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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/914/2017

ATA/435/2018 du 08.05.2018 ( FPUBL ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/914/2017-FPUBL ATA/435/2018

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 8 mai 2018

 

dans la cause

 

Monsieur A______
représenté par Me Robert Assael, avocat

contre

COMMANDANTE DE LA POLICE

 



EN FAIT

1) Par décision du 10 février 2017, Madame B______, cheffe de la police, aujourd’hui commandante de la police (ci-après : la commandante), a infligé à Monsieur A______, sous-brigadier, né le ______ 1980, quatre services hors tour.

Il avait, le 21 avril 2015, à l’intersection entre la rue de la Fontenette et la rue de Veyrier, au terme d’un contrôle routier, soumis Monsieur C______ (ci-après : l’automobiliste ou le plaignant) à une palpation de sécurité sans motif suffisant.

Le 28 avril 2015, M. A______ avait, dans le cadre de ses fonctions, faussement indiqué dans un rapport de renseignements concernant M. C______ que celui-ci ne s’était pas abstenu de conduire à la suite d’un surmenage, alors qu’il n’avait pas constaté de surmenage avant le contrôle et qu’il ne l’avait pas vu reprendre le volant par la suite.

M. C______ avait adressé un courrier à la commandante le 28 avril 2015 pour dénoncer le « comportement inapproprié » de M. A______.

Le 24 juin 2015, elle avait informé M. C______ qu’elle transmettait le dossier au Ministère public pour raison de compétence.

Par ordonnance pénale du 9 février 2016 du Ministère public, l’intéressé avait été reconnu coupable d’abus d’autorité et de faux dans les titres commis dans l’exercice de fonctions publiques et condamné à un travail d’intérêt général de trois cent soixante heures avec sursis et au paiement d’une amende de CHF 2'900.-. Le jugement du Tribunal de police du 24 janvier 2017 avait abouti au même résultat.

Une décision d’ouverture de procédure simplifiée avait été prononcée le 23 mars 2016 par la commandante. Elle avait été notifiée à l’intéressé le 7 avril 2016. Celui-ci avait été entendu, notamment par la commandante, le 12 janvier 2017. Il n’avait pas formulé d’observations dans le délai imparti.

Les faits ayant été établis à satisfaction de droit dans le cadre de la procédure pénale et le comportement de l’intéressé ayant notamment contrevenu aux ordres de service OS DERS I 1.01 « Code de déontologie de la police genevoise » et OS DERS I 2.02 « Discipline » et quand bien même les faits étaient contestés par le sous-brigadier, la faute de celui-ci revêtait une gravité certaine.

2) Par courrier du 22 février 2017, la commandante a précisé à M. A______ qu’elle avait bien compris qu’il ressentait sa décision comme une injustice.

En sa qualité d’autorité administrative, elle ne pouvait pas s’écarter sans motif pertinent du jugement pénal. L’issue de la procédure pénale restait toutefois, en l’état, incertaine, le jugement du Tribunal de police étant susceptible d’un appel. Selon la teneur de l’ancienne loi sur la police, en vigueur au moment des faits et seule applicable, seule l’ouverture d’une enquête administrative et non l’ouverture d’une procédure disciplinaire par son autorité, pouvait suspendre les délais de prescription de l’action disciplinaire. Ainsi, pour des questions de procédure, elle n’avait pas été en mesure d’attendre l’issue de la procédure pénale avant de rendre une décision administrative à son encontre. Elle proposait de suspendre l’exécution de la décision jusqu’à droit connu dans le cadre de la procédure pénale. En cas d’acquittement de l’un ou l’autre des chefs d’abus d’autorité et de faux dans les titres, elle l’inviterait à déposer une demande de révision devant son autorité.

3) Par acte du 13 mars 2017, M. A______ a interjeté recours devant la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre la décision du 10 février 2017. Il a conclu à l’annulation de la décision et à l’allocation d’une indemnité de procédure.

L’action disciplinaire était prescrite, quelle que soit la date que l’on prenne en considération comme valant « connaissance des faits » :

- le 28 avril 2015, date de la réception de la dénonciation ;

- le 13 mai 2015, date à laquelle la commandante avait transmis la dénonciation au service des contraventions dans la mesure où ledit courrier était ambigu s’agissant de l’éventuelle opposition de M. C______ à l’amende qui lui avait été infligée ;

- le 20 mai 2015, date de la réponse du service des contraventions précisant que M. C______ s’était acquitté de son amende mais que celui-ci se plaignait « davantage du comportement du policier » ;

- le 8 juin 2015, date de la note de service rédigée par M. A______ à l’attention de la commandante ;

- le 24 juin 2015, date de la transmission du dossier au Ministère public.

En tous les cas, la prescription annale était acquise au moment de la décision litigieuse du 10 février 2017. Aucune enquête administrative n’ayant été ouverte, il n’y avait pas eu de suspension de la procédure.

4) Par observations du 26 avril 2017, la commandante a conclu au rejet du recours.

L’action disciplinaire n’était pas prescrite. Ce n’était que le 16 février 2016, à la réception de l’ordonnance pénale rendue par le Ministère public le 9 février 2016, qu’elle avait été informée des faits d’une manière qui lui permettait de déterminer s’ils pouvaient constituer une violation des rapports de fonction et qui lui permettait de décider de la suite à donner au dossier, notamment sous l’angle primordial de l’ampleur des fautes commises. Avant cette date, elle ignorait si une arme avait été sortie par le recourant durant l’intervention litigieuse comme le soutenait le plaignant. Elle ignorait également qu’un rapport constatant faussement un fait ayant une portée juridique avait été rédigé par M. A______. Le complexe de faits ainsi que ses circonstances avaient dès lors été découverts dans leur complétude à réception de l’ordonnance pénale.

5) Par réplique du 29 mai 2017, le recourant a persisté dans ses conclusions. En affirmant que le « complexe de faits, ainsi que ses circonstances avaient été découverts dans leur complétude » le 16 février 2016, la commandante admettait qu’elle connaissait les principaux faits pouvant être constitutifs d’un abus d’autorité depuis 2015.

6) Par arrêt du 26 juillet 2017, la chambre pénale d’appel et de révision de la cour de justice (ci-après : CPAR) a rejeté l’appel de M. A______ contre le jugement du Tribunal de police (AARP/______/2017).

7) Lors de l’audience de comparution personnelle du 28 septembre 2017, M. A______ a précisé avoir saisi le Tribunal fédéral le 14 septembre 2017 contre l’arrêt précité. Il avait retiré sa propre plainte pénale contre M. C______ peu après l’avoir déposée. M. A______ contestait la sanction. Si elle devait être confirmée, aucun élément de sa situation personnelle ne s’opposait à son exécution. La représentante de la commandante a indiqué que la police ignorait ledit retrait. La police n’avait pas eu accès à la procédure pénale et ne demandait de « n’empêche » que très rarement en matière disciplinaire. C’était plutôt l’inspection générale des services qui le faisait parfois, quand la commandante n’était pas du tout au courant de la situation et que les faits étaient extrêmement graves.

8) La présente procédure a été suspendue dans l’attente de l’arrêt du Tribunal fédéral.

9) Par arrêt du Tribunal fédéral du 23 mars 2018 (cause 6B_1012/2017), le recours contre l’arrêt de la CPAR du 26 juillet 2017 a été rejeté dans la mesure où il était recevable.

La Cour cantonale avait estimé que même si M. C______ avait adopté une attitude moqueuse et hautaine envers les gendarmes et tenu des propos provocateurs et qu'il avait affirmé qu'il n'en resterait pas là, il n'en demeurait pas moins que le recourant n'avait pas été confronté à une menace directe de l'automobiliste. Même à supposer que celui-ci l'ait pointé du doigt et ait dit qu'il n'en resterait pas là, le comportement de ce conducteur, âgé d'une soixantaine d'années, accompagné de son épouse et qui s'apprêtait à quitter les lieux, ne dénotait aucunement une volonté de s'en prendre physiquement au recourant. Le contrôle routier étant terminé, rien ne justifiait le recours à une fouille, effectuée au demeurant de manière musclée. En recourant à un moyen de contrainte disproportionné et non adapté aux circonstances, afin de donner une leçon à un automobiliste désagréable, le recourant avait agi dans un dessein de nuire et avait abusé de ses pouvoirs. La Cour cantonale n'avait dès lors pas violé le droit fédéral en reconnaissant le recourant coupable d'abus d'autorité au sens de l'art. 312 du Code pénal suisse du 21 décembre 1937 (CP - RS 311.0).

Même si le recourant estimait qu'il pouvait, de manière crédible, ressentir que M. C______ était menaçant et que la fouille s'imposait pour des raisons de sécurité, c’était de manière convaincante que la Cour cantonale avait retenu que l'erreur sur les faits, alléguée par le recourant, ne reposait sur aucun élément crédible, dans la mesure où celui-ci était un gendarme expérimenté, accompagné d'un coéquipier, confronté à un banal contrôle routier, en plein jour, d'un couple qui ne présentait pas de danger objectif.

Il n'était pas contesté que le rapport du 28 avril 2015, rédigé par le recourant, constituait un titre au sens de l'art. 317 CP, dans la mesure où il n'était pas uniquement destiné à une utilisation interne, mais devait servir pour dénoncer un comportement jugé inapproprié. Ce rapport avait d'ailleurs été transmis au service des contraventions qui avait d'abord infligé à M. C______ une amende de CHF 300.-, avant de classer la procédure à la suite des explications fournies par l'intéressé. La Cour cantonale avait jugé que le contenu du rapport, sous la rubrique intitulée « Faits reprochés », était mensonger, étant donné qu'il mentionnait, de manière erronée, que le conducteur ne s'était pas abstenu de conduire à la suite d'un surmenage. Contrairement à ce que soutenait le recourant, le fait que, sous la rubrique du rapport intitulée « Faits constatés /actes d'enquête effectués », il avait écrit qu'il « a été indiqué [au conducteur] qu'il ne pouvait reprendre le volant, sur le principe qu'il était surmené (art. 2 de l’ordonnance sur les règles de la circulation routière du 13 novembre 1962 - OCR - RS 741.11) » ne permet pas de rétablir la vérité, soit que l'intéressé n'avait effectivement pas repris le volant. De même, l'on ne saurait reprocher à la Cour cantonale d'avoir fait preuve d'arbitraire en considérant que l'indication faite par le recourant à la fin du rapport, sous la rubrique « Destination du véhicule » que celui-ci était « resté en main d'une personne apte à conduire » ne suffisait pas pour rétablir la vérité. Le Tribunal fédéral relevait, avec la Cour cantonale, que ce rapport avait d'ailleurs précisément induit le service des contraventions en erreur, vu qu'il avait infligé une amende à M. C______ sur sa base. Le recourant savait que ce rapport, qui ne reflétait pas la réalité, pouvait être transmis à d'autres services et l'avait accepté, de sorte qu'il avait agi à tout le moins par dol éventuel. Le recourant avait commis un faux dans les titres dans l’exercice de fonctions publiques au sens de l'art. 317 ch. 1 al. 2 CP.

10) Par décision du 12 avril 2018, la présente procédure a été reprise et la cause gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 19 du règlement général sur le personnel de la police du 16 mars 2016 RGPPol - F 1 05.07 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige porte sur la conformité au droit de la décision de la commandante de la police du 10 février 2017 infligeant quatre services hors tour au recourant.

3) Le recours peut être formé pour violation du droit y compris l’excès et l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 1 let. a LPA), ainsi que pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (art. 61 al. 1 let. b LPA). Les juridictions administratives n’ont pas compétence pour apprécier l’opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi
(art. 61 al. 2 LPA).

4) a. En tant que sous-brigadier, le recourant était soumis à l’ancienne loi sur la police et l’est, depuis le 1er mai 2016, à la loi sur la police du 9 septembre 2014 (LPol - F 1 05) et aux règlement sur l’organisation de la police du 16 mars 2016 (ROPol – F 1 05.01) lequel a abrogé l’ancien règlement d’application de la loi sur la police du 25 juin 2008 (aRPol - F 1 05. 01) et le RGPPol. Il est également soumis au code de déontologie de la police genevoise, aux ordres de service OS DERS I 1.01 « Code de déontologie de la police » et OS DERS I 2.02 « Discipline ».

b. En cas de changement de règles de droit, la législation applicable reste en principe celle qui était en vigueur lors de la réalisation de l’état de fait qui doit être apprécié juridiquement ou qui a des conséquences juridiques (arrêt du Tribunal fédéral 2C_195/2016 du 26 septembre 2016 consid. 2.2.2 ; Thierry TANQUEREL, Précis de droit administratif, 2011, n. 403 ss). Toutefois, en matière de sanctions disciplinaires, le nouveau droit s'applique s'il est plus favorable à la personne incriminée, selon le principe de la lex mitior (ATA/1052/2017 du 4 juillet 2017 consid. 4 ; ATA/446/2013 du 30 juillet 2013 consid. 11 et les références citées). La LPol ne contenant pas de dispositions transitoires traitant de la question, la décision litigieuse sera donc examinée au regard des dispositions de l’aLPol et de l’aRPol, à moins que la LPol ne soit plus favorable (ATA/1052/2017 précité consid. 4).

c. Que ce soit en application de l’art. 18 al. 1 LPol ou de l’art. 26 aLPol, le personnel de la police est soumis à la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 4 décembre 1997 (LPAC - B 5 05) et à ses dispositions d’application, en particulier le règlement d’application de la loi générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements publics médicaux du 24 février 1999 (RPAC - B 5 05.01), sous réserve des dispositions particulières de la LPol, respectivement aLPol. En vertu de l’art. 18 al. 2 LPol, il est, de même, soumis à la loi concernant le traitement et les diverses prestations alloués aux membres du personnel de l’État, du pouvoir judiciaire et des établissements hospitaliers du 21 décembre 1973 (LTrait B 5 15), et à ses dispositions d’application (ATA/631/2017 du 6 juin 2017 consid. 3).

5) Le recourant fait tout d’abord valoir la prescription de l’action disciplinaire, les faits s’étant déroulés le 21 avril 2015 et la décision litigieuse ayant été prononcée le 10 février 2017.

6) a. Aux termes de l’art. 36 al. 1 LPol, qui correspond en substance à l’art. 36 al. 1 aLPol, selon la gravité de la faute, les sanctions disciplinaires suivantes peuvent être infligées au personnel de la police : le blâme (let. a), les services hors tour (let. b), la réduction de traitement pour une durée déterminée (let. c), la dégradation pour une durée déterminée, alors que l’art. 36 al. 1 aLPol ne mentionnait aucune limite de temps (let. d), et la révocation (let. e).

Le chef de la police est compétent pour prononcer le blâme et les services hors tour (art. 36 al. 2 aLPol).

b. Avant le prononcé par écrit du blâme et des services hors tour, l'intéressé doit être entendu par le chef de la police et invité à se déterminer sur les faits qui lui sont reprochés. Il peut se faire assister d'un représentant de son association professionnelle (art. 37 al. 1 aLPol). Sauf les cas de crime ou de délit, la réduction du traitement pour une durée déterminée, la dégradation et la révocation ne peuvent être prononcées sans qu'une enquête administrative, dont l'intéressé est immédiatement informé, ait été ordonnée par le chef du département et sans qu'il ait été entendu par ce magistrat. Les résultats de l'enquête et la sanction proposée sont communiqués à l'intéressé afin qu'il puisse faire valoir ses observations éventuelles (art. 37 al. 2 aLPol). Si la révocation est envisagée, le fonctionnaire de police a le droit de demander à être entendu par une délégation de trois membres du Conseil d’État (art. 37 al. 3 aLPol). Dans les cas visés aux al. 2 et 3, l’intéressé est informé dès l’ouverture de l’enquête qu’il peut se faire assister d’un représentant de son association professionnelle ou d’un avocat (art. 37
al. 4 aLPol). Le prononcé d'une peine disciplinaire autre que le blâme et les services hors tour fait l'objet d'un arrêté motivé notifié à l'intéressé, lequel indique les voies et délais de recours (art. 37 al. 5 aLPol).

La responsabilité disciplinaire se prescrit par un an après la découverte de la violation des devoirs de service et en tout cas par cinq ans après la dernière violation. La prescription est suspendue, le cas échéant, pendant la durée de l'enquête administrative (art. 37 al. 6 aLPol).

c. Le nouveau droit prévoit un régime quelque peu différent : la prescription est suspendue pendant la durée de l’enquête administrative ou de l’éventuelle procédure pénale portant sur les mêmes faits (art. 36 al. 3 LPol).

d. Le nouveau droit étant moins favorable au recourant en tant que la prescription est automatiquement interrompue par l’ouverture d’une procédure pénale, il ne peut s’appliquer en tant que lex mitior et c’est donc l’ancien droit qui s’applique, ce que les parties ne contestent pas.

7) Est en l’espèce litigieux le dies a quo du délai de prescription.

a. Concernant le dies a quo du délai de prescription, l’art. 37 al. 6 aLPol ne précise pas qui doit avoir eu connaissance de la violation et à partir de quand celle-ci doit être considérée comme étant « découverte » (arrêt du Tribunal fédéral 8C_621/2015 du 13 juin 2016 consid. 2.4, qui confirme l’ATA/652/2015 du 23 juin 2015).

b. La chambre de céans a déjà jugé de manière constante, dans des affaires où un fonctionnaire de police avait été sanctionné d'un blâme ou de services hors tours, que l’art. 37 al. 6 aLPol, dont la teneur est identique à l'art. 27 al. 7 LPAC, faisait référence à la connaissance des faits par la cheffe de la police (ATA/652/2015 du 23 juin 2015 consid. 7 ; ATA/747/2014 du 23 septembre 2014 consid. 4b ; ATA/94/2013 du 19 février 2013 consid. 9 ; ATA/679/2009 du 22 décembre 2009).

Le Tribunal fédéral a rappelé qu’il n'est pas insoutenable de considérer que le délai d'une année de l'art. 37 al. 6 aLPol commence à courir à partir seulement du moment où l'autorité compétente pour infliger la peine disciplinaire apprend elle-même l'existence d'une violation des devoirs de service (arrêt du Tribunal fédéral 8C_621/2015 précité consid. 2.5).

c. Concernant la « date de la découverte », la chambre administrative avait retenu, dans le cadre d’un accident de la circulation, que la cheffe de la police n'avait eu connaissance des circonstances de l'accident de la circulation et partant des violations aux devoirs de service que lors de la réception du rapport d'accident, le rapport de renseignement établi précédemment ne comportant que des informations principalement relatives à la vitesse du véhicule (ATA/94/2013 du 19 février 2013). De même, concernant des notes de frais établies sans droit par un cadre de la police, ce dernier avait été sanctionné par la cheffe de la police. La date de la découverte de la violation des devoirs de service correspondait à celle de la réception du rapport d’enquête administrative de l’IGS ayant permis à la cheffe de la police de prendre connaissances des faits reprochés (ATA/667/2010 du 28 septembre 2010). Dans une affaire d’homicide par négligence et d’omission de porter secours, la chambre administrative a considéré que c’était à la réception de l’acte (en l’occurrence un prononcé de la chambre d’accusation) ayant permis à la cheffe de la police de « découvrir » la violation des devoirs de service que la date de la découverte devait être arrêtée (ATA/679/2009 du 22 décembre 2009).

À l’inverse, s’agissant d’un policier qui n’était pas en service et qui roulait en état d’ébriété sur l’autoroute, la chambre de céans a jugé que la prescription était atteinte dès lors qu'un an avant le prononcé de la sanction, l’accident du recourant avait eu lieu et ses circonstances avaient été connues de la police dès ce moment, l’intéressé en ayant informé le commandant de la gendarmerie. De plus, tant l’ordonnance de condamnation du Procureur général que la décision de retrait de permis de conduire étaient définitifs (ATA/27/2012 du 17 janvier 2012 consid. 4).

d. Enfin, la chambre administrative a également considéré qu’une procédure disciplinaire, ouverte par la cheffe de la police, n’interrompait pas la prescription, seule l’enquête administrative, qui est de la compétence du chef du département de la sécurité et de l’emploi, l’interrompant conformément à l’art. 37 al. 6 2ème phrase aLPol (ATA/1222/2012 du 19 février 2013 consid. 11).

8) En l’espèce, seule une procédure disciplinaire ayant été ouverte le 23 mars 2016, aucune interruption de la prescription n’est intervenue.

En conséquence, la question litigieuse consiste à déterminer quels faits la cheffe de la police connaissaient le 10 février 2016 au plus tard, autrement dit si la commandante avait « connaissance de la violation des devoirs de service » avant l’ordonnance pénale du Ministère public du 9 février 2016, reçue le 16 février 2016.

Par courrier du 28 avril 2015 adressé à la commandante, M. C______ avait dénoncé le comportement du recourant.

Toutefois, dans trois documents, le recourant a nié avoir eu un comportement répréhensible.

Ainsi, le journal de la police comporte une description de l'événement, saisie le 22 avril 2015 par le recourant. D'après cette note, M. C______ n'avait pas respecté la signalisation lumineuse à l'intersection entre la rue de la Fontenette et l'avenue du Cardinal-Mermillod. Intercepté, le conducteur s'était immédiatement amusé de la situation sur un ton provocateur et humoristique, évoquant la présence de « dealers » et les « casses » de banques à Genève. Il avait ajouté « vous ne savez pas qui je suis ». Après avoir reçu le procès-verbal de l'amende d'ordre, alors que tous s'apprêtaient à quitter les lieux, l'automobiliste s'était montré menaçant en pointant les gendarmes du doigt et vociférant qu'il n'allait pas en rester là et qu'ils allaient avoir affaire à lui. Vu cette réaction, il avait été ordonné à M. C______ de venir à l'avant de son véhicule et de poser les mains sur le capot afin de procéder à une fouille préventive. Le conducteur avait alors poursuivi ses menaces, répétant « vous ne savez pas à qui vous avez affaire ». Invité à donner des explications, il avait rétorqué être avocat. Compte tenu de sa colère et de son attitude menaçante et intimidante, il avait été avisé qu'il ne pouvait pas reprendre le volant, vu son état de surmenage. Pour finir, son épouse, passagère de la voiture, avait repris le volant.

De même, le rapport de renseignements du 28 avril 2015, établi par le recourant et ayant pour objet « Interpellation de M. C______ suite infractions LCR. Attitude inappropriée, menaçante et intimidante de l'intéressé à l'encontre de la police », mentionne, dans la rubrique « Faits reprochés », que M. C______ « ne s'est pas abstenu de conduire suite à un surmenage ». Sous « Faits constatés », il est précisé que « comme il ne parvenait pas à se calmer, alors que le contrôle avait pris fin, il lui a été indiqué qu'il ne pouvait pas reprendre le volant, sur le principe qu'il était surmené (art. 2 OCR) ». Sous la rubrique « Destination du véhicule », le recourant a indiqué « resté en mains d'une personne apte à la conduite ».

Enfin, dans le rapport rédigé le 8 juin 2015 par le recourant à l’attention de la commandante, l’intéressé contestait la version donnée par l'automobiliste, en particulier s'agissant de certains propos ou actes que le dénonciateur lui reprochait. Le recourant lui avait demandé de présenter son permis « s'il en était porteur » et non pas « s'il en avait un » et avait mentionné une amende d'un montant de CHF 250.- et non pas de CHF 200.-, pour avoir brûlé un feu rouge. Seul son collègue Monsieur D______ avait répondu « les gens comme vous me font rire », avec respect et en soulignant la jovialité de l'automobiliste. Alors qu'ils s'apprêtaient à partir, M. C______, posté à côté de sa portière ouverte, avait d'abord pointé du doigt son collègue, qui se trouvait à l'arrière du véhicule, puis lui-même, vociférant « ça ne va pas se passer comme ça, vous aurez affaire à moi, croyez-moi ». Le contrevenant avait volontairement envenimé la situation, se montrant menaçant, si bien qu'il lui avait été demandé de ne plus faire de gestes agressifs et de se déplacer à l'avant de son véhicule et de mettre les mains sur le capot. Il avait été procédé à une palpation de sécurité, à laquelle M. C______ avait résisté, dans le but de s'assurer que l'intéressé n'était pas porteur d'un objet illicite qui pouvait leur nuire. Le recourant avait été obligé de tenir M. C______ par le col et de lui faire écarter les jambes, mais ni lui ni l'agent D______ n'avaient sorti leur arme du holster. Vu l'état d'énervement et d'excitation de l'automobiliste, il lui avait été ordonné de ne pas reprendre le volant.

Dans ces conditions, en présence de versions des faits contradictoires entre le dénonciateur et le policier, au vu de la description des faits du recourant, des obligations auxquelles sont tenues les agents de la force publique, de par la loi, les règlements et ordres de service, de la présomption que les dires d’un agent public sont conformes à la vérité, lesdits agents étant assermentés (ATA/266/2018 du 20 mars 2018 consid. 6 et les jurisprudences citées) c’est à bon droit que la commandante a attendu l’issue de la procédure devant le Ministère public avant de considérer qu’elle était dûment informée des faits.

En conséquence, la commandante a eu connaissance des faits le 16 février 2016. En prononçant la décision le 10 février 2017, l’action disciplinaire n’était pas prescrite.

9) a. Aux termes de l’art. 6 aRPol, les droits et devoirs des fonctionnaires de police sont fixés par la loi et les règlements, ainsi que par le serment et les ordres de service.

b. L’ordre de service DERS I 1.01 (ci-après : OS) du 1er août 1997, mis à jour le 1er janvier 2013, a pour objet le code de déontologie de la police, qui vise à arrêter les principes généraux dans lesquels s'inscrit l'action de la police et fixe le contexte éthique de l'activité de la police.

Bras armé de l'État, la police agit, soit en fonction de compétences originelles, soit en concours avec les autorités compétentes de par la loi. En axant son action sur le respect des normes juridiques démocratiquement acceptées, la police contribue à l'affirmation de la souveraineté de l'État et au respect des libertés et droits fondamentaux des citoyens. Par là-même, elle est la gardienne des valeurs intemporelles et universelles de notre culture (art. 1 OS).

Aux termes de l’art. 2 al. 1 OS, en qualité de serviteur des lois et de l'État, le policier se doit d'avoir en tout temps et en tout lieu un comportement exemplaire, impartial et digne, respectueux de la personne humaine et des biens (al. 1).

c. Le fonctionnaire de police qui manque à ses devoirs peut faire l'objet d'une sanction disciplinaire (art. 15 aRPol).

d. En l’espèce, le recourant a été condamné pour abus d’autorité (art. 312 CP) et faux dans les titres commis dans l’exercice de fonctions publiques (art. 317 ch. al. 2 CP). Cette condamnation est aujourd’hui définitive et exécutoire.

La chambre d’appel et de révision a retenu que « la gestion de personnes impulsives et quérulantes est le quotidien des policiers et c'est précisément dans ces circonstances que l'on est en droit d'attendre d'eux qu'ils conservent leur sang-froid. Le comportement de l'appelant s'explique d'autant moins qu'il est expérimenté, en atteste son grade de sous-brigadier. La collaboration a été médiocre et la prise de conscience n'est pas bonne, dès lors que nonobstant son expérience et ses bons états de service, l'appelant s'obstine à penser, à tort, qu'il a agi correctement » (AARP/______/2017 précité). Il n’y a aucun motif de s’écarter de cette appréciation.

Au vu des fautes commises et de leur gravité, le principe d’une sanction est fondé.

10) a. L’autorité qui inflige une sanction disciplinaire doit respecter le principe de la proportionnalité (arrêts du Tribunal fédéral 8C_292/2011 du 9 décembre 2011 consid. 6.2). Le choix de la nature et de la quotité de la sanction doit être approprié au genre et à la gravité de la violation des devoirs professionnels et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour assurer les buts d’intérêt public recherchés. À cet égard, l’autorité doit tenir compte en premier lieu d’éléments objectifs, à savoir des conséquences que la faute a entraînées pour le bon fonctionnement de la profession en cause et de facteurs subjectifs, tels que la gravité de la faute, ainsi que les mobiles et les antécédents de l’intéressé (ATA/118/2016 du 9 février 2016 consid. 3a ; ATA/94/2013 du 19 février 2013 consid. 15 et la jurisprudence citée).

En matière de sanctions disciplinaires, l’autorité dispose d’un large pouvoir d’appréciation ; le pouvoir d’examen de la chambre de céans se limite à l’excès ou à l’abus du pouvoir d’appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/118/2016 précité consid. 3a ; ATA/452/2013 du 30 juillet 2013 consid. 16 et les références citées).

b. Dans sa jurisprudence, la chambre de céans s'est notamment prononcée comme suit s'agissant de cas de service hors tour :

- quatre services hors tours ont été considérés comme peu sévères, dans le cadre d’un supérieur hiérarchique de policiers qui avaient porté à la connaissance de leur hiérarchie les faits litigieux, alors qu’il incombait audit supérieur de donner l’exemple. En outre, il s’en était pris à une personne détenue vis-à-vis de laquelle il se trouvait en position de garant, dans une situation où il n’y avait aucun motif, qu’elle qu’ait été l’état d’agitation de celle-ci, de lui porter les coups incriminés (ATA/652/2015 du 23 juin 2015) ;

- neuf services hors tours avaient été jugés cléments par la chambre de céans dans le cas d’un policier qui avait porté plusieurs coups de pied à un prévenu placé sous sa protection, coups qui avaient laissé des rougeurs et des éraflures. Le policier avait également forcé un joueur de bonneteau à avaler une boulette de papier, le menaçant de la lui faire avaler s’il ne le faisait pas lui-même. Il avait enfin donné de légers coups de pied, puis tiré l’oreille d’un individu qui dormait dans un parc. La sanction était clémente, même si l’intéressé avait connu des moments difficiles, tant sur le plan privé que professionnel, avait reconnu les faits qui lui étaient reprochés, avait pris des mesures pour éviter de les commettre à nouveau, n’avait pas d’antécédents et avait plusieurs fois exprimé des regrets (ATA/267/2013 du 30 avril 2013).

- une sanction disciplinaire de quatre services hors tour était clémente à l’encontre d’une gendarme qui, sans avoir enclenché la sirène et sans avoir attaché sa ceinture de sécurité, circulait à une vitesse extrêmement élevée, en pleine ville, de nuit et à proximité d’un hôpital. Elle avait ainsi mis en danger sa vie, et celle de son collègue, mais aussi et surtout celle du prévenu dont ils avaient la garde, de même que celle des personnes se trouvant dans le véhicule venant en sens inverse et de toutes les autres personnes croisées lors de son cheminement. Le simple fait de prendre en chasse un véhicule tout en ayant à bord un prévenu menotté constituait en soi une violation des devoirs de service. La sanction était clémente compte tenu de la gravité des faits, et malgré la prise en compte de certaines circonstances atténuantes, telles que le peu d’expérience de la recourante, la présence de son supérieur qui ne l’avait pas empêchée d’agir de la sorte, l’absence d’antécédent, ainsi que du fait qu’elle avait elle-même été blessée (ATA/94/2013 précité).

c. Compte tenu de ces considérations, il faut admettre qu’au vu des fautes commises par le recourant, à savoir un abus d’autorité et un faux dans les titres commis dans l’exercice de fonctions publiques, la sanction prononcée est proportionnée aux buts d'intérêt public visés, soit la protection des personnes se trouvant sous l'autorité des policiers, le bon fonctionnement du corps de police et la confiance que doivent pouvoir placer les citoyens dans les représentants de l'ordre. L’autorité n’a pas abusé de son large pouvoir d’appréciation en infligeant une sanction de quatre services hors tours, sanction la moins sévère après le blâme. Quand bien même l’intéressé n’a pas d’antécédents, cette sanction apparaît même très légère au vu de la gravité des deux infractions commises.

En conséquence, le recours sera rejeté.

11) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'000.- sera mis à la charge du recourant (art. 87 al. 1 LPA) et aucune indemnité de procédure ne lui sera allouée (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

 

 

 


PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 13 mars 2017 par Monsieur A______ contre la décision de la commandante de la police du 10 février 2017 ;

 


au fond :

le rejette ;

met à la charge de Monsieur A______ un émolument de CHF 1'000.- ;

dit qu’il n’est pas alloué d’indemnité de procédure ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral ;

- par la voie du recours en matière de droit public, s’il porte sur les rapports de travail entre les parties et que la valeur litigieuse n’est pas inférieure à CHF 15'000.- ;

- par la voie du recours en matière de droit public, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- et que la contestation porte sur une question juridique de principe ;

- par la voie du recours constitutionnel subsidiaire, aux conditions posées par les art. 113 ss LTF, si la valeur litigieuse est inférieure à CHF 15'000.- ;

le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, Schweizerhofquai 6, 6004 Lucerne, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à Me Robert Assaël, avocat du recourant, ainsi qu'à la commandante de la police.

Siégeant : Mme Payot Zen-Ruffinen, présidente, M. Thélin, Mme Krauskopf, MM. Pagan et Verniory, juges.


Au nom de la chambre administrative :

la greffière-juriste :

 

 

K. De Lucia

 

la présidente siégeant :

 

 

F. Payot Zen-Ruffinen

 

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :