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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/990/2022

ATA/457/2023 du 02.05.2023 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/990/2022-FPUBL ATA/457/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 2 mai 2023

 

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Corinne Arpin, avocate

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE LA POPULATION ET DE LA SANTÉ

 



EN FAIT

1. Monsieur A______, né en 1980, a été engagé le 1er mai 2003 en qualité de garde de la police internationale. Il a été nommé appointé le 1er mai 2008. Le 1er mars 2012, l’intéressé a été transféré à la gendarmerie en qualité d’appointé. Il a été confirmé dans cette fonction le 1er mars 2013.

Après qu’il eut fait part à sa hiérarchie de son souhait de devenir maître de stage, afin notamment de pouvoir enseigner sa profession aux plus jeunes, le commandant de la gendarmerie a informé M. A______ le 29 juillet 2013 que sa candidature avait été retenue. Sa hiérarchie avait appuyé sa candidature, soulignant que : « Dévoué, volontaire et sérieux, il saura faire profiter les plus jeunes de son savoir ».

Le 1er mai 2014, M. A______ a été nommé sous-brigadier puis, le 1er mai 2016, brigadier-chef de groupe (sergent à la suite de la mise en œuvre des nouveaux grades en avril 2017). Il est devenu sergent-chef le 1er juin 2017, puis sergent-major 1er mai 2018.

Il a été affecté au poste de police B______ du 1er mars 2014 au 30 avril 2018.

2. Au cours de sa carrière dans la police, M. A______ a fait l’objet de plusieurs évaluations. Il en ressort que, respectueux des personnes, disponible et serviable, meneur d’hommes, sachant se faire respecter et encadrer les plus jeunes, il était très apprécié de sa hiérarchie pour ses compétences professionnelles.

3. Le 30 janvier 2020, l’inspection générale des services de la police (ci-après : IGS) a communiqué au Ministère public (ci-après : MP) un rapport mettant notamment en cause M. A______.

Il ressortait entre autres de ce rapport que l’intéressé, alors qu’il était affecté au poste B______, avait, sur plusieurs groupes « WhatsApp », au moyen de son téléphone professionnel, échangé des messages et des contenus inadéquats, grossiers et à caractère sexuel avec quatre de ses subordonnés et avec Monsieur C______, gérant de salon de massage. Au total, 4'400 messages, plusieurs vidéos ainsi qu’une image issue de la vidéosurveillance de l’établissement de M. C______, appelé l’M______, avaient été échangés. Au sein d’un des groupes « WhatsApp », réunissant MM. A______ et C______, 762 messages avaient été échangés. Des images extraites laissaient supposer une certaine proximité entre eux. Le 26 juillet 2016, M. A______ avait envoyé une photographie d’un repas partagé avec M. C______. Le 1er décembre 2016, M. C______ avait envoyé une photographie d’un repas réunissant plusieurs personnes, dont M. A______ et lui-même. Enfin, Mme L______, épouse de M. A______, avait été employée par M. C______ en qualité de femme de ménage entre octobre 2016 et juin 2018.

4. Le 3 février 2020, le Procureur général a accordé un « n’empêche » à l’IGS, lui permettant ainsi de communiquer son rapport du 30 janvier 2020 à la Commandante de la police (ci-après : la commandante).

5. Le 2 septembre 2020, le département de la sécurité, de la population et de la santé (ci-après : département) a, vu le rapport de l’IGS, ouvert une enquête administrative à l’encontre de M. A______.

6. L’enquêtrice a rendu son rapport le 15 novembre 2021. Il a été reçu le 19 novembre 2021 par le département.

a. Huit audiences s’étaient tenues entre les mois d’octobre 2020 et août 2021. M. A______ avait été assisté d’une avocate et le département avait été dûment représenté. Mme L______ et M. C______ avaient été entendus. De nombreuses pièces complémentaires au dossier administratif de M. A______ et aux extraits de l’investigation de l’IGS reçus au début de l’enquête administrative avaient été versés à la procédure.

b. Il ressortait de l’enquête administrative que durant son affectation au poste B______, M. A______ avait entretenu avec M. C______ de nombreux contacts à travers quatre groupes « WhatsApp », par lesquels 4'408 messages avaient été échangés entre le 2 mars 2016 et le 6 mars 2018. M. A______ avait participé à des échanges de vidéos et photos à contenu sexuel, plusieurs vidéos relevant de la pornographie, ainsi que de propos grossiers. Compte tenu de la nature de ces échanges, de leur nombre et de leur fréquence sur une période de plusieurs mois, ils n’entraient pas dans le cadre d’une utilisation professionnelle de la téléphonie et de l’informatique mises à disposition par l’employeur. Il avait violé les règles en vigueur en la matière. Il avait par ailleurs adopté un comportement propre à porter atteinte à la considération et au respect dont devait bénéficier la police. Lesdits échanges n’étaient pas l’expression de la dignité que l’on attendait d’un policier.

c. L’intéressé avait admis avoir passé avec des collègues des soirées un tant soit peu arrosées dans le quartier B______, sans toutefois que M. C______ y participe. Il avait toutefois violé son devoir de fidélité en adoptant en public un comportement donnant une image négative des agents publics.

d. M. A______ n’avait pas réagi lorsqu’un de ses subordonnés avait, sur un des groupes, envoyé une image de la vidéosurveillance de l’M______ montrant une prostituée peu vêtue dans un vestiaire. Il n’avait pas non plus réagi lorsque ses collègues avaient échangé à propos d’un quidam ayant perturbé l’activité de l’M______, ou lorsque des données relatives à une intervention sur la voie publique avaient été échangées. En ne recadrant pas ses collègues subordonnés, il avait failli à ses obligations de supérieur hiérarchique.

e. L’intéressé avait évoqué une mission de fouille qu’il venait de terminer au D______(ci-après : D______). Cette information portait sur une intervention qui n’avait pas fait l’objet de publicité et il l’avait diffusée dans un groupe comprenant un tiers. Cela constituait un manquement à ses devoirs de service.

f. Mme L______ avait travaillé pour M. C______ entre les mois de janvier 2017 et mars 2018 en qualité de femme de ménage. Le revenu tiré de cette activité n’avait pas été déclaré ni aux assurances sociales ni aux autorités fiscales. Cette situation contraire au droit était connue de son époux et il n’apparaissait pas qu’il aurait cherché à y mettre fin ni qu’il s’était posé la question de son obligation de dénoncer ces infractions en ce qui concernait M. C______. Ce comportement était de nature à porter préjudice aux intérêts de l’État et était indigne de la considération qu’exigeait sa fonction.

g. Les échanges au sein de plusieurs groupes « WhatsApp » révélaient que les relations entre les époux AL______ et M. C______ dépassaient un cadre strictement professionnel. Il fallait en particulier retenir que M. A______ était passé prendre le salaire de son épouse auprès de M. C______ à une reprise. L’intéressé avait en outre rempli une demande d’augmentation de limite d’achat de la carte de crédit de son épouse. Il y avait mentionné l’entreprise de M. C______ comme employeur et un salaire annuel de CHF 45'000.- tout en se doutant que ce montant ne correspondait pas à la réalité. Il avait de la sorte fait preuve au minimum de légèreté.

h. M. A______ avait ainsi manqué, à réitérées reprises et sur une période de plusieurs mois, à ses devoirs de service et à son devoir de fidélité envers l’État en adoptant de manière répétée des comportements dont il ne pouvait ignorer qu’ils étaient propres à compromettre la confiance que les administrés devaient pouvoir placer dans les agents étatiques assermentés et dotés de pouvoir d’autorité, de même qu’à ébranler la confiance placée en lui par son employeur. Il aurait été en mesure, en prêtant toute l'attention requise d'un sous-officier de police expérimenté, d’appréhender et d’apprécier correctement les situations qui lui étaient reprochées, de manière à éviter des manquements qui, pris dans leur ensemble, ne pouvaient être considérés comme de peu d’importance. Que la police soit encore un univers d’hommes, que M. A______ ait été affecté au poste B______, qu’il ait été à la tête d’un groupe de policiers plus jeunes, motivés voire difficiles à réfréner, auprès desquels il n’avait pas voulu passer pour un « ringard », tout cela ne pouvait constituer une explication valable et encore moins une justification pour n’avoir pas respecté ses devoirs de service de sous-officier de police et supérieur hiérarchique, cela d’autant moins que ses compétences en la matière étaient dans le même temps relevées dans ses évaluations professionnelles.

Il ne pouvait davantage tirer argument d’avoir méconnu ou de ne pas avoir eu à l’esprit les dispositions légales et réglementaires ou des directives et ordres de service régissant sa fonction, dès lors que se tenir informé de ces règles et de leur évolution faisait partie des obligations liées à l’exécution des tâches de tout fonctionnaire. Cette obligation était particulièrement importante pour un maître de stage comme l’était M. A______ depuis l’été 2013. Les lois et règlements étaient publiés sur internet et les directives et ordres de service mentionnés dans la procédure avaient été diffusés au sein du corps de police.

7. Le 14 décembre 2021, le département a informé M. A______ de son intention de prononcer à son encontre une dégradation, pour une période pouvant aller d'un à quatre ans. Il lui a transmis le rapport d’enquête et lui a octroyé un délai de trente jours pour y répondre.

8. Dans le délai imparti, M. A______ a répondu au rapport d’enquête.

Sa responsabilité disciplinaire était prescrite. Il avait été apporté à la procédure des échanges de conversations entre M. C______ et Mme L______ en violation du respect de la vie privée de cette dernière. Ces documents devaient être retirés de la procédure. S’agissant des vidéos, photos et propos à caractère sexuel ou grossiers, il avait reconnu que ces échanges étaient inappropriés et s’en était plusieurs fois excusé. L’enquêtrice avait à tort retenu qu’il n’avait pas réagi à des messages de ses collègues. Même s’il portait le grade de sous-brigadier, son cahier des charges ne détaillait aucune activité d’encadrement. Il avait par ailleurs très bien pu formuler des reproches écrits ou oraux ailleurs que sur les groupes « WhatsApp » en cause. Il n’avait pas violé ses devoirs de service en évoquant une mission au D______ et il était faux de prétendre qu’il savait que les revenus de son épouse n’avaient pas été déclarés. Sa relation avec M. C______ n’était que professionnelle et il persistait à nier être allé chercher le salaire de son épouse.

9. Par arrêté du 2 mars 2022, déclaré exécutoire nonobstant recours, le conseiller d’État en charge du département a prononcé la dégradation de M. A______ au grade de sergent-chef pour une durée de trois ans. Cette sanction prenait effet le 1er avril 2022.

a. Il ressortait des fichiers informatiques remis par les instances pénales que M. A______ avait participé très activement, au moyen de son téléphone portable professionnel, à des échanges de vidéos ou de photos à caractère pornographique ou érotique. Sur un groupe « WhatsApp » intitulé « Réveil compliqué », réunissant l’intéressé, M. C______ et trois autres policiers, il avait envoyé deux vidéos pornographiques les 14 mars et 28 avril 2016.

M. A______ avait envoyé sur ce même groupe plus de 400 images de femmes, souvent dans des positions suggestives, portant des sous-vêtements, des tenues moulantes ou légères, mettant en évidence, parfois en gros plan, leur poitrine ou leurs fesses. Le 3 mars 2016, il avait en outre mis sur ce groupe une vidéo dans laquelle un transsexuel aux cheveux longs ouvrait la porte d’une maison tout en dansant, étant précisé qu’il portait uniquement un soutien-gorge, de sorte que son pénis était visible. Il avait par ailleurs envoyé d’autres photographies à caractère sexuel entre le 24 mars 2016 et le 25 mai 2017.

Sur un autre groupe appelé par l’enquêtrice « E______ », composé uniquement de MM. A______ et C______, il avait envoyé à ce dernier, outre des images pornographiques, au moyen de son téléphone professionnel, environ 70 vidéos pornographiques du 6 octobre 2016 au 28 janvier 2018 ainsi qu’une vidéo illustrant de la violence le 1er septembre 2017.

Il en résultait que M. A______ avait tenu des propos à caractère sexuel, extrêmement grossiers et contraires à la décence et à la bienséance. Il s’était également permis de faire des commentaires sur des travailleuses du sexe auprès de M. C______, comparant l’une d’elles, prénommée F______, à une pièce de viande : « C’est du filet de F______. C’est la viande la plus pute que tu puisses trouver ». Certains propos tenus faisaient également état d’actes de violences à l’égard des femmes. Par exemple « Putain je la détruis celle-là » ; « on la remplit jusqu’à ce qu’elle éclate » ; « je me suis réveillé dans un lit avec 6 latinas elle étaient toutes dans le coma avec le cul en sang Je me souviens de rien » ; « Elle est toujours aux soins intensifs. Elle doit faire des dialyses suite à un éclatement de la matrice » ; « Putain elle mérite de se faire refaire le sphincter ; Ohhh putain je les tue !!! ». À cela s’ajoutait que sur ce même groupe, il avait envoyé de très nombreuses images ainsi que des vidéos très certainement téléchargées sur des sites dont la sécurité de la source n’était pas assurée. M. A______ avait longuement persisté dans ses agissements en envoyant à M. C______, sur le groupe E______, jusqu’au 28 janvier 2018, de nombreuses images et vidéos à caractère pornographique. Il était donc erroné de dire, comme il le prétendait, que les échanges avaient eu lieu pendant trois mois seulement.

Le comportement de M. A______ était inacceptable et portait sérieusement préjudice à l’image de l’État, ainsi qu’à la considération et à la confiance dont la fonction publique devait être l’objet. Même si les propos tenus n’étaient pas à prendre au premier degré, il n’en demeurait pas moins qu’ils étaient indignes de la fonction de policier et allaient, pour une partie d’entre eux, à l’encontre de la mission qui lui avait été confiée par son employeur consistant notamment à porter secours aux victimes de violences. Ils étaient d’autant plus choquants que M. A______, affecté au poste B______, était amené à assurer la protection de travailleuses du sexe, dont la profession était particulièrement exposée à la violence et à la traite d’êtres humains. À cet égard, la vidéo pornographique du 1er septembre 2017, sur laquelle une femme se faisait traiter de « salope », sa tête étant par moments maintenue sous l’eau, étant précisé qu’elle demandait à l’homme qui la pénétrait d’arrêter, était hautement problématique. Elle illustrait précisément des actes de violences sexuelles faites aux femmes. En l’envoyant, M. A______ laissait entendre, à tout le moins, qu’il prenait à la légère ce type d’acte, ce qui était parfaitement incompatible avec la fonction qu’il exerçait. Cela était d’autant plus problématique que le destinataire de cette vidéo était un gérant de salon de massages.

Les violations commises étaient d’autant plus graves qu’en tant que sergent ou sergent-chef, l’intéressé avait un devoir d’exemplarité accru vis-à-vis de ses subordonnés. Alors qu’il était attendu de lui qu’il s’abstienne de faire des commentaires à caractère sexuel, indécents et grossiers, d’envoyer des images et vidéos à caractère pornographique ou érotique et, à tout le moins, qu’il recadre ses subordonnés, il s’avérait au contraire qu’il avait été l’un des principaux acteurs voire l'instigateur des très nombreux messages échangés. Il s’était épanché et avait envoyé des images et vidéos de manière quasiment incontrôlée, utilisant un vocabulaire particulièrement vulgaire, dégradant et violent, réduisant les femmes à de simples objets sexuels et, pire, semblant prendre à la légère les violences sexuelles faites à celles-ci. Au regard du contenu et du nombre très élevé de messages échangés, l’intéressé avait également montré tant à ses subordonnés qu’à un tiers qu’il se permettait de passer un temps considérable à utiliser le matériel mis à disposition par son employeur, non seulement à des fins privées, mais également en violation manifeste de ses devoirs de service. À cela s’ajoutait que, comme il l’avait admis lui-même, certains messages avaient été adressés alors qu’il était en service.

b. M. A______ avait admis avoir passé des soirées arrosées dans des établissements publics du quartier B______. Parallèlement, il ressortait des messages échangés entre son épouse et M. C______ qu’à deux reprises M. A______ était rentré à la maison en état d’alcoolisation avancée, ce que M. C______ avait indiqué avoir vu dans le cadre d’un des échanges, soit celui du 12 juillet 2017. Mme L______ s’était du reste excusée du comportement de son mari. Les messages échangés étaient limpides, de sorte que les dénégations de l’intéressé n’étaient pas de nature à les remettre en cause. Dans la mesure où, même en civil, il pouvait être reconnu par certains administrés, M. A______ devait adopter en tout temps et en tout lieu un comportement irréprochable.

c. Comme l’avait relevé l’enquêtrice, M. A______ n’avait, à tort, pas réagi lorsque son subordonné avait envoyé sur un groupe « WhatsApp », le 5 mars 2016, une image de la vidéo de l’M______ illustrant une travailleuse du sexe dans un vestiaire tout en précisant qu’il ne fallait pas partager ces images avec d’autres personnes. Cette image constituait une atteinte à la personnalité de la travailleuse du sexe et il était regrettable qu’en tant que supérieur hiérarchique, l’intéressé n’ait pas recadré son subordonné.

M. A______ n’avait pas non plus réagi lorsque ses collègues et M. C______ avaient échangé des messages, le 5 avril 2016, au sujet de l’identification d’un quidam ayant perturbé l’activité de l’M______. À cette occasion, un de ses collègues avait donné le nom d’un administré, en violation de son secret de fonction. Plutôt que de recadrer son collègue, il avait qualifié ledit quidam de « monstre FDP », ce qui était inacceptable.

Il aurait également dû réagir lorsqu’un autre de ses collègues avait posté sur le groupe une capture d’écran du système IPol Mobile relative à une intervention de police. Au lieu de prendre toute mesure utile, il avait pris part à l’échange, en évoquant sans droit le contenu du registre professionnel « P2K » qu’il avait préalablement consulté sans raison valable, étant rappelé qu’un tiers faisait partie du groupe « WhatsApp ».

Même si son cahier des charges ne détaillait pas les activités d’encadrement qui lui incombaient, M. A______ était chef de groupe, et le supérieur hiérarchique des collègues en cause comme cela ressortait de son évaluation de compétences pour la période du 14 janvier 2016 au 7 avril 2017, à l’occasion de laquelle il avait souligné être à l’aise dans la fonction de manager. Alléguer qu’il n’avait à l’époque aucune activité d’encadrement et qu’il n’était dès lors pas tenu de réagir aux échanges de ses collègues sur les groupes « WhatsApp » laissait songeur et était de nature à démontrer qu’il n’avait pas compris l’attitude élémentaire qui était attendue de lui.

d. Le 2 mai 2016, sur le groupe « Réveil difficile », M. A______ avait évoqué le fait qu’il avait procédé à une mission de fouille au D______. Bien que certaines activités de la police fussent connues du public, aucune publicité n’avait été faite concernant la fouille de ce centre, laquelle n’aurait pas dû être évoquée dans un groupe « WhatsApp » comprenant un tiers. Il semblait ne pas avoir saisi que la fonction qu’il exerçait exigeait de la discrétion. S’il était possible d’expliquer à un tiers de manière générale les tâches qui incombaient à la police, aucune précision ne devait être donnée notamment sur les dates et lieux d’interventions, lorsqu' ils n’étaient pas communiqués par le service de presse de la police.

e. L’enquête administrative n’avait mis en exergue aucune dépendance entre MM. A______ et C______ liée à l’activité de femme de ménage de Mme L______. Cette activité n’était toutefois déclarée ni aux assurances sociales, ni aux autorités fiscales et l’intéressé n’avait, à tort, pas tenté de mettre fin à cette situation illégale. M. A______ était informé de cette situation. Il avait en effet d’emblée répondu, sur question de son employeur, que sa femme travaillait au noir.

f. Les très nombreux échanges de messages entre MM. C______ et A______, la nature de ceux-ci, de même que le ton employé démontraient clairement un lien d’amitié.

Par ailleurs, M. A______ avait fait preuve d’une stupéfiante légèreté en complétant un formulaire de demande d’augmentation de limite d’achat de la carte de crédit de son épouse. Il y avait mentionné l’entreprise de M. C______ comme employeur et un salaire de CHF 45'000.- sachant que ce chiffre était contraire à la réalité. Quand bien même ce document n’avait pas été envoyé à son destinataire, l’intéressé avait accepté la possibilité qu’il puisse être utilisé.

g. Prises dans leur ensemble, les violations des devoirs de service commises par Monsieur A______ devaient être qualifiées de particulièrement graves. Sa collaboration durant l’enquête avait été mauvaise. Il avait menti à plusieurs reprises de manière éhontée à son employeur, allant jusqu’à prétendre que le dénommé « ______ [même prénom que A______] » apparaissant dans les conversations entre son épouse et M. C______ était un autre que lui. Sa prise de conscience était quasiment inexistante, l’intéressé reconnaissant uniquement que les messages échangés étaient inappropriés, tout en tentant de minimiser les violations commises, prétendant à tort que les échanges avaient duré pendant trois mois seulement et qu’il n’était pas à l’origine des images et vidéos problématiques détectées par l’IGS.

À sa décharge, M. A______ disposait de bons états de service et il n’avait pas d’antécédents disciplinaires depuis son engagement 19 ans plus tôt. Au surplus, les dernières violations des devoirs de service dataient de plus de quatre ans. Dans la mesure où il avait notamment démontré de par son comportement, d’une part, avoir gravement failli à son devoir d’exemplarité et, d’autre part, qu’il n’était pas en mesure de saisir l’attitude élémentaire qui était attendue de lui en tant que supérieur hiérarchique, ni d’encadrer correctement ses subordonnés, une dégradation se justifiait. Cette sanction devait lui permettre de faire à nouveau ses preuves dans une fonction adaptée à ses compétences sociales et managériales et, vraisemblablement, de restaurer le lien de confiance sérieusement mis à mal.

Malgré la gravité des violations commises, une dégradation pour une durée de trois ans était infligée à M. A______. Cette décision avait pour conséquence qu’il passait du grade de sergent-major à celui de sergent-chef. Son traitement qui correspondait alors à une classe 18, annuité 11, soit un montant annuel de CHF 120'491.- (taux d’activité à 100 %) était ramené en classe 17, annuité 13, soit une somme annuelle de CHF 117'165.- (taux d’activité à 100 %). Il était attendu de lui un comportement irréprochable afin que de tels faits ne reproduisent plus.

10. Par acte déposé le 31 mars 2022 à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative), M. A______ a recouru contre cette décision. Il a conclu à la restitution de l’effet suspensif et à l’annulation de la décision du 2 mars 2022. Les frais devaient être laissés à la charge de l’État de Genève, lequel devait être condamné au versement de CHF 3'000.- à titre de participation à ses honoraires d’avocat.

a. L’art. 37 al. 6 de la loi sur la police du 9 septembre 2014 (LPol - F 1 05) prévoyait que la responsabilité disciplinaire se prescrivait par un an après la découverte de la violation des devoirs de service et en tout cas par cinq ans après la dernière violation. Le cas échéant, la prescription était suspendue pendant la durée de l’enquête administrative. Aucune procédure pénale n’avait été ouverte contre lui.

Dans sa jurisprudence, la chambre administrative retenait que le délai de prescription commençait à courir dès la connaissance des faits par la commandante de la police. Dans un arrêt du 11 février 2020, elle avait retenu que le Conseil d’État, qui avait prononcé la sanction, avait eu connaissance des faits lors de la réception par la commandante de la police d’une copie de la procédure pénale. Il était conforme à l’esprit de la loi que le délai de prescription commence à courir le jour où l’une des autorités disciplinaires avait connaissance d’une éventuelle violation des devoirs de service. Il serait par contre contraire à l’esprit de la loi de considérer qu’il fallait connaître la sanction à infliger pour déterminer quelle autorité devait avoir connu les faits pour que le délai de prescription commence à courir. En effet, cette manière de procéder aurait pour effet pervers que l’autorité qui envisageait de prononcer une sanction clémente n’aurait d’autre choix que de transmettre le dossier à une autorité compétente pour prononcer une sanction plus sévère, simplement parce qu’elle se rendrait compte que le délai de prescription était dépassé.

Dans son cas, le Procureur général avait apposé son « n’empêche » afin que le rapport de l’IGS le concernant soit transmis à la commandante de la police. Ledit rapport avait été établi dans le cadre de « l’affaire B______ ». Des rapports similaires avaient été transmis à la commandante concernant quatre de ses collègues. Tous ces rapports mentionnaient les conversations qui avaient eu lieu sur les différents groupes « WhatsApp » auxquels lui, ses quatre collègues et M. C______ avaient appartenu. Les mêmes faits étaient reprochés à ces policiers et les mêmes conversations avaient été produites. Par conséquent, il convenait de retenir que la commandante avait été informée des potentielles violations de ses devoirs de service au moment où elle avait reçu le premier rapport de l’IGS.

Le premier « n’empêche » datait du 4 octobre 2019 et concernait son collègue G______. C’était à juste titre que l’enquêtrice avait retenu que le rapport avait été reçu le même jour, aucune date de réception n’ayant été apposée par le département. Le délai de prescription avait commencé à courir le 4 octobre 2019. Il avait couru jusqu’au 2 septembre 2020, date de l’arrêté du département d’ouverture de l’enquête administrative, soit durant 334 jours. Le délai de prescription avait recommencé à courir le 16 novembre 2021, le jour suivant la date du rapport d’enquête. Du 16 novembre 2021 au 2 mars 2022, date de l’arrêté litigieux, 107 jours s’étaient écoulés. Au total, 441 jours s’étaient écoulés depuis le jour où la commandante avait eu connaissance des faits et le 2 mars 2022, soit plus d’une année. Le délai de prescription de la responsabilité disciplinaire d’un an était donc acquis.

b. En apportant à la procédure les conversations « WhatsApp » entre son épouse et M. C______ ainsi que les messages « combox » figurant sur la boîte vocale de ce dernier, l’enquêtrice avait violé l’art. 13 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101). Si l’art. 246 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0) autorisait la perquisition d’enregistrements audio dans un cadre pénal, il n’existait aucune base légale autorisant la perquisition d’enregistrements audio par une autorité administrative. De même, il n’existait aucune disposition légale qui autorisait une autorité pénale à transmettre à une autorité administrative des conversations privées intervenues entre deux personnes non parties à la procédure et qui n’avaient jamais donné leur accord à cette transmission. La protection de la vie privée de son épouse était supérieure à l’intérêt public de l’autorité administrative à avoir connaissance de ses conversations écrites ou orales. Dès lors que c’était en violation du respect de la vie privée de son épouse qu’avaient été apportées à la procédure administrative dirigée contre lui des conversations et messages qui avaient lieu exclusivement entre elle et M. C______ et dont il n’avait eu connaissance que dans le cadre de la présente procédure, ces documents devaient en être retirés.

c. Il contestait avoir violé ses devoirs de service, et plus particulièrement que son comportement aurait sérieusement porté préjudice à l’image de l’État ainsi qu’à la considération et à la confiance dont la fonction publique devait être l’objet. Il complèterait son argumentation dans un prochain mémoire.

11. Le 4 avril 2022, M. A______ a persisté dans ses conclusions. Il a repris ses arguments relatifs à la prescription de la responsabilité disciplinaire et à la violation du respect de la vie privée de son épouse. Il a complété ses arguments relatifs au grief de la prétendue violation de ses devoirs de service.

a. Depuis le début de la procédure, il avait indiqué reconnaître que les échanges de messages, vidéos et images à caractère pornographique, sexuel et érotique étaient totalement inappropriés. Il s’en était excusé à plusieurs reprises. Il n’entendait pas s’expliquer sur chaque message reproduit par le département car cela n’apporterait rien à la procédure. S’il était évident que les juristes du département ne pratiquaient pas ce type d’humour, on ne pouvait nier le fait qu’il s’agissait d’un humour pratiqué dans différents corps de métier, notamment par les policiers, les gardes-frontière, les gardiens de prison et les militaires. Il était évident que cet humour perdurait au sein de ces corps de métier, même s’il n’était pas approuvé par leur hiérarchie. Comme cela avait été expliqué devant l’enquêtrice, les expressions employées ne devaient pas être prises au premier degré. Il n’avait évidemment jamais été question de faire l’apologie de la violence ou de la misogynie.

À l’examen des échanges, on constatait qu’il n’était pas celui qui envoyait le plus de messages, de sorte qu’il était incompréhensible qu’il se soit vu infliger la sanction la plus lourde, d’autant qu’il était apparemment le seul à n’avoir pas fait l’objet de poursuites pénales en parallèle à une procédure administrative. En outre, les échanges de messages avaient eu lieu principalement entre le 5 mars 2016 et les 18 juin 2016, soit durant seulement trois mois, quasiment toujours lorsqu’il n’était pas en service.

L’IGS avait souligné dans son rapport du 30 janvier 2020 qu’il n’était pas à l’origine des images et vidéos problématiques détectées. En outre, ces messages n’avaient pas été diffusés à des tiers, à l’exception de M. C______. Il était devenu brigadier-chef de groupe le 1er mai 2016, soit après que l’essentiel de ces messages avaient été échangés, puis sergent-chef le 1er juin 2017, alors qu’il n’avait plus échangé avec ses collègues de messages à caractère sexuel. Les cahiers des charges de l’époque ne comportaient pas d’activité d’encadrement.

b. Il avait admis avoir consommé de l’alcool avec des collègues dans le secteur B______, mais n’avait jamais indiqué qu’il s’était retrouvé à un moment ou à autre dans un état d’alcoolisation avancée dans ce secteur. Si son épouse avait expliqué qu’il lui était arrivé de rentrer dans un état d’alcoolisation avancée, on ignorait ce qu’elle considérait comme un état d’alcoolisation avancée et s’il avait bu dans le secteur B______ ou chez un ami. On ne pouvait enfin exiger d’un gendarme un comportement davantage exemplaire que celui que l’on exige de la part d’un autre fonctionnaire, « qu’il soit Procureur général ou juge ». Un gendarme était un administré comme les autres, qui devait être autorisé à faire la fête et à boire de l’alcool dans des lieux publics. Tout au plus, pouvait-on exiger de lui qu’il ne commette pas d’infraction pénale, telle qu’une conduite en état d’ébriété.

c. Son employeur lui reprochait à tort de ne pas avoir réagi à certains messages de ses collègues. Or, son cahier des charges d’alors ne détaillait aucune activité d’encadrement. Par ailleurs, ce n’était pas parce qu’aucune réaction n’était visible sur les messages produits, lesquels provenaient tous du téléphone de M. C______, qu’il n’avait pas formulé de reproches oraux ou écrits sur un groupe auquel n’appartenait pas M. C______. Il ne lui appartenait quoi qu’il en soit pas, car il n’était pas juriste, de déterminer si l’un ou l’autre de ses collègues violait ou non son secret de fonction, cette tâche incombant exclusivement aux autorités pénales.

d. Le département avait retenu à tort qu’il avait manqué à ses devoirs de service en évoquant une mission de fouille qu’il venait de terminer au D______. En effet, la fouille était terminée au moment où il l’avait évoquée et il n’avait révélé aucune modalité d’intervention. Cette activité faisait partie des activités de police connues du public, le service de presse de la police n’hésitant pas à communiquer sur des interventions des démineurs à Genève. Si le fait d’évoquer une activité effectuée dans la journée était une violation des devoirs de service, cela signifiait qu’un fonctionnaire de police ne devrait jamais parler du déroulement de sa journée de travail à sa famille, ses amis ou connaissances, ce qui était inconcevable.

e. Son employeur lui reprochait à tort de n’avoir pas eu un comportement exemplaire car il n’avait pas tenté de mettre fin à une situation illégale, soit que l’activité de son épouse n’était déclarée ni aux assurances sociales ni aux autorités fiscales. Ainsi que cela était ressorti tant de ses auditions que des auditions de son épouse et de M. C______, le couple traversait à l’époque une grave crise conjugale et ne se parlait quasiment plus. Il désapprouvait totalement l’activité de son épouse auprès de M. C______ et ne voulait rien en savoir. Il ignorait quels étaient les revenus de son épouse, dès lors qu’elle ne disposait ni de fiches de salaire ni d’une attestation annuelle. Il ignorait par ailleurs que cette activité n'était pas déclarée aux assurances sociales et aux autorités fiscales. Il n’appartenait pas à un époux, même policier, de vérifier que l’employeur de son épouse respecte la loi. De plus, ce n’était pas parce qu’un employeur versait un salaire en espèces et ne fournissait pas systématiquement de décomptes de salaire qu’il ne respectait pas ses obligations fiscales ou auprès des assurances sociales.

f. Il avait toujours indiqué n’avoir eu que des relations professionnelles avec M. C______, ce que ce dernier avait confirmé tant dans le cadre de la procédure pénale dirigée à son encontre que lors de son audition par l’enquêtrice. Entretenir de bonnes relations avec les commerçants du secteur, ce qui impliquait de les rencontrer régulièrement, faisait partie du cahier des charges du policier de proximité. Aucun ordre de service n’interdisait à un policier de prendre un café avec l’un d’eux, du moment que ledit café n’était pas offert. Il était conforme aux usages de procéder à des échanges de vœux.

Les messages que son épouse adressait à M. C______ ne pouvaient être retenus comme une preuve d’un prétendu lien d’amitié entre lui et ce dernier. Il n’était pas au courant des messages que son épouse envoyait à M. C______. Il n’avait jamais fouillé dans le téléphone portable de son épouse. S’il était possible qu’elle ait partagé des repas et bu le café avec M. C______, cela ne signifiait pas que sa relation à lui avec ce dernier aurait été autre que professionnelle. On ne pouvait en effet lui imputer les agissements de son épouse ni affirmer une relation d’amitié avec M. C______ du fait que son épouse l’aurait invité, à son insu, à la maison.

C’était également à tort et arbitrairement que son employeur retenait que son épouse parlait de lui quand elle mentionnait un « ______ [même prénom que A______]» dans ses messages. Elle connaissait d’autres « ______ [même prénom que A______] ».

À aucun moment son épouse ou M. C______ n’avaient indiqué avoir partagé un repas tous ensemble avec lui. L’enquêtrice avait indiqué que les messages échangés entre elle et M. C______, particulièrement par rapport à des propositions de repas, ne cadraient pas avec le contexte de tension qui régnait entre les époux. Lui-même et son épouse avaient nié l’existence d’une relation d’amitié avec M. C______.

Contrairement à ce qu’indiquait le département, il n’avait jamais pris le risque de donner une image de partialité aux travailleuses du sexe en ayant une relation professionnelle avec M. C______. Jamais une travailleuse du sexe ne s’était plainte de son comportement.

g. La sanction infligée était totalement excessive, non seulement en raison du temps écoulé, mais encore en raison de ses excellents états de service et de l’absence d’antécédent disciplinaire en 19 ans d’activité. Sa prise de conscience n’était pas inexistante puisqu’il avait admis que les messages échangés étaient inappropriés et s’en était excusé. Aucun reproche n’avait été formulé à son encontre suite à cette affaire et des responsabilités importantes avaient continué de lui être confiées après l’ouverture de l’enquête administrative.

h. Le principe de l’égalité de traitement avait été violé puisqu’aucun de ses collègues faisant partie des groupes « WhatsApp » mentionnés dans la procédure n’avait fait l’objet d’une dégradation, alors même qu’ils s’étaient montrés encore plus actifs ou avaient fait l’objet d’une procédure pénale.

12. Le 29 avril 2022, après que le département a conclu au rejet de cette demande, la présidence de la chambre administrative a refusé de restituer l’effet suspensif au recours. Le sort des frais était réservé jusqu’à droit jugé au fond.

13. Le 6 mai 2022, le département a conclu au rejet du recours.

Les conversations entre Mme L______ et M. C______ émanaient d’une perquisition menée en bonne et due forme par les autorités pénales. Celles-ci avaient été remises à l’enquêtrice en vertu des art. 75 al. 4 du code de procédure pénale et 15 let. a de la LaCP. Ces bases légales justifiaient l’éventuelle ingérence dans la sphère privée de Mme L______. Les conversations téléphoniques entre cette dernière et M. C______ étaient ainsi parfaitement exploitables.

Pour le reste, le département a développé son argumentation relative au droit applicable et réaffirmé que la responsabilité disciplinaire n’était pas prescrite. Il a également rejeté les griefs soulevés par le recourant.

14. Le 15 juin 2022 s’est tenue une audience de comparution personnelle et d’enquêtes.

a. Mme L______ a expliqué être concierge pour une entreprise de conciergerie. Elle a confirmé ses déclarations faites à l’enquêtrice le 28 décembre 2020 (PV d’audition, p. 2, lignes 50 à 73, sous les pièces 4 dans le bordereau de l’intimé), à savoir qu’elle avait fait la connaissance du gérant du salon de massage lorsqu’elle avait travaillé pour lui. Elle a confirmé avoir été payée environ CHF 1'000.- par mois, de la main à la main. Elle n’avait pas été déclarée aux assurances sociales et confirmait aussi ses déclarations faites à l’enquêtrice à teneur desquelles ledit gérant ne lui avait jamais demandé de servir d’intermédiaire entre elle, son mari et des collègues de ce dernier (PV d’audition, p. 2, lignes 92 à 96). Son mari lui avait toujours dit qu’il n’était pas d’accord qu’elle fasse cette activité pour M. C______. À cette époque, il n’était pas souvent là et le couple ne se parlait pas beaucoup. Ils étaient au bord du divorce. Elle a confirmé avoir échangé sur « WhatsApp » avec le gérant. Lorsqu’ils avaient parlé d’un « ______ [même prénom que A______]», il ne s’agissait pas de son mari mais d’un certain ______ [même prénom que A______] qui faisait des courses pour les filles du salon de massages. Son travail à l’M______ avait duré environ un an, même si elle ne se souvenait plus des dates exactes. Son mari remplissait la déclaration d’impôts et il ne lui avait rien demandé par rapport aux revenus liés à cet emploi. Sur question relative à un message du 12 juillet 2017 à 09h59 et 20’ (mentionné notamment à la p. 19 du rapport de l’enquêtrice et relatif à des propos tenus à propos de son mari), elle a souligné que cela concernait sa vie privée à laquelle il était porté atteinte. Elle n’était pas concernée. Elle avait certes travaillé au noir pour M. C______ mais cela ne regardait qu’elle. À la question de savoir si elle avait invité M. C______ à la maison, elle a répondu que non, ou peut-être, et que d’ailleurs ce n’était pas forcément à son domicile car lorsqu’on invitait quelqu’un cela pouvait être chez un proche parent.

S’agissant des fiches de paie établies par M. C______, elle ne les avait jamais vues. Elle ne touchait que CHF 1'200.- par mois pour trois heures d’activité journalière. Plusieurs échanges « WhatsApp » issus de la procédure entre elle et le gérant lui ont été soumis. Ils concernaient sa relation avec son époux ou l’organisation d’un repas. Ces messages étaient anciens et elle ne s’en souvenait pas. Elle a confirmé avoir demandé à son mari de remplir un formulaire pour sa carte Visa mais ce formulaire n’avait pas été envoyé. Elle n’avait pas non plus le souvenir d’autres messages qu’elle avait échangés avec M. C______ à propos d’un certain H______ qui était une personne qu’elle connaissait, ni pourquoi elle avait écrit « ______ [même prénom que A______] est au I______ ». À l’époque des faits elle connaissait plusieurs ______ [même prénom que A______], qu’ils soient des policiers ou des compatriotes brésiliens. Elle n’avait jamais demandé à son mari de collecter son salaire auprès de M. C______ et il ne l’avait jamais fait. La référence au « I______ » était en fait le « I______ » qui se trouvait en face du poste de police. Il ne lui était jamais arrivé de devoir de l’argent à son mari et elle ne souvenait pas avoir discuté avec lui du fait que M. C______ la payait au noir. Le département ne l’avait pas interpellée avant d’utiliser des échanges téléphoniques la concernant. Elle trouvait qu’il s’agissait d’une atteinte inadmissible à sa vie privée.

De nouvelles pièces déposées par l’intimé, à savoir des photographies de son compte « Facebook », ont été soumises à l’intéressée. Elle a admis être titulaire d’un tel compte, mais a refusé de faire des commentaires car cela violait sa vie privée.

b. M. A______ a déclaré qu’il ne prônait ni ne tolérait aucune forme de violence, qu’elles soient sexuelles, domestiques ou autre. Lorsqu’il était au poste B______, il essayait d’intervenir le plus rapidement possible lorsqu’une travailleuse du sexe appelait pour ce genre de problème. Il s’était agi simplement d’humour – certes déplorable – qui régnait au sein des groupes « WhatsApp ». Il avait été formé en baignant dans ce genre d’humour graveleux qui avait toujours cours dans certains secteurs ou brigades et qui avait aussi pour fonction d’évacuer certains sentiments négatifs. Il ne le pratiquait plus depuis des années car il avait compris que ce n’était pas bon en termes d’exemplarité, surtout si cela était fait au moyen du matériel de l’État. Son changement d’attitude s’était produit avant l’ouverture de la présente procédure, lorsqu’il avait été nommé sergent-major à la brigade J______. Il avait pu suivre des cours de management et sur le comportement des cadres qui lui avaient ouvert les yeux sur l’attitude à tenir.

Les vidéos, images et blagues échangées sur les fils « WhatsApp » qu’il avait envoyées étaient transférées. Il les avait reçues sur son téléphone mais ne les avait pas téléchargées. L’activité d’encadrement qu’il avait à l’époque comme chef de groupe n’avait pas été précédée ou accompagnée d’une formation. C’était sur le tas, à l'ancienne. Dans son activité de chef de groupe, lorsqu’il devait faire des remontrances, c’était toujours en tête-à-tête, de vive voix. S’il y avait encore des problèmes, il en référait à sa hiérarchie. Pour cette raison, on ne pouvait pas trouver de traces écrites de ces recadrages. Il s’efforçait d’être un chef droit et direct et n’avait eu qu’un entretien de collaboration à effectuer. Il n’avait jamais été au courant de faits de nature pénale ou disciplinaire qui auraient dû être dénoncés à l’IGS ou à la hiérarchie. Depuis qu’il était à la brigade J______, il était rentré dans le rang.

Ambitieux, il avait postulé pour être officier voire officier supérieur. Il avait été sélectionné pour être chef de poste à K______. Mais cela avait traîné et il avait reçu l’annonce par la commandante qu’une procédure administrative allait être ouverte et qu’il ne serait pas nommé officier. Il n’avait pas non plus pu postuler à des postes supérieurs, alors qu’il avait effectué des évaluations de compétences et qu’il y avait un délai de trois ans pour passer au poste supérieur. À la suite d’une remarque d’un représentant du département précisant que ce délai pouvait être prolongé à six ans sur simple entretien avec le chef de service, M. A______ a répondu que certes, mais qu’en 2025, si la sanction était confirmée, il ne lui resterait que six ou sept mois pour être nommé officier supérieur, et il doutait qu’un délai si court lui permette d’être nommé. Il y avait aussi de nombreuses échéances qu’il allait rater du fait des nombreux départs à la retraite prévus ces prochaines années. Sa carrière était « grillée ». La sanction avait pris effet le 1er avril 2022 et, du jour au lendemain, il n’avait plus eu accès à certains dossiers qu’il traitait, à certains répertoires, etc. Un petit bureau lui avait été attribué. Il avait eu de nombreuses remarques humiliantes de la part de certains collègues, certains d’entre eux ne le saluant plus ou ne lui serrant plus la main, estimant qu’il devait avoir commis quelque chose de plus grave que ce dont ils étaient au courant. Après quatre ans comme cadre, il avait été rétrogradé pendant trois ans et était devenu une entrave à la marche du service, voire « un boulet », car le changement de grade entraînait aussi un changement de fonction. Or, il n’était plus au contact du terrain, les systèmes avaient changé et des jeunes devaient maintenant le former. Ce qu’il avait accompli comme sergent-major, notamment dans le domaine des ressources humaines, était mis à bas, et les collaborateurs concernés étaient à nouveau désemparés.

Il avait aussi subi une perte de salaire de l’ordre de CHF 470.- par mois. Il essayait de garder sa motivation, mais cela était difficile et la situation était frustrante, d’autant que dans certains cas il lui était quand même demandé d’exécuter des missions en tant que sergent-major de fait. Il se sentait aussi prétérité par rapport à d’autres collègues qui avaient participé aux mêmes échanges et avaient eu des services hors tour. Pour lui, la sanction était fondée essentiellement sur une inadéquation des messages plus que sur la proximité avec M. C______, avec qui il avait pu discuter et boire des cafés, mais qui n’était pas un ami et avec qui il ne partait pas en vacances. À la question de savoir si sa relation avec M. C______ était plus proche qu’avec d’autres collègues, il a répondu que pour lui c’était un « contact secteur ». B______ étaient un secteur de prostitution, ce monsieur avait un réseau et par ailleurs il collaborait bien avec la police. Sa femme avait travaillé pour lui, mais d’une part il n’était pas d’accord et d’autre part à cette époque le couple ne se voyait/parlait plus. Il y avait des choses qu’elle n’avait pas envie de dire, ni de savoir, car miraculeusement ils avaient pu reconstruire leur couple et leur famille. Il avait découvert les messages qu’elle avait échangés avec M. C______ dans le cadre de la présente procédure, il en ignorait tout auparavant.

c. Les représentants du département ont réagi aux propos de M. A______ relatifs à l’humour graveleux qui avait cours à la police. Ils ont souligné que « l’affaire B______ » concernait 26 collaborateurs et qu’on ne pouvait pas retenir que tous les policiers se livraient à ce genre d’humour ou d’échange de photographies. Ils ont par ailleurs versé à la procédure, outre les photographies issues du compte « Facebook » de Mme L______, une photographie issue d’une procédure pénale ouverte contre un autre collaborateur.

d. Le juge délégué a fixé au département un délai au 1er juillet 2022 pour décrire l’utilité desdites pièces et préciser, dans la mesure du possible, le traitement réservé aux autres collaborateurs visés.

15. a. Le 1er juillet 2022, le département a fourni des explications relatives aux pièces qu’il avait produites lors de l’audience. Il avait découvert ces pièces après l’enquête administrative, de sorte qu’il n’avait pas pu les produire avant. Pour la plupart, il s’agissait de photographies issues du compte « Facebook » de Mme L______ supposées démontrer qu’un lien d’amitié unissait MM. A______ et C______. Le département a également produit une clé USB sur laquelle figure une vidéo faite par ce dernier ; issue d’une procédure pénale ouverte contre un collègue de M. A______, également supposée prouver ce lien d’amitié.

b. Le département a en outre fourni quelques explications quant aux sanctions infligées aux collègues de M. A______. Quatre sanctions disciplinaires avaient été prises, à savoir une dégradation pour une durée de quatre ans ainsi que 25, 14 et 3 services hors tours. Il tenait au surplus à la disposition exclusive de la chambre administrative les dossiers disciplinaires desdits collègues. Pour déterminer la quotité des sanctions, avait notamment été pris en compte le grade du policier concerné. Les collègues de M. A______ étaient tous appointés au moment du prononcé des sanctions. L’un deux était stagiaire gendarme au moment des faits et deux autres étaient gendarmes au moment où les faits litigieux avaient commencé.

c. Le département entendait enfin mettre un terme aux remarques humiliantes dont le recourant faisait l’objet de la part de certains collègues.

16. Le 15 juillet 2022, M. A______ a conclu à ce que l’intégralité des pièces produites par le département lors de l’audience et annexées au courrier du 1er juillet 2022 soient déclarées irrecevables.

Le département avait violé le principe de la bonne foi en invoquant pour la première fois devant l’autorité de recours des moyens de preuve qui étaient en sa possession précédemment et qu’il avait omis d’invoquer. On ne pouvait se contenter de l’affirmation selon laquelle il aurait découvert les pièces en question après la clôture de l’enquête administrative. Le compte « Facebook » de Mme L______ était accessible au département avant le début de l’enquête administrative et la procédure pénale ouverte contre le collègue de son mari était connue de lui également avant la fin de cette enquête. Son épouse n’était pour le reste pas partie à la présente procédure. Elle n’avait ni confirmé ni infirmé que ces photos provenaient de son compte « Facebook », ni le lieu où elles avaient été prises. Elle n’avait pas autorisé la production de ces photos. Le département avait ainsi violé sa vie privée. Il avait également violé son secret de fonction en produisant des pièces issues d’une procédure pénale dont lui-même n’avait pas connaissance.

Le département refusait de communiquer les décisions administratives rendues contre ses collègues, se limitant à donner quelques éléments figurant dans leurs dossiers. Ceci était contraire aux principes de la bonne foi et de l’égalité des armes dès lors qu’il était dans l’impossibilité de savoir si le principe de l’égalité de traitement avait été respecté, ce dont il doutait. Certains de ses collègues s’étaient vu infliger des sanctions plus légères, n’avaient pas été soumis à une enquête administrative alors qu’ils avaient envoyé plus de messages et qu’ils avaient fait l’objet d’une procédure pénale ce qui n’était pas son cas. Pour sa part, il n’était pas celui qui avait envoyé le plus de messages et ce n’était pas lui qui avait sorti son arme de service ou son bâton tactique. Il avait toujours reconnu que les messages qu’il avait envoyés étaient inappropriés mais on ignorait ce que ces collègues avaient déclaré lors de leurs auditions.

17. Le 15 août 2022, le département a persisté dans sa décision litigieuse et ses observations subséquentes.

Lors de l’audience, Mme L______ avait été peu coopérative, refusant parfois de répondre ou donnant des réponses confuses. Tant son attitude que les réponses contraires à la réalité qu’elle avait données, notamment lorsqu’elle prétendait que le « ______ [même prénom que A______]» dont elle parlait dans ses messages n’était pas son mari, devaient conduire à ce que ses déclarations soient écartées.

Il n’avait pas violé le principe de la bonne foi ou celui de l’égalité des armes en produisant des pièces lors de l’audience, ces pièces ne faisant que confirmer des éléments de fait déjà connus. Pour ce qui était de l’égalité de traitement, il rappelait qu’il tenait les dossiers des collègues du recourant à la disposition de la chambre administrative.

Les conséquences de la dégradation étaient limitées dans le temps puisque dans trois ans M. A______ retrouverait son précédent grade. La sanction en cause ne l’empêchait pas d’évoluer professionnellement si toutes les conditions étaient réunies. S’agissant des tâches confiées à la suite de l’exécution de la décision, il ne faisait aucun doute que le recourant serait vite capable de les maîtriser. Le cas échéant, sa hiérarchie se tenait à disposition pour le soutenir voire lui accorder une formation supplémentaire. Comme il l’alléguait, certaines tâches de sergent-major lui étaient parfois confiées mais cela relevait de la bonne entraide entre collaborateurs.

La sanction litigieuse avait eu pour conséquence que le recourant était passé d’une classe 18, position 11 à une classe 17, position 13 soit une perte annuelle de CHF 3'326.-, ou CHF 277.66 mensuels. La perte mensuelle de CHF 470.- que le recourant avait annoncée lors de l’audience était ainsi erronée. Le traitement des policiers se composait d’une part fixe et d’une part variable en lien avec les indemnités qu’ils percevaient. Ceci expliquait certaines fluctuations dans les traitements reçus indépendamment de la décision attaquée.

18. Le 2 septembre 2022, M. A______ a persisté dans ses arguments et griefs.

19. Sur ce, la cause a été gardée à juger.

20. La teneur des nombreuses pièces du dossier sera pour le surplus reprise dans la partie en droit, dans la mesure utile au traitement du recours.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2. Le recourant sollicite la production par le département des décisions administratives prononcées à l’encontre de ses collègues. À défaut de cette production, il soutient qu’il serait impossible de savoir si le principe de l’égalité de traitement a été violé. Pour sa part, l’intimé indique tenir à la disposition exclusive de la chambre de céans les dossiers disciplinaires desdits collègues.

a. Le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé de s’exprimer sur les éléments pertinents avant qu’une décision ne soit prise touchant sa situation juridique, d’avoir accès au dossier, de produire des preuves pertinentes, d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l’administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s’exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 145 I 73 consid. 7.2.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_507/2021 du 13 juin 2022 consid. 3.1). L’autorité peut cependant renoncer à procéder à des mesures d’instruction lorsque les preuves administrées lui ont permis de former sa conviction et que, procédant d’une manière non arbitraire à une appréciation anticipée des preuves qui lui sont encore proposées, elle a la certitude que ces dernières ne pourraient l’amener à modifier son opinion (ATF 145 I 167 consid. 4.1 et les références citées). En outre, il n'implique pas le droit d'être entendu oralement, ni celui d'obtenir l'audition de témoins (ATF 134 I 140 consid. 5.3 ; 130 II 425 consid. 2.1).

b. En l’espèce, l’intimé a indiqué dans son écriture du 1er juillet 2022 que quatre sanctions disciplinaires avaient été prises à l’encontre des collègues du recourant, à savoir une dégradation pour une durée de quatre ans ainsi que 25, 14 et 3 services hors tours. Il n’apparaît pour le reste nécessaire d’obtenir ni les dossiers de ces quatre collègues ni les décisions rendues à leur encontre, la question d’une éventuelle violation du principe de l’égalité de traitement pouvant être tranchée en l’état du dossier (voir infra consid. 10). Il ne sera en conséquence pas non plus procédé à l’examen d’une possible violation des principes de la bonne foi et de l’égalité des armes alléguée par le recourant.

3. L’objet du litige porte sur la conformité au droit de la décision de l’intimé prononçant la dégradation du recourant au grade de sergent-chef pour une durée de trois ans.

4. a. Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus de pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

b. En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation ; le pouvoir d’examen de la chambre de céans se limite à l’excès ou à l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/434/2021 du 20 avril 2021 consid. 2f et les références citées).

5. Se pose la question du droit applicable, les faits reprochés au recourant s’étant déroulés du mois de mars 2016 au 28 janvier 2018, voire au mois de juin 2018.

a. Fonctionnaire de police, le recourant a été soumis à la loi sur la police du 26 octobre 1957 (aLPol) et à son règlement d'application du 25 juin 2008 (aRPol). Depuis le 1er mai 2016, il est soumis à la LPol, qui a abrogé l'aLPol (art. 65 LPol), au règlement sur l'organisation de la police du 16 mars 2016 (ROPol - F 1 05.01), lequel a abrogé l'aRPol (art. 21 let. a ROPol), ainsi qu'au règlement général sur le personnel de la police du 16 mars 2016 (RGPPol - F 1 05.07). La loi générale relative au personnel de l'administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) est également applicable, sous réserve des dispositions particulières de la LPol, respectivement de l'aLPol (art. 18 al. 1 LPol ; art. 1 al. 1 let. b LPAC ; art. 26 aLPol avant le 1er mai 2016). Il a également été soumis au règlement d’application de la LPAC du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01).

b. D'une manière générale, s'appliquent aux faits dont les conséquences juridiques sont en cause, les normes en vigueur au moment où ces faits se produisent. En matière de sanctions disciplinaires, le nouveau droit s'applique s'il est plus favorable à la personne incriminée, selon le principe de la lex mitior (ATA/142/2020 du 11 février 2020 consid. 2b et les arrêts cités).

À ce propos, l’intimé expose dans la décision litigieuse, s’appuyant sur l’ATF 114 IV 1, que le nouveau droit ne doit être appliqué que s’il conduit effectivement à un résultat plus favorable au condamné. L’ancien et le nouveau droit ne peuvent être combinés. Ainsi, on ne saurait, à raison d’un seul et même état de fait, appliquer l’ancien droit pour déterminer quelle infraction a été commise et le nouveau droit pour décider si et comment l’auteur doit être puni. L’intimé poursuit et précise qu’en cas de dégradation, l’art. 36 al. 1 let. d aLPol ne prévoyait aucune limite dans la durée de cette sanction. Cette disposition était en effet rédigée en ce sens que parmi les peines disciplinaires qui pouvaient être infligées figurait la dégradation, sans autre précision. L’art. 36 al. 1 let. d LPol prévoit quant à lui que selon la gravité de la faute, peut être infligée une dégradation pour une durée déterminée. L’art. 18 al. 2 du RGPPol précise que la dégradation peut être prononcée pour une période allant de un à quatre ans. Sans être contredit sur ce point, l’intimé explique que si la dégradation litigieuse était prononcée en application de l’aLPol, le recourant, qui portait le grade de sergent-major, deviendrait sergent-chef. Toujours selon l’intimé, le grade de sergent-major n’étant pas un grade dit automatique, pour pouvoir à nouveau y accéder, il devrait postuler, passer des entretiens et serait choisi parmi plusieurs candidats. Dès lors qu’il n’existe pas de droit à une telle promotion, il n’aurait aucune assurance de pouvoir à nouveau accéder à ce grade. En appliquant la LPol pour prononcer la dégradation en cause, une durée limitée étant prévue, le recourant serait assuré de retrouver le grade de sergent major dès la fin de l’exécution de la sanction. Le nouveau droit étant plus favorable au recourant, c’est la LPol qui devrait être appliquée au cas d’espèce.

Cela dit, la chambre administrative a eu l’occasion de souligner que le nouveau droit est moins favorable à un recourant policier dès lors que la prescription est automatiquement interrompue par l’ouverture d’une procédure pénale. Le nouveau droit ne pouvant s’appliquer en tant que lex mitior, c’est donc l’ancien droit qui devrait s’appliquer (ATA/142/2020 du 11 février 2020 consid. 4a ; ATA/1581/2019 du 29 octobre 2019 consid. 4b). En l’espèce toutefois, dans la mesure où aucune procédure pénale n’a été ouverte à l’encontre le recourant, rien ne s’oppose à l’application du nouveau droit qui lui est plus favorable en raison des motifs exposés par l’intimé. Il en va de même de la compétence de prononcer la sanction disciplinaire qui est régie par le droit en vigueur au moment où celle-ci est prononcée (ATA/738/2021 du 13 juillet 2021 consid. 6d et l’arrêt cité).

6. Le recourant soutient que sa responsabilité disciplinaire serait prescrite. Il invoque un arrêt de la chambre de céans, l’ATA/142/2020 précité, et développe son grief au regard de la date à partir de laquelle la commandante a eu connaissance des faits qui lui sont reprochés.

a. Aux termes de l’art. 36 al. 1 LPol, selon la gravité de la faute, diverses sanctions disciplinaires peuvent être infligées au personnel de la police dont le blâme (let. a), les services hors tour (let. b), la réduction de traitement pour une durée déterminée (let. c), la dégradation pour une durée déterminée (let. d) ou la révocation (let. e).

La responsabilité disciplinaire se prescrit par un an après la connaissance de la violation des devoirs de service en tout cas par cinq ans après la dernière violation. La prescription est suspendue pendant la durée de l’enquête administrative, ou de l’éventuelle procédure pénale portant sur les mêmes faits (art. 36 al. 3 LPol).

Selon l’art. 37 al. 2 LPol, le chef du département est compétent pour prononcer la réduction de traitement pour une durée déterminée et la dégradation pour une durée déterminée ; la révocation est prononcée par le Conseil d’État.

b. En l’espèce, le recourant fait fausse route lorsqu’il soutient que dans l’ATA/142/2020 la chambre de céans aurait retenu que le Conseil d’État, qui avait dans cette affaire prononcé la sanction litigieuse, avait eu connaissance des faits au moment de la réception par la commandante d’une copie de la procédure pénale. En effet, au considérant 4b de cet arrêt, la chambre de céans rappelle que, concernant le dies a quo du délai de prescription, l’art. 37 al. 6 aLPol ne précise pas qui doit avoir eu connaissance de la violation et à partir de quand celle doit être considérée comme « découverte » » (arrêt du Tribunal fédéral 8C_621/2015 du 13 juin 2016 consid. 2.4, qui confirme l'ATA/652/2015 du 23 juin 2015). Le même constat s’impose dans l’application du nouveau droit, à savoir de l’art. 36 al. 3 LPol.

L’ATA/142/2020 rappelle ensuite que la chambre de céans a jugé de manière constante, dans des affaires où un fonctionnaire de police avait été sanctionné d'un blâme ou de services hors tours, que l'art. 37 al. 6 aLPol, dont la teneur est identique à l'art. 27 al. 7 LPAC, faisait référence à la connaissance des faits par la cheffe de la police - la commandante, compétente pour prononcer le blâme et les services hors tour (art. 36 al. 2 aLPol) (ATA/435/2018 du 8 mai 2018 consid. 7b ; ATA/652/2015 précité consid. 7 ; ATA/747/2014 du 23 septembre 2014 consid. 4b ; ATA/94/2013 du 19 février 2013 consid. 9 ; ATA/679/2009 du 22 décembre 2009). Plus loin, au contraire de ce que prétend le recourant, l’ATA/142/2020 retient qu’il y a lieu d'appliquer ce même principe mutatis mutandis pour le conseiller d'État chargé du département, ce dernier étant compétent pour infliger une réduction de traitement de 5 % pour une durée d'un an.

L’ATA/142/2020 se réfère ensuite à la jurisprudence du Tribunal fédéral, lequel a rappelé qu'il n'est pas insoutenable de considérer que le délai d'une année de l'art. 37 al. 6 aLPol commence à courir à partir seulement du moment où l'autorité compétente pour infliger la peine disciplinaire apprend elle-même l'existence d'une violation des devoirs de service. À la nécessité pour l'administration d'agir sans retard, on peut opposer, de manière défendable, que la prescription d'un an ne peut pas dépendre du seul comportement du supérieur hiérarchique, qui peut commettre une erreur d'appréciation sur la gravité des faits ou qui, pour d'autres motifs, tarderait à informer l'autorité compétente (arrêt du Tribunal fédéral 8C_621/2015 précité consid. 2.5).

C’était donc bien le moment où le conseiller d’État en charge du département, compétent pour prononcer la sanction litigieuse, a eu connaissance des faits qui est pertinent. Cela étant, selon le Tribunal fédéral, il est insoutenable de considérer que la prescription de l'action disciplinaire ne commencerait à courir que lorsque l'autorité compétente, qui a connaissance de la violation des devoirs de service et des motifs de la condamnation pénale, se fait envoyer le dossier complet de l'intéressé ; en effet, cette démarche ne dépend que d'elle et lui permettrait de repousser à sa guise le dies a quo de la prescription de l'action disciplinaire (arrêt du Tribunal fédéral 8D_7/2021 du 5 septembre 2022 consid. 3.4).

c. Il ressort de la procédure que, en réponse à une demande de l’enquêtrice, le département a été amené à préciser, dans un courrier du 14 mai 2021 (pièce figurant dans le classeur 4 du bordereau de l’intimé), que les premiers dossiers en lien avec « l’affaire B______ » dont la transmission avait été autorisée par le procureur général avaient été remis au département dans le courant du mois de janvier 2020 (rapport d’enquête administrative, p. 34). Une séance réunissant les représentants du département et de la police avait été fixée au 29 avril 2020. Après cette séance, le conseiller d’État avait donné son accord aux orientations préconisées pour les collaborateurs en cause, à savoir des sanctions disciplinaires relevant de la compétence de la commandante, l’ouverture d’enquêtes administratives ou l’initiation de procédures de résiliation des rapports de service. Sur cette base, l’enquêtrice a retenu que le conseilleur d’État avait eu connaissance des faits relatifs au recourant au plus tôt le 29 avril 2020. À noter que le recourant, qui n’a examiné que l’hypothèse de la prescription sous l’angle d’une connaissance des faits par la commandante, n’a pas contesté cette conclusion. L’enquêtrice avait estimé que l’arrêté du 2 septembre 2020 avait ainsi été pris dans le délai d’une année.

La question se pose toutefois de savoir s’il ne faudrait pas plutôt estimer que c’est à réception des premiers dossiers par le département que le délai a commencé à courir. On pourrait en effet considérer que, les dossiers se trouvant au département, le conseiller d’État est supposé en avoir pris connaissance tout de suite. Cela étant, même dans l’hypothèse très favorable au recourant qui voudrait que le département aurait reçu ces dossiers le 1er janvier 2020, la conclusion de l’enquêtrice serait correcte puisque l’arrêté du 2 septembre 2020 a quoi qu’il en soit été pris dans le délai d’une année. Une période de 245 jours sépare ces deux dates.

Le délai, interrompu le 2 septembre 2020, a recommencé à courir le 19 novembre 2021, jour de la remise du rapport d’enquête administrative. Une période de 104 jours sépare ce 19 novembre 2021 du jour du prononcé de la décision litigieuse le 2 mars 2022. C’est ainsi, toujours dans cette hypothèse très favorable au recourant, une période de 349 jours, et donc inférieure à une année, qui doit être prise en compte entre le 1er janvier 2020 et le 2 mars 2022.

L’action disciplinaire n’étant pas prescrite, ce grief sera écarté.

7. Le recourant soulève ensuite le grief d’une violation de la vie privée de son épouse. Il reproche au département la production dans la présente procédure des conversations « WhatsApp » entre celle-ci et M. C______. Il sollicite le retrait de ces pièces ainsi que de celles produites lors de l’audience.

a. La question d’une éventuelle violation par le département de la vie privée de l’épouse du recourant, laquelle n’est pas partie à la présente procédure, est exorbitante au présent litige, qui demeure circonscrit à l’examen de la légalité de la décision du 2 mars 2022 prononçant la dégradation du recourant.

b. Pour le reste, la production des pièces litigieuses a pour objectif de démontrer qu’un lien d’amitié liait le recourant et M. C______, voire ces deux protagonistes et l’épouse du recourant. La preuve de l’existence d’un tel lien apparaît en toute hypothèse difficile à apporter et le litige peut parfaitement être tranché en retenant la version défendue par le recourant, à savoir qu’un tel lien n’existait pas et que ses relations avec le gérant de salon de massages n’étaient que professionnelles. Le présent litige sera donc tranché sans référence aux pièces litigieuses. Il n’est dès lors pas nécessaire d’examiner l’éventuelle violation par le département du principe de la bonne foi sur ce point.

8. Le recourant soutient qu’il n’aurait pas violé ses devoirs de service.

a. Les membres du personnel sont tenus au respect de l’intérêt de l’État et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 RPAC). Ils se doivent, par leur attitude, notamment d’établir des contacts empreints de compréhension et de tact avec le public (art. 21 let. b RPAC), ainsi que de justifier et de renforcer la considération et la confiance dont la fonction publique doit être l’objet (art. 21 let. c RPAC). Ils se doivent également de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 al. 1 RPAC).

Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, un fonctionnaire, pendant et hors de son travail, a l’obligation d’adopter un comportement qui inspire le respect et qui est digne de confiance, et sa position exige qu’il s’abstienne de tout ce qui peut porter atteinte aux intérêts de l’État. Il doit en particulier s’abstenir de tout ce qui peut porter atteinte à la confiance du public dans l’intégrité de l’administration et de ses employés et qui pourrait provoquer une baisse de confiance envers l’employeur. Il est sans importance que le comportement répréhensible ait été connu ou non du public et ait attiré l’attention. Les exigences quant au comportement d’un policier excèdent celles imposées aux autres fonctionnaires. Sous peine de mettre en péril l’autorité de l’État, les fonctionnaires de police, qui sont chargés d’assurer le maintien de la sécurité et de l’ordre publics et exercent à ce titre une part importante de la puissance publique, doivent être eux-mêmes irréprochables (arrêt du Tribunal fédéral 8C_336/2019 du 9 juillet 2020 consid. 3.2.2 et les références citées).

b. Selon l’art. 1 al. 2 LPol, le personnel de la police, en tout temps, donne l’exemple de l’honneur, de l’impartialité, de la dignité et du respect des personnes et des biens. Il manifeste envers ses interlocuteurs le respect et l’écoute qu’il est également en droit d’attendre de leur part.

c. Ont notamment été versés à la procédure :

- le code de déontologie de la police genevoise dans sa version mis à jour le 1er janvier 2013 (OS DERS I 1.01) qui vise à arrêter les principes généraux dans lesquels s'inscrit l'action de la police et fixe le contexte éthique de l'activité de la police. En qualité de serviteur des lois et de l'État, le policier se doit d'avoir en tout temps et en tout lieu un comportement exemplaire, impartial et digne, respectueux de la personne humaine et des biens ;

- l’OS 1 A 1c établi par le chef de la police le 1er juin 1984 et intitulé « comportement des policiers ». Il prévoit que les fonctionnaires de police doivent se comporter avec honneur, tact et honnêteté, non seulement dans l’exercice de leur fonction, mais aussi dans leur vie privée (ch. 1). Les fonctionnaires de police revêtus d’un grade doivent être un exemple pour leurs subordonnés. Ils sont tenus de signaler à leurs supérieurs, dès qu’ils en ont connaissance, les fautes de discipline et les violations des devoirs de service commises par leurs subordonnés (ch. 2). Lorsque les fonctionnaires de police interviennent en dehors de leur service, ils doivent le faire en conformité avec tous les ordres de service (ch. 3).

d. En application de l’art. 23A RPAC, le personnel de la fonction publique qui dispose de l'accès à un téléphone, à un poste de travail informatique, à Internet, à un compte de messagerie ou à tout autre outil de communication électronique mis à disposition par l'Etat doit utiliser ces ressources à des fins professionnelles (al. 1). Leur utilisation à titre privé n'est tolérée que si elle est minime en temps et en fréquence, qu'elle n'entraîne qu'une utilisation négligeable des ressources informatiques, qu'elle ne compromet ni n'entrave l'activité professionnelle ou celle du service, qu'elle ne relève pas d'une activité lucrative privée, et qu'elle n'est ni illicite, ni contraire à la bienséance ou à la décence (al. 2).

A également été versée à la procédure la directive départementale sur le devoir de réserve dans l’usage des réseaux sociaux, mise à jour le 7 octobre 2014 rédigée par la direction juridique du département et qui prévoit, entre autres choses, que le collaborateur doit s’abstenir, dans le cadre de sa fonction mais également dans le cadre privé, de tout propos ou acte qui peut porter préjudice à l’État et doit prendre soin de s’exprimer avec le tact et la bienséance requis. Les rapports avec les administrés et partenaires doivent être empreints de respect, de disponibilité et de courtoisie. Ils doivent refléter la neutralité et l’impartialité. Le devoir de réserve est apprécié selon la responsabilité assumées par le collaborateur et sa place dans la hiérarchie. Plus celle-ci est élevée, plus l’obligation de réserve est stricte. Les fonctions de membre du corps de police et celle d’agent de détention, notamment, constituent une incarnation de la puissance publique. Les exigences relatives au comportement de celles et ceux qui les assument en sont accrues.

e. Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu’elles ne sauraient être prononcées en l’absence de faute du fonctionnaire (Ulrich HÄFELIN/Georg MÜLLER/Felix UHLMANN, Allgemeines Verwaltungsrecht, 7ème éd., 2016, n. 1515 ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, n. 2249). La notion de faute est admise de manière très large en droit disciplinaire et celle-ci peut être commise consciemment, par négligence ou par inconscience, la négligence n’ayant pas à être prévue dans une disposition expresse pour entraîner la punissabilité de l’auteur (ATA/137/2020 du 11 février 2020 ; ATA/808/2015 du 11 août 2015). La faute disciplinaire peut même être commise par méconnaissance d'une règle. Cette méconnaissance doit cependant être fautive (Gabriel BOINAY, Le droit disciplinaire dans la fonction publique et dans les professions libérales, particulièrement en Suisse romande, RJJ 1998 1-125, n. 55).

Tout agissement, manquement ou omission, dès lors qu'il est incompatible avec le comportement que l'on est en droit d'attendre de celui qui occupe une fonction ou qui exerce une activité soumise au droit disciplinaire peut engendrer une sanction. La loi ne peut pas mentionner toutes les violations possibles des devoirs professionnels ou de fonction. Le législateur est contraint de recourir à des clauses générales susceptibles de saisir tous les agissements et les attitudes qui peuvent constituer des violations de ces devoirs (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 50). Dans la fonction publique, ces normes de comportement sont contenues non seulement dans les lois, mais encore dans les cahiers des charges, les règlements et circulaires internes, les ordres de service ou même les directives verbales. Bien que nécessairement imprécises, les prescriptions disciplinaires déterminantes doivent être suffisamment claires pour que chacun puisse régler sa conduite sur elles, et puisse être à même de prévoir, à un degré raisonnable dans les circonstances de la cause, les conséquences de nature à résulter d'un acte déterminé (Gabriel BOINAY, op. cit., n. 51).

f. En l’espèce, il ressort de la décision litigieuse que son employeur reproche au recourant d’avoir échangé des messages, vidéos et images à caractère pornographique, sexuel ou érotique avec des subordonnés et une personne étrangère à la police, en l’occurrence un gérant de salon de massage. À travers les quatre groupes « WhatsApp » mis en évidence par l’enquête administrative notamment, il a participé à l’échange de plus de 4'000 messages entre le mois de mars 2016 et le mois de janvier, voire mars 2018. Une petite partie des messages cités dans la procédure a été reproduite dans la partie en fait du présent arrêt. Il est inutile d’en reproduire davantage, le recourant lui-même reconnaissant que ces messages étaient inappropriés. Il faut toutefois insister sur le fait qu’ils témoignent d’un mépris des femmes qui n’est pas compatible avec l’exercice de la fonction de policier, en particulier lorsque, comme en l’espèce, celui-ci est chargé de protéger et de recueillir les témoignages et éventuelles plaintes de travailleuses du sexe du fait de son affectation au poste B______. Le message échangé avec le gérant et dans lequel il compare l’une d’elle à une pièce de viande, ou encore ceux dans lesquels il fait état d’actes de violence envers les femmes sont de ce point de vue éloquents.

Il n’est pas contesté que le recourant occupait un grade supérieur à ceux des autres policiers mis en cause dans les groupes « WhatsApp ». S’il affirme que son cahier des charges ne détaillait aucune activité d’encadrement, cette responsabilité ne lui a pas échappé puisqu’il soutient par ailleurs qu’il aurait, sans en apporter la preuve, repris ses subordonnés oralement ou sur un autre groupe que ceux auquel appartenait le gérant. Il n’indique pas quelle mesure il aurait prise pour recadrer son subordonné qui avait diffusé l’image d’une travailleuse du sexe dans un vestiaire. Il n’apparaît pas non plus qu’il aurait recadré son subordonné qui avait, sur un groupe auquel participait le gérant, donné le nom d’un administré. Quoi qu’il en soit, il a activement participé, de manière compulsive et pendant environ deux ans à l’échange de centaines de messages dégradants et grossiers avec ses subordonnés, les encourageant ainsi à le suivre sur cette voie plutôt que leur donner l’exemple de la bonne conduite à tenir.

Il apparaît en outre que le recourant a fait peu de cas des dispositions relatives à l’usage de son téléphone professionnel ou de son devoir de réserve dans l’usage des réseaux sociaux. Il a en effet, au vu et au su d’un tiers et de ses subordonnés, passé un temps considérable à recevoir, envoyer et échanger des contenus et des commentaires sans rapport aucun avec son activité professionnelle, ceci même lorsqu’il était en service. Dans ce contexte d’usage incontrôlé de son téléphone professionnel à des fins étrangères à sa mission de policier, le recourant n’avait plus la distance nécessaire au point de révéler sur un groupe auquel appartenait le gérant le contenu d’un registre professionnel ou d’expliquer qu’il avait participé à une mission de fouille en un lieu précis.

Comme cela a été examiné plus haut, et quand bien même le contenu et la fréquence des messages échangés témoignent à tout le moins d’une certaine proximité entre eux, l’existence d’un lien d’amitié entre le recourant et le gérant ne peut facilement être démontrée. À en croire le recourant, il n’aurait eu avec le gérant que des relations professionnelles. On ne voit toutefois pas en quoi cette version lui serait d’un quelconque secours, dès lors que l'on ne saurait attribuer un quelconque caractère professionnel aux messages et échanges en cause.

Il découle de ce qui précède que son employeur était fondé à considérer que, par son comportement, le recourant a sérieusement porté préjudice à l’image de l’État ainsi qu’à la considération et à la confiance dont la fonction publique devait être l’objet. En passant des soirées arrosées dans des établissements publics du quartier B______, soit le quartier dont il avait la charge et où il pouvait facilement être reconnu, il a renforcé cette image négative, ceci même si, comme il l’affirme, il ne s’est jamais trouvé dans un état d’alcoolisation avancée. La façon dont il semble s’être accommodé de l’emploi de son épouse auprès du gérant et la légèreté avec laquelle il a complété le formulaire de demande d’augmentation de limite d’achat de la carte de crédit de son épouse, en indiquant un salaire non conforme à la réalité, ne sont pas des éléments aptes à renforcer la considération que le public doit avoir des agents de la fonction publique.

Le recourant a ainsi fautivement et de manière répétée violé ses devoirs de service. Prises dans leur ensemble, ces violations peuvent être qualifiées de particulièrement graves comme le retient, sans excès ou abus de son pouvoir d’appréciation, l’intimé dans la décision litigieuse. Le principe d’une sanction est donc acquis.

9. Le recourant conteste la quotité de la sanction en raison du temps écoulé, de ses excellents états de service, de l’absence d’antécédent disciplinaire en 19 ans d’activité, de sa prise de conscience et du fait qu’il s’est excusé pour les messages échangés. En outre, il souligne qu’aucun reproche ne lui a été fait à la suite de l’affaire en cause et que des responsabilités importantes ont continué de lui être confiées.

a. L'autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (arrêts du Tribunal fédéral 8C_292/2011 du 9 décembre 2011 consid. 6.2). La nature et la quotité de la sanction doivent être appropriées au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d'intérêt public recherchés. À cet égard, l'autorité doit tenir compte en premier lieu d'éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l'intéressé (ATA/998/2019 du 11 juin 2019 consid. 6b ; ATA/118/2016 du 9 février 2016 consid. 3a ; ATA/94/2013 du 19 février 2013 consid. 15 et la jurisprudence citée).

Traditionnellement, le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst. se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public – (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P.269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c).

b. En l’espèce, l’intimé a dûment tenu compte du fait que le recourant disposait de bons états de service et qu’il n’avait pas d’antécédents disciplinaires depuis son engagement. L’employeur a également tenu compte de l’ancienneté des faits en cause. L’intimé a estimé qu’une dégradation se justifiait car le recourant avait gravement failli à son devoir d’exemplarité et qu’il n’avait pas été en mesure de saisir l’attitude élémentaire qui était attendue de lui en tant que supérieur hiérarchique. La position défendue par l’employeur n’est pas critiquable, dès lors qu’il estime que la sanction prononcée devrait permettre au recourant de faire à nouveau ses preuves dans une fonction adaptée à ses compétences managériales et de restaurer le lien de confiance qui avait été mis à mal. Il ne ressort pas de la procédure que le recourant aurait à nouveau failli dans sa mission ou que son employeur aurait, depuis les faits litigieux, eu à se plaindre de lui. Il ne semble toutefois pas avoir encore pleinement saisi la gravité et la portée négative des actes qu’il a commis pour l’image de la fonction publique, dès lors qu’il persiste à soutenir, comme il l’a fait à l’audience, qu’il s’agissait d’humour. La sanction respecte ainsi à tout le moins le principe de la proportionnalité.

10. Le recourant se plaint enfin de la violation du principe de l’égalité de traitement dès lors que, selon lui, aucun de ses collègues faisant partie des groupes « Whatsapp » n’avait fait l’objet d’une dégradation, alors même qu’ils s’étaient montrés encore plus actifs sur ces groupes et avaient fait ou faisaient l’objet d’une procédure pénale pour ces faits.

a. La protection de l’égalité (art. 8 Cst.) et celle contre l’arbitraire (art. 9 Cst.) sont étroitement liées. Une décision viole le droit à l'égalité de traitement consacré à l’art. 8 Cst. lorsqu'elle établit des distinctions juridiques qui ne se justifient par aucun motif raisonnable au regard de la situation de fait à réglementer ou lorsqu'elle omet de faire des distinctions qui s'imposent au vu des circonstances. Cela suppose que le traitement différent ou semblable injustifié se rapporte à une situation de fait importante (ATF 142 I 195 consid. 6.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_178/2022 du 16 mars 2022 consid. 5.1). L'inégalité de traitement apparaît comme une forme particulière d'arbitraire, consistant à traiter de manière inégale ce qui devrait l'être de manière semblable ou inversement (ATF 142 I 195 consid. 6.1 ; 137 I 167 consid. 3.5 ; 129 I 346 consid. 6).

b. En l’espèce, la situation du recourant ne peut être comparée à celles des autres policiers mis en cause dans la mesure où, comme cela a été examiné plus haut, il occupait une fonction d’encadrement, les policiers en cause étant ses subordonnés. Rien ne s’opposait dès lors à ce que son cas soit traité différemment. La chambre de céans a du reste déjà jugé les cas de plusieurs policiers cantonaux et municipaux sanctionnés pour leurs relations avec M. C______, et il ressort de ces arrêts que la situation de chacun de ces policiers était différente (ATA/348/2023 du 4 avril 2023 ; ATA/117/2023 du 7 février 2023 ; ATA/1168/2022 du 22 novembre 2022 ; ATA/1082/2022 du 1er novembre 2022 ; ATA/738/2021 du 13 juillet 2021). Ce dernier grief doit dès lors être également écarté.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

11. Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'500.-, comprenant la décision sur effet suspensif, sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), qui succombe, et aucune indemnité de procédure ne sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

Le recourant et l’intimé divergent sur les conséquences financières de la sanction litigieuse. L’intimé expose par ailleurs que les traitements fluctuent indépendamment de cette sanction. Cela étant, si l'on retient le manque à gagner mensuel communiqué par l'intimé, soit CHF 277.66, sur une durée de trois ans, la valeur litigieuse – qui n'est pas abordée dans les conclusions du recours – est inférieure à CHF 15'000.-.

 

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 31 mars 2022 par Monsieur A______ contre la décision du Département de la sécurité, de la population et de la santé du 2 mars 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge de M. A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s'il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n'est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Corinne Arpin, avocate du recourant ainsi qu'au département de la sécurité, de la population et de la santé.

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mmes Payot Zen-Ruffinen, Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

S. Hüsler Enz

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :