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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/89/2023

ATA/589/2023 du 06.06.2023 ( FPUBL ) , REJETE

Recours TF déposé le 12.07.2023, rendu le 26.03.2024, REJETE, 1C_358/2023
Descripteurs : DROIT DE LA FONCTION PUBLIQUE;FONCTIONNAIRE;CLASSE DE TRAITEMENT;ÉVALUATION DE PLACES DE TRAVAIL;PROMOTION;POUVOIR D'APPRÉCIATION;DÉBAT DU TRIBUNAL;PUBLICITÉ DE LA PROCÉDURE;LÉGALITÉ;SÉPARATION DES POUVOIRS;ÉGALITÉ DE TRAITEMENT
Normes : Cst.29.al2; Cst.5.al1; LTrait.2; LTrait.13; RTrait.2; RTrait.3; Rtrait.8.al4; RComEF.1.al1; RComEF.11.al1; RComEF.11.al4
Résumé : Le recourant conteste l’application de la méthode du coulissement lors de la fixation de son nouveau traitement suite à une réévaluation des fonctions. Cette méthode, prévue par une fiche du MIOPE, a déjà été jugée conforme au droit par la chambre de céans. La décision litigieuse ne viole pas les principes de la légalité, de la séparation des pouvoirs et de l’égalité de traitement. Recours rejeté.
En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/89/2023-FPUBL ATA/589/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 6 juin 2023

 

dans la cause

 

A______ recourant
représenté par Me Annette MICUCCI, avocate

contre

DÉPARTEMENT DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE, DE LA FORMATION ET DE LA JEUNESSE intimé



EN FAIT

A. a. A______, né en 1986, a été engagé par le département de l’instruction publique, de la culture et du sport (ci-après : DIP) en qualité de chargé d’enseignement d’éducation physique à 50% au Collège B______ pour l’année scolaire 2013-2014, fonction colloquée en classe 17 de l’échelle de traitement. Son contrat a été renouvelé pour l’année scolaire 2014-2015, au même taux d’activité

Dès le 1er septembre 2015, A______ a été nommé à la fonction de maître d’éducation physique de l’enseignement secondaire (ci-après : MEP) à 100%, fonction rétribuée dans la classe 17 de l’échelle de traitement.

b. A______, qui a débuté sa carrière au DIP en annuité 0, a bénéficié de l’augmentation annuelle prévue par l’échelle de traitement, octroyée au mois de septembre pour les enseignantes et enseignants, à l’exception des années 2013, 2015, 2018 et 2021. Au mois de septembre 2019, il se situait dans la classe 17, annuité 4.

c. Les fonctions de MEP et de maîtres et maîtresses spécialistes en éducation physique de l'enseignement primaire (ci-après : MSEP) ont fait l'objet d’une procédure de réévaluation.

Par décision du 19 août 2020, exécutoire nonobstant recours, le Conseil d’État a positionné les MEP en classe 18 et les MSEP en classe 17, avec effet au
1er octobre 2019.

Dès le mois d’octobre 2020, le traitement de A______ a été modifié en conséquence. Il a été placé en classe 18, annuité 5, avec effet au 1er octobre 2019, correspondant à un traitement annuel de CHF 105'065.-.

Par arrêt du 20 avril 2021 (ATA/423/2021), la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) a partiellement admis le recours de l'Association genevoise des maîtres et maîtresses d’éducation physique (ci-après : AGMEP) et annulé la décision du 19 août 2020, considérant que les classes de fonction à retenir étaient la 19 pour les MEP et la 18 pour les MSEP.

B. a. Par décision du 29 septembre 2021, le Conseil d’État a colloqué les MEP en classe 19 et les MSEP en classe 18, avec effet au 1er octobre 2019.

b. Le traitement de A______ a été fixé dans la classe 19, annuité 3, avec effet au 1er octobre 2019, correspondant à un traitement annuel brut de CHF 104'418.-.

c. Par courriel du 3 novembre 2021, C______, assistante ressources humaines (ci-après : RH) à la direction générale de l’enseignement obligatoire, a expliqué à A______ le calcul retenu pour fixer son traitement. Il convenait de prendre sa situation au 30 septembre 2019, soit la classe 17, annuité 4, et d’ajouter deux annuités, ce qui donnait un salaire en classe 17, annuité 6, correspondant à un traitement annuel brut de CHF 103'002.-. Ce salaire était ensuite coulissé au montant immédiatement supérieur de la classe 19, à savoir CHF 103'404.-, correspondant à l’annuité 2. Suite à l’octroi de l’annuité en septembre 2020, il avait été colloqué en classe 19, annuité 3, pour un traitement annuel brut de CHF 104'418.-. Lors de la première « promotion », il était passé de la classe 17, annuité 4, à la classe 18, annuité 4 (CHF 102'494.-), puis, dès le
1er septembre 2020, en classe 18, annuité 5 (CHF 105'065.-), « alors que cette année », il avait coulissé de la classe 17, annuité 4, à la classe 19, annuité 2
(CHF 103'404.-) puis annuité 3 (CHF 104'418.-) dès le 1er septembre 2020. Si l’augmentation annuelle était octroyée au 1er septembre 2022, son traitement passerait à nouveau dans les annuités élevées, soit l’annuité 4 (CHF 107'105.-).

d. Par courrier du 3 décembre 2021, A______ s’est adressé à la conseillère d’État chargée du DIP et a sollicité l’ouverture d’une procédure au sens de l’art. 4A de la loi sur la procédure administrative, du 12 septembre 1985 (LPA – E 5 10). Il a invoqué l’illicéité de l’application de la méthode du coulissement.

e. Par décision du 20 décembre 2021, la conseillère d’État a confirmé à
A______ que dans sa situation, soit un cas de réévaluation de fonction, les dispositions applicables étaient celles de la promotion, qui prévoyaient le système du coulissement. Les décisions du Conseil d’État du 29 septembre 2021 avaient annulé celles du 19 août 2020 et l’annuité 2021 n’avait pas été octroyée à l’ensemble du personnel de l’État.

f. Le 1er février 2022, A______ a saisi le Conseil d’État d’un recours contre la décision précitée, faisant valoir que la méthode de calcul retenue était illicite et qu’il devait être placé en classe 19, annuité 4 dès le 1er octobre 2019, et annuité 5 dès le 1er septembre 2020.

g. Par arrêté du 23 novembre 2022, le Conseil d’État a rejeté ce recours. L’utilisation des règles du coulissement était conforme à la jurisprudence et la fixation de la rémunération avait été déterminée en application du Mémento des instructions de l'Office du personnel de l’Etat (ci-après : MIOPE) et des dispositions légales auxquelles il renvoyait.

C. a. Par acte du 10 janvier 2023, A______ a interjeté recours devant la chambre administrative à l’encontre de la décision précitée. Il a conclu, préalablement à la tenue d’une audience de plaidoirie publique au sens de l’art. 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 (CEDH – RS 0.101). Principalement, il a conclu à l’annulation de l’arrêté entrepris, à ce que soit constatée l’illicéité de la méthode de calcul appliquée à sa situation, à ce qu’il soit dit qu’il se situait en classe 19, annuité 4 dès le 1er octobre 2019 et annuité 5 dès le 1er septembre 2020, le rétroactif étant remboursé avec intérêts à 5% l’an.

Les principes de séparation des pouvoirs et de la légalité avaient été violés, en lien avec les art. 8 al. 4 et 13 de la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l'État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait - B 5 15). Ni la LTrait, ni son règlement d’application du 17 octobre 1979 (RTrait - B 5 15.01), ni le règlement instituant une commission de réexamen en matière d’évaluation des fonctions du 7 avril 1982 (RComEF - B 5 15.04) ne traitaient de la manière de fixer le nouveau traitement d’un fonctionnaire suite à une procédure de réévaluation, bien que ladite procédure soit expressément prévue par le RComEF. La législation genevoise ne prévoyait pas que les annuités puissent être retirées, hormis en cas de promotion (par l’application de la méthode du coulissement) ou de sanction disciplinaire. La méthode du coulissement était prévue dans le cadre d’un changement de fonction avec promotion uniquement.

La jurisprudence en matière de mutation à une nouvelle fonction de classe supérieure (ATA/1211/2018) n’était pas pertinente dans sa situation, puisqu’il avait bénéficié d’une réévaluation de fonction. L’arrêt ATA/1271/2021 ne pouvait pas être confirmé, puisque l’autorité intimée ne disposait d’aucune base légale pour retirer des annuités en cas de réévaluation de fonction. La fiche du MIOPE sur laquelle se fondait l’autorité intimée ne disposait pas d’une densité normative suffisante pour être utilisée comme base légale lors d’une réévaluation de fonction. Une norme primaire était nécessaire, étant rappelé que la détermination du traitement était exhaustivement réglée dans la LTrait.

Le principe de l’égalité de traitement avait également été violé. Il avait perdu deux annuités, alors même que sa fonction n’avait pas changé et que son expérience n’avait pas disparu. Les personnes nouvellement engagées à sa fonction se verraient immédiatement situées dans la nouvelle classe de fonction à l’annuité correspondant réellement à leur expérience, avec une différence de traitement de près de CHF 500.- par mois. Une telle inégalité de traitement ne serait pas temporaire et ne pourrait jamais être réparée, puisque l’augmentation annuelle s’appliquait à l’ensemble du personnel

b. Dans sa réponse du 10 mars 2023, le DIP a conclu au rejet du recours.

La chambre administrative avait déjà admis la licéité de la méthode du coulissement dans une situation identique.

Si l’on comparait le traitement d’un nouvel engagé à expérience égale à celle du recourant, et leur traitement sur l’ensemble de leur carrière, sur la base de l’échelle de traitement 2021, il en ressortait une différence de traitement de 2.49% en moyenne, soit un taux admis par la jurisprudence. Aucune inégalité de traitement ne pouvait être retenue. Le recourant connaîtrait en fin de carrière une augmentation de ses revenus de 9.2%.

c. Par réplique, le recourant a ajouté que l’autorité intimée ne niait pas qu’une personne nouvellement engagée, qui disposerait de la même expérience que lui, bénéficierait de conditions de travail plus favorables. Cette différence de traitement ne se situait pas dans les taux admis par la jurisprudence, vu la différence de CHF 5'554.- par année, qui ne s’estomperait jamais en raison du caractère non individualisé de l’augmentation annuelle, ou au plus tard lorsque le maximum des annuités serait atteint, soit au plus tôt 22 ans après l’engagement.

d. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT

1.             Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l’organisation judiciaire du 26 septembre 2010 -
LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a et 63 al. 1 let. c LPA).

2.             Le litige porte sur le bien-fondé de l’arrêté du 23 novembre 2022 par lequel l’autorité intimée a appliqué les règles du coulissement pour fixer le traitement du recourant suite à une réévaluation de sa fonction.

3.             Le recourant sollicite une audience de plaidoirie publique répondant aux exigences de l'art. 6 CEDH.

3.1 Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1. ; 140 I 285
consid. 6.3.1). Cela n'implique pas une audition personnelle de l'intéressé, celui-ci devant simplement disposer d'une occasion de se déterminer sur les éléments propres à influer sur l'issue de la cause (art. 41 LPA ; ATF 140 I 68 consid. 9.6 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_83/2019 du 29 janvier 2020 consid. 3.2 ; 2C_236/2019 du 4 juillet 2019 consid. 5.2 ; ATA/484/2020 du 19 mai 2020
consid. 2a et les arrêts cités).

L'art. 6 § 1 CEDH donne à toute personne le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial établi par la loi, qui décidera soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle. Il peut être renoncé à une audience publique dans les cas prévus par l'art. 6 § 1 2ème phr. CEDH, lorsque la demande est abusive, chicanière, ou dilatoire, lorsqu'il apparaît clairement que le recours est infondé, irrecevable ou, au contraire, manifestement bienfondé ou encore lorsque l'objet du litige porte sur des questions hautement techniques (ATF 141 I 97 consid. 5.1 ;
136 I 279 consid. 1 ; 134 I 331 consid. 2.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8D_5/2019 du 4 juin 2020 consid. 3.2.2). La Cour européenne des droits de l’homme (ci-après : CourEDH) a également rappelé que l'art. 6 CEDH en dehors des limitations expressément prévues par cette disposition n'exige pas nécessairement la tenue d'une audience dans toutes les procédures. Cela est notamment le cas pour les affaires ne soulevant pas de question de crédibilité ou ne suscitant pas de controverse sur les faits qui auraient requis une audience, et pour lesquelles les tribunaux peuvent se prononcer de manière équitable et raisonnable sur la base des conclusions présentées par les parties et d'autres pièces. Partant, on ne saurait conclure, même dans l'hypothèse d'une juridiction investie de la plénitude de juridiction, que la disposition conventionnelle implique toujours le droit à une audience publique, indépendamment de la nature des questions à trancher. D'autres considérations, dont le droit à un jugement dans un délai raisonnable et la nécessité en découlant d'un traitement rapide des affaires inscrites au rôle, entrent en ligne de compte pour déterminer si des débats publics sont nécessaires. La CourEDH a ainsi déjà considéré que des procédures consacrées exclusivement à des points de droit ou hautement techniques pouvaient remplir les conditions de l'art. 6 CEDH même en l'absence de débats publics (arrêt de la CourEdH Mutu et Pechstein contre Suisse du 2 octobre 2018 § 177 ; arrêt du Tribunal fédéral 8D_5/2019 précité
consid. 3.2.2).

3.2 En l'espèce, l’objet du litige porte sur une question de nature juridique qui n'apparaît pas particulièrement complexe, dans une affaire ne soulevant pas de question de crédibilité ni ne suscitant de controverse sur les faits. Le recourant, qui ne dispose d’aucun droit à être entendu oralement, a eu l'occasion de faire valoir ses arguments et de produire toutes les pièces qu’il a jugé nécessaires, tant dans le cadre de son recours que de sa réplique. La chambre administrative peut se prononcer de manière équitable et raisonnable sur la base des conclusions présentées par les parties et des documents.

Partant, il ne sera pas donné suite à la demande d'audience de plaidoiries publique.

4.             Le recourant invoque la violation des principes de la légalité et de la séparation des pouvoirs.

4.1 Selon l’art. 5 al. 1 Cst., le droit est la base et la limite de l’activité de l’État. Le principe de la légalité se compose de deux éléments : le principe de la suprématie de la loi et le principe de l’exigence de la base légale. Le premier signifie que l’autorité doit respecter l’ensemble des normes juridiques ainsi que la hiérarchie des normes. Le second implique que l’autorité ne peut agir que si la loi le lui permet ; son action devant avoir un fondement dans une loi (ATA/43/2022 du
18 janvier 2022 consid. 5 ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/
Vincent MARTENET, Droit administratif, vol. I, 3ème éd., 2012, p. 621s, 624 et
650 ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, n. 448, 467 ss et 476 ss).

Le principe de la légalité exige donc que les autorités n'agissent que dans le cadre fixé par la loi. Il implique qu’un acte étatique se fonde sur une base légale matérielle qui est suffisamment précise et qui a été adoptée par l’organe compétent
(ATF 141 II 169 consid. 3.1). L'exigence de la densité normative n'est pas absolue, car on ne saurait ordonner au législateur de renoncer totalement à recourir à des notions générales, comportant une part nécessaire d'interprétation. Cela tient à la nature générale et abstraite inhérente à toute règle de droit et à la nécessité qui en découle de laisser aux autorités d'application une certaine marge de manœuvre lors de la concrétisation de la norme. Pour déterminer quel degré de précision on est en droit d'exiger de la loi, il faut tenir compte du cercle de ses destinataires et de la gravité des atteintes qu'elle autorise aux droits fondamentaux (ATF 140 I 381 consid. 4.4 et les références citées ; ATA/928/2021 du 7 septembre 2021
consid. 6a).

4.2 Au niveau fédéral, le principe de la séparation des pouvoirs est implicitement contenu dans la Constitution fédérale (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER /Vincent MARTENET, op. cit., vol. I, p. 458). Il s'agit d'un droit constitutionnel dont peut se prévaloir le citoyen (ATF 130 I 1 consid. 3.1). Le principe de la séparation des pouvoirs interdit à un organe de l'État d'empiéter sur les compétences d'un autre organe ; en particulier, il interdit au pouvoir exécutif d'édicter des dispositions qui devraient figurer dans une loi, si ce n'est dans le cadre d'une délégation valablement conférée par le législateur (ATF 142 I 26 consid. 3.3 ;
138 I 196 consid. 4.1 ; 134 I 322 consid. 2.2 ; 119 Ia 28 consid. 3 ; 118 Ia 305 consid. 1a).

Dans le canton de Genève, l'art. 2 de la Constitution de la République et canton de Genève du 14 octobre 2012 (Cst-GE - A 2 00) consacre expressément le principe de la séparation des pouvoirs. Le pouvoir législatif incombe au Grand Conseil
(art. 80 Cst-GE). Le Conseil d'État est chargé de l'exécution des lois et adopte à cet effet les règlements et arrêtés nécessaires (art. 109 al. 4 Cst-GE). À moins d'une délégation expresse, le Conseil d'État ne peut pas poser de nouvelles règles qui restreindraient les droits des administrés ou leur imposeraient des obligations, même si ces règles étaient conformes au but de la loi (ATF 134 I 313 consid. 5.3 ; 133 II 331 consid. 7.2.2 ; 130 I 140 consid. 5.1 ; 114 Ia 286 consid. 5a ; ATA/52/2015 du 13 janvier 2015 consid. 2 ; ATA/168/2008 du 8 avril 2008
consid. 3a ; ACST/28/2018 du 12 décembre 2018 consid. 8b).

Le mécanisme de la délégation législative est solidement ancré dans le droit public cantonal (ATA/426/2023 du 25 avril 2023 consid. 3.2 ; ATA/52/2015 du
13 janvier 2015 consid. 2b ; ATA/585/2014 du 29 juillet 2014 consid. 4e). Le gouvernement peut édicter des règles de droit soit dans des ordonnances législatives d'exécution, soit dans des ordonnances législatives de substitution fondées sur une délégation législative. Les ordonnances d'exécution concrétisent les règles qui figurent dans la loi en précisant les modalités pratiques de son application, les questions d'organisation et de procédure, ou les termes légaux vagues et imprécis. Elles doivent rester dans le cadre tracé par la loi ; elles ne peuvent contenir que des normes dites secondaires. Une norme secondaire est une règle qui ne déborde pas du cadre de la loi, qui ne fait qu'en préciser certaines dispositions et fixer, lorsque c'est nécessaire, la procédure applicable. Par contre, les ordonnances de substitution fondées sur une délégation législative contiennent des normes dites primaires. Une norme primaire est une règle dont on ne trouve aucune trace dans la loi de base, une règle qui étend ou restreint le champ d'application de cette loi, confère aux particuliers des droits ou leur impose des obligations dont la loi ne fait pas mention. Ces normes primaires doivent toutefois respecter le cadre légal défini par la clause de délégation législative ; celle-ci doit notamment être ancrée dans la loi formelle et indiquer le contenu essentiel de la réglementation (ATF 134 I 322 consid. 2.4 ; 133 II 331 consid. 7.2.2 ; 132 I 7 consid. 2.2 ; 104 Ib 205 consid. 3b ; ATA/52/2015 du 13 janvier 2015 consid. 2c ; ATA/571/2014 du 29 juillet 2014 consid. 6 ; Andreas AUER/Giorgio MALINVERNI/Michel HOTTELIER, op. cit., p. 540 ss ; Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, op. cit., vol. I, p. 244 ss et 251 ss ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 323 ss et 371).

Pour déterminer l'étendue du pouvoir réglementaire, il faut interpréter la loi quelle que soit la nature de la norme (Pierre MOOR/Alexandre FLÜCKIGER/Vincent MARTENET, op. cit., vol. I, p. 244 ss)

4.3 L'interprétation de la loi peut conduire à la constatation d'une lacune. Une lacune proprement dite suppose que le législateur s'est abstenu de régler un point qu'il aurait dû régler et qu'aucune solution ne se dégage du texte ou de l'interprétation de la loi. En revanche, si le législateur a renoncé volontairement à codifier une situation qui n'appelait pas nécessairement une intervention de sa part, son inaction équivaut à un silence qualifié. Quant à la lacune improprement dite, elle se caractérise par le fait que la loi offre certes une réponse, mais que celle-ci est insatisfaisante. D'après la jurisprudence, seule l'existence d'une lacune proprement dite appelle l'intervention du juge, tandis qu'il lui est en principe interdit, selon la conception traditionnelle qui découle notamment du principe de la séparation des pouvoirs, de corriger les silences qualifiés et les lacunes improprement dites, à moins que le fait d'invoquer le sens réputé déterminant d'une norme ne soit constitutif d'un abus de droit, voire d'une violation de la Constitution
(ATF 140 V 485 consid. 4.1 ; 139 I 57 consid. 5.2 et les arrêts cités).

La lacune proprement dite sera comblée non seulement par les juges, qui feront acte de législateur en s'inspirant des buts et valeurs qui sous-tendent la législation en cause, mais aussi par l'administration, chargée d'appliquer la loi en premier lieu. On peut certes imaginer que la lacune soit comblée par voie d'ordonnance législative (Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 442). S'agissant ensuite de la distinction entre lacune proprement dite et lacune improprement dite, la jurisprudence tend à assimiler à la première l'inconséquence manifeste de la loi, à savoir le cas où l'on arrive à la conclusion que si le législateur avait vu le problème, il aurait prévu une législation topique. Il apparaît ainsi que la jurisprudence admet des comblements de lacunes dans des cas où il aurait quand même été possible d'appliquer la loi sans cela, certes au prix d'un résultat insatisfaisant (ATF 123 II 225 ; ATA/298/2021 du 7 septembre 2021 consid. 8b).

4.4 Dans le canton de Genève, la rémunération des membres du personnel de l’État de Genève est régie par la LTrait et le RTrait.

4.4.1 Le traitement est en règle générale déterminé suivant l’échelle prévue à
l’art. 2 LTrait, déclinée en classe et position (ou annuité).

Conformément à l’art. 3 LTrait, le traitement maximum de chaque fonction est atteint par 22 augmentations annuelles successives (al. 3). Le calcul du droit à une annuité supplémentaire s'établit au 1er janvier de chaque année à l'exception du corps enseignant primaire, secondaire et tertiaire (calcul au 1er septembre de chaque année dès 2010) et du corps enseignant universitaire (1er août de chaque année). Les fractions d'année ne sont pas prises en compte dans le calcul du droit à une annuité supplémentaire (al. 4).

Selon l’art. 4 LTrait, le Conseil d'État établit et tient à jour le règlement et le tableau de classement des fonctions permettant de fixer la rémunération de chaque membre du personnel en conformité de l'échelle des traitements (al. 1). Dans ce classement, il doit être tenu compte du rang hiérarchique et des caractéristiques de chaque fonction en prenant en considération notamment l'étendue qualitative et quantitative des attributions dévolues et des obligations à assumer, les connaissances professionnelles et aptitudes requises, l'autonomie et les responsabilités, les exigences, inconvénients, difficultés et dangers que comporte l'exercice de la fonction (al. 2). Les règlements et tableaux de classement des fonctions, établis et tenus à jour par d’autres autorités ou organes de nomination dans le cadre de leurs compétences respectives, sont soumis à l’approbation du Conseil d’État (al. 3).

À teneur de l’art. 5 LTrait, l’autorité ou l’organe de nomination fixe la rémunération des membres du personnel dans un acte d’engagement ou de nomination, en application de l’échelle des traitements, du tableau de classement des fonctions et des principes posés à l’art. 11.

Selon l’art. 6 LTrait, l’autorité ou organe d’engagement ou de nomination est le Conseil d'État, respectivement, pour le pouvoir judiciaire, la commission de gestion du pouvoir judiciaire et, pour les établissements hospitaliers, la commission administrative de l'établissement.

En vertu de l’art. 11 al. 2 LTrait, l’autorité ou l’organe d’engagement ou de nomination fixe la durée de la période probatoire. Il détermine également le traitement initial en tenant compte, notamment, de l’âge de la personne candidate, des années consacrées à l’éducation des enfants, de l’absence de qualifications professionnelles requises ou, à l’inverse, de l’expérience professionnelle antérieure à l’engagement.

L’art. 12 LTrait prévoit qu’au début de chaque année civile et après 6 mois au moins d’activité dans sa fonction, le membre du personnel a droit, jusqu’au moment où le maximum de la classe dans laquelle est rangée sa fonction est atteint, à l’augmentation annuelle prévue par l’échelle des traitements (al. 1). Demeurent réservés les cas où l’autorité d’engagement ou de nomination prononce une sanction disciplinaire affectant les augmentations de traitement (al. 2).

À teneur de l’art. 13 LTrait, les promotions, soit les mutations à une nouvelle fonction de classe supérieure à celle exercée jusqu’alors se font compte tenu des exigences de la nouvelle fonction et de son rang hiérarchique (al. 1). Le nouveau traitement est celui attribué à la nouvelle fonction en conformité des tableaux de classement des fonctions et de l’échelle des traitements (al. 2). Ce traitement est fixé de façon à assurer des augmentations annuelles entières jusqu’au maximum de classe (al. 3).

L’art. 43 LTrait précise que le Conseil d’État prend, par voie de règlement, les dispositions d’exécution de la présente loi.

4.4.2 Selon l’art. 2 RTrait, la classe prévue pour la fonction est déterminée par le résultat de l’évaluation des fonctions. La liste des fonctions, mise à jour et approuvée par le Conseil d’État, est à disposition à l’office du personnel de l’État.

L’art. 3 RTrait prévoit que le traitement initial correspond à la classe prévue pour la fonction, annuité 0 (al. 1). La personne candidate ayant acquis antérieurement à son engagement une expérience utile au poste qu'il doit occuper peut bénéficier d'une majoration du traitement initial correspondant à une annuité de la classe d'engagement par année d'expérience reconnue. Les années d'expérience sont prises en considération à partir de l'âge de 18 ans ; les fractions d'année n'entrent pas en ligne de compte (al. 2).

Selon l’art. 8 RTrait, qui traite du changement de fonction avec promotion, la promotion donne lieu immédiatement à l’octroi d’une augmentation extraordinaire de traitement qui correspond (al. 4) : à une double annuité et un coulissement dans la nouvelle classe ou dans la classe la plus proche lorsque la nouvelle fonction est située deux classes au-dessus de la fonction antérieure (let. b).

4.4.3 Conformément à l’art. 1 al. 1 RComEF, une commission de réexamen en matière d’évaluation des fonctions - la CREMEF - est instituée. Elle permet aux membres du personnel de l'État et des établissements publics médicaux de demander le réexamen des décisions relatives à l'évaluation des fonctions (rangement, cotation, classification).

D’après l’art. 11 RComEF, après avoir vérifié la procédure et l'objectivité de l'analyse effectuée par l'OPE, la commission se prononce sur la décision contestée en formulant une proposition au Conseil d'État (al. 1). Le Conseil d'État statue en dernier ressort et communique sa décision à l'intéressé (al. 4).

4.4.4 Le MIOPE réunit les directives précisant les pratiques communes dans l’application des lois et des règlements relatifs au personnel de l’État. Il constitue une ordonnance administrative. Les dispositions du MIOPE ne constituent pas des règles de droit et ne lient pas le juge ; toutefois, du moment qu'elles tendent à une application uniforme et égale du droit, les tribunaux ne s'en écartent que dans la mesure où elles ne restitueraient pas le sens exact de la loi (ATF 133 II 305
consid. 8.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_95/2011 du 11 octobre 2011consid. 2.3 ; ATA/1160/2021 du 2 novembre 2021 consid. 6b ; ATA/648/2020 du 7 juillet 2020 consid. 5b).

Selon la fiche MIOPE n° 02.01.01, « Évaluation ou révision de classification de fonction », publiée le 15 juillet 2013 (disponible sur https://www.ge.ch/document/020101-evaluation-revision-classification-fonction et consultée le 22 mai 2023) une demande d'évaluation est initiée par les directions de services du département/de l’établissement en référence aux missions et prestations définies par le département de l’établissement (ch. 1) : lors de la création d'un nouveau poste ou d'une nouvelle fonction (let. a), lors de la mise en place d'une nouvelle structure affectant la répartition des tâches et la définition des fonctions (let. b), lors de l'évolution significative d'une famille professionnelle ou d'un cursus de formation (let. c) et lors de modifications significatives d'un poste (let. d). Le
ch. 7 de la fiche MIOPE n° 02.01.01 précise que la modification de la situation du/de la/des titulaire-s concerné-e-s s'effectue par le biais d'un arrêté à la date de mise en application prévue, sur demande du département, établie sur la formule ad hoc de changement de situation (let. b) Les modalités d'application de la prise d'effet du résultat d'une évaluation sont les suivantes : les nouvelles classifications de fonctions acceptées dans le cadre de restructurations de services entiers ou partiels et de grands groupes prennent effet à la date fixée par le Conseil d'État
(let. c n° 1). Les règles du coulissement s'appliquent pour fixer le nouveau traitement des titulaires concernés par l'évaluation (let. d).

La fiche MIOPE n° 02.02.01 « Fixation du traitement en cas de promotion + formules à utiliser » (publiée le 20 février 2013 et consultée le 22 mai 2023 sous https: // www.ge.ch / document / 020201- fixation- du traitement- cas- promotion-formules-utiliser) prévoit au ch. 2.5 que la règle du coulissement s'applique aux classements de fonction (nouvelle classification sans modification de l'appellation de la fonction) et aux changements de fonction (nouvelle classification avec changement d'appellation de la fonction) découlant d'une réévaluation de la fonction existante.

4.5 La chambre de céans a déjà eu l’occasion de constater que la nouvelle affectation résultant de la révision des fonctions de toutes les activités informatiques de l’État, avec mutation dans une nouvelle fonction de classe supérieure, constituait une promotion. Dans cette affaire, le collaborateur ne disposait pas de la formation exigée pour le poste, de sorte que son traitement initial avait été fixé dans la classe 20 pour une durée de 4 ans (application du « code complémentaire 9 » permettant une diminution de la classe prévue pour la fonction en cas d’absence de la formation requise), annuité 0 (pénalité imputée au collaborateur dans le calcul de l’annuité initiale en raison de l’absence du titre exigé), alors que la fonction permettait au maximum un traitement en classe 21 et que l’intéressé disposait de cinq années d’expériences utiles au poste. Suite à la révision de toutes les fonctions informatiques, l’intéressé avait été affecté à une nouvelle fonction située en classe 21, qui n’exigeait plus le prérequis qui lui faisait précédemment défaut. La chambre administrative a jugé que le nouveau traitement faisait suite à une promotion et non au rétablissement dans la classe ordinaire du traitement de la fonction précédemment occupée, dont le cahier des charges était resté identique (ATA/1211/2018 du 13 novembre 2018).

Dans un autre arrêt, la chambre administrative a traité de la problématique de la réévaluation de la fonction des maîtres et maîtresses d'éducation physique du secondaire I et II portée par l’association défendant leurs intérêts. L’association considérait notamment que la réévaluation des fonctions concernées devait s'appliquer avec effet rétroactif au 1er janvier 2005, soit lorsque le Conseil d'État avait débuté le processus de réévaluation. La chambre de céans a toutefois relevé, se référant à la fiche MIOPE 02.01.01 ch. 7 let. n° 1, que dans la mesure où cette disposition de la fiche MIOPE ne s'écartait pas de la loi et tendait à une application uniforme et égale du droit, il n'y avait pas lieu de mettre en cause la date de prise d'effet des nouvelles classifications se trouvant dans les extraits des procès-verbaux de la séance du Conseil d'État (ATA/423/2021 du 20 avril 2021), ce que le Tribunal fédéral a confirmé (arrêt 8C_449/2022 du 3 février 2023 consid. 9.2)

Dans une affaire dans laquelle les Établissements publics pour l'intégration
avaient décidé de colloquer rétroactivement un collaborateur dans une fonction supérieure, dès lors que c’était cette fonction qu’il avait effectivement déployée et non celle pour laquelle il avait été engagé, la chambre administrative a notamment confirmé que le calcul des annuités et le mécanisme du coulissement dans la nouvelle classe suite à une promotion au sens de l'art. 8 al. 4 RTrait étaient conformes aux mécanismes applicables prévus par le RTrait et le MIOPE. Elle a également rejeté les griefs d’abus du pouvoir d’appréciation et de violation des principes de l'interdiction de l'arbitraire et de l'égalité de traitement formulés par le recourant (ATA/1160/2021 du 2 novembre 2021).

Dans deux arrêts rendus le 23 novembre 2021, la chambre de céans a jugé que l’application de la méthode du coulissement dans le cadre d’une réévaluation de fonction donnant lieu à une nouvelle collocation dans une classe supérieure, conformément aux dispositions applicables à la promotion, était conforme au droit et ne violait en particulier pas les principes de la légalité et de l’égalité de traitement. Après avoir rappelé que le MIOPE, qui ne consistait qu’à préciser les pratiques communes dans l’application des lois et règlements relatifs au personnel de l’État, était applicable pour autant qu’il ne soit pas contraire à la LTrait et au RTrait, ou à d’autres éventuelles dispositions légales, elle a constaté que ni la LTrait, ni le RTrait, ni le RComEF ne traitaient de la manière de fixer le nouveau traitement suite à une procédure de réévaluation, bien que ladite procédure soit expressément prévue par le RComEF. Suite à l’examen de la jurisprudence précitée, elle a conclu que lorsque la réévaluation d’une fonction donnait lieu à une nouvelle collocation dans une classe supérieure, tout comme lors de la collocation rétroactive d’un collaborateur dans une fonction supérieure effectivement exercée, le nouveau traitement était fixé selon les dispositions légales applicables à la promotion, dont l’art. 8 al. 4 RTrait qui prévoyait entre autres le système du coulissement (ATA/1270/2021 et ATA/1271/2021).

5.             En l’espèce, la situation du recourant est analogue à celle jugée dans les arrêts ATA/1270/2021 et ATA/1271/2021, puisque la modification de son traitement ne fait pas suite à un changement des tâches exercées, mais à une réévaluation de sa fonction, menée pour toutes les personnes occupant la même.

Le recourant ne fait valoir aucun argument permettant de s’écarter de cette jurisprudence, qui n’a pas été contestée devant le Tribunal fédéral.

Comme déjà observé, le législateur n’a pas réglé la manière de fixer le traitement des membres du personnel dont la fonction a été réévaluée après leur engagement et qui ont alors été positionnés dans une classe supérieure. La solution retenue par le MIOPE, qui consiste à appliquer la méthode prévue par le RTrait en cas de mutation à une nouvelle fonction de classe supérieure (promotion), n’est donc contraire à aucune disposition et n’apparaît pas critiquable, compte tenu notamment du pouvoir d’appréciation dont dispose l’autorité en matière de rémunération.

L’autorité intimée a ainsi fixé à bon droit la rémunération du recourant, en partant du traitement perçu au 30 septembre 2019 (classe 17, annuité 4), puisque la réévaluation des fonctions des MEP a pris effet au 1er octobre 2019, en y ajoutant deux annuités (classe 17, annuité 6), dès lors que la fonction a été colloquée en classe 19, puis en coulissant le traitement annuel brut ainsi obtenu
(CHF 103'002.-) au montant immédiatement supérieur de la nouvelle classe de traitement (CHF 103'404.- ; classe 19, annuité 2). Suite à l’augmentation annuelle de septembre 2020, le recourant a donc été positionné en classe 19, annuité 3, pour un traitement de CHF 104'418.-.

Il appert que le traitement du recourant a subi une diminution car, suite à la décision du 19 août 2020 du Conseil d’État positionnant les MEP en classe 18, son traitement avait été fixé en classe 18, annuité 5, sans que la méthode du coulissement ne soit appliquée. Cette décision du Conseil d’État a été annulée par l’arrêt de la chambre de céans du 20 avril 2021 considérant qu’il fallait retenir la classe de traitement 19 pour les MEP. L’autorité intimée était donc fondée à déterminer le nouveau traitement du recourant en tenant compte de la jurisprudence rendue dans l’intervalle (ATA/1270/2021 et ATA/1270/2021 du 23 novembre 2021) et à coulisser le traitement de la classe 17, annuité 4, à la classe 19, annuité 2.

Cette manière de faire, conforme au MIOPE ainsi qu’aux dispositions légales auxquelles il renvoie et notamment à l’art. 8 al. 4 let. b RTrait, n’est pas critiquable.

Partant, le grief de la violation des principes de la légalité et de la séparation des pouvoirs doit être écarté.

6.             Le recourant se prévaut ensuite d’une violation du principe de l’égalité de traitement.

6.1 Selon l’art. 8 Cst., tous les êtres humains sont égaux devant la loi (al. 1). Nul ne doit subir de discrimination du fait notamment de son origine, de sa race, de son sexe, de son âge, de sa langue, de sa situation sociale, de son mode de vie, de ses convictions religieuses, philosophiques ou politiques ni du fait d'une déficience corporelle, mentale ou psychique (8 al. 2 Cst.).

Une norme viole le principe de l’égalité de traitement consacré à l’art. 8 Cst. lorsqu’elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer, ou lorsqu’elle omet de faire des distinctions qui s’imposent au vu des circonstances, c’est-à-dire lorsque ce qui est semblable n’est pas traité de manière identique et ce qui est dissemblable ne l’est pas de manière différente. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 138 I 225 consid. 3.6.1 ; 138 I 265 consid. 4.1 ; 131 I 1 consid. 4.2 ; 131 I 394 consid. 4.2 ; 127 I 185 consid. 5 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_582/2013 du 2 mai 2014
consid. 6.2.1). La question de savoir s’il existe un motif raisonnable pour une distinction peut recevoir des réponses différentes suivant les époques et les idées dominantes. Le législateur dispose toutefois d’un large pouvoir d’appréciation dans le cadre de ces principes et de l’interdiction de l’arbitraire (ATF 133 I 249
consid. 3.3 ; 131 I 1 consid. 4.2). Le Tribunal fédéral n’intervient que si, sur des points importants, les assimilations ou distinctions effectuées s’avèrent clairement injustifiées et insoutenables (ATF 136 I 297 consid. 6.1 ; 135 I 130 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 2C_706/2012 du 16 avril 2013 consid. 5.1 ; 2C_491/2012 du 26 juillet 2012 consid. 5.1).

Le principe de l’égalité (art. 8 Cst.) et celui de l’interdiction de l’arbitraire
(art. 9 Cst.) sont étroitement liés. Une norme ou une décision est arbitraire lorsqu’elle ne repose pas sur des motifs objectifs sérieux ou si elle est dépourvue de sens et de but (ATF 136 I 241 consid. 3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_753/2011 du 11 octobre 2012 consid. 3.2.2). L’inégalité de traitement apparaît ainsi comme une forme particulière d’arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l’être de manière semblable ou inversement (ATF 132 I 157 consid. 4.1 ; ATF 129 I 1 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2P.181/2006 du 28 novembre 2006 consid. 2.2).

Au principe d’égalité de traitement, l’art. 8 al. 2 Cst. ajoute une interdiction de discriminations. Le principe de non-discrimination n’interdit toutefois pas toute distinction basée sur l’un des critères énumérés dans cette disposition, mais fonde plutôt le soupçon d’une différenciation inadmissible. Les inégalités résultant d’une telle distinction doivent faire l’objet d’une justification particulière (ATF 137 V 334 consid. 6.2.1 ; 135 I 49 consid. 4.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_753/2011 du
11 octobre 2012 consid. 3.2.2).

De la garantie générale de l’égalité de traitement de l’art. 8 al. 1 Cst. découle l’obligation de l’employeur public de rémunérer un même travail avec un même salaire. Dans les limites de l’interdiction de l’arbitraire, les autorités disposent d’une grande marge d’appréciation, particulièrement en ce qui concerne les questions d’organisation et de rémunération. La juridiction saisie doit observer une retenue particulière lorsqu’il s’agit non seulement de comparer deux catégories d’ayants droit mais de juger tout un système de rémunération ; elle risque en effet de créer de nouvelles inégalités. La question de savoir si des activités doivent être considérées comme identiques dépend d’appréciations qui peuvent se révéler différentes. Dans les limites de l’interdiction de l’arbitraire et du principe de l’égalité de traitement, les autorités sont habilitées à choisir, parmi les multiples éléments pouvant entrer en considération, les critères qui doivent être considérés comme déterminants pour la rémunération des fonctionnaires. Le droit constitutionnel n’exige pas que la rémunération soit fixée uniquement selon la qualité du travail fourni, voire selon des exigences effectivement posées. Les inégalités de traitement doivent cependant être raisonnablement motivées, et donc apparaître objectivement défendables. Ainsi le Tribunal fédéral a-t-il reconnu que l’art. 8 Cst. n’était pas violé lorsque les différences de rémunération reposaient sur les motifs objectifs tels que l’âge, l’ancienneté, l’expérience, les charges familiales, les qualifications, le genre et la durée de la formation requise pour le poste, le temps de travail, les horaires, le cahier des charges, l’étendue des responsabilités ou les prestations (ATF 139 I 161 consid. 5.3.1 et les références ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_582/2013 du 2 mai 2014 consid. 6.2.2). D’autres circonstances, qui n’ont pas trait à la personne ou à l’activité du travailleur, peuvent également justifier, à tout le moins temporairement, des différences de salaire, telles une situation conjoncturelle rendant plus difficile le recrutement du personnel ou des contraintes budgétaires de la collectivité publique (arrêt du Tribunal fédéral 8C_969/2012 du
2 avril 2013 consid. 2.2 et les références citées).

L’appréciation dépend, d’une part, de questions de fait, comme par exemple des activités qui sont exercées dans le cadre d’une certaine fonction, des exigences posées à la formation, des circonstances dans lesquelles l’activité est exercée, etc. Elle dépend, d’autre part, de la pondération relative qui est attribuée à ces différents éléments. Cette pondération n’est en principe pas réglée par le droit fédéral. Les autorités cantonales compétentes disposent ainsi, et pour autant que le droit cantonal applicable ne contienne pas certaines règles, d’une grande liberté d’appréciation. Le droit fédéral impose cependant des limites à cette liberté : l’appréciation ne doit pas se faire de façon arbitraire ou inégale (ATF 125 II 385 consid. 5b ; arrêts du Tribunal fédéral 8C_991/2010 du 28 juin 2011 consid. 5.4 ; 8C_199/2010 du 23 mars 2011 consid. 6.3). En d’autres termes, sont permis tous les critères de distinction objectivement soutenables (arrêts du Tribunal fédéral 8C_582/2013 du 2 mai 2014 consid. 6.2.3 ; 8C_766/2013 du 17 octobre 2014 consid. 4.2).

6.2 En l’occurrence, il n’est pas contesté que le traitement initial du recourant aurait été plus élevé s’il avait postulé après la réévaluation de la fonction de MEP, sans avoir travaillé précédemment auprès de l’État de Genève, dès lors que les années d’expérience professionnelle qu’il aurait pu faire valoir lui auraient permis de faire reconnaître plus d’annuités.

Cela étant, la chambre administrative a déjà jugé que ce raisonnement était applicable à toutes les fonctions de l’État, l’expérience professionnelle étant prise en compte au moment de l’engagement, puis par le versement d’annuités, sous réserve de la suspension de celles-ci par voie législative. Elle a en outre relevé que l'État était libre de revoir en tout temps sa politique en matière de salaire et d'emploi, et que les personnes qui entraient à son service devaient compter avec le fait que les dispositions réglant leur statut puissent faire l'objet ultérieurement de modifications (ATA/1211/2018 du 13 novembre 2018 consid. 4c).

On relèvera encore que ni la LTrait, ni le RTrait, ne prévoient que la fixation du traitement des personnes dont la fonction est réévaluée devrait être identique à celle d’employés nouvellement engagés.

Pour ces motifs, le grief de la violation du principe de l’égalité de traitement doit être écarté.

Au vu de ce qui précède, il apparaît que la décision litigieuse, fixant le traitement du recourant en classe 19, annuité 2 à compter du 1er octobre 2019, est conforme au droit et ne viole aucun des principes généraux du droit invoqués par le recourant.

Le recours, mal fondé, sera rejeté.

7.             Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1’000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA). Il ne sera alloué aucune indemnité de procédure
(art. 87 al. 2 LPA).

Compte tenu des conclusions du recours, la valeur litigieuse est supérieure à
CHF 15'000.- (art. 112 al. 1 let. d de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 [LTF - RS 173.110]).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 janvier 2023 par A______ contre l’arrêté du département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse du 23 novembre 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1’000.- à la charge de A______;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du
17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral par la voie du recours en matière de droit public ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Annette MICUCCI, avocate du recourant, ainsi qu’au département de l’instruction publique, de la formation et de la jeunesse.

Siégeant : Claudio MASCOTTO, président, Jean-Marc VERNIORY, Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, Valérie LAUBER, Eleanor McGREGOR, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. SCHEFFRE

 

 

le président siégeant :

 

 

C. MASCOTTO

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

le greffier :