Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/1646/2023

ATA/852/2023 du 11.08.2023 ( PRISON ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1646/2023-PRISON ATA/852/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 11 août 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant

contre


ÉTABLISSEMENT FERMÉ DE LA BRENAZ intimé

 



EN FAIT

A. a. A______ a été incarcéré, en exécution de peine, à l’Établissement fermé La Brenaz (ci-après : La Brenaz), du 30 mars au 3 juillet 2023.

b. Préalablement, durant son séjour à la prison de Champ-Dollon, A______ a fait l’objet des sanctions disciplinaires suivantes :

-          le 28 janvier 2023, il a fait l’objet d’un placement de trois jours en cellule forte pour violence physique exercée sur des détenus et trouble à l’ordre de l’établissement ;

-          le 6 février 2023, il a été sanctionné de trois jours en cellule forte pour possession d’objets prohibés. Le jour-même, il avait fait l’objet d’une saisie de stupéfiants, soit de « 5.9 grammes de substance brune ».

B. a. Le 10 mai 2023, il a été sanctionné d’une amende de CHF 50.- pour consommation de stupéfiants. Cette décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.

b. Selon le rapport d’incident du même jour, les résultats de l’analyse toxicologique s’étaient révélés négatifs pour l’alcool, mais positifs aux benzodiazépines. Le service médical avait informé l’établissement que le résultat positif aux benzodiazépines n’était pas compatible avec le traitement médical du détenu. Ce dernier avait déclaré ne pas prendre de traitement.

C. a. Par acte du 15 mai 2023, A______ a formé recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre cette décision.

Il n’avait pas consommé de benzodiazépines. Il arrivait que des personnes entrent dans sa cellule avec leurs verres. Il était possible qu’il ait bu dans l’un de ces verres, sans savoir qu’il contenait cette substance.

b. Par réponse du 15 juin 2023, La Brenaz a conclu au rejet du recours.

c. A______ n’a pas répliqué dans le délai imparti à cet effet.

d. Par courrier du 3 juillet 2023, La Brenaz a informé la chambre administrative que A______ avait été transféré à l’Établissement de détention administrative de Favra en vue de son expulsion.

e. Sur quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Le recourant conclut à l’annulation de la sanction du 10 mai 2023.

2.1 Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l'autorité dispose à l'égard d'une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d'obligations, font l'objet d'une surveillance spéciale. Il s'applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d'abord par la nature des obligations qu'il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l'administration et les intéressés. L'administration dispose d'un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu'elles ne sauraient être prononcées en l'absence d'une faute (ATA/43/2019 du 15 janvier 2019 ; ATA/1108/2018 du 17 octobre 2018 et les références citées).

2.2 Les personnes détenues ont l'obligation de respecter les dispositions du règlement relatif aux établissements ouverts ou fermés d'exécution des peines et des sanctions disciplinaires du 25 juillet 2007 (REPSD - F 1 50.08), les instructions du directeur général de l'office cantonal de la détention, ainsi que les ordres du directeur de l'établissement et du personnel pénitentiaire (art. 42 REPSD).

Il est interdit aux détenus d'introduire dans l'établissement, de détenir ou de consommer de l'alcool, des stupéfiants et des médicaments, sous quelque forme que ce soit (art. 44 let. a REPSD).

Aux termes de l'art. 46 REPSD, si une personne détenue enfreint le REPSD ou contrevient au plan d'exécution de la sanction pénale, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu'à la nature et à la gravité de l'infraction, lui est infligée (al. 1). Selon l'art. 46 al. 3 REPSD, le directeur de l'établissement et son suppléant en son absence sont compétents pour prononcer : un avertissement écrit (let. a), la suppression, complète ou partielle, pour une durée maximum de trois mois, des autorisations de sortie, des loisirs, des visites et de la possibilité de disposer des ressources financières (let. b) ; l'amende jusqu'à CHF 1'000.- (let. c) ; les arrêts pour dix jours au plus (let. d).

2.3 De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés sauf si des éléments permettent de s'en écarter (ATA/719/2021 du 6 juillet 2021 consid. 2d ; ATA/1339/2018 du 11 décembre 2018 et les arrêts cités). Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 7 de la loi sur l'organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires du 3 novembre 2016 - LOPP - F 1 50), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers (ATA/36/2019 du 15 janvier 2019 ; ATA/1242/2018 du 20 novembre 2018).

2.4 Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé ‑, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/219/2020 du 25 février 2020 consid. 6d et la référence citée).

2.5 En matière de sanctions disciplinaires, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation ; le pouvoir d'examen de la chambre administrative se limite à l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/383/2021 du 30 mars 2021 consid. 4e ; ATA/1451/2017 du 31 octobre 2017 consid. 4c).

3.             En l'espèce, le recourant soutient qu’il ne consomme pas le médicament litigieux. D’après l’intéressé, il arrivait que des personnes consommant cette substance entrent dans sa cellule avec leur verre, de sorte qu’il aurait pu boire un de ces verres, sans savoir qu’il contenait ce médicament.

Avec cette argumentation, le recourant se limite toutefois à opposer sa version à celle retenue par le gardien-chef adjoint sur la base des résultats d’analyse. Il n’étaye aucunement ses dires et ne précise ni l’identité de la personne qui aurait pu verser ce médicament dans son verre, ni les circonstances qui auraient pu l’amener à boire un verre contenant cette substance. Compte tenu du résultat des analyses toxicologiques – que l’intéressé ne remet pas en cause - et des renseignements du service médical, il n’y a aucune raison de s’écarter des faits retenus par l’agent de détention, à qui il convient en principe d’accorder force probante eu égard à son statut de fonctionnaire assermenté. Ces faits sont d’autant plus crédibles que le recourant a déjà fait l’objet d’une saisie de stupéfiants le 6 février 2023, lors de son séjour à la prison de Champ-Dollon.

Le comportement reproché, à savoir l’ingestion d’une substance prohibée, est ainsi établi et correspond à une infraction à l’art. 44 let. a REPSD.

Reste à examiner si le prononcé d’une amende de CHF 50.- constitue une sanction proportionnée.

En l’occurrence, la sanction choisie est apte et nécessaire pour garantir le respect de l’ordre au sein d’un établissement pénitentiaire, en particulier l’interdiction de consommer des stupéfiants. Il ne s’agit pas de la sanction la plus sévère et la quotité de sanction infligée reste en base de la fourchette, le maximum légal étant fixé à CHF 1'000.-. S’ajoute à cela que le recourant a déjà fait l’objet de deux placements en cellule forte lors de sa détention à la prison de Champ-Dollon.

Compte tenu de ces éléments, il convient de retenir que l’autorité intimée n’a pas abusé de son large pouvoir d’appréciation en prononçant la sanction contestée, de sorte qu’elle sera confirmée.

En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

4.             La procédure est gratuite (art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l'issue du litige, il n'y a pas lieu d’allouer une indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 15 mai 2023 par A______ contre la décision de l’Établissement fermé La Brenaz du 10 mai 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral suisse, av. de Lausanne 29, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à l'Établissement fermé La Brenaz.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Valérie LAUBER et Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

C. MARINHEIRO

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :