__________ (en 2000). Mme B__________-O__________ est domiciliée à S__________, en France.

2. Le 5 janvier 2004, M. B__________ s’est présenté au centre d’action sociale et de santé des Grottes et a sollicité l’octroi de prestations d’assistances. A l’appui de sa demande, il a exposé que:

- Il avait récemment fait faillite suite à l’échec de son restaurant « E__________ » ;

- Il logeait provisoirement à Genève, chez sa fille L___________ ;

- Il était titulaire d’un permis C valable jusqu’au 21 septembre 2005, sur lequel figurait cette adresse. Ce dernier avait été renouvelé pour la dernière fois en date du 25 septembre 2002.

A cette occasion, il a également signé le document intitulé « Ce qu’il faut savoir en demandant l’intervention de l’assistance publique », attestant avoir pris connaissance des conditions à respecter, notamment s’agissant de l’obligation de donner tout renseignement utile sur sa situation personnelle et financière.

3. A compter du 17 décembre 2003, M. B__________ a été mis au bénéfice des prestations d’assistance prévues par la loi genevoise sur l’assistance publique du 19 septembre 1980 (LAP – J 4 05).

Il a ainsi perçu, pour la période allant du 17 décembre 2003 au 1er novembre 2004, la somme totale de CHF 12'715.-.

4. Le 23 février 2004, M. B__________ a été interpellé par la gendarmerie genevoise à la rue Céard.

Invité à se légitimer, il est apparu qu’il était titulaire, outre de son permis C, d’une carte de résident français en qualité d’algérien, laquelle – établie le 3 juillet 2001 par la préfecture de l’Ain – était valable jusqu’au 2 juillet 2011.

Cette carte mentionnait l’existence d’un domicile __________à S__________, en France.

5. Le 25 mai 2004, le directeur de l’école élémentaire « L__________» à S__________a attesté qu’A__________ avait été régulièrement inscrite dans cette école durant l’année scolaire 2003-2004 en classe de CMI.

6. La gendarmerie ayant transmis son rapport à l’Hospice général, ce dernier a diligenté une enquête à propos du domicile effectif de M. B__________. Il en est ressortit les éléments suivants :

- Contrairement aux explications de M. B__________ – qui prétendait que sa carte de séjour française lui avait été attribuée automatiquement en tant qu’algérien né avant 1961 –, le consulat de France avait précisé que cette carte devait être rendue aux autorités françaises si l’intéressé ne résidait pas effectivement sur le territoire français ;

- L’appartement sis__________, était occupé par deux des filles de M. B__________, à savoir L__________ et Y__________. A__________ était également domiciliée à cette adresse, un courrier à son nom ayant été vu dans la boîte aux lettres lors d’un pointage de l’enquêteur.

7. Le 29 septembre 2004, le Tribunal de grande instance de Bourg-en-Bresse a prononcé le divorce de M. et Mme B__________. Il a notamment autorisé les époux à vivre séparés, et attribué le logement familial sis__________, à S__________, à Mme  O__________.

8. Par décision du 14 janvier 2005, l’Hospice général a mis un terme à toute prestation d’assistance avec effet au 30 novembre 2004 et a demandé à
M. B__________ le remboursement de la somme de CHF 12'715.-, montant représentant les prestations versées du 17 décembre 2003 au 30 novembre 2004.

9. M. B__________ a contesté cette décision auprès du président du conseil d’administration de l’Hospice général en date du 14 février 2005.

10. Ce dernier a rejeté la réclamation de M. B__________ par décision du 7 avril 2005 notifiée le 10 juin mais reçue le 13 juin 2005. Le réclamant n’avait pas apporté la preuve qu’il avait son domicile d’assistance à Genève.

11. Par acte posté le 13 juillet 2005, M. B__________ a recouru contre cette décision auprès du Tribunal administratif. Il conclut principalement, sous suite de frais et dépens, à l’annulation de ladite décision en tant qu’elle le condamne à restituer à l’Hospice général la somme de CHF 12'715.-.

Son seul véritable domicile se situait bien à Genève, soit celui qu’il avait toujours déclaré auprès de l’Hospice général : celui de sa première épouse. L’Hospice général avait examiné son cas sous l’angle exclusif de sa mauvaise foi supposée – ce qu’il contestait – et qui ne ressortait pas d’un examen véritablement précis de sa situation personnelle. C’était bien à Genève qu’il avait de tout temps travaillé, connu des échecs et de profonds déboires.

12. A sa demande, M. B__________ a été autorisé à compléter ses écritures, ce qu’il a fait le 23 août 2005.

Il a ainsi produit la lettre complémentaire qu’il avait adressée à l’office cantonal de la population (ci-après : OCP) le même jour et versé à la procédure plusieurs pièces en relation avec ce courrier.

Il ressort notamment de ce dernier que M. B__________ admettait qu’il avait eu, ces dernières années, une période d’hésitation quant à son véritable lieu de résidence. Il avait ainsi vécu entre la Suisse et la France. Toutefois, toute son activité économique et ses déboires s’étaient déroulés en Suisse.

13. Le 26 septembre 2005, l’Hospice général s’est opposé au recours.

Le domicile effectif de M. B__________ était plutôt en France qu’en Suisse lorsqu’il bénéficiait de prestations d’assistance. Le justificatif de la taxe d’habitation que M. B__________ avait présenté à son assistante sociale renforçait également cette conviction. De plus, il refusait de renoncer à l’un des deux titres de séjour.

14. Invité à répliquer, M. B__________ a fait part de ses observations le 1er novembre 2005.

Il ne comprenait pas l’agressivité de l’Hospice général à son endroit. Il avait rencontré de profondes difficultés dans une situation personnelle et familiale qui avait, en effet, un caractère transfrontalier, ce dont il ne s’était jamais caché. C’était suite à un jugement rendu par le Tribunal administratif de Lyon le 27 février 2001 qu’il avait obtenu sa carte de résident français, en vertu du droit au regroupement familial.

Il a persisté dans ses conclusions initiales.

15. L’Hospice général a dupliqué le 22 novembre 2005.

M. B__________ continuait à refuser de rendre sa carte de résident français. Cette insistance ne pouvait s’expliquer autrement que par le fait qu’il voulait bénéficier d’avantages indus. M. B__________ ne pouvait prétendre qu’il avait besoin de sa carte de séjour en France pour pouvoir rendre visite à ses enfants librement, dans la mesure où il lui suffisait de solliciter un visa « Schengen » auprès du consulat de France.

16. Les parties ont été entendues en comparution personnelle le 21 décembre 2005, en l’absence du recourant toutefois représenté par son conseil.

M. B__________ était arrivé à Genève en 1962 par l’intermédiaire de Terre des Hommes. Il avait toujours vécu à Genève avec sa première épouse. Son permis C était valable jusqu’au 21 septembre 2005 et il avait entrepris les démarches nécessaires pour son renouvellement. Il ignorait à quoi correspondait le bordereau de la taxe d’habitation du 14 septembre 2004.

Au terme de l’audience, un délai au 30 janvier 2006 a été fixé à M. B__________ pour produire différents documents, dont notamment les bordereaux d’impôts des autorités genevoises pour les deux dernières années.

17. M. B__________ s’est exécuté le 30 janvier 2006.

a. Il avait annoncé à l’OCP le 15 janvier 2006 son changement d’adresse, à Z___________.

b. Il n’existait pas de bail à loyer pour ce logement, vu le litige l’opposant au locataire principal. Il ne pouvait dès lors que produire l’ordonnance de réintégration prononcée le 18 mai 2005 par Monsieur le Procureur général, à teneur de laquelle il ressort qu’il occupait, contre rémunération, un appartement meublé de deux pièces sis __________à cette époque.

c. Il se trouvait au chômage, après une période en situation de placement temporaire à l’Etat de Genève. Il ne lui était pas possible de transmettre une copie de ses bordereaux d’impôts, dès lors que l’administration fiscale avait procédé à des taxations d’office. Il sollicitait un délai supplémentaire pour produire ses correspondances avec l’administration fiscale.

d. Il refusait de rendre sa carte de résident français, car il n’appartenait pas aux autorités helvétiques mais bien cas échéant aux autorités françaises d’exiger la restitution de cette carte.

e. La taxe d’habitation pour 2004 avait été versée par son ex-épouse et lui-même. Cette taxe portait sur les locaux appartement, garage et dépendance. C’était Mme B__________ qui s’en était acquitté au regard du fait qu’elle portait sur le domicile qu’elle occupait.

18. Le même jour, M. B__________ s’est adressé à l’OCP. Il a précisé l’adresse des différents domiciles qu’il avait occupés depuis 1995.

- De 1995 à 1999, il avait été domicilié à Genève au__________, mais bénéficiait également durant cette même période d’un appartement sis __________ ;

- Ensuite, il avait été domicilié chez son ex-épouse dans un appartement sis __________, à Genève, mais avait également vécu, durant cette période, au__________, à C__________ ;

- Entre 2002 et 2005, il s’était retrouvé dans les faits une personne sans domicile fixe ;

- Depuis fin 2004 toutefois, il était domicilié au__________, à Z__________.

19. Invitée à se déterminer sur ce dernier courrier, l’Hospice général a persisté dans ses conclusions le 27 février 2006.

Les pièces produites par M. B__________ ne concernaient pas, pour la plus grande partie d’entre elles, la période litigieuse, soit du 17 décembre 2003 au 1er novembre 2004. Elles étaient toutefois intéressantes dans la mesure où elles démontraient le flou au sujet du réel lieu de vie du recourant pendant la période litigieuse. M. B__________ concédait lui-même s’être retrouvé dans la situation d’une personne sans domicile fixe, logeant chez les uns et les autres, sans que l’on sache si c’était à Genève ou en France. Enfin, son refus persistant de rendre sa carte de résident français – alors que cela lui créait des problèmes inextricables – était en contradiction avec ses intentions déclarées de rester à Genève.

20. Le 7 mars 2006, M. B__________ a informé le tribunal de céans que l’OCP, après examen de son dossier ainsi que des divers éléments fournis, avait renoncé en l’état – selon décision du 24 février 2006 – à mettre à exécution son intention de prononcer la caducité de son autorisation d’établissement (permis C).

21. Invité à se déterminer sur ce dernier courrier, l’Hospice général a persisté intégralement dans sa décision.

Cette information n’était pas de nature à remettre en cause ses conclusions selon lesquelles M. B__________ n’avait pas son domicile d’assistance à Genève du 17 décembre 2003 au 1er novembre 2004, période durant laquelle il avait touché CHF 12'715.- à titre de prestations d’assistance. En effet, la prolongation de son permis C avait été décidée en fonction de sa situation actuelle, et non de celle qui prévalait pendant la période litigieuse.

22. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 56A de la loi sur l'organisation judiciaire du 22 novembre 1941 - LOJ - E 2 05 ; art. 63 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. La question que doit résoudre le tribunal de céans est celle de savoir si le recourant peut être tenu à restituer la somme de CHF 12'715.-, correspondant aux prestations versées par l’autorité intimée du 17 décembre 2003 au 1er novembre 2004.

3. a. Selon l’article 1 alinéa 5 LAP, les prestations d'assistance ne sont pas remboursables, sous réserve des articles 5B, 23, et 23A à 23D de la présente loi.

L’article 23 alinéa 1 LAP définit une prestation perçue indûment comme toute prestation qui a été touchée sans droit. L’article 23 alinéa 2 LAP précise que les organismes chargés de l'assistance réclament au bénéficiaire, à sa succession ou à ses héritiers qui l'ont acceptée, le remboursement de toute prestation perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire.

b. Il ressort de la jurisprudence que lorsqu’il n’a pas respecté son obligation de renseigner, le bénéficiaire d’une prestation l’a reçue sans droit (ATA/35/2005 du 25 janvier 2005). Une prestation reçue en violation de l’obligation de renseigner selon l’article 7 alinéa 1 LAP est ainsi constitutive d’une prestation perçue indûment selon l’article 23 alinéa 1 LAP.

4. a. L’article 7 alinéa 1 LAP prévoit une obligation de renseigner selon laquelle les personnes qui sollicitent une aide sont tenues, sous peine de refus des prestations, de fournir aux organismes d’assistance tous les renseignements utiles sur leur situation personnelle et financière, ainsi que de leur communiquer tout changement de nature à modifier les prestations dont elles bénéficient.

b. Dans l'exercice du pouvoir d'appréciation que lui confère l'article 7 LAP, l'intimé est tenu de respecter les normes et principes constitutionnels régissant le droit administratif (ATA/3/2005 du 25 janvier 2005 et les références citées).

En l’espèce, il est établi que le recourant n’a pas annoncé, lorsqu’il s’est présenté à l’Hospice général pour solliciter des prestations d’assistance, qu’il était titulaire d’une carte de résident français pour Algérien depuis le mois de mars 2001, de même qu’il n’a pas informé l’autorité intimée que son épouse d’alors et les enfants qu’il avait eus avec elle étaient domiciliés en France voisine. De même, il n’a pas fait part à l’autorité intimée de ses nombreux déménagements à Genève et en France voisine, ni du fait qu’il aurait vécu entre la France et la Suisse, du 17 décembre 2003 au 1er novembre 2004. Cette violation de l'obligation de renseigner a eu pour conséquence que le recourant a touché des prestations d'assistance auxquelles il n'aurait sans doute pas eu droit si l'Hospice général avait eu  connu l'exacte situation personnelle et familiale de celui-là. Le recourant a commis une faute qui fonde la demande de remboursement. Cas échéant, il appartiendra au recourant de présenter une demande de remise au sens de l'article 24 alinéa 2 LAP. 

5. Au vu de ce qui précède, la question du domicile effectif du recourant pendant la période litigieuse souffre de demeurer ouverte.

6. Mal fondé, le recours sera rejeté.

 

Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 LPA ; art. 10 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - E 5 10.03).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LE TRIBUNAL ADMINISTRATIF

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 juillet 2005 par Monsieur B__________ contre la décision de l'Hospice général du 7 avril 2005 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

communique le présent arrêt à Me Philippe Girod, avocat du recourant, ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeants : Mme Bovy, présidente, M. Paychère, Mme Hurni, M. Thélin, Mme Junod, juges.

Au nom du Tribunal administratif :

la greffière-juriste adj. :

 

 

M. Tonossi

 

la vice-présidente :

 

 

L. Bovy

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

la greffière :