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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/1184/2023

ATA/669/2023 du 21.06.2023 ( PRISON ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/1184/2023-PRISON ATA/669/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 21 juin 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Betsalel ASSOULINE, avocat

contre

PRISON DE CHAMP-DOLLON intimée

 



EN FAIT

A. a. A______, né le ______ 1984, est en détention provisoire à la prison de Champ-Dollon depuis le 3 avril 2022.

b. Le 3 mars 2023, il a fait l’objet d’une sanction disciplinaire de deux jours de cellule forte pour violence physique exercée sur un détenu et trouble à l’ordre de l’établissement.

Selon le rapport d’incident du même jour, lors de la première promenade des ateliers du bas, à 13h37, A______ et un autre détenu s’étaient échangés plusieurs coups de poing. Plusieurs détenus avaient essayé de les séparer sans participer à l’échange de coups.

Il est indiqué, en fin de rapport, que A______ « reconnai[ssai]t les faits qui lui [étaient] reprochés ».

L’intéressé n’a pas signé le rapport.

c. La sanction a été exécutée du 3 mars 2023 à 13h50 au 5 mars 2023 à la même heure.

d. Le 14 mars 2023, A______, par l’intermédiaire de son avocat, a sollicité une copie de la vidéo de l’incident, ainsi que le procès-verbal d’audition du 3 mars 2023.

Sa version était parfaitement différente de celle retenue par l’inspecteur. Il avait été agressé et menacé par un autre détenu lors de la promenade, alors même qu’il ne cherchait aucun problème. Son comportement avait été irréprochable depuis son entrée en prison et il ne méritait aucune sanction.

e. Le 16 mars 2023, la direction de la prison a répondu que les images de vidéosurveillance ne pouvaient pas être communiquées. Leur visionnement n’était permis que par un cercle restreint de personnes et à la demande d’entités déterminées. A______ avait pu se déterminer sur les faits qui lui étaient reprochés de manière orale et aucun procès-verbal n’avait été établi. Il ressortait du rapport d’incident établi par l’appointé le 3 mars 2023 qu’il avait reconnu les faits.

B. a. Le 2 avril 2023, A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la sanction précitée, concluant à son annulation et au constat d’une violation de l’art. 3 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH - RS 0.101). À titre préalable, il a sollicité la production des images de vidéosurveillance du 3 mars 2023 ayant filmé l’incident.

Le droit d’être entendu lui garantissait le droit de pouvoir se déterminer sur les faits qui lui étaient reprochés. Or, il n’avait jamais reconnu ces faits, contrairement à ce qui était indiqué dans le rapport d’incident.

Le 3 mars 2023, alors qu’il se rendait en promenade, il avait été accosté par un codétenu qui souhaitait manifestement en découdre en « lui demandant un combat ». Il n’y avait d’abord pas prêté attention. Le codétenu l’avait alors surpris en lui faisant « une balayette » et le faisant « tomber sur le crâne ». Profitant du fait qu’il avait « perdu connaissance », le codétenu lui avait asséné plusieurs coups de poing au visage, d’abord sur l’œil droit puis au niveau de la bouche. Il avait fallu l’intervention des gardiens pour que le codétenu cesse « son attaque ». Il ne l’avait pas provoqué ni n’avait répondu à « son attaque ». Entendu par les gardiens de la prison, il avait farouchement nié avoir été partie prenante à une altercation. Il avait d’ailleurs refusé de signer le procès-verbal. C’était de manière choquante et incompréhensible que le rapport d’incident faisait état du fait qu’il avait reconnu les faits. Une plainte pénale serait bientôt déposée à l’encontre du codétenu, une fois son identité formellement établie.

Il avait toujours eu un comportement irréprochable durant sa détention, de sorte que sa sanction était disproportionnée. La décision violait également l’art. 3 CEDH, étant précisé qu’il s’agissait de la sanction la plus lourde du règlement.

b. Par réponse du 5 mai 2023, la direction de la prison a conclu au rejet du recours et produit les images de vidéosurveillance.

Il ressortait de ces images que, le 3 mars 2023, aux alentours de 13h30, le recourant et un autre détenu s’étaient échangés des paroles à distance. Le codétenu s’était ensuite approché et avait suivi le recourant dans la cour. Il lui avait mis sa main derrière la nuque et l’avait amené vers les machines de musculation. À cet endroit, le codétenu avait asséné un coup de pied dans ceux du recourant, le faisant chuter au sol. Alors que celui-ci était allongé par terre, le codétenu lui avait asséné des coups de poing. Trois autres détenus avaient tenté de les séparer. Le recourant avait ensuite tenté d’asséner un coup de poing au visage du codétenu. Alors que ce dernier faisait marche arrière et prenait ses distances, l’intéressé l’avait suivi dans la cour toujours en compagnie d’autres détenus qui devaient continuer à s’interposer entre les deux protagonistes. À un moment donné, le recourant avait réussi à se créer un chemin entre les autres détenus et avait « foncé » en direction du codétenu. Il avait finalement été coupé dans son élan par deux détenus et n’était pas parvenu à frapper ce dernier. Le recourant n’avait ensuite eu de cesse de vouloir se confronter au codétenu contraignant les autres à le maîtriser physiquement jusqu’à l’arrivée du personnel pénitentiaire.

Il n’était ainsi pas contesté que le recourant avait été, dans un premier temps, agressé par un codétenu. Les images ne permettaient en revanche pas d’établir le contenu des échanges verbaux préalables entre les deux protagonistes. Il était ensuite clairement établi que l’intéressé avait adopté une réaction allant au-delà du simple fait de se protéger. Les images de vidéosurveillance attestaient qu’il avait voulu rendre les coups à son agresseur, se battre avec lui et avait tenté de le frapper. La version des faits telle qu’établie dans le rapport d’incident et qui ressortait des images devait être retenue.

La décision ne consacrait aucune violation du droit d’être entendu, le recourant ayant été auditionné. Il avait par ailleurs admis les faits reprochés.

Dans la mesure où le recourant avait pris une part active au conflit, son comportement était peu compatible avec celui que chaque détenu était tenu d’observer à l’égard des autres détenus et des règles en vigueur. Il n’avait pas hésité à se montrer belliqueux et violent, créant ainsi un trouble conséquent à l’établissement. Les détenus ainsi que le personnel avaient dû intervenir au vu de la situation. De tels agissements étaient graves et inadmissibles et pouvaient nuire à l’ordre de l’établissement. La chambre de céans avait du reste admis que des bagarres entre détenus constituaient une violation grave des règles de coexistence pacifique qui devaient prévaloir dans un établissement pénitentiaire, de sorte qu’un placement en cellule se justifiait quand bien même le détenu n’avait pas d’antécédents.

c. Par pli du 10 mai 2023, la chambre administrative a invité le recourant à répliquer, précisant qu’il avait la possibilité de visionner les images de vidéosurveillance à son greffe.

d. Le recourant n’a pas réagi dans le délai imparti, si bien que la cause a été gardée à juger, ce dont les parties ont été informées.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ ‑ E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 ‑ LPA ‑ E 5 10).

2.             Aux termes de l'art. 60 let. b LPA, ont qualité pour recourir toutes les personnes qui sont touchées directement par une décision et ont un intérêt digne de protection à ce qu'elle soit annulée ou modifiée.

2.1 Lorsque la sanction a déjà été exécutée, il convient d’examiner s’il subsiste un intérêt digne de protection à l’admission du recours. Un tel intérêt suppose un intérêt actuel à obtenir l’annulation de la décision attaquée. Il est toutefois renoncé à l’exigence d’un tel intérêt lorsque cette condition fait obstacle au contrôle de la légalité d’un acte qui pourrait se reproduire en tout temps, dans des circonstances semblables, et qui, en raison de sa brève durée ou de ses effets limités dans le temps, échapperait ainsi toujours à la censure de l’autorité de recours (ATF 139 I 206 consid. 1.1 ; ATA/1104/2018 du 16 octobre 2018 consid. 2).

2.2 En l’espèce, bien que la sanction ait déjà été exécutée, le recourant dispose d’un intérêt digne de protection à recourir contre la décision. La légalité du placement en cellule forte doit pouvoir faire l’objet d’un contrôle, nonobstant l’absence d’intérêt actuel. Il pourrait en effet être tenu compte de la sanction contestée en cas de nouveau problème disciplinaire.

Le recours conserve ainsi un intérêt actuel et est en conséquence recevable.

3.             Le recourant se plaint en premier lieu d’une violation de son droit d’être entendu.

3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d'obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4 ; arrêt du Tribunal fédéral 9C_245/2020 du 12 juin 2020 consid. 3.2.1 ; ATA/631/2020 du 30 juin 2020 consid. 2a).

3.2 En l’espèce, le recourant a été auditionné suite à l’incident du 3 mars 2023, ce qu’il ne conteste pas. Il fait en revanche valoir que, contrairement à ce qu’indique le rapport d’incident, il aurait à cette occasion contesté l’intégralité des faits reprochés. Ainsi, sous couvert du grief de violation du droit d’être entendu, il critique en réalité l’établissement des faits et l’appréciation des preuves à laquelle s’est livrée l’intimée. Or, ces points seront examinés au fond (infra consid. 4.8). Quant aux images de vidéosurveillance du 3 mars 2023, elles ont été produites devant la chambre de céans, de sorte que la conclusion en ce sens devient sans objet. Le recourant a pu en prendre connaissance et n’a pas fait usage de cette possibilité.

Le grief tiré d’une violation du droit d’être entendu doit partant être rejeté.

4.             Le recourant se plaint du caractère illégal de la sanction et de l’établissement erroné des faits.

4.1 La procédure administrative est régie par la maxime inquisitoire, selon laquelle le juge établit les faits d’office (art. 19 LPA), sans être limité par les allégués et les offres de preuves des parties. Dans la mesure où l'on peut raisonnablement exiger de l’autorité qu’elle les recueille, elle réunit ainsi les renseignements et procède aux enquêtes nécessaires pour fonder sa décision. Elle apprécie les moyens de preuve des parties et recourt s’il y a lieu à d'autres moyens de preuve (art. 20 LPA). Mais ce principe n’est pas absolu, sa portée est restreinte par le devoir des parties de collaborer à la constatation des faits (art. 22 LPA). Celui-ci comprend en particulier l’obligation des parties d’apporter, dans la mesure où cela peut être raisonnablement exigé d’elles, les preuves commandées par la nature du litige et des faits invoqués, faute de quoi elles risquent de devoir supporter les conséquences de l’absence de preuves (ATF 128 II 139 consid. 2b ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_454/2017 du 16 mai 2018 consid. 4.1 ; 2C_524/2017 du 26 janvier 2018 consid. 4.2 ; ATA/880/2021 du 31 août 2021 consid. 3a et les références citées).

4.2 Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l’autorité dispose à l’égard d’une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d’obligations, font l’objet d’une surveillance spéciale. Il s’applique aux divers régimes de rapports de puissance publique, et notamment aux détenus. Le droit disciplinaire se caractérise d’abord par la nature des obligations qu’il sanctionne, la justification en réside dans la nature réglementaire des relations entre l’administration et les intéressés. L’administration dispose d’un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3e éd., 2011, p. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

4.3 Le statut des personnes incarcérées à la prison est régi par le règlement sur le régime intérieur de la prison et le statut des personnes incarcérées du 30 septembre 1985 (RRIP - F 1 50.04 ; art. 1 al. 3 de la loi sur l’organisation et le personnel de la prison du 21 juin 1984 - LOPP - F 1 50). Un détenu doit respecter les dispositions du RRIP (art. 42 RRIP). Il doit en toutes circonstances adopter une attitude correcte à l’égard du personnel de la prison, des autres personnes incarcérées et des tiers (art. 44 RRIP), et n’a d’aucune façon le droit de troubler l’ordre et la tranquillité de la prison (art. 45 let. h RRIP).

Si un détenu enfreint le RRIP, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu’à la nature et à la gravité de l’infraction, lui est infligée (art. 47 al. 1 RRIP). Avant le prononcé de la sanction, le détenu doit être informé des faits qui lui sont reprochés et être entendu (art. 47 al. 2 RRIP). À teneur de l’art. 47 al. 3 RRIP, le directeur est compétent pour prononcer, notamment, le placement en cellule forte pour dix jours au plus (let. g). Il peut déléguer la compétence de prononcer les sanctions pour le placement en cellule forte d’un à cinq jours à d'autres membres du personnel gradé (ATA/1631/2017 du 19 décembre 2017 consid. 3).

4.4 La chambre de céans accorde généralement une pleine valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés (ATA/502/2018 du 22 mai 2018 consid. 5 et les références citées), sauf si des éléments permettent de s’en écarter. Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 19 LOPP), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers (ATA/1242/2018 du 20 novembre 2018 consid. 6).

Selon la jurisprudence de la chambre administrative, il n’est pas besoin de déterminer qui porte la responsabilité d’une altercation opposant des codétenus ni si la violence physique reprochée en particulier au recourant, dans le cas jugé, avait consisté en des griffures ou en un coup de poing. En effet, toute forme de violence physique sur un détenu contrevient aux obligations d’adopter une attitude correcte à l’égard des autres personnes incarcérées et de ne pas troubler l’ordre et la tranquillité de la prison, étant relevé que le recourant ne soutenait dans le cas en cause pas qu’il aurait agi en légitime défense. L’exercice de violence physique sur un codétenu peut être qualifié d’un manquement grave (ATA/220/2019 du 5 mars 2019).

Dans un arrêt ultérieur, la chambre administrative a de même retenu que les bagarres entre détenus constituaient une violation grave des règles de coexistence pacifique devant prévaloir dans un établissement de détention. Outre les dangers d’atteintes sérieuses à l’intégrité physique et psychique qu’elles comportent, s’agissant d’un milieu confiné, elles créent le risque de déborder et de susciter des affrontements plus larges, et menacent sérieusement l’ordre et la tranquillité devant régner dans un établissement de détention. Le déclenchement de la bagarre n’était in casu pas reproché au recourant, ni à son codétenu, et était sans pertinence. Seule leur participation à la bagarre leur avait valu une sanction, d’ailleurs identique, étant précisé qu’il n’appartenait pas à la chambre administrative de se prononcer sur la sanction infligée au codétenu (ATA/1072/2021 du 12 octobre 2021).

4.5 Le principe de la proportionnalité, garanti par l’art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d’aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu’entre plusieurs moyens adaptés, l’on choisisse celui qui porte l’atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l’administré et le résultat escompté du point de vue de l’intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/735/2013 du 5 novembre 2013 consid. 11).

Le placement en cellule forte est la sanction la plus sévère parmi le catalogue des sept sanctions mentionnées par l'art. 47 RRIP (art. 47 al. 3 let. g RRIP).

La chambre de céans a confirmé des sanctions d’arrêts de deux, voire trois jours de cellule forte pour des menaces d’intensité diverse (voir la casuistique exposée dans l’ATA/136/2019 du 12 février 2019 consid. 9b).

S’agissant de violences physiques entre détenus, la chambre de céans a confirmé des sanctions de trois jours de cellule forte lors de bagarres, et cela quand bien même les détenus n’avaient pas d’antécédents (ATA/295/2023 du 23 mars 2023 ; ATA/1072/2021 du 12 octobre 2021 ; ATA/220/2019 du 5 mars 2019).

4.6 En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation ; le pouvoir d’examen de la chambre administrative se limite à l’excès ou l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/1451/2017 du 31 octobre 2017 consid. 4c ; ATA/888/2015 du septembre 2014 consid. 7b).

4.7 En l’espèce, le visionnage des images de vidéosurveillance, combiné à la lecture du rapport d’incident – lequel a été établi par un agent assermenté et dont aucun élément ne permet de remettre son contenu en cause – permettent de retenir la version telle que décrite par l’intimée dans sa réponse (supra EN FAIT, B.b). Il y a dès lors lieu de retenir que le recourant a été mêlé à une bagarre l’opposant à un codétenu. S’il a certes été, dans un premier temps, agressé par un codétenu, il a adopté une réaction allant au-delà du simple fait de se protéger. Il a voulu rendre des coups à son agresseur, se battre avec lui et a tenté de le frapper.

Il est dès lors établi que le recourant a pris une part active dans un conflit avec un autre détenu, adoptant ainsi une attitude non conforme au règlement. Le principe d’une sanction est donc fondé.

Reste à examiner si la sanction consistant en deux jours de cellule forte était proportionnée.

En l'occurrence, comme déjà retenu par la chambre de céans dans des situations de bagarres, outre les dangers d’atteintes sérieuses à l’intégrité physique et psychique qu’elles comportent, d’autant plus s’agissant d’un milieu confiné, elles créent le risque de déborder et de susciter des affrontements plus larges, et menacent sérieusement l’ordre et la tranquillité devant régner dans un établissement de détention. La sanction doit en tenir compte.

Alors que le recourant pouvait décider de mettre un terme à la bagarre, il a au contraire choisi d’essayer d’asséner un coup de poing au visage du codétenu. L’intéressé l’a ensuite suivi dans la cour alors qu’il faisait marche arrière et prenait ses distances. Il a même réussi à se créer un chemin entre les autres détenus et a « foncé » en direction du codétenu, tentant à nouveau de le frapper, ce qu’il n’avait pas réussi à faire, ayant été coupé dans son élan par deux détenus. Il n’a ensuite eu de cesse de vouloir se confronter au codétenu, contraignant les autres détenus à le maîtriser physiquement jusqu’à l’arrivée du personnel pénitentiaire. Son comportement ne peut ainsi qu’être qualifié de grave et de nature à compromettre l’ordre et la sécurité de l’établissement. C’est le lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, la question de savoir qui était l’instigateur de la bagarre n’est pas pertinente.

La sanction prononcée à son encontre par l’autorité intimée dans le cadre de son large pouvoir d’appréciation s’avère conforme à la jurisprudence, et cela quand bien même le recourant n’a pas d’antécédents disciplinaires (supra consid. 4.6).

Aussi, tant le choix de la sanction, que sa quotité étaient aptes, nécessaires et proportionnés au sens étroit pour garantir la sécurité et la tranquillité de l'établissement et s'avèrent conformes au droit.

4.8 Le recourant invoque enfin l’art. 3 CEDH, selon lequel nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants.

Il n’expose toutefois pas, même de manière succincte, en quoi consisterait la garantie qu’il entend tirer de cette disposition. Il ne soutient en particulier pas qu’il aurait été détenu dans des conditions incompatibles avec le respect de la dignité humaine, ou que les modalités d’exécution de la mesure l’auraient soumis à une détresse ou à une épreuve d’une intensité excédant le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention.

En conséquence, le recours, entièrement mal fondé, sera rejeté.

4.9 Vu la nature du litige, il ne sera pas perçu d'émolument (art. 87 al. 1 LPA et art. 12 al. 1 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu son issue, il ne sera pas alloué d'indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 avril 2023 par A______ contre la décision du directeur de la prison de Champ-Dollon du 3 mars 2023 ;

 

 

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Betsalel Assouline, avocat du recourant ainsi qu'à la prison de Champ-Dollon.

Siégeant : Valérie LAUBER, présidente, Claudio MASCOTTO, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

S. CARDINAUX

 

 

la présidente siégeant :

 

 

V. LAUBER

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :