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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/2039/2020

ATA/703/2023 du 27.06.2023 sur JTAPI/912/2022 ( LCI ) , REJETE

Recours TF déposé le 31.08.2023, 1C_431/2023
Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;PERMIS DE CONSTRUIRE;ZONE DE DÉVELOPPEMENT
Normes : LAT.14; LGZD.2.al2.lete; LPE.22; OPB.31; OPB.39
Résumé : Rejet d’un recours déposé contre une autorisation de construire délivrée pour un projet lauréat d’un concours d’urbanisme et d’architecture portant sur des logements et des activités sur des parcelles propriété de l’état de Genève située dans le périmètre du PAV. L’intimée, au bénéfice de deux engagements des propriétaires successifs des parcelles concernées par le projet de lui octroyer un droit de superficie, bénéficiaire de l’autorisation litigieuse doit se voir reconnaître la qualité de partie. La loi PAV, dont la conformité au droit fédéral a déjà été examinée par la chambre administrative, prévoit la possibilité de renoncer à un PLQ s’agissant d’un projet conforme au premier prix d’un concours d’architecture. Examen du respect des VLI en lien avec les travaux d’assainissement de la route de St-Julien ainsi que du degré de sensibilité DS III et des nuisances liées à l’accès au parking souterrain.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/2039/2020-LCI ATA/703/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 27 juin 2023

3ème section

 

dans la cause

 

A______ recourante
représentée par Me Alain MAUNOIR, avocat

contre

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC intimés
représenté par Me Mark MULLER, avocat

et

B______
représentée par Me Nicolas DAUDIN, avocat

 

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 septembre 2022 (JTAPI/912/2022)


EN FAIT

A. a. L’État de Genève était propriétaire des parcelles nos 1'007, 1'691, 1'692, 1'812, 1'935, 1'941, 2'020, 2'060 et 2'106, feuille n° 54 du cadastre de la commune de Carouge, situées entre les chemins de la Marbrerie et du Faubourg-de-Cruseilles. Depuis novembre 2021, ces parcelles sont propriété de la C______ (ci-après : la C______).

L’État de Genève, le 21 décembre 2011, puis la C______ le 3 décembre 2021, se sont engagés par courrier à octroyer un droit de superficie sur les parcelles susmentionnées à B______ (ci-après : la coopérative d’habitation) en vue de la réalisation d’une partie des droits à bâtir attachés à ces parcelles.

b. Les parcelles nos 1'812 et 2'020 sont contigües à la parcelle no 2'111, d’une surface de 1'217 m2, propriété de A______ (ci-après : A______), sur laquelle sont érigés deux bâtiments de gabarit R+7 plus attique, comprenant 56 logements ainsi qu’un parking de deux étages (rez et sous-sol). Cette parcelle est située à l’adresse ______.

c. Toutes les parcelles susmentionnées sont comprises dans le périmètre « Praille-Acacias-Vernets » (ci-après : le PAV).

B. a. Le 19 septembre 2011, la D______ (ci-après : la D______) a, sur délégation de l’État de Genève, lancé un concours d’urbanisme et d’architecture portant sur des logements et des activités sur les parcelles de l’État de Genève situées dans le périmètre du PAV, en application de la norme SIA en vigueur, sur la base d’un cahier des charges accepté par le département en charge des constructions, devenu le département du territoire (ci-après : le département ou le DT). Le projet lauréat devait être réalisé en deux étapes, avec une densité nette de 3,9.

Le projet « Castor & Pollux », qui proposait un ensemble de deux tours de logements de gabarit R + 15 avec un socle d’activités, a remporté le concours en avril 2012.

b. Le 1er avril 2015, le Conseil d’État a adopté le plan directeur de quartier PAV n° 29'951 (ci-après : le PDQ-PAV) prévoyant de fortes densités et un indice de 4,4 pour le secteur D du périmètre, dénommé « Praille Est – Grosselin », dans lequel se situent les parcelles susmentionnées.

c. Le 27 avril 2016, la coopérative d’habitation, par l’intermédiaire de son architecte, a déposé auprès du département une requête en autorisation de construire relative à un ensemble de deux tours d’habitation et socle d’activités, un garage souterrain et l’abattage d’arbres sur les parcelles nos 1'912, 2'020, 2'060, 1'007, 1'935, 1'941, 2'016, 1'691 et 1'992. Cette demande a été enregistrée sous DD 1______ et publiée dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 17 mai 2016.

Le projet proposait la construction de deux tours (R+19) plus attiques, avec un gabarit de hauteur de 60,43 m, comprenant 185 logements, 3'427 m2 d’activités, un parc arborisé, des toitures aménagées pour les habitants et un parking de 126 places.

d. Le 8 juin 2016, la commune de Carouge (ci-après : la commune) a recommandé le dépôt d’un projet modifié ne portant que sur une seule tour.

e. Le 16 juin 2016, A______ a formulé des observations sur la requête en autorisation de construire précitée et a invité les différents acteurs à une réflexion sur l’adoption d’un plan localisé de quartier (ci-après : PLQ), à revoir les gabarits des tours et les aménagements extérieurs de manière à respecter les objectifs du concours susmentionné et à l’intégration de ses immeubles dans les espaces communs et ouverts, à repenser la voie d’accès menant à la rampe du garage souterrain de manière à limiter les nuisances, à mener des études utiles, à respecter les limites parcellaires dans la mise en place du chantier et à prendre toutes les mesures de conservation nécessaires à la sécurisation de ses immeubles.

f. Le 28 août 2017, la coopérative d’habitation a déposé un projet modifié, enregistré sous DD 1______/1/3 et publié dans la FAO du 24 octobre 2017, portant sur la « construction d’une tour d’habitation et socle d’activités - complément à la DD 1______ ».

Selon le courrier d’accompagnement de l’architecte, le projet initial avait été réduit et scindé en étapes, le projet modifié constituant la première étape. Il prévoyait la construction d’une seule tour (R+16), avec un gabarit de hauteur de 51 m, comprenant 77 logements.

g. Dans le cadre de l’instruction de la requête DD 1______/1/3, toutes les instances consultées ont préavisé favorablement le projet, avec ou sans réserve. Notamment :

-          par préavis respectifs des 30 mai 2016, 1er novembre 2016 et 25 octobre 2017, 7 août 2018, 4 février 2019 et 5 mars 2019, l’office cantonal de l’énergie, le service de géologie, sols et déchets, la direction de la mensuration officielle, la commission d’architecture, la direction de la planification directrice cantonale et régionale, la direction générale de l’agriculture et de la nature et la police du feu se sont prononcés favorablement sous conditions ;

-          le 31 octobre 2017, après avoir requis, par préavis du 23 juin 2016, la production d’une étude acoustique, laquelle a été réalisée le 7 septembre 2016 par le bureau E______, le service de l'air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : le SABRA) a émis un préavis favorable sous conditions. L’affectation de la zone en degré de sensibilité DS III était conforme. S’agissant du bruit routier, le dépassement des valeurs limites d’immission (ci-après : les VLI) de 1 dB(A) était principalement dû au trafic provenant de la route de Saint-Julien. Compte tenu du fait que cette route allait subir un assainissement réduisant le bruit routier de 3 à 4 dB(A) d’ici la fin de l’année 2017, il a considéré que les VLI étaient respectées. Concernant le parking, il a relevé que malgré les 358 mouvements journaliers supplémentaires estimés (voitures + deux roues), les valeurs de planification du DS II seraient respectées. Enfin, le bruit des installations techniques, dans un souci de confort avec les riverains, avait été limité de façon à respecter également les valeurs du DS II ;

-          le 22 novembre 2017, la direction générale de l’eau, devenue l’office cantonal de l’eau (ci-après : l’OCEau), a émis un préavis favorable, sous condition notamment que toutes les mesures constructives nécessaires à la minimisation des risques en cas d’événement exceptionnel (inondation) soient prises. La requérante était rendue attentive au fait que les parcelles concernées étaient situées dans une zone potentiellement inondable par le débordement de la Drize selon la carte indicative des dangers dus aux crues, établie sous les hypothèses d’une crue extrême avec les parties enterrées des cours d’eau partiellement obstruées ;

-          le 23 août 2018, la commune a émis un préavis favorable avec dérogation, sous conditions et avec souhaits. Elle a validé la renonciation à l’élaboration d’un PLQ, exigé que le projet s’inscrive dans les objectifs du PLQ-PAV en cours de préparation, notamment celui de permettre globalement la réalisation d’un quartier exemplaire, et pris note du fait que le projet était d’ores et déjà pris en compte dans les études d’urbanisme préparant le futur PLQ-PAV Grosselin.

Le projet, qui revenait à l’implantation du projet lauréat du concours, répondait de façon convaincante à certaines critiques émises dans son précédent préavis du 29 novembre 2017, car il offrait un espace extérieur généreux simultanément à la livraison des premiers logements.

Le préavis conditionnait le démarrage du chantier à l’établissement d’un acte notarié prévoyant les cessions au domaine public permettant des élargissements de trottoirs (A) et les servitudes de passage à pied et à vélo pour assurer la continuité en mobilité douce (B). Le préavis conditionnait également la délivrance de l’autorisation au résultat de l’étude qu’elle avait engagée visant à analyser les possibilités techniques et financières de mutualiser les rampes d’accès avec celles des immeubles voisins, de façon à pouvoir intégrer au projet autorisé les mesures conservatoires et/ou les modifications permettant ultérieurement la réalisation par étape de ces infrastructures et aménagements ;

-          le 29 mars 2019, la direction PAV a émis un préavis favorable avec dérogation (art. 2 al. 2 let. e de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 - LGZD - L 1 35) et sous conditions. Les études visant à estimer la possibilité de réaliser une rampe mutualisée de parking avec les immeubles
18, 20, 22 et 24 route de Saint-Julien n’avaient pas été concluantes. En revanche, une réduction du nombre de rampes pouvait se régler par le phasage des opérations. Le projet devait ainsi prévoir, conformément aux schémas de phasage des rampes, des réservations foncières afin de permettre la connexion du parking projeté en première étape aux parkings voisins, le stationnement en sous-sol à l’échelle du PLQ visant un raccordement de tous les parkings entre eux « en enfilade » ;

-          le 1er avril 2019, l’office cantonal des transports (ci-après : l’OCT) a rendu un préavis favorable, sous condition notamment que la rampe d’accès au parking souterrain ne soit que provisoire, dans l’attente de la construction du bâtiment au nord-ouest du périmètre (parcelles nos 2'119 et 2'120) et de son parking souterrain. En effet, à terme, le parking ferait partie d’un réseau de parkings souterrains, reliés entre eux par des voies de connexion souterraines avec un accès unique, le plus loin possible du carrefour route de Saint-Julien et chemin de la Marbrerie. Le parking devait par conséquent être compatible au niveau spatial et constructif avec la création de voies de connexion souterraines vers les futurs parkings souterrains des développements voisins (parcelles nos 2'111, 2'112, 2'113, 1'031). La rampe d’accès devait être condamnée dès la mise en service de l’accès définitif conformément au schéma de phasage des rampes.

h. Par arrêté du 10 mars 2020, le département a, en application de l’art. 2 al. 2 let. e LGZD, autorisé l’application des normes de la deuxième zone au bâtiment à construire selon la DD 1______.

i. Le 8 juin 2020, se référant notamment à la version n° 5 du 18 janvier 2019, à l’arrêté départemental du 10 mars 2020, aux autorisations de démolir M 2______ et M 3______ délivrées le même jour, à la réquisition pour le registre foncier relative à la radiation de servitudes diverses validée le 25 septembre 2019 et à l’art. 2 al. 2 LGZD, le département a délivré l’autorisation globale de construire DD 1______, qui a été publiée dans la FAO du même jour.

Les conditions figurant notamment dans les préavis de l’OCT, de la direction PAV, de la commune (point n°s 1 et 4), de l’OCEau et du SABRA devaient être strictement respectées et faisaient partie intégrante de l’autorisation globale (ch. 5 de l’autorisation).

C. a. Par acte déposé le 8 juillet 2020 et complété le 24 août 2020, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : le TAPI) contre l’autorisation de construire, concluant à son annulation et à celle de l’autorisation d’abattage d’arbres qui lui était liée, invoquant de nombreux griefs.

b. Le 28 septembre 2020, le département de même que la coopérative d’habitation ont répondu point par point aux griefs soulevés dans le recours et conclu à son rejet.

A______ a persisté le 2 novembre 2020, le département a dupliqué le 4 novembre 2020, de même que la coopérative d’habitation.

c. Par courrier du 24 décembre 2020, le département a informé le TAPI que, suite à un arrêt du 27 novembre 2020 dans lequel la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) avait annulé une autorisation de construire au motif que le département n’était pas compétent pour décider d’une renonciation à l’élaboration d’un PLQ, un projet d’arrêté dérogeant à l’obligation d’adopter un PLQ préalablement à la délivrance de l’autorisation de construire DD 1______ serait soumis au Conseil d’État prochainement.

d. Par arrêté du 27 janvier 2021, le Conseil d’État a, en lien avec la DD 1______, renoncé à l’établissement d’un PLQ, autorisé l’application des normes de la deuxième zone au bâtiment à construire et réservé les conditions particulières de l’autorisation de construire.

Par acte du 17 février 2021, complété le 25 mars 2021, A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre l’arrêté du 27 janvier 2021 précité en concluant à son annulation.

Par arrêt ATA/1054/2021 du 12 octobre 2021, la chambre administrative a rejeté, dans la mesure de sa recevabilité, le recours. Le 22 novembre 2021, le Tribunal fédéral a déclaré irrecevable le recours déposé par A______ contre l’arrêt précité (1C_683/2021).

e. Dans ses observations du 15 décembre 2021, A______ a sollicité un complément d’instruction en lien avec l’application de l’ordonnance sur la protection contre le bruit du 15 décembre 1986 (OPB - RS 814.41), persistant dans ses déterminations et conclusions pour le surplus.

Elle avait reçu, en date du 5 novembre 2021, une décision de refus de son projet de surélévation des trois immeubles de logements situés 20, 22 et 24 route de
Saint-Julien (DP 4______), au motif que l’adoption préalable d’un PLQ était nécessaire dans ce périmètre du PAV. Dans son préavis du 2 septembre 2020, la direction du PAV confirmait qu’une planification spéciale était en cours d’élaboration dans ce même périmètre. Le département était donc incohérent lorsqu’il s’obstinait à refuser, dans la présente cause, l’élaboration de tout PLQ.

f. Dans ses observations du même jour, le département s’est prévalu de l’irrecevabilité de certains griefs soulevés à l’encontre de la DD 1______. Suite à l’entrée en force de l’ATA/1054/2021 du 12 octobre 2021, les griefs de la violation du principe de coordination, de l’absence de PLQ et de l’incompatibilité de la zone de développement PAV avec le droit fédéral devaient être déclarés irrecevables en application du principe de l’autorité de chose jugée.

g. Par jugement du 5 septembre 2022, le TAPI a rejeté le recours.

La coopérative d’habitation était future bénéficiaire d’un droit de superficie sur les parcelles concernées par le projet contesté et bénéficiaire de l’autorisation de construire, sa qualité de partie dans la procédure devait lui être reconnue.

Les actes d’instruction requis, en lieu avec le futur réseau de parkings souterrains, n’étaient pas nécessaires, ce réseau étant exorbitant au litige. Quant au complément d’expertise acoustique, rien n’amenait à penser qu’elle était lacunaire et le complément n’était pas nécessaire.

La chambre administrative avait entériné la compatibilité de la zone de développement instaurée par la loi 108'788 du 23 juin 2011 (ci-après : loi PAV) avec le droit fédéral et validé l’application de l’art. 2 al 2 let. e LGZD. Elle avait confirmé que l’absence de PLQ dans le périmètre ne violait pas le principe de l’obligation de planifier prévue par le droit fédéral. Elle avait entériné le respect du principe de coordination et le principe de la garantie de la propriété de A______ qui était respecté en raison du but de la loi PAV. L’application de l’art. 2 LGZD avait été définitivement tranché au niveau cantonal, bénéficiant ainsi de l’autorité de la chose jugée et certains griefs étaient irrecevables.

Ce serait faire preuve de formalisme excessif que d’annuler l’autorisation de construire litigieuse au motif que l’arrêté du Conseil d’État avait été rendu postérieurement à la délivrance de l’autorisation de construire, la A______ n’ayant subi aucun préjudice de ce fait.

Le DT n’avait pas violé la loi ni excédé son pouvoir d’appréciation en concluant que les divergences entre le projet litigieux et le projet primé étaient mineures et admissibles.

Le projet modifié avait fait l’objet d’une nouvelle publication dans la FAO et n’avait pas à être traité comme une demande nouvelle et distincte.

La perte d’ensoleillement n’était pas documentée et la zone concernée permettait la construction projetée, de sorte que les voisins devaient en principe souffrir d’une diminution d’ensoleillement de leurs parcelles qui ne pouvait être qualifiée de grave en l’absence de tout élément probant contraire.

Le grief de défaut d’insertion du projet dans le site existant était écarté compte tenu notamment de l’unanimité des préavis favorables.

Les normes de protection contre le bruit étaient respectées et les autres nuisances alléguées n’étaient pas documentées. Il n’y avait aucune obligation d’adapter les DS attribués par le plan de zone. Le classement en DS III était en adéquation tant avec le secteur concerné qu’avec les activités prévues dans le bâtiment.

Les dispositions de l’OPB n’avaient pas été violées en lien avec le contrôle des immissions de bruit extérieur dans les premiers étages de la construction prévue. Il fallait relever notamment que le rez-de-chaussée et le 1er étage du bâtiment étaient destinés à de l’activité et non du logement.

Le bruit routier perçu sur le chemin de la Marbrerie provenait de la route de
Saint-Julien qui avait fait l’objet d’un assainissement fin 2017 permettant de le réduire d’environ 3 à 4 dB(A) sur ledit chemin.

D. a. Le 10 octobre 2022, A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre le jugement du TAPI, concluant principalement à son annulation ainsi qu’à celle de l’autorisation de construire DD 1______. Elle concluait également à la production par la C______ du contrat de constitution du droit de superficie sur les parcelles nos 1'007, 1'691, 1'692, 1'812, 1'935, 1'941, 2'020, 2'060 et 2'106, feuille 54 de la commune de Carouge ; à ce que le département produise toute documentation attestant de la réalisation en 2017 des prétendus travaux d’assainissement du bruit routier sur la route de Saint-Julien à la hauteur du débouché du chemin de la Marbrerie ; à ce que le département soit invité à faire compléter l’étude acoustique afin de démontrer que les VLI étaient respectées au milieu de toutes les fenêtres ouvertes, de tous les étages de l’immeuble projeté sur les parcelles nos 1'812 et 2'020 ; à ce que le département soit invité à produire une copie du dossier relatif à l’élaboration du PLQ Grosselin, en incluant le résultat de l’enquête technique et à ce que le département soit invité à fournir une évaluation de la capacité totale de tous les parkings souterrains destinés à être raccordés entre eux.

Préalablement, elle concluait au constat de ce que la coopérative d’habitation n’avait pas la qualité de partie, n’étant pas titulaire d’un droit réel sur les parcelles faisant l’objet de l’autorisation de construire.

Son droit d’être entendue avait été violé, le département n’ayant pas produit le dossier concernant les prétendus travaux d’assainissement de la route de
Saint-Julien.

La délivrance de l’autorisation de construire se basait sur une planification qui n’était pas conforme au droit fédéral, en particulier aux art. 14 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700) et 75 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) qui obligeait les cantons à définir des zones d’affectation fixant un minimum de règles realtives notamment à la police de constructions. Du fait de l’absence de règles constructives qui seraient contenues dans un PLQ, la garantie constitutionnelle de la propriété subissait une atteinte inadmissible.

Les VLI étaient certainement dépassées et la référence aux données du cadastre du bruit routier était insuffisante pour s’assurer du respect des dispositions de l’OPB. La réduction du bruit routier, alléguée par le département, qui aurait dû intervenir dès 2018, n’avait manifestement pas eu lieu. Les VLI étaient dépassées, de nuit, sur la façade du bâtiment projeté. Si les travaux d’assainissement avaient eu lieu, il était important de les prouver.

Elle contestait l’application du degré de sensibilité DS III au projet, selon un raisonnement fondé sur l’absence de plan d’affectation du sol. Un DS II conforme à l’OPB se justifiait d’autant plus vu les résolutions du Grand Conseil sur la réalisation d’un quartier exemplaire sur le plan du respect de l’environnement.

Le TAPI n’avait pas examiné si le projet litigieux respectait le principe de prévention inscrit à l’art. 11 al. 2 de la loi fédérale sur la protection de l’environnement du 7 octobre 1983 (LPE - RS 814.01). La voie d’accès au parking était située sur la totalité de 35 m en surface et constituait la limite de propriété avec sa parcelle. Aucun aménagement destiné à réduire les nuisances sonores, atmosphériques et olfactives n’était prévu. Un autre accès, moins nuisible pour le voisinage, devait être recherché, comme l’imposait la jurisprudence citée.

Le parking souterrain allait faire partie d’un réseau de parkings. Il s’agissait d’une condition de l’autorisation de construire. La réalisation serait faite en plusieurs phases. Un schéma de phasage était inclus dans les préavis topiques. Pendant les phases 1 et 2, l’unique accès au réseau souterrain serait l’accès prévu par le projet, en surface, le long de la limite de propriété, provoquant de nombreuses nuisances. La capacité des autres parkings mis en réseau n’était pas connue.

b. Le 11 novembre 2022, la coopérative d’habitation a conclu au rejet du recours et à l’appel en cause de la C______.

Sa capacité pour être partie à la procédure était indiscutable. Elle produisait un projet de promesse de constitution d’un droit de superficie par la C______ en sa faveur, rédigé par un notaire le 26 septembre 2022. Plusieurs griefs soulevés étaient irrecevables. Elle répondait ensuite point par point au recours.

c. Le 15 novembre 2022, le département a conclu au rejet du recours.

Il répondait point par point aux griefs soulevés, dont certains étaient irrecevables et déposait un plan conforme à l’exécution de l’assainissement de la route de
Saint-Julien du 10 novembre 2017.

d. Le 23 décembre 2022, la recourante a répliqué, développant à nouveau son argumentation.

e. Le 19 janvier 2023, la coopérative d’habitation et le département ont persisté dans leurs conclusions.

f. Le 3 février 2023, la recourante a produit un rapport succinct du projet acoustique, établi le 13 juillet 2022 par le service des routes du département des infrastructures qui montrait, selon elle, que les charges sonores provenant de la route de
Saint-Julien étaient identiques ou quasiment identiques à celles prévalant en 2016-2017. Les nuisances n’avaient donc pas diminué.

g. Le 17 février 2023, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger et qu’un délai pour déposer des observations, demandé le 16 février 2023 par le département, était refusé.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2.             La recourante sollicite un certain nombre de mesures d’instruction et allègue une violation de son droit d’être entendue du fait que le TAPI n’a pas ordonné la production de certaines pièces par l’autorité intimée.

2.1 Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 Cst., le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour la personne intéressée de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou, à tout le moins, de s’exprimer sur son résultat lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre. Il n'empêche toutefois pas l'autorité de mettre un terme à l'instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient pas l'amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_359/2022 du 20 avril 2023 consid. 3.1 et les références citées).

2.2 En l’espèce, les mesures demandées par la recourante sont la remise de certaines pièces par l’autorité intimée portant sur le futur réseau de parkings souterrains, sur une étude acoustique à réaliser, sur des travaux d’assainissement du bruit routier sur la route de Saint-Julien et sur l’élaboration d’un PLQ.

Le réseau de parkings dépasse le cadre de la présente autorisation et, partant, la demande faite est exorbitante au litige.

S’agissant des autres demandes, le dossier contient notamment un rapport acoustique validé par le SABRA à l’encontre duquel la recourante n’apporte aucun élément qui permettrait de conclure que l’étude serait lacunaire ainsi que des extraits SITG et du plan conforme à l’exécution du 10 novembre 2017 produits par l’autorité intimée démontrant l’assainissement de la route de Saint-Julien. En outre, le besoin de mesures complémentaires n’est pas avéré et la recourante ne motive pas non plus sa demande sur ce point.

En conséquence, et comme cela sera également vu ci-dessous, les demandes d’actes d’instruction n’apparaissent pas nécessaires pour trancher le litige en toute connaissance de cause et seront en conséquence rejetées. Il s’ensuit également qu’aucune violation du droit d’être entendu de la recourante par le TAPI ne saurait être retenue, de sorte que ce grief sera écarté.

3.             La recourante soutient que la coopérative d’habitation intimée n’aurait pas la qualité de partie.

3.1 À teneur de l’art. 60 al. 1 let. a et b LPA, les parties à la procédure qui a abouti à la décision attaquée et toute personne qui est touchée directement par une décision et a un intérêt personnel digne de protection à ce qu’elle soit annulée ou modifiée, sont titulaires de la qualité pour recourir (ATA/1254/2022 du 13 décembre 2022 consid. 3a et les arrêts cités). La chambre administrative a déjà jugé que les let. a et b de la disposition précitée doivent se lire en parallèle : ainsi, le particulier qui ne peut faire valoir un intérêt digne de protection ne saurait être admis comme partie recourante, même s’il était partie à la procédure de première instance (ATA/905/2022 du 6 septembre 2022 consid. 3b et l'arrêt cité ; Stéphane GRODECKI/Romain JORDAN, Code annoté de procédure administrative genevoise, 2017, p. 184 n. 698).

Cette notion de l’intérêt digne de protection est identique à celle de l’art. 89 al. 1 let. c de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005, en vigueur depuis le 1er janvier 2007 (LTF - RS 173.110) que les cantons sont tenus de respecter, en application de la règle d’unité de la procédure qui figure à l’art. 111 al. 1 LTF (ATF 144 I 43 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_433/2021 du 5 juillet 2022 consid. 3.1 ; Message du Conseil fédéral concernant la révision totale de l’organisation judiciaire fédérale du 28 février 2001, FF 2001 pp. 4126 ss et 4146 ss).

Selon l’art. 89 al. 1 LTF, a qualité pour former un recours en matière de droit public quiconque a pris part à la procédure devant l’autorité précédente ou a été privé de la possibilité de le faire (let. a), est particulièrement atteint par la décision ou l’acte normatif attaqué (let. b) et a un intérêt digne de protection à son annulation ou à sa modification (let. c).

Selon la jurisprudence, le recourant doit être touché de manière directe, concrète et dans une mesure et avec une intensité plus grandes que la généralité des administrés, et l’intérêt invoqué, qui n’est pas nécessairement un intérêt juridiquement protégé, mais qui peut être un intérêt de fait, doit se trouver, avec l’objet de la contestation, dans un rapport étroit, spécial et digne d’être pris en considération (ATF 143 II 506 consid. 5.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_593/2019 du 19 août 2020 consid. 1.2). En application de ces principes, le recours d’un particulier ou d'une association, formé dans l’intérêt général ou d’un tiers, est irrecevable (ATF 138 II 162
consid. 2.1.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_61/2019 du 12 juillet 2019 consid. 1.2 ; ATA/23/2021 du 12 janvier 2021 consid. 4). Le lien de connexité est clair lorsque le recourant est l’un des destinataires de la décision (François BELLANGER, La qualité pour recourir, in François BELLANGER/Thierry TANQUEREL éd., Le contentieux administratif, 2013, p. 116).

Tant le propriétaire que le titulaire d'un droit réel restreint (d'habitation, d'usufruit, de superficie, de gage, d'emption ou de préemption) ou d'un droit obligationnel, comme le locataire ou le fermier, ont par ailleurs en principe qualité pour recourir (PIERMARCO ZEN-RUFFINEN, La qualité pour recourir des tiers dans la gestion de l'espace, in : Thierry TANQUEREL/François BELLANGER, éd., Les tiers dans la procédure administrative, 2004, p. 185 et les références)

Toujours en droit de la construction, la qualité de partie devant la chambre de céans a été déniée à une mandataire, architecte du propriétaire uniquement, et par conséquent la qualité pour recourir au Tribunal fédéral pour se plaindre d’un droit de partie qu’elle n’avait pas (1C_61/2019 précité consid. 1.7).

3.2 En l’espèce, l’intimée est au bénéfice de deux engagements des propriétaires successifs des parcelles concernées par le projet de lui octroyer un droit de superficie, datant respectivement de 2011 et 2021. Depuis lors, un notaire a été mandaté pour instrumenter la promesse de constitution et, surtout, l’intimée est bénéficiaire de l’autorisation de construire litigieuse.

Au vu de ce qui précède, il faut admettre que l’intimée dispose d’un intérêt digne de protection au sens décrit ci-dessus et sa qualité de partie doit être admise.

Le grief sera donc écarté.

4.             La recourante estime que la délivrance de l’autorisation ne serait pas conforme aux exigences minimales fixées dans le droit fédéral et notamment par l’art. 14 LAT, en l’absence de PLQ et de règles constructives ainsi que par l’accumulation de particularités du secteur.

4.1 Le 23 juin 2011, le Grand Conseil de la République et canton de Genève a adopté la loi PAV modifiant les limites de zones sur le territoire des villes de Genève, Carouge et Lancy et créant une zone 2, diverses zones de développement 2, une zone de verdure et une zone de développement 2 prioritairement affectée à des activités mixtes.

La loi PAV prévoit de renoncer à l’adoption d’un PLQ en cas de projet conforme au premier prix d’un concours d’architecture SIA et à l’application des normes ordinaires de la législation sur les constructions régissant les distances, les vues droites et les gabarits des constructions (art 1 al. 3 loi PAV qui renvoie à l’application de l’art. 2 al. 2 let. e et al. 3 LGZD).

4.2 L'autorité de la chose jugée interdit de remettre en cause, dans une nouvelle procédure, entre les mêmes parties, une prétention identique qui a été définitivement jugée. Il y a identité de l'objet du litige quand, dans l'un et l'autre procès, les parties soumettent au tribunal la même prétention, en reprenant les mêmes conclusions et en se basant sur le même complexe de faits. L’identité de l’objet du litige s’entend au sens matériel ; il n’est pas nécessaire, ni même déterminant que les conclusions soient formulées de manière identique (ATF 144 I 11 consid. 4.2 ; 142 III 210 consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_752/2021 du 19 mai 2022 consid. 3.1 ; ATA/1281/2022 du 20 décembre 2022 consid. 2a).

4.3 Dans son arrêt ATA/1054/2021 précité, devenu définitif suite à l’arrêt d’irrecevabilité rendu par le Tribunal fédéral le 22 novembre 2021 (1C_683/2021), la chambre administrative a examiné la question de la conformité de la loi PAV au droit fédéral, dont l’art. 75 Cst, et à la garantie de la propriété et confirmé que l’absence d’adoption d’un PLQ dans le périmètre concerné ne violait pas le principe de l’obligation de planifier prévu par la LAT. L’autorisation d’appliquer les normes de la zone 2 au projet à construire a donc déjà été jugée conforme au droit (ATA/1054/2021 précité consid. 5 et 7)

Cet arrêt ayant été rendu dans une procédure entre les mêmes parties et concernant le même projet de construction, il bénéficie de l’autorité de la chose jugée et interdit de remettre en cause, dans une nouvelle procédure, des prétentions identiques
(ATF 142 III 210 consid. 2.1).

En conséquence, le grief de la recourante est irrecevable.

5.             La recourante estime que l’autorisation aurait été délivrée en violation des dispositions de l’art. 22 LPE et 31 et 39 OPB.

5.1 Selon l’art. 22 LPE afférent aux permis de construire dans les zones affectées par le bruit, les permis de construire de nouveaux immeubles destinés au séjour prolongé de personnes ne seront délivrés, sous réserve de l'al. 2, que si les VLI ne sont pas dépassées (al. 1) ; si les VLI sont dépassées, les permis de construire de nouveaux immeubles destinés au séjour prolongé de personnes ne seront délivrés que si les pièces ont été judicieusement disposées et si les mesures complémentaires de lutte contre le bruit qui pourraient encore être nécessaires ont été prises (al. 2).

Cette disposition est précisée par l’OPB dans les termes suivants : lorsque les VLI sont dépassées, les nouvelles constructions ou les modifications notables de bâtiments comprenant des locaux à usage sensible au bruit, ne seront autorisées que si ces valeurs peuvent être respectées par : la disposition des locaux à usage sensible au bruit sur le côté du bâtiment opposé au bruit (let. a) ; ou des mesures de construction ou d’aménagement susceptibles de protéger le bâtiment contre le bruit (let. b) (art. 31 al. 1 OPB).

À teneur de l’art. 31 al. 2 OPB, si les mesures fixées à l’al. 1 ne permettent pas de respecter les VLI, le permis de construire ne sera délivré qu’avec l’assentiment de l’autorité cantonale et pour autant que l’édification du bâtiment présente un intérêt prépondérant.

Pour les bâtiments, les immissions de bruit seront déterminées au milieu de la fenêtre ouverte des locaux à usage sensible au bruit (art. 39 al. 1 OPB).

Pour le bruit routier, l’autorité d’exécution consigne dans un cadastre les immissions de bruit déterminées selon l’art. 36 OPB (art. 37 al. 1 OPB).

Les VLI du DS III applicables au bruit routier sont de 65 dB(A) de jour et de
55 dB(A) de nuit (annexe 3 OPB).

L’autorité d’exécution détermine les immissions de bruit extérieur dues aux installations fixes ou ordonne leur détermination si elle a des raisons de supposer que les valeurs limites d’exposition en vigueur sont déjà ou vont être dépassées. Elle tient compte des augmentations ou des diminutions des immissions de bruit auxquelles on peut s’attendre en raison par exemple de l’assainissement d’installations fixes, notamment si les projets concernés sont déjà autorisés ou mis à l’enquête publique au moment de la détermination (art. 36 al 1 et 2 let. a OPB).

5.2 Selon la jurisprudence bien établie, chaque fois que l’autorité inférieure suit les préavis requis, étant précisé qu’un préavis sans observation équivaut à un préavis favorable, la juridiction de recours doit s’imposer une certaine retenue, qui est fonction de son aptitude à trancher le litige (Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2e éd., 2018, p. 176 n. 508). L’autorité de recours se limite ainsi à examiner si le département ne s’écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l’autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d’émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/1261/2022 du 13 décembre 2022 consid. 4d ; ATA/807/2020 du 25 août 2020 consid. 9a).

5.3 La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA), sans être limité par les allégués et les offres de preuves des parties. Dans la mesure où l'on peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle les recueille, elle réunit ainsi les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties et recourt s’il y a lieu à d'autres moyens de preuve (art. 20 LPA). Mais ce principe n’est pas absolu, sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (ATF 128 II 139 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_454/2017 du 16 mai 2018 consid. 4.1 ; 2C_524/2017 du 26 janvier 2018 consid. 4.2 ; ATA/1150/2022 du 15 novembre 2022 consid. 3a).

5.4 En l’espèce, le projet de construction est accompagné d’une étude acoustique effectuée à la demande du SABRA en raison d’un dépassement des VLI de 1dB(A) de nuit, principalement en raison du trafic provenant de la route de Saint-Julien. Rien ne permet de douter que les limites fournies par le cadastre du bruit routier, auxquelles il est fait référence dans les deux cas, n’aient été mesurées conformément aux exigences de l’OPB.

Compte tenu du fait que la route concernée allait subir un assainissement réduisant le bruit routier de 3 à 4 dB(A), le SABRA a considéré que les VLI étaient respectées. Depuis lors, un assainissement de la route a été réalisé, comme l’atteste le plan conforme à l’exécution du 10 novembre 2017 déposé par le département, lequel indique la pose de revêtement phono-absorbant du rondeau de Carouge au Bachet de Pesay, sauf sur un court tronçon situé à la hauteur du croisement avec la route de la Marbrerie, mais uniquement sur une des deux voies de la route.

Ainsi, vu ces éléments probants et malgré le raisonnement de la recourante censé prouver que l’assainissement de la route, s’il avait été effectué, n’aurait pas eu les effets escomptés, il est établi que des travaux d’assainissement ont été effectués et il peut être retenu qu’ils ont eu des effets suffisants, s’agissant du dépassement constaté dans l’étude acoustique sur laquelle s’est fondé le SABRA.

En effet, la recourante s’appuie sur des mesures faites dans le cadre d’un projet d’assainissement de son propre bâtiment, sur les façades situées sur la route de Saint-Julien et sur le croisement avec le chemin de la Marbrerie, lesquelles ne peuvent être sans autre être transposées au projet litigieux, notamment par ce que l’immeuble à construire se trouve derrière les bâtiments de la recourante par rapport à la source du bruit routier.

Ainsi, se fondant sur le préavis positif de l’instance spécialisée, il appert que l’autorité intimée n’a pas violé l’art. 22 LPE en délivrant l’autorisation querellée et le grief sera écarté. Quant à la production de documents complémentaires, qu’il s’agisse d’un complément à l’étude acoustique ou concernant les travaux d’assainissement réalisés, comme requis par la recourante, elle ne s’avère donc pas nécessaire.

6.             La recourante conteste l’application du degré de sensibilité DS III au projet.

Vu la motivation de la recourante en lien avec l’absence de PLQ, la question de la recevabilité de ce grief se pose. Toutefois, compte tenu de ce qui suit, cette question souffrira de rester indécise.

La loi PAV définit dans le secteur concerné un DS III, prévu en zone 2 et en zone de développement 2 (art. 5 loi PAV). La loi PAV renvoie à l’art. 15 al. 2 de la loi d'application de la loi fédérale sur la protection de l'environnement du 2 octobre 1997 (LaLPE - K 1 70) pour permettre d’adapter les degrés de sensibilité au bruit fixés par un plan de zone à l’occasion de l’adoption d’un PLQ et l’art. 2 al. 3 LGZD prévoit que l’autorisation de construire délivrée en l’absence de PLQ, notamment lorsque le projet est conforme à un concours d’architecture, peut fixer les éléments visés à l’art. 3 al. 1 et 3 LGZD qui définit le contenu des PLQ. Toutefois, vu leur formulation, ces dispositions n’imposent pas d’adapter le degré de sensibilité au bruit.

Ainsi, contrairement à ce que soutient la recourante, rien n’obligeait l’autorité intimée à adapter le DS III prévu pour les zones où sont admises des entreprises moyennement gênantes, notamment dans les zones d’habitation et artisanales (zones mixtes) ainsi que dans les zones agricoles (art. 43 al. 1 let. c OPB) et qui correspond au DS défini par la Loi PAV dans ce secteur.

Dans ce cadre, la production du projet de PLQ Grosselin, au stade des études, ne s’avère pas pertinente.

7.             Selon la recourante, le projet ne respecterait pas le principe de précaution de l’art. 11 al. 2 LPE en raison de la voie d’accès au parking et des nuisances qu’elle provoquerait.

7.1 Selon l’art. 11 al. 2 LPE qui concrétise le principe de précaution, il importe, à titre préventif et indépendamment des nuisances existantes, de limiter à la source les émissions dans la mesure que permettent l’état de la technique et les conditions d’exploitation et pour autant que cela soit économiquement supportable. Les limites d’émission adoptées selon ce principe figurent dans la réglementation adoptée, telle que l’OPB et l’ordonnance sur la protection de l’air du 16 décembre 1985 (OPair - RS 814.318.142.1) notamment.

7.2 En l’espèce, s’agissant de l’accès au parking souterrain prévu dans le projet litigieux, la recourante omet de tenir compte d’un fait important, à savoir que ledit accès n’est situé que provisoirement à la limite de sa parcelle. En effet, il n’existera que dans l’attente de la construction d’un bâtiment au Nord-Ouest du périmètre et de la création du réseau de parkings reliés par des voies de connexion, dont l’accès unique se fera par une rampe située loin de la parcelle de la recourante, comme cela ressort du préavis de l’OCT du 1er avril 2019 notamment.

L’OCT a préavisé favorablement cet accès, aux conditions qu’il a fixées et ses caractéristiques techniques de l’accès ont permis au SABRA de retenir, sur la base du rapport acoustique, qu’il remplissait même les exigences du DS II sur le plan des nuisances sonores.

Quant aux autres nuisances, la recourante ne donne aucune précision supplémentaire à leur sujet ni en quoi le principe de prévention serait violé.

Pour le surplus, il est rappelé que les griefs en lien avec le futur réseau des parkings ne peuvent être examinés dans la présente procédure qui ne concerne que le projet correspondant à l’autorisation délivrée.

En conséquence, le grief doit être écarté.

En tous points infondé, le recours sera rejeté.

7.3 Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge de la recourante qui succombe (art. 87 al. 1 LPA) et une indemnité de procédure de CHF 1'500.- sera allouée à la coopérative d’habitation intimée qui y a conclu, à la charge de la recourante. Aucune indemnité de procédure ne sera allouée à l’autorité intimée qui, bien que plaidant par un avocat, dispose d’un service juridique (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/543/2023 du 23 mai 2023).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 octobre 2022 par A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 5 septembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de A______  ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à B______, à la charge de A______  ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Alain MAUNOIR, avocat de la recourante, à Me Mark MULLER, avocat du département du territoire-oac, à Me Nicolas DAUDIN, avocat de B______ ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Valérie LAUBER, Claudio MASCOTTO, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

F. DIKAMONA

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :