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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1718/2023

ATA/955/2023 du 05.09.2023 ( AIDSO ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : AIDE FINANCIÈRE;ASSISTANCE PUBLIQUE;PRESTATION D'ASSISTANCE;BÉNÉFICIAIRE DE PRESTATIONS D'ASSISTANCE;SUBSIDIARITÉ;PERCEPTION ABUSIVE DE PRESTATIONS DE L'AIDE SOCIALE;PERCEPTION DE PRESTATION;RESTITUTION(EN GÉNÉRAL)
Normes : Cst.12; LIASI.1.al1; LIASI.2; LIASI.8; LIASI.9; LIASI.13; LIASI.22; LRDU.4; LIASI.32.al1; LIASI.33.al1; LIASI.36; LIASI.42
Résumé : Recours contre une décision de restitution. L’Hospice général a calculé le droit aux prestations de la bénéficiaire en tenant compte de plusieurs montants versés sur le compte bancaire de son fils, mineur faisant partie du groupe familial. La décision litigieuse ne permet pas de confirmer le montant demandé en restitution. Décision annulée et dossier renvoyé à l'intimé.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1718/2023-AIDSO ATA/955/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 5 septembre 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

HOSPICE GÉNÉRAL intimé



EN FAIT

A. a. A______, née en 1975, célibataire, mère d’B______, né en 2004, a déposé une demande de prestations au centre d’action sociale (ci-après : CAS) du C______ au mois de septembre 2019. Elle a indiqué que ses ressources se limitaient aux allocations familiales et à la contribution d’entretien de CHF 1'000.- versée mensuellement par le père de son fils. Sous la rubrique « Fortune », « Mentionner tous les comptes bancaires / postaux / cartes de crédit (y compris enfant[s]), « actifs ou clôturés durant les 12 derniers mois (en Suisse ou à l’étranger) », elle a noté être titulaire du compte bancaire UBS n° 1______.

b. À partir du 1er octobre 2019, l’Hospice général (ci-après : l’hospice) a accordé à A______ des prestations d’aide financière.

c. Les 22 juin 2020 et 15 février 2021, la bénéficiaire a signé le document « Mon engagement en demandant une aide financière à l’Hospice général », lequel précise que l’engagement porte également sur la situation personnelle et économique de tous les membres du groupe familial, dont l’enfant à charge.

d. Le 15 février 2021, elle a rempli le formulaire de réévaluation et indiqué qu’il n’y avait eu aucun changement dans sa situation ou dans celle de son fils.

e. Le 26 juillet 2021, le CAS a fixé à CHF 2'026.75 le droit aux prestations d’aide financière de l’intéressée pour le mois d’août 2021, tenant compte d’un montant de CHF 1'407.35 à titre de ressources, incluant CHF 400.- d’allocations pour enfant, CHF 1'000.- de pension alimentaire et CHF 7.25 de taxe environnementale.

f. Le 16 août 2021, A______ a transmis au CAS le relevé de compte bancaire de son fils auprès de l’UBS n° 2______ pour le mois de juillet 2021, faisant état de plusieurs virements de « compte à compte » avec la mention « paiement à une carte » et de nombreux montants reçus par Twint pour un montant total de CHF 3'131.-, dont CHF 180.- versés par la bénéficiaire,
CHF 300.- par le père du mineur et CHF 2'651.- par des tiers.

g. Par courrier du 17 août 2021, le CAS a demandé à la bénéficiaire de lui faire parvenir les justificatifs des montants reçus par son fils sur son compte bancaire. À défaut, il serait contraint de les prendre en considération dans le calcul du droit aux prestations. Les justificatifs d’éventuelles « rentrées d’argent » du mineur pour le mois d’août 2021 devraient également être fournis.

h. Le 30 août 2021, A______ a indiqué à son assistante sociale que son fils avait perçu CHF 1'360.- durant le mois d’août 2021. Elle a transmis un justificatif pour un crédit de CHF 280.-.

i. Le jour même, le CAS a arrêté à CHF 946.75 le droit aux prestations d’aide financière de la bénéficiaire pour le mois de septembre 2021, en prenant en considération un « autre revenu » à hauteur de CHF 1'080.-, en sus des allocations pour enfant, de la pension alimentaire et de la taxe environnementale.

j. Le 16 septembre 2021, A______ a transmis au CAS le relevé du compte bancaire de son fils auprès de l’UBS pour le mois d’août 2021, dont il ressort plusieurs montants reçus par Twint pour un montant total de CHF 2'810.-, dont CHF 180.- versés par elle-même, CHF 150.- par le père de son fils et
CHF 2'480.- par des tiers.

Elle lui a également remis quatre tickets de caisse relatifs à l’achat de fournitures scolaires et de vêtements entre les 17 août et 11 septembre 2021 pour un total de CHF 474.30, des captures d’écran de messages envoyés par « D______ », mentionnant la vente d’une paire de chaussures de la marque « Balenciaga » le 8 août 2021 pour un montant de CHF 280.-, et par « E______ », attestant de l’achat d’une casquette « Palm angels » pour un prix de CHF 90.- le « 15 août », une « veste Fendi » pour CHF 700.- et une « casquette Balenciaga » pour
CHF 150.-. Elle a également communiqué une copie illisible de deux autres pièces.

k. Par courrier du 5 octobre 2021 intitulé « avertissement », le CAS a imparti à A______ un délai au 31 octobre 2021 pour lui transmettre les relevés du compte de carte de son fils depuis le 1er octobre 2019, les attestations écrites et signées par les tiers ayant versé de l’argent à son fils durant les mois de juillet et août 2021 avec indication des raisons et une copie de leurs pièces d’identité, les quittances des achats effectués par son fils au moyen des montants perçus en juillet et août 2021. À défaut, son droit aux prestations serait réévalué rétroactivement, en tenant compte de l’intégralité des montants perçus sans justification par son fils en tant que revenus.

l. La bénéficiaire a transmis les relevés bancaires déjà en possession du CAS, avec des annotations manuscrites.

B. a. Par décision du 10 mars 2022, le CAS a demandé la restitution de CHF 3'771.- au titre de prestations indûment perçues. L’hospice aurait dû calculer le droit aux prestations de la bénéficiaire en tenant compte de la somme de CHF 4'851.- correspondant aux crédits non justifiés reçus par le mineur durant les mois de juillet et août 2021, alors que seul un montant de CHF 1'080.- avait été pris en considération. Il requérait donc la restitution de la différence.

b. Le 28 mars 2022, A______ a formé opposition contre cette décision. Les sommes perçues par son fils résultaient de la vente de vêtements de marque devenus trop grands suite à une importante perte de poids. Ces habits avaient été offerts par son père qui n’avait pas eu les moyens de lui en acheter des neufs à cause de la pandémie, son restaurant ayant dû rester fermé longtemps. Le produit de ces reventes avait été utilisé par son fils pour ses propres besoins sans qu’elle n’en touche le moindre centime et elle ignorait alors qu’il n’avait pas le droit de recevoir de l’argent sur son compte. Elle avait effectué certains virements à son fils à titre d’avance de l’argent de poche en principe versé par le père, alors en voyage, étant précisé que c’était également lui qui donnait de l’argent à son fils pour manger à midi et que ce dernier l’avait par la suite remboursée en mains propres. Son assistante sociale n’avait pas tenu compte de tous les justificatifs produits et de ses explications, et avait procédé sans l’avertir à des retenues importantes sur ses prestations mensuelles, ce qui avait précarisé sa situation.

Elle a joint des relevés bancaires annotés de son fils pour la période de juillet à septembre 2021, de même que copie des tickets de caisse déjà produits en septembre 2021 relatifs aux achats pour un montant total de CHF 474.30.

c. Par décision du 21 avril 2023, l’hospice a partiellement admis l’opposition de A______ et réduit à CHF 3'096.70 le montant réclamé. Les sommes créditées sur le compte du mineur, dont l’origine et le motif n’étaient pas justifiés par pièce, devaient être comptabilisées rétroactivement dans les ressources du groupe familial. L’assistante sociale en charge du dossier avait demandé à plusieurs reprises des explications et justificatifs sur les transactions enregistrées sur le compte du mineur et avait averti l’intéressée que ses prestations de septembre 2021 seraient calculées en tenant compte des ressources de son fils, sous déduction des montants justifiés. Concernant le mois de juillet 2021, il convenait de déduire des CHF 3'131.- crédités sur le compte de son fils CHF 180.- qu’elle lui avait versés, CHF 300.- reçus de son père et CHF 200.- correspondant à des remboursements de frais de repas (« 4 x CHF 50.- » le 17 juillet 2021). Les ressources à comptabiliser s’élevaient ainsi à CHF 2'451.-. Pour le mois d’août 2021, devaient être déduits des crédits reçus à hauteur de CHF 2'810.-, CHF 180.- reçus de la bénéficiaire, CHF 150.- versés par le père du mineur, CHF 1'080.- déjà comptabilisés, CHF 280.- pour la vente de baskets selon un message « WhatsApp » et le relevé de compte, et la somme de CHF 474.30 justifiée par des tickets de caisse. Le solde devait être pris en considération et s’élevait à CHF 645.70.

C. a. Par acte du 19 mai 2023, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) contre la décision précitée, qui omettait de mentionner que l’hospice avait déduit les montants de CHF 1'000.- et CHF 1'500.- de ses prestations du mois d’octobre 2021, respectivement de décembre 2021, soit un total de CHF 2'500.-. Elle a confirmé que son fils avait vendu ses habits coûteux trop grands pour s’en acheter de nouveaux, qu’elle n’avait ainsi pas du tout bénéficié de cet argent reçu et que sa situation financière n’avait pas changé, puisque les montants en question faisaient toujours partie de l’entretien de son fils, financé par le père de ce dernier. Elle avait fourni toutes les explications et pièces à sa conseillère au CAS.

b. L’intimé a conclu au rejet du recours. Il était fondé à prendre en compte, dans le calcul du revenu déterminant, les ressources du fils de la recourante, en particulier les montants crédités sur son compte bancaire. Il avait pris en considération les justifications de la recourante, en déduisant CHF 680.- pour juillet 2021 et CHF 1'084.30 pour août 2021. Il était tenu de considérer les autres crédits non justifiés comme des ressources à comptabiliser dans le calcul des prestations de la famille. Il contestait avoir procédé à des déductions sur les prestations de la recourante des mois d'octobre et décembre 2021 afin de rembourser partiellement la dette litigieuse. Pour le surplus, ce grief se rapportait aux prestations versées à la recourante pour les deux mois en question et sortait partant du cadre de l’objet du recours.

c. Copie de cette écriture a été transmise à la recourante, avec un délai au
25 juillet 2023 pour répliquer.

d. Dans le délai imparti, la recourante a communiqué un bordereau de pièces comprenant des documents relatifs à l’achat d’un billet d’avion pour EUR 435.- avec des remarques manuscrites de l’intéressée selon lesquelles son fils s’était fâché avec son père, voulu rentrer plus tôt de vacances et vendu des baskets à CHF 500.- pour acheter ce billet d’avion, les relevés bancaires de son fils pour les mois de juin à octobre 2021, avec ses commentaires, et une décision de l’intimé du 4 juillet 2023 concernant son droit aux prestations pour les mois de septembre, octobre et novembre 2021.

e. Les parties ont été informées, le 25 juillet 2023, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             2.1 L’objet du litige est principalement défini par l’objet du recours (ou objet de la contestation), les conclusions du recourant et, accessoirement, par les griefs ou motifs qu’il invoque. Il correspond objectivement à l’objet de la décision attaquée, qui délimite son cadre matériel admissible (ATF 136 V 362 consid. 3.4 et 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_581/2010 du 28 mars 2011 consid. 1.5 ; ATA/504/2023 du 16 mai 2023 consid. 3.2 et les arrêts cités). La contestation ne peut excéder l’objet de la décision attaquée, c’est-à-dire les prétentions ou les rapports juridiques sur lesquels l’autorité inférieure s’est prononcée ou aurait dû se prononcer (ATA/504/2023 précité consid. 3.2 et l'arrêt cité).

2.2 En l’occurrence, le recours porte sur le bien-fondé de la décision du
21 avril 2023, par laquelle l’intimé a requis la restitution d’un montant de CHF 3'096.70 à titre de prestations indûment perçues.

Les griefs de la recourante quant aux prétendues déductions opérées postérieurement par l’intimé excèdent donc l’objet du litige.

3.             Dans un premier grief, la recourante se plaint implicitement d’une violation de son droit d’être entendue et d’une motivation insuffisante de la décision entreprise, faisant valoir que les justificatifs produits n’auraient pas été correctement cités et examinés. Elle en déduisait que l’intimé n’aurait pas reçu les informations et documents nécessaires pour statuer.

3.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend, notamment pour l’autorité l’obligation de motiver sa décision. Il suffit toutefois que l’autorité mentionne, au moins brièvement, les motifs qui l’ont guidée et sur lesquels elle a fondé sa décision, de manière à ce que l’intéressé puisse se rendre compte de la portée de celle-ci et l’attaquer en connaissance de cause. L’autorité n’a pas l’obligation d’exposer et de discuter tous les faits, moyens de preuve et griefs invoqués par les parties, mais elle peut au contraire se limiter à ceux qui lui paraissent pertinents (ATF 138 I 232 consid. 5.1 ; 137 II 266 consid. 3.2 ; 136 I 229 consid. 5.2). La motivation peut pour le reste être implicite et résulter des différents considérants de la décision (arrêts du Tribunal fédéral 6B_970/2013 du 24 juin 2014 consid. 3.1 et 6B_1193/2013 du 11 février 2014 consid. 1.2). Savoir si la motivation présentée est convaincante est une question distincte de celle du droit à une décision motivée. Dès lors que l’on peut discerner les motifs qui ont guidé la décision, le droit à une décision motivée est respecté, même si la motivation présentée est erronée (arrêt du Tribunal fédéral 4A.25/2007 du 25 mai 2007 consid. 3 ; ATA/1235/2018 du 20 novembre 2018 consid. 6a).

3.2 En l’espèce, la décision litigieuse contient un exposé détaillé des faits, avec un rappel chronologique des demandes d’information formulées par l’intimé et des pièces et explications fournies par la recourante. Il contient également des tableaux récapitulatifs du calcul des prestations, avec la mention « autre revenu » pris en considération à titre de ressources, ce qui permet de comprendre quels justificatifs ont été admis. Cette décision se réfère par ailleurs aux dispositions légales pertinentes pour réclamer la restitution de CHF 3'096.70. Elle est donc suffisamment motivée.

Pour le surplus, l’intimé n’était pas contraint de se déterminer sur chaque allégué de la recourante, en particulier sur les annotations apposées sur les relevés bancaires de son fils.

Par conséquent, ce grief est rejeté.

4.             4.1 Aux termes de l’art 12 Cst., quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. L’art. 39 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) contient une garantie similaire.

Ce droit à des conditions minimales d’existence fonde une prétention des justiciables à des prestations positives de l’État. Il ne garantit toutefois pas un revenu minimum, mais uniquement la couverture des besoins élémentaires pour survivre d’une manière conforme aux exigences de la dignité humaine, tels que la nourriture, le logement, l’habillement et les soins médicaux de base. L’art. 12 Cst. se limite, autrement dit, à ce qui est nécessaire pour assurer une survie décente afin de ne pas être abandonné à la rue et réduit à la mendicité (ATF 142 I 1 consid. 7.2.1; ATF 136 I 254 consid. 4.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 2D_9/2013 du 16 mai 2013 consid. 5.1 ; ATA/663/2023 du 20 juin 2023 consid. 3.1).

4.2 En droit genevois, la loi sur l’insertion et l’aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04) et son règlement d’exécution du 25 juillet 2007
(RIASI - J 4 04.01) mettent en œuvre ce principe constitutionnel.

Selon l’art. 1 al. 1 LIASI, cette loi a pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI).

L’art. 2 LIASI précise que les prestations de l’aide sociale individuelle sont l’accompagnement social, des prestations financières et l’insertion professionnelle.

Selon l’art. 8 LIASI, la personne majeure qui n’est pas en mesure de subvenir à son entretien ou à celui des membres de la famille dont il a la charge a droit à des prestations d’aide financière (al. 1). Ces prestations ne sont pas remboursables, sous réserve des art. 12 al. 2 et 36 à 41 (al. 2).

Conformément à l’art. 9 LIASI, les prestations d’aide financière versées en vertu de la LIASI sont subsidiaires à toute autre source de revenu, aux prestations découlant du droit de la famille ou de la loi fédérale sur le partenariat enregistré entre personnes du même sexe du 18 juin 2004 (LPart - RS 211.231), ainsi qu’à toute autre prestation à laquelle le bénéficiaire et les membres du groupe familial ont droit, en particulier aux prestations d’assurances sociales fédérales et cantonales, et aux prestations communales, à l’exception des prestations occasionnelles (al. 1). Le bénéficiaire et les membres du groupe familial doivent faire valoir sans délai leurs droits auxquels l’aide financière est subsidiaire et doivent mettre tout en œuvre pour améliorer leur situation sociale et financière
(al. 2).

L’art. 13 LIASI prévoit que les prestations d’aide financière sont accordées au demandeur et au groupe familial dont il fait partie (al. 1). Le groupe familial est composé du demandeur, de son conjoint, concubin ou partenaire enregistré vivant en ménage commun avec lui, et de leurs enfants à charge (al. 2). Les enfants à charge sont les enfants mineurs ainsi que les enfants majeurs jusqu’à l’âge de 25 ans révolus pour autant qu’ils soient en formation ou suivent des études régulières et qu’ils fassent ménage commun avec le demandeur. Les enfants qui sont momentanément absents du domicile du demandeur pour raisons d’études ou de formation, sont considérés comme faisant ménage commun avec celui-ci (al. 3).

Selon l’art. 22 LIASI, sont pris en compte les revenus et les déductions sur le revenu prévus aux art. 4 et 5 de la loi sur le revenu déterminant unifié du 19 mai 2005 (LRDU - J 4 06), sous réserve des exceptions figurant aux al. 2 et 3 (al. 1). Ne sont pas pris en compte à titre de revenus, mais à titre de fortune, les revenus uniques en capital visés sous les lettres f, i, j, k, q et r de l’art. 4 LRDU (al. 5). Sont assimilées aux ressources de l’intéressé celles des membres du groupe familial (al. 6).

4.2.1 À teneur de l’art. 4 al. 1 LRDU, le socle du revenu déterminant unifié comprend l’ensemble des revenus, notamment : le gain en capital réalisé lors de l'aliénation d'éléments de la fortune privée au sens de l'art. 27 let. j LIPP (let. q).

L’art. 4 LRDU contient une longue liste des éléments qui doivent, notamment, être retenus à titre de revenu. Pour l’essentiel, cette liste se fonde sur la définition du revenu, telle qu’elle ressort de la législation fiscale. Le but du législateur était d’ailleurs de prendre en compte « tous les revenus, prestations et avantages qu’ils soient uniques ou périodiques, en espèces ou en nature » (Projet de loi du Conseil d’État sur le revenu déterminant le droit aux prestations sociales cantonales, p. 18 ; ci-après : PL 9'135). L’art. 4 LRDU n’est pas exhaustif (ATA/669/2010 du
29 septembre 2010 consid. 4a).

Selon l’art. 6 LRDU, le socle du revenu déterminant unifié comprend notamment les éléments de fortune immobilière et mobilière suivants : l’argent comptant, les dépôts dans les banques, les soldes de comptes courants ou tous titres représentant la possession d’une somme d’argent (let. c) ; tout autre élément de fortune, à l’exclusion des meubles meublants et du capital versé à titre d’épargne à une institution de prévoyance (let. g).

4.2.2 Selon les normes de la Conférence suisse des institutions d’action sociale (ci‑après : CSIAS, état dès le 1er janvier 2021), toutes les ressources financières sont prises en compte dans le calcul des prestations financières de l’aide sociale. Les ressources financières des personnes mineures sont à prendre en compte seulement jusqu’à hauteur de la part qui leur est imputable dans le budget du ménage (Normes CSIAS D1).

4.2.3 Selon le principe de subsidiarité qui régit le domaine de l’aide sociale en Suisse, celle-ci n’intervient que si la personne ne peut subvenir elle-même à ses besoins et si toutes les autres sources d’aide disponibles ne peuvent être obtenues à temps et dans une mesure suffisante. Il n’y a ainsi pas de droit d’option entre les sources d’aide prioritaires. En particulier, l’aide sociale est subsidiaire par rapport aux prestations légales de tiers ainsi que par rapport aux prestations volontaires de tiers. Toutefois, seules les prestations effectivement fournies par des tiers sont prises en compte et il n’est donc en principe pas admissible de tenir compte d’un revenu hypothétique dans le calcul des conditions minimales d’existence (arrêt du Tribunal fédéral 8C_56/2012 du 11 décembre 2012 consid. 3.1 et les références).

La personne dans le besoin doit avoir épuisé les possibilités d’auto-prise en charge, les engagements de tiers et les prestations volontaires de tiers. L’aide est subsidiaire, de manière absolue, à toute autre ressource, mais elle est aussi subsidiaire à tout revenu que le bénéficiaire pourrait acquérir par son insertion sociale ou professionnelle (ATA/663/2023 du 20 juin 2023 consid. 3.4 et les références).

4.3 Selon l’art. 32 al. 1 LIASI, le demandeur ou son représentant légal doit fournir gratuitement tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière.

L’art. 33 al. 1 LIASI prévoit en outre que le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l’hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression.

Sous le titre « Prestations perçues indûment », l’art. 36 LIASI dispose qu’est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1). Par décision écrite, l’hospice réclame au bénéficiaire, à sa succession ou à ses héritiers qui l’ont acceptée, le remboursement de toute prestation d’aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2). Le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n’est pas de bonne foi (al. 3). L’action en restitution se prescrit par cinq ans, à partir du jour où l’hospice a eu connaissance du fait qui ouvre le droit au remboursement. Le droit au remboursement s’éteint au plus tard dix ans après la survenance du fait (al. 5).

Conformément à l’art. 42 LIASI, le bénéficiaire de bonne foi n’est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis de ce fait dans une situation difficile (al. 1). Dans ce cas, il doit formuler par écrit une demande de remise dans un délai de 30 jours dès la notification de la demande de remboursement. Cette demande de remise est adressée à l’Hospice général (al. 2).

4.3.1 La LIASI impose un devoir de collaboration et de renseignement (ATA/663/2023 du 20 juin 2023 consid. 3.4 ; ATA/768/2015 du 28 juillet 2015 consid. 7a).

Le document intitulé « mon engagement en demandant une aide financière à l’hospice » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu’il donne immédiatement et spontanément à l’hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l’établissement de sa situation économique (ATA/195/2021 du 12 juillet 2022 consid. 4a ; ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3a).

De jurisprudence constante, toute prestation obtenue en violation de l’obligation de renseigner l’hospice est une prestation perçue indûment (ATA/15/2023 du 10 janvier 2023 consid. 2g ; ATA/850/2022 du 23 août 2022 consid. 5b ; ATA/918/2019 du 21 mai 2019 consid. 2).

Celui qui a encaissé des prestations pécuniaires obtenues en violation de son obligation de renseigner est tenu de les rembourser selon les modalités prévues par la LIASI qui concrétisent tant le principe général de la répétition de l’enrichissement illégitime que celui de la révocation, avec effet rétroactif, d’une décision administrative mal fondée, tout en tempérant l’obligation de rembourser en fonction de la faute et de la bonne ou mauvaise foi du bénéficiaire (ATA/93/2020 précité consid. 3c et les références citées).

Les bénéficiaires des prestations d’assistance sont tenus de se conformer au principe de la bonne foi dans leurs relations avec l’administration, notamment en ce qui concerne l’obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d’abus de droit. Si le bénéficiaire n’agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu’il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps. Violer le devoir de renseigner est contraire à la bonne foi (ATA/93/2020 précité consid. 3c). Il convient toutefois d’apprécier, au cas par cas, chaque situation pour déterminer si l’entier des prestations, ou seulement une partie de celles-ci, a été perçu indûment et peut faire l’objet d’une demande de remboursement (ATA/947/2018 du 18 septembre 2018 consid. 3d).

4.3.2 De jurisprudence constante, les conditions de la bonne foi et de la condition financière difficile sont cumulatives (ATA/1231/2022 du 6 décembre 2022 consid. 4g ; ATA/93/2020 précité consid. 4b et les références citées).

La condition de la bonne foi doit être réalisée dans la période où l’assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4).

Selon la jurisprudence de la chambre administrative, un assuré qui viole ses obligations d’informer l’hospice de sa situation financière ne peut être considéré de bonne foi (ATA/93/2020 précité consid. 4b et les références citées). La bonne foi doit être niée quand l’enrichi pouvait, au moment du versement, s’attendre à son obligation de restituer parce qu’il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l’attention requise, que la prestation était indue (art. 3 al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 [CC - RS 210] ; ATF 130 V 414 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_385/2011 du 13 février 2012 consid. 3).

La maxime inquisitoire, applicable à la procédure en matière d’aide sociale, ne dispense pas le requérant de l’obligation d’exposer les circonstances déterminantes pour fonder son droit. Son devoir de collaborer ne libère pas l’autorité compétente de son devoir d’établir les faits mais limite son obligation d’instruire, ce qui conduit à un déplacement partiel du fardeau de la preuve du côté des requérants d’aide sociale. Ceux-ci supportent le fardeau objectif de la preuve qu’ils sont en partie ou entièrement tributaires d’une telle aide en raison d’un manque de moyens propres. Le requérant est tenu de collaborer en ce sens qu’il donne les informations nécessaires et verse les documents requis au dossier. Comme il est naturellement plus aisé de prouver l’avoir que l’absence d’avoir, il y a lieu de poser une limite raisonnable à l’obligation légale d’apporter la preuve, ainsi qu’à l’exigence relative à la présentation d’un dossier complet (arrêt du Tribunal fédéral 8C_702/2015 du 15 juin 2016 consid. 6.2.1).

5.             En l’espèce, la chambre de céans constate que la décision litigieuse est critiquable à plusieurs égards.

Tout d’abord, les écritures des parties et les pièces produites ne permettent pas de déterminer à quel moment et dans quelles circonstances l’intimé a appris l’existence du compte en banque du fils de la recourante, laquelle ne l’a pas déclaré lors du dépôt de ses demandes de 2019, alors que cette information était clairement requise. L’intimé n’a pas produit l’intégralité de son dossier, en particulier les notes relatives aux entretiens que ses collaborateurs ont eus avec la recourante, à leurs conversations téléphoniques ou leurs échanges de messages. Ainsi, plusieurs de ses allégations ne sont pas vérifiables, en particulier celles concernant les demandes de renseignements des mois de novembre 2020 et avril 2021 portant sur les montants reçus par le mineur.

En outre, la décision comporte une contradiction quant à la période visée par la demande de restitution. Au premier paragraphe, il est mentionné que les prestations ont été « perçues indûment pour la période du 1er août au 30 septembre 2021 ». Ces dates correspondent à celles précisées dans la définition de la question litigieuse, en page 7. En revanche, dans ses conclusions, l’intimé a confirmé, en page 8, la demande de restitution des « prestations perçues indûment pour la période du
1er juillet au 31 août 2021 ». Dans le même sens, le tableau des prestations dues pour « le mois de septembre » 2021 reproduit en page 4 mentionne un « Autre revenu » de CHF 1'080.-, alors qu’en page 7, ce montant est retenu à titre de déduction des prestations du mois d’août 2021. Il en résulte une certaine confusion.

S’il n’est pas contesté que les ressources du fils de la recourante devaient effectivement être prises en considération, dès lors que celui-ci était mineur en 2021 et faisait donc partie du groupe familial de la bénéficiaire, la décision litigieuse et les tableaux de l’intimé ne permettent pas de vérifier si ce dernier a tenu compte desdites ressources uniquement pour la part qui lui est imputable dans le budget du ménage.

Par ailleurs, la décision entreprise n’expose pas pour quelle raison les montants reçus par le mineur ont été considérés comme des revenus et non pas comme des éléments de la fortune, s’agissant du produit de la vente d’objets de son patrimoine, sur laquelle une franchise est accordée.

Enfin, la décision de l’intimé est peu compréhensible s’agissant des justificatifs admis ou écartés. Ainsi, l’intimé n’a pas du tout pris position sur les explications de la recourante relatives à la vente d’accessoires par son fils pour financer l’achat d’un billet d’avion, alors qu’elle a remis des pièces à ce propos. En revanche, une déduction de CHF 200.- a été admise pour des frais de repas (« 4 x CHF 50.- » le 17 juillet 2021) sur la seule base semble-t-il des relevés bancaires, qui n’ont pas été confirmés par d’autres documents. De plus, l’un de ces quatre versements de
CHF 50.- concernerait, selon les inscriptions de la recourante, un « Remboursement de UBER ». Les pièces produites ne font état que d’un seul justificatif portant sur un montant de CHF 280.-, soit les captures d’écran de messages échangés avec
« D______ » mentionnant l’achat d’une paire de chaussures « Balenciaga » le 8 août 2021 pour ledit montant. Or, l’intimé a appliqué une première déduction de CHF 280.- dans son calcul du 31 août 2021, en rapportant les montants reçus en août 2021 de CHF 1'360.- à CHF 1'080.- en raison de la vente d’« une paire de baskets », et une seconde dans la décision du 21 avril 2023, en soustrayant à nouveau un montant de CHF 280.- « pour la vente de baskets ».

Dans ces circonstances, le montant de CHF 3'096.70 réclamé en remboursement à la recourante ne saurait en l’état être confirmé.

Le recours sera ainsi partiellement admis et la décision querellée annulée. La cause sera renvoyée à l’intimé pour nouvelle décision au sens de considérants, s’agissant en particulier du calcul des prestations indûment perçues et du montant sujet à restitution.

6.             Vu la gratuité de la procédure, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à la recourante, qui plaide en personne (art. 87 LPA).

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 mai 2023 par A______ contre la décision de l’Hospice général du 21 avril 2023 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

annule la décision de l’Hospice général du 21 avril 2023 ;

renvoie la cause à l’Hospice général pour nouvelle décision au sens des
considérants ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu’à l’Hospice général.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Valérie LAUBER, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

J. BALZLI

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

Genève, le 

 

 

la greffière :