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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1800/2021

ATA/655/2021 du 23.06.2021 sur JTAPI/544/2021 ( MC ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1800/2021-MC ATA/655/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 23 juin 2021

en section

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Mirolub Voutov, avocat

contre

COMMISSAIRE DE POLICE

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 31 mai 2021 (JTAPI/544/2021)


EN FAIT

1) a. Le 14 mai 2021, la police a mis en place un dispositif de surveillance dans le quartier de Plainpalais en lien avec le trafic de stupéfiants. Dans ce cadre, l'attention des policiers a été attirée, à 19h00, par « un individu d'origine africaine », identifié par la suite comme étant Monsieur A______, né le ______1992, originaire du Nigéria, qui prenait contact avec « un individu blanc ». Deux agents ont observé une transaction entre les deux hommes à la hauteur du n° 1______du quai du Seujet.

b. L'acheteur, Monsieur B______, a été interpellé après que les deux protagonistes s'étaient séparés. Il a immédiatement présenté une boulette de cocaïne (0,7 g brut) qu'il a indiqué avoir achetée pour CHF 40.-. Il n'a pas été en mesure d'identifier M. A______, sur la planche photographique qui lui a été soumise, comme étant celui à qui il venait d'acheter la drogue.

c. M. A______ a été interpellé en possession d'un passeport nigérian, délivré à Berne, valable jusqu'au 15 août 2023, des sommes de CHF 305,05, composée de diverses coupures, et de EUR 100.-, ainsi que d'un téléphone portable muni d'une carte SIM suisse.

Il a déclaré à la police qu'il se promenait en vélo et allait faire du shopping. Il n'avait pas vendu de cocaïne et ne consommait pas de stupéfiants. Il avait retiré l'argent trouvé sur lui dans un distributeur avec une carte Mastercard. Il ne disposait pas d'un reçu. Il avait acheté une année plus tôt dans le commerce Manor le téléphone trouvé en sa possession. Il s'en servait pour appeler sa famille.

Il était arrivé à Genève le matin même en train depuis Annemasse (France). Il pensait pouvoir y venir « avec [s]es documents italiens ». En 2020, il avait vécu à Genève sans autorisation, dans la rue. Il n'avait pas de lien particulier avec la Suisse. Il dormait en France.

2) Par ordonnance pénale du 15 mai 2021, le Ministère public (ci-après : MP) a condamné M. A______ à une peine pécuniaire de septante jours-amende, avec sursis pendant trois ans, pour infractions à l'art. 19 al. 1 de la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes du 3 octobre 1951 (LStup -
RS 812.121) et à l'art. 115 al. 1 let. a de la loi fédérale sur les étrangers et l’intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20) et a ordonné la confiscation des sommes trouvées sur lui. Lors de son interpellation, il ne portait que son passeport nigérian, démuni de visa. Il avait déclaré percevoir un salaire mensuel de EUR 500.-.

3) Le même jour, le commissaire de police lui a notifié une décision lui faisant interdiction de pénétrer sur l'ensemble du territoire du canton de Genève pour une durée de douze mois (art. 74 al. 1 let. a LEI).

Le trafic de cocaïne, soit une drogue dite dure, représentait un trouble, voire une menace pour la sécurité et l'ordre publics. Une interdiction d'une durée de douze mois se justifiait « au regard de l'activité délictuelle de l'intéressé » et son étendue géographique par le fait « que l'intéressé [était] susceptible de reproduire ses agissements coupables dans tout le canton de Genève avec lequel il n'a[vait] aucun lien particulier ».

4) Formant opposition le 25 mai 2021 contre l'ordonnance pénale du 15 mai précédent, M. A______ a contesté les deux infractions à la base de sa condamnation.

5) Par courrier posté le 25 mai 2021, M. A______ a formé opposition contre la décision du commissaire de police devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI). L'interdiction d'entrée du 15 mai 2021 n'était pas justifiée et devait être annulée. Il demandait la restitution de l'effet suspensif, car il n'y avait aucune raison valable de lui interdire l'entrée en Suisse.

Il disposait de l'autorisation nécessaire pour entrer en Suisse, comme l'attestait « [s]on permis italien valable en annexe ». Selon le TAPI, aucune copie de ce document, au demeurant non mentionnée dans le « chargé de pièces » produit, ne se trouvait dans l'enveloppe ayant contenu l'opposition.

Il n'habitait pas en Suisse, de sorte que le TAPI pouvait envoyer sa correspondance chez son avocat genevois, qui la lui transmettrait via son adresse email.

L'ordonnance pénale avait été contestée le jour de sa notification, de sorte qu'elle n'était pas en force. Il contestait avoir vendu de la drogue à M. B______. L'argent séquestré provenait de son salaire.

6) Devant le TAPI, M. A______ a déclaré qu'il était venu en Suisse pour chercher du travail. Il avait adressé un CV à différentes entreprises suisses (environ quatre ou cinq) et françaises (deux) avant son interpellation le 14 mai 2021 et attendait des réponses. Il dormait chez un ami à Annemasse, ville dans laquelle il se trouvait depuis huit ou neuf mois. Des travaux étant projetés dans l'immeuble, tous deux allaient devoir quitter l'appartement, le propriétaire leur ayant imparti un délai au 30 juillet 2021 pour s'exécuter. Ils espéraient pouvoir trouver un autre lieu où se loger.

Auparavant, il avait séjourné en Italie, d'où il s'était rendu en Allemagne et à Annemasse pour des séjours de deux à trois jours. Il avait cherché du travail en Italie pendant deux ans. Il n'y avait trouvé qu'un emploi provisoire, comme coiffeur à domicile, lequel ne lui avait pas permis de gagner suffisamment d'argent pour nourrir sa famille restée en Afrique. C'était la raison pour laquelle il avait décidé de venir à Annemasse.

Il n'avait pas encore été convoqué par le MP suite à son opposition à l'ordonnance pénale. Il a produit une copie de son titre de séjour italien, valable jusqu'au 14 février 2023, émis le 23 mai 2018 au titre de la « protection subsidiaire ».

Le représentant du commissaire de police a conclu au rejet tant de l'opposition que de la conclusion tendant à la restitution de l'effet suspensif.

7) Le TAPI a, par jugement du 31 mai 2021, rejeté le recours de M. A______.

8) Par acte expédié le 11 juin 2021 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. A______ a formé recours contre ce jugement, concluant préalablement à l'octroi de l'effet suspensif et principalement à son annulation, de même qu'à celle de la décision du commissaire de police du 15 mai 2021. Subsidiairement, il a conclu à ce que cette décision soit convertie en un avertissement.

L'enquête et le rapport de police étaient lacunaires sur plusieurs points. La police ne pouvait pas se contenter de conclure à sa culpabilité sans organiser un tapissage ou le confronter à M. B______. Cela était d'autant plus grave que ce dernier ne l'avait pas identifié comme son vendeur. Son téléphone portable n'avait pas été examiné alors que la police l'accusait de la vente de stupéfiants. Cet examen aurait permis de lever une partie des soupçons pesant sur lui. Il n'avait apparemment pas été questionné en lien avec l'argent retrouvé sur sa personne. Le procès-verbal d'audition de M. B______ ne figurait pas dans le dossier du TAPI, alors même qu'il faisait partie d'un élément sur lequel le commissaire de police s'était basé pour rendre sa décision. La police n'avait pas vérifié s'il avait fait des retraits d'argent auprès de Mastercard avant son interpellation. Les autorités pénales n'avaient pas jugé utile de procéder à une analyse ADN de la boulette de cocaïne saisie. Il était sans antécédents en Suisse, en France et au Nigéria.

M. A______ n'avait jamais bénéficié de l'aide sociale pendant ses séjours en Suisse. Il s'engageait à y respecter strictement les lois lors de sa présence sur le territoire de ce pays. Il ne comptait y venir que pour des entretiens en vue de trouver un emploi ou pour rencontrer son avocat ou encore répondre à une convocation.

Au vu de ces éléments, il était contraire à la loi de retenir qu'il troublait ou menaçait l'ordre public, comme retenu à tort par le TAPI. Il n'avait en effet jamais commis d'infraction en Suisse pendant son séjour en Suisse qui avait duré environ une année. Les faits ayant donné lieu à sa condamnation du 15 mai 2021, laquelle n'était pas exécutoire, n'étaient pas établis et ne concernaient au demeurant pas des actes de violence. Aucune preuve ne figurait au dossier selon laquelle il s'apprêterait à commettre d'autres infractions ou que sa situation personnelle le pousserait à le faire. Il avait suffisamment de moyens pour subvenir à ses besoins. Dans la mesure où il n'avait été condamné qu'une seule fois pour infraction à la LStup, les jurisprudences citées par le TAPI ne lui étaient pas applicables. Il en allait de même de la jurisprudence concernant des contraventions à la LStup.

L'interdiction d'entrée ne paraissait ainsi pas justifiée. Sa durée de douze mois était disproportionnée.

9) Le commissaire de police a conclu le 16 juin 2021 au rejet du recours, se référant aux faits et aux arguments développés par le TAPI.

10) M. A______ n'a pas répliqué dans le délai imparti pour ce faire.

11) Les parties ont été informées le 21 juin 2021 que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 10 al. 1 de la loi d'application de la loi fédérale sur les étrangers du 16 juin 1988 - LaLEtr - F 2 10).

2) Selon l'art. 10 al. 2 1ère phr. LaLEtr, la chambre administrative doit statuer dans les dix jours qui suivent sa saisine. Ayant reçu le recours le 15 juin 2021 et statuant ce jour, elle respecte ce délai.

La chambre administrative est compétente pour apprécier l'opportunité des décisions portées devant elle (art. 10 al. 2 2ème phr. LaLEtr).

3) Le principe même de l'interdiction de périmètre est contesté par le recourant.

a. Aux termes de l'art. 74 al. 1 let. a LEI, l'autorité cantonale compétente peut enjoindre à un étranger de ne pas pénétrer dans une région déterminée si celui-ci n'est pas titulaire d'une autorisation de courte durée, d'une autorisation de séjour ou d'une autorisation d'établissement et trouble ou menace la sécurité et l'ordre publics. Cette mesure vise notamment à lutter contre le trafic illégal de stupéfiants. L'art. 6 al. 3 LaLEtr prévoit que l'étranger peut être contraint à ne pas pénétrer dans une région déterminée, aux conditions prévues à l'art. 74 LEI, notamment à la suite d'une condamnation pour vol, brigandage, lésions corporelles intentionnelles, dommages à la propriété ou pour une infraction à la LStup.

b. L'interdiction de pénétrer dans une région déterminée ne constitue pas une mesure équivalant à une privation de liberté au sens de l'art. 5 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101) et n'a donc pas à satisfaire aux conditions du premier alinéa de cette disposition (Tarkan GÖKSU, in Martina CARONI/Thomas GÄCHTER/Daniela TURNHERR [éd.], Bundesgesetz über die Ausländerinnen und Ausländer, Berne, 2010 ; Andreas ZÜND in Marc SPESCHA/Hanspeter THÜR/Peter BOLZLI, Migrationsrecht, 2ème éd., 2013, ad art. 74, p. 204 n. 1).

Selon le message du Conseil fédéral du 22 décembre 1993 (FF 1994 I 325), les étrangers dépourvus d'autorisation de séjour et d'établissement n'ont pas le droit à une liberté totale de mouvement ; s'agissant d'une atteinte relativement légère à la liberté personnelle de l'étranger concerné, « le seuil, pour l'ordonner, n'a pas été placé très haut » ; il suffit de se fonder sur la notion très générale de la protection des biens par la police pour définir le trouble ou la menace de la sécurité et de l'ordre publics.

c. Le principe de la proportionnalité, garanti par les art. 5 al. 2 et 36 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive. En outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 126 I 219 consid. 2c et les références citées).

Le principe de la proportionnalité se compose ainsi des règles d'aptitude - qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé - de nécessité - qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés - et de proportionnalité au sens étroit - qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 140 I 218 consid. 6.7.1 ; 136 IV 97 consid. 5.2.2 ; 135 I 169 consid. 5.6).

d. L'art. 74 LEI ne précise ni la durée ni l'étendue de la mesure. Selon le Tribunal fédéral, celle-ci doit dans tous les cas répondre au principe de proportionnalité, soit être adéquate au but visé et rester dans un rapport raisonnable avec celui-ci (ATF 142 II 1 consid. 2.3). Ainsi, la mesure ne peut pas être ordonnée pour une durée indéterminée (arrêts du Tribunal fédéral 2C_197/2013 du 31 juillet 2013 consid. 4.1 ; 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3). Des durées inférieures à six mois ne sont guère efficaces (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 précité consid. 4.2) ; des mesures d'une durée d'une année (arrêt du Tribunal fédéral 2C_330/2015 du 26 novembre 2015 consid. 3.2 ; ATA/1347/2018 du 13 décembre 2018 consid. 6), voire de deux ans (arrêt du Tribunal fédéral 2C_828/2017 du 14 juin 2018 consid. 4.5) ont été admises.

e. La jurisprudence fédérale admet que la mesure d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée prévue à l'art. 74 LEI peut s'appliquer à l'entier du territoire d'un canton (arrêts du Tribunal fédéral 2A.253/2006 du 12 mai 2006 ; 2C_231/2007 du 13 novembre 2007), même si la doctrine relève que le prononcé d'une telle mesure peut paraître problématique au regard du but assigné à celle-ci (Tarkan GÖKSU, op. cit., p. 725 n. 7). La portée de l'art. 6 al. 3 LaLEtr, qui se réfère à cette disposition et en reprend les termes, ne peut être interprétée de manière plus restrictive. C'est en réalité lors de l'examen du respect par la mesure du principe de la proportionnalité que la question de l'étendue de la zone géographique à laquelle elle s'applique doit être examinée.

Le périmètre d'interdiction doit être déterminé de manière à ce que les contacts sociaux et l'accomplissement d'affaires urgentes puissent rester possibles (arrêts du Tribunal fédéral 2C_1044/2012 du 5 novembre 2012 consid. 3.3 ; 2A.514/2006 du 23 janvier 2007 consid. 3.3.1 ; 2A.583/2000 du 6 avril 2001 consid. 3c ; ATA/304/2020 du 20 mars 2020 consid. 4b ; ATA/748/2018 du
18 juillet 2018 consid. 4b).

f. La mesure d'interdiction de pénétrer dans un périmètre déterminé vise en particulier à combattre le trafic de stupéfiants, ainsi qu'à maintenir les requérants d'asile éloignés des scènes de la drogue (arrêts du Tribunal fédéral 6B_808/2011 du 24 mai 2012 consid. 1.2 ; 2C_437/2009 du 27 octobre 2009 consid. 2.1). Des indices concrets de délits commis dans le milieu de la drogue ou des contacts avec des extrémistes suffisent à justifier une telle mesure, de même que la violation grossière des règles tacites de la cohabitation sociale (ATA/607/2013 du 12 septembre 2013 consid. 4 ; ATA/46/2013 du 25 janvier 2013 consid. 3 et les références citées).

g. Dans un arrêt 2C_123/2021 du 5 mars 2021, traitant d'une affaire genevoise, le Tribunal fédéral a retenu que quand bien même la condamnation du recourant, de nationalité nigérianne, qui n'était au bénéfice d'aucune autorisation de séjour en Suisse, n'était pas entrée en force, elle avait toutefois trait à des délits en lien avec des stupéfiants, ce qui était déjà suffisant pour admettre un indice concret au sens de la jurisprudence. Le recourant avait par ailleurs été vu à deux reprises dans un lieu connu pour le trafic de drogue à Genève, ce qui renforçait les soupçons pesant sur lui. De plus, il s'en était pris à un agent de police et, en mai 2018, avait déjà été condamné pour entrée et séjour illégaux, infractions qui, même si elles n'avaient pas de lien direct avec la drogue, constituaient également des indices suffisants pour retenir un trouble ou une menace à la sécurité et l'ordre publics. Ces éléments, pris dans leur ensemble, représentaient donc des indices concrets permettant de retenir un soupçon de commission d'infractions dans le milieu de la drogue, respectivement un trouble ou une menace contre la sécurité et l'ordre publics justifiant le prononcé d'une mesure d'interdiction de pénétrer dans une région déterminée au sens de l'art. 74 al. 1 let. a LEI. Il était rappelé que l'atteinte à la liberté personnelle causée par cette mesure était relativement légère et que le seuil pour l'ordonner n'avait pas été placé très haut.

Même si le recourant n'avait pas contesté la proportionnalité de la mesure, il était constaté qu'il séjournait illégalement en Suisse depuis de nombreuses années et faisait l'objet d'une décision de renvoi entrée en force. Il n'avait aucun besoin de se trouver à Genève, canton qui, selon les faits figurant dans l'arrêt entrepris, n'était pas compétent pour l'exécution de son renvoi et dans lequel des indices concrets laissaient penser qu'il s'adonnait, ou à tout le moins participait, à des trafics de drogues. Une mesure s'étendant à l'entier du canton genevois n'était ainsi pas disproportionnée. La durée de cette mesure, arrêtée à douze mois, était également admissible.

4) En l'espèce, le recourant admet ne bénéficier d'aucune autorisation de séjour en Suisse, qu'elle soit de courte ou de longue durée. Son titre de voyage, délivré par les autorités italiennes aux personnes qui bénéficient du statut conféré par la protection subsidiaire lorsqu'il existe des motifs raisonnables de ne pas imposer à la personne concernée de solliciter un passeport auprès des autorités de son pays (art. 24 du Decreto legistativo du 19 novembre 2007, n. 251) n'est aucunement une autorisation de séjour et il ne le soutient au demeurant pas. Ce document ne l'autorise nullement à travailler sur le territoire suisse. La question d'une entrée illégale en Suisse le 14 mai 2021, muni dudit titre de voyage et sans visa dans son passeport nigérian n'est pour le surplus pas à trancher par la chambre administrative, mais par le Tribunal de police des suites de l'opposition formée contre l'ordonnance de condamnation du 15 mai 2021.

Le recourant conteste les faits qui ont donné lieu à son interpellation du 14 mai 2021 à la hauteur du n° 1______du quai du Seujet, à savoir une transaction portant sur la vente d'une boulette de cocaïne de 0,7 g brut à un client toxicomane en contrepartie de CHF 40.- entre les deux hommes. Si ce client, interpellé en possession de la boulette en question n'a pas mis le recourant formellement en cause sur présentation d'une planche photographique, la police a observé la transaction entre les deux hommes et les a interpellés dans la foulée. S'y ajoute que le recourant était alors en possession d’une somme de plus de CHF 300.-, composée de diverses coupures, et de EUR 100.-, dont il n'a pu démontrer la provenance, ne serait-ce que par la production d'un récépissé prouvant ses dires selon lesquels il aurait retiré lesdites espèces. Il a tantôt concédé ne pas avoir eu d'activité rémunérée depuis environ deux ans, tantôt que ces espèces provenaient de son salaire, de sorte qu'en tout état, la provenance d'espèces qu'il détiendrait sur un compte bancaire serait douteuse. Il était également en possession d'un téléphone portable muni d'une carte SIM suisse, la question de l'utilité d'un numéro suisse pour une personne indiquant vivre en France, prétendument pour appeler sa famille, pouvant légitimement se poser.

S'il est à ce stade présumé innocent et a contesté ces faits par la voie de l'opposition contre l'ordonnance pénale du 15 mai 2021, cet épisode n'en constitue pas moins un indice concret de la commission d'un délit en matière de stupéfiants et suffit à fonder une interdiction de périmètre dans le but de combattre le trafic de drogue, en particulier dure. Le quai du Seujet, la rue de la Coulouvrenière et sa voisine directe la place des Volontaires, sont à Genève des lieux notoirement connus, pour abriter le trafic de diverses drogues. Le recourant ne conteste au demeurant pas s'y être trouvé en tout cas le 14 mai 2021 à 19h00. Les motifs avancés pour justifier sa présence à cet endroit en début de soirée sont aussi sujets à caution, s'agissant en particulier de faire du « shopping ».

Force est de constater, qu'au vu de l'ensemble de ces éléments et de sa situation précaire en Suisse, un lieu de vie à Annemasse, chez un ami, n'étant nullement rendu vraisemblable, que le soupçon existe qu'il puisse à l'avenir commettre des infractions pour se nourrir du type de celles pour lesquelles il est actuellement mis en cause. Sa situation personnelle n'est pas établie, de même que les raisons de sa présence à Genève où il soutient aussi venir occasionnellement pour chercher du travail. Ces circonstances suffisent à fonder le soupçon de trouble ou menace à la sécurité et à l'ordre publics au sens de l'art. 74 al. 1 let. a LEI.

5) La durée de la mesure, de douze mois, est conforme à la jurisprudence et adaptée aux circonstances du cas d'espèce, étant rappelé qu'une durée inférieure à six mois n'est guère efficace (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2013 précité consid. 4.2). Elle sera en conséquence confirmée.

La mesure porte sur l'entier du territoire du canton de Genève. Le recourant ne soutient, ni a fortiori n'étaye, qu'il serait sensiblement entravé dans l'exercice de ses droits les plus élémentaires, à savoir se loger et se nourrir dans des conditions dignes.

Le recourant n'a aucun titre de séjour en Suisse. Il n'a aucune attache sérieuse dans le canton de Genève. À l'inverse, il est au bénéfice d'un document de voyage délivré par les autorités italiennes et d'un passeport nigérian valide, étant relevé que la pandémie qui sévit actuellement ne l'empêche nullement de retourner en Italie par voie terrestre. S'y ajoute qu'il est sans ressources. On ignore même où il passe ses nuits. À s'en tenir à ses dires, ce serait à Annemasse. Dans ces conditions, il ne rend pas même vraisemblable qu'une interdiction de pénétrer dans le canton de Genève le priverait d'un accès à des ressources élémentaires pas plus que de contacts sociaux.

Enfin, s'il devait être convoqué par une autorité, notamment le MP, un
sauf-conduit pourrait lui être délivré afin d'y déférer et, à cette même occasion, de préalablement s'entretenir avec son conseil.

Dans ces circonstances, le TAPI a correctement appliqué le droit en confirmant l'étendue de la mesure d'interdiction de pénétrer sur l'entier du territoire genevois pour la durée de douze mois.

Il résulte de ce qui précède que le recours sera rejeté.

Le présent arrêt rend la demande d'octroi d'effet suspensif sans objet.

6) Vu la nature de la cause, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l'issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 11 juin 2021 par Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 31 mai 2021 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ni alloué d'indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Mirolub Voutov, avocat du recourant, au commissaire de police, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance, au secrétariat d'État aux migrations ainsi qu'au centre Frambois LMC pour information.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Lauber et M. Mascotto, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

B. Specker

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :