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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3237/2023

ATA/1304/2023 du 05.12.2023 ( FORMA ) , REJETE

Descripteurs : EXAMEN ÉCRIT;RÉSULTAT D'EXAMEN;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;MOTIVATION;INTERDICTION DE L'ARBITRAIRE;EXCÈS ET ABUS DU POUVOIR D'APPRÉCIATION;FORMATION(EN GÉNÉRAL);MESURE DE PROTECTION;ÉGALITÉ DE TRAITEMENT;PROPORTIONNALITÉ
Normes : Cst.29.al2; LIP.85.al1; REST.1.letc; REST.4; REST.5; RGymCG.1.al1; RGymCG.8; RGymCG.27; RGymCG.31; RGymCG.32; RGymCG.34; RGymCG.35; Cst.8; Cst.9
Résumé : Vu les circonstances du cas d’espèce, le retard dans la mise en œuvre de mesures d’accompagnement sollicitées par la recourante pour présenter ses examens ne saurait être imputé à la direction du collège. Celles-ci ayant été mise en œuvre conformément à la procédure prévue à cet effet et aucun élément du dossier ne permettant de supposer que la recourante aurait eu les notes suffisantes pour passer en deuxième année de maturité bilingue si elle avait pu être mise au bénéfice desdites mesures pour la session d’examen du premier semestre déjà, il n’y a pas lieu de retenir que leur mise en place était le seul facteur ayant influencé sa progression, laquelle demeurait insuffisante pour passer en deuxième année de maturité bilingue. Aucune dérogation ne pouvait donc lui être accordée. Il n’y a pas de violation du principe de la proportionnalité compte tenu de la différence entre la moyenne obtenue et celle exigée, au vu des intérêts personnel et général concernés. Recours rejeté.
En fait
En droit

 

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3237/2023-FORMA ATA/1304/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 décembre 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______, enfant mineure, agissant par son père B______ recourante
représentée par Me Romain JORDAN, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE,
DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE
intimé



EN FAIT

A. a. Scolarisée au collège C______ (ci-après : la collège), A______, née le ______2007, a effectué la première année de maturité durant l’année académique 2022-2023, en filière bilingue anglais/français.

b. Selon un certificat médical du Docteur D______ du 23 novembre 2022, A______ était suivie pour un syndrome hyperkinétique avec déficit de l’attention (ci-après : TDHA). « Apparu dans son enfance, [il] se caractéris[ait] par des difficultés à garder son attention et sa concentration notamment dans l’exercice d’activités intellectuelles, une hyperactivité physique et psychique, et sensibilité émotionnelle notamment en ce qui conern[ait] l’affrontement aux situations de stress. Pour assurer une bonne évolution clinique et académique il [était] fortement souhaitable qu’elle puisse bénéficier d’un temps supplémentaire pour la réalisation des épreuves écrites et orales dans le cadre de sa formation afin de lui permettre d’optimiser ses ressources attentionnelles et intellectuelles face à la gestion du stress émotionnel que cela impliqu[ait] ».

c. Durant la semaine du 23 novembre 2022, A______ a remis ledit certificat médical aux enseignants, en sollicitant de pouvoir bénéficier de temps supplémentaire lors des examens et évaluations.

d. Lors des épreuves semestrielles du premier semestre, A______ a obtenu la note de 4,5 en français.

e. À partir du deuxième semestre, soit dès le début de l’année 2023, elle a été mise au bénéfice des mesures précitées.

f. Lors des épreuves semestrielles du deuxième semestre, A______ a obtenu la note de 5 en français.

g. Par courrier du 26 juin 2023, A______ a sollicité de la direction du collège son admission en deuxième année bilingue.

Le certificat médical du 23 novembre 2022 avait été remis trop tard pour que les enseignants lui accordent du temps supplémentaire lors des épreuves du premier semestre. La séparation de ses parents depuis le mois de novembre 2020 et la procédure de divorce ouverte en novembre 2022 l’avaient affectée, notamment en raison du processus de réconciliation entamé avec sa mère. Dans ce contexte, elle était suivie à une fréquence hebdomadaire par une psychothérapeute. Elle prenait un traitement médicamenteux pour soigner sa dépression et son TDHA.

Elle avait redoublé d’efforts pour avoir de bonnes notes en français. Elle avait obtenu la note de 6 à son dernier travail avant les examens semestriels et une note de 5 à l’épreuve semestrielle. Sa moyenne en français était de 4 à la fin du premier semestre et de 4,5 au terme du deuxième semestre, et celle d’anglais, de 5,2 et de 5,4. Il ne lui manquait que deux dixièmes par rapport à la moyenne requise dans cette matière. Elle était convaincue d’avoir les compétences pour poursuivre dans la filière bilingue.

Elle était consciente que la dérogation demandée n’avait jamais été accordée, mais elle lui permettrait de conserver sa motivation dans la poursuite de ses études.

h. Par décision du 3 juillet 2023, la direction du collège a rejeté la demande de A______.

Malgré ses efforts, elle n’avait pas pu obtenir la moyenne de 4,5 requise en français, une condition de promotion ne pouvant pas faire l’objet d’une dérogation. Faute d’avoir atteint cette moyenne, son inscription en maturité bilingue ne pouvait être maintenue. A______ avait accepté la proposition de s’inscrire à des cours en immersion, ce qui lui permettrait d’en suivre quelques-uns en anglais.

B. a. Le 10 août 2023, A______, agissant par son père, B______, a recouru auprès du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse (ci-après : le département).

Elle n’avait pas pu bénéficier de temps supplémentaire pour les examens semestriels du mois de décembre 2022.

Sa moyenne de 4,3 en français représentait plus de 95% du seuil fixé à 4,5 pour rester dans la filière bilingue. Si la mesure de temps supplémentaire avait été mise en place sans délai, elle aurait obtenu une meilleure note à l’examen de français du mois de décembre 2022, et par conséquent, la moyenne requise pour rester dans la filière bilingue. La direction du collège refusait de reconnaître qu’elle n’avait pas mis en œuvre sans délai la mesure demandée par le Dr D______, alors qu’elle y était tenue. Elle devait rétablir une inégalité de traitement.

b. Par décision du 4 septembre 2023, la direction générale de l’enseignement secondaire II (ci-après : DGES II) a confirmé la décision de non-admission de A______ en deuxième année de maturité mention bilingue.

Dans la mesure où elle terminait l’année avec une moyenne générale de 4,7, une discipline insuffisante (italien à 3,8), une somme des écarts négatifs à la moyenne de 0,2, une moyenne de français à 4,3 et une moyenne d’anglais à 5,3, la direction du collège avait constaté à juste titre sa promotion en deuxième année, mais sa non‑admission en mention bilingue.

Après la mise en place des mesures d’accompagnement au deuxième semestre, les moyennes de A______ s’étaient améliorées dans quatre disciplines, mais avaient aussi baissé dans six autres. Malgré les moments difficiles qu’elle avait vécus, une admission par dérogation en maturité bilingue n’était réglementairement pas possible. Ainsi, l’insuffisance de sa moyenne en français ne lui permettait pas de poursuivre en deuxième année bilingue.

C. a. Par acte du 5 octobre 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée, en concluant principalement, à son annulation, à son admission en deuxième année de maturité mention bilingue anglais à compter du début du premier semestre 2024, et subsidiairement, à son admission à l’essai en deuxième année de maturité mention bilingue à compter du début du premier semestre 2024. Préalablement, elle sollicitait la production de l’intégralité de son dossier par le département.

La décision litigieuse ne se prononçait pas sur son principal reproche, à savoir que si le collège avait mis en place la mesure d’accompagnement sollicitée dès les examens semestriels du mois de décembre 2022, elle aurait certainement obtenu la moyenne de 4,5 en français. Son recours portait sur les notes obtenues en français, qui s’étaient améliorées après la mise en place des mesures d’accompagnement requises, et non pas sur les autres. Elle avait expliqué avoir fourni des efforts particuliers en français, et avait obtenu la moyenne générale requise pour passer en deuxième année. Il était choquant de constater que le département tentait de tirer argument du fait qu’elle avait focalisé ses efforts sur le français pour obtenir la moyenne de 4,5. Le fait que ses moyennes avaient baissé dans certaines disciplines n’était pas pertinent. Faute de toute motivation concernant l’absence de mesures d’accompagnement durant les examens semestriels du mois de décembre 2022, de même que concernant l’amélioration de ses notes de français après la mise en place des mesures d’accompagnement, son droit d’être entendue avait été violé.

Sa situation particulière justifiait qu’elle soit traitée différemment des autres élèves lors des examens semestriels du premier semestre. Ce droit lui avait été reconnu par le collège puisqu’un temps supplémentaire lui avait été accordé à compter du deuxième semestre, ce qui lui avait permis d’améliorer ses notes de français. Ses moyennes avaient augmenté dans d’autres disciplines au deuxième semestre, notamment en français, seule discipline en cause dans le cadre de la présente procédure. Dès lors qu’elle avait obtenu une moyenne générale suffisante pour passer en deuxième année, il ne pouvait être tiré argument du fait que des moyennes avaient baissé dans d’autres disciplines. Cet argument ne pouvait justifier l’inégalité de traitement qu’elle avait subie lors des examens semestriels du premier semestre.

En ces circonstances, la décision entreprise était disproportionnée et le département avait abusé de son pouvoir d’appréciation. Elle avait montré qu’elle était capable de poursuivre son cursus dans la filière bilingue moyennant la mise en place des mesures d’accompagnement. Ainsi, il n’y avait pas d’intérêt public à refuser de l’admettre dans cette filière en 2e année. Le développement de sa personnalité et de ses aptitudes intellectuelles, figurant parmi les buts de l’école publique, devait primer sur un éventuel intérêt public, d’autant plus que l’écart entre la moyenne requise en français et celle qu’elle avait obtenue n’était que de deux dixièmes, et qu’elle avait fait montre de la volonté et des capacités nécessaires pour poursuivre son cursus en filière bilingue.

b. Le département a conclu au rejet du recours.

La recourante n’avait pas pu bénéficier des mesures d’aménagements pour les examens semestriels de décembre 2022 car sa demande était intervenue tardivement, soit au-delà du 31 octobre 2022 et moins de six semaines avant les examens semestriels. Cette absence d’aménagement n’avait aucun impact sur la décision rendue, dans la mesure où aucune dérogation n’était réglementairement possible pour la poursuite en filière bilingue, quel que soit le motif de l’insuffisance des résultats. Bien que la recourante eût amélioré sa moyenne de français au deuxième semestre, rien ne permettait de démontrer qu’elle aurait obtenu une moyenne de fin de premier semestre suffisante pour poursuivre en filière bilingue si elle avait pu bénéficier de temps supplémentaire pour la semestrielle de français de décembre 2022.

La recourante avait été traitée comme tous les élèves ayant demandé des mesures moins de six semaines avant la session d’examens.

Il ne pouvait être reproché à la DGES II d’avoir appliqué le droit, ne disposant d’aucun pouvoir d’appréciation en la matière, ni d’avoir violé le principe de la proportionnalité.

c. Dans sa réplique, la recourante a relevé que la directive prévoyant des délais pour adresser une demande d’aménagements indiquait également de tenir compte des situations exceptionnelles et du fait que la demande devait parvenir à l’office pour l’orientation, la formation professionnelle et continue (ci-après : l’OFPC) au plus tard huit semaines avant le début des examens. Or, elle avait transmis le certificat médical du 23 novembre 2022 aussitôt que possible. Le département admettait que la mise en place d’un temps supplémentaire pour les examens semestriels ne nécessitait aucune disposition organisationnelle particulière. Le bien supérieur de l’élève et la remise immédiate du certificat médical commandait au collège de considérer qu’il s’agissait d’une situation exceptionnelle.

Tout élève ayant subi une inégalité de traitement était par définition dans l’impossibilité d’apporter la preuve stricte qu’il aurait réussi si cette inégalité de traitement n’avait pas existé. Au contraire, il n’y avait aucune raison de retenir que tel n’aurait pas été le cas, puisqu’elle avait obtenu une moyenne de 4,5 en français au deuxième semestre. Le département était tenu de déroger à une norme de rang réglementaire lorsque son application conduirait à une violation inadmissible des principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, en raison d’un manquement du collège. L’octroi d’une dérogation était la seule mesure permettant de réparer l’inégalité de traitement injustifiée qu’elle avait subie durant la session d’examens semestriels du mois de décembre 2022.

d. Sur quoi, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             À titre préalable, la recourante a sollicité la production de l’intégralité de son dossier par le département.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; 142 III 48 consid. 4.1.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_157/2021 du 7 juillet 2021 consid. 3.1 ; 1C_638/2020 du 17 juin 2021 consid. 2.1). Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_576/2020 du 1er avril 2021 consid. 3.1 ; 2C_41/2020 du 24 juin 2020 consid. 5.1.1).

2.2 À l’appui de ses écritures responsives, l’intimé a notamment produit une copie du dossier scolaire de la recourante.

La conclusion de l’intéressée en ce sens a donc été satisfaite.

Au surplus, cette dernière a eu l’occasion de s’exprimer dans ses diverses écritures, de même que de produire toutes les pièces nécessaires.

Par conséquent, la chambre de céans dispose d’un dossier complet lui permettant de trancher le litige.

3.             En premier lieu, la recourante se plaint d’une violation de son droit d’être entendue, pour un prétendu défaut de motivation de la décision attaquée.

3.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend notamment pour l’autorité l’obligation de motiver sa décision. Il suffit toutefois que l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause. L’autorité n’a pas l’obligation d’exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais elle peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 136 I 229 consid. 5.2). La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêts du Tribunal fédéral 6B_970/2013 du 24 juin 2014 consid. 3.1 et 6B_1193/2013 du 11 février 2014 consid. 1.2). Dès lors que l’on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée (arrêt du Tribunal fédéral 4A.25/2007 du 25 mai 2007 consid. 3 ; ATA/1235/2018 du 20 novembre 2018 consid. 6a).

3.2 En l’espèce, la recourante reproche à la DGES II de ne pas s’être prononcée sur l’absence de mise en place des mesures d’accompagnement requises pour la session d’examens du mois de décembre 2022.

Il apparaît toutefois qu’en mentionnant le fait que, même après la mise en place desdites mesures au deuxième semestre de l’année scolaire 2022-2023, les moyennes de la recourante s’étaient améliorées dans quatre disciplines, mais avaient aussi baissé dans six autres, la DGES II a bien pris en considération ledit grief. La recourante a pu en comprendre qu’elle l’écartait, ce constat impliquant qu’il n’était pas établi qu’elle aurait obtenu les moyennes nécessaires si elle avait bénéficié desdites mesures d’accompagnement lors de la session d’examens du mois de décembre 2022.

À cela s’ajoute que le contenu de la décision querellée a permis à la recourante de comprendre que son cursus ne pourrait se poursuivre en filière bilingue, notamment en raison de l’insuffisance de sa moyenne en français. Elle a ainsi été en mesure de recourir par-devant la chambre de céans en connaissance de cause.

Dès lors, il ne saurait être considéré que son droit d’être entendue a été violé sous cet angle.

4.             Est litigieuse la non-admission de la recourante en deuxième année de maturité en filière bilingue.

4.1 La loi sur l'instruction publique du 17 septembre 20015 (LIP - C 1 10) prévoit que, pour le degré secondaire II, les conditions d'admission, de promotion et d'obtention des titres sont fixées par voie réglementaire (art. 85 al. 1 LIP).

4.2 Le règlement de l'enseignement secondaire II et tertiaire B du 29 juin 2016 (REST - C 1 10.31) est applicable aux élèves et apprentis inscrits en formation gymnasiale, y compris la formation pour adultes (art. 1 let. c REST).

À teneur de l’art. 4 REST, l’enseignement secondaire II et tertiaire B vise essentiellement le maintien des élèves en formation plutôt que leur sélection (al. 1). Selon les besoins, les élèves peuvent notamment bénéficier : de diverses mesures d’assistance pédagogique, telles que des cours d’appui, de rattrapage et de dépannage (let. a) ; d'une assistance sociale ou médicale et de conseils en orientation (let. b) ; de soutiens et d'aménagements temporaires ou durables leur permettant de répondre – au moins partiellement – à un besoin éducatif particulier (let. c) ; des prestations de l'établissement Lullin (let. d ; al. 2).

L’art. 5 REST précise que les aménagements visés à l'art. 4 al. 2 let. c REST, peuvent, selon les cas, porter sur l'organisation de la semaine scolaire, la mise à disposition de moyens auxiliaires ou les modalités de passation de certains examens ou évaluations (al. 1). Ils ont pour but de permettre à tous les élèves de satisfaire aux mêmes objectifs d'apprentissage et aux mêmes exigences de promotion et de certification (al. 2). Des mesures d'aménagement peuvent également être mises en place sur les lieux de stage ou d'apprentissage (al. 3). Les parents et les élèves majeurs sont associés aux démarches de l'établissement pour assurer le meilleur encadrement possible. Ils sont informés par écrit des modalités des aménagements (al. 4).

4.3 Le règlement de la formation gymnasiale au collège de Genève (C 1 10.71 - RGymCG) fixe les dispositions régissant l’admission et la promotion des élèves, les conditions d’examens et d’obtention des titres, en précisant, le cas échéant, celles qui sont contenues dans d’autres lois et règlements (art. 1 al. 1 RGymCG).

4.4 Conformément à l’art. 18 de l’ordonnance/règlement sur la maturité gymnasiale (ordonnance sur la reconnaissance des certificats de maturité gymnasiale - RS 413.11 - ORM), le collège de Genève est autorisé à délivrer des maturités gymnasiales portant la mention bilingue français-allemand ou français-anglais, attestant l'étude par l'élève d'un certain nombre de disciplines en allemand ou en anglais (art. 8 RGymCG).

4.5 Selon l’art. 27 RGymCG, est promu l’élève qui obtient la note annuelle de 4,0 au moins pour chacune des disciplines d’enseignement suivies (al. 1). Est promu par tolérance l’élève dont les résultats satisfont aux conditions suivantes : la moyenne générale est égale ou supérieure à 4,0 (let. a) ; la somme des écarts à 4,0 des notes insuffisantes (au maximum 3 notes) ne dépasse pas 1,0 (let. b ; al. 2). Restent réservées les dispositions concernant la promotion par dérogation définies dans le règlement de l’enseignement secondaire II et tertiaire B (al. 3).

4.6 Le collège de Genève peut délivrer des certificats de maturité mention bilingue allemand et mention bilingue anglais aux élèves qui au terme de leur parcours satisfont aux conditions définies par le canton et reconnues par les instances fédérales (art. 31 RGymCG).

Selon l’art. 32 RGymCG, l’élève qui remplit les conditions d’admission spécifiques à la maturité mention bilingue définies dans le règlement relatif à l’admission dans l’enseignement secondaire II du 14 avril 2021 (C 1 10.33 - RAES II), peut demander à suivre un parcours d’enseignement bilingue en allemand ou en anglais au terme duquel il peut obtenir, si les conditions de réussite sont remplies, une maturité mention bilingue (al. 1). Les parcours bilingues proposent le suivi de certains cours en allemand ou en anglais, selon le choix de la langue d'immersion, pour un total d'au moins 800 heures, dans les domaines scientifique et des sciences humaines. Les élèves ont également la possibilité d'effectuer un séjour d'une durée de 20 semaines (un semestre) ou d'une année scolaire dans un établissement de la région linguistique de la mention visée (al. 2). Les élèves inscrits sont affectés dans l'un des établissements genevois en fonction du choix du modèle d'immersion – par enseignement ou par séjour – et de la langue d'immersion choisie (al. 3). Les objectifs et contenus des disciplines enseignées dans la langue d’immersion choisie sont garantis équivalents à ceux d’un cours dispensé en français (al. 4).

Aux termes de l’art. 34 RGymCG, au cours de la première année au collège, l’élève est sensibilisé, de diverses manières, à l’enseignement bilingue notamment par des cours en immersion, l’initiation au lexique de certaines disciplines, la pratique de la langue d'immersion dans le contexte scolaire (al. 1). Pour poursuivre son parcours en deuxième année dans la filière bilingue, l’élève doit obtenir, à l’issue de la première année, des moyennes supérieures ou égales à 4,5 en français et en langue d'immersion (al. 2). Pour poursuivre son parcours en troisième, puis en quatrième année, l’élève doit obtenir une note supérieure ou égale à 4,5 dans la langue d’immersion choisie en discipline fondamentale, ou 4,0 en option spécifique, respectivement en option spécifique supplémentaire (al. 3). Pour les cours donnés dans la langue d'immersion, l’évaluation orale ou écrite se fait dans cette langue (al. 4).

Aucune dérogation n'est accordée pour la continuation du parcours en filière bilingue (art. 35 RGymCG).

4.7 Selon l’art. IV.a de l’annexe 1 du département relative aux « aménagements scolaires pour des élèves porteurs d’un trouble, d’une déficience motrice, sensorielle ou intellectuelle, d’une maladie invalidante ou en situation de handicap » du 27 août 2018 (ci-après : annexe 1), les demandes d’aménagement sont initiées par les parents des élèves mineurs ou par les élèves majeurs (al. 2). Il convient d’adresser une demande d’aménagements à la direction d’établissement au plus tard le 31 octobre (al. 3). Au-delà de ce délai et dans des situations exceptionnelles, les demandes relatives à des troubles nouvellement diagnostiqués peuvent être examinées par la direction de l’établissement (al. 4). Pour pouvoir être prises en compte lors des évaluations, ces demandes doivent parvenir à la direction de l’établissement au plus tard six semaines avant le début d’une session d’examens. Pour les procédures de qualification, ces demandes d’aménagements doivent parvenir à l’OFPC au plus tard huit semaines avant le début des examens, sauf situations exceptionnelles (al. 5).

4.8 La protection de l’égalité (art. 8 Cst.) et celle contre l’arbitraire (art. 9 Cst.) sont étroitement liées. Une décision viole le droit à l'égalité de traitement consacré à l’art. 8 Cst. lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 142 I 195 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_178/2022 du 16 mars 2022 consid. 5.1). L'inégalité de traitement apparaît comme une forme particulière d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l'être de manière semblable ou inversement (ATF 142 I 195 consid. 6.1 ; 137 I 167 consid. 3.5 ; 129 I 346 consid. 6).

Selon la jurisprudence rendue en matière d’examens, l’admission d’une situation exceptionnelle doit se faire avec restriction. Il en va de l’égalité de traitement entre tous les étudiants s’agissant du nombre de tentatives qu’ils sont autorisés à effectuer pour réussir leurs examens. N’est ainsi exceptionnelle que la situation particulièrement grave et difficile pour l’étudiant, ce tant d’un point de vue subjectif qu’objectif. Les effets perturbateurs doivent avoir été dûment prouvés par l’étudiant et être en lien de causalité avec l’événement. Les autorités facultaires disposent dans ce cadre d’un large pouvoir d’appréciation, dont l’autorité de recours ne censure que l’abus. La chambre de céans n’annule donc le prononcé attaqué que si l’autorité intimée s’est laissée guider par des motifs sans rapport avec l’examen ou d’une autre manière manifestement insoutenable (ATF 136 I 229 consid. 6.2 ; 131 I 467 consid. 3.1 ; ATA/121/2018 du 6 février 2018 ; ATA/994/2016 du 22 novembre 2016 ; ATA/906/2016 du 25 octobre 2016).

Ont été considérées comme des situations exceptionnelles le décès d’un proche – s’il est établi qu’il a causé un effet perturbateur en lien de causalité avec l’échec de l’étudiant –, de graves problèmes de santé ou encore l’éclatement d’une guerre civile avec de très graves répercussions sur la famille de l’étudiant (ATA/424/2019 du 24 septembre 2019 consid. 3b ; ATA/906/2016 précité ; ATA/155/2012 du 20 mars 2012).

Un motif d’empêchement ne peut, en principe, être invoqué par le candidat qu’avant ou pendant l’examen (arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] B‑6593/2013 du 7 août 2014 consid. 4.2 ; ATA/906/2016 précité ; ATA/712/2016 du 23 août 2016 ; ATA/721/2014 du 9 septembre 2014 consid. 17 et la référence citée).

Des exceptions à ce principe permettant de prendre en compte un certificat médical présenté après que l’examen a été passé ne peuvent être admises que si cinq conditions sont cumulativement remplies : la maladie n’apparaît qu’au moment de l’examen, sans qu’il ait été constaté de symptômes auparavant, le candidat à l’examen acceptant, dans le cas contraire, un risque de se présenter dans un état déficient, ce qui ne saurait justifier après coup l’annulation des résultats d’examens; aucun symptôme n’est visible durant l’examen ; le candidat consulte un médecin immédiatement après l’examen ; le médecin constate immédiatement une maladie grave et soudaine qui, malgré l’absence de symptômes visibles, permet à l’évidence de conclure à l’existence d’un rapport de causalité avec l’échec à l’examen ; l’échec doit avoir une influence sur la réussite ou non de la session d’examens dans son ensemble (arrêt du TAF B-6593/2013 précité ; ATA/121/2018 précité ; ATA/1242/2017 du 29 août 2017 ; ATA/906/2016 précité).

Dans un arrêt récent ATA/31/2023 du 17 janvier 2023, la chambre de céans a retenu que les principes précités, dégagés par la jurisprudence en matière d’empêchements, pouvaient être transposés aux cas d’aménagements des examens. Dans le cas d’espèce, il avait ainsi été retenu que faute pour la recourante d’avoir établi ses besoins spécifiques justifiant des aménagements aux examens de maturité auxquels elle avait échoué, l’institut concerné était fondé à la traiter comme les autres élèves (consid. 7c).

4.9 Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a) et pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b ; art. 61 al. 1 LPA). Les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA).

5.             En l’occurrence, la recourante indique avoir transmis aux enseignants son certificat médical du 23 novembre 2022 dans le courant de la semaine en question. Elle demandait alors à pouvoir bénéficier de temps supplémentaire lors des examens et évaluations semestriels à venir.

À cet égard, la recourante ne conteste pas que, malgré la remise dudit certificat médical dès sa réception, celle-ci est intervenue moins d’un mois avant les examens semestriels du mois de décembre 2022. Or, l’annexe 1 prévoit expressément que les demandes d’aménagement doivent être adressées à la direction de l’établissement au plus tard le 31 octobre, et pour pouvoir être prises en compte lors des évaluations, au plus tard six semaines avant le début d’une session d’examens.

Ces délais n’ont pas été respectés in casu. La recourante le reconnaît puisqu’elle demande que sa situation soit considérée comme exceptionnelle, afin de justifier une dérogation à la procédure susmentionnée.

Cependant, conformément à la jurisprudence sus-rappelée rendue en matière d’examens et applicable par analogie en l’espèce, les circonstances dont se prévaut la recourante ne sauraient être considérées comme exceptionnelles. S’il apparaît compréhensible qu’elle ait pu être affectée par le divorce de ses parents, la séparation de ceux-ci datait du mois de novembre 2020. Elle bénéficiait alors déjà d’un suivi psychothérapeutique et d’un traitement médicamenteux pour soigner sa dépression et son TDHA. Elle était donc en mesure d’informer la direction de l’établissement des mesures nécessitées bien avant le 23 novembre 2022.

Par conséquent, contrairement aux allégations de l’intéressée, ce n’est pas le collège qui a tardé à mettre en place les mesures d’accompagnement sollicitées, mais la demande qui n’en a pas été faite en temps utile.

Il ressort également de ce qui précède que la recourante invoque à tort une violation du principe d’égalité de traitement.

En effet, elle reconnaît elle-même avoir pu bénéficier des mesures d’accompagnement pour la session d’examens du second semestre, dès lors que la direction de l’établissement avait pu disposer du temps nécessaire, conformément à la procédure applicable, pour les mettre en place.

En outre, rien ne permet de supposer que la recourante, comme elle le prétend, aurait eu les notes suffisantes pour passer en deuxième année de maturité bilingue si elle avait pu être mise au bénéfice des mesures d’accompagnement pour la session d’examens du premier semestre déjà. Tel que cela ressort de son dossier scolaire, en particulier de son bulletin scolaire pour l’année 2022-2023, seules ses notes de français, anglais, italien et histoire de l’art ont augmenté entre les premier et deuxième semestres, tandis que ses notes dans les six autres matières (mathématiques I, chimie, informatique, histoire, histoire de l’art, éducation physique) ont diminué. Il apparaît ainsi que s’il est incontestable que la recourante a fourni des efforts en vue d’une amélioration de ses notes en français et en anglais, celle-ci s’est faite au détriment des autres matières, en dépit du temps supplémentaire accordé aux examens.

Dès lors, la mise en place de mesures d’accompagnement ne sont pas le seul facteur ayant influencé cette progression, laquelle s’avère toutefois insuffisante pour permettre à la recourante de passer en deuxième année de maturité bilingue.

Dans ce contexte, c’est à bon droit que l’intimé a retenu qu’aucune dérogation ne pouvait lui être accordée, faute d’avoir obtenu la moyenne requise légalement en français pour la poursuite de son cursus gymnasial en filière bilingue.

Ce grief sera écarté.

6.             Finalement, la recourante se plaint d’une violation du principe de la proportionnalité.

6.1 Le principe de proportionnalité ancré à l’art. 36 al. 3 Cst. exige que la mesure envisagée soit apte à produire les résultats d'intérêt public escomptés (règle de l'aptitude) et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive (règle de la nécessité). En outre, elle interdit toute limitation allant au-delà du but visé et postule un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (principe de la proportionnalité au sens étroit, impliquant une pesée des intérêts ; ATF 148 I 160 consid. 7.10 ; 140 I 218 consid. 6.7.1). La restriction ne doit pas être plus grave que nécessaire d’un point de vue objectif, spatial, temporel et personnel. Les intérêts antagonistes privés et publics doivent être évalués et pondérés en considération des circonstances de l’espèce et du contexte social actuel (ATF 142 I 49 = JdT 2016 I 67 consid. 9.1 et les arrêts cités).

6.2 En l’espèce, la recourante ne peut être suivie.

Elle ne conteste pas ne pas remplir les conditions de passage en deuxième année de maturité en filière bilingue conformément à l’art. 34 al. 2 RGymCG.

Le prononcé de l’échec en raison d’un écart de deux dixièmes entre la moyenne annuelle obtenue en français (4,3) et celle exigée (4,5) n’apparaît pas relever d’un excès ou d’un abus du pouvoir d’appréciation de l’autorité, mais résulte de l’application de la loi.

Or, l’intérêt public à l’application de la loi de façon égale à tous les étudiants et au maintien de la valeur des certifications délivrées doit l’emporter sur l’intérêt personnel de la recourante à suivre son cursus de maturité en filière bilingue. Cette approche se justifie d’autant plus que la poursuite de celui-ci en conservant certains cours en immersion lui a été proposée, de sorte qu’elle conservera une certaine pratique de l’anglais.

Le grief sera écarté.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

7.              Vu l’issue du recours, un émolument de procédure de CHF 400.- sera mis à la charge de la recourante et aucune indemnité ne sera allouée (art. 87 al. 1 et 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 5 octobre 2023 par A______, agissant par son père B______, contre la décision du département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 4 septembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 400.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral :

- par la voie du recours en matière de droit public ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, s’il porte sur le résultat d’examens ou d’autres évaluations des capacités, en matière de scolarité obligatoire, de formation ultérieure ou d’exercice d’une profession ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain JORDAN, avocat de la recourante, ainsi qu'au département de l'instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Verena PEDRAZZINI RIZZI Valérie LAUBER, juges.

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. WERFFELI BASTIANELLI

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :