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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/561/2021

ATA/1054/2021 du 12.10.2021 ( AMENAG ) , REJETE

Recours TF déposé le 15.11.2021, rendu le 22.11.2021, IRRECEVABLE, 1C_683/2021
Recours TF déposé le 31.08.2023, 1C_683/2021, 1C_431/2023
Descripteurs : AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE ET DROIT PUBLIC DES CONSTRUCTIONS;COORDINATION(AMÉNAGEMENT DU TERRITOIRE OU ENVIRONNEMENT);CONSTRUCTION ET INSTALLATION;DÉCISION INCIDENTE;GARANTIE DE LA PROPRIÉTÉ;INTÉRÊT PUBLIC;PARTICIPATION OU COLLABORATION;PERMIS DE CONSTRUIRE;POPULATION
Normes : Cst.26; Cst.29.al2; LAT.2; LAT.4; LAT.18.al1; LAT.25a; LAT.33.al2; LaLAT.35.al1; LCI.3A.al1; LGZD.2.al2.lete; LGZD.6; RGZD.23
Résumé : La législation cantonale qui autorise le Conseil d’État à renoncer à l’établissement d’un PLQ dans un secteur déterminé en cas de constructions conformes au 1er prix d’un concours d’urbanisme et d’architecture ne viole pas le droit fédéral. En outre, ne viole pas la garantie de la propriété, un projet de densification qui repose sur une base légale non contestée, relève d'un intérêt public résidant dans la nécessité de construire un nombre important de logements en cas de pénurie dans ce domaine, et est proportionné dans la mesure où il porte sur un périmètre déterminé dans le but de préserver un potentiel de densification.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/561/2021-AMENAG ATA/1010______/2021

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 12 octobre 2021

 

dans la cause

 

A ______
représentée par Me Alain Maunoir, avocat

contre

CONSEIL D'ÉTAT
représenté par Me Mark Muller, avocat



EN FAIT

1) L’État de Genève est propriétaire des parcelles nos 1______, 2______, 3______, 4______, 5______, 6______, 7______, 8______ et 9______, feuille n° 10______ du cadastre de la commune de B______, situées entre les chemins C______ et D______. Les parcelles nos 4______ et 7______ sont contigües à la parcelle n° 11______ d’une surface de 1'217 m2, propriété de A______ (ci-après : A______), sur laquelle sont érigés deux immeubles de gabarit R+8 comprenant notamment cinquante-trois appartements sur sept étages et des places de parc extérieures et intérieures, feuille 10______ de la commune de B______. Cette dernière parcelle est située à la route E______ ______-______ et à l’avant de celles précitées de l’État de Genève. Toutes les parcelles susmentionnées sont comprises dans le périmètre « F______ » (ci-après : F______).

2) Le 5 décembre 2005, le Conseil d’État de la République et canton de Genève a annoncé la transformation du F______ afin de répondre à une pénurie de logements. En 2007, il a validé un « Masterplan » fixant les orientations stratégiques en termes de gabarits, d’affectations, de structure urbaine et de mobilité sur le F______ et prévoyant la création de vingt mille emplois et six mille logements. En mars 2009, le Grand Conseil a voté la résolution n° 12______ qui a donné une impulsion décisive au projet du F______.

3) Par convention signée le 4 mars 2010, le Conseil d’État, les conseils administratifs des communes de Genève, B______ et G______, l’H______ et les représentants des comités référendaires « Non au mirage du projet
F______ » au premier projet de loi de modification de zone, basé sur le « Masterplan », ont trouvé un accord sur les principes d’aménagement du quartier F______, notamment ceux d’« un emploi - un logement » et de la réalisation de logements locatifs et d’utilité publique.

4) Le 23 juin 2011, le Grand Conseil de la République et canton de Genève a adopté la loi 13______ (ci-après : loi F______) modifiant les limites de zones sur le territoire des villes de Genève, B______ et G______ et créant une zone 2, diverses zones de développement 2, une zone de verdure et une zone de développement 2 prioritairement affectée à des activités mixtes.

La loi F______ prévoyait de renoncer à l’adoption d’un plan localisé de quartier (ci-après : PLQ) en cas de projet conforme au 1er prix d’un concours d’architecture SIA et à l’application des normes ordinaires de la législation sur les constructions régissant les distances, les vues droites et les gabarits des constructions.

5) a. Le 19 septembre 2011, la Fondation pour la promotion du logement bon marché et de l’habitat coopératif (ci-après : FPLC) a, sur délégation de l’État de Genève, lancé un concours d’urbanisme et d’architecture portant sur des logements et des activités sur les parcelles de l’État de Genève situées sur le périmètre du F______, en application de la norme SIA en vigueur, sur la base d’un cahier des charges accepté par le département en charge des constructions, devenu le département du territoire (ci-après : le département ou DT).

Le projet lauréat devait être réalisé en deux étapes, avec une densité nette de 3,9.

b. Le projet « I______ », qui proposait un ensemble de deux tours de logements en cohabitation avec un socle d’activités d’un gabarit de R + 15, a remporté le concours.

6) Le 1er avril 2015, le Conseil d’État a adopté le plan directeur F______ n° 14______ (ci-après : PDQ-F______) prévoyant de fortes densités et un indice de 4,4 pour le secteur D du périmètre.

7) Le 27 avril 16______, l’État de Genève et le Groupement des Coopératives d’habitations genevoises « J______ » ont mandaté M. K______, architecte, pour déposer auprès du DT une requête en autorisation de construire relative à un ensemble de deux tours d’habitations sur les parcelles nos 15______, 7______, 8______, 1______, 5______, 6______, 16______, 2______ et 17______, comportant dix-huit étages et des attiques sur le rez-de-chaussée, ayant un gabarit d’une hauteur de 60,43 m, enregistrée sous le numéro DD 18______ et publiée dans la Feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (ci-après : FAO) du 17 mai 16______.

8) Le 8 juin 16______, la commune de B______ a recommandé le dépôt d’un projet modifié comportant une seule tour.

9) Le 16 juin 16______, A______ a formulé des observations sur la requête en autorisation de construire précitée et a invité les différents acteurs à une réflexion sur l’adoption d’un PLQ, à revoir les gabarits des tours et les aménagements extérieurs de manière à respecter les objectifs du concours susmentionné et à l’intégration de ses immeubles dans les espaces communs et ouverts, à repenser la voie d’accès menant à la rampe du garage souterrain de manière à limiter les nuisances, à mener des études utiles, à respecter les limites parcellaires dans la mise en place du chantier, à prendre toutes les mesures de conservation nécessaires à la sécurisation de ses immeubles.

Une séance entre les acteurs du projet et les propriétaires des fonds voisins concernés au cours de laquelle elle avait fait part de ses inquiétudes au sujet de l’aménagement des espaces extérieurs entre les bâtiments et la localisation de la rampe d’accès au garage souterrain des nouvelles constructions s’était tenue le 29 juin 2015. La question de la mutualisation de la rampe avait été également évoquée. Une nouvelle séance destinée à examiner les points soulevés n’avait pas pu être organisée malgré ses sollicitations.

Le projet lauréat « I______ » ne répondait pas à ses attentes. Plusieurs servitudes de droit privé grevaient les différentes parcelles concernées par le projet. Elles s’opposaient à la réalisation du projet lauréat et ne pouvaient pas être levées sans indemnisation. La tour envisagée orientée nord-est et riveraine de ses immeubles se caractérisait par une construction de R+19, la plaquette de représentation du concours exposait pourtant une construction de R+16, soit une hauteur de 60,43 m. La distance entre la tour et la limite de sa parcelle était de 5,20 m.

Le projet ne s’insérait pas dans le site existant. Il comprenait trois étages supplémentaires par rapport au projet initial. Il rapprochait les tours des immeubles existants afin de créer un espace à l’opposé de ses bâtiments. Il n’était pas conforme aux images et développements présentés par le concours. Les critères de cohésion et de connexion entre les nouvelles constructions et celles existantes avaient été ignorés. Ses immeubles n’avaient pas été pris en considération. Elle envisageait de solliciter l’établissement d’un PLQ afin d’ancrer les droits et les obligations des propriétaires fonciers concernés par le projet.

La tour projetée avait une hauteur de plus de 40 m par rapport à celle de ses immeubles et se trouvait implantée à moins de 25 m de distance. Elle affecterait la luminosité de ses immeubles. La voie d’accès au garage souterrain entre les deux tours isolerait et éloignerait ses bâtiments du centre névralgique composé du mail central et du parc des nouvelles tours. L’implantation d’une rampe d’accès engendrerait des nuisances sonores et une pollution visuelle importantes, au vu du nombre d’habitants et de clients des commerces induit par le projet.

L’emprise du chantier du projet se trouvait sur sa parcelle et allait au-delà de la limite de propriété. De plus, le chantier occasionnerait des nuisances en bruits, poussière et d’autres dérangements induits par les travaux. Les demandes de réduction de loyers par les locataires de ses immeubles n’étaient pas à exclure. Le projet ferait perdre de l’attractivité et de la valeur intrinsèque à ses immeubles dont l’habitabilité serait péjorée. En outre, le terrassement serait profond. Des fissures ou un mouvement de ses immeubles étaient probables. Des mesures de sécurité et de conservation devaient être mises en place.

10) Le 28 août 2017, les promoteurs ont déposé un projet modifié, enregistré sous le numéro DD 18______/1/3 et publié dans la FAO du 24 octobre 2017, portant sur une seule tour de quinze étages et septante-sept logements plus attiques sur rez-de-chaussée, culminant à 51 m, comportant dix-sept niveaux
hors-sol et disposant de vues droites en direction du sud-est. Les surfaces brutes de plancher (ci-après : SBP) à réaliser s’élevaient à 10'217 m2.

11) Le 29 novembre 2017, la commune de B______ a validé la renonciation au PLQ.

12) Au cours de l’examen de la requête en autorisation de construire, plusieurs préavis sous conditions ont été recueillis.

a. Parmi ces préavis figurent ceux de l’office cantonal de l’énergie (ci-après : OCEN) du 30 mai 2016, du service de l’air, du bruit et des rayonnements non ionisants (ci-après : SABRA) du 31 octobre 2016, du service de géologie, sols et déchets (ci-après : GESDEC) du 1er novembre 2016, de la direction de la mensuration officielle du 25 octobre 2017, de la commission d’architecture (ci-après : CA) du 31 octobre 2017, de la direction de la planification directrice cantonale et régionale du 31 octobre 2017, de la direction générale de l’eau du 22 novembre 2017, de la direction générale de l’agriculture et de la nature
(ci-après : OCAN) du 7 août 2018, de la police du feu du 4 février 2019, de l’office cantonal du logement et de la planification foncière (ci-après : OCLPF) du 5 mars 2019, de la direction F______ du 29 mars 2019, de l’office cantonal des transports du 1er avril 2019 et de l’office cantonal des bâtiments du 10 juillet 2019.

b. Le 23 août 2018, la commune de B______ a donné un préavis favorable avec dérogations et sous conditions.

Le projet, lauréat du concours SIA validé par la commune, pouvait être au bénéfice d’une dérogation à l’obligation de s’inscrire dans un PLQ en force. Il devait cependant s’inscrire dans les objectifs du PLQ-F______ en cours de préparation afin de permettre la réalisation d’un quartier exemplaire. Il était pris en compte dans les études d’urbanisme préparant le futur PLQ-F______ L______.

Parmi les conditions posées, le projet devait respecter l’équilibre entre la surface bâtie et l’espace libre au sol pour répondre notamment à l’exigence d’offrir aux habitants un espace sécurisé.

13) Par arrêté du 10 mars 2020, le DT a autorisé l’application des normes de la deuxième zone au bâtiment à construire selon dossier DD 18______, en réservant les conditions particulières de l’autorisation de construire.

14) Par arrêté du 8 juin 2020, publié dans la FAO du même jour, le DT a accordé l’autorisation de construire à la cinquième version du 18 janvier 2019 du projet, au vu du préavis liant de l’OCAN du 19 février 2020 relatif à l’abattage d’arbres et à la réquisition pour le registre foncier relative à la radiation de servitudes diverses validée le 25 septembre 2019.

Les conditions figurant dans les préavis précités devaient être respectées et faisaient partie intégrante de l’autorisation globale. Le projet autorisé était conforme à celui lauréat du concours d’architecture susmentionné. Le gabarit était inférieur à celui initialement prévu, l’implantation avait été légèrement modifiée, le deuxième sous-sol avait été agrandi.

15) Par acte expédié le 8 juillet 2020, A______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre la décision précitée en concluant à son annulation et à celle de l’autorisation d’abattage d’arbres qui lui était liée. La procédure est pendante auprès du TAPI.

16) Par arrêt du 27 novembre 2020 (ATA/1152/2020), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a annulé, dans une autre affaire, une autorisation de construire au motif que le DT n’était pas compétent pour décider d’une renonciation à l’élaboration d’un PLQ.

17) Par arrêté du 27 janvier 2021, le Conseil d’État a renoncé à l’établissement d’un PLQ, autorisé l’application des normes de la deuxième zone au bâtiment à construire, selon le dossier DD 18______, et réservé les conditions particulières de l’autorisation de construire.

La législation cantonale permettait de renoncer à l’établissement d’un PLQ pour des projets de constructions ou installations conformes au premier prix d’un concours d’urbanisme et d’architecture réalisé en application de la norme SIA topique sur la base d’un cahier des charges accepté par le DT. Le projet de construction d’une tour avait fait l’objet du premier prix du concours d’urbanisme et d’architecture SIA, attribué en avril 2012. Le Conseil administratif de la commune de B______ avait donné un préavis favorable sous réserve d’une dérogation à l’exigence d’un PLQ. L’OCLPF, la direction F______ et la direction de la planification directrice cantonale et régionale avaient donné des préavis favorables sous conditions.

18) Par acte déposé le 17 février 2021, complété le 25 mars 2021, A______ a recouru auprès de la chambre administrative contre l’arrêté précité en concluant à son annulation.

L’arrêté contesté était contraire au droit fédéral en matière de plan d’affectation réglant le mode d’utilisation du sol. Le F______ ne contenait ni règle de police des constructions, ni gabarit de hauteur maximum, distance minimale entre les constructions et celle de vues droites, indice d’utilisation du sol maximum, ni un autre indice ou coefficient similaire à respecter par le constructeur. L’absence de toute règle de police des constructions portait atteinte à ses droits de propriétaire d’un bâtiment situé à l’intérieur du F______.

Le F______ ne respectait pas non plus des exigences minimales fixées par la législation cantonale. Les dimensions prévues dépassaient les maximums applicables en zone 2, la hauteur du projet était de 51,37 m au lieu de 24 m, la distance par rapport à la limite des parcelles de 6 m au lieu de 22,5 m voire de 24 m, la distance de vues droites de 25 m au lieu de 35 m. La loi F______ ne fixait ni la taille maximale des bâtiments, ni les distances entre bâtiments, ni aucune règle de police des constructions. Un PLQ n° 19______ « L______ 2 » incluant les parcelles concernées était en cours d’élaboration. De plus, l’arrêté contesté avait été rendu après la décision globale d’autorisation de construire. Le Conseil d’État n’avait procédé à aucune enquête publique, ni consultation de tiers.

19) Le 12 mai 2021, le Conseil d’État a conclu à l’irrecevabilité du recours et au fond à son rejet.

L’arrêté contesté constituait une décision incidente qui ne pouvait pas faire l’objet d’un recours auprès de la chambre administrative. En outre, il ne causait aucun préjudice irréparable à A______.

Les exceptions à l’obligation d’adopter un PLQ s’appliquaient au F______. Le plan annexé à la loi F______ n’était pas un plan d’affectation de détail, mais un plan d’affectation définissant le régime des zones. Il délimitait des zones de construction régies par la législation cantonale. Il n’avait pas vocation à prévoir des normes de police des constructions. La loi F______ comportait de nombreuses règles spéciales notamment le ratio entre logements et emplois, un équilibre entre activités du tertiaire et du secondaire, la mixité des catégories de logements dans tous les secteurs du périmètre situés en zone de développement et une dérogation aux dispositions de la législation sur les constructions sur les gabarits et les distances aux limites de propriété. Elle imposait des gabarits maximums. L’élaboration d’un PLQ ne démontrait pas l’obligation d’une adoption préalable d’un tel plan à la délivrance de l’autorisation de construire. Celui en cours d’élaboration couvrait un périmètre allant au-delà du F______ et respectait le principe de l’adoption d’un PLQ en zone de développement et dans le F______. En 2018, le Conseil d’État était conscient de la prise en considération du projet de la DD 18______ dans l’élaboration du PLQ prévu dans le secteur de L______ et de la réalisation du futur quartier correspondant.

Le droit à la propriété de A______ n’avait pas été violé. Il n’appartenait pas à l’administration de s’immiscer dans les conflits de droit privé entre voisins. La substitution de l’arrêté départemental par celui attaqué ne modifiait pas la situation juridique de l’intéressée. Les droits d’information et la participation de la population à la procédure avaient été exercés dans le cadre de l’adoption du PDQ-F______ et de celle de la loi F______. L’intéressée avait pu s’exprimer dans le cadre de l’adoption de la loi et dans le cadre d’un groupe de travail créé en vue de travailler à l’intégration du projet dans le site. Son droit d’être entendue n’avait pas été violé.

20) Dans sa réplique, A______ a sollicité l’audition de Mme M______, collaboratrice au département et de tous les autres propriétaires concernés.

Elle avait participé à des réunions portant uniquement sur une rampe d’accès au parking souterrain du projet contesté et non à un groupe de travail en vue de l’intégration de celui-ci dans le F______. L’arrêté du Conseil d’État devait être adopté préalablement à la délivrance de l’autorisation de construire. La décision avait été rendue en dehors de tout processus de coordination prévu par le droit cantonal pour permettre l’application des normes de la zone de développement. En outre, une décision judiciaire sur l’arrêté en cause permettrait d’éviter une procédure longue et coûteuse.

21) Ensuite de quoi, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable sous ces angles (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) L’autorité intimée soutient que le recours est irrecevable dans la mesure où la décision attaquée est une décision incidente et qu’elle ne cause à la recourante aucun préjudice irréparable. Pour elle, selon l’art. 3A al. 3 de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 (LCI - L 5 05), l’arrêté contesté du Conseil d’État appliquant les normes d’une zone de développement fait partie intégrante de l’autorisation définitive de construire du 8 juin 2020. Le recours contre cette dernière emporte recours contre l’arrêté en cause. En revanche, pour la recourante, l’autorité intimée a rendu une décision en-dehors des processus de coordination permettant l’application des normes de la zone de développement. L’arrêté attaqué porte sur l’adoption d’un PLQ, celui-ci pouvant faire l’objet d’un recours immédiat conformément à l’art. 6 al. 12 de la loi générale sur les zones de développement du 29 juin 1957 (LGZD - L 1 35) et de l’art. 35 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 (LaLAT - L 1 30), et est directement attaquable devant la chambre administrative.

a. Aux termes de l’art. 33 al. 2 de la loi sur l'aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), le droit cantonal prévoit au moins une voie de recours contre les décisions et les plans d’affectation fondés sur la LAT et les dispositions cantonales et fédérales d’exécution. La disposition précitée introduit une obligation pour le droit cantonal de prévoir au moins une voie de recours (Daniel PEREGRINA, Planification et voies de recours cantonales, in DC 1998 9-12, p. 11).

b. Le recours contre l’adoption d’un PLQ est régi par l’art. 35 LaLAT (art. 6 al. 12 LGZD). Les décisions par lesquelles le Grand Conseil, respectivement le Conseil d’État adopte les plans d’affectation du sol visés aux art. 12 et 13 al. 1 let. a à f et i LaLAT peuvent faire l’objet d’un recours à la chambre administrative (art. 35 al. 1 LaLAT). En adoptant la LaLAT, le législateur genevois a institué, contre tous les plans d'affectation du sol, une voie de recours à l’ancien Tribunal administratif, devenu la chambre administrative. Tous les PLQ adoptés en application de la LGZD peuvent être contestés devant la chambre administrative (Alain MAUNOIR, Les zones de développement en droit genevois, in RDAF 1998 I 266-276, p. 267).

Par ailleurs, selon l’art. 23 du règlement d'application de la LGZD du 20 décembre 1978 (RGZD - L 1 35.01), les modalités de recours instituées par la LCI sont applicables aux recours dirigés contre les décisions prises en application de la LGZD et de son règlement d’application. Les art. 145 à 149 LCI régissent ces modalités. Selon ces dispositions, les décisions concernées font d’abord l’objet d’un recours devant le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI), ensuite et le cas échéant, devant la chambre administrative.

c. Statuant sur les oppositions formulées contre la loi F______ au cours de son processus d’adoption, le Grand Conseil a confirmé que les tiers n’étaient pas dépourvus de voies de recours dans le cadre de cette loi. Pour lui, les autorisations de construire qui seraient accordées dans le cadre de projets issus directement d’un plan directeur ou d’un concours selon la norme SIA 142 ou d’un PLQ F______ (art. 3 loi F______) étaient sujettes à recours de la part de tiers (Rapport du 24 mai 2011 de la Commission d’aménagement du canton chargée d’étudier le projet de loi du Conseil d’État relatif à l’aménagement du quartier
« F______ », modifiant les limites de zones sur le territoire des Villes N______, B______ et G______ [création d’une zone 2, de diverses zones de développement 2, d’une zone de verdure et d’une zone de développement 2 prioritairement affectée à des activités mixtes] - PL ______-A [ci-après : rapport du 24 mai 2011], p. 81).

d. En l’espèce, contrairement à l’affirmation de la recourante, l’art. 6
al. 12 LGZD et l’art. 35 LaLAT ne permettent pas de retenir qu’une décision du Conseil d’État de renoncer à l’élaboration d’un PLQ peut faire l’objet d’un recours immédiat auprès de la chambre administrative. En effet, les plans prévus par la lettre m de l’art. 13 al. 1 LaLAT, soit les PLQ F______, ne figurent pas parmi ceux visés par les 6 al. 12 LGZD et l’art. 35 LaLAT. C’est par conséquent le régime applicable à l’autorisation de construire qui devrait s’appliquer si l’on considère que la décision du Conseil d’État renonçant à l’élaboration d’un PLQ fait partie intégrante de celle-ci, comme le soutient l’autorité intimée. Une telle décision apparaît comme une condition à la délivrance d’une autorisation de construire dans le cadre de l’exécution de la loi F______, étant rappelé que cette loi prévoit que les constructions et les installations doivent être précédées, dans tous les secteurs, de l’adoption de PLQ F______ et d’un règlement de quartier, sous réserve des objets de peu d’importance ou provisoires. Même si elle n’est pas assimilable à un préavis délivré dans le cadre d’une demande d’autorisation de construire, émis par les autorités compétentes et liant le département et faisant partie intégrante de la décision globale d'autorisation de construire, il n’apparaît pas prima facie qu’une telle décisiondéploie des effets directs immédiats sur la situation de la recourante, sans qu'une autorisation de construire, soumise au contrôle de l'art. 33 al. 2 LAT, ne soit délivrée (ATF 143 II 276 consid. 4.2.3 ; 138 I 131 consid. 4.2 ; 135 II 328 consid. 2.2). Il n’apparaît pas non plus prima facie qu’elle cause un préjudice irréparable au sens de la jurisprudence en la matière.

Sous cet angle, la recourante ne serait pas empêchée de faire valoir ses droits au stade de l’autorisation de construire. La protection juridique exigée par l’art. 33 al. 2 LAT serait garantie par cette procédure-là. Le fait que le Conseil d'État ait renoncé à l'établissement d'un PLQ dans le cadre du projet DD 18______ ne l'empêchera pas de contester l’autorisation de construire délivrée.

Au demeurant, une telle procédure est déjà pendante auprès du TAPI, la recourante ayant attaqué par acte du 8 juillet 2020 l’autorisation de construire délivrée le 8 juin 2020. Celle-ci permettra, le cas échéant, de procéder à un contrôle préjudiciel de l’arrêté contesté du Conseil d’État. Il sera alors loisible à la recourante de remettre en cause la renonciation à l’élaboration d’un PLQ, sous l'angle de la conformité au droit (ATF 119 Ia 362 consid. 4 ; 107 Ia 77 consid. 3aa ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_630/2015 du 15 septembre 2016 consid. 7.3.1 ; Heinz AEMISSEGER/Pierre MOOR/Alexander RUCH/Pierre TSCHANNEN [éd.], Commentaire pratique de la LAT : planifier l’affectation, 2016, n. 36 ss ad art. 9 LAT). Elle pourra invoquer les griefs dont elle se prévaut devant la chambre de céans.

Ainsi, sous l’angle de la décision attaquable, la question de la nature de celle-ci, soit une décision incidente, comme le soutient l’autorité intimée, ou une décision prise en dehors du processus de coordination, comme l’affirme la recourante, peut souffrir de rester indécise en raison de ce qui suit.

3) La recourante demande devant la chambre administrative l’audition d’une collaboratrice du DT et des propriétaires concernés par le projet contesté. Elle soulève également le grief d’avoir été empêchée de s’exprimer dans le processus de coordination. Ce dernier grief sera examiné dans les considérants ultérieurs consacrés au principe de coordination.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes et d'obtenir qu'il y soit donné suite (ATF 132 II 485 consid. 3.2 ; 127 I 54 consid. 2b). Ce droit n'empêche pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 138 III 374 consid. 4.3.2 ; 131 I 153 consid. 3). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

b. En l’espèce, la recourante requiert l’audition d'une collaboratrice du département au sujet de réunions tenues sur la mutualisation d'une rampe d'accès au parking des bâtiments à construire et de l’absence de discussions sur l'intégration du projet autorisé dans le contexte existant. Le 16 juin 2016, la recourante a formulé des observations sur la requête en autorisation de construire DD 18______ et a invité les différents acteurs à une réflexion sur l’adoption d’un PLQ. Dans ses prises de position détaillées, le département s'est déterminé sur les questions de l'intégration du projet lauréat dans le contexte existant. Il a aussi produit des documents permettant d'apprécier cette intégration et a répondu d'une manière substantielle aux réserves et aux questions soulevées par la recourante à ce sujet. De plus, les préavis des instances compétentes recueillis dans le cadre de l’instruction de l'autorisation de construire, qui figurent au dossier, permettent à la chambre de céans d’examiner le litige en connaissance de cause. Celle-ci dispose d'un dossier complet pour trancher celui-ci. L'audition d'une collaboratrice du département ou d’autres propriétaires concernés par le projet au sujet de l’impossibilité d’organiser des séances entre l’autorité intimée et la recourante consacrées à l’intégration du projet dans le contexte existant ne pourrait pas apporter de nouveaux éléments pertinents permettant de résoudre le litige. Elle ne s'impose dès lors pas.

Ainsi, la chambre administrative ne donnera pas suite à la requête de preuve sollicitée.

4) Le litige porte sur la conformité au droit de l’arrêté du Conseil d'État dérogeant à l’élaboration d’un PLQ dans un des sept secteurs du F______.

La recourante se plaint de l’application de l’art. 2 al. 2 LGZD en faisant valoir que cette disposition serait contraire au droit fédéral dans la mesure où elle viole les principes d’aménagement du territoire et le droit de participation de la population à celui-ci, prévus en particulier par les art. 2, 4, 14 et 33 LAT et l’ordonnance sur l’aménagement du territoire du 28 juin 2000 (OAT - RS 700.1).

5) Selon l'art. 75 al. 1 Cst., l'aménagement du territoire incombe aux cantons, la Confédération fixant les principes applicables à cette matière. La compétence de la Confédération en matière d’aménagement du territoire est une compétence législative limitée aux principes. Les cantons disposent de la compétence pour la mise en œuvre des buts et principes du droit fédéral et des instruments de planification et d’autorisation. Parmi les instruments de planification figurent les plans directeurs cantonaux et les plans d’affectation (Stephan HAAG, in Vincent MARTENET/Jacques DUBEY [éd.], Commentaire romand, Constitution fédérale, Préambule - art. 80 Cst., 2021, n. 30, 36-37 ad art. 75 Cst.).

a. À teneur de l'art. 2 LAT, pour celles de leurs tâches dont l’accomplissement a des effets sur l’organisation du territoire, la Confédération, les cantons et les communes établissent des plans d’aménagement en veillant à les faire concorder (al. 1). Ils tiennent compte des effets que leurs autres activités peuvent indirectement avoir sur l’organisation du territoire (al. 2). Les autorités chargées de l’aménagement du territoire renseignent la population sur les plans dont la LAT prévoit l’établissement, sur les objectifs qu’ils visent et sur le déroulement de la procédure (art. 4 al. 1 LAT). Elles veillent à ce que la population puisse participer de manière adéquate à l’établissement des plans (art. 4 al. 2 LAT) et à laisser aux autorités qui leur sont subordonnées en cette matière la liberté d’appréciation nécessaire à l’accomplissement de leurs tâches (art. 4 al. 3 LAT).

b. Aux termes de l'art. 14 LAT, les plans d'affectation règlent le mode d'utilisation du sol (al. 1). Ils délimitent en premier lieu les zones à bâtir
(art. 15 LAT), les zones agricoles (art. 16 ss LAT) et les zones à protéger (al. 2 ; art. 17 LAT). Les plans d'affectation ont force obligatoire pour chacun (art. 21 al. 1 LAT), particuliers et autorités (Piermarco ZEN-RUFFINEN/Christine GUY-ECABERT, Aménagement du territoire, construction, expropriation, 2001, n. 404 p. 182 ; Thierry TANQUEREL, in Heinz AEMISEGGER/Pierre MOOR/Alexander RUCH/Pierre TSCHANNEN [éd.], Commentaire de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire, 2010, n. 15 ad art. 21 LAT). Les plans d'affectation concrétisent et précisent les plans directeurs dont ils doivent être distingués (ATF143 II 276 consid. 4.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_414/2013 du 30 avril 2014 consid. 4.1).

Conformément à l'art. 18 al. 1 LAT, le droit cantonal peut prévoir d'autres zones d'affectation, telles que, à Genève, les zones de développement au sens de l'art. 12 al. 4 LaLAT (arrêt du Tribunal fédéral 1C_558/2009 du 25 mai 2010 consid. 3.1).

c. À l’intérieur des périmètres de développement, le Conseil d’État peut, en vue de la délivrance d’une autorisation de construire, autoriser le département à faire application des normes résultant de la zone de développement, en lieu et place de celles de la zone à laquelle elle se substitue (art. 12 al. 4 LaLAT). Les dispositions de la LGZD fixent notamment les conditions auxquelles le Conseil d’État peut autoriser l’application des normes d’une zone de développement (art. 1 LGZD).

d. L'art. 2 al. 1 let. a LGZD prévoit que la délivrance d’autorisations de construire selon les normes d’une zone de développement est subordonnée, sous réserve des demandes portant sur des objets de peu d’importance ou provisoires, à l’approbation préalable par le Conseil d’État : d’un PLQ au sens de l’art. 3 LGZD, assorti d’un règlement. En dérogation à l'art. 2 al. 1 let. a LGZD, le Conseil d'État peut, après consultation du conseil administratif ou du maire de la commune, renoncer à l'établissement d'un plan localisé de quartier notamment pour des projets de constructions ou installations conformes au premier prix d’un concours d’urbanisme et d’architecture réalisé en application de la norme SIA applicable, sur la base d’un cahier des charges accepté par le département du territoire (art. 2 al. 2 let. e LGZD). Sont réservées les dispositions de la loi F______ (art. 2
al. 4 LGZD).

La dérogation s’opère par le biais d'un arrêté du Conseil d'État, distinct et particulier qui autorise l'application, à l’autorisation de construire, des règles de la LCI régissant la zone de développement considérée (arrêt du Tribunal fédéral du 19 novembre 1975 en la cause S.I. Perly-Soleil, C, D, E, F, in SJ 1976 545 consid. 2c, non publié in ATF 101 Ia 328). Ces règles sont applicables à tous les types de plans d'affectation, en particulier aux plans de quartier et aux plans d'aménagement de détail (ATF 131 III 414 consid. 2.3 ; 111 Ib 9 consid. 3 ; Heinz AEMISEGGER/Stephan HAAG, in Heinz AEMISSEGER/Pierre MOOR/ Alexander RUCH/Pierre TSCHANNEN [éd.], op. cit., n. 7 ad art. 33 LAT et les références).

e. La chambre de céans a, dans sa jurisprudence, retenu que l’art. 2
al. 2 LGZD est conforme à l’art. 26 Cst. ainsi qu’au droit fédéral de l’aménagement du territoire (ATA/453/2011 du 26 juillet 2011 consid. 5b ; ATA/277/2010 du 27 avril 2010 consid. 11c).

f. En l’espèce, la loi F______ prévoit l’élaboration d’un PDQ-F______ qui vaut plan directeur localisé au sens de l’art. 10 al. 1 LaLAT, au demeurant approuvé par le Conseil d’État le 1er avril 2015, disposant que des PLQ F______ devraient être élaborés pour les différents secteurs du périmètre concerné. Néanmoins, la loi F______ renvoie à l’application de la LGZD (art. 1 al. 3 loi F______) sur les zones de développement créées par la LGZD. La recourante ne peut dès lors pas se prévaloir du fait que le PDQ-F______ prévoie l’établissement des PLQ F______ dans le périmètre du projet F______ pour soutenir que le Conseil d’État ne pouvait pas adopter un arrêté de renonciation à l’établissement d’un PLQ dans le secteur considéré. L’art. 2 al. 2 let. e LGZD l’y autorise notamment en cas de constructions conformes au 1er prix d’un concours d’urbanisme et d’architecture, ce qui, en l’occurrence, est le cas avec le projet « I______ », lauréat du concours du 19 septembre 2011.

Le grief de la recourante sera dès lors écarté.

6) La recourante invoque également la violation du principe de coordination. Elle reproche au Conseil d’État d'avoir rendu sa décision en-dehors de tout processus de coordination. Elle soutient aussi avoir été empêchée de s’exprimer dans le cadre de ce processus.

a. Selon l'art. 4 LAT, il incombe aux autorités chargées de l'aménagement du territoire de renseigner la population sur les plans dont la LAT prévoit l'établissement, sur les objectifs qu'ils visent et sur le déroulement de la procédure (al. 1) et de veiller à ce que la population puisse participer de manière adéquate à l'établissement des plans (al. 2), ceux-ci pouvant être consultés (al. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_558/2009 du 25 mai 2010 consid. 3.3).

L'art. 4 LAT prévoit de manière générale l'information et la participation de la population dans la procédure d'établissement des plans, mais il n'impose pas l'établissement systématique de PLQ pour permettre à la population de s'exprimer. Les autorités compétentes ont au demeurant un large pouvoir d'appréciation dans l'application de l'art. 4 al. 2 LAT (ATF 133 II 120 consid. 3.2 et les références ; Heinz AEMISEGGER/Stephan HAAG, in Heinz AEMISSEGER/Pierre MOOR/ Alexander RUCH/Pierre TSCHANNEN [éd.], op. cit., n. 15 ad art. 33 LAT).

b. Selon l’art. 25a al. 1 LAT, une autorité chargée de la coordination est désignée lorsque l’implantation ou la transformation d’une construction ou d’une installation nécessite des décisions émanant de plusieurs autorités.

Le principe de coordination formelle et matérielle ancré à l’art. 25a LAT garantit que tous les aspects d’un projet de construction soient traités de manière coordonnée pour que les autorisations ne fassent l’objet que d’une seule procédure de recours (ATF 122 I 120 consid. 4 ; 120 Ib 400 consid. 5 ; 116 Ib 50 consid. 4). De même, le département est tenu de coordonner les procédures lorsque plusieurs législations ayant entre elles un lien matériel étroit sont applicables
(art. 12A LPA).

Le Tribunal fédéral a dégagé les principes imposant une coordination matérielle et formelle des décisions fondées, en tout ou partie, sur le droit fédéral de l’environnement ou de l’aménagement du territoire. Ainsi, lorsque pour la réalisation d’un projet différentes dispositions légales sont simultanément applicables et qu’il existe entre elles une imbrication telle qu’elles ne sauraient être appliquées indépendamment les unes des autres, il y a lieu d’assurer leur coordination matérielle (ATF 118 Ib 381 consid. 4 ; 118 Ib 326 consid. 2 ;
117 Ib 35 consid. 3 ; 116 Ib 175 consid. 2). L’exigence de coordination n’exclut pas la prise de décisions préalable en droit des constructions (ATA/384/2011 du 21 juin 2011 consid. 10 ; ATA/80/2009 du 17 février 2009 consid. 3).

c. À teneur de l’art. 33 al. 1 LAT, les plans d’affectation sont mis à l’enquête publique. L'art. 33 LAT ne fait que définir les exigences à respecter lors de l'adoption d'un plan d'affectation : il n'impose pas l'adoption de plans d'affectation spéciaux, pas plus qu'il n'interdit de renoncer à de tels plans si certaines conditions sont réunies (ATF 143 II 276 consid. 4.2.3). En revanche, l’al. 4 de la disposition précitée impose, en relation avec l’art. 25a LAT, une obligation de coordination dans les procédures de recours fondées sur l’application de la LAT (Heinz AEMISEGGER/Stephan HAAG, op. cit., n. 14 ad art. 33 LAT).

d. Aux termes de l'art. 3A al. 1 LCI, lorsque plusieurs législations ayant entre elles un lien matériel étroit sont applicables à un projet de construction, la procédure directrice est celle relative aux autorisations de construire, à moins qu’une loi n’en dispose autrement ou sauf disposition contraire du Conseil d’État.

e. Le droit fédéral n’impose pas l’établissement d’un PLQ en zone de développement. Cette exigence a cependant été introduite en droit genevois par l’art. 2 al. 1 LGZD. Une dérogation à cette obligation peut de la même manière être prévue par le législateur cantonal également, sans pour autant violer le droit fédéral ou le droit d’information et de consultation de la population qui peut s’exercer dans le cadre de l’adoption des plans de zones (ATA/453/2011 précité consid. 5b ;ATA/277/2010 du 27 avril 2010 consid. 6c). Dans un secteur considéré, le Conseil d'État dispose de la faculté de déclassement qui lui permet de décider de façon discrétionnaire de l'opportunité d'une urbanisation, il peut par exemple refuser d'adopter un PLQ sans même devoir motiver sa décision (Alain MAUNOIR, op. cit., p. 269-270). Le droit fédéral n’exige pas qu’une loi plutôt qu’un règlement précise au minimum les grandes lignes d’une planification. Il fixe des exigences minimales de procédure. Il n’est pas violé lorsque la législation cantonale fixe les grandes lignes d’une planification (Rapport précité du 24 mai 2011, p. 81).

f. En l’espèce, le litige s’inscrit dans le cadre de la demande d’autorisation de construire DD 18______. La recourante a eu l’occasion, le 16 juin 2016, de formuler des observations détaillées sur cette requête. Elle a émis des recommandations et fait part de ses attentes par rapport au projet de construction alors envisagé. Elle a pris position au sujet de l’adoption d’un PLQ relatif au secteur concerné, des gabarits des tours à ériger, des aménagements extérieurs, de l’intégration de ses immeubles dans les espaces communs et ouverts à édifier, de la voie d’accès menant à la rampe du garage souterrain, de la limitation des nuisances, du respect des limites parcellaires dans la mise en place du chantier, et des mesures de conservation nécessaires à la sécurisation de ses immeubles. Ses droits d'information et de participation ont ainsi été garantis dans la procédure d’autorisation de construire. Ils l’avaient été également dans le cadre de l’adoption de la loi F______ et de celle du PDQ-F______ approuvé par le Conseil d’État.

Ainsi, l’exception instaurée par l'art. 2 al. 2 let. e LGZD dérogeant à l’élaboration d’un PLQ dans le secteur abritant les immeubles de la recourante ne contrevient pas à l’art. 4 LAT (arrêt du Tribunal fédéral 1C_558/2009 précité consid. 3.3). Elle n’est pas non plus contraire ni à l’art. 25a LAT ni à
l'art. 33 LAT.

Le grief de la recourante sera dès lors écarté.

7) La recourante soutient également que la réalisation du projet lauréat au concours d’architecture susmentionné induira des nuisances sonores et générera de graves problèmes de circulation routière. Elle se plaint de la violation de sa garantie de propriété.

a. Aux termes de l’art. 26 Cst., la propriété est garantie. Dans sa dimension institutionnelle, qui concerne au premier chef le législateur, la garantie de la propriété protège l’existence même de la propriété privée, comprise comme une institution fondamentale de l’ordre juridique suisse, soit la possibilité d’acquérir tous éléments patrimoniaux – les droits réels, dont la propriété mobilière et immobilière au sens étroit du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210), les droits personnels ou obligationnels, les droits immatériels, les droits acquis –, d’en jouir et de les aliéner. Dans sa fonction individuelle, elle protège les droits patrimoniaux concrets du propriétaire, d’une part leur existence, s’étendant à leur conservation, leur jouissance et leur aliénation, et d’autre part leur valeur, sous la forme, à certaines conditions, d’un droit à une compensation en cas de réduction ou de suppression (ATF 119 Ia 348 consid. 2a ; 113 Ia 126 consid. 6 ; 88 I 248 consid. II.3 ; Jacques DUBEY, in Vincent MARTENET/Jacques DUBEY [éd.], op. cit., n. 23 ss ad art. 26 Cst. ; Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER/Maya HERTIG RANDALL/Alexandre FLÜCKIGER, Droit constitutionnel suisse, vol. II, 2021, n. 885 ss et 888 ss ; Klaus A. VALLENDER/ Peter HETTICH, in Bernhard EHRENZELLER et al. [éd.], Die Schweizerische Bundesverfassung, St. Galler Kommentar, 3ème éd., 2014, p. 569 ss et 575 ss ad art. 26 Cst.).

Il a été déjà relevé dans les considérants précédents que, dans sa jurisprudence, la chambre administrative a retenu que l’art. 2 al. 2 LGZD est conforme à l’art. 26 Cst.

Pour le surplus, le grief de la recourante appelle les développements ci-après.

b. L'affectation en zone de développement n'empêche pas un propriétaire qui le souhaite de continuer à entretenir son bien. Dans l'hypothèse où il entend faire usage des normes relatives aux zones de développement, il doit néanmoins se conformer aux règles applicables à celles-ci. Lorsqu’une densification du tissu bâti est conforme aux principes de la LAT et, en particulier, à l'obligation d'assurer une utilisation mesurée du sol, l'intérêt public à la réalisation de logements dans un périmètre prévu à cet effet dans la planification directrice cantonale, l'emporte sur celui d’un propriétaire à maintenir à long terme sa parcelle dans la zone originaire. La restriction au droit de propriété n’est dans ce cas-là pas disproportionnée (Rapport précité du 24 mai 2011, p. 76 à 78).

c. Les dispositions cantonales concernant la limitation quantitative des nuisances n’ont plus de portée propre dans les domaines réglés par le droit fédéral (ATF 117 Ib 157 consid. 1a). Néanmoins, celui-ci laisse subsister les prescriptions cantonales concernant des objectifs particuliers d’urbanisme, notamment ceux relatifs aux problèmes de circulation routière (ATF 117 Ib 157 consid. 1a ; ATA/453/2011 du 26 juillet 2011 consid. 9b ; ATA/127/2009 du 10 février 2009 consid. 6a).

d. Aux termes de l’art. 14 LCI, le département peut refuser les autorisations prévues à l’art. 1 LCI lorsqu’une construction ou une installation peut être la cause d’inconvénients graves pour les usagers, le voisinage ou le public (let. a), ne remplit pas les conditions de sécurité et de salubrité qu’exige son exploitation ou son utilisation (let. b), ou ne remplit pas les conditions de sécurité ou de salubrité suffisantes à l’égard des voisins ou du public (let. c).

Les normes de protection, tel l’art. 14 LCI, sont destinées à sauvegarder les particularités de chaque zone, en prohibant les inconvénients incompatibles avec le caractère d’une zone déterminée ; elles ne visent pas au premier chef à protéger l’intérêt des voisins. La construction d’un bâtiment conforme aux normes ordinaires applicables au régime de la zone ne peut en principe être source d’inconvénients graves, notamment s’il n’y a pas d’abus de la part du constructeur. Le problème doit être examiné par rapport aux caractéristiques du quartier ou des rues en cause (ATA/649/2002 du 5 novembre 2002 consid. 19 et les arrêts cités).

e. En l’espèce, la transformation du périmètre du F______ vise à répondre à une pénurie de logements dans le canton. Le projet prévoit la création de vingt mille emplois et six mille logements. La loi F______, concrétisant ce projet, vise un ratio entre logements et emplois, un équilibre entre activités du tertiaire et celles du secondaire, la mixité des catégories de logements dans tous les secteurs du périmètre situés en zone de développement. Le PDQ-F______ adopté par le Conseil d’État a pour objectifs de coordonner les actions propres à harmoniser le développement du périmètre et à en garantir la cohérence et les moyens de mise en œuvre en fonction du développement souhaité. Il traite notamment des questions relatives aux terrains nécessaires pour l'habitat, aux activités, aux équipements publics de niveau cantonal et de proximité (scolaires, sportifs, sociaux, culturels, de sécurité publique, etc.), aux espaces publics, aux accès, aux différents types de mobilité et aux aspects environnementaux.

Le projet autorisé s’inscrit dans le cadre d’un intérêt public de densification du périmètre du F______ afin de lutter contre la pénurie des logements en en construisant un certain nombre dans un horizon temporel déterminé. Cette densification du tissu bâti est conforme aux principes de la LAT notamment de l’utilisation mesurée du sol. Il impose certes certaines contraintes à la recourante notamment l’isolement et l’éloignement de ses bâtiments de certains espaces et structures qui seront érigées à la suite des constructions nouvelles, des nuisances sonores et d’autres inconvénients liés à la présence d’un nombre important de nouveaux habitants, des nuisances induites par les travaux du chantier. La recourante allègue sans le démontrer que ces inconvénients pourraient provoquer une perte d’attractivité et de la valeur intrinsèque de ses immeubles dont l’habitabilité serait péjorée. Néanmoins, la densification prévue est conforme aux principes de la LAT et répond à un intérêt public de réalisation de logements dans le périmètre du F______ pour répondre à une pénurie de logements du canton. Cet intérêt public doit dès lors l’emporter sur les intérêts privés de la recourante. Le projet autorisé n’empêchera pas la recourante à continuer à jouir de son droit de propriété sur ses immeubles, les inconvénients allégués ne portant pas une atteinte grave à celui-ci.

Dans ces circonstances, l’arrêté contesté est conforme au droit. Le grief de la recourante sera dès lors écarté.

Les considérants qui précèdent conduisent au rejet du recours dans la mesure où il est recevable.

8) Au vu de ce qui précède, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge de la recourante, qui succombe (art. 87 al. 1 LPA). Malgré l’issue du litige, aucune indemnité de procédure ne sera allouée au Conseil d’État, qui dispose de son propre service juridique (art. 87 al. 2 LPA ; ATA/493/2021 du 11 mai 2021 consid. 10 et les références citées).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

rejette, dans la mesure où il est recevable, le recours interjeté le 17 février 2021 par A______ contre l’arrêté du Conseil d’État du 27 janvier 2021 ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Alain Maunoir, avocat de la recourante, à Me Mark Muller, avocat du Conseil d'État, à la commission foncière agricole, à l'office fédéral de la justice, à l'office fédéral de l'agriculture, ainsi qu'à l’office fédéral du développement territorial.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Krauskopf, Payot Zen-Ruffinen et Lauber, juges, Mme Steiner Schmid, juge suppléante.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

M. Rodriguez Ellwanger

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :