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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/511/2023

ATA/484/2023 du 09.05.2023 ( AIDSO ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/511/2023-AIDSO ATA/484/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 9 mai 2023

1ère section

 

dans la cause

 

A______ recourante

contre

HOSPICE GÉNÉRAL intimé



EN FAIT

A. a. A______ et B______ ont bénéficié de prestations d’aide sociale financière de l’Hospice général (ci-après : l’hospice) à plusieurs reprises depuis le 1er mai 2006, pour eux-mêmes et leurs trois enfants communs.

b. Lors de divers entretiens périodiques avec des assistantes sociales, notamment les 15 octobres 2014 et 26 mars 2015, A______ a expliqué que son concubin souffrait d’addiction aux jeux d’argent, raison pour laquelle elle gérait le budget familial, précisant que celui-ci n’était pas au courant des montants exacts que percevait leur famille. Le 1er mars 2016, le couple a signé le document intitulé « Mon engagement en demandant une aide financière à l’hospice général » et, le 4 avril 2016, a complété et signé le document « Demande de prestations d’aide sociale financière », dans lequel ils ont indiqué notamment ne pas percevoir de revenus provenant d’une activité salariée ou indépendante, ni être propriétaires de véhicules et ne détenir qu’un seul compte PostFinance, dont A______ était la titulaire. Ils ont à nouveau signé, le 23 juin 2020, le document « Demande de prestations d’aide sociale financière » dans lequel ils ont indiqué percevoir des revenus provenant d’une activité indépendante, être propriétaires d’un ou plusieurs véhicules et détenir trois comptes PostFinance.

Lors d’un entretien à l’hospice le 16 avril 2021, A______ a indiqué s’être séparée de son compagnon, avoir quitté le domicile conjugal et s’être installée avec ses trois enfants dans l’appartement de son père. Elle a dit de B______ qu’il était « une bonne personne, un bon papa, c’[était] simplement la relation qui ne pouvait plus continuer ». Ce dernier était à nouveau « addict » aux jeux en ligne depuis la période de confinement du mois de mars 2020. Elle était toujours en contact avec lui mais ne souhaitait pas que les assistants sociaux discutent de ce sujet avec lui.

Elle a plus tard indiqué que, le 20 avril 2021, B______ avait quitté le logement familial qu’elle avait réintégré avec leurs enfants.

c. Leur situation a été dissociée à l’égard de l’hospice dès le 30 avril 2021. Depuis lors, A______ a bénéficié de prestations d’aide sociale, avec leurs trois enfants communs, du 1er mai au 30 juin 2021, pour un montant de CHF 4’983.30.

B. a. Par décision du 13 janvier 2023, l’Hospice général (ci-après : l’hospice) a notamment rejeté la demande de remise formée par A______ en lien avec la décision du 2 décembre 2021 du Centre social d’action sociale de C______ lui réclamant le remboursement de CHF 65'546.90, pour la période allant du 1er février 2017 au 30 avril 2021.

B______, avec lequel elle faisait alors ménage commun, et elle-même avaient violé leur obligation de renseigner l’hospice qu’ils avaient conduit à leur verser des prestations auxquelles ils ne pouvaient pas prétendre, sur la période en cause, puisqu’ils ne remplissaient pas les conditions posées par la loi sur l’insertion et l'aide sociale individuelle du 22 mars 2007 (LIASI - J 4 04). A______ et son groupe familial n’y avaient pas droit du 1er février 2017 au 30 avril 2021 en raison de l’activité indépendante de B______ en tant que chauffeur « D______ », puis du 1er juin 2017 au 30 avril 2021, dans la mesure où les divers véhicules dont ils étaient détenteurs les plaçaient en-dehors du barème de fortune de CHF 10'000.- admis dans leur situation.

Seule l’enquête effectuée avait permis de mettre en lumière ces éléments de revenus et de fortune.

A______ se chargeait du budget familial. Le comportement et les dépenses de B______ ne l’exonéraient pas de ses obligations envers l’aide sociale. Dans la mesure où les prestations avaient été versées en faveur du groupe familial, A______ et B______ devaient assumer conjointement et solidairement le remboursement de celles perçues indûment. Le fait que le père de A______ aurait participé à l’acquisition des deux véhicules Mercedes Benz dont elle était détentrice n’était pas pertinent. Si cette participation s’était élevée à CHF 28'000.- pour l’un de ces véhicules, A______ et B______ auraient dû en informer immédiatement l’hospice.

La bonne foi de A______ ne pouvait être admise compte tenu en particulier de la violation du devoir de renseigner.

b. A______ a formé recours contre cette décision, par acte expédié à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) le 10 février 2023.

L’hospice avait retenu qu’elle gérait le budget et aurait dû informer son assistante sociale de la situation. C’était sans tenir compte de l’emprise que B______ avait sur elle. Elle était sans revenus et sans emploi, sans solution, de sorte qu’il était très difficile de faire le contraire de ce qu’il lui ordonnait sans craindre des représailles physiques. L’hospice n’avait pas tenu compte de sa souffrance de l’époque et du calvaire qu’elle vivait. Elle gérait le budget sans en décider ce qu’il en était fait. Depuis leur séparation, elle essayait de rembourser les nombreuses dettes qu’il avait contractées à son nom, à son insu, et d’obtenir des arrangements et réduction de dettes pour pouvoir sortir de ce passé « ténébreux ». Elle travaillait désormais et essayait de régler ses soucis chez une psychiatre. Si la demande de remboursement de CHF 69'000.- était maintenue, elle aurait quasiment CHF 200'000.- de dettes qu’elle n’arriverait pas à rembourser. De plus, elle ne comprenait pas pourquoi cette somme n’était pas divisée en deux avec B______ dont elle avait été la victime pendant 18 ans.

Sa bonne foi n’avait pas à être mise en cause car elle avait été une femme battue, sans droit de travailler, de sortir ni de décider de sa vie, n’avait aucun moyen de pouvoir parler sans en subir les conséquences, avait organisé depuis 2013 sa fuite « en perdant 75 kg de souffrance » qui la ralentissait dans toute chose et en passant son permis. Elle avait fui le 10 avril 2021 avec ses enfants, en pleine nuit, et était allée se cacher chez son père. Elle avait longuement dû combattre pour résister aux menaces et au harcèlement. Sa situation était catastrophique à l’époque et en aucun cas elle n’avait abusé de l’aide de l’hospice. Combien de fois elle s’était retrouvée le frigo vide pour ses enfants et avec un bail résilié faute de paiement car B______ jouait tout l’argent. Il n’avait pas de logement et accumulait encore les dettes.

c. L’hospice a conclu, le 15 mars 2023, au rejet du recours.

Le 19 mars 2021, une enquête du service des enquêtes et conformités (ci-après : SEC) avait été activée.

Il ressortait du rapport d’enquête du SEC du 28 mai 2021, que du 1er février 2017 au 30 avril 2018, B______ avait eu une activité indépendante en tant que chauffeur « D______ », non déclarée à l’hospice, et avait perçu des revenus qu’il avait versés sur un compte PostFinance ouvert à cet effet, non déclaré à l’hospice. Il avait acheté, le 7 juin 2017, un véhicule Mercedes-Benz CL 43 AMG pour un montant de CHF 39'000.- qu’il avait immatriculé à son nom et n’avait pas déclaré à l’hospice. Il était titulaire d’un autre véhicule Mercedes-Benz T E200 dès le 20 décembre 2017, d’une valeur d’environ CHF 13'830.- en mai 2021, qu’il n’avait pas déclaré à l’hospice. La recourante était titulaire d’un véhicule Audi A3 dès le 30 janvier 2018, qui valait environ CHF 10'000.- en juillet 2018, et n’avait pas été déclaré. Du 1er mars au 31 mai 2020, le couple n’avait pas déclaré être toujours titulaire du véhicule Mercedes-Benz T E200 précité. Le compagnon de la recourante était toujours propriétaire du Mercedes-Benz CL 43 AMG, notamment immatriculé au nom de la recourante du 3 juillet au 9 octobre 2018, elle-même étant propriétaire d’un véhicule Mercedes-Benz C180 acheté le 25 juillet 2018 pour CHF 16'750.-. Pour la période du 1er mai au 30 juin 2021, la recourante et son conjoint n’avaient pas déclaré à l’hospice le fait que celle-ci était propriétaire du véhicule Mercedes-Benz CL 63 AMG à tout le moins jusqu’au 25 mai 2021, date à laquelle un mandat de dépôt avait été conclu, en plus du véhicule Mercedes-Benz C 180 valant environ CHF 7'339.- en mai 2021.

À juste titre, la recourante ne se prévalait pas de l’ignorance des éléments cachés à l’hospice. Tout comme son conjoint, elle avait sciemment violé son obligation de renseigner, obligation qu’elle connaissait parfaitement par la signature du document « mon engagement » à plusieurs reprises et au vu des rappels du cadre légal qui leur avait été fait par les assistants sociaux.

Une emprise dont elle aurait été victime de la part de son ancien conjoint n’était pas démontrée. Alors que la période litigieuse avait débuté au mois de février 2017, ce n’était qu’après avoir été auditionnée par le SEC, au début du mois d’avril 2021, qu’elle avait fait état d’un conflit et d’une séparation. Elle n’avait toutefois alors mentionné aucune violence et précisé que B______ était « une bonne personne ». Les circonstances du dévoilement de violences qu’elle aurait pu vivre dans sa relation conjugale ne permettaient pas de retenir qu’elles auraient atteint un degré si élevé que la recourante aurait dû se voir reconnaître le statut d’instrument dépourvu de volonté des infractions de son conjoint. Il fallait ainsi retenir qu’elle n’était pas exonérée de ses obligations envers l’aide sociale, en particulier celle de renseigner, à laquelle elle avait sciemment contrevenu.

Conformément à la jurisprudence, la recourante devait assumer conjointement et solidairement le remboursement des prestations versées à sa famille, alors qu’elle faisait ménage commun avec B______. Elle demeurait libre de trouver un arrangement amiable avec son codébiteur ou d’introduire une action contre lui, démarche exorbitante à la présente procédure. Dans la mesure où elle avait intentionnellement violé son devoir de renseigner en cachant à l’hospice l’activité indépendante de son conjoint et l’acquisition de leurs divers véhicules, dont la valeur les plaçait au-dessus des barèmes, la condition de la bonne foi faisait défaut.

S’agissant du remboursement de la dette définitive, la recourante aurait la possibilité, en cas de difficultés établies par pièces, de contacter le service de recouvrement pour négocier un plan de remboursement.

d. A______ n’a pas répliqué dans le délai qui lui avait été imparti à cet effet.

e. Les parties ont été informées, le 25 avril 2023, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1.             1.1 Le recours a été interjeté en temps utile devant la juridiction compétente (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10 ; art. 52 LIASI).

1.2 Selon l'art. 65 LPA, l'acte de recours contient, sous peine d'irrecevabilité, la désignation de la décision attaquée et les conclusions du recourant (al. 1). Il contient également l'exposé des motifs ainsi que l'indication des moyens de preuve (al. 2).

Compte tenu du caractère peu formaliste de cette disposition, la jurisprudence fait preuve d'une certaine souplesse s'agissant de la manière dont sont formulées les conclusions du recourant. Le fait qu'elles ne ressortent pas expressément de l'acte de recours n'est, en soi, pas un motif d'irrecevabilité, pour autant que l'autorité judiciaire et la partie adverse puissent comprendre avec certitude les fins du recourant (ATA/123/2023 du 7 février 2023 consid. 2.1 ; ATA/204/2021 du 23 février 2021 consid. 2b).

1.3 En l'espèce, bien que les conclusions de la recourante ne ressortent pas expressément de l'acte de recours, on comprend qu’elle s’oppose au remboursement des CHF 69'546.90 réclamés par l’hospice. Son recours répond ainsi aux exigences de l'art. 65 LPA et est donc recevable.

2.             Le recours porte sur le bien-fondé de la décision du 13 janvier 2023, par laquelle l’intimé a demandé à la recourante la restitution de la somme précitée, correspondant aux prestations versées du 1er février 2017 au 30 avril 2021, dont le montant n’est pas remis en cause.

2.1 Aux termes de l’art 12 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du
18 avril 1999 (Cst. - RS 101), quiconque est dans une situation de détresse et n’est pas en mesure de subvenir à son entretien a le droit d’être aidé et assisté et de recevoir les moyens indispensables pour mener une existence conforme à la dignité humaine. L’art. 39 de la Constitution de la République et canton de Genève du
14 octobre 2012 (Cst - GE - A 2 00) contient une garantie similaire.

2.2 En droit genevois, la LIASI et son règlement d’exécution du 25 juillet 2007
(RIASI - J 4 04.01) concrétisent ces dispositions constitutionnelles, en ayant pour but de prévenir l’exclusion sociale et d’aider les personnes qui en souffrent à se réinsérer dans un environnement social et professionnel (art. 1 al. 1 LIASI). Les prestations de l’aide sociale individuelle sont l’accompagnement social, des prestations financières et l’insertion professionnelle (art. 2 LIASI).

2.3 Selon l’art. 8 LIASI, la personne majeure qui n’est pas en mesure de subvenir à son entretien ou à celui des membres de la famille dont il a la charge a droit à des prestations d'aide financière (al. 1). Ces prestations ne sont pas remboursables, sous réserve des art. 12 al. 2 et 36 à 41 (al. 2).

2.4 À teneur de l'art. 11 al. 1 LIASI, ont droit à des prestations d'aide financière prévues par cette loi, les personnes qui : ont leur domicile et leur résidence effective sur le territoire du canton de Genève (let. a) ; ne sont pas en mesure de subvenir à leur entretien (let. b) ; répondent aux autres conditions de la loi (let. c).

2.5 Conformément à l’art. 28 LIASI, le droit aux prestations d'aide financière naît dès que les conditions de la loi sont remplies, mais au plus tôt le premier jour du mois du dépôt de la demande (al. 1). Il s’éteint à la fin du mois où l’une des conditions dont il dépend n’est plus remplie (al. 2).

2.6 Selon l’art. 32 al. 1 LIASI, le demandeur ou son représentant légal doit fournir gratuitement tous les renseignements nécessaires pour établir son droit et fixer le montant des prestations d'aide financière.

2.7 L’art. 33 al. 1 LIASI prévoit en outre que le bénéficiaire ou son représentant légal doit immédiatement déclarer à l’hospice tout fait nouveau de nature à entraîner la modification du montant des prestations d’aide financière qui lui sont allouées ou leur suppression.

Le document intitulé « mon engagement en demandant une aide financière à l’hospice » concrétise cette obligation de collaborer en exigeant du demandeur qu’il donne immédiatement et spontanément à l’hospice tout renseignement et toute pièce nécessaires à l’établissement de sa situation économique (ATA/195/2021 du 12 juillet 2022 consid. 4a ; ATA/93/2020 du 28 janvier 2020 consid. 3a).

2.8 Sous le titre « Prestations perçues indûment », l'art. 36 LIASI dispose qu'est considérée comme étant perçue indûment toute prestation qui a été touchée sans droit (al. 1). Par décision écrite, l'hospice réclame au bénéficiaire, à sa succession ou à ses héritiers qui l'ont acceptée, le remboursement de toute prestation d'aide financière perçue indûment par la suite de la négligence ou de la faute du bénéficiaire (al. 2). Le remboursement des prestations indûment touchées peut être réclamé si le bénéficiaire, sans avoir commis de faute ou de négligence, n'est pas de bonne foi (al. 3). L’action en restitution se prescrit par cinq ans, à partir du jour où l’hospice a eu connaissance du fait qui ouvre le droit au remboursement. Le droit au remboursement s’éteint au plus tard dix ans après la survenance du fait (al. 5).

De jurisprudence constante, toute prestation obtenue en violation de l'obligation de renseigner l'hospice est une prestation perçue indûment (ATA/15/2023 du
10 janvier 2023 consid. 2g ; ATA/850/2022 du 23 août 2022 consid. 5b ; ATA/918/2019 du 21 mai 2019 consid. 2).

2.9 Celui qui a encaissé des prestations pécuniaires obtenues en violation de son obligation de renseigner est tenu de les rembourser selon les modalités prévues par la LIASI qui concrétisent tant le principe général de la répétition de l’enrichissement illégitime que celui de la révocation, avec effet rétroactif, d’une décision administrative mal fondée, tout en tempérant l’obligation de rembourser en fonction de la faute et de la bonne ou mauvaise foi du bénéficiaire (ATA/93/2020 précité consid. 3c et les références citées).

2.10 Les bénéficiaires des prestations d’assistance sont tenus de se conformer au principe de la bonne foi dans leurs relations avec l’administration, notamment en ce qui concerne l’obligation de renseigner prévue par la loi, sous peine d’abus de droit. Si le bénéficiaire n’agit pas de bonne foi, son attitude doit être sanctionnée et les décisions qu’il a obtenues en sa faveur peuvent être révoquées en principe en tout temps. Violer le devoir de renseigner est contraire à la bonne foi (ATA/93/2020 précité consid. 3c). Il convient toutefois d’apprécier, au cas par cas, chaque situation pour déterminer si l’entier des prestations, ou seulement une partie de celles-ci, a été perçu indûment et peut faire l’objet d’une demande de remboursement (ATA/947/2018 consid. 3d).

2.11 Conformément à l’art. 42 LIASI, le bénéficiaire de bonne foi n’est tenu au remboursement, total ou partiel, que dans la mesure où il ne serait pas mis de ce fait dans une situation difficile mis, de ce fait, dans une situation difficile (al. 1). Dans ce cas, il doit formuler par écrit une demande de remise dans un délai de 30 jours dès la notification de la demande de remboursement. Cette demande de remise est adressée à l'Hospice général (al. 2).

De jurisprudence constante, les conditions de la bonne foi et de la condition financière difficile sont cumulatives (ATA/1231/2022 du 6 décembre 2022
consid. 4g ; ATA/93/2020 précité consid. 4b et les références citées).

La condition de la bonne foi doit être réalisée dans la période où l’assuré concerné a reçu les prestations indues dont la restitution est exigée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_766/2007 du 17 avril 2008 consid. 4).

2.12 Selon la jurisprudence de la chambre administrative, un assuré qui viole ses obligations d’informer l’hospice de sa situation financière ne peut être considéré de bonne foi (ATA/93/2020 précité consid. 4b et les références citées). La bonne foi doit être niée quand l’enrichi pouvait, au moment du versement, s’attendre à son obligation de restituer parce qu’il savait ou devait savoir, en faisant preuve de l’attention requise, que la prestation était indue (art. 3 al. 2 du Code civil suisse du 10 décembre 1907 (CC - RS 210) ; ATF 130 V 414 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_385/2011 du 13 février 2012 consid. 3).

2.13 Dans une cause où les opposants avaient sollicité ensemble les prestations d’aide financière, déclarant être en couple et faire ménage commun, avaient signé conjointement les documents d’engagement et de demande de prestation, n’avaient à aucun moment, durant le suivi social commun, fait état d’une séparation et aucun élément ne permettait de penser que tel était le cas, et où les prestations avaient été versées pour le groupe familial dans son ensemble, la chambre administrative a retenu que c’était à juste titre que le remboursement leur était réclamé conjointement et solidairement (ATA/626/2021 du 15 juin 2021).

3.             3.1 En procédure administrative genevoise, le recours peut être formé pour violation du droit, y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). En revanche, les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA).

3.2 De jurisprudence constante, en présence de déclarations contradictoires, la préférence doit en principe être accordée à celles que l'intéressé a données en premier lieu, alors qu'il en ignorait les conséquences juridiques, les explications nouvelles pouvant être, consciemment ou non, le produit de réflexions ultérieures (arrêt du Tribunal fédéral 9C_728/2013 du 16 janvier 2014 consid. 4.1.2 ; ATA/174/2022 du 17 février 2022 consid. 3f).

4.             En l’espèce, la recourante ne se prévaut à juste titre pas de l’ignorance d’avoir caché à l’hospice, pour la période incriminée, des revenus réalisés par son conjoint d’alors et la propriété sur plusieurs véhicules. Elle ne prétend pas avoir ignoré son obligation de renseigner, telle que ressortant clairement des documents « Mon engagement » qu’elle a signés le 1er mars 2016, 7 novembre 2017 et 22 mars 2020.

Quelque tendue qu’ait pu être, à suivre la recourante, la relation avec son conjoint durant les années de vie commune, tous deux formaient avec leurs trois enfants une communauté familiale et partageaient au moins certaines tâches et certaines charges. La recourante avait d’ailleurs déclaré à son assistante sociale gérer le budget, au point que son compagnon ignorait les revenus du ménage.

La recourante a signé périodiquement les demandes d’aide financière communes, conjointement avec son compagnon, de sorte qu’elle savait qu’aucun revenu n’était déclaré et ne pouvait ignorer que ces déclarations étaient contraires à la vérité et à l’engagement de transparence.

La recourante soutient toutefois avoir été sous la contrainte de son conjoint durant toute la vie commune, ce qui l’exonérerait de toute faute.

Comme l’a relevé l’hospice, la recourante n’a allégué des difficultés relationnelles qu’après avoir été auditionnée par le SEC, au début du mois d’avril 2021, ayant alors fait état d’un conflit et d’une séparation. Lors de l’entretien du 16 avril 2021 avec son assistante sociale, alors qu’elle était déjà partie du domicile familial, elle avait précisé de son ex compagnon qu’il était « une bonne personne », tout en relevant son problème d’addiction aux jeux en ligne, ressurgi depuis le confinement en mars 2020. Ce n’est qu’après la décision du 2 décembre 2021 lui réclamant la restitution du montant de CHF 69'546.90 que la recourante a fait état de violences conjugales, sans nullement les documenter.

S’il n’y a pas lieu de nier que la recourante ait pu subir des difficultés et même des violences dans sa relation conjugale, les circonstances de leur dévoilement ne permettent pas de retenir qu’elles auraient atteint un degré si élevé que la recourante aurait dû se voir reconnaître le statut d’instrument dépourvu de volonté des infractions de son conjoint.

Le grief sera écarté.

5.             La recourante estime ne pas devoir subir seule les conséquences des fautes de son ex-conjoint, et partant devoir rembourser l’intégralité de l’aide financière perçue durant la période considérée.

Elle ne saurait être suivie. Comme justement développé par l’autorité intimée, elle a bénéficié avec son ex-compagnon de prestations sociales pour le groupe familial que tous deux constituaient avec leurs trois enfants communs. Ceci autorise l’hospice à les rechercher tous deux conjointement et solidairement (ATA/626/2021 précité).

C’est ainsi sans excès ni abus de son pouvoir d’appréciation que l’hospice a retenu que la recourante avait, conjointement avec son ex-compagnon, dissimulé le revenu familial et les véhicules détenus par le couple, et lui a réclamé, conjointement et solidairement, le remboursement de l’aide financière perçue par le groupe familial durant la période considérée, pour un total de CHF 65'549.90.

6.             La recourante se plaint enfin de ne s’être pas vu accorder une remise.

Elle ne saurait être suivie. La remise ne peut être accordée que si le bénéficiaire était de bonne foi. Tel n’est à l’évidence pas le cas de la recourante, qui a su que son conjoint cachait ses revenus et qui a tu la détention de plusieurs véhicules, de sorte que c’est à juste titre que l’hospice a considéré ne pouvoir entrer en matière sur sa demande de remise.

Le grief sera écarté.

En tous points mal fondé, le recours sera rejeté.

7.             Vu la nature et l’issue du litige, aucun émolument ne sera perçu (art. 87
al. 1 LPA ; art. 11 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03), et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 10 février 2023 par A______ contre la décision de l'Hospice général du 13 janvier 2023 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à A______ ainsi qu'à l'Hospice général.

Siégeant : Francine PAYOT ZEN-RUFFINEN, présidente, Valérie LAUBER, Fabienne MICHON RIEBEN, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. HÜSLER ENZ

 

 

la présidente siégeant :

 

 

F. PAYOT ZEN-RUFFINEN

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :