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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1610/2023

ATA/1111/2023 du 10.10.2023 sur JTAPI/650/2023 ( PE ) , REJETE

Recours TF déposé le 08.11.2023, rendu le 25.01.2024, IRRECEVABLE, 2D_27/2023
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1610/2023-PE ATA/1111/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 10 octobre 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par FIRST-CONSULTING.CH Sàrl

contre

OFFICE CANTONAL DE LA POPULATION ET DES MIGRATIONS intimé

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 juin 2023 (JTAPI/650/2023)


EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1989, ressortissant du Kosovo, a épousé B______ le ______ 2022 à Colmar, en France. Cette union fait suite au mariage traditionnel célébré au Kosovo le 10 août 2018. Deux enfants sont issus de cette union : C______, né le ______ 2020, et D______, née le ______ 2022.

B______ et les deux enfants partagent leur existence entre leur adresse officielle à Colmar et un appartement à Meyrin. Ils ne sont pas titulaires d’autorisations de séjourner en Suisse.

b. A______ est arrivé en Suisse, selon ses dires, le 8 juin 2011. Il a travaillé dans le domaine de la restauration, puis du gros-œuvre.

Il a fondé sa propre entreprise sous la raison sociale E______, active dans le domaine du bâtiment, avec siège à Meyrin, le 9 septembre 2019. Il en est associé‑gérant avec signature individuelle.

c. A______ a demandé des visas pour se rendre au Kosovo, où vivent ses parents et sa sœur, en février 2015, mars 2017, décembre 2020, janvier et novembre 2021.

d. Interpellé pour séjour illégal, A______ a fait l’objet d’une interdiction d’entrée en Suisse prononcée par le secrétariat d’État aux migrations (ci-après : SEM) pour la période du 4 septembre 2014 au 3 septembre 2017 avant d’être mis au bénéfice d’une autorisation de séjour à la suite de son mariage avec F______, le ______ 2017, ressortissante espagnole titulaire d'une autorisation de séjour. Le couple a divorcé selon jugement du Tribunal de première instance de Genève du 8 juin 2021.

e. A______ a été condamné les 12 novembre 2020 (amende de CHF 500.- pour voies de fait) et 11 mai 2016 par le Ministère public du canton de Genève (peine pécuniaire de 60 jours amende pour séjour illégal et activité lucrative sans autorisation) et fait l’objet d’une procédure pénale P/1______/2021 notamment pour faux dans les titres et comportement frauduleux à l'égard des autorités.

f. Par décision du 7 mars 2022, l’office cantonal de la population et des migrations (ci-après : OCPM) a refusé la prolongation de l’autorisation de séjour, les conditions de renouvellement n’étant pas remplies. Le contenu de la décision sera repris, en tant que de besoin, dans la partie en droit du présent arrêt.

B. a. Le 27 mars 2023, A______ a déposé une demande d’autorisation de séjour pour cas de rigueur.

b. Par décision du 30 mars 2023, l’OCPM a refusé d’entrer en matière, considérant la requête comme une demande de réexamen de sa décision de refus de renouvellement d’autorisation de séjour du 7 mars 2022.

c. Par jugement du 13 juin 2023, le Tribunal administratif de première instance (ci‑après : TAPI) a rejeté le recours interjeté par A______ contre cette décision.

Dans sa décision du 7 mars 2022 refusant le renouvellement de l'autorisation de séjour de l'intéressé, l’OCPM avait examiné sa situation sous l'angle des raisons personnelles majeures au sens de l'art. 50 al. 2 de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration du 16 décembre 2005 (LEI - RS 142.20), analysant en particulier la durée de son séjour en Suisse, sa situation personnelle, professionnelle et familiale, et son intégration. Il avait formé la demande litigieuse du 27 février 2023 moins d’une année après l’entrée en force de cette décision. Or, les éléments et arguments avancés à l'appui de cette demande étaient les mêmes que ceux invoqués dans la précédente procédure. Dans ces circonstances, la connexité temporelle et matérielle avec sa situation suite à la dissolution de son mariage était donnée et ne justifiait pas qu'il soit procédé à un nouvel examen de celle-ci sous l'angle du cas individuel d'une extrême gravité selon l'art. 30 LEI.

C'était donc à raison et sans violer l’art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) que l'OCPM avait considéré que la demande du 27 février 2023 devait être qualifiée de demande de reconsidération de sa décision du 7 mars 2022.

C’était par ailleurs à bon droit que l’autorité intimée avait retenu que les circonstances ne s’étaient pas modifiées dans une mesure notable depuis la première décision. L’intéressé invoquait les mêmes éléments, à savoir la durée de son séjour ininterrompu en Suisse, son excellente intégration socio-professionnelle, sa maîtrise du français, sa bonne situation financière, son casier judiciaire vierge et le pronostic plus que défavorable pour lui et sa famille s'agissant de son renvoi de Suisse, respectivement de sa réintégration au Kosovo. Comme relevé à juste titre par l’OCPM, si son séjour était dorénavant plus long, son intégration meilleure et sa réintégration au Kosovo plus difficile encore, pour autant que cela soit avéré, ces éléments ne pouvaient être qualifiés de modifications notables des circonstances au sens de l'art. 48 al. 1 let. b de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), dès lors qu'ils résultaient uniquement du fait que A______ ne s'était pas conformé à la décision initiale, en force, qui lui ordonnait de quitter le territoire suisse, depuis le 15 avril 2022, délai par la suite prolongé au 24 juin 2022.

Le fait qu’il se soit, depuis lors, marié avec B______ et que cette dernière ait mis au monde leur deuxième enfant ne constituait pas un fait nouveau, justifiant une entrée en matière sur sa demande, pas plus que le fait que son épouse et leurs deux enfants disposent de titres de séjour français, ces éléments n'ayant pas pour conséquence de modifier notablement l'état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l'autorité avait fondé sa décision. La résidence en France des précités n’ouvrait aucun droit en Suisse au recourant sous l’angle de l’art. 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101).

C. a. Par acte du 14 août 2023, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre ce jugement. C’était à tort que le TAPI avait considéré que l’analyse sous l’angle de l’art. 50 LEI valait celle sous l’angle de l’art. 30 al. 1 let. b LEI. La demande de régularisation pour cas de rigueur n’avait rien à voir avec l’autorisation préalablement obtenue en lien avec son union avec sa première épouse. La décision du 7 mars 2022 ne contenait que cinq lignes sur les raisons personnelles majeures de l’art. 50 LEI. Il n’avait jamais été procédé à un examen initial exhaustif de sa situation sous l’angle du cas de rigueur. Il pouvait se prévaloir d’un séjour de plus de douze ans en Suisse, d’une intégration réussie au regard des critères définis par la LEI, d’une intégration poussée sur le plan professionnel, linguistique et social et des graves conséquences qu’aurait pour lui et sa famille un retour dans son pays d’origine. À cela s’ajoutait la singularité de sa situation familiale qui, s’il devait être renvoyé, le priverait de la possibilité d’assumer ses obligations familiales et de continuer à entretenir des relations personnelles effectives avec sa famille proche, son épouse et ses deux enfants.

b. L’OCPM a conclu au rejet du recours. Il était loisible au recourant de solliciter de la France un permis frontalier État tiers pour activité indépendante en vue de poursuivre son activité. Même si cette demande de permis G devait échouer, il pourrait toujours vendre son entreprise suisse et réinvestir en France avec les fonds obtenus, respectivement vivre d’une activité lucrative indépendante en France.

c. Dans sa réplique, le recourant a indiqué avoir pris contact avec l’OCPM aux fins d’obtenir un permis frontalier. Il lui avait été répondu qu’en sa qualité de ressortissant d’un État tiers, la compétence du préavis relevait de l’office cantonal de l’inspection et des relations du travail, lequel devrait faire examiner son cas par la commission tripartite pour l’économie. Les chances d’obtenir un permis G paraissaient extrêmement minces au regard du métier qu’il exerçait. La vente de son entreprise, proposée par l’OCPM, n’était pas davantage envisageable, s’agissant du fruit de son labeur depuis quatre ans.

d. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

 

 

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a LPA).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé du refus de l’OCPM du 30 mars 2023 d’entrer en matière sur la demande d’autorisation de séjour du recourant pour cas de rigueur, traitée comme une demande de reconsidération.

2.1 L'objet du litige est principalement défini par l'objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu'elle ou il invoque. L'objet du litige correspond objectivement à l'objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible
(ATF 
136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/1301/2020 du 15 décembre 2020 consid. 2b). La contestation ne peut excéder l'objet de la décision attaquée, c'est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l'autorité inférieure s'est prononcée ou aurait dû se prononcer. L'objet d'une procédure administrative ne peut donc pas s'étendre ou qualitativement se modifier au fil des instances, mais peut tout au plus se réduire dans la mesure où certains éléments de la décision attaquée ne sont plus contestés. Ainsi, si une recourante ou un recourant est libre de contester tout ou partie de la décision attaquée, elle ou il ne peut pas prendre, dans son mémoire de recours, des conclusions qui sortent du cadre des questions traitées dans la procédure antérieure (ATA/1301/2020 précité consid. 2b).

Ainsi, l'autorité de recours n'examine pas les prétentions et les griefs qui n'ont pas fait l'objet du prononcé de l'instance inférieure, sous peine de détourner sa mission de contrôle, de violer la compétence fonctionnelle de cette autorité-ci, d'enfreindre le principe de l'épuisement des voies de droit préalables et, en définitive, de priver les parties d'un degré de juridiction (ATA/1390/2021 du 21 décembre 2021
consid. 2a et les références citées).

2.2 Les conclusions du recourant tendant à l’octroi d’une autorisation de séjour sont exorbitantes au présent litige. Celui-ci concerne en effet uniquement la question du refus d’entrer en matière sur la demande de reconsidération de la décision du 27 février 2023.

3.             3.1 L'autorité administrative qui a pris une décision entrée en force n'est obligée de la reconsidérer que si sont réalisées les conditions de l'art. 48 al. 1 LPA. Une telle obligation existe lorsque la décision dont la reconsidération est demandée a été prise sous l'influence d'un crime ou d'un délit (art. 80 let. a LPA) ou que des faits ou des moyens de preuve nouveaux et importants existent, que le recourant ne pouvait connaître ou invoquer dans la procédure précédente (art. 80 let. b LPA ; faits nouveaux « anciens » ; ATA/539/2020 du 29 mai 2020 consid. 5b).

Une telle obligation existe également lorsque la situation du destinataire de la décision s'est notablement modifiée depuis la première décision (art. 48 al. 1 let. b LPA). Il faut entendre par là des faits nouveaux « nouveaux » ou novae véritables, c'est-à-dire survenus après la prise de la décision litigieuse, qui modifient de manière importante l'état de fait ou les bases juridiques sur lesquels l'autorité a fondé sa décision, justifiant par là sa remise en cause (ATA/1620/2019 du 5 novembre 2019 consid. 3a ; ATA/159/2018 du 20 février 2018 consid. 3a). Pour qu'une telle condition soit réalisée, il faut que survienne une modification importante de l'état de fait ou des bases juridiques, ayant pour conséquence, malgré l'autorité de la chose jugée rattachée à la décision en force, que cette dernière doit être remise en question (ATA/539/2020 précité consid. 4b ; ATA/1244/2019 du 13 août 2019 consid. 5 ; ATA/830/2016 du 4 octobre 2016 consid. 2a).

Bien que l'écoulement du temps et la poursuite d'une intégration socioprofessionnelle constituent des modifications des circonstances, ces éléments ne peuvent pas être qualifiés de notables au sens de l'art. 48 al. 1 let. b LPA lorsqu'ils résultent uniquement du fait que l'étranger ne s'est pas conformé à une décision initiale malgré son entrée en force (ATA/539/2020 précité consid. 4b ; ATA/1244/2019 précité consid. 5b).

3.2 Une demande de reconsidération ne doit pas permettre de remettre continuellement en cause des décisions entrées en force et d'éluder les dispositions légales sur les délais de recours (ATF 136 II 177 consid. 2.1 [arrêt du Tribunal fédéral 2C_883/2018 du 21 mars 2019 consid. 4.3] ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, n. 1417). C'est pourquoi, en principe, l'administré n'a aucun droit à ce que l'autorité entre en matière sur sa demande de reconsidération, sauf si une telle obligation de l'autorité est prévue par la loi ou si les conditions particulières posées par la jurisprudence sont réalisées
(ATF 120 Ib 42 consid. 2b ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 1417).

3.3 Saisie d'une demande de reconsidération, l'autorité examine préalablement si les conditions de l'art. 48 LPA sont réalisées. Si tel n'est pas le cas, elle rend une décision de refus d'entrer en matière qui peut faire l'objet d'un recours dont le seul objet est de contrôler la bonne application de cette disposition
(ATF 117 V 8 consid. 2 ; 109 Ib 246 consid 4a). Si lesdites conditions sont réalisées, ou si l'autorité entre en matière volontairement sans y être tenue, et rend une nouvelle décision identique à la première sans avoir réexaminé le fond de l'affaire, le recours ne pourra en principe pas porter sur ce dernier aspect. Si la décision rejette la demande de reconsidération après instruction, il s'agira alors d'une nouvelle décision sur le fond, susceptible de recours. Dans cette hypothèse, le litige a pour objet la décision sur réexamen et non la décision initiale (arrêts du Tribunal fédéral 2C_319/2015 du 10 septembre 2015 consid. 3 ; 2C_406/2013 du 23 septembre 2013 consid. 4.1).

3.4 L'autorité administrative n'est ainsi tenue d'entrer en matière sur une nouvelle demande que lorsque les circonstances ont subi des modifications notables ou lorsqu'il existe un cas de révision, c'est-à-dire lorsque l'étranger se prévaut de faits importants ou de preuves dont il n'avait pas connaissance dans la procédure précédente, qu'il lui aurait été impossible d'invoquer dans cette procédure pour des motifs juridiques ou pratiques ou encore qu'il n'avait alors pas de raison d'alléguer (ATF 136 II 177 consid. 2.1 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_556/2018 du 14 novembre 2018 consid. 3 et les références citées).

3.5 En droit des étrangers, le résultat est identique que l'on parle de demande de réexamen ou de nouvelle demande d'autorisation : l'autorité administrative, laquelle se base sur l'état de fait actuel, qui traiterait une requête comme une nouvelle demande, n'octroiera pas une autorisation de séjour dans un cas où elle l'a refusée auparavant si la situation n'a pas changé ; et si la situation a changé, les conditions posées au réexamen seront en principe remplies (arrêt du Tribunal fédéral 2C_715/2011 du 2 mai 2012 consid. 4.2 ; ATA/1620/2019 précité consid. 3e ; ATA/1244/2019 précité consid. 5b).

4.             4.1 Après dissolution de la famille, le droit du conjoint à la prolongation de la durée de validité de son autorisation de séjour subsiste notamment si la poursuite de celui‑ci s’impose pour des raisons personnelles majeures (art. 50 al. 1 let. b LEI).

4.2 Il est possible de déroger aux conditions d’admission en Suisse dans le but de tenir compte des cas d’extrême gravité (art. 30 al. 1 let. b LEI).

4.3 En cas de demandes d'autorisation de séjour pour cas de rigueur, déposées après une décision prise selon l'art. 50 LEI, il convient de tenir compte des éléments suivants.

Selon une jurisprudence constante, au moment de la prise de décision selon l'art. 50 LEI, les critères retenus pour un « cas de rigueur » au sens de l'art. 30 LEI sont en principe pris en compte dans l'examen des raisons personnelles majeures au sens de l'art. 50 LEI (ATF 143 I 21 consid. 4.2.1). Par contre, plus on s'éloigne des circonstances ayant entouré la dissolution de l'union conjugale, plus le lien nécessaire relatif au mariage dissous (« erforderliche Bezug zur aufgelösten Ehe », ATF 138 II 393 consid. 3.1 ; 137 II 345 consid. 3.2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_467/2012 du 25 janvier 2013 consid. 2.2) fera défaut, moins le cas de rigueur au sens de l'art. 30 LEI, susceptible d'être invoqué par une personne au vu d'une situation personnelle difficile, sera compris dans les raisons personnelles majeures au sens de l'art. 50 LEI, vu que le « cas de rigueur » de ce dernier article doit se trouver dans une connexité temporelle et matérielle étroite avec la situation résultant directement d'une dissolution de l'union conjugale (ATAF 2017 VII/7 consid. 5.5 ; arrêt du Tribunal administratif fédéral (ci-après : TAF) F-811/2017 du 20 août 2018 consid. 4.2 ; ATA/796/2020 du 25 août 2020 ; ATA/490/2020 du 19 mai 2020 consid. 8a).

En d'autres termes, une demande de « cas de rigueur » suite à une décision au sens de l'art. 50 LEI devra uniquement être considérée comme une demande de réexamen de la décision de non-approbation à la prolongation de l'autorisation de séjour selon l'art. 50 LEI, si les motifs se trouvent dans un « Zusammenhang », soit dans une relation étroite (temporelle et matérielle) avec la situation résultant de la dissolution de l'union conjugale de la personne concernée (arrêt du Tribunal administratif fédéral [ci-après : TAF] ATAF 2017 VII/7 consid. 5.5.3).

Si, au contraire, les motifs invoqués par l'intéressé pour justifier un cas individuel d'extrême gravité ne devaient avoir aucune connexité avec son union conjugale, respectivement avec la situation dans laquelle il s'était retrouvé suite à la dissolution de son union conjugale, on ne saurait considérer que sa demande d'autorisation de séjour fondée sur un « cas de rigueur » puisse être considérée comme une demande de réexamen d'une décision au sens de l'art. 50 LEI, mais bien plutôt comme une demande au sens de l'art. 30 LEI, et dont l'examen devra être laissé à la libre appréciation des autorités compétentes (arrêt du TAF ATAF 2017 VII/7
consid. 5.5.5).

Le TAF a ainsi jugé que, dans le cas d'une demande d'autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité déposée peu de temps après le refus d'une prolongation de l'autorisation de séjour suite à la dissolution du mariage selon l'art. 50 LEI, le SEM, lorsqu'il était saisi par le canton, devrait déterminer si ce dernier avait considéré à juste titre que les éléments invoqués à l'appui de la demande se trouvaient dans un lien de causalité étroit avec la dissolution de l'union conjugale justifiant un examen sous l'angle du réexamen (ici, l'autorité sera amenée à examiner un droit de l'intéressé à une autorisation de séjour) ou alors si les motifs invoqués n’avaient aucun lien de connexité avec la dissolution de l'union conjugale, étaient donc autonomes et justifiaient un examen de la demande sous l'angle du cas individuel d'une extrême gravité selon l'art. 30 LEI, c'est-à-dire s'il se trouvait dans une procédure d'approbation (arrêt du TAF ATAF 2017 VII/7 consid. 5.6).

4.4 L’écoulement du temps et la poursuite d'une intégration socioprofessionnelle ne peuvent être qualifiés d'éléments notables au sens de l'art. 48 al. 1 let. b LPA lorsqu'ils résultent uniquement du fait que l'étranger ne s'est pas conformé à une décision initiale malgré son entrée en force (ATA/318/2023 du 28 mars 2023 consid. 4.6 ; ATA/1171/2022 du 22 novembre 2022 consid. 3.1.1 et les références citées).

5.             5.1 En l’espèce, la décision de refus d'octroyer au recourant une autorisation de séjour en Suisse, rendue le 7 mars 2022, est devenue définitive en l’absence de recours.

Les griefs du recourant à l’encontre de cette première décision, notamment quant à une motivation qu’il estime insuffisante, sont irrecevables, la décision étant définitive et exécutoire.

Dans cette décision, l’OCPM avait retenu que l’union conjugale avait duré du 23 janvier 2017 au 6 avril 2017, date du départ de son épouse pour l’Espagne. Les conditions de l’art. 50 al. 1 let. a LEI étant cumulatives, il n’y avait pas lieu d’examiner plus en détail le degré d’intégration du recourant qui, « à première vue », n’était pas réussie, compte tenu de ses condamnations pénales. La poursuite de son séjour en Suisse ne s’imposait pas pour des raisons personnelles majeures au sens de l’art. 50 al. 1 let. b LEI, étant précisé qu’il n’avait pas démontré y séjourner de manière continue depuis 2013 jusqu’à la décision, qu’il n’existait aucun obstacle objectif à son retour au Kosovo et qu’il pouvait également compter sur l’appui des membres de sa famille restée au Kosovo avec qui il avait conservé des attaches comme l’attestaient ses nombreuses demandes de visas de retour. « Il était permis de penser » que son mariage avait été conclu dans le seul but d’éluder les prescriptions générales sur l’admission et le séjour des étrangers. De fausses fiches de salaire avaient été produites dans le but d’obtenir indûment une autorisation de séjour au titre de regroupement familial, ce qui avait eu pour résultat la délivrance de l’autorisation de séjour sollicitée. Ainsi, quand bien même le recourant remplirait une condition de l’art. 50 LEI, son droit à la poursuite du séjour s’éteindrait en vertu de l’art. 51 al. 2 let. a LEI, à teneur duquel les droits prévus à l’art. 50 s’éteignent lorsqu’ils sont invoqués abusivement, notamment pour éluder les dispositions de la LEI ou ses dispositions d’exécution.

Dans sa partie en fait, la décision du 7 mars 2022 mentionnait que les fiches de salaire produites par sa première épouse afin de démontrer que celle-ci avait la qualité de salariée au sens de l'art. 6 Annexe I de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse d'une part, et la Communauté européenne et ses États membres, d'autre part, sur la libre circulation des personnes (ALCP - RS 0.142.112.681) et ainsi faire bénéficier son mari du droit au regroupement familial étaient des faux. L’intéressée avait par ailleurs quitté la Suisse le 5 avril 2017. Lors d’une seconde audition par la police, le 1er mai 2021, le recourant avait déclaré être séparé de son épouse depuis « un moment » et avoir une « copine », B______, avec qui il avait eu un fils, C______, né en 2020. Lors de cette audition, une perquisition avait eu lieu à son domicile à Versoix et des photos développées en juin 2018 de son mariage traditionnel avec la précitée avaient été saisies. Il avait déclaré travailler comme gérant et coffreur auprès de la société E______ pour un salaire mensuel de CHF 7'600.-, n’avoir jamais émargé à l'aide sociale ni fait l'objet de poursuites ou d'actes de défaut de biens. Il avait cependant été condamné les 12 novembre 2020 (amende de CHF 500.- pour voies de fait) et 11 mai 2016 par le Ministère public du canton de Genève (peine pécuniaire de 60 jours amende pour séjour illégal et activité lucrative sans autorisation) et faisait l’objet d’une procédure pénale P/1______/2021 notamment pour faux dans les titres et comportement frauduleux à l'égard des autorités. Il n'avait pas démontré avoir acquis le niveau oral Al en français. Son frère était titulaire d'une autorisation d'établissement en Suisse alors que sa concubine et leur fils y vivaient dépourvus d'une autorisation de séjour. Ses parents et sa sœur vivaient au Kosovo, pays avec lequel il avait gardé des attaches au vu notamment des visas de retour sollicités en février 2015, mars 2017, décembre 2020, janvier et novembre 2021. Son état de santé était bon, en l'absence d'allégations et de preuves contraires.

5.2 La demande du recourant du 27 février 2023 se fonde sur la durée de son séjour en Suisse, son autonomie financière, la reprise d’une activité professionnelle et la présence en Suisse de la plupart des membres de sa famille.

D’une part, tous ces éléments étaient déjà réalisés lors de la décision initiale du 7 mars 2022. Le recourant était déjà marié traditionnellement avec la mère de son fils aîné. Le mariage civil intervenu le 2 juillet 2022 n’est dès lors pas un élément nouveau important. De même, la création de son entreprise date d’avant le prononcé de la première décision. Cet élément a donc déjà été pris en compte par l’autorité intimée. D’autre part, conformément à la jurisprudence précitée, l’écoulement du temps et la poursuite d'une intégration socio-professionnelle ne peuvent être qualifiés d'éléments notables au sens de l'art. 48 al. 1 let. b LPA lorsqu'ils résultent uniquement du fait que l'étranger ne s'est pas conformé à une décision initiale malgré son entrée en force. Ainsi, le recourant ne peut se prévaloir du développement de son entreprise depuis la décision de renvoi des autorités helvétiques, l’attitude de l’intéressé témoignant tout au contraire d’un irrespect de l’ordre juridique suisse.

De surcroît, depuis le moment où l’OCPM a statué sur l’existence de raisons personnelles majeures au sens de l’art. 50 LEI, soit par décision du 7 février 2022, et le moment où il a rendu la décision du 30 mars 2023, suite à la demande fondée sur l’art. 30 LEI, seule une année s’est écoulée. Les motifs invoqués dans la demande de « cas de rigueur » se trouvent ainsi dans une relation étroite (temporelle et matérielle) avec la situation résultant de la dissolution de l'union conjugale de la personne concernée.

Enfin, le renvoi du recourant dans son pays d’origine ne le prive pas de la possibilité d’assumer ses obligations familiales, dès lors qu’il appartiendra à la famille de décider si elle souhaite s’établir au Kosovo, ou solliciter des autorisations idoines en France pour le recourant.

C'est par conséquent à bon droit que l'OCPM n'a pas examiné la demande du
27 février 2023 comme une demande d'autorisation de séjour pour cas individuel d'extrême gravité et l’a traitée comme une demande de réexamen d'une décision au sens de l'art. 50 LEI, étant par ailleurs rappelé que les fiches de salaire produites pour l’obtention de son autorisation de séjour au titre de regroupement familial étaient des faux.

Au vu de ce qui précède, le recours sera rejeté.

6.             Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 550.- sera mis à la charge du recourant, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 14 août 2023 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 13 juin 2023 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 550.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que les éventuelles voies de recours contre le présent arrêt, les délais et conditions de recevabilité qui leur sont applicables, figurent dans la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), dont un extrait est reproduit ci-après. Le mémoire de recours doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. de Lausanne 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à FIRST-CONSULTING.CH Sàrl, mandataire du recourant, à l'office cantonal de la population et des migrations, au Tribunal administratif de première instance ainsi qu'au secrétariat d'État aux migrations.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Christian COQUOZ, juges.

 

 

 

 

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :

 

 

 

 


 

Extraits de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110)
consultable sur le site: http://www.admin.ch/ch/f/rs/c173_110.html

Recours en matière de droit public
(art. 82 et ss LTF)

Recours constitutionnel subsidiaire
(art. 113 et ss LTF)

Art. 82 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours :

a. contre les décisions rendues dans des causes de droit public ;

Art. 83 Exceptions

Le recours est irrecevable contre :

c. les décisions en matière de droit des étrangers qui concernent :

1. l’entrée en Suisse,

2. une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit,

3. l’admission provisoire,

4. l’expulsion fondée sur l’art. 121, al. 2, de la Constitution ou le renvoi,

5. les dérogations aux conditions d’admission,

6. la prolongation d’une autorisation frontalière, le déplacement de la résidence dans un autre canton, le changement d’emploi du titulaire d’une autorisation frontalière et la délivrance de documents de voyage aux étrangers sans pièces de légitimation ;

d. les décisions en matière d’asile qui ont été rendues :

1. par le Tribunal administratif fédéral,

2. par une autorité cantonale précédente et dont l’objet porte sur une autorisation à laquelle ni le droit fédéral ni le droit international ne donnent droit ;

Art. 89 Qualité pour recourir

1 A qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire ;

b. est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué, et

c. a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification.

Art. 95 Droit suisse

Le recours peut être formé pour violation :

a. du droit fédéral ;

b. du droit international ;

c. de droits constitutionnels cantonaux ;

d. de dispositions cantonales sur le droit de vote des citoyens ainsi que sur les élections et votations populaires ;

e. du droit intercantonal.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

______________________________________________

Art. 113 Principe

Le Tribunal fédéral connaît des recours constitutionnels contre les décisions des autorités cantonales de dernière instance qui ne peuvent faire l’objet d’aucun recours selon les art. 72 à 89.

Art. 115 Qualité pour recourir

A qualité pour former un recours constitutionnel quiconque :

a. a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire et

b. a un intérêt juridique à l’annulation ou à la modification de la décision attaquée.

Art. 116 Motifs de recours

Le recours constitutionnel peut être formé pour violation des droits constitutionnels.

Art. 100 Recours contre une décision

1 Le recours contre une décision doit être déposé devant le Tribunal fédéral dans les 30 jours qui suivent la notification de l’expédition complète.

___________________________________________

 

Recours ordinaire simultané (art. 119 LTF)

1 Si une partie forme contre une décision un recours ordinaire et un recours constitutionnel, elle doit déposer les deux recours dans un seul mémoire.

2 Le Tribunal fédéral statue sur les deux recours dans la même procédure.

3 Il examine les griefs invoqués selon les dispositions applicables au type de recours concerné.