Aller au contenu principal

Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

1 resultats
A/715/2022

ATA/667/2022 du 24.06.2022 ( PRISON ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/715/2022-PRISON ATA/667/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 juin 2022

2ème section

 

dans la cause

 

M. A______

contre

ÉTABLISSEMENT B______

 



EN FAIT

1) M. A______ est incarcéré, en exécution de peine, à l’Établissement B______ (ci-après : B______), depuis le 26 août 2021. Une éventuelle libération conditionnelle pourrait être octroyée pour le 24 août 2023 et la peine arrivera à son terme le 28 août 2024.

2) Depuis son incarcération à B______, il a fait l’objet de cinq sanctions disciplinaires.

Le 26 août 2021, il a été sanctionné d’une amende de CHF 50.- pour introduction, détention ou consommation de stupéfiants. Le 7 décembre 2021, il a été sanctionné de suppression de formation, sport, loisirs et repas en commun pour une durée d’un jour pour refus de travailler. Le 8 décembre 2021, il a été sanctionné de deux jours de cellule forte pour menaces verbales et injures répétées à l’égard d’un agent de détention, violence physique ou verbale à l’égard du personnel, des détenus ou des tiers, comportement contraire au but de l’établissement et trouble de l’ordre ou de la tranquillité. Le 30 décembre 2021, il a été sanctionné d’une amende de CHF 50.- pour introduction, détention ou consommation de stupéfiants. Le 23 mars 2022, il a été sanctionné de trois jours de cellule forte pour injures multiples et répétées envers un membre du personnel, menace d’automutilation, usage abusif de l’interphone, trouble de l’ordre ou de la tranquillité et comportement contraire au but de l’établissement.

3) M. A______ a conclu avec B______ un contrat de prestations le 3 septembre 2021 et est depuis cette date affecté à l’atelier d’évaluation. Le 16 octobre 2021, il a conclu un avenant et travaille à l’atelier emballage et cartonnage.

4) Selon les rapports d’incident des 18 et 22 février 2022, le 8 février 2022 vers 08h55, M. A______ s’était emporté avec le médecin qu’il consultait à B______ à la suite des soins qu’il avait reçus la veille aux Hôpitaux universitaires de Genève (ci-après : HUG) et à l’occasion desquels un certificat d’incapacité de travail à 100 % jusqu’au 23 mars 2022 lui avait été délivré.

Entendant le ton monter dans les locaux médicaux, les agents de conduite s’étaient approchés et l’infirmier était sorti du bureau, leur demandant de venir récupérer M. A______, qui ne voulait pas mettre fin à son entretien. En sortant du bureau, puis dans le couloir médical, celui-ci était très énervé et avait eu des mots très durs envers la docteure. Il avait ensuite été ramené en cellule sans opposer de résistance.

M. A______ avait été auditionné le 22 février 2022 à 13h20 et un avertissement écrit lui avait été notifié. Il avait refusé de signer la notification.

5) Par acte remis à la poste le 3 mars 2022, M. A______ s’est opposé auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) à cette sanction.

Elle était injuste et infondée. Il n’avait jamais insulté son médecin ni lui avait manqué de respect. Il avait seulement fait valoir ses droits. Il attendait depuis un jour et demi son traitement car il s’était cassé le bras et il avait des douleurs abominables. Les autres prisonniers disposant d’un certificat médical pour accident jouissaient d’un régime ouvert à 100 % et étaient payés à 100 %, ce qui n’était pas son cas. Il avait dit au médecin que cela était discriminatoire et injuste. Il n’était toujours payé qu’à 50 %. Il n’avait pas fait exprès de se casser le bras. Il avait déjà été sanctionné une fois à la suite d’une erreur du service médical mais n’avait pas fait recours. Il ne pouvait accepter d’être averti alors qu’il n’avait fait que réclamer d’être traité de la même façon que les autres détenus en arrêt accident à 100 %.

6) Le 14 avril 2022, B______ a conclu au rejet du recours.

Les faits s’étaient produits le 8 février 2022. Le service médical n’avait rapporté les événements que plus tard.

Les agents de détention présents sur les lieux avaient entendu le ton monter. Ils étaient prêts à intervenir lorsque l’infirmier était sorti pour leur demander de raccompagner le recourant qui ne voulait pas mettre fin à son entretien.

M. A______ s’était vu donner l’occasion de s’exprimer par écrit.

La sanction était fondée et proportionnée.

7) Le recourant n’a pas répliqué dans le délai qui lui avait été imparti au 20 mai 2022.

8) Le 31 mai 2022, les parties ont été informées que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1. Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) a. Le recourant conteste les faits et le bien-fondé de la sanction.

b. S’il fallait comprendre de son recours qu’il se plaint également de ses conditions de détention et de rémunération, les conclusions prises à ce titre devraient être déclarées irrecevables car exorbitantes à l’objet du litige.

3) a. Le droit disciplinaire est un ensemble de sanctions dont l'autorité dispose à l'égard d'une collectivité déterminée de personnes, soumises à un statut spécial ou qui, tenues par un régime particulier d'obligations, font l'objet d'une surveillance spéciale. Il se caractérise d'abord par la nature des obligations qu'il sanctionne, la justification résidant dans la nature réglementaire des relations entre l'administration et les intéressés. L'administration dispose d'un éventail de sanctions dont le choix doit respecter le principe de la proportionnalité (Pierre MOOR/Étienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, pp. 142 à 145 et la jurisprudence citée).

Les sanctions disciplinaires sont régies par les principes généraux du droit pénal, de sorte qu'elles ne sauraient être prononcées en l'absence d'une faute (ATA/719/2021 précité ; ATA/43/2019 du 15 janvier 2019 ; ATA/1108/2018 du 17 octobre 2018 et les références citées).

b. Les personnes détenues ont l'obligation de respecter les dispositions du règlement relatif aux établissements ouverts ou fermés d'exécution des peines et des sanctions disciplinaires du 25 juillet 2007 (REPSD - F 1 50.08), les instructions du directeur général de l'office cantonal de la détention, ainsi que les ordres du directeur de l'établissement et du personnel pénitentiaire (art. 42 REPSD).

Les personnes détenues doivent observer une attitude correcte à l'égard du personnel, des autres personnes détenues et des tiers (art. 43 REPSD). Il leur est notamment interdit d'exercer une violence physique ou verbale à l'égard du personnel, des autres personnes détenues et des tiers, de troubler l'ordre ou la tranquillité dans l'établissement ou les environs immédiats et, d'une façon générale, d'adopter un comportement contraire au but de l'établissement (art. 44 let. h, i et j REPSD).

c. Aux termes de l'art. 46 REPSD, si une personne détenue enfreint le REPSD ou contrevient au plan d'exécution de la sanction pénale, une sanction proportionnée à sa faute, ainsi qu'à la nature et à la gravité de l'infraction, lui est infligée (al. 1). Avant le prononcé de la sanction, la personne détenue doit être informée des faits qui lui sont reprochés et être entendue. Elle peut s'exprimer oralement ou par écrit (al. 2).

Selon l'art. 46 al. 3 REPSD, le directeur de l'établissement et son suppléant en son absence sont compétents pour prononcer : un avertissement écrit (let. a), la suppression, complète ou partielle, pour une durée maximum de trois mois, des autorisations de sortie, des loisirs, des visites et de la possibilité de disposer des ressources financières (let. b) ; l'amende jusqu'à CHF 1'000.- (let. c) ; les arrêts pour dix jours au plus (let. d). À teneur de l'art. 46 al. 7 REPSD, le directeur de l'établissement peut déléguer la compétence de prononcer ces sanctions prévues à d'autres membres du personnel gradé de l'établissement. Les modalités de la délégation sont prévues dans un ordre de service.

d. De jurisprudence constante, la chambre de céans accorde généralement valeur probante aux constatations figurant dans un rapport de police, établi par des agents assermentés sauf si des éléments permettent de s'en écarter (ATA/719/2021 précité ; ATA/1339/2018 du 11 décembre 2018 et les arrêts cités). Dès lors que les agents de détention sont également des fonctionnaires assermentés (art. 7 de la loi sur l'organisation des établissements et le statut du personnel pénitentiaires du 3 novembre 2016 - LOPP - F 1 50), le même raisonnement peut être appliqué aux rapports établis par ces derniers (ATA/36/2019 du 15 janvier 2019 ; ATA/1242/2018 du 20 novembre 2018).

e. Le principe de la proportionnalité, garanti par l'art. 5 al. 2 Cst., se compose des règles d'aptitude – qui exige que le moyen choisi soit propre à atteindre le but fixé –, de nécessité – qui impose qu'entre plusieurs moyens adaptés, l'on choisisse celui qui porte l'atteinte la moins grave aux intérêts privés – et de proportionnalité au sens étroit – qui met en balance les effets de la mesure choisie sur la situation de l'administré et le résultat escompté du point de vue de l'intérêt public (ATF 125 I 474 consid. 3 ; arrêt du Tribunal fédéral 1P. 269/2001 du 7 juin 2001 consid. 2c ; ATA/219/2020 du 25 février 2020 consid. 6d et la référence citée).

f. En matière de sanctions disciplinaires, l'autorité dispose d'un large pouvoir d'appréciation ; le pouvoir d'examen de la chambre administrative se limite à l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (art. 61 al. 2 LPA ; ATA/383/2021 du 30 mars 2021 consid. 4e; ATA/1451/2017 du 31 octobre 2017 consid. 4c).

4) a. En l'espèce, le recourant soutient qu’il n’a jamais insulté son médecin ni ne lui a manqué de respect.

Le rapport initial du 18 février 2022 et le rapport complémentaire du 22 février 2022 réclamé par le gardien-chef adjoint indiquent tous deux que le recourant était très énervé en sortant du bureau médical et le premier rapport ajoute qu’il avait eu des propos très durs à l’égard de la docteure et que l’infirmier leur avait demandé de le raccompagner.

Les dénégations générales du recourant ne sont pas propres à faire douter des témoignages concordants des agents de détention assermentés, auxquels la chambre de céans accorde de jurisprudence constante une force probante accrue. Le recourant admet par ailleurs s’être plaint durant la consultation de ses conditions de détention et de rémunération, qu’il jugeait injustes et discriminatoires, ce qui confirme à tout le moins qu’il était contrarié et s’est plaint.

Les déconvenues, et même les injustices, ne justifient pas qu’on s’emporte et qu’on s’en prenne verbalement au personnel de l’établissement de détention. Le comportement reproché est établi et correspond à une infraction aux art. 43 et 44 let. j REPSD.

b. Reste à examiner si le prononcé d’un avertissement constitue une sanction proportionnée.

L’avertissement est la plus légère des sanctions prévues par la loi. Son prononcé était justifié en l’espèce par le comportement du recourant, nécessaire pour rappeler celui-ci à une attitude plus respectueuse et à un meilleur contrôle de ses émotions et proportionné au sent strict à la gravité de sa faute, étant observé qu’il avait précédemment déjà fait l’objet de cinq sanctions disciplinaires.

Le grief sera écarté.

Mal fondé, le recours sera rejeté

5) La procédure est gratuite (art. 12 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 - RFPA - E 5 10.03). Vu l'issue du litige, il n'y a pas lieu d’allouer une indemnité de procédure
(art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 2 mars 2022 par M. A______ contre la décision de l’Établissement B______ du 22 février 2022 ;

au fond :

le rejette ;

dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure ;

dit que conformément aux art. 78 et ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière pénale ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;

communique le présent arrêt à M. A______ ainsi qu'à l'Établissement B______.

Siégeant : M. Mascotto, président, M. Verniory, Mme Payot Zen-Ruffinen, juges.

Au nom de la chambre administrative :

la greffière :

 

 

B. Specker

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

 

 

la greffière :