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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/4139/2022

ATA/871/2023 du 22.08.2023 ( MARPU ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : MARCHÉS PUBLICS;APPEL D'OFFRES(MARCHÉS PUBLICS);ADJUDICATION(MARCHÉS PUBLICS);ACCORD INTERCANTONAL SUR LES MARCHÉS PUBLICS;PROCÉDURE D'ADJUDICATION;CONDITION DE RECEVABILITÉ;QUALITÉ POUR AGIR ET RECOURIR;QUALITÉ POUR RECOURIR;INTÉRÊT ACTUEL;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;PRINCIPE DE LA BONNE FOI;PRIX;PRINCIPE DE LA TRANSPARENCE(EN GÉNÉRAL);PROCÈS-VERBAL;DOCUMENT ÉCRIT;ILLICÉITÉ;DOMMAGES-INTÉRÊTS;POUVOIR D'APPRÉCIATION
Normes : Cst.9; Cst.5.al3; Cst.29.al2; AIMP.1.al3; AIMP.11; AIMP.13; AIMP.15; AIMP.18; L-AIMP.3; LPA.60.al1.leta; LPA.60.al1.letb; RMP.16; RMP.39; RMP.40; RMP.41; RMP.42; RMP.45; RMP.57
Résumé : Recours d'un soumissionnaire contre une décision d'adjudication. Analyse de la qualité pour recourir. Même si le pouvoir adjudicateur a indiqué avoir conclu les contrats avec chacune des entreprises retenues au terme de la procédure d'appel d’offres, la recourante conserve un intérêt juridique à recourir contre la décision d’adjudication, son recours étant à même d’ouvrir son droit à une éventuelle indemnisation. L'offre du premier adjudicataire étant anormalement basse, une séance de clarification a eu lieu, sans qu'un procès verbal soit tenu, ce qui entraîne la violation des art. 40 al. 2 et 41 RMP. Constat du caractère illicite de l'adjudication et dommages-intérêts alloués à la recourante, quand bien même celle-ci n'était pas représentée par un avocat dans la procédure, dans la mesure où elle a prouvé en avoir consulté un, avoir engagé des dépenses pour sa défense et avoir suffisamment rendu vraisemblable le bienfondé de leur montant. Recours partiellement admis.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/4139/2022-MARPU ATA/871/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 août 2023

 

dans la cause

 

A______ SA recourante

contre

B______

représentés par Me David BENSIMON, avocat

C______ SA, SUCCURSALE DE D______

E______ Sàrl

F______ Sàrl intimés

 



EN FAIT

A. a. A______ SA (ci-après : A______) a pour buts statutaires les conseils et services en matière de recherche, la sélection, la promotion, la formation, le recrutement et la mise à disposition d'étudiants et de personnel temporaire ou fixe.

B. a. Le 1er juin 2022, les B______ (ci-après : B______) ont publié sur le site internet Simap un appel d'offres en procédure ouverte, soumis aux accords internationaux, portant sur un marché de services de mise à disposition de personnel d'ingénierie.

Selon les documents d'appel d'offres, le marché serait partagé entre plusieurs adjudicataires, trois au maximum, et les notes seraient fixées selon l'échelle de notation de 0 à 5 (annexe T1 du Guide romand pour les marchés publics).

b. Six soumissionnaires, dont l'un d'eux a été écarté a posteriori de la procédure, ont déposé une offre, notamment A______, C______ SA (ci‑après : C______), E______ Sàrl et F______ Sàrl.

c. L'offre de C______ étant plus basse que celle des autres soumissionnaires, avec une différence moyenne de 41%, une séance de clarification a eu lieu entre les représentants de cette société et ceux des B______.

Aucun procès-verbal n'a été dressé à cette occasion.

d. Le 22 novembre 2022, les B______ ont informé A______ que, par décision du même jour, ils avaient écarté son offre, classée en quatrième position, et adjugé le marché à C______, pour un montant de CHF 1'583'232.-, à E______ Sàrl, pour un montant de CHF 2'918'280.-, et à F______ Sàrl, pour un montant de CHF 2'922'960.-.

Ils ont joint à leur courrier deux tableaux portant respectivement sur la notation des offres après vérification et l'analyse multicritères.


 

Le tableau de synthèse de l'analyse multicritères peut se résumer ainsi :

 

Notation des critères (ci-après : C)

 

Rang

Soumissionnaire

C1

C2

C3

C4

C5

Points

1

C______

5

5

4

2

4

425

2

E______

3,79

5

4

4

4

418.60

3

F______

3,78

5

4

4

4

418.47

4

A______

3,79

5

4

4

3

408.68

5

G______

3,64

5

4

4

3

404.24

 

C. a. Par acte remis à la poste le 5 décembre 2022, A______ a recouru contre cette décision auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci‑après : chambre administrative). Elle a conclu préalablement à ce que l'effet suspensif soit octroyé au recours et à ce qu'il soit ordonné aux B______ de produire l'intégralité des dossiers en leur possession. Elle a conclu principalement à l'annulation de la décision précitée et à ce que le marché lui soit adjugé.

Son droit d'être entendue avait été violé, dans la mesure où la décision d'adjudication était insuffisamment motivée.

C______ avait obtenu la note 2 au critère des références du personnel mis à disposition (critère n° 4). Dans la mesure où une note inférieure à 3 était éliminatoire pour ce critère, l'offre de cette entreprise aurait dû d'emblée être écartée. L'offre de C______ était anormalement basse, ce qui laissait craindre une distorsion des règles de la concurrence. Il était nécessaire que soit produit un procès‑verbal de la séance de clarification.

b. Les B______ ont conclu au rejet de la requête d'effet suspensif. Ils ont produit un chargé de pièces contenant notamment le procès-verbal d'ouverture des offres, les offres des soumissionnaires avec leurs annexes ainsi que le rapport d'adjudication.

Le droit genevois n'imposait pas au pouvoir adjudicateur d'exclure une offre si celle-ci s'avérait anormalement basse. Lors de la séance de clarification, C______ avait expliqué avoir pleinement les capacités d’exécuter le marché et fournir les travailleurs au prix offert.

c. C______ a conclu au rejet de la requête d'effet suspensif et du recours.

Lors de la séance de clarification, elle avait pu exposer aux B______ le calcul du prix et la décomposition des facteurs appliqués, notamment le respect du salaire minimum et la couverture de toutes les charges sociales.

d. Dans leur réponse sur le fond, les B______ ont conclu à l'irrecevabilité du recours, subsidiairement à son rejet, faisant valoir que la recourante ne disposait pas de la qualité pour recourir.

e. Dans une première réplique sur le fond, la recourante a indiqué que l'ensemble des pièces du dossier n'avaient pas été déposées, en particulier les dossiers d'appel d'offres des soumissionnaires. Le rapport d'adjudication était insuffisant pour comprendre comment les B______ avaient apprécié les différentes offres. Ces derniers ne fournissaient aucune pièce attestant de l'existence d'une séance de clarification avec C______, en particulier un procès-verbal.

f. Par décision du 25 janvier 2023, la présidence de la chambre administrative a refusé d'octroyer l'effet suspensif au recours.

g. Dans une seconde réplique sur le fond, la recourante a persisté à demander l'octroi de l'effet suspensif.

h. Par décision du 21 mars 2023, la présidence de la chambre administrative a confirmé son refus d'octroyer l'effet suspensif.

i. Les B______ ont informé la chambre administrative avoir conclu les contrats avec les trois adjudicataires.

j. Le 21 juin 2023, A______ a conclu à ce que les B______ soient condamnés à lui verser la somme de CHF 15'303.35, avec intérêts à 5% l'an dès le 6 juin 2023, à titre de remboursement, d'une part, des dépenses engagées pour la préparation et la remise de l'offre (CHF 7'200.-) et, d'autre part, des frais d'avocat (CHF 8'103.35).

Elle a produit une note d'honoraires d'un avocat exerçant dans le canton de H______, non constitué dans la procédure.

k. Les B______ ont contesté le montant du dommage.

l. Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 15 al. 1bis let. e et al. 2 de l’accord intercantonal sur les marchés publics du 25 novembre 1994 - AIMP - L 6 05 ; art. 3 al. 1 de la loi autorisant le Conseil d’État à adhérer à l’accord intercantonal sur les marchés publics du 12 juin 1997 - L-AIMP - L 6 05.0 ; art. 55 let. e et 56 al. 1 du règlement sur la passation des marchés publics du 17 décembre 2007 - RMP - L 6 05.01).

1.1 Le pouvoir adjudicateur soutient que la recourante ne disposerait pas de la qualité pour recourir.

1.2 À teneur de l’art. 60 al. 1 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/454/2021 du 27 avril 2021 consid. 2a). La chambre administrative a déjà jugé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/599/2021 du 8 juin 2021 consid. 8a ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 184 n. 698).

1.3 La qualité pour recourir dans le domaine des marchés publics, qui ne contient pas de règles spécifiques en la matière (ATF 141 II 14 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_585/2021 du 29 novembre 2022 consid. 1.3.2), se définit en fonction des critères de l'art. 60 al. 1 let. a et b LPA, applicable sur renvoi de l'art. 3 al. 4 L‑AIMP (ATA/761/2020 du 18 août 2020 consid. 2).

Selon le Tribunal fédéral, dans le cadre d'un recours contre une décision d'adjudication, le soumissionnaire évincé dispose d'un intérêt juridique lorsqu'il avait, avant la conclusion du contrat, des chances réelles de se voir attribuer le marché en cas d'admission de son recours. Tel est notamment le cas pour le soumissionnaire qui, classé en deuxième position, aurait eu des chances sérieuses de se voir attribuer le marché, ainsi que pour le soumissionnaire, devancé de peu par le deuxième, quand il n'apparaît pas clairement qu'en cas d'admission du recours, le classement serait resté le même. Le candidat classé quatrième qui conclut à l'annulation de la procédure ou à l'adjudication en sa faveur, mais qui critique uniquement l'aptitude ou le classement du premier candidat n'a pas la qualité pour recourir, sauf dans le cas où la différence entre la première et la quatrième place est en termes absolus et relatifs minime (ATF 141 II 14 consid. 4.1 et 4.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_585/2021 du 29 novembre 2022 consid. 1.3.2).

L'intérêt actuel du soumissionnaire évincé est évident tant que le contrat n'est pas encore conclu entre le pouvoir adjudicateur et l'adjudicataire, car le recours lui permet d'obtenir la correction de la violation commise et la reprise du processus de passation. Il y a lieu d'admettre qu'un soumissionnaire évincé a aussi un intérêt actuel au recours lorsque le contrat est déjà conclu avec l'adjudicataire, voire exécuté, car il doit pouvoir obtenir une constatation d'illicéité de la décision pour pouvoir agir en dommages-intérêts (ATF 137 II 313 consid. 1.2.2). Le recourant qui conteste une décision d'adjudication et déclare vouloir maintenir son recours après la conclusion du contrat conclut, au moins implicitement, à la constatation de l'illicéité de l'adjudication, que des dommages-intérêts soient réclamés ou non (arrêt du Tribunal fédéral 2P.307/2005 du 24 mai 2006 consid. 2 ; ATA/622/2021 du 15 juin 2021 consid. 2b et les arrêts cités).

1.4 Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) exige que l’une et l’autre se comportent réciproquement de manière loyale (arrêts du Tribunal fédéral 6B_266/2020 du 27 mai 2020 ; 1C_173/2017 du 31 mars 2017 consid. 2.3 ; Jacques DUBEY, Droits fondamentaux, vol. 2, 2018, p. 642 n. 3454). En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; 129 I 161 consid. 4 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_227/2015 du 31 mai 2016 consid. 7 ; ATA/843/2019 du 30 avril 2019 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, p. 203 n. 568 ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, p. 254 n. 716 et 717 et p. 256 n. 726).

1.5 En l'espèce, le pouvoir adjudicateur a indiqué à la chambre de céans avoir conclu les contrats avec chacune des entreprises retenues au terme de la procédure d'appel d’offres litigieuse. Sur le principe, la recourante conserve néanmoins, en tant que soumissionnaire évincée, un intérêt juridique à recourir contre la décision d’adjudication, son recours étant à même d’ouvrir son droit à une éventuelle indemnisation (ATF 125 II 86 consid. 5b ; ATA/936/2021 du 14 septembre 2021 consid. 2b et l'arrêt cité), étant précisé qu'elle a pris des conclusions en ce sens.

Le pouvoir adjudicateur conteste toutefois l'existence même de cet intérêt. Il estime que la recourante n'aurait pas de réelle chance d'obtenir le marché, dans la mesure notamment où elle aurait dû être exclue de la procédure, faute pour elle d'avoir fourni l'attestation du paiement de l'impôt à la source pour le personnel étranger.

Il convient ainsi de déterminer si la recourante dispose de l'intérêt en question, à savoir si elle avait, avant la conclusion du contrat, des chances réelles de se voir attribuer le marché en cas d'admission de son recours.

Cette dernière se prévaut du fait que l'adjudicataire arrivée en première position aurait dû être exclue de la procédure. Elle soutient également qu'elle aurait dû obtenir la note maximale pour les critères nos 1, 3 et 4. Sans préjuger de la pertinence de ces arguments à ce stade, et vu le faible écart des points obtenus entre la recourante et le dernier adjudicataire, soit 2,33%, l'admission de l'un ou l'autre de ces griefs aurait eu ou du moins aurait pu avoir pour effet de modifier sa place dans le classement final, celle‑ci passant à tout le moins du quatrième au troisième rang, de sorte que le marché, attribué en l'occurrence à trois soumissionnaires, lui serait également adjugé.

La recourante dispose ainsi d'un intérêt juridique à l'annulation de la décision querellée, ce qui lui confère la qualité pour recourir.

Si le pouvoir adjudicateur se prévaut du fait que rien ne l'obligeait à attribuer le marché à trois soumissionnaires, il perd toutefois de vue qu'il a librement choisi d'agir de la sorte, l'a annoncé dans l'appel d'offres, et ne saurait dès lors revenir arbitrairement sur ce choix, sauf à adopter un comportement contradictoire et ainsi violer le principe de la bonne foi.

De plus, il a – en toute connaissance de cause – renoncé à exclure la recourante de la procédure, alors même qu'il avait, sur le principe à tout le moins, le pouvoir de le faire. Il a été informé que la recourante, pour des raisons indépendantes de sa volonté, ne pouvait lui fournir à temps l'attestation relative aux obligations en matière d'impôts à la source. Il en a pris acte, sans toutefois en tenir compte en sa défaveur, relevant par ailleurs dans le rapport d'adjudication que les offres « ont été jugées conformes aux conditions de participation ». Ainsi, sauf à violer à nouveau le principe de la bonne foi, il ne saurait se prévaloir désormais de ce que l'offre de la recourante ne satisferait pas aux exigences de qualification.

Le recours est donc recevable.

2.             Dans un grief d’ordre formel qu’il convient d’examiner en premier lieu (ATF 141 V 495 consid. 2.2 et les arrêts cités), la recourante se plaint d’une violation de son droit d’être entendue, dans la mesure où la décision querellée serait insuffisamment motivée. En particulier, la manière dont le pouvoir adjudicateur aurait pondéré les critères quantitatifs ne serait pas motivée.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend le droit d’obtenir une décision motivée (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; ATF 141 V 557 consid 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_954/2020 du 26 juillet 2021 consid. 4.1). L’autorité n’est toutefois pas tenue de prendre position sur tous les moyens des parties ; elle peut se limiter aux questions décisives (ATF 142 II 154 consid. 4.2 ; 141 V 557 consid 3.2.1 ; Thierry TANQUEREL, op.cit., p. 531 n. 1573). Il suffit, de ce point de vue, que les parties puissent se rendre compte de la portée de la décision prise à leur égard et, le cas échéant, recourir contre elle en connaissance de cause (ATF 141 V 557 consid. 3.2.1 ; 138 I 232 consid. 5.1).

2.2 En matière de marchés publics, cette obligation se manifeste par le devoir qu’a l’autorité d’indiquer au soumissionnaire évincé les raisons du rejet de son offre. Ce principe est concrétisé par les art. 13 let. h AIMP et 45 al. 1 RMP, qui prévoient que les décisions d'adjudication doivent être sommairement motivées. Pour les procédures ouvertes et sélectives, si la décision est notifiée par courrier, elle doit également être publiée selon les exigences figurant à l'art. 52 al. 2 RMP (art. 45 al. 2 RMP ; ATA/1192/2021 du 9 novembre 2021 consid. 2b et les références citées).

Selon la doctrine, les règles spéciales applicables en matière d'adjudication de marché prévoient que l'autorité peut, dans un premier temps, procéder à une notification individuelle, voire par publication, accompagnée d'une motivation sommaire ; sur requête du soumissionnaire évincé, l'autorité doit lui fournir des renseignements supplémentaires relatifs notamment aux raisons principales du rejet de son offre ainsi qu'aux caractéristiques et avantages de l'offre retenue. L'ensemble des explications de l'autorité (fournies le cas échéant en deux étapes) doit être pris en considération pour s'assurer qu'elles sont conformes, ou non, aux exigences découlant du droit d'être entendu ; de surcroît, la pratique admet assez généreusement la réparation d'une motivation insuffisante dans la procédure de recours subséquente (Étienne POLTIER, Droit des marchés publics, 2e éd., 2023, p. 378 n. 799 s. et les références citées).

Dans la phase finale de l'évaluation des offres, le pouvoir adjudicateur attribue des notes aux offres qui n'ont pas été exclues, au regard de chacun des critères d'adjudication. Ces différentes notes doivent faire l'objet d'une brève motivation, susceptible d'être fournie au soumissionnaire souhaitant des explications plus détaillées au sujet de son éviction ou à l'autorité de recours. L'entité adjudicatrice opère ensuite la synthèse de ces évaluations en les intégrant dans un tableau comparatif, regroupant l'ensemble des offres et les notes retenues auxquelles sont appliqués les facteurs de pondération pour les différents critères (ATA/1192/2021 du 9 novembre 2021 consid. 2d et la référence citée).

Selon la jurisprudence de la chambre administrative, le prix d'adjudication ainsi que la méthode de pondération des critères d’adjudication font partie des éléments nécessaires à la bonne compréhension d'une décision d'adjudication. L'une de ces deux indications doit au moins figurer dans une décision d'adjudication afin que l'autorité adjudicatrice respecte son devoir légal de motivation sommaire (ATA/1192/2021 du 9 novembre 2021 consid. 3).

2.3 Une décision entreprise pour violation du droit d’être entendu n’est en principe pas nulle mais annulable (ATF 143 IV 380 consid. 1.4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_31/2021 du 16 juillet 2021 consid. 2.1 ; ATA/547/2021 du 25 mai 2021 consid. 6a et les références citées). La réparation de la violation du droit d'être entendu n'est possible que lorsque l'autorité dispose du même pouvoir d'examen que l'autorité inférieure en fait et en droit (ATF 145 I 167 consid. 4.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_31/2021 du 16 juillet 2021 consid. 2.1 ; ATA/949/2021 précité consid. 5b et les arrêts cités ; Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3e éd., 2011, ch. 2.2.7.4 p. 322 et 2.3.3.1 p. 362 ; Thierry TANQUEREL, op.cit., p. 526 s. n. 1553 s.). Elle dépend toutefois de la gravité et de l'étendue de l'atteinte portée au droit d'être entendu et doit rester l'exception (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 126 I 68 consid. 2) ; elle peut cependant se justifier en présence d'un vice grave lorsque le renvoi constituerait une vaine formalité et aboutirait à un allongement inutile de la procédure (ATF 142 II 218 consid. 2.8.1 ; 137 I 195 consid. 2.3.2 et les arrêts cités). En outre, la possibilité de recourir doit être propre à effacer les conséquences de cette violation. Autrement dit, la partie lésée doit avoir le loisir de faire valoir ses arguments en cours de procédure contentieuse aussi efficacement qu'elle aurait dû pouvoir le faire avant le prononcé de la décision litigieuse (ATA/1192/2021 du 9 novembre 2021 consid. 2e et les arrêts cités). Le Tribunal fédéral admet ainsi la guérison de l'absence de motivation devant l'autorité supérieure lorsque l'autorité intimée justifie sa décision et l'explique dans le mémoire de réponse (Benoît BOVAY, Procédure administrative, 2e éd., 2015, p. 365 et les références citées).

2.4 En l'espèce, le pouvoir adjudicateur a informé la recourante, par courrier, que son offre n'avait pas été retenue. Comme l'a déjà retenu la chambre de céans dans sa décision sur effet suspensif (ATA/80/2023 du 25 janvier 2023), ce document mentionne le nom des trois adjudicataires ainsi que le montant de leur soumission. Il est notamment accompagné d'un tableau final d'évaluation et récapitulatif des notes qui indique le classement et les points obtenus par chacun des soumissionnaires pour chaque critère.

Le prix d'adjudication et la méthode de pondération des critères d’adjudication figurant ainsi dans la décision d'adjudication querellée, celle-ci satisfait à l'exigence de motivation sommaire qui prévaut dans le domaine des marchés publics.

Au demeurant, au cours de la procédure de recours, le pouvoir adjudicataire a fourni le dossier en sa possession, lequel contient notamment les offres des soumissionnaires ainsi qu'un rapport d'adjudication. Ces pièces ainsi que les explications fournies par ce dernier ont permis à la recourante de connaître notamment les raisons principales du rejet de son offre et les caractéristiques et avantages des celles retenues, de sorte qu'elle a pu contester la décision querellée en toute connaissance de cause. Ainsi, même à admettre une éventuelle violation de son droit d'être entendue, celle-ci serait réparée devant la chambre de céans, qui dispose d'un plein pouvoir de cognition en fait et en droit (cf. infra consid. 3.1).

Le grief sera ainsi écarté.

3.             La recourante se plaint de la violation des art. 40 al. 2 et 41 RMP.

3.1 Selon l'art. 57 al. 1 RMP, dans le domaine des marchés publics, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l'excès ou l'abus de pouvoir d'appréciation (let. a) et constatation inexacte ou incomplète de faits pertinents (let. b). Le grief d'inopportunité ne peut pas être invoqué (art. 57 al. 2 RMP).

3.2 L'AIMP poursuit plusieurs objectifs, soit assurer une concurrence efficace entre les soumissionnaires (art. 1 al. 3 let. a AIMP), garantir l'égalité de traitement entre ceux-ci et assurer l'impartialité de l'adjudication (art. 1 al. 3 let. b AIMP), assurer la transparence des procédures de passation des marchés (art. 1 al. 3 let. c AIMP) et permettre l'utilisation parcimonieuse des deniers publics (art. 1 al. 3 let. d AIMP). Ces principes doivent être respectés, notamment dans la phase de passation des marchés (art. 11 AIMP, notamment let. a et b AIMP).

Le droit des marchés publics est formaliste. L'autorité adjudicatrice doit procéder à l'examen de la recevabilité des offres et à leur évaluation dans le respect de ce formalisme, qui permet de protéger notamment le principe d'intangibilité des offres remises et le respect du principe d'égalité de traitement entre soumissionnaires garanti par l'art. 16 al. 2 RMP. Le respect de ce formalisme est nécessaire pour concrétiser l'obligation d'assurer l'égalité de traitement entre soumissionnaires dans la phase d'examen de la recevabilité des offres et de leur évaluation (ATA/102/2010 du 16 février 2010, confirmé par l'arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 du 30 avril 2010 consid. 6.4 ; ATA/1193/2021 du 9 novembre 2021 consid. 7a et les arrêts cités).

3.3 Selon la jurisprudence, le principe de la transparence est le principe cardinal et incontournable des marchés publics. Il limite le large pouvoir d'appréciation dont dispose le pouvoir adjudicateur (RDAF 2001 I 403). Il permet d'assurer la mise en œuvre du principe de concurrence, lequel permet la comparaison des prestations et de choisir ainsi l'offre garantissant un rapport optimal entre le prix et la prestation ainsi que le contrôle de l'impartialité de la procédure d'adjudication, autre principe qui doit être respecté. Le principe de transparence exige que le pouvoir adjudicateur se conforme aux conditions qu'il a préalablement annoncées. Ce principe se rapproche dans cet aspect du principe de la bonne foi, qui prohibe les comportements contradictoires de l'autorité (art. 9 Cst.), et du principe de la non‑discrimination. En effet, si le pouvoir adjudicateur s'écarte des « règles du jeu » qu'il a fixées, il adopte un comportement qui se rapproche d'une manipulation, typiquement discriminatoire, du résultat du marché (ATF 141 II 353 consid. 8.2.3 et la référence citée ; ATA/1685/2019 du 19 novembre 2019 consid. 4c et les références citées).

Une violation du principe de transparence n’entraîne l’annulation de l’adjudication que pour autant que les vices constatés aient effectivement influé sur le résultat (ATA/1089/2018 du 16 octobre 2018 consid. 6c).

3.4 Le principe d’intangibilité des offres, qui interdit la modification de celles-ci après l’échéance du délai fixé pour leur dépôt, découle de l’art. 11 let. c AIMP qui proscrit les négociations entre l’entité adjudicatrice et les soumissionnaires. Il est également lié à la nécessité d’assurer l’égalité de traitement entre soumissionnaires (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 précité consid. 6.1). Toutefois, l'autorité adjudicatrice est en droit de rectifier d'office les erreurs évidentes de calcul et d'écriture (art. 39 al. 2 RMP). En outre, elle peut demander aux soumissionnaires des explications relatives à leur aptitude et à leur offre (art. 40 RMP). Néanmoins, elle ne saurait par ce biais porter atteinte aux principes d'intangibilité des offres et d'égalité de traitement entre soumissionnaires qui limitent le droit de procéder à des corrections ou requêtes de précisions après le dépôt des offres (arrêt du Tribunal fédéral 2C_197/2010 précité ; ATA/492/2018 du 22 mai 2018 consid. 10e et les références citées).

3.5 En présence d'une offre qui serait anormalement basse, l'autorité adjudicatrice a l'obligation, selon l'art. 41 RMP, de demander des renseignements complémentaires au soumissionnaire concerné (arrêt du Tribunal fédéral 2D_44/2009 du 30 novembre 2009 consid. 4 ; ATA/1389/2019 du 17 septembre 2019 consid. 7a et les arrêts cités) et cela dans la forme prévue à l'art. 40 al. 2 RMP, à savoir en principe par écrit, et s'ils sont recueillis au cours d'une audition, en établissant un procès-verbal signé par les personnes présentes. C'est seulement si le soumissionnaire n'a pas justifié les prix d'une telle offre, conformément à l'art. 41 RMP, que son offre doit être écartée d'office et qu'elle ne participe pas à la phase d'évaluation des offres (art. 42 al. 1 let. e RMP). Une offre particulièrement favorable, le cas échéant même si elle est inférieure au prix de revient, n'est pas impérativement à exclure si les renseignements fournis par le soumissionnaire permettent de conclure qu'il est capable d'exécuter à satisfaction les travaux mis en soumission et qu'il remplit les critères d'aptitude et les conditions légales réglementant l'accès à la procédure (ATF 141 II 353 consid. 8.3.2 ; 130 I 241 consid. 7.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_876/2014 du 4 septembre 2015 consid. 8.3.2 ; ATA/1389/2019 précité consid. 7a et les références citées).

Si le prix proposé apparaît trop bas, en particulier parce qu'il s'écarte de plus de 30% de la moyenne des offres rentrées ou du prix « juste » déterminé à l'avance par le pouvoir adjudicateur, le soumissionnaire doit être formellement interpellé pour s'expliquer et justifier le prix avantageux qu'il offre ; dans l'hypothèse où les renseignements obtenus de sa part ne sont pas convaincants et laissent apparaître un risque d'insolvabilité, son offre pourra être écartée. L'élément essentiel pour fonder la décision est la capacité du soumissionnaire à exécuter l'offre dans le respect de l'appel d'offres et des exigences légales, et non pas la couverture de ses frais (ATA/1389/2019 précité consid. 7a et les références citées).

Selon le Tribunal fédéral, la distinction entre ce qui relève de la correction des erreurs et de la clarification des offres (admissible) et ce qui ressortit à la modification des offres contraire au principe de l'intangibilité peut se révéler délicate. C'est la raison pour laquelle les discussions doivent faire l'objet d'un procès-verbal précis. À tout le moins, l'opération de clarification ne doit pas entraîner de modifications matérielles des offres à l'instar d'une modification des prix, de l'octroi de remises ou rabais nouveaux, ou de modifications du contenu de la prestation offerte ou des modalités de son exécution. En particulier, le pouvoir adjudicateur ne peut pas demander au soumissionnaire de modifier son offre si celle-ci ne respecte pas une exigence du cahier des charges. Il s'agit en dernier ressort d'empêcher des comportements interdits, qui, pour le moins, éveillent le soupçon que certains soumissionnaires bénéficient d'avantages indus (arrêt du Tribunal fédéral 2D_33/2019 du 25 mars 2020 consid. 3.1 et les références citées).

3.6 En l'espèce, il n'est pas contesté que l'offre de l'intimée énonçait un prix inférieur de plus de 30% à la moyenne des offres présentées, soit 41%.

L'offre était donc anormalement basse, ce qui obligeait le pouvoir adjudicateur à demander des renseignements complémentaires à l'intimée, ce qu'il a fait à l'occasion d'une séance de clarification.

Or, il ne ressort pas du dossier que cette séance aurait fait l'objet d'un procès-verbal, tel qu'exigé par la loi. Les parties ne le contestent d'ailleurs pas.

Le pouvoir adjudicateur a donc violé les art. 40 al. 2 et 41 RMP.

3.7 Partant, il convient de déterminer les conséquences juridiques rattachées à cette violation. Cette question, à laquelle la loi ne répond pas, ne semble pas avoir été tranchée.

Au préalable, il sera précisé qu'il n'est pas nécessaire de déterminer si le vice constaté a en l'occurence effectivement influé sur le résultat, dans la mesure où une annulation de l'adjudication n'entre désormais plus en ligne de compte, les contrats ayant été conclus entre le pouvoir adjudicateur et les adjudicataires.

Dans un arrêt récent portant sur l'éventuel préimplication d'un soumissionnaire, la chambre administrative a estimé que la violation de l'art. 31 al. 2 RMP, qui prévoit que l'autorité adjudicatrice indique, dans les documents d'appel d'offres, si le prestataire ayant effectué une prestation préalable en lien avec le marché à adjuger peut présenter une offre et pour quels motifs, entraîne la constatation du caractère illicite de l'adjudication, quand bien même le préimplication a été niée (ATA/265/2022 du 15 mars 2022 consid. 4).

Cette solution peut être appliquée par analogie dans le cas d'espèce. En effet, les obligations contenues aux art. 40 al. 2 et 41 RMP ne sauraient être éludées au seul motif que les explications données pendant la séance litigieuse auraient été subséquemment fournies au cours de la procédure de recours. En effet, le respect des principes de transparence et d'égalité de traitement implique que le soumissionnaire évincé qui interjette recours contre l'adjudication doit pouvoir s'exprimer en toute connaissance de cause, sur la base d'un procès-verbal détaillé, sur les éléments qui ont amené le pouvoir adjudicateur à admettre une offre anormalement basse à la suite d'une séance de clarification. Il s'agit aussi de s'assurer que l'opération de clarification n'a pas entraîné de modifications matérielles des offres et d'empêcher des comportements interdits, qui, pour le moins, éveillent le soupçon que certains soumissionnaires bénéficient d'avantages indus.

Dès lors, en omettant de dresser un procès-verbal lors de la séance de clarification, le pouvoir adjudicateur a violé les principes de transparence et d’égalité de traitement entre soumissionnaires.

Ces éléments rendent illicite l'adjudication, ce qui sera constaté (art. 18 al. 2 AIMP) et rend superflu l'examen des autres griefs soulevés par la recourante.

Le recours sera ainsi partiellement admis.

4.             Si le contrat est déjà conclu et que le recours est jugé bien fondé, l'autorité de recours constate le caractère illicite de la décision (art. 18 al. 2 AIMP). Une fois le caractère illicite de la décision constaté, le recourant peut demander, devant l'autorité compétente, la réparation de son dommage, limité aux dépenses subies en relation avec les procédures de soumission et de recours (art. 3 al. 3 L-AIMP).

4.1 Selon la jurisprudence de la chambre de céans, le dommage que peut réclamer un recourant en se fondant sur l'art. 3 al. 3 L-AIMP est limité à la réparation des impenses engagées dans la procédure de soumission, y inclus le remboursement de ses frais d'avocat, à défaut de la réparation du gain manqué, voire d'autres indemnités susceptibles d'être réclamées en raison notamment de la conclusion anticipée du contrat ou de l'interruption de la procédure d'adjudication. Le montant du dommage subi, les frais allégués à ce titre par le recourant doivent être en lien avec la procédure, conformément au principe du lien de causalité (ATA/593/2022 du 7 juin 2022 consid. 6b et les références citées).

4.2 Selon la jurisprudence, l'État et les administrés sont tenus de payer des intérêts moratoires de 5% lorsqu'ils sont en demeure d'exécuter une obligation pécuniaire de droit public. Il s'agit là d'un principe général du droit, non écrit, auquel la loi peut certes déroger, mais qui prévaut lorsque celle-ci ne prévoit rien, comme c'est le cas en l'espèce (ATF 101 Ib 252 consid. 4b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_524/2014 du 24 février 2016 consid. 10.1). La mise en demeure intervient le jour où le lésé demande le paiement de son dommage (ATF 101 Ib 252 consid. 4b ; ATA/593/2022 du 7 juin 2022 consid. 6c et l'arrêt cité).

4.3 Dans l'ATA/1355/2018 du 18 décembre 2018, la recourante s’était contentée de produire un tableau énumérant de manière générale la fonction de chaque personne impliquée, sans produire d’explicatif détaillé des activités de chacune d’entre elles, ni le nombre d’heures consacré à chacune de ces activités. Rien ne permettait dès lors d’évaluer précisément le temps consacré à la soumission. Les conclusions en réparation avaient dès lors été réduites en équité par la chambre administrative (Jacques DUBEY/Lucien HÜRLIMANN, La jurisprudence en marchés publics entre 2018 et 2020/ XVI. - XX., in : Jean-Baptiste ZUFFEREY/Martin BEYELER/Stefan SCHERLER (éd.), Marchés publics 2020, 2020, p. 259).

4.4 En principe, il ne se justifie pas d'accorder des dépens à une partie non assistée d'un mandataire professionnel (ATF 133 III 439 consid. 4). Il est toutefois dérogé à cette règle lorsque celle-là rend vraisemblable avoir dû consacrer un temps anormalement élevé et engager des dépenses particulières pour la défense de ses intérêts (ATF 129 II 297 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C 363/2014 du 13 novembre 2014 consid. 5), ou consulter un avocat épisodiquement (ATA/392/2014 du 27 mai 2014 consid. 4 ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 273 n. 1042).

La chambre administrative n'alloue pas d'indemnité de procédure lorsque la personne qui la demande n'est pas formellement représentée par un mandataire et n'indique pas avoir exposé de frais particuliers au titre de la défense de ses intérêts (ATA/1015/2014 du 16 décembre 2014 consid. 4c et les arrêts cités).

4.5 En l'espèce, il ressort de l'art. 3 L-AIMP que la chambre de céans, soit l'autorité judiciaire compétente au sens de l'art. 15 al. 1 AIMP, après avoir constaté l'illicéité de l'adjudication, statue directement sur les prétentions en réparation du dommage formulées par la recourante.

La recourante a chiffré ses prétentions à hauteur de CHF 15'303.- avec intérêt à 5% l'an dès le 6 juin 2023, correspondant à ses frais d'avocat de CHF 8'103.35 et à ses frais de soumission pour CHF 7'200.-, soit trois heures pour le travail d'étude préalable à l'offre, cinq pour la recherche de candidats et le traitement administratif, dix pour les réunions plénières et de planification ainsi que 30 pour le traitement, la recherche et la rédaction de l'offre. Le coût horaire estimé est de CHF 150.-.

La recourante a produit la note d'honoraires relatives à ses frais d'avocat.

L'autorité intimée conteste le montant du dommage et soutient que la recourante n'a pas prouvé ce dernier. Elle fait également valoir qu'aucun avocat ne se serait constitué pour la recourante dans le cadre de la procédure, raison pour laquelle aucune indemnité couvrant les frais y relatifs ne devrait lui être accordée.

4.5.1 La recourante n'indique effectivement pas le nombre de personnes ayant été impliquées dans le processus d'établissement de l'offre ni ne produit de pièces relatives aux activités déployées par elles. Elle n’a pas non plus produit les fiches de salaire des personnes concernées et n’a pas expliqué sur quels éléments elle s’est fondée pour fixer le tarif horaire retenu.

Cela étant, l'offre de la recourante contient un dossier complet de plusieurs dizaines de pages, notamment les annexes requises, dûment remplies, ce qui a nécessité des recherches ainsi que du temps pour la rédaction.

Dès lors, le fait d'avoir consacré 48 heures pour l'établissement de l'offre, soit six jours à huit heures de travail par jour, ne paraît pas excessif.

La totalité des heures annoncées sera dès lors comptabilisée, mais le tarif horaire sera réduit à CHF 120.- pour tenir compte de l'absence d'éléments permettant de l'évaluer. Le travail fourni par la recourante sera ainsi évalué en équité à CHF 5'760.-.

4.5.2 En ce qui concerne les honoraires d'avocats encourus par la recourante, de CHF 8'103.35, c'est en vain que l'autorité intimée soutient que la précitée n'aurait pas le droit au remboursement dudit montant. Ni la loi ni la jurisprudence ne conditionnent le remboursement de tels honoraires au fait qu'un conseil se soit formellement constitué. Il suffit que la recourante prouve à satisfaction de droit avoir engagé des dépenses pour sa défense et rende suffisamment vraisemblable le bien‑fondé de leur montant, solution qui rejoint d'ailleurs celle consacrée par la jurisprudence relative aux dépens rappelée ci-dessus, applicable par analogie. La recourante a produit une note d'honoraires suffisamment détaillée d'un conseil H______ qui l'a assistée, certes sans la représenter formellement, durant la procédure. Ainsi, compte tenu du volume de travail que le contentieux a généré pour ce dernier et du tarif horaire appliqué, soit CHF 300.-, correspondant au tarif usuel pratiqué par les avocats à H______ (arrêt du Tribunal Cantonal de H______, Cour pénale, CPEN.1______ du 19 septembre 2019 consid. 5c), ce poste sera aussi admis, sous déduction du montant de l'indemnité de procédure à l'octroi de laquelle la recourante a conclu.

Les intérêts moratoires à 5% interviennent selon la jurisprudence à la date qui correspond à celle du dépôt des conclusions en indemnisation, soit en l'occurrence au 21 juin 2023 (ATA/593/2022 du 7 juin 2022 consid. 6d ; ATA/476/2015 du 19 mai 2015 consid. 15).

5.             Vu l'issue du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à la recourante, à la charge des B______ (art. 87 al. 2 LPA).

Ces derniers seront condamnés à verser à la recourante la somme de CHF 12'363.35 (soit CHF 5'760.-. additionnés de CHF 8'103.35 dont est soustraite l'indemnité de procédure de CHF 1'500.-), somme portant intérêts moratoires à 5% l'an dès le 21 juin 2023.

 

* * * * *

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 5 décembre 2022 par A______ SA contre la décision d'adjudication des B______ du 22 novembre 2022 ;

au fond :

l'admet partiellement ;

constate l'illicéité de la décision d'adjudication des B______ du 5 décembre 2022 ;

condamne les B______ à verser à A______ SA la somme de CHF 12'363.35, avec intérêts moratoires à 5% l'an dès le 21 juin 2023 ;

dit qu'il n'est pas perçu d'émolument ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à A______ SA, à la charge des B______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public :

si la valeur estimée du mandat à attribuer n’est pas inférieure aux seuils déterminants de la loi fédérale du 16 décembre 1994 sur les marchés publics ou de l’accord du 21 juin 1999 entre la Confédération suisse et la Communauté européenne sur certains aspects relatifs aux marchés publics ;

si elle soulève une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ SA, à Me David BENSIMON, avocat des B______, à C______ SA, succursale de D______, à E______ Sàrl et F______ Sàrl ainsi qu'à la Commission de la concurrence (COMCO).

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Florence KRAUSKOPF, Jean-Marc VERNIORY, Claudio MASCOTTO, Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

la greffière :