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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/670/2022

ATA/1168/2022 du 22.11.2022 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/670/2022-FPUBL ATA/1168/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 22 novembre 2022

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Adrian Dan, avocat

contre

DÉPARTEMENT DE LA SÉCURITÉ, DE LA POPULATION ET DE LA SANTÉ



EN FAIT

1) Monsieur A______ a été engagé, le ______ 2006, en qualité de gendarme. Il a gravi les échelons et été nommé, en dernier lieu, sergent le 1er avril 2018.

2) Du 1er février 2011 au 28 février 2017, il a été affecté poste de police B______, puis à celui C______.

3) Le 15 octobre 2014, M. A______ a fait l’objet d’une mesure organisationnelle pour avoir porté, le 7 août 2014, alors qu’il patrouillait dans le quartier des Pâquis, deux badges non officiels dont l’un d’eux montrait une tête de mort sur fond de la silhouette d’une femme.

4) Le 13 juillet 2015, M. A______ a été condamné par ordonnance pénale pour abus d’autorité pour avoir porté un coup à une personne arrêtée se trouvant au sol. Par décision du 25 mai 2016, la commandante de la police a clos la procédure disciplinaire, les faits étant prescrits.

5) Les comptes rendus des entretien d’évaluation et de développement personnel (ci-après : EEDP) effectués les 31 juillet 2007, 11 octobre 2010, 28 février 2013, 26 mars 2015, 26 janvier 2017, 17 juin 2019 et 2 mars 2020 étaient globalement très bons.

6) Entre le 14 février 2006 et le 31 octobre 2019, M. A______ a reçu des félicitations de sa hiérarchie à dix-sept reprises.

7) À la suite de l’arrestation le 14 février 2019 de Monsieur D______, gérant de salons de massages aux Pâquis, poursuivi pour des délits fiscaux, l’inspection générale des services (ci-après : IGS) a adressé un rapport du 13 février 2020 au Ministère public (ci-après : MP). Les extractions du téléphone portable et des ordinateurs du prévenu avaient mis en évidence de nombreux contacts avec différents membres des services de police, tant au niveau cantonal que municipal. Certains policiers avaient des contacts étroits avec ce gérant de salons de massage. Certains échanges de messages électroniques, vidéos, photos, etc. démontraient parfois des comportements pouvant revêtir un caractère pénal ou disciplinaire.

M. A______ apparaissait dans le répertoire comme étant « Police A______ » avec trois numéros, un professionnel, un privé et une ligne qui n’était plus en service. Celui-ci avait été entendu par l’IGS le 25 septembre 2019 et le 7 février 2020 et ses réponses étaient intégrées au rapport.

8) Le 17 juin 2020, le conseiller d’État en charge du département de la sécurité, de la population et de la santé (ci-après : le département) a libéré avec effet immédiat M. A______ de son obligation de travailler, sans suppression de son traitement.

Cette décision était fondée sur le rapport de l’IGS, dont il ressortait que M. A______ entretenait une relation empreinte d’une certaine proximité avec M. D______ qu’il qualifiait d’ami et qu’il tutoyait. M. A______ lui avait demandé le numéro de téléphone de travailleuses du sexe œuvrant dans ses locaux. Il aurait transmis à M. D______ des informations couvertes par son secret de fonction, recevait des images et vidéos à caractère pornographique, tant sur son téléphone professionnel que privé, avait transmis une vidéo se moquant des personnes handicapées et passait des soirées avec des travailleuses du sexe dont certaines auraient été filmées par M. D______. M. A______ aurait gratuitement bénéficié de travaux d’électricité directement ou indirectement de la part de M. D______.

Le rapport de l’IGS retenait par ailleurs que M. A______ :

- avait usé de termes injurieux concernant un justiciable et fait un emploi métaphorique douteux de la couleur grise (entre le blanc et le noir) en rapport avec l’origine maghrébine de cette personne et sa couleur de peau ;

- avait également exercé, sans l’autorisation de sa hiérarchie, une activité rémunérée hors service en qualité de disc-jockey dans différents établissements genevois ainsi qu’une activité indépendante rémunérée en qualité de producteur de musique ;

- avait, alors qu’il était affecté au poste C______, pour pratique d’intervenir en tant que policier dans le secteur des Pâquis à la demande de M. D______ qui le sollicitait directement ou pour le rencontrer. Ses interventions pour le compte de M. D______ n’auraient pas fait l’objet de mains courantes ;

- avait entretenu une relation intime avec une travailleuse du sexe exerçant son activité dans les locaux de M. D______ ;

- avait omis de révéler des faits conformes à la vérité dans un rapport d’arrestation du 30 juillet 2016.

Il n’était pas souhaitable, en l’état de la procédure pénale et des faits connus du département, que M. A______ continue son activité au sein du corps de police, dès lors que les manquements reprochés revêtaient un haut degré de gravité et étaient de nature à compromettre, d’une part, la confiance et l’autorité qu’impliquait l’exercice de la fonction et, d’autre part, la bonne marche du service. La décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.

9) Le 1er mai 2020, M. A______ a demandé la reconsidération de la décision de suspension ainsi qu’un entretien avec la commandante de la police.

10) Le 22 mai 2020, la commandante de la police a répondu à M. A______ qu’elle ne trouvait pas opportun de le recevoir dans l’attente d’une décision pénale, les faits reprochés étant d’une gravité certaine. La suite qui serait donnée à cette affaire était en cours d’analyse.

11) Le 3 juillet 2020, M. A______ a envoyé un courrier au conseiller d’État en charge du département. Il sollicitait un entretien et souhaitait reprendre le travail. Il est notamment revenu sur les faits qui lui étaient reprochés.

12) Le 16 juillet 2020, M. A______ a exposé à nouveau sa situation au conseiller d’État en charge du département. La plupart des faits reprochés étaient anciens. Pendant ses années de service au sein du poste de police des B______ et sur recommandation de sa hiérarchie, il avait rapidement acquis la confiance des commerçants, des habitants et des travailleuses du sexe du quartier des Pâquis. Il avait mis à contribution ces sources d’informations pour garantir la sécurité des gens et aider les collègues de la gendarmerie de la police judiciaire et d’autres services à résoudre des enquêtes. À l’époque de ses débuts, il n’y avait pas de vidéo surveillance et le seul moyen d’avoir les informations était que les gens lui fassent confiance et dénoncent les comportements illégaux. Il avait réussi, au fil des années et grâce à la confiance des gens, à faire diminuer le nombre d’agressions, y compris à l’égard des travailleuses du sexe. Il avait reçu une lettre de remerciement signée par plus de cinquante femmes qui travaillaient aux Pâquis, ceci avec l’approbation de l’association Aspasie et les félicitations de la commandante. Vu leurs origines italiennes communes, il s’était rapproché de M. D______ qui était électricien. Plus tard, il avait appris qu’il possédait des appartements aux Pâquis qu’il louait à des travailleuses du sexe. On ne lui avait jamais reproché d’avoir eu des contacts avec toutes ces personnes, au contraire. Les reproches sur la façon dont il exerçait sa profession lui faisaient énormément de peine.

Lorsqu’il avait arrêté l’individu dont il avait envoyé par erreur la photo à M. D______ alors qu’il accompagnait une femme qui déposait plainte au poste de police, plutôt qu’à son collègue, il avait reçu les félicitations de sa hiérarchie.

Il s’agissait de sa seule erreur, ses téléphones professionnels et privés avaient d’ailleurs été vérifiés. Il acceptait volontiers tout travail, même purement administratif, le temps qu’une décision soit prise. Il voulait faire quelque chose d’utile pour les gens et pour ses collègues.

13) Le 24 juillet 2020, le MP a déclaré M. A______ coupable de violation du secret de fonction. Il l’a condamné à une peine pécuniaire de trente jours-amende à CHF 160.- le jour. Au vu de son antécédent – il avait été condamné en juillet 2015 par le MP à un travail d’intérêt général de quarante heures avec sursis pendant trois ans et à une amende de CHF 425.- pour abus d’autorité – le sursis ne lui était pas accordé. Le sursis accordé en juillet 2015 n’était pas révoqué, mais un avertissement formel lui était adressé, le délai d’épreuve étant prolongé.

Cette ordonnance a été communiquée à la commandante de la police.

14) Le 6 novembre 2020, à la suite de l’opposition formée par M. A______, le MP a annulé son ordonnance du 24 juillet 2020. Il a déclaré M. A______ coupable de violation du secret de fonction, l’a condamné à une peine pécuniaire de trente jours-amende à CHF 160.- le jour. Il l’a mis au bénéfice du sursis avec un délai d’épreuve fixé à trois ans. À titre de sanction immédiate, il l’a condamné à une amende de CHF 800.-, a renoncé à révoquer le sursis accordé en juillet 2015 et lui a adressé un avertissement pénal.

a. Il était reproché à M. A______ d’avoir divulgué le 21 juillet 2016 à M. D______ des informations acquises dans l’exercice de ses fonctions, soit l’identité d’un suspect, sa date de naissance, sa photographie, le fait qu’il se livrait à des déprédations et qu’il s’agissait du dossier d’une personne qui avait très souvent eu affaire à la police.

b. En sa qualité de policier soumis au secret de fonction, il avait obtenu des informations concernant un suspect ainsi que la photo de ce dernier. Il avait ensuite dévoilé à M. D______ les informations concernant ce suspect et sa photo. M. D______ avait ainsi pu prendre connaissance de l’identité de ce suspect, mais également du « palmarès » policier de ce dernier. En agissant de la sorte, M. A______ avait mis en péril l’intérêt de la collectivité à la discrétion des fonctionnaires et membres des autorités nécessaire à l’accomplissement sans entrave des tâches de l’État. Sa faute n’était pas anodine, les policiers étant avertis de leur devoir de garder le secret de fonction lorsqu’ils prêtaient serment.

15) M. A______ a été convoqué par l’état-major de la police à un entretien de service pour le 13 novembre 2020. Il serait entendu au sujet de sa proximité avec le gérant d’un salon de massage, au vu des nombreux messages échangés en utilisant son téléphone professionnel ou privé entre juin 2013 et septembre 2019, et sur les fait qu’il recevait et commentait des images ou des vidéos à caractère pornographique, qu’il avait entretenu des relations étroites avec des travailleuses du sexe et intimes avec au moins l’une d’entre elles ainsi que sur le fait d’avoir posé pour être photographié, en uniforme, avec des travailleuses du sexe. Il serait entendu également au sujet des avantages dont il avait bénéficié, en particulier de travaux d’électricité qui avaient été effectués en 2018 à son domicile privé, gratuitement et sur le fait d’avoir implicitement cautionné l’introduction en Suisse d’une arme soft air acquise en France. Serait également abordé le fait d’avoir continué à se rendre dans le quartier des Pâquis durant les heures de service alors qu’il était affecté au poste C______ et le fait que depuis plusieurs années, il avait exercé une activité accessoire rémunérée sans autorisation.

Ces faits, s’ils étaient avérés, constituaient un manquement aux devoirs du personnel et étaient susceptibles de conduire à la résiliation des rapports de service pour motif fondé.

16) Le compte rendu de l’entretien du 13 novembre 2020 a été transmis à M. A______ le 2 décembre 2020.

Les faits invoqués dans la convocation et qui ressortaient du rapport de l’IGS étaient repris en présence de Madame E______, représentante du service des ressources humaines, et du Major F______, supérieur hiérarchique de M. A______, lequel était accompagné de son conseil.

L’intéressé admettait qu’il aurait dû prendre ses distances bien avant avec M. D______, avec lequel il avait cru avoir tissé une réelle amitié. Son contact facile lui avait porté préjudice. Il était tombé, comme beaucoup de collègues, dans la stratégie de manipulation mise en place par M. D______ qui les appâtait avec pizzas, football et belles voitures. Il avait toujours fait attention, lorsqu’il était en uniforme, de rester à l’extérieur du « sex center » pour éviter des problèmes d’image notamment. Il avait eu une vraie relation avec la travailleuse du sexe prénommée G______ alors qu’il était célibataire, mais cela n’avait pas duré.

S’agissant de la violation du secret de fonction, M. A______ reconnaissait qu’il aurait dû envoyer ces informations à son collègue qui prenait la plainte ce jour-là. La personne recherchée avait agressé plusieurs femmes qui n’osaient pas déposer plainte. Lorsqu’il avait appris que l’une d’elles se trouvait au poste de police pour y déposer plainte avec M. D______, il lui avait envoyé les photos judiciaires afin d’accélérer la procédure. Il aurait dû les envoyer à son collègue.

L’activité accessoire de disc-jockey et de producteur de musique pour laquelle il avait omis de demander l’autorisation lui permettait de s’exprimer, de décompresser. Il l’exerçait notamment au H______ et au I______ et cela déjà avant de devenir policier. Le major réitérait que cette activité n’était pas en adéquation avec la fonction de policier, qu’il y avait un risque évident de mélange des genres, s’agissant d’une activité inscrite dans le « monde de la nuit ». M. A______ trouvait dommage que la police prenne trop de distance avec ce monde. Lors de ces soirées, il n’y avait jamais eu de problème et s’il y en avait eu, il aurait appelé la centrale. Il ne buvait que de l’eau.

Il avait rejoint M. D______ dans un magasin à Annemasse. Celui-ci voulait se procurer une arme soft air, comme celle qu’il possédait. Il avait dit à ce dernier qu’il pouvait la laisser à son domicile en France mais qu’il n’avait pas le droit de l’amener en Suisse. Il estimait ne pas pouvoir faire plus. Il n’avait jamais vu M. D______ en Suisse avec cette arme et s’il l’avait vue lorsqu’il était en service, il l’aurait immédiatement saisie. Mme E______ a précisé que M. D______ devait se sentir « sacrément confiant sur le fait qu’il ne risquait rien », ce qui corroborait le côté malsain de la relation entre eux.

S’agissant des vidéos pornographiques, M. A______ ne se souvenait pas du tout de celle sur laquelle on distinguait une scène pornographique diffusée sur une télévision et vue par un enfant en bas âge, il n’était pas du tout en accord avec de telles images ni avec celle qui mettait en scène un homme handicapé. Il s’en voulait de ne pas avoir réagi.

Il effectuait régulièrement des patrouilles depuis Blandonnet, en passant par la Servette, les Pâquis, Rive, Plainpalais, Lancy-Onex et retour.

C’était la première et seule fois de sa carrière longue de quinze ans qu’il avait commis une erreur. Il avait mis un terme à la proximité qu’il avait avec M. D______.

17) Le 17 décembre 2020, M. A______ a déposé des observations.

Rien n’imposait la résiliation des rapports de travail. Une discussion relative à une sanction paraissait appropriée au regard de l’ensemble des éléments du dossier et de sa carrière. Le compte-rendu devait être rectifié sur plusieurs points, notamment le fait qu’il ne figurait que sur trois photos, une fois en uniforme le 4 juillet 2013 et deux fois en civil, alors qu’il était en congé, à l’occasion de deux dîners d’anniversaire.

Les pièces de la procédure contredisaient l’affirmation qu’il « recevait et commentait des images et vidéos à caractère pornographique, tant sur son téléphone professionnel que privé ». Il n’avait pas reçu de tels contenus sur son téléphone professionnel et rien n’indiquait que même sur son téléphone privé, il commentait ces images.

Le rapport mentionnait qu’il « passait des soirées avec des travailleuses du sexe, dont certaines avaient été filmées par M. D______ ». Cette phrase était trompeuse, il n’avait passé que deux soirées, en civil, sur lesquelles il s’était expliqué. Les photos et vidéos de la soirée du 7 avril 2016, correspondaient à celle de l’un des deux anniversaires auxquels il avait assisté, en civil, alors qu’il n’était pas en service.

L’arme soft air n’avait pas été achetée en sa présence, et il n’avait jamais « cautionné » son achat contrairement à ce que mentionnait l’IGS. Si plus de trois cents messages avaient été échangés avec M. D______, c’était sur une période de près de dix ans, soit deux messages et demi par mois.

Certains éléments, qui étaient détaillés sur quatre pages, avaient été omis dans le compte rendu, alors qu’ils ressortaient pourtant des procédures pénale et administrative.

18) Le 21 avril 2021, le conseiller d’État en charge du département a ouvert une procédure de reclassement à l’encontre de M. A______. Un entretien avec les ressources humaines a eu lieu le 13 avril 2021.

19) Le 27 avril 2021, l’Union du personnel du corps de police du canton de Genève a écrit au conseiller d’État en charge du département concernant la situation de M. A______.

Les manquements reprochés à leur membre pouvaient être qualifiés comme tels ; ils devaient faire l’objet d’une procédure disciplinaire. En suivant une procédure de résiliation des rapports de service, il était impossible de tenir compte du principe de proportionnalité. Aucun téléphone professionnel n’était remis « gratuitement » à un policier puisque les policiers devaient toujours être joignables en congé et donc disponibles pour leur employeur. Les règles d’usage devaient être modifiées pour les rendre conformes au respect de la vie privée des policiers. Les photos prises avec des contribuables alors qu’il était en service et en uniforme n’étaient contraires à aucune directive ou instruction. Le président de l’association avait lui-même répondu favorablement aux personnes qui demandaient de prendre la pose avec lui, y compris durant des événements comme la « gay pride » ou la « street parade » sans savoir quelle serait l’utilisation finale des photographies.

20) Le 14 juin 2021, un entretien de clôture de la procédure de reclassement a eu lieu lors duquel M. A______ a été informé que les démarches de reclassement n’avaient pas abouti.

21) Le 24 janvier 2022, le conseiller d’État en charge du département a résilié les rapports de service de M. A______ pour inaptitude à remplir les exigences du poste avec effet au 30 avril 2022, étant précisé que la période de protection liée à l’incapacité de travail ayant débuté le 1er juin 2021, était échue le 28 novembre 2021.

Les motifs conduisant à la résiliation étaient connus depuis l’entretien de service du 13 novembre 2020 et étaient repris en détail.

La décision était déclarée exécutoire nonobstant recours.

22) Par acte mis à la poste le 24 février 2022, M. A______ a interjeté recours auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : chambre administrative) en concluant préalablement à la restitution de l’effet suspensif et à la production des sanctions prononcées à l’encontre des autres policiers dans « l'affaire L______ ». Principalement, il a conclu à l’annulation de la décision de résiliation et au prononcé de sa réintégration, subsidiairement au paiement d’une indemnité correspondant à vingt-quatre mois de son dernier traitement brut.

Il n’existait pas de motif fondé à la résiliation des rapports de service. L’intégralité des reproches constitueraient, s’ils étaient justifiés, des violations des devoirs de service, la hiérarchie ayant considéré qu’il avait commis ces actes de manière fautive. La voie de la résiliation avait été choisie à tort, et la décision n’expliquait pas quelle serait l’inaptitude à remplir les exigences du poste. Il avait été privé de faire valoir ses arguments dans le cadre d’une procédure disciplinaire, et les faits n’avaient pas été établis correctement mais repris de manière répétitive des éléments mentionnés dans le rapport de l’IGS.

Le cahier des charges de « policier 1 » du 1er avril 2017 imposait de « maintenir un contact étroit avec les différents intervenants des milieux sensibles (nuit prostitution, groupuscules idéologiques ou entités religieuses) ».

Avant « l'affaire L______ », il ne lui avait jamais été reproché d’entretenir une trop grande proximité avec M. D______ et il avait été félicité à de nombreuses reprises pour son travail d’investigation et sa capacité à trouver des informations dans un milieu difficile. Même à considérer que son comportement était fautif, se poserait la question d’une sanction appropriée.

Le nombre moyen de messages échangés avec M. D______ était d’environ deux messages et demi par mois. À titre de comparaison, un policier visé par une décision du 20 novembre 2020, lui infligeant quatorze services hors tour, en avait échangé mille deux cent trente entre le 25 juin 2015 et le 13 février 2019, soit plus de vingt-huit par mois.

La fourniture d’informations concernant des affaires de police se recoupait avec le reproche visant la transmission des informations concernant l’individu qui avait été arrêté, soit la violation du secret de fonction. Cela constituait une erreur, unique dans sa carrière et dans des circonstances particulières sur le plan humain, mais qui avait eu pour but d’aider à identifier l’auteur de violences contre lequel peu de victimes osaient déposer plainte. Il n’avait agi ni par motif égoïste ni pour favoriser M. D______.

L’utilisation du terme « gris » pour désigner un suspect l’avait été dans le cadre de son activité de policier et n’avait pas pour but de dénigrer. Le fait d’être photographié en uniforme avec des travailleuses du sexe en 2013 ne constituait pas une violation des devoirs de service. Les personnes photographiées étaient toutes habillées de manière décente et la photo ne contenait rien qui puisse être jugé contraire aux mœurs. La relation avec une travailleuse du sexe constituait une relation entre deux adultes et aucune infraction ni violation des devoirs de service n’existait. Il s’était déjà expliqué sur les détails de cette relation.

Il avait toujours payé les repas pris en compagnie de M. D______ et n’avait pas accepté d’avantages de sa part ni de celle de l’électricien qu’il lui avait présenté. Il n’avait pas cautionné que M. D______ introduise en Suisse une arme « soft air » acquise en France.

Dans la mesure où les besoins en effectifs de police en vue d’interventions étaient plus élevés au centre de la ville qu’à Blandonnet, il effectuait des patrouilles selon un certain trajet à travers la ville passant par les Pâquis. Il n’avait manqué aucune intervention n’y n’avait refusé d’en effectuer une au motif qu’il aurait été aux Pâquis.

Il n’avait jamais demandé l’autorisation pour exercer son activité accessoire. Il s’agissait d’un hobby depuis 1999 environ et il ne gagnait pas d’argent. Il utilisait un nom d’artiste sans lien avec son métier. Même si le major F______ avait indiqué qu’il n’aurait pas préavisé favorablement cette activité, d’autres policiers exerçaient de manière apparemment autorisée par le département en tant que disc-jockeys, musiciens ou artistes, certains mettant en ligne des vidéos sur la plateforme YouTube et qui s’inscrivaient également dans « le monde de la nuit ».

Il citait de nombreux exemples de policiers dont les situations étaient similaires mais dont les rapports de service n’avaient pas été résiliés. Il demandait la production de ces dossiers pour examiner la proportionnalité de la décision contestée.

Une grande partie des faits reprochés s’étaient déroulés cinq ans auparavant et étaient prescrits. L’ordonnance pénale du 6 novembre 2020 étant entrée en force, la suspension du délai de prescription relatif à la responsabilité disciplinaire avait pris fin et le délai était échu, quel que soit le dies a quo retenu.

Il avait proposé d’être réintégré à la police de l’aéroport, alternative efficace à la résiliation, s’agissant d’une ligne hiérarchique différente. En cas de refus de l’autorité intimé, une indemnité de 24 mois du dernier traitement brut devait lui être versée.

23) Par décision du 12 avril 2022, la présidence de la chambre administrative a refusé de restituer l’effet suspensif au recours (ATA/387/2022).

24) Le département a conclu au rejet du recours.

Le cahier des charges indiquait qu’un travail d’îlotage était demandé sous la forme d’un maintien d’un contact étroit avec différents intervenants des secteurs d’affectation mais n’entendait pas d'entretenir une relation d’amitié telle que celle que le recourant avait avec M. D______. Le recourant avait d’ailleurs reconnu lors de l’entretien de service que sa relation n’était pas adéquate. Les cas similaires cités, pour autant qu’ils soient véridiques, n’étaient pas identiques, seul le recourant avait cumulé les comportements établis. Des sanctions diverses avaient été prises dans les cas cités par le recourant, son grief tombant ainsi à faux.

Les différents éléments reprochés au recourant étaient ensuite repris en détail et ses arguments discutés point par point.

Les différents comportements établis étaient de nature à ébranler le rapport de confiance, et leur accumulation ainsi que la gravité de certains suffisaient à eux seuls à justifier une résiliation. Il apparaissait que le recourant n’avait toujours pas compris que les exigences d’impartialité et d’exemplarité étaient des notions de fond et non uniquement de forme.

Le choix de la voie de la résiliation des rapports de service avait été fait dès lors que les agissements du recourant ne permettaient plus la continuation des rapports de service.

25) Les 3 juin et 18 août 2022, le recourant a répliqué.

Le reproche fondamental était celui de l’existence de liens d’amitié entre un collaborateur et une personne qui exerçait une activité légale et ne faisait, à sa connaissance, l’objet d’aucune procédure. Or, ces liens étroits étaient connus de sa hiérarchie et dans un EEDP du 26 mars 2015, la hiérarchie avait loué « la qualité de son travail de proximité », « reconnu sur le secteur et par ses supérieurs ».

La critique de la relation amicale n’avait pas lieu d’être puisque rien ne permettait de dire que certaines catégories d’administrés n’étaient pas dignes d’être amis avec des policiers. Il n’y avait pas de limitation admissible aux droits d’un policier d’entretenir des relations amicales avec une personne du fait de son activité professionnelle licite. La réception sur son téléphone privé de message ne contenant rien de contraire au droit, sans d’ailleurs les avoir sollicités, n’était pas non plus problématique. Sa relation avec G______ n’était pas non plus prohibée. Les trois photographies en uniforme avec elle à l’occasion de son anniversaire était un événement unique ayant eu lieu en 2013. D’autres policiers avaient assisté et été pris en photo durant leur service à des événements avec des travailleuses du sexe, sans conséquences. À l’époque, la question de « bénéficier de travaux gratuits » contrairement à ce que tentait de dépeindre le département, ne se posait pas, s’agissant d’un ami.

Il avait estimé que la relation avec M. D______ était inadéquate après le prise de conscience faisant suite à l’audition par l’IGS lors de laquelle il avait appris que M. D______ avait utilisé la même méthode avec d’autres policiers pour devenir leur ami. Il avait alors coupé tout contact.

Dans le cas du sergent-chef déjà évoqué, la similitude des comportements reprochés était flagrante mais il avait été considéré que la continuation des rapports était possible. Seule la production des autres dossiers permettrait de comprendre la diversité des décisions et la différence de traitement.

Le major F______ était au courant depuis 2010 de son activité accessoire, et il avait été invité à plusieurs reprises. Il requérait son audition à ce sujet. Sur le plan financier, il répétait que cette activité lui coûtait plus qu’elle ne lui avait rapporté.

Il y avait eu réception d’un seul message avec du contenu pornographique et choquant sur son téléphone professionnel et d’une vidéo.

Rien ne soutenait l’hypothèse selon laquelle il aurait porté atteinte à l’image de la police auprès des administrés des Pâquis

Il avait appris récemment le cas d’un policier impliqué dans « l'affaire L______ » qui avait fait l’objet d’une dégradation durant quatre ans n et non d’une résiliation alors qu’il faisait partie des groupes WhatsApp, qui avaient échangé des messages, vidéos et photographies pornographiques avec M. D______ et avait brandi son arme en l’air pour s’amuser, alors qu’il était dans le salon de massage de M. D______, en présence de travailleuses du sexe. La scène avait été filmée. Il requérait la production de son dossier.

26) Sur ce, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

27) Le 22 septembre 2022, l’épouse du recourant a fait parvenir à la chambre administrative des témoignages d’habitants et de commerçants des Pâquis ainsi qu’une liste d’une cinquantaine de signatures de soutien au recourant visant à sa réintégration et soulignant son professionnalisme, son intégrité, le respect, la dignité et le dévouement qu’il avait démontrés pendant son temps de travail dans le quartier.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le recourant sollicite l’apport de décisions et des dossiers concernant d’autres policiers en vue d’étayer son argumentation liée à la proportionnalité de la décision.

a. Tel qu'il est garanti par l'art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101) le droit d'être entendu comprend notamment le droit pour l'intéressé d'offrir des preuves pertinentes, de prendre connaissance du dossier, d'obtenir qu'il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes, de participer à l'administration des preuves essentielles ou à tout le moins de s'exprimer sur son résultat, lorsque cela est de nature à influer sur la décision à rendre (ATF 142 III 48 consid. 4.1.1 ; 140 I 285 consid. 6.3.1). Le droit de faire administrer des preuves n'empêche cependant pas le juge de renoncer à l'administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s'il acquiert la certitude que celles-ci ne l'amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 145 I 167 consid. 4.1.) ; Le droit d'être entendu ne contient pas non plus d'obligation de discuter tous les griefs et moyens de preuve du recourant ; il suffit que le juge discute ceux qui sont pertinents pour l'issue du litige (ATF 141 III 28 consid. 3.2.4).

b. En l'espèce, les éléments essentiels de la procédure ont été transmis par les parties à l'appui de leurs écritures. Le dossier contient ainsi suffisamment d'éléments permettant à la chambre de céans de trancher le litige, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner l'apport à la procédure d'autres documents, comme cela sera exposé ci-dessous.

Il ne sera ainsi pas fait droit à la réquisition de preuves supplémentaire du recourant.

3) Le recourant estime que la résiliation des rapports de service ne reposerait sur aucun motif fondé. Il conteste notamment l’établissement et la qualification des faits retenus par l’autorité intimée comme étant des violations graves de ses devoirs de fonction.

a. Le recours devant la chambre administrative peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (art. 61 al. 2 LPA), non réalisée en l’espèce.

b. Le recourant, en sa qualité de policier, est soumis à la loi sur la police du 9 septembre 2014 (LPol - F 1 05) ainsi qu’au règlement sur l’organisation de la police du 16 mars 2016 (ROPol – F 1 05.01).

Selon l’art. 18 al. 1 LPol, le personnel de la police est soumis à la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05), et à ses dispositions d’application, sous réserve des dispositions particulières de la LPol.

c. Dans l'exécution de leur travail, les fonctionnaires se doivent notamment de remplir tous les devoirs de leur fonction consciencieusement et avec diligence (art. 22 al. 1 règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 - RPAC - B 5 05.01). Le fonctionnaire doit s'acquitter de sa tâche, dans la mesure qui correspond à ses fonctions, en respectant notamment la légalité et l'intérêt public. Il est important que le travail s'accomplisse dans une atmosphère de courtoisie réciproque, aussi bien à l'égard des collègues que des tiers. Le fonctionnaire doit par ailleurs veiller à la conformité au droit de ses actes ; il lui appartient d'informer ses supérieurs des problèmes qui pourraient poser et des éventuelles améliorations à apporter au service (Pierre MOOR/François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, Droit administratif, Volume III, 2ème éd., 2018, n° 7.3.3.1).

d. L'art. 21 RPAC prévoit que les membres du personnel se doivent, par leur attitude, d’entretenir des relations dignes et correctes avec leurs supérieurs, leurs collègues et leurs subordonnés, de permettre et faciliter la collaboration entre ces personnes (let. a), ainsi que d'établir des contacts empreints de compréhension et de tact avec le public (let. b). S'agissant des devoirs du personnel, les membres du personnel sont tenus au respect de l’intérêt de l’État et doivent s’abstenir de tout ce qui peut lui porter préjudice (art. 20 RPAC). Le fonctionnaire n’entretient pas seulement avec l’État qui l’a engagé et le rétribue les rapports d’un employé avec un employeur, mais, dans l’exercice du pouvoir public, il est tenu d’accomplir sa tâche de manière à contribuer au bon fonctionnement de l’administration et d’éviter ce qui pourrait nuire à la confiance que le public doit pouvoir lui accorder. Il lui incombe en particulier un devoir de fidélité qui s’exprime par une obligation de dignité. Cette obligation couvre tout ce qui est requis pour la correcte exécution de ses tâches (ATA/1088/2020 du 3 novembre 2020 consid. 4a). L'obligation de s'abstenir de tout acte qui pourrait porter préjudice à l'État signifie qu'aussi bien dans l'exercice de leurs tâches qu'au-dehors, le fonctionnaire doit se montrer digne de la considération et de la confiance que sa fonction officielle exige et doit avoir un comportement tel que la population puisse avoir confiance dans l'appareil administratif à qui est confiée la gestion des affaires publiques (Pierre MOOR/François BELLANGER/Thierry TANQUEREL, op. cit, n° 7.3.3.1).

e. S’agissant de la police, sa mission est d’assurer l’ordre, la sécurité et la tranquillité publics (art. 1 al. 3 lit. a LPol). En tout temps, le personnel de la police donne l’exemple de l’honneur, de l’impartialité, de la dignité et du respect des personnes et des biens (art. 1 al. 2 LPol). Le personnel de la police est tenu à un strict devoir de réserve et au secret pour toutes les informations dont il a connaissance dans l’exercice de ses fonctions, sauf exception (art. 24 al. 1 et 2 LPol). Les policiers prêtent serment de remplir avec dévouement les devoirs de leur fonction, de suivre exactement les ordres de leur hiérarchie, de dire la vérité dans les rapports de service et d’apporter à l’exécution de leurs travaux fidélité, discrétion, zèle et exactitude. Les membres du personnel de la police ne peuvent exercer une activité incompatible avec la dignité de leur fonction ou qui peut porter préjudice à l’accomplissement des devoirs de service et ils ne peuvent exercer aucune activité rémunérée sans l’autorisation du chef du département (art. 23 LPol).

S’agissant du personnel de la police, à l’époque des faits, il était notamment soumis au code de déontologie de la police genevoise du 1er août 1997 (ordre de service DERS I 1.01; ci-après: OS), mis à jour le 1er janvier 2013, qui vise à arrêter les principes généraux dans lesquels s'inscrit l'action de la police et fixe le contexte éthique de l'activité de la police. Bras armé de l'Etat, la police agit, soit en fonction de compétences originelles, soit en concours avec les autorités compétentes de par la loi; en axant son action sur le respect des normes juridiques démocratiquement acceptées, la police contribue à l'affirmation de la souveraineté de l'Etat et au respect des libertés et droits fondamentaux des citoyens; par là même, elle est la gardienne des valeurs intemporelles et universelles de notre culture (art. 1 OS). La police genevoise exécute les tâches qui lui sont imparties selon les priorités arrêtées dans le cadre des options stratégiques à moyen et long terme, respectivement des options opératives/tactiques (art. 2 OS).

Le policier se doit d’avoir en tout temps et en tout lieu un comportement exemplaire, impartial et digne, respectueux de la personne humaine et des biens. Hors service, le policier agit spontanément, dans la mesure de ses possibilités, pour prévenir la commission d’une infraction ou contribuer à l’interpellation de son auteur. Les personnes interpellées sont sous la protection de la police te doivent être traitées avec décence, conformément aux droits fondamentaux reconnus à tout homme. L’intérêt de la mission l’emporte sur l’intérêt personnel (art. 3 OS).

4) a. Dans le domaine de la prostitution, le canton de Genève a adopté la loi sur la prostitution du 17 décembre 2009 (LProst - I 2 49) notamment dans le but de garantir l’exercice de cette activité sans qu’il ne soit porté atteinte à la liberté d’action des personnes et que celles-ci ne soient pas victimes de menaces, de violences ou de pressions ou que l’on ne profite pas de leur détresse ou de leur dépendance pour les déterminer à se livrer à un acte sexuel ou d’ordre sexuel (art. 1 let. a LProst).

Parmi les instruments mis en place par la LProst figurent notamment l’obligation d’annonce auprès du groupe prostitution de la brigade des mœurs des travailleuses du sexe (art. 4 LProst) ainsi qu’une procédure d’annonce pour les exploitants de salons de massage notamment (art. 9 LProst) et la responsabilisation des tenanciers d’établissements dédiés à la prostitution avec un série d’obligations leur incombant telles que le fait de mettre à jour un registre mentionnant des informations sur les travailleuses exerçant dans leur établissement, de s’assurer que les conditions d’exercice de l’activité soient conformes à la législation, d’exploiter personnellement l’établissement ou encore d’alerter les autorités compétentes en cas d’infraction constatée.

b. L’analyse de cette loi et de ses instruments a été faite à plusieurs occasions. Ainsi, auditionnées par la commission des droits de l’Homme du Grand Conseil chargée d’étudier le rapport sur le mécanisme de coopération administrative de lutte contre la traite d’êtres humains (RD 968-A), les représentantes du Syndicat des travailleurs/euses du sexe (STTS) ont déclaré le 18 avril 2013 que la police était souvent proche des gérants des salons de massage et que cela posait problème. Un commissaire se demandait si cette proximité n’avait pas pour conséquence le silence d’éventuelles victimes. Il ne devrait jamais y avoir la moindre complicité entre les policiers et les gérants des salons. Entendu sur cette question de proximité, le chef de la police judiciaire a déclaré qu’il s’agissait de rumeurs insistantes mais fausses. Les liens entre les policiers et les gérants de salons étaient purement professionnels. Les collaborateurs qui travaillaient dans ce secteur ne devaient jamais être redevables envers qui que ce soit. Ils pouvaient prendre le café avec des gérants de salons sans pour autant qu’il y ait un lien plus étroits entre eux. La cheffe de la police a précisé que pour certaines brigades dites « sensibles » comme la brigade des mœurs, les policiers ne pouvaient pas rester dans le même service durant plus de sept ans pour éviter que des liens plus étroits ne puissent s’instaurer (RD 968-A p. 26).

Entendu sur cette question, le conseiller d’État en charge du département de l’époque a dit considérer ces liens d’amitié comme très graves s’ils s’avéraient véridiques. Il a évoqué la nécessité de vérifier que ces amitiés ne dérivaient pas. En outre, une demande allait être faite auprès de la Cour des comptes afin de lancer un audit d’évaluation quant à l’impact de la LProst (RD 968-A p. 35).

Dans le rapport n° 85 de la Cour des comptes du mois de décembre 2014 portant sur l’évaluation de la politique publique en matière de prostitution (ci-après : le rapport n° 85), la position des tenanciers des établissement dédiés à la prostitution a été mise en évidence par le fait que les travailleuses du sexe, souvent étrangères, rencontraient des difficultés à se loger et n’avaient d’autre solution que de se rabattre sur des intermédiaires, tels des responsable de salons et se retrouvaient ainsi tributaires de ces intermédiaires économiques. Cette situation de dépendance était ainsi encore plus forte car en cas de conflit avec les propriétaires des lieux ou en cas de dénonciation des abus aux autorités, les travailleuses risquaient de perdre non seulement leur place de travail mais également leur logement (rapport n° 85 p. 55 et 90).

5) a. Les faits retenus à l’encontre du recourant découlent pour la plupart de sa relation avec M. D______, gérant de salons de massage aux Pâquis. Le recourant estime que l’on ne peut lui reprocher d’avoir eu une relation d’amitié avec un commerçant du quartier auquel il était affecté, électricien, dont il ignorait, au moment où il avait fait sa connaissance, qu’il louait des appartements à des travailleuses du sexe. Par la suite, il avait toujours fait attention de ne pas être mêlé à ses affaires.

Il appert que le recourant reconnaît la plupart des faits reprochés dans le cadre de sa relation avec M. D______, mais estime que ceux-ci n’entraînent pas de violation de ses devoirs de service. Dans son analyse, le recourant omet les effets sur l’image de la police que véhiculait cette amitié, notamment auprès des travailleuses du sexe avec le risque d’effets extrêmement néfastes pour la poursuite de la politique publique en matière de lutte contre les abus dans le milieu de la prostitution. Le recourant n’est d’ailleurs pas dupe dans la mesure où il indique lui-même qu’il faisait attention – en règle générale – de ne jamais entrer en uniforme dans les locaux de M. D______.

Ainsi, en participant à un événement festif dans ces locaux avec des travailleuses du sexe sur invitation de M. D______ ou en posant pour des photographies en uniforme, ou encore en entretenant une relation intime avec une travailleuse du sexe œuvrant dans les locaux de M. D______ après avoir demandé ses coordonnées à ce dernier, son comportement était de nature à véhiculer toutes les rumeurs possibles quant aux liens entre la police et un tenancier de salon. De même, en participant à la fête d’anniversaire de M. D______, lequel l’a filmée et photographiée, le recourant prenait le risque d’être vu par les nombreux participants et que les images soient diffusées et fassent naître des rumeurs. Le recourant a d’ailleurs insisté sur le fait que cette fête s’était tenue dans des locaux privés et non publics. Il a également demandé à M. D______ qu’il ne diffuse pas une vidéo le montrant dansant de manière rapprochée avec une travailleuse du sexe.

De même, s’agissant des rumeurs que pouvait faire naître sa relation avec une travailleuse du sexe dénommée G______, locataire de M. D______, au sujet de laquelle il a échangé des messages avec celui-ci, le risque que cette relation passe pour une mise à disposition gratuite de services par M. D______ au recourant a bel et bien existé. Il en va de même pour le risque que cette affaire soit colportée auprès du public et des autres travailleuses du sexe. Cet aspect de son comportement est complètement ignoré par le recourant alors qu’il est susceptible de porter gravement atteinte à son devoir d’exemplarité et de réserve. En outre, les messages figurant au dossier s’agissant de cette relation et le fait que la personne concernée nie cette relation ne font que mettre en doute la version donnée par le recourant d’une relation réciproque. Quoi qu’il en soit, l’intérêt du recourant pour d’autres travailleuses du sexe locataires de M. D______ est démontré par les messages figurant au dossier et cet intérêt était également susceptible de mener aux mêmes rumeurs, portant atteinte à l’image de la police dans ce contexte où, comme rappelé ci-dessus, les liens entre les policiers et les tenanciers de salons nécessitaient d’être particulièrement distants et clairs afin de permettre d’assurer la protection des travailleuses du sexe voulue par le législateur.

b. S’agissant des nombreuses photos et vidéos à caractère sexuel ou pornographique, pour l’une contenant un mineur exposé à une scène pornographique et pour certaines se moquant de personnes handicapées, reçues par le recourant de la part de M. D______, sur son téléphone privé et pour certaines sur son téléphone professionnel, il faut retenir que le recourant a laissé se poursuivre ces échanges, y répondant par des émoticons notamment et ne s’en étant jamais plaint auprès de l’expéditeur ou n’ayant jamais demandé qu’il cesse ces envois.

Le dossier contient également des messages, envoyés par le recourant à M. D______ dans lesquels il tient des propos injurieux, voire racistes ou menaçants à l’égard de tiers, portant atteinte à la bienséance et à la décence.

Ce faisant, le recourant a laissé s’instaurer une complicité avec un tenancier de salons dans le secteur des Pâquis auquel il était affecté et s’est exprimé dans des termes portant une atteinte grave à l’image de la police, du moins l’exposant a ces atteintes, les échanges étant conservés par le tenancier sur son téléphone.

c. S’ajoute à ces faits, la violation du secret de fonction, qui n’est pas contestée, mais dont le recourant minimise l’importance, par l’envoi de la photographie et des données d’une personne à M. D______. Cette violation, sanctionnée par le MP, constitue une simple erreur selon le recourant et avait pour but de faciliter le dépôt de la plainte contre une personne ayant commis des actes de violence envers plusieurs travailleuses du sexe, à la connaissance du recourant. Toutefois, malgré les circonstances de la violation, il n’en reste pas moins qu’elle constitue un manquement grave à ses devoirs de service rappelés à l’art. 24 LPol, et outre la violation du secret de fonction, une violation de la loi sur l’information du public, l’accès aux documents et la protection des données personnelles du 5 octobre 2001 (LIPAD - A 2 08) notamment. Enfin, lors de son engagement, le recourant a signé un document le 1er février 2005 portant uniquement sur le secret de fonction, lui rappelant que la révélation d’informations sur les affaires de service pouvait entrainer la résiliation immédiate des rapports de service.

Le recourant a également tenté de cacher cette violation en omettant des faits dans un rapport de police rédigé lors de l’arrestation de la personne dont il avait transmis les données, violant ainsi ses devoirs. Il expose, sans le prouver, que cette omission était possible à l’époque compte tenu des exigences en matière de rédaction de rapport, ce qui a toutefois été contesté par l’autorité intimée.

Il a déjà été jugé que la violation du secret de fonction dans un domaine sensible pouvait fonder à elle seule une révocation des rapports de service (arrêt du Tribunal fédéral 8C_203/2010 du 1er mars 2011 consid. 3.5 et les références citées). Il appert ainsi que, par ces comportements, le recourant a également gravement manqué à ses devoirs.

d. Le recourant a également admis avoir développé une ou des activités accessoires de disc-jockey et de compositeur. À cet égard, le recourant admet ne pas avoir procédé à la demande exigée par la loi (art. 23 al. 2 LPol) pour toute activité accessoire, ce qui peut être retenu à sa charge comme une violation de ses devoirs de service.

En revanche, s’agissant les reproches retenus par l’autorité intimée sur le fait que cette activité, dont l’ampleur n’a d’ailleurs pas été établie, serait incompatible avec celle de policier parce que s’exerçant dans le « monde de la nuit » notamment, ne seront pas retenus à sa charge et ne s’appliquent pas non plus à celle de compositeur, débutée en novembre 2019. Le recourant a fourni trois exemples de publications sur internet de policiers ayant des activités similaires de disc-jockey ou d’artiste de musique, développées à l’insu ou avec l’accord de l’autorité intimée, laquelle ne s’est pas prononcée à ce sujet. En outre, il a notamment exposé que son activité de disc-jockey était antérieure à celle de policier et qu’elle était connue de sa hiérarchie, laquelle ne l’a pas clairement contredit sur ce point.

e. Les autres comportements encore retenus à charge du recourant dans le cadre de sa relation avec M. D______, soit l’achat par ce dernier d’une arme soft air et des travaux dont le recourant aurait bénéficié gratuitement à son domicile, qui sont en partie contestés et dont les circonstances ne sont pas complétement établies, n’ont pas besoin d’être examinés plus avant, vu ce qui va suivre.

Il en va de même des sorties du secteur de Blandonnet retenues par l’autorité intimée, le dossier ne permettant pas de connaître leur fréquence, ni l’importance de ces comportements s’agissant des patrouilles du recourant dans les autres secteurs. L’autorité intimée n’a notamment pas exposé dans quelle mesure il violait des instructions de service ce faisant.

6) Le recourant estime qu’en procédant, au vu des manquements retenus, à la résiliation des rapports de service et en renonçant ainsi à utiliser la voie disciplinaire, l’autorité intimée aurait commis un abus de droit. La décision violerait le principe de la proportionnalité puisque de nombreux policiers liés à « l'affaire L______ » auraient conservé leur poste, certains ayant uniquement été sanctionnés alors qu’ils avaient eu des comportements similaires aux siens. En outre, d’autres policiers ayant commis des violations du secret de fonction ou d’autres infractions seraient toujours en exercice.

a. L’abus de droit consiste à utiliser une institution juridique à des fins étrangères au but même de la disposition légale qui la consacre, de telle sorte que l’écart entre le droit exercé et l’intérêt qu’il est censé protéger soit manifeste (ATF 130 IV 72 consid. 2.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_658/2021 du 15 mars 2022 consid. 4.2.1).

b. L'autorité compétente peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé (art. 21 al. 3 LPAC). Elle motive sa décision. Il y a motif fondé au sens de l'art. 22 LPAC, lorsque la continuation des rapports de service n'est plus compatible avec le bon fonctionnement de l'administration, soit notamment en raison de l'insuffisance des prestations (let. a), de l'inaptitude à remplir les exigences du poste (let. b) ou de la disparition durable d'un motif d'engagement (let. c).

c. Le motif fondé, au sens de l’art. 22 LPAC, n’implique pas l’obligation pour l’employeur de démontrer que la poursuite des rapports de service est rendue difficile, mais qu’elle n’est plus compatible avec le bon fonctionnement de l’administration (ATA/712/2021 du 6 juillet 2021 consid. 5c). L’intérêt public au bon fonctionnement de l’administration cantonale, déterminant en la matière, sert de base à la notion de motif fondé, lequel est un élément objectif indépendant de la faute du membre du personnel. La résiliation pour motif fondé, qui est une mesure administrative, ne vise pas à punir, mais à adapter la composition de la fonction publique dans un service déterminé aux exigences relatives à son bon fonctionnement (ATA/493/2021 du 11 mai 2021 consid. 7a ; Mémorial du Grand Conseil 2005-2006/XI A 10420).

d. Des manquements dans le comportement de l'employé ne peuvent constituer un motif de licenciement que lorsqu'ils sont reconnaissables également pour des tiers. Il faut que le comportement de l'employé perturbe le bon fonctionnement du service ou qu'il soit propre à ébranler le rapport de confiance avec le supérieur (arrêt du Tribunal administratif fédéral A-897/2012 du 13 août 2012 consid. 6.3.2 ; Valérie DÉFAGO GAUDIN, Conflits et fonction publique : instruments, in Jean-Philippe DUNAND/Pascal MAHON [éd.], Conflits au travail, 2015, p. 161-162). En outre, le fait de minimiser à plusieurs reprises l'importance de manquements peut contribuer à rompre le lien de confiance (ATA/634/2016 du 26 juillet 2016 consid. 6).

e. L’employeur jouit d’un large pouvoir d’appréciation pour juger si les manquements d’un fonctionnaire sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de l’administration. Les rapports de service étant soumis au droit public, la résiliation est en outre assujettie au respect des principes constitutionnels, en particulier ceux de la légalité, de l’égalité de traitement, de l’interdiction de l’arbitraire et de la proportionnalité (ATA/993/2021 du 28 septembre 2021 consid. 4e ; ATA/600/2021 du 8 juin 2021 consid. 9d).

Traditionnellement, ce dernier principe exige qu'une mesure restrictive soit apte à produire les résultats escomptés et que ceux-ci ne puissent être atteints par une mesure moins incisive; en outre, il interdit toute limitation allant au-delà du but visé et il exige un rapport raisonnable entre celui-ci et les intérêts publics ou privés compromis (ATF 137 I 167 consid. 3.6 ; arrêt du Tribunal fédéral 8C_15/2019 du 3 août 2020 consid. 7.2).

L'État et les communes sont tenus, d'une part, d'agir dans l'intérêt public et, d'autre part, de prendre en considération les intérêts privés de leurs fonctionnaires. Ils doivent, dans leur politique du personnel, comparer les deux intérêts en cause. Ainsi, lorsqu'il s'agit de déterminer s'il y a de justes motifs de licenciement, il convient de comparer l'intérêt public à se séparer d'un collaborateur avec l'intérêt de ce dernier à conserver son emploi. Il faut en outre tenir compte de la nécessité de l'existence d'un rapport de confiance entre l'autorité et ses collaborateurs. Tenus, vis-à-vis de l'ensemble de la population, d'assurer le respect du droit, l'État et les communes doivent pouvoir s'en remettre sans hésiter aux fonctionnaires qu'ils chargent d'assumer leurs tâches (ATA/148/2018 du 20 février 2018 consid. 8g ; ATA/308/2017 du 21 mars 2017 consid. 6f et les arrêts cités ; Philippe BOIS, La cessation des rapports de service à l'initiative de l'employeur dans la fonction publique, RJN 1983 p. 27).

f. Dans sa jurisprudence, la chambre de céans a notamment considéré, concernant un sergent-major instructeur qui avait publié deux messages dans un groupe WhatsApp dont un à connotation sexuelle, qu’il était disproportionné de faire application de la sanction la plus lourde, à savoir un licenciement immédiat pour justes motifs (ATA/349/2019 du 2 avril 2019). Elle a considéré comme conforme à sa jurisprudence la sanction disciplinaire de sept services hors tour prononcée à l’encontre d’un gendarme appointé, sans antécédents et avec d’excellent états de service, en lien avec « l'affaire L______ » qui avait entretenu des contacts avec M. D______ et participé à un dîmer et un enterrement de vie de garçon en sa présence. L’intéressé s’était rendu compte que le tenancier n’était pas un contact particulièrement intéressant du point de vue des informations qu’il avait à lui fournir et que ce lien pouvait être problématique (ATA/738/2021 du 13 juillet 2021). Elle a estimé conforme au droit la résiliation prononcée à l’égard d’un sergent-chef, malgré de bons états de service et quelques antécédents disciplinaires, pour avoir dérobé des plants de cannabis saisis et figurant sous inventaire comme pièces à conviction. Dans cette cause, la chambre administrative avait annulé la révocation prononcée initialement par l’employeur qui consacrait un abus et un excès du pouvoir d’appréciation, notamment du fait qu’aucune enquête administrative n’ayant précédé la décision (ATA/1120/2022 du 8 novembre 2022).

g. Selon le Tribunal fédéral, la violation fautive des devoirs de service n'exclut pas le prononcé d'un licenciement pour motif fondé (dit licenciement ordinaire ou administratif). Si le principe même d'une collaboration ultérieure est remis en cause par une faute disciplinaire de manière à rendre inacceptable une continuation du rapport de service, un simple licenciement, dont les conséquences sont moins graves pour la personne concernée, peut être décidé à la place de la révocation disciplinaire, étant précisé que toute violation des devoirs de service ne saurait être sanctionnée par la voie de la révocation disciplinaire. Cette mesure revêt l'aspect d'une peine et a un caractère plus ou moins infamant. Elle s'impose surtout dans les cas où le comportement de l'agent démontre qu'il n'est plus digne de rester en fonction. Dans la pratique, la voie de la révocation disciplinaire est rarement empruntée (arrêt du Tribunal fédéral 8C_203/2010 du 1er mars 2011 consid. 3.5 ; ATA/1120/2022 précité du 8 novembre ; ATA/674/2017 du 20 juin 2017 consid. 14d ; ATA/892/2016 du 25 octobre 2016 consid. 4).

7) Au vu de ce qui précède, il ne saurait être reproché à l’autorité intimée de ne pas avoir choisi la voie disciplinaire pour sanctionner les comportements attribués au recourant, s’il était avéré qu’en l’espèce, le principe même d'une collaboration ultérieure était remis en cause par des fautes disciplinaires qui rendaient inacceptable une continuation du rapport de service.

Tel a été le cas en l’espèce, les comportements du recourant ayant conduit, selon l’autorité intimée, à la rupture du rapport de confiance. Ils sont donc susceptibles de rendre la poursuite des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de la police.

À cet égard, il faut constater, comme l’a retenu l’autorité intimée, que le recourant n’a pas pris conscience de la gravité de ses manquements, notamment quant au devoir d’exemplarité et d’atteinte à l’image de la police, et surtout quant à l’obstacle qu’ils représentent à l’accomplissement des buts de la LProst dans un quartier dans lequel exercent un grand nombre des travailleuses du sexe que la loi entend protéger. Le recourant a, de plus, indiqué que sa relation avec le tenancier de salon était purement privée et que celui-ci ne lui avait apporté aucune information utile pour ses enquêtes. Il a également indiqué avoir fait attention à cloisonner ses relations et adapter son comportement à l’égard des personnes selon qu’il était en congé ou en service, démontrant par-là que les notion d’impartialité et d’exemplarité étaient plutôt conçues comme des règles de forme et non de fond, comme l’a retenu à juste titre l’employeur.

Compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont jouit l’autorité intimée pour juger si les manquements d’un policier sont susceptibles de rendre la continuation des rapports de service incompatible avec le bon fonctionnement de la police, elle pouvait considérer, au vu de ce qui précède, que les manquements reprochés étaient graves et incompatibles avec la fonction de policier et donc de nature à rompre le rapport de confiance qui les liait. Il sera à cet égard rappelé que les exigences liées au comportement d’un policer excèdent celles imposées aux autres fonctionnaires, les premiers assurant le maintien de la sécurité et de l’ordre publics et exerçant à ce titre une part importante de la puissance publique.

C’est dès lors de manière conforme au droit que l’intimé a constaté l’existence d’un motif fondé de résiliation des rapports de service du recourant. Ce faisant, il n’a pas violé le principe de proportionnalité ou de l’égalité de traitement, la décision étant proportionnée aux buts d’intérêt public visés, soit le bon fonctionnement du corps de police, notamment dans le cadre de l’application de la LProst. La décision prend également en compte la gravité du comportement de l’intéressé et, dans une juste mesure, les bons états de service ainsi que les antécédents pénaux et disciplinaires de l’intéressé. Les autres cas évoqués par le recourant ne lui sont d’aucun secours puisque le traitement individualisé de chaque situation qu’il soulève n’implique pas, contrairement à ce que serait éventuellement un traitement indiscriminé des dossiers ou des sanctions uniformes, un soupçon de violation des principes constitutionnels invoqués.

La procédure de reclassement, qui concrétise aussi le principe de la proportionnalité (arrêt du Tribunal fédéral 8C_392/2019 du 24 août 2020 consid. 4.3.3), ne souffre d’aucune critique de la part du recourant et apparaît avoir été effectuée de manière conforme au droit, compte tenu des circonstances.

Vu ce qui précède, il appert que l’autorité intimée était en droit de résilier les rapports de service du recourant pour motifs fondés, à savoir, non pas comme retenu dans la décision pour inaptitude à remplir les exigences du poste mais, par substitution de motifs, pour insuffisance de prestation, dans le respect du délai fixé à l’art. 20 al. 3 LPAC, au vu de la rupture du lien de confiance, la poursuite des relations n’étant pas dans l’intérêt de l’État.

Entièrement mal fondé, le recours sera rejeté.

8) Vu l’issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA), qui ne peut se voir allouer d’indemnité de procédure (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 février 2022 par Monsieur A______ contre la décision du département de la sécurité, de la population et de la santé du 24 janvier 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'000.- à la charge de Monsieur A______ ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Adrian Dan, avocat du recourant, ainsi qu'au département de la sécurité, de la population et de la santé.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mme Krauskopf, M. Verniory, Mmes Lauber et McGregor, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

D. Werffeli Bastianelli

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :