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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3361/2023

ATA/1263/2023 du 23.11.2023 sur JTAPI/1205/2023 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3361/2023-MC ATA/1263/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 novembre 2023

En section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Samir DJAZIRI, avocat

contre

COMMISSAIRE DE POLICE intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 1er novembre 2023 (JTAPI/1205/2023)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 2003, est ressortissant du B______.

b. L’intéressé a fait l’objet des condamnations suivantes :

-          par ordonnance pénale du 19 octobre 2021, l’intéressé a été condamné à une peine pécuniaire de 40 jours-amende, avec sursis pendant trois ans, pour infractions à la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et pour opposition aux actes de l'autorité (art. 286 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 - CP - RS 311.0) ;

-          par ordonnance pénale du 26 février 2022, il a été condamné à une peine pécuniaire de 60 jours-amende pour entrée et séjour illégal au sens de la LEI ;

-          par jugement du 23 mai 2023, rendu après opposition à l’ordonnance pénale, il a été condamné à une peine privative de liberté de 120 jours ainsi qu'à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, pour infractions à l'art. 19 al. 1 let. d de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes (LStup ; RS 812.121), entrée illégale et empêchement d’accomplir un acte officiel ;

l’intéressé a formé appel de ce jugement ;

-          par ordonnance pénale du 7 octobre 2023, il a été condamné à une peine privative de liberté de 60 jours ainsi qu'à une peine pécuniaire d'ensemble de 70 jours-amende, avec révocation du sursis accordé le 19 octobre 2021, pour infraction à l'art. 19 al. 1 let. c LStup, entrée illégale, séjour illégal et empêchement d'accomplir un acte officiel ;

l’intéressé a formé opposition à cette ordonnance pénale ;

-          par ordonnance pénale du 13 octobre 2023, il a été condamné à une peine privative de liberté de 60 jours ainsi qu'à une peine pécuniaire d'ensemble de 30 jours-amende, pour infraction à l'art. 19 al. 1 let. c LStup et 115 al. 1 let. a LEI. Il ressortait du rapport d'arrestation du 13 octobre 2023 que des agents de police avaient observé les transactions de A______ avec deux toxicomanes lesquels, lors de leur interpellation avaient, tant l'un que l'autre, désigné le prévenu comme étant la personne à laquelle ils avaient acheté des stupéfiants. Par ailleurs, il avait empêché les agents de police de faire un acte entrant dans leurs fonctions en s'opposant à son interpellation, en prenant la fuite et en refusant de s'arrêter malgré les injonctions « stop police », de manière à contraindre les agents à le courser jusqu'au boulevard C______ où il avait finalement pu être appréhendé, l'usage de la force ayant été nécessaire pour y parvenir ;

l’intéressé a formé opposition à cette ordonnance pénale ;

-          par ordonnance pénale du 29 octobre 2023, il a été condamné à une peine privative de liberté de 90 jours ainsi qu'à une peine pécuniaire de 20 jours‑amende et une amende de CHF 200.- pour infractions aux art. 180 al. 1 CP (menaces), 115 al. 1 let. b LEI (séjour illégal), 119 al. 1 LEI (non-respect d’une assignation à un lieu de résidence), 177 al. 1 CP (injure), 286 al. 1 CP (empêchement d’accomplir un acte officiel) et 126 al. 1 CP (voies de fait) let. c LStup et 115 al. 1 let. a LEI et d'empêchement d'accomplir un acte officiel (art. 286 al. 1 CP).

B. a. Le 13 octobre 2023, en application de l'art. 74 LEI, le commissaire de police a prononcé à l'encontre de A______ une mesure d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée (interdiction d'accès à l’ensemble du territoire genevois) pour une durée de douze mois.

b. Par acte du 17 octobre 2023, A______ a formé opposition à cette décision devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), contestant avoir commis les infractions reprochées dans l'ordonnance pénale du 13 octobre 2023 à laquelle il s'était opposé.

c. Lors de l'audience devant le TAPI du 31 octobre 2023, A______ a expliqué qu’il s'opposait à la mesure litigieuse quant à son périmètre et sa durée. En effet, il souhaitait pouvoir venir à Genève durant les week-ends pour voir son amie, D______, qui habitait dans cette ville ainsi que des amis. Il ne souhaitait pas communiquer l'adresse de son amie qui ignorait tout de cette procédure.

Il habitait à E______ au F______ à la rue G______, ______. Il a transmis une copie de l'attestation de sa demande d'asile auprès des autorités françaises, laquelle avait été délivrée le 19 octobre 2023 et était valable jusqu'au 18 avril 2024. Il ne travaillait pas, mais touchait des allocations de l'État français.

Sur question de son avocat, il a expliqué qu'il avait couru pour prendre la fuite le 12 octobre 2023 parce qu’il avait vu d'autres personnes courir et que dans son pays, lorsqu'on voyait des gens prendre la fuite, on se mettait tous à courir.

d. Par jugement du 1er novembre 2023, le TAPI a rejeté le recours et confirmé la décision d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée prise par le commissaire de police le 13 octobre 2023 à l'encontre de A______ pour une durée de douze mois.

Au vu des éléments du dossier, il pouvait être perçu comme une menace pour l'ordre et la sécurité publics. Il apparaissait en outre clairement, notamment eu égard à sa situation économique précaire, qu'il pourrait encore commettre des infractions de même nature que celles pour lesquelles il a été condamné s'il était autorisé à continuer à pouvoir se rendre à Genève. Le dossier relevait qu'une nouvelle interpellation de l'intéressé avait eu lieu le 28 octobre 2023, cette fois pour voies de faits, empêchement d'accomplir un acte officiel et infraction à la LEI. Les conditions légales d'une mesure d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée au sens de l'art. 74 LEI étaient donc réunies.

S’agissant du périmètre de la mesure et de la durée, il n’avait pas apporté d’indice concret à l'appui de ses affirmations, étant rappelé que selon ses propres explications, il vivait à E______. Ses attaches ne se situaient donc pas essentiellement à Genève et il ne le prétendait d'ailleurs pas. Le dossier ne contenait aucun élément laissant entendre que sa présence s'avérerait nécessaire à Genève, l'intéressé justifiant sa présence à Genève par le seul fait qu'il souhaitait y rencontrer ses amis, ce qu'il pouvait très bien faire du côté français de la frontière séparant Genève de la France. Au vu du comportement de l'intéressé, la durée de la mesure paraissait enfin apte et nécessaire pour protéger l'ordre et la sécurité publics dans le canton de Genève du risque de commission de nouvelles infractions et respectait ainsi le principe de proportionnalité.

C. a. Par acte du 13 novembre 2023, reçu au greffe le lendemain, A______ a formé recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement, concluant à son annulation, subsidiairement, au prononcé d’une interdiction de pénétrer au sein de la ville de Genève pour une durée maximale de six mois.

Il contestait les faits qui lui étaient reprochés par ordonnance pénale du 13 octobre 2023. Il n’avait jamais commis d’infraction en lien avec les stupéfiants. En ce qui concernait sa fuite, il n’avait pas entendu la police lui ordonnant de s’arrêter. Il s’était enfui en voyant des personnes courir. Il ne pouvait être retenu qu’il menaçait la sécurité et l’ordre publics.

S’agissant de la proportionnalité de la mesure, son amie D______ vivait à Genève. Il s’agissait par ailleurs de la première décision d’interdiction rendue à son encontre. Une interdiction d’une durée de six mois limitée à la ville de Genève serait tout à fait apte à réduire toute menace à l’ordre public.

b. Dans sa réponse du 16 novembre 2023, le commissaire de police a conclu au rejet du recours.

Il n’avait pas respecté l’interdiction de pénétrer dans le canton de Genève, à tout le moins à deux reprises, et avait été condamné pour ces faits par ordonnance pénale du Ministère public du 29 octobre 2023.

Les dénégations du recourant quant à sa qualité de vendeur de drogues aussi bien dures que douces n’avaient aucune crédibilité au regard des circonstances de son interpellation par la police, interpellation à laquelle il ne faisait nul doute qu’il avait bel et bien tenté de se soustraire. Les éléments concrets recueillis dans la procédure établissaient de manière incontestable qu’il représentait bien un trouble et une menace à l’ordre et à la sécurité publics à Genève.

c. Par réplique du 21 novembre 2023, A______ a persisté dans ses conclusions, reprenant la motivation de son recours.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Selon l'art. 10 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 (LaLEtr - F 2 10), la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 14 novembre 2023 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

3.             Est litigieuse l’interdiction de pénétrer dans tout le territoire cantonal pendant douze mois.

3.1 Aux termes de l'art. 74 al. 1 let. a LEI, l'autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger de ne pas pénétrer dans une région déterminée si celui-ci n'est pas titulaire d'une autorisation de courte durée, d'une autorisation de séjour ou d'une autorisation d'établissement et trouble ou menace la sécurité et l'ordre publics.

Selon le message du Conseil fédéral du 22 décembre 1993 (FF 1994 I 325), les étrangers dépourvus d'autorisation de séjour et d'établissement n'ont pas le droit à une liberté totale de mouvement ; s'agissant d'une atteinte relativement légère à la liberté personnelle de l'étranger concerné, « le seuil, pour l'ordonner, n'a pas été placé très haut » ; il suffit de se fonder sur la notion très générale de la protection des biens par la police pour définir le trouble ou la menace de la sécurité et de l'ordre publics.

La mesure d'interdiction de pénétrer dans un périmètre déterminé vise en particulier à combattre le trafic de stupéfiants ainsi qu'à maintenir les requérants d'asile éloignés des scènes de la drogue (arrêts du Tribunal fédéral 6B_808/2011 du 24 mai 2012 consid. 1.2 ; 2C_437/2009 du 27 octobre 2009 consid. 2.1).

Des indices concrets de délits commis dans le milieu de la drogue ou des contacts avec des extrémistes suffisent à justifier une telle mesure, de même que la violation grossière des règles tacites de la cohabitation sociale (ATA/607/2013 du 12 septembre 2013 consid. 4 ; ATA/46/2013 du 25 janvier 2013 consid. 3 et les références citées). Le simple soupçon qu'un étranger puisse commettre des infractions dans le milieu de la drogue justifie une mesure prise en application de l'art. 74 al. 1 let. a LEI ; en outre, de tels soupçons peuvent découler du seul fait de la possession de stupéfiants destinés à sa propre consommation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 3.1 et les arrêts cités). De plus, même si la simple présence en des lieux où se pratique le commerce de la drogue ne suffit pas à fonder un soupçon de menace à l'ordre et à la sécurité publics, tel est le cas lorsque la personne concernée est en contacts répétés avec le milieu de la drogue (arrêt du Tribunal fédéral 2C_437/2009 précité consid. 2.1). Le Tribunal fédéral a du reste confirmé une telle mesure visant un recourant qui avait essentiellement été condamné pour de simples contraventions à la LStup (arrêt du Tribunal fédéral 6B_808/2011 précité).

L'assignation d'un lieu de résidence ou l'interdiction de pénétrer dans une région déterminée fondée sur l'art. 74 al. 1 let. b LEI vise à permettre le contrôle du lieu de séjour de l'intéressé et à s'assurer de sa disponibilité éventuelle pour la préparation et l'exécution de son renvoi de Suisse par les autorités (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.1), mais aussi, en tant que mesure de contrainte poursuivant les mêmes buts que la détention administrative, à inciter la personne à se conformer à son obligation de quitter la Suisse (ATF 144 II 16 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_828/2017 du 14 juin 2018 consid. 4.1 ; CHATTON/MERZ, in Code annoté de droit des migrations, vol. II : Loi sur les étrangers [LEtr], 2017 n° 22 ad art. 74 LEtr).

3.2 En l’espèce, le recourant ne possède aucun titre de séjour en Suisse, ce qui n’est pas contesté. L’intéressé conteste en revanche qu’il trouble ou menace la sécurité et l'ordre publics. Selon le recourant, l’autorité intimée ne pouvait pas se fonder sur les faits ayant donné lieu à l’ordonnance pénale du 13 octobre 2023, à laquelle il avait formé opposition, pour retenir qu’il s’adonnait à un trafic de stupéfiants. Il conteste ainsi « avoir commis la moindre infraction en lien avec les stupéfiants ».

Avec ce raisonnement, le recourant perd toutefois de vue que le simple soupçon qu'un étranger puisse commettre des infractions dans le milieu de la drogue justifie une interdiction de pénétrer. Or, il ressort du dossier qu’au moment où la mesure d’interdiction de pénétrer a été prononcée, le recourant avait déjà été condamné à trois reprises pour infractions à la loi sur les stupéfiants, soit par jugement du 23 mai 2023 et ordonnances pénales des 7 et 13 octobre 2023. Selon le rapport d’arrestation du 13 octobre 2023, il se trouvait à proximité de la station de pompage de l’Arquebuse, soit un haut lieu de trafics de stupéfiants de toute nature. Des policiers en civil l’avaient observé en train de vendre 0.5 grammes de cocaïne à un tiers contre la somme de CHF 40.-. L’intéressé a certes contesté les éléments de fait retenus à l’origine de la condamnation du 13 octobre 2023. Il n’en reste pas moins que sa seule présence sur les lieux, cumulée aux précédentes condamnations à la LStup, suffisent à faire peser sur lui d’importants soupçons quant à son implication dans un trafic de stupéfiants. S’ajoute à cela que le recourant a été condamné à quatre reprises pour opposition aux actes de l'autorité et empêchement d’accomplir un acte officiel (soit par ordonnance pénale, entrée en force, du 19 octobre 2021, jugement du 23 mai 2023 et ordonnances pénales des 7 et 13 octobre 2023). Ainsi, les explications de l’intéressé selon lesquelles, lors de son arrestation du 12 octobre 2023, il n’aurait pas entendu les ordres de la police, s’étant enfui uniquement en raison du fait que d’autres personnes avaient pris la fuite, ne peuvent être prises qu’avec circonspection.

Au vu de ces éléments, le soupçon existe qu'il puisse à l'avenir commettre des infractions du type de celles pour lesquelles il est actuellement mis en cause.

Les conditions pour le prononcé d’une mesure d’interdiction de pénétrer dans une région déterminée sont donc réunies.

4.             Le recourant conteste la proportionnalité de la mesure.

4.1 Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2 ; 135 I 169 consid. 5.6).

La mesure doit être nécessaire et suffisante pour empêcher que la sécurité et l'ordre publics ne soient troublés ou menacés. Il faut en outre qu'il existe un rapport raisonnable entre les effets de la mesure sur la situation de la personne visée et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 137 I 167 consid. 3.6 ; 136 I 197 consid. 4.4.4). En particulier, la délimitation géographique et la durée de la mesure doivent être prises en considération en fonction du but poursuivi. En matière d'interdiction de pénétrer sur une partie du territoire, le périmètre d'interdiction doit être déterminé de manière à ce que les contacts sociaux et l'accomplissement d'affaires urgentes puissent rester possibles (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3 ; 2A.514/2006 du 23 janvier 2007 consid. 3.3.1 ; 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 3c ; ATA/748/2018 du 18 juillet 2018 consid. 4b).

4.2 La mesure d'interdiction de pénétrer peut s'appliquer à l'entier du territoire d'un canton (arrêts du Tribunal fédéral 2C_231/2007 du 13 novembre 2007 ; 2A.253/2006 du 12 mai 2006), même si la doctrine relève que le prononcé d'une telle mesure peut paraître problématique au regard du but assigné à celle-ci (Tarkan GÖKSU, op. cit., p. 725 n. 7). La portée de l'art. 6 al. 3 LaLEtr, qui se réfère à cette disposition et en reprend les termes, ne peut être interprétée de manière plus restrictive. C'est en réalité lors de l'examen du respect par la mesure du principe de la proportionnalité que la question de l'étendue de la zone géographique à laquelle elle s'applique doit être examinée.

L'art. 74 LEI ne précise pas la durée de la mesure. Celle-ci doit répondre au principe de proportionnalité, à savoir être adéquate au but visé et rester dans un rapport raisonnable avec celui-ci (ATF 142 II 1 consid. 2.3). Elle ne peut pas être ordonnée pour une durée indéterminée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1 ; 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3).

Des durées inférieures à six mois ne sont guère efficaces (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 précité consid. 4.2) ; vers le haut, des mesures d'une durée d'une année (arrêt du Tribunal fédéral 2C_330/2015 du 26 novembre 2015 consid. 3.2 ; ATA/1347/2018 du 13 décembre 2018 consid. 6), voire de deux ans (arrêt du Tribunal fédéral 2C_828/2017 du 14 juin 2018 consid. 4.5) ont été admises.

4.3 La chambre de céans a déjà confirmé une interdiction territoriale de douze mois dans le canton de Genève à l’encontre d’une personne sans antécédents, interpellé et condamné par le Ministère public pour avoir vendu une boulette de cocaïne, l’intéressé n’ayant aucune ressource financière ni aucun intérêt à venir dans le canton (ATA/655/2021 du 23 juin 2021 ; ATA/802/2019 du 17 avril 2019).

La chambre de céans a confirmé une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève pour une durée de douze mois dans le cas d’une personne possédant un titre de séjour en Italie, qui n’avait ni attaches ni aucun titre de séjour en Suisse. Il avait certes, indiqué, avoir des amis à H______, mais avait refusé de donner leur nom et leur adresse. Son allégation relative à l'existence desdites amitiés paraissait ainsi peu crédible. Il semblait d'ailleurs davantage avoir utilisé sa présence à Genève pour trouver des moyens de subvenir illégalement à ses besoins en s'adonnant au trafic de drogues. Le recourant n'avait jamais vécu ni à Genève ni en Suisse et n'y avait aucune attache familiale. Il était sans domicile et sans ressources. Aucun élément ne nécessitait ainsi sa présence à Genève. Dans ces circonstances, son intérêt privé à pouvoir venir à Genève dans les douze mois suivants cédait le pas à l'intérêt public à le tenir éloigné du canton pendant cette durée. Par conséquent, le fait d'avoir étendu la mesure d'interdiction à l'ensemble du territoire du canton de Genève n'était pas disproportionné, ni d'avoir fixé à douze mois la durée de cette mesure, étant rappelé sur ce dernier point la jurisprudence stricte du Tribunal fédéral (ATA/806/2019 du 18 avril 2019).

4.4 Les fiancés ou les concubins ne sont, sous réserve de circonstances particulières, pas habilités à invoquer l'art. 8 CEDH. Ainsi, l'étranger fiancé à une personne ayant le droit de s'établir en Suisse ne peut, en principe, pas prétendre à une autorisation de séjour, à moins que le couple n'entretienne depuis longtemps des relations étroites et effectivement vécues et qu'il n'existe des indices concrets d'un mariage sérieusement voulu et imminent, comme par exemple la publication des bans du mariage (ATF 137 I 351 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_1035/2012 du 21 décembre 2012 consid. 5.1 ; 2C_207/2012 du 31 mai 2012 consid. 3.3 ; 2C_206/2010 du 23 août 2010 consid. 2.1 et 2.3 et les références citées).

4.5 En l’occurrence, le recourant ne peut se prévaloir d’aucun motif pour expliquer sa présence sur le territoire genevois. Il a admis qu’il habitait à E______ et ne disposait d’aucun lieu de vie en Suisse. S’agissant de sa situation personnelle, elle n’est nullement établie. Le recourant s’est limité à indiquer le prénom de son amie, mais n’a fourni aucune preuve concrète de leur relation, ni donné d’explication quant à son lieu de domicile. Rien ne s’oppose en tout état à ce qu’il exerce des relations personnelles avec elle en France. Il ne prétend, pour le reste, pas qu’une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève le priverait d’un accès à des ressources élémentaires. Ainsi, l’interdiction de périmètre, étendu à l’ensemble du canton, ne prête pas le flanc à la critique.

Quant à la durée de la mesure, elle respecte également le principe de proportionnalité. Celle-ci se justifie au regard des éléments à prendre en considération, à savoir la nature de l’infraction dont le recourant est soupçonné, ses condamnations en octobre 2021, février 2022, mai et octobre 2023, sa présence sur un lieu où le trafic de stupéfiants a notoirement lieu et les circonstances de son interpellation du 12 octobre 2023. Il n’a aucun emploi, ni titre de séjour en Suisse, ni de lien avéré avec ce pays. Au vu de ces circonstances, la durée de douze mois sur l’ensemble du canton paraît apte et nécessaire pour protéger l'ordre et la sécurité publics dans le canton de Genève du risque de nouvelles commissions d’infractions sur le territoire cantonal par le recourant. Il n’y a donc aucun motif pour réduire ladite mesure, que ce soit sa durée ou son périmètre.

Il découle de ce qui précède que le recours, entièrement mal fondé, doit être rejeté.

5.             La procédure étant gratuite (art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), aucun émolument de procédure ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

 

 

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 novembre 2023 par A_______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 1er novembre 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Samir DJARIZI, avocat du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Eleanor McGREGOR, présidente, Florence KRAUSKOPF, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

B. SPECKER

 

 

la présidente siégeant :

 

 

E. McGREGOR

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :