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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1792/2023

ATA/794/2023 du 18.07.2023 ( FPUBL ) , REFUSE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1792/2023-FPUBL ATA/794/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Décision du 18 juillet 2023

sur effet suspensif

et mesures provisionnelles

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Romain JORDAN, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA COHÉSION SOCIALE intimé



Vu, en fait, le recours interjeté le 23 mai 2023 par A______ contre la décision, rendue exécutoire nonobstant recours, du chef du département de la cohésion sociale (ci-après : DCS) du 12 mai 2023 l’informant de l’ouverture d’une procédure de reclassement ; que cette décision retient que les prestations de A______ paraissaient insuffisantes et qu’elle était inapte à remplir les exigences du poste, compte tenu de l’agression physique commise par elle sur une ancienne collègue, B______, de l’usage à titre privé des outils informatiques mis à disposition par l’État, d’occupations étrangères au service pendant les heures de travail, du traitement de données personnelles à des fins étrangères à l’accomplissement de ses tâches, de l’inexactitude de l’enregistrement du temps de travail et d’avoir à plusieurs reprises fait entrer ses enfants dans les locaux du service de protection des adultes (ci-après : SPAd) ;

que A______ conclut à l’annulation de cette décision, préalablement à la restitution de l’effet suspensif, à la tenue d’une audience de comparution personnelle et à la production par l’autorité intimée de son dossier ; elle avait appris avec surprise, lors de l’entretien de service du 8 mars 2023, les reproches qui lui étaient faits ; elle avait été stupéfiée d’apprendre qu’un contrôle individualisé de son poste de travail avait été fait ; elle ne contestait pas « son geste malheureux » envers son ancienne collègue, mais il fallait le replacer dans son contexte ; après 24 ans de service, durant lesquels elle avait donné satisfaction à son employeur, la sanction envisagée de licenciement était disproportionnée ; le contrôle informatique de son poste de travail était illicite : il incluait son ordinateur privé, celui des membres de sa famille, était exclusivement fondé sur les allégations de son ancienne collègue, avait porté sur une période excessive et avait été opéré sans égard à sa sphère privée et celle de sa famille ; elle avait recouru pour déni de justice, le DCS refusant de rendre une décision relative à la légalité de ce contrôle (cause enregistrée sous A/1591/2023) ; elle contestait avoir consulté les sites listés dans le rapport informatique, certains sites lui étant d’ailleurs inconnus ; enfin, elle était en incapacité de travail depuis le 23 mai 2023, prévue jusqu’au 13 juillet 2023, en raison d’une intervention chirurgicale programmée de longue date ;

qu’il convenait de restituer l’effet suspensif ; étant en arrêt de travail, la procédure de reclassement arriverait à son terme fin juillet 2023 sans qu’elle ait pu y participer ; les chances de succès de son recours étaient manifestes, vu la violation crasse de ses droits dans la procédure de contrôle informatique ; elle n’avait pas été entendue avant ce contrôle ni au sujet des accusations de son ancienne collègue ;

que le DCS a conclu à l’irrecevabilité du recours ; il était reproché à A______, engagée le 1er juillet 1999 en qualité de secrétaire auprès du service du tuteur général, d’avoir régulièrement consulté la base de données « CALVIN » à des fins privées, d’avoir passé beaucoup de temps sur Internet, d’avoir accompli des activités privées pendant ses heures de travail (telles que rédiger, imprimer et remettre à son mari restaurateur le menu du jour, consulter des sites de vente en ligne, de voyage, de recherche généalogique, d’hébergement de vidéos, d’avoir visionné un épisode de « Dynastie » et la vidéo « Suricate – Les Dissociés/The Nobodies » et d’être restée en permanence connectée sur « Google Hangsout », un outil de messagerie instantanée ; dans le cadre de la procédure de reclassement, un premier entretien avait eu lieu par vidéoconférence le 2 juin 2023 ;

que, dans sa réplique sur restitution de l’effet suspensif et sur le fond, la recourante a exposé qu’elle se trouvait en vacances au moment où l’épisode de « Suricate » avait été visionné ; elle ignorait ce qu’était la messagerie « Hansout » ; il ressortait de la liste des sites Internet visités que certains avaient transité par un « VPN » différent de son « VPN » professionnel, ce qui démontrait que toutes les données des ordinateurs privés de son domicile familial avaient pu être synchronisées avec son ordinateur professionnel ; le dossier était insuffisamment instruit ; il était important qu’elle puisse s’exprimer au sujet des reproches ; elle collaborait à la procédure de reclassement, craignant qu’un défaut de collaboration puisse lui être reproché ; compte tenu de son arrêt maladie, le chambre de céans devait prolonger la durée de la procédure de reclassement ; elle a conclu, nouvellement, à la production par l’autorité intimée des « feuilles horaires et vacances » de mars 2019 à décembre 2022 ;

que, sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger sur effet suspensif et sur le fond ;

Considérant, en droit, l'art. 9 al. 1 du règlement interne de la chambre administrative du 26 mai 2020, à teneur duquel les décisions sur effet suspensif sont prises par la présidente de ladite chambre, respectivement par la vice-présidente, ou en cas d'empêchement de ceux-ci, par une juge ;

qu’aux termes de l’art. 66 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 (LPA - E 5 10), sauf disposition légale contraire, le recours a effet suspensif à moins que l’autorité qui a pris la décision attaquée n’ait ordonné l’exécution nonobstant recours (al. 1) ; que toutefois, lorsque aucun intérêt public ou privé prépondérant ne s’y oppose, la juridiction de recours peut, sur la demande de la partie dont les intérêts sont gravement menacés, retirer ou restituer l’effet suspensif (al. 3) ;

que selon la jurisprudence constante de la chambre administrative, des mesures provisionnelles – au nombre desquelles compte la restitution de l’effet suspensif – ne sont légitimes que si elles s’avèrent indispensables au maintien d’un état de fait ou à la sauvegarde d’intérêts compromis (ATF 119 V 503 consid. 3 ; ATA/503/2018 du 23 mai 2018 ; ATA/955/2016 du 9 novembre 2016 consid. 4 ; ATA/1244/2015 du 17 novembre 2015 consid. 2) ;

qu’elles ne sauraient, en principe, anticiper le jugement définitif (Isabelle HÄNER, Vorsorgliche Massnahmen in Verwaltungsverfahren und Verwaltungsprozess in RDS 1997 II 253-420, spéc. 265) ;

que, par ailleurs, l’octroi de mesures provisionnelles présuppose l’urgence, à savoir que le refus de les ordonner crée pour l’intéressé la menace d’un dommage difficile à réparer (ATF 130 II 149 consid. 2.2 ; 127 II 132 consid. 3 = RDAF 2002 I 405 ; ATA/941/2018 du 18 septembre 2018) ;

que la restitution de l’effet suspensif est subordonnée à l’existence de justes motifs, qui résident dans un intérêt public ou privé prépondérant à l’absence d’exécution immédiate de la décision (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 du 27 février 2014 consid. 5.5.1) ;

que pour effectuer la pesée des intérêts en présence qu’un tel examen implique, l’autorité de recours n’est pas tenue de procéder à des investigations supplémentaires, mais peut statuer sur la base des pièces en sa possession (ATF 117 V 185 consid. 2b ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_435/2008 du 6 février 2009 consid. 2.3 et les arrêts cités ; ATA/812/2018 du 8 août 2018) ;

que la chambre de céans dispose dans l’octroi de mesures provisionnelles d’un large pouvoir d’appréciation (arrêt du Tribunal fédéral 2C_1161/2013 précité consid. 5.5.1 ; ATA/941/2018 précité) ;

que, selon l'art. 57 let. c LPA, les décisions incidentes peuvent faire l'objet d'un recours si elles risquent de causer un préjudice irréparable ou si cela conduisait immédiatement à une solution qui éviterait une procédure probatoire longue et coûteuse ;

qu’un préjudice est irréparable lorsqu'il ne peut être ultérieurement réparé par une décision finale entièrement favorable au recourant (ATF 138 III 46 consid. 1.2 ; 134 III 188 consid. 2.1 et 2.2) ; que lorsqu'il n'est pas évident que le recourant soit exposé à un préjudice irréparable, il lui incombe d'expliquer dans son recours en quoi il serait exposé à un tel préjudice et de démontrer ainsi que les conditions de recevabilité de son recours sont réunies (ATF 136 IV 92 consid. 4 ; ATA/1622/2017 précité consid. 4d ; ATA/1217/2015 du 10 novembre 2015 consid. 2d) ;

que, selon l’art 21 al. 3 de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), l'autorité compétente peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé ; elle motive sa décision ; elle est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnels et de rechercher si un autre poste au sein de l'administration cantonale correspond aux capacités de l'intéressé. Les modalités sont fixées à l’art. 46A RPAC ;

que, selon l’art. 22 LPAC, il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de : l'insuffisance des prestations (let. a), l'inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b) et la disparition durable d'un motif d'engagement (let. c) ;

qu’en matière de fonction publique, la chambre administrative a déclaré irrecevable, pour défaut de préjudice irréparable, un recours contre une décision d'ouverture d'une procédure de reclassement, une telle décision étant au contraire destinée, dans l’hypothèse où le reclassement aboutirait, à éviter ou à atténuer les effets de la décision de licencier envisagée (ATA/1149/2015 du 27 octobre 2015 ; ATA/923/2014 du 25 novembre 2014). ;

qu’en l’espèce, la recourante continue à percevoir son traitement, de sorte qu’elle ne subit aucun inconvénient économique lié à l’ouverture de la procédure de reclassement ;

que les reproches qui lui sont adressés sont importants, étant précisé qu’elle reconnaît avoir giflé son ancienne collègue ;

que si elle se plaint de devoir collaborer à la procédure de reclassement, elle n’expose pas quelle urgence imposerait l’adoption de mesures conservatoires, la simple perspective de devoir accepter un poste au terme de la procédure de reclassement ne constituant qu’une hypothèse et ne conférant pas de caractère urgent à la situation ;

qu’admettre la restitution de l’effet suspensif reviendrait à figer la procédure de reclassement jusqu’à l’examen des griefs contre le bien-fondé de la résiliation des rapports de service, ce qui irait à l’encontre de la ratio legis de la LPAC et de la pratique de la chambre de céans (ATA/807/2022 du 16 août 2022 ; ATA/1033/2020 du 13 octobre 2020 consid. 8 et 9 ; ATA/818/2020 du 27 août 2020) ;

que les chances de succès du recours n’apparaissent pas, à ce stade de la procédure et sans préjuger du fond, à ce point manifestes qu’elles justifieraient à elles seules la restitution de l’effet suspensif ;

qu’en conséquence, prima facie, l’intérêt public de pouvoir procéder à la procédure de reclassement apparaît plus important que l’intérêt privé allégué par la recourante ;

qu’enfin, la question de savoir si les conditions permettant de recourir contre une décision incidente, telle que l’ouverture d’une procédure de reclassement, sont remplies est délicate ; qu’il n’apparaît en tout cas pas manifeste qu’elles le sont, de sorte qu’il n’est pas possible non plus de prononcer des mesures provisionnelles tendant à l’extension de la durée de la procédure de reclassement ;

qu’au vu de ce qui précède, la requête de restitution de l’effet suspensif et de mesures provisionnelles visant la prolongation de la durée de la durée de la procédure de reclassement sera refusée ;

qu’il sera statué sur les frais de la présente décision avec l’arrêt au fond.

LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

refuse de restituer l’effet suspensif et de prononcer des mesures provisionnelles ;

réserve le sort des frais de la présente décision avec l’arrêt au fond ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique la présente décision à Me Romain JORDAN, avocat de la recourante, ainsi qu'au département de la cohésion sociale.

 

 

La présidente :

 

 

 

V. LAUBER

 

 

 

 

Copie conforme de cette décision a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

la greffière :