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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3685/2018

ATA/36/2019 du 15.01.2019 ( PRISON ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3685/2018-PRISON ATA/36/2019

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 15 janvier 2019

 

dans la cause

 

Monsieur A______

contre

ÉTABLISSEMENT PÉNITENTIAIRE FERMÉ CURABILIS

 



EN FAIT

1. Monsieur A______ est détenu à l’établissement pénitentiaire fermé Curabilis (ci-après : Curabilis).

2. Le 15 juin 2018, il s’est vu notifier une sanction de deux jours d’arrêt disciplinaire pour « refus d’obtempérer, comportement inapproprié envers un agent de détention ».

La décision était exécutoire nonobstant recours. Conformément à la sanction, prononcée sans sursis, M. A______ a été placé deux jours en cellule forte.

3. Il a interjeté recours le 13 juillet 2018 auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision précitée.

4. Le 18 septembre 2018, une décision de sanction, annulant et remplaçant celle du 15 juin 2018, a été notifiée à M. A______ au motif d’ « insubordination et incivilité envers le personnel de Curabilis ». Il lui était reproché d’avoir refusé d’obtempérer, soit de restituer, le 14 juin 2018 à 18h, la télécommande du téléviseur de l’unité de vie pendant une retransmission d’un match de football, dont la diffusion avait été autorisée, après l’avoir éteint. Il était sanctionné d’une amende de CHF 50.-, sans sursis.

5. Le 1er octobre 2018, M. A______ a déclaré retirer le recours interjeté le 13 juillet 2018, la décision du 15 juin 2018 ayant été annulée et modifiée. Le recours était devenu sans objet.

Par décision du 2 octobre 2018, la chambre administrative a rayé la cause du rôle.

6. Le 19 octobre 2018, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre la sanction du 18 septembre 2018. Il a conclu à l’annulation de la sanction. Préalablement, les images de vidéosurveillance devaient être versées au dossier ainsi que tout rapport interne relatif aux faits. Son audition ainsi que celle de deux agents et d’un autre détenu devaient être ordonnées.

Le recourant détaillait les différentes étapes du litige. Le règlement imposait que la télévision soit éteinte pendant les repas. Il avait pris la télécommande au vu de l’attitude du gardien, avait éteint la télévision et informé que celle-ci resterait « off » jusqu’à l’arrivée du sous-chef. Celui-ci avait finalement décidé de laisser la télévision éteinte. Le gardien avait été violent à son encontre en tentant de reprendre la télécommande. L’agent de détention avait utilisé la force. Cette attitude était inadmissible et était plus grave que son propre refus d’obtempérer.

7. Curabilis a conclu à l’irrecevabilité du recours pour motif de tardiveté.

À la demande de détenus de l’unité, pendant la phase finale de la coupe du monde de football, une exception avait été accordée par le personnel de surveillance afin qu’ils puissent visionner un match qui se déroulait pendant le repas. Le recourant avait refusé de rendre la télécommande pour permettre de continuer à visionner le match. Il s’était opposé à un ordre verbal de l’agent de détention et avait commis une insubordination. La sanction, d’intensité faible, était proportionnée.

Curabilis produisait les images de vidéosurveillance de l’incident du 14 juin 2018.

8. Le 23 novembre 2018, M. A______ a informé la chambre administrative qu’il avait été transféré à la prison de Sion.

9. Dans sa réplique, le recourant a persisté dans ses conclusions.

10. Les images de vidéosurveillance couvrent la période du 14 juin 2018 de 17h59 à 18h02. On y voit, au début, M. A______ discuter, debout, sur la gauche de l’écran, près des fenêtres, avec un gardien, assis plusieurs mètres plus loin, en train de manger à une table avec deux collègues. D’autres détenus se trouvent dans la salle, principalement en train de manger. Du personnel médical (trois personnes) observe la salle.

Dans le cadre de la discussion avec le gardien, M. A______ fait des mouvements avec sa main droite pour appuyer ses propos. À 17h59.39, le gardien se lève et s’approche du détenu. Deux autres gardiens le suivent. À 17h59.40, le gardien demande à M. A______ qu’il lui remette un objet, ce que l’intéressé refuse. À 17h59.46, trois gardiens sont autour de M. A______. À 18h00.05, M. A______ refuse de donner la télécommande. Celle-ci se trouve dans sa main gauche. Entre 18h00.25 et 18h00.48, le gardien fait un appel téléphonique, à la suite duquel la discussion reprend avec M. A______.

À 18h01.01, le gardien tente, sans y parvenir, en passant par la droite de M. A______, de prendre la télécommande, posée sur la table à la gauche de
celui-ci. Le gardien se déporte sur la gauche sans prendre la télécommande et revient tenter par la droite du détenu. À 18h01.05, M. A______ repousse le bras du gardien, lequel retire son bras.

La discussion reprend. À 18h01.28, le gardien procède à un nouvel appel téléphonique. À 18h01.40, le gardien, accompagné des deux autres, se rend vers un quatrième gardien. À 18h01.47, M. A______ les rejoint. À 18h02.03, M. A______ quitte le groupe des gardiens, revient à sa place en manifestant son désaccord. Il vérifie la présence de la télécommande, restée sur la table, en sa possession.

11. Sur ce, la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1. a. Le recours a été interjeté devant la juridiction compétente (art. 74 al. 1 du règlement de l'établissement de Curabilis du 19 mars 2014 (RCurabilis - F 1 50.15 ; art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05).

b. Bien que transféré à la prison de Sion, le recourant conserve un intérêt actuel et pratique à obtenir l’annulation de la décision attaquée : soit l’amende a déjà été acquittée et le recourant a intérêt à ce qu’elle soit annulée et remboursée, soit elle ne l’as pas encore été et le recourant a intérêt à ce que la somme concernée ne soit pas due.

c. S’agissant du respect du délai de recours, l’autorité intimée allègue que celui-ci ne serait pas respecté. L’établissement précise qu’il assure quotidiennement, une fois par jour, le traitement et l’acheminement des envois postaux des détenus. À cette fin, ceux-ci disposent d’une boîte aux lettres dans chaque unité sur laquelle figure l’inscription « Courrier sortant et correspondance interne. Cette boîte est vidée tous les jours, en fin de matinée ». Selon l’autorité intimée, le recourant a déposé le pli contenant son recours après que la boîte aux lettres avait été relevée puisque le pli a été déposé à l’office postal le 19 octobre 2018.

Dans son recours, l’intéressé a spontanément écrit avoir reçu la décision querellée le 19 septembre 2018 et avoir « expédié » le recours le 18 octobre 2018. Dans sa réplique, il indique avoir reçu la décision le 18 septembre 2018 en fin de journée. Le délai de recours « commençant à courir le 19 septembre 2018 », il arriverait, de l’avis du recourant à échéance le 19 octobre 2018. « Déposé avant l’échéance, soit le 18 octobre 2018, dans la boîte aux lettres dans le pavillon M2, avant 11 heures », le recours serait recevable. Le recourant offre de prouver ce fait par les images de vidéosurveillance, « entre 8h30 jusqu’à 11 h, donc avant l’heure de vidée de cette boîte aux lettres, qui est généralement entre 11h et 12h ».

Il ressort du dossier que la décision litigieuse a été notifiée à l’intéressé le 18 septembre 2018 à 11h48. Le délai de recours a ainsi commencé à courir le 19 septembre 2018 pour arriver à échéance le 18 octobre 2018 (art. 62 a. 1 let. a et al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA-GE - E 5 10).

S’agissant d’une personne détenue le délai de recours est réputé observé si l'acte de procédure est remis au plus tard le dernier jour du délai à la direction de l'établissement carcéral, la remise postale n'étant pas décisive (arrêt du Tribunal fédéral 6B_304/2016 consid. 3.2 ; art. 17 al. 4 LPA). L’affirmation de l’autorité intimée selon laquelle le recours est tardif au motif qu’il a été mis à la poste le 19 octobre 2018 est en conséquence erronée.

Posté le 19 octobre 2018, le courrier a été mis dans la boîte aux lettres de l’établissement après la levée du 18 octobre 2018 « en fin de matinée ». Se pose la question de savoir s’il y a été mis le 18 octobre 2018 avant minuit, le recours étant alors recevable, ou le 19 octobre 2018 avant la levée, le recours étant alors tardif.

La preuve de la date du dépôt en temps utile du recours incombe au recourant, lequel sollicite à ce titre le visionnement des bandes de vidéosurveillance. S’agissant de prouver le dépôt, en temps utile mais après la levée de la boîte aux lettres, l’établissement se limite à indiquer qu’ « aucune mention ou demande particulière concernant la nécessité de procéder à un envoi urgent, après la levée interne du courrier postal, n’a été transmise aux personnels de l’établissement par le recourant ». Aucune référence n’est toutefois faite à un procédé particulier en cas d’urgence. L’art. 55 al. 6 RCurabilis traite des courriers et colis. L’al. 6 précise que les modalités d'envoi et de réception de courrier et de colis sont prévues dans une directive interne. L’établissement ne produit toutefois aucun document qui prouverait que le détenu a été mis au courant de la procédure en cas de nécessité de prouver le dépôt d’un courrier le dernier jour du délai après la levée. Cette possibilité doit être clairement exposée aux détenus compte tenu du système de levée « en fin de matinée », sauf à les priver de la possibilité de respecter le délai de recours. Ceci est d’autant plus vrai compte tenu de la confusion susmentionnée de l’autorité intimée sur la portée du timbre postal et de la mission de l’établissement, à savoir détenir des personnes majeures privées de liberté en application du droit pénal et, pour l'unité hospitalière de psychiatrie pénitentiaire, également du droit administratif ou civil, afin qu’elles reçoivent des traitements, des soins psychiatriques ou de sociothérapie (art. 1 al. 2 RCurabilis).

En conséquence, compte tenu de la population, fragilisée pour des raisons médicales, détenus dans l’établissement concerné, de l’absence de toute indication quant à la procédure à suivre en cas de dépôt après l’heure de la levée, de la confusion de l’établissement sur la portée du timbre postal, il sera considéré que le recours a été déposé en temps voulu, ou en tous les cas, compte tenu des particularités du cas d’espèce, que le détenu a été empêché sans sa faute d’agir dans le délai fixé au sens de l’art. 16 al. 3 LPA.

Le recours est recevable.

2. Le recourant sollicite diverses mesures d’instruction, notamment son audition et celle de trois témoins.

a. Le droit d'être entendu, garanti par les art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) et 41 LPA, comprend notamment le droit pour la personne concernée de fournir des preuves quant aux faits de nature à influer sur le sort de la décision et de participer à l'administration des preuves (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 129 II 497 consid. 2.2).

b. Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_119/2015 du 16 juin 2015 consid. 2.1).

c. Le droit d’être entendu ne comprend pas le droit d’être entendu oralement (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_551/2015 du 22 mars 2016 consid. 2.2), ni celui d’obtenir l’audition de témoins (ATF 130 II 425 consid. 2.1).

d. En l’espèce, le recourant a pu se déterminer par écrit de manière circonstanciée tant dans son acte de recours auprès de la chambre de céans que dans sa réplique.

Les images de vidéosurveillance ont été versées à la procédure. Elles suffisent pour déterminer les faits pertinents.

Il s’ensuit qu’il ne sera pas donné suite à la réquisition d’actes d’instruction complémentaires du recourant.

3. Le litige porte sur le bien-fondé de l’amende de CHF 50.- infligée au recourant, sans sursis, le 18 septembre 2018.

4. a. Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l’autorité dispose à l’égard d’une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d’obligations, font l’objet d’une surveillance spéciale. Il permet de sanctionner des comportements fautifs – la faute étant une condition de la répression – qui lèsent les devoirs caractéristiques de la personne assujettie à cette relation spécifique, lesquels en protègent le fonctionnement normal. Il s’applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d’abord par la nature des obligations qu’il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l’administration et les intéressés. L’administration dispose d’un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

b. Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence d’une faute. La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n’ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l’auteur (ATA/310/2017 du 21 mars 2017 consid. 5a ; ATA/245/2017 du 28 février 2017 consid. 5b et les références citées).

c. La sanction doit être conforme au principe de la proportionnalité (ATA/499/2017 du 2 mai 2017 consid. 3c). Traditionnellement, le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé – de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/1159/2017 du 3 août 2017 consid. 7a).

d. Les sanctions disciplinaires étant régies par les principes généraux du droit pénal, l’autorité doit tenir compte, lorsqu’elle fixe la sanction, des motifs d’atténuation, voire d’exemption de peine au sens des art. 48ss du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) et 52ss CP.

Ainsi, la peine doit être atténuée notamment si l'auteur a agi dans une détresse profonde (art. 48 let. a ch. 2 CP), en proie à une émotion violente que les circonstances rendaient excusable ou s'il a agi dans un état de profond désarroi (art. 48 let. c CP)

Au terme de l’art. 54 CP, si l'auteur a été directement atteint par les conséquences de son acte au point qu'une peine serait inappropriée, l'autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine.

5. a. La personne détenue a l'obligation de respecter les dispositions du RCurabilis, les directives du directeur général de l’office cantonal de la détention, du directeur de Curabilis, du personnel pénitentiaire ainsi que les instructions du personnel médico-soignant (art. 67 RCurabilis ). La personne détenue doit observer une attitude correcte à l'égard des différents personnels, des autres personnes détenues et des tiers (art. 68 RCurabilis). Sont en particulier interdits l’insubordination et les incivilités à l’encontre des personnels de Curabilis (art. 69 al. 1 let. b RCurabilis).

b. Si une personne détenue enfreint le règlement de l'établissement de Curabilis, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu'à la nature et à la gravité de l'infraction, lui est infligée (art. 70 al. 1 RCurabilis). Il est tenu compte de l’état de santé de la personne détenue au moment de l’infraction disciplinaire (art. 70 al. 2 RCurabilis). Avant le prononcé de la sanction, la personne détenue doit être informée des faits qui lui sont reprochés et être entendue. Elle peut s'exprimer oralement ou par écrit (art. 70 al. 3 RCurabilis).

Les sanctions sont l'avertissement écrit (let. a), la suppression, complète ou partielle, pour une durée maximale de trois mois, des autorisations de sortie, des loisirs, des visites et de la possibilité de disposer des ressources financières (let. b.), l'amende jusqu'à CHF 1'000.- (let. c) et les arrêts pour une durée maximale de dix jours (let. d ; art. 70 al. 4 RCurabilis). Ces sanctions peuvent être cumulées (art. 70 al. 5 RCurabilis). L’exécution de la sanction peut être prononcée avec un sursis ou un sursis partiel de six mois au maximum (art. 70
al. 6 RCurabilis).

c. Le directeur de Curabilis et son suppléant en son absence sont compétents pour prononcer les sanctions (art. 71 al. 1 RCurabilis). Le directeur de Curabilis peut déléguer la compétence de prononcer les sanctions prévues à l'art. 70
al. 4 RCurabilis à d'autres membres du personnel gradé de l’établissement. Les modalités de la délégation sont prévues dans une directive interne.

d. De jurisprudence constante, la chambre administrative accorde généralement valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/73/2017 du 31 janvier 2017 consid. 7 et les références citées), sauf si des éléments permettent de s’en écarter. Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 19 de la loi sur l’organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires du 3 novembre 2016 - LOPP - F 1 50), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers (ATA/1410/2017 du 17 octobre 2017 consid. 4 ; ATA/1218/2017 du 22 août 2017).

6. En l’espèce, la sanction a été prise par le responsable de l’exécution des mesures. La sanction a été ainsi valablement prononcée par l’autorité compétente, ce qui n'est pas contesté.

7. Le recourant se plaint matériellement d'une constatation inexacte des faits pertinents au sens de l'art. 61 al. 1 let. b LPA. Il conteste avoir refusé d’obtempérer.

La sanction repose sur le rapport d’un agent assermenté qui a protocolé les faits qui se sont déroulés. Conformément à la jurisprudence précitée, ce rapport a force probante.

Il ressort par ailleurs des images de vidéosurveillance que le recourant a refusé de donner suite aux demandes de l’un des gardiens de restituer l’objet et s’est opposé à ce que le gardien la récupère physiquement, ce que le recourant ne conteste pas. À l’issue de l’incident, le recourant était toujours en possession de la télécommande, malgré l’intervention de quatre agents de détention.

Lesdites images confirment en conséquence la teneur du rapport de l’agent de détention.

Le recourant ne peut être suivi lorsqu’il parle de l’agressivité d’un gardien, laquelle serait à l’origine de son refus de rendre la télécommande. Il ressort des images que le recourant refuse de donner suite à la demande du gardien, alors assis à plusieurs mètres de lui. D’autres détenus sont assis entre les protagonistes. Le début des images dénote un climat serein de discussion. Aucune des personnes présentes, agents de détention et personnel médical, ne manifeste de réaction qui dénoterait de l’agressivité entre les intéressés. C’est en conséquence le refus du recourant d’obéir qui est à l’origine du rapprochement physique du gardien auprès du détenu, et non une hypothétique provocation du gardien, qui aurait entraîné le refus du recourant de rendre l’objet querellé.

Les griefs du recourant à l’encontre de la personne de l’agent de détention et d’un ancien différend entre eux ne sont en conséquence pas pertinents.

La question de savoir si le règlement autorisait, ou non, le visionnement du match de football pendant les repas n’est pas pertinente. Il n’appartenait pas au détenu de considérer qu’il était dans son bon droit et de vouloir imposer au gardien sa compréhension des règles de l’établissement. Il lui appartenait de restituer l’objet au gardien qui le lui demandait.

Le recourant ayant refusé d’obtempérer aux ordres de l’agent de détention, le principe d’une sanction est fondé.

8. a. La sanction prononcée repose sur une base réglementaire, l’art. 70 al. 4 let. c RCurabilis, étant relevé que cette disposition prévoit une amende pouvant s’élever jusqu'à CHF 1'000.-.

Lors de de la fixation de la sanction, l’autorité intimée doit tenir compte de l’ensemble des circonstances et notamment d’éventuels motifs d’atténuation, voire d’exemption de peine, pouvant s’inspirer à cet égard des dispositions du droit pénal, notamment des art. 48ss CP et 52ss CP.

b. En l’espèce, l’autorité intimée a implicitement admis que la première sanction était disproportionnée puisqu’elle a annulé sa décision et ramené la sanction à une amende de CHF 50.-. Il n’est pas contestable que cette seconde sanction soit, en tant que telle, proportionnée à la faute commise compte tenu de la modestie du montant. Toutefois, le recourant a été mis en cellule forte à la suite de la première décision du 15 juin 2018, la décision étant exécutoire nonobstant recours.

Le recourant n’a pris aucune conclusion en lien avec l’exécution de la première sanction décidée.

Dès lors que le recourant a déjà exécuté, pour les mêmes faits, deux jours de cellule forte, il convient, compte tenu de l’ensemble des circonstances très particulières du cas, de l’exonérer de toute peine par application à tout le moins analogique de l’art. 54 CP.

Le recours sera dès lors partiellement admis.

9. Vu la nature du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87 al. 1 LPA ; art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée, le recourant n’y ayant pas conclu et n’ayant pas encouru de frais pour sa défense (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 19 octobre 2018 par Monsieur A______ contre la décision de l’établissement pénitentiaire fermé Curabilis du 18 septembre 2018 ;

au fond :

l’admet partiellement ;

exempte Monsieur A______ de toute sanction ;

confirme la décision de l’établissement pénitentiaire fermé de Curabilis du 18 septembre 2018 pour le surplus ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Monsieur A______ ainsi qu'à l'établissement pénitentiaire fermé Curabilis.

Siégeant : Mme Krauskopf, présidente, MM. Thélin, Pagan et Verniory,
Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Krauskopf

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :