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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/3395/2022

ATA/1281/2022 du 20.12.2022 ( FPUBL ) , REJETE

Recours TF déposé le 08.02.2023, rendu le 14.08.2023, REJETE, 8C_90/2023
Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;RAPPORTS DE SERVICE DE DROIT PUBLIC;LICENCIEMENT ADMINISTRATIF;RÉCUSATION;COMPOSITION DE L'AUTORITÉ;DÉCISION DE RENVOI;DROIT D'ÊTRE ENTENDU;MAXIME OFFICIELLE ET INQUISITOIRE
Normes : Cst.29.al1; LPA.15.al1.letd; LPA.15.al3; CPC.49.al2; LTF.36
Résumé : Pas de violation du principe de l'arrêt de renvoi. La détermination de la personne concernée par la demande de récusation a été communiquée au recourant et il a pu se déterminer à cet égard. Pas de violation du droit d'être entendu du recourant. Conformation que la demande de récusation est tardive. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/3395/2022-FPUBL ATA/1281/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 20 décembre 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Romain Jordan, avocat

contre

VILLE DE GENÈVE



EN FAIT

1) Monsieur A______ a été engagé par la Ville de Genève (ci-après : la ville) le ______ en qualité de ______. Il a fait l’objet d’une enquête administrative ouverte le 26 août 2020 et a été suspendu de ses fonctions durant celle-ci. Il lui était, notamment, reproché de présenter des problèmes comportementaux, de ne pas respecter les consignes de sa hiérarchie relatives aux heures de travail, aux heures « optionnelles » et à la planification des vacances, d’avoir effectué des travaux personnels, fait usage du matériel de son employeur à des fins privées et consommé de l’alcool sur son lieu de travail.

2) Durant ladite enquête, il a requis, par huit fois, la récusation des deux enquêteurs. Ces requêtes ont été rejetées.

3) Le 25 mars 2022, les enquêteurs ont rendu leur rapport.

4) Par courrier du 30 mars 2022, le Conseil administratif de la ville (ci-après : CA) a transmis ledit rapport à M. A______, précisant qu’il envisageait son licenciement et lui impartissant un délai au 18 avril 2022 pour se déterminer.

5) Le 12 avril 2022, M. A______ a sollicité une prolongation du délai au 30 mai 2022, précisant avoir reçu le courrier du CA le 5 avril 2022 et faisant état d’un deuil familial survenu récemment.

Le délai a été prolongé au 16 mai 2022.

6) Dans le délai prolongé, M. A______ a requis la récusation de Madame B______, conseillère administrative de la ville en charge du département de la sécurité et du sport (ci-après : DSSP), au motif que sa directrice « a[vait] indiqué qu’il fallait procéder au licenciement de M. A______ » et que la magistrate avait « indiqué publiquement qu’elle partageait cet avis, alors que l’enquête venait de démarrer ».

7) Par courrier du 20 mai 2022, le CA a invité M. A______ à lui faire parvenir, « dans les meilleurs délais », « tout élément probant » relatif aux déclarations qu’il prêtait à Mme B______ ou, à défaut, lui confirmer qu’il entendait retirer sa demande de récusation.

8) M. A______ n’ayant pas donné suite à cette invite, un ultime délai lui a été imparti au 3 juin 2022 à 18h00, par courrier du 2 juin 2022, anticipé le jour même par courriel.

9) Par courriel du 3 juin 2022, M. A______ a requis copie intégrale du dossier relatif à ses précédentes demandes de récusation ainsi que le procès-verbal de la séance du CA lors de laquelle les faits allégués par ses soins avaient été évoqués.

10) Le 8 juin 2022, l’employé a été entendu par une délégation du CA au sujet de l’intention de licenciement annoncée. Il a remis des déterminations écrites sur le rapport d’enquête. Il n’a pas abordé la question de la récusation.

11) Par décision du 8 juin 2022, le CA a rejeté la demande de récusation. M. A______ disposait déjà de l’intégralité de son dossier, les pièces lui ayant été communiquées au fur et à mesure de l’enquête. En dépit des deux délais qui lui avaient été impartis pour ce faire, il n’avait pas établi les propos qu’il attribuait à la magistrate, qui les contestait.

12) Le 15 juin 2022, le CA a résilié les rapports de service de M. A______.

13) Par acte expédié le 20 juin 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative), M. A______ a recouru contre la décision du 8 juin 2022, dont il a demandé l’annulation. Il a conclu à la récusation de Mme B______. Préalablement, il a sollicité la production par le CA de l’intégralité du dossier relatif à ses différentes demandes de récusation, du procès-verbal de la séance lors de laquelle la décision querellée avait été rendue, de la séance du 19 mai 2022 évoquée dans le courrier du 20 mai 2022 et de la séance lors de laquelle les faits relatifs au 21 mai 2021 avaient été discutés ainsi que de la détermination de la magistrate sur la demande de récusation. Il a également demandé « l’ouverture des enquêtes » et l’audition de cette dernière.

Lors d’un tournoi de tennis, le 21 mai 2021, la conseillère administrative « a[vait] pris à partie le conseil [de M. A______], lui reprochant de l’empêcher de licencier un de ses fonctionnaires qui dysfonctionnait depuis longtemps ». En s’exprimant ainsi, elle partageait l’avis de sa directrice selon lequel il « fallait procéder au licenciement » de M. A______.

Son droit d’être entendu avait été violé, dès lors qu’il n’avait pas eu accès à son dossier, notamment aux demandes de récusation passées contenant les opinions exprimées par la magistrate en cause ni au procès-verbal de la séance lors de laquelle « les faits litigieux » avaient été évoqués. Cela était d’autant plus important que l’autorité intimée s’était prévalue d’une séance du 19 mai 2022, « dont il ignorait tout ». Les pièces auxquelles il demandait l’accès étaient postérieures au rapport d’enquête ; elles auraient dû lui être accessibles.

Le CA avait violé la maxime d’office, ne cherchant pas à établir les circonstances des déclarations litigieuses. Or, celles-ci, citées verbatim par ses soins, appelaient une instruction.

Enfin, si les griefs de nature formelle étaient rejetés, il convenait d’instruire la cause en entendant notamment la magistrate ainsi que les témoins présents lors du tournoi en question. Les faits ainsi établis démontreraient que la magistrate soutenait l’avis de sa directrice selon lequel il fallait procéder au licenciement du recourant.

14) La ville a conclu au rejet du recours.

Il ressortait du dossier d’enquête que la directrice du DSSP n’avait jamais dit qu’il fallait licencier le recourant. La magistrate en charge du DSSP ne pouvait ainsi avoir endossé ces termes.

Cette dernière ne s’était pas déterminée par écrit. Les courriers des 20 mai et 2 juin 2022 permettaient au recourant de comprendre que la précitée contestait l’accusation dont elle faisait l’objet.

Quoi qu’il en soit, la demande de récusation était tardive, les faits sur lesquels le recourant la fondait ayant eu prétendument lieu en mai 2021, en présence de son conseil.

Au surplus, la demande de récusation demeurait floue. Alors qu’elle était, dans un premier temps, fondée sur le fait que la magistrate aurait déclaré publiquement qu’elle partageait l’avis de la directrice du DSSP selon lequel il fallait licencier le recourant, ce dernier affirmait dans son recours qu’elle aurait pris à partie son conseil, lui reprochant de l’empêcher de licencier un de ses fonctionnaires qui dysfonctionnait depuis longtemps. L’incohérence de ces affirmations justifiait le rejet de la demande de récusation.

La ville a produit la décision d’ouverture d’enquête administrative, les procès-verbaux relatifs à l’audition de la directrice du DSSP dans ce cadre, le rapport d’enquête ainsi que le dossier de récusation visant la conseillère administrative. Elle a précisé qu’elle tenait l’ensemble du dossier d’enquête, particulièrement volumineux, à disposition de la chambre administrative.

15) Dans sa réplique, le recourant a fait valoir que la détermination de la magistrate n’était toujours pas produite. Les règles sur la récusation n’avaient ainsi pas été respectées et l’audition de celle-ci demeurait nécessaire. Enfin, l’intimée était entrée en matière sur la demande de récusation, de sorte qu’elle ne pouvait désormais se prévaloir de sa tardiveté.

16) Par arrêt du 23 août 2022, la chambre de céans a partiellement admis le recours, annulé la décision de la ville du 8 juin 2022 et lui a renvoyé le dossier pour nouvelle décision, dans le sens des considérants (ATA/962/2022).

Contrairement à ce que faisait valoir la ville, il ne ressortait pas de ses courriers des 20 mai et 3 juin 2022 que la magistrate en question aurait été interpellée par le CA au sujet de la requête de récusation ni, a fortiori, qu’elle se serait positionnée à cet égard. Le premier courrier invitait le recourant à préciser, « dans les meilleurs délais » les éléments « probants » relatifs aux déclarations qu’il prêtait à la conseillère administrative ou, à défaut, à retirer sa demande de récusation et le second lui impartissait un ultime délai pour ce faire. Le recourant ne pouvait, partant, déduire de la teneur de ceux-ci que la magistrate s’était déterminée sur la demande de récusation.

Or, comme cela ressortait de la décision attaquée, le CA avait choisi d’interpeller l’intéressée et non de statuer sans obtenir sa détermination. Il lui appartenait ainsi de faire part de la position de celle-ci au recourant et de lui laisser l’opportunité de se déterminer à cet égard avant de statuer sur la requête de récusation. La détermination de la magistrate visée par la demande de récusation – détermination au demeurant nullement documentée au dossier de l’autorité intimée – constituait, en effet, un élément important dans le traitement de celle-ci, la conseillère administrative étant susceptible non seulement de conclure à l’acceptation ou au rejet de la demande, mais aussi d’apporter sa version des faits, notamment relative aux propos qui lui étaient prêtés, voire d’autres éléments. Il était ainsi essentiel que la détermination de la conseillère administrative soit communiquée au recourant.

Une telle violation du droit d’être entendu était grave et ne pouvait être réparée devant la chambre de céans. Il convenait ainsi d’admettre partiellement le recours et de renvoyer le dossier à l’autorité intimée afin qu’elle transmette la détermination de la magistrate sur la demande de récusation au recourant et permette à ce dernier de se déterminer à cet égard avant de statuer à nouveau. Ce renvoi ne constituait pas une vaine formalité, un élément essentiel du dossier de récusation, à savoir la détermination de la magistrate visée par la demande de récusation, faisant défaut.

17) Le 7 septembre 2022, le CA a indiqué à M. A______ avoir pris acte de l’arrêt de la chambre de céans.

La magistrate contestait la teneur et l’interprétation données aux échanges intervenus le 21 mai 2021 avec son conseil, à savoir qu’elle aurait « indiqué publiquement partager l’avis de sa directrice selon laquelle il fallait procéder au licenciement de M. A______ ».

Le CA envisageait de rejeter la demande de récusation au double motif qu’elle était tardive et que les échanges tels que décrits par le conseil n’apparaissaient en tout état pas propres à fonder un soupçon de prévention de la magistrate à son encontre. Il ne pouvait en effet être reproché à un magistrat de tutelle d’un département municipal de soutenir sa subordonnée directe dans une démarche sollicitant l’ouverture d’une enquête administrative en vue d’un éventuel licenciement, ce positionnement s’inscrivant dans l’exercice normal de ses fonctions administratives à la tête de son département.

18) Par pli du même jour, le CA a retiré la décision de résiliation des rapports de service du 15 juin 2022 et décidé, à titre de mesure provisionnelle, la reprise immédiate de la suspension de l’activité de l’intéressé.

19) Dans le délai imparti pour faire ses observations, M. A______ a sollicité les mêmes pièces que dans son recours, le procès-verbal de la séance à laquelle la décision avait été rendue étant remplacé par celui de la séance du 7 septembre 2022 ainsi que toute informations et pièces utiles lui permettant de comprendre quand et de quelle manière ladite détermination avait été recueillie.

La prétendue tardiveté de la requête n’avait pas été soulevée à l’appui de la première décision du CA du 8 juin 2022. Le courrier du 7 septembre 2022 ne permettait pas de comprendre la position de la mise en cause, ni sa description du déroulement des faits litigieux.

20) Par courrier du 15 septembre 2022, la ville a relevé que, contrairement à ce que soutenait M. A______, la chambre administrative avait relevé le caractère complet du dossier de récusation et clairement retenu l’absence de pertinence des pièces dont il requérait la production.

Seule avait été retenue comme violation du droit d’être entendu la mention, dans la précédente décision sur récusation et pour la première fois dans la procédure, de la contestation par la magistrate des reproches élevés à son encontre, de sorte que le recourant n’avait pas pu se déterminer à ce sujet.

Le courrier du CA du 7 septembre 2022 faisait part non seulement de la détermination de la mise en cause, mais aussi de la nature et des motifs de la décision envisagée.

21) Dans le délai imparti pour se déterminer, M. A______ a persisté dans ses requêtes. Il ignorait dans quel cadre la magistrate avait été entendue, selon quelles modalités et les raisons pour lesquelles cet acte de procédure aurait été conduit hors sa présence. À lire les courriers du CA, aucun procès-verbal n’aurait été tenu, ce qui était également problématique sous l’angle du droit d’être entendu. Il ignorait qui aurait procédé à l’audition de la magistrate et quels documents lui auraient été soumis. Il sollicitait le procès-verbal des séances du CA en lien avec le traitement de son cas, l’ouverture d’enquêtes et un délai pour produire sa liste de témoins.

22) Par décision du 28 septembre 2022, le CA a rejeté la requête de récusation, motif pris de son caractère tardif et infondé.

Il a pris acte que l’intéressé n’entendait pas se prononcer sur le fait que le CA envisageait de retenir que les propos reprochés, tels que décrits par ses soins, étaient, dans tous les cas de figure, impropres à fonder un soupçon de prévention de la magistrate à son égard.

Le dossier étant complet, comme l’avait constaté la chambre administrative, des enquêtes s’avéraient inutiles.

La demande de récusation aurait dû être formulée immédiatement après les faits du 21 mai 2021, la procédure dirigée contre l’intéressé étant en cours depuis le 26 août 2020. Il ne pouvait être ignoré qu’elle relevait de la compétence de l’exécutif de la ville auquel appartenait déjà la magistrate concernée. Subsidiairement, à considérer que le dossier était alors en mains des enquêteurs, il aurait appartenu au fonctionnaire de déposer sa demande de récusation dès le courrier du 30 mars 2022 du CA, mentionnant qu’un licenciement était envisagé. Or, il n’avait réagi qu’un mois et demi plus tard. De surcroît, l’absence de mention de la tardiveté dans la décision du 8 juin 2022 ne saurait constituer une renonciation à se prévaloir d’un tel motif.

Sur le fond, les propos prêtés à la magistrate étaient contestés par celle-ci. Le CA reprenait l’argumentation développée dans son courrier du 7 septembre 2022.

23) Par décision du même jour, le CA a licencié M. A______.

24) Par acte du 13 octobre 2022, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative contre la décision sur récusation du 28 septembre 2022. Il a conclu à son annulation et à ce que la récusation de la magistrate soit ordonnée. Préalablement, il a sollicité l’apport de l’intégralité du dossier relatif à ses différentes demandes de récusation, du procès-verbal des séances du CA lors de laquelle la décision querellée avait été rendue, du 19 mai 2022 évoquée dans le courrier du 20 mai 2022, du 7 septembre 2022 mentionnée dans le courrier du même jour, et de la séance lors de laquelle les faits relatifs au 21 mai 2021 avaient été discutés, la détermination de la magistrate sur la demande de récusation ainsi que toute information utile permettant de comprendre quand et de quelle manière ladite détermination avait été recueillie. Il a également demandé « l’ouverture des enquêtes » et l’audition de la magistrate.

a. Le principe de l’autorité de l’arrêt de renvoi avait été violé. La chambre administrative avait relevé le caractère incomplet du dossier, la détermination de l’intéressée faisant toujours défaut.

b. Le droit d’être entendu du recourant avait été violé à plusieurs titres, qu’il développait.

c. La maxime inquisitoire avait été violée. Il appartenait à la ville d’établir les faits pertinents, d’autant plus en l’espèce où les propos en cause, cités verbatim, étaient graves.

d. Les règles en matière de récusation et de droit à une autorité impartiale avaient été violées. En déclarant publiquement qu’elle soutenait l’avis de sa directrice, selon lequel il fallait procéder au licenciement du recourant alors que l’enquête administrative était toujours en cours et que « des dizaines d’audiences » devaient encore avoir lieu avant la reddition du rapport des enquêteurs, elle avait démontré une partialité manifeste en défaveur du recourant ou à tout le moins en avait clairement donné l’apparence, ce qui aboutissait au même résultat.

25) La ville a conclu au rejet du recours.

Par son courrier du 7 septembre 2022, le CA avait transmis au recourant la détermination de la magistrate, laquelle avait fait le choix, qui lui appartenait, de ne pas faire part de sa version des faits, mais uniquement de sa position à l’égard des allégués qui lui étaient prêtés. Le CA était même allé plus loin dans ledit courrier en indiquant d’emblée les motifs envisagés pour rejeter la demande de récusation, à savoir que celle-ci apparaissait clairement tardive et que les échanges, tels que décrits par le conseil du recourant, n’apparaissaient en tout état pas propres à fonder un soupçon de prévention de la magistrate à l’égard de son mandant.

Par décision du 28 septembre 2022, après avoir repris le déroulement de la procédure de récusation, le CA avait considéré que le dossier était suffisamment complet et qu’il n’appelait pas l’ouverture d’enquêtes. La directrice n’avait jamais affirmé qu’il fallait procéder au licenciement du recourant. Celui-ci faisait de surcroît une interprétation des termes qu’aurait employés la magistrate pour tenter de lui faire endosser des propos d’une tierce personne qui ne les avait en réalité jamais tenus.

Le CA avait pleinement respecté l’arrêt de renvoi. La magistrate avait fait le choix de ne pas produire de détermination écrite, raison pour laquelle un tel document ne figurait pas au dossier, et, sur le fond, de contester la teneur et l’interprétation des propos qui lui étaient imputés par le conseil du recourant, en renonçant à apporter sa version des faits. Comme l’avait précisé la chambre administrative dans son arrêt du 23 août 2022, une décision sur récusation pouvait être rendue sans recueillir préalablement la détermination de l’autorité mise en cause, comme cela avait été le cas, par exemple, lors des nombreuses requêtes du recourant dirigées à l’encontre des enquêteurs. De surcroît, il appartenait au recourant de motiver sa requête en y apportant tous les éléments pertinents en application de l’art. 22 LPA, ce qu’il n’avait pas fait.

Même si la magistrate avait dû exprimer son soutien aux mesures requises par la directrice dans le cadre d’un échange informel avec le conseil du recourant, on ne pouvait lui reprocher de soutenir sa subordonnée directe dans sa démarche sollicitant l’ouverture d’une enquête administrative en vue d’un éventuel licenciement, ce positionnement étant compatible avec la fonction de supérieure hiérarchique exercée par l’intéressée à la tête de son département. Ces déclarations ne sauraient en aucun cas préjuger de sa position exprimée à l’issue de l’enquête administrative et de la procédure administrative ultérieure, de sorte qu’aucun motif de récusation ne saurait lui être opposé à cet égard.

26) Dans sa réplique, le recourant a relevé le caractère « fondamental » de la prise de position de la personne visée par la récusation. Rien dans les précédentes écritures de l’intimée ne laissait à penser que la magistrate aurait renoncé à se déterminer par écrit, allégation contestée et impossible à vérifier sans accès aux procès-verbaux.

Le recourant ignorait encore s’il y avait eu une ou deux déterminations de la magistrate, quelle était sa détermination concrète, si elle contestait la matérialité même de la conversation, à quelle occasion elle avait été entendue, de quelle manière, par qui, comment, quels éléments lui avaient été soumis pour ce faire, si l’autorité avait respecté les procédures idoines, notamment si elle avait statué dans une composition correcte, ce qu’il n’était pas possible de vérifier sans l’accès aux procès-verbaux.

27) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 17 al. 3 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10), étant précisé, s'agissant d'une décision incidente, que le refus de récuser le membre d'une autorité constitue, selon la jurisprudence, un préjudice irréparable au sens de l'art. 57 let. c LPA (ATA/666/2018 du 26 juin 2018 consid. 2a et les références citées).

2) Le litige porte sur le bien-fondé de la décision de rejet de la demande de récusation de la magistrate.

Dans un premier grief, le recourant se plaint d’une violation de l’arrêt de renvoi de la chambre de céans du 23 août 2022.

a. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, le principe de l’autorité de l’arrêt de renvoi, qui découle du droit du fédéral non écrit (ATF 143 IV 214 consid. 5.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_79/2021 du 9 septembre 2021) implique que l’autorité cantonale à qui la cause est renvoyée est tenue de fonder sa nouvelle décision sur les considérants en droit de l’arrêt de renvoi du Tribunal fédéral. Elle est ainsi liée par ce qui a déjà été définitivement tranché et par les constatations de fait qui n’ont pas été attaquées ou qui l’ont été sans succès (ATF 143 IV 214 consid. 5.3.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_79/2021 précité consid. 3.1). Ce principe est applicable par analogie au plan cantonal.

L’autorité de la chose jugée (ou force de chose jugée au sens matériel [materielle Rechtskraft]) interdit de remettre en cause, dans une nouvelle procédure, entre les mêmes parties, une prétention identique qui a été définitivement jugée (ATF 142 III 210 consid. 2.1). Il y a identité de l’objet du litige quand, dans l’un et l’autre procès, les parties soumettent au tribunal la même prétention, en reprenant les mêmes conclusions et en se basant sur le même complexe de faits (ATF 139 III 126 consid. 3.2.3 ; 116 II 738 consid. 2a). L’identité de l’objet du litige s’entend au sens matériel ; il n’est pas nécessaire, ni même déterminant que les conclusions soient formulées de manière identique (ATF 142 III 210 précité consid. 2.1 ; 128 III 284 consid. 3b ; 123 III 16 consid. 2a ; 121 III 474 consid. 4a).

Les constatations de fait du jugement attaqué déterminent quelles sont les conclusions formées dans la procédure pendante. Cependant, pour savoir si ces conclusions ont été définitivement tranchées dans un jugement précédent, il convient de se fonder non pas sur les constatations du prononcé attaqué mais sur le jugement précédent, dont le dispositif définit l’étendue de la chose jugée au sens matériel. L’autorité de la chose jugée est limitée au seul dispositif du jugement. Pour connaître le sens et la portée exacte du dispositif, il faut parfois se référer aux considérants en droit du jugement (ATF 142 III 210 consid. 2.2 ; 128 III 191 consid. 4a ; 125 III 8 consid. 3b ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_816/2015 du 12 septembre 2016 consid. 3.1).

b. En l’occurrence, l’arrêt de la chambre administrative du 23 août 2022, dans son dispositif, renvoie le dossier à l’intimée pour nouvelle décision, dans le sens des considérants. Selon le consid. 3c, il convenait de renvoyer le dossier à l’autorité intimée « afin qu’elle transmette la détermination de la magistrate sur la demande de récusation au recourant et permette à ce dernier de se déterminer à cet égard avant de statuer à nouveau ».

Le recourant considère ne pas être en possession de la détermination de la magistrate contrairement à ce qu’imposait l’arrêt de la chambre de céans.

Or, par pli du 7 septembre 2022 au conseil du recourant, le CA l’a informé que « l’intéressée conteste la teneur et l’interprétation que vous avez données aux échanges intervenus le 21 mai 2021 entre vous-même et cette dernière, à savoir qu’elle aurait "indiqué publiquement partager l’avis de sa directrice selon laquelle il fallait procéder au licenciement de M. A______" ». Ce courrier transmet au recourant la détermination de la magistrate. Il permet, conformément à la demande de la chambre administrative, de connaître sa position. Celle-ci n’a pas nié avoir échangé des propos avec ledit conseil, mais contesté la teneur et l’interprétation qu’il en a faite. Elle n’a ainsi pas conclu à l’acceptation de la demande de récusation, mais à son rejet et n’a pas souhaité apporter d’autres éléments. Contrairement à ce que soutient le recourant, aucune disposition n’implique que cette détermination soit écrite, contrairement, par exemple, à l’art. 58 al. 2 du code de procédure pénale suisse du 5 octobre 2007 (CPP - RS 312.0). Bien que lapidaire, ce courrier répond à l’arrêt de renvoi, dans sa première exigence, de transmettre la détermination de la magistrate sur la demande de récusation.

La seconde exigence consistait dans la possibilité que le recourant se détermine à cet égard avant une nouvelle décision. En l’occurrence, le CA a précisé, dans son courrier du 7 septembre 2022, qu’il envisageait de rejeter la demande au double motif qu’elle apparaissait tardive et que les échanges tels que décrits par le conseil n’apparaissaient en tout état pas propres à fonder un soupçon de prévention de la magistrate à l’égard du recourant. Le CA détaillait sa position et invitait
celui-ci et son conseil à se déterminer dans le délai échéant le 14 septembre 2022. Le recourant ne conteste pas avoir été invité à se prononcer dans ce délai, prolongé par la suite au 22 septembre 2022. La seconde exigence de la chambre de céans a en conséquence été respectée par l’autorité intimée.

Partant, ce grief doit être écarté.

3) Le recourant invoque une violation de son droit d’être entendu sous plusieurs aspects.

a. La détermination de la mise en cause ne lui avait toujours pas été transmise. Il n’était pas possible de savoir si l’intéressée s’était à nouveau déterminée suite à l’arrêt précité ou si l’autorité intimée faisait référence à sa précédente détermination.

Or, conformément au considérant qui précède, la détermination de la magistrate a été transmise au recourant. Les références jurisprudentielles qu’il invoque concernent la procédure pénale, singulièrement l’application de l’art. 58 al. 2 CPP qui impose une détermination écrite de la personne dont la récusation est sollicitée. Tel n’est pas le cas en procédure administrative.

b. Il conteste qu’il ne puisse exister de dossier en marge de la procédure de récusation litigieuse et de celles déjà tranchées dans le cadre de son dossier. L’autorité était obligée de tenir un dossier.

Le présent litige se limite à la demande de récusation de la magistrate. Le grief portant sur les demandes de récusation contre les enquêteurs est irrecevable. L’autorité intimée a indiqué posséder un dossier, toutefois limité à quelques pièces, listées, et déjà toutes transmises au recourant. Aucun indice ne permet de supposer qu’elle détiendrait d’autres pièces pertinentes. Le recourant a en conséquence eu accès au dossier en lien avec la présente demande de récusation.

c. La production des procès-verbaux ne pouvait pas lui être refusée. Il disposait d’un droit, et d’un intérêt, à pouvoir consulter non seulement le dossier des demandes de récusation passées, lequel devait contenir les opinions exprimées par la personne visée, mais également le procès-verbal de la séance lors de laquelle les faits litigieux avaient été évoqués. L’opacité du processus était critiquée. Il ne pouvait pas être compris, et a fortiori vérifié, la manière dont la détermination aurait été recueillie (quels documents avaient été remis à l’intéressée, à quelle occasion elle s’était déterminée, ce qu’elle avait dit, pourquoi il n’y aurait pas de
procès-verbal, etc.) et la décision de rejet prononcée.

Ce grief a déjà été traité par la chambre de céans. Il sera renvoyé aux considérants de l’ATA du 23 août 2022, qui mentionnaient qu’aucun élément ne permettait de douter que la décision querellée, signée par le vice-président du CA et le secrétaire général, reflétât l’avis majoritaire du CA. Ceci est conforme à
l’art. 23 du règlement du CA du 11 avril 2001, selon lequel les procès-verbaux approuvés sont transcrits et mis au net. Le secrétaire général adjoint ou la secrétaire générale adjointe de la ville est responsable de l'exactitude des copies ; il ou elle les signe avant de les soumettre à la signature du ou de la maire, ou du conseiller administratif ou de la conseillère administrative qui a présidé la séance. Il n’y a ainsi pas lieu d’ordonner non plus la production du procès-verbal de la séance lors de laquelle la décision querellée a été rendue, de la séance du 19 mai 2022 évoquée dans le courrier du 20 mai 2022 et de la séance lors de laquelle les faits du 21 mai 2021 avaient été évoqués.

La référence à l’arrêt du Tribunal fédéral 2C_278/2017 du 17 août 2017 faite par le recourant n’est pas pertinente. Il s’agissait d’une situation très différente, en application de la loi sur la commission de surveillance des professions de la santé et des droits des patients du 7 avril 2006 (LComPS - K 3 03), et de la problématique des remplacements des suppléants dans la commission dans le souci de représentation des diverses spécialités.

d. Au vu de cette opacité, l’autorité intimée ne pouvait pas refuser de fournir toute information utile permettant de comprendre quand et de quelle manière ladite détermination avait été recueillie. L’ouverture d’enquêtes et l’audition de témoins était pareillement indispensable. L’intéressée semblait d’ailleurs avoir modifié sa position, ne semblant plus contester les termes employés contrairement à ce qu’indiquait l’intimée initialement.

L’intimée était en droit de refuser de fournir de plus amples informations conformément aux considérants qui suivent. Contrairement à ce que soutient le recourant, la détermination de la mise en cause pouvait être faite oralement, à l’autorité en charge de la récusation, à l’instar des écritures d’une partie. Seul était nécessaire le fait que son contenu soit transmis à la partie sollicitant sa récusation, ce qui a été fait à la suite de l’arrêt de renvoi. La jurisprudence citée par le recourant (arrêt du Tribunal fédéral 9C_821/2013 du 29 janvier 2014 consid. 6.1.1) ne dit rien d’autre, quand bien même elle s’inscrit dans le cadre de la récusation d’un magistrat.

4) a. L'art. 29 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst - RS 101) dispose que toute personne a droit, dans une procédure judiciaire ou administrative, à ce que sa cause soit traitée équitablement. Selon la jurisprudence, ce droit permet notamment d'exiger la récusation des membres d'une autorité administrative dont la situation ou le comportement sont de nature à faire naître un doute sur leur indépendance ou leur impartialité ; il tend à éviter que des circonstances extérieures à l'affaire ne puissent influencer une décision en faveur ou au détriment de la personne concernée. La récusation peut s'imposer même si une prévention effective du membre de l'autorité visée n'est pas établie, car une disposition interne de sa part ne peut guère être prouvée ; il suffit que les circonstances donnent l'apparence de la prévention et fassent redouter une activité partiale. Cependant, seules des circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération; les impressions purement individuelles d'une personne impliquée ne sont pas décisives (ATF 139 III 120 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_931/2015 du 12 octobre 2016 consid. 5.1). Les soupçons de prévention peuvent être fondés sur un comportement ou sur des éléments extérieurs, de nature fonctionnelle ou organisationnelle (arrêt du Tribunal fédéral 2C_171/2007 du 19 octobre 2007 consid. 5.1 et les références citées).

La procédure de récusation n'a pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises notamment par la direction de la procédure (ATF 143 IV 69 consid. 3.2).  Même dans ce cadre, seules des circonstances exceptionnelles permettent de justifier une récusation, lorsque, par son attitude et ses déclarations précédentes, le magistrat a clairement fait apparaître qu'il ne sera pas capable de revoir sa position et de reprendre la cause en faisant abstraction des opinions qu'il a précédemment émises (ATF 138 IV 142 consid. 2.3).

Conformément au principe de la bonne foi, il appartient aux parties de faire valoir sans délai, sous peine de péremption, les motifs de récusation. Une demande de récusation tardive apparaît en effet abusive lorsque son auteur laisse la procédure suivre son cours et invoque après coup des moyens dont il connaissait l'existence (ATF 124 I 121 consid. 2 ; 121 I 225 consid. 3 ;
119 Ia 221 consid. 5a). 

Le magistrat dont la récusation est valablement requise ne saurait en principe statuer lui-même sur sa propre récusation (ATF 122 II 471 consid. 3a et les arrêts cités). De même, il doit s'abstenir de siéger jusqu'à droit connu sur la récusation (ATF 122 II 471 consid. 2b ; 114 Ia 153 consid. 3a/aa). La jurisprudence admet toutefois une exception à ces principes en présence d'une demande de récusation irrecevable ou abusive. Tel est, notamment, le cas lorsque la récusation est demandée en bloc ou lorsqu'il y a urgence à statuer (ATF 129 III 445 consid. 4.2.2 ; 122 II 471 consid. 3a ; 114 Ia 278 ; 105 Ib 301 consid. 1b ; arrêts du Tribunal fédéral 6B_338/2008 du 7 janvier 2008 consid. 2.1; 1B_106/2007 du 20 juin 2007 consid. 3).

De manière générale, les dispositions sur la récusation sont moins sévères pour les membres des autorités administratives que pour les autorités judiciaires. Contrairement à l'art. 30 al. 1 Cst., l'art. 29 al. 1 Cst. n'impose pas l'indépendance et l'impartialité comme maxime d'organisation. En règle générale, les prises de position qui s'inscrivent dans l'exercice normal des fonctions gouvernementales, administratives ou de gestion, ou dans les attributions normales de l'autorité partie à la procédure, ne permettent pas, dès lors que l'autorité s'exprime avec la réserve nécessaire, de conclure à l'apparence de la partialité et ne sauraient justifier une récusation, au risque sinon de vider de son sens la procédure administrative (ATF 140 I 326 consid. 5.2 ; 137 II 431 consid. 5.2 et les références citées). La jurisprudence considère ainsi que les membres des autorités supérieures du pouvoir exécutif ne peuvent être récusés que s'ils ont un intérêt particulier à l'affaire, s'ils ont émis auparavant une opinion personnelle au sujet d'une partie ou s'ils ont commis des erreurs de procédure ou d'appréciation particulièrement lourdes ou répétées, qui doivent être considérées comme des violations graves de leurs devoirs et dénotent l'intention de nuire à la personne concernée (ATF 125 I 119 consid. 3e ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_643/2010 du 1er février 2011 consid. 5.5.2). Une récusation est également possible lorsque l'autorité s'est forgée une opinion inébranlable avant même d'avoir pris connaissance de tous les faits pertinents de la cause (arrêts du Tribunal fédéral 2C_238/2018 du 28 mai 2018 consid. 4.2 ; 2C_931/2015 du 12 octobre 2016 consid. 5.1 et les références citées). À cet égard, une appréciation spécifique est nécessaire dans chaque situation particulière (ATF 125 I 119 consid. 3f).

b. Sur le plan cantonal, l’art. 15 al. 1 LPA prévoit que les membres des autorités administratives appelés à rendre ou à préparer une décision doivent se retirer et sont récusables par les parties s’ils ont un intérêt personnel dans l’affaire (let. a), s’ils sont parents ou alliés d’une partie en ligne directe ou jusqu’au troisième degré inclusivement en ligne collatérale ou s’ils sont unis par mariage, fiançailles, par partenariat enregistré, ou mènent de fait une vie de couple (let. b), s’ils représentent une partie ou ont agi pour une partie dans la même affaire (let. c) et s’il existe des circonstances de nature à faire suspecter leur partialité (let. d).

c. La demande de récusation doit être présentée sans délai à l’autorité
(art. 15 al. 3 LPA). Selon un principe général, la partie qui a connaissance d’un motif de récusation doit l’invoquer aussitôt, sous peine d’être déchue du droit de s’en prévaloir ultérieurement (ATF 139 III 120 consid. 3.2.1 ; 138 I 1 consid. 2.2), dès lors qu’il serait contraire aux règles de la bonne foi de garder en réserve le moyen tiré de la composition irrégulière de l’autorité pour ne l’invoquer qu’en cas d’issue défavorable de la procédure (ATF 136 III 605 consid. 3.2.2 ; ATA/140/2019 du 13 février 2019 consid. 4e et les références citées).

Sauf circonstances particulières, il s’agit d’un délai de quelques jours (ATA/886/2015 du 1er septembre 2015 consid. 3c).

Le moment de la connaissance du motif de récusation peut se décomposer en deux temps : d’une part, l’identité de la personne récusable doit être connue, de même que le fait qu’elle sera appelée à participer à la procédure ; d’autre part, l’origine du possible biais doit également être connu (ATA/762/2016 du 6 septembre 2016 consid. 6 et les arrêts cités).

5) a. L’art. 15 LPA est calqué sur les art. 47 ss du code de procédure civile du 19 décembre 2008 (CPC - RS 272 ; ATA/987/2019 du 4 juin 2019 consid. 2b ; ATA/578/2013 du 3 septembre 2013 consid. 7c, avec référence au MGC 2008-2009/VIII A 10995), ces derniers, tout comme les art. 56 ss CPP, avec lesquels ils sont harmonisés, étant calqués, à l'exception de quelques points mineurs, sur les art. 34 ss LTF, si bien que la doctrine, et la jurisprudence rendue à leur sujet, valent en principe de manière analogique (arrêt du Tribunal fédéral 6B_621/2011 du 19 décembre 2011 consid. 2.2 ; Message du Conseil fédéral du 28 juin 2006 relatif au code de procédure civile suisse, FF 2006 6841 ss, spéc. 6887 ad art. 45 [devenu l'art. 47 CPC] ; Message du Conseil fédéral sur l'unification de la procédure pénale, FF 2005 1125 s.).

b. L’art. 49 al. 2 CPC impose que le magistrat ou le fonctionnaire judiciaire concerné se prononce sur la demande de récusation. La prise de position de la personne concernée sert à clarifier l'état de fait tout en lui permettant d'accepter ou de contester le motif de récusation (arrêts 5A_309/2016 du 4 octobre 2016 consid. 6.1 ; 9C_821/2013 du 29 janvier 2014 consid. 6.1.1 ; David RÜETSCHI, in Berner Kommentar, 2012, n° 24 ad art. 49 CPC; Marc WEBER, in Basler Kommentar, op. cit., no 5 ad art. 49 CPC). La jurisprudence concède des dérogations à cette règle tout au plus lorsque la requête est abusive ou manifestement infondée (arrêt du Tribunal fédéral 4A_155/2021 du 30 septembre 2021 consid. 5.4 non publié aux ATF 147 III 582 et les références citées).

La personne dont la récusation est demandée doit prendre position sur les motifs de la requête de manière étayée, soit par écrit, soit oralement (Denis TAPPY, Commentaire romand CPC, ad art. 49, n° 28 ; Stephan WULLSCHLEGER, in Thomas SUTTER-SOMM/Franz HASENBÖHLER/ Christoph LEUENBERGER, Kommentar zur Schweizerischen Zivilprozessordnung [ZPO], 3ème édition 2016, n° 13 ad art. 49 ZPO). Il est possible de renoncer à demander une prise de position si le tribunal qui a rendu le jugement estime que la demande de récusation constitue un abus de droit (arrêt du Tribunal fédéral 5A_309/2016 du 4 octobre 2016 consid. 6.1 et les références citées).

Le mis en cause pourra être invité à se déterminer oralement ou par écrit, au choix de l’autorité de récusation. Il ne sera pas à proprement parler une partie et les règles des art.191ss CPC sur l’interrogatoire et la déposition de partie ne s’appliqueront pas, mais ses déclarations pourront être prises en compte dans la détermination des faits rendus suffisamment vraisemblables (Denis TAPPY, op. cit, ad art. 49, n° 28 ; Marc WEBWE, BSK ZPO, art.49 N°5).

c. La procédure visée à l’art. 36 al. 2 LTF suppose que la demande soit recevable (arrêt du Tribunal fédéral 5F_3/2015 du 13 août 2015 consid. 2.2). Si la demande de récusation est irrecevable, manifestement mal fondée ou abusive, l’art. 36 al. 2 LTF n’a pas être mis en œuvre (Florence AUBRY GIRARIN in Commentaire de la LTF, 3ème éd., Berne 2022, art. 36).

6) En l’occurrence, l’enquête administrative contre le recourant a été ouverte le 26 août 2020. Des audiences se sont déroulées les 8 septembre, 8 octobre, 20 novembre, 3, 8 et 17 décembre 2020, 7, 12, 25 et 26 janvier, 8, 12 et 23 février, 11, 19, 25 et 26 mars, 16 et 22 avril, 7, 11 et 20 mai 2021.

La demande de récusation porte sur des faits qui se seraient passés le 21 mai 2021.

Les audiences ont repris dès le 28 mai 2021, pour se poursuivre les 4, 15, 18, 24, 25 juin 2021, 6 juillet 2021, 21 et 24 septembre 2021, sans que la demande de récusation ne soit formulée.

La demande de récusation a été faite le 16 mai 2022, soit un an après les faits. Même à retenir que le dossier était en mains des enquêteurs jusqu’au 25 mars 2022, date du rapport d’enquête, le recourant a su, dès le courrier du CA du 30 mars 2022, que son licenciement était envisagé. Il n’a réagi que le 16 mai 2022, ce qui est manifestement tardif.

Le recourant allègue que la participation de la magistrate était incertaine. Cette allégation n’est fondée sur aucun élément du dossier.

Le fait que la ville n’ait pas invoqué cet argument dans la première décision est sans pertinence dès lors qu’elle reste libre de l’invoquer ultérieurement, que de surcroît la décision précédente a été annulée et que la ville en a fait état dans la décision présentement querellée.

La demande de récusation étant tardive, la décision du CA est conforme au droit.

7) Le grief de violation de la maxime d’office tombe en conséquence à faux au vu de ce qui précède, à l’instar de celui de la violation des règles en matière de récusation et du droit à une autorité impartiale.

En tous points infondé, le recours sera rejeté.

8) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera pas alloué d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 octobre 2022 par Monsieur A______ contre la décision de la ville de Genève du 28 septembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Romain Jordan, avocat du recourant, ainsi qu'à la Ville de Genève.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, Mme Krauskopf, MM. Verniory et Mascotto, Mme Michon Rieben, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

M. Mazza

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :