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Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public

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A/747/2021

ATA/555/2022 du 24.05.2022 sur JTAPI/72/2022 ( LCI ) , REJETE

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

 

POUVOIR JUDICIAIRE

A/747/2021-LCI ATA/555/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre administrative

Arrêt du 24 mai 2022

3ème section

 

dans la cause

 

Madame et Monsieur A______
représentés par Me F______, avocat

contre

 

Monsieur B______

représenté par Me Cédric Lenoir

 

et

DÉPARTEMENT DU TERRITOIRE-OAC

_________


Recours contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 janvier 2022 (JTAPI/72/2022)


EN FAIT

1) Madame et Monsieur A______, ainsi que Monsieur B______ font partie des copropriétaires de la parcelle no 4'941, plan 1______ de la commune de C______, sur laquelle un immeuble est érigé à l’adresse______. Cette parcelle est constituée en propriété par étage (PPE).

Mme et M.A______ détiennent le lot n° 2______, qui comprend un appartement au rez-de-chaussée de l'immeuble, auquel une terrasse dallée, prolongée par une cour (ou un « jardin ») orientée vers le mur et la rampe D______, est accolée. L'usage de cet espace leur est conféré par une « servitude d'usage de jardin privatif ».

M. B______ détient, depuis le 30 janvier 2020, le lot n° 3______, correspondant en particulier à l'appartement situé au-dessus, au 1er étage.

2) Cette parcelle, soit « ensemble, façades, terrasse, cour », fait l'objet d'une mesure de classement (4______) depuis le 18 décembre 1923. La fiche du recensement architectural du canton (n° 5______) y relative indique ce qui suit :

« Immeuble d'aspect plus modeste que ses voisins : l'apparence est discrète du côté des terrasses et il n'y a pas de cour d'honneur. La façade sur rue, en continuité stylistique avec les autres immeubles de la rangée, reste simple. Seul le rez-de-chaussée témoigne d'une volonté décorative, avec des panneaux sous les fenêtres, un bandeau se détachant en corniche au-dessus des percements des extrémités et la porte à clé sculptée avec imposte en fer forgé ».

Elle est par ailleurs sise dans le périmètre de la zone protégée de la Vieille-Ville et du secteur sud des anciennes fortifications (art. 28 de la loi d'application de la loi fédérale sur l'aménagement du territoire du 4 juin 1987 - LaLAT - L 1 30 - cum art. 83 ss de la loi sur les constructions et les installations diverses du 14 avril 1988 - LCI - L 5 05).

3) Le 26 mars 2012, Mme et M.A______ se sont vu délivrer une autorisation de construire DD 6______, sollicitée le 26 avril 2011 par l'intermédiaire de Monsieur E______, architecte, devant leur permettre d'ériger un couvert sur leur terrasse, à savoir une « construction basse sur cour – garde-corps devant balustrade existante ». Il s'agissait en particulier d'un couvert composé d'un panneau en verre reposant sur une structure métallique et devant être accolé à la façade de l'immeuble.

Le 15 février 2012, la commission des monuments, de la nature et des sites (ci-après : CMNS) avait émis un préavis « favorable sous réserve » : « La sous-commission [monuments et antiquités] prend connaissance du projet modifié du garde-corps métallique prévu le long du mur D______. Se référant à son préavis de consultation du 12 janvier 2012, elle en reprend les termes : « Elle prend note que la nouvelle proposition place le garde-corps bien en retrait de la balustrade en pierre, avec un écran végétal pour en cacher la vue depuis la rampe et la promenade D______. Cette intervention met en valeur la balustrade, sans en modifier la substance. La sous-commission n'a donc pas d'objection à cette intervention. D'ores et déjà, la sous-commission rappelle qu'il est nécessaire de fournir à la conservatrice cantonale des monuments, chargée du suivi de chantier, tous les détails de mise en œuvre, choix des matériaux de construction et teintes pour approbation, avant commande des travaux ».

4) Lors d'une assemblée tenue le 4 juin 2012, prenant acte du fait que « les autorisations nécessaires [avaient] été obtenues et que le projet présenté a[vait] été approuvé par le [département des constructions et des technologies de l’information - DCTI -, actuellement département du territoire ; ci-après : le département)] », les copropriétaires de la PPE ont donné leur accord à l'installation d'une barrière sécurisée et, « sous réserve de l'accord de la CMNS », d'un couvert sur la terrasse de l'appartement de Mme et M.A______.

5) Le 7 janvier 2013, M. E______ a adressé au département une « attestation globale de conformité selon l'article 7 LCI », dans laquelle il précisait que « le couvert sur terrasse sur jardin est en attente jusqu'à l'accord de la copropriété ».

6) Le 5 août 2020, le département a enregistré sous la référence DD 7______ une nouvelle demande déposée par Mme et M.A______, par l'intermédiaire de M. E______, portant sur un objet similaire, à savoir un « couvert sur terrasse », de dimension plus modeste, à savoir 20 cm en largeur et 15 cm en profondeur en moins. Ce dernier précisait : « Cette demande ne reprend qu'en partie l'autorisation DD 6______. En effet, cette dernière n'a pu qu'être partiellement réalisée car le couvert sur terrasse était en attente d'un accord de la copropriété, comme indiqué sur l'attestation globale de conformité du 07.02.2013. Aujourd'hui, l'accord a été donné par la copropriété et il s'agit dès lors de renouveler cette autorisation à l'identique de l'initiale ».

À teneur d'une facture d'acompte adressée le 20 juillet 2020 à M. E______ par l'entreprise de serrurerie devant réaliser les travaux, la structure dudit couvert, aux dimensions de 6800 x 2800 mm, composée de six traverses de soutien en fer reposant sur un tube en acier et de deux piliers en acier, devait être fixée directement contre les murs « avec un fer plat de 120/60 mm ». Le corps de l'installation devait être composé de verres feuilletés (« imitation verre armé »).

7) Dans le cadre de l’instruction de cette demande, des préavis favorables ont été rendus par la direction des autorisations de construire, sans observation le 6 août 2020, la direction de l'information du territoire, sous la condition « Obligation de mise à jour du plan du Registre foncier » le 11 août 2020, l'office cantonal de l'eau, sous conditions, le 17 août 2020, et à cette même date, le service compétent de l’office de l’urbanisme, sans observation, la Ville de Genève (ci-après : la ville), le 21 septembre 2020, sous la condition « Au regard de la protection patrimoniale du site (4______), le projet devra être accompagné par la Conservatrice cantonale ».

8) Le 28 août 2020, M. B______ a fait part au département de son opposition à ce projet.

9) Le 1er septembre 2020, la CMNS s'est déclarée défavorable. Elle « [prenait] connaissance d'un projet de couvert vitré au rez-de-chaussée de l'immeuble classé, sis______. À l'analyse des documents fournis, [elle] compren[ait] qu'il s'agit de l'installation d'une structure métallique recouverte de vitrages, devant la façade donnant sur la terrasse du mur D______. Ces travaux [avaient] fait l'objet d'une autorisation de construire DD 6______, en force depuis le 26 mars 2012, mais close par non-réalisation. La commission, très attentive à ce site emblématique qu'[était] le mur D______ et les façades des immeubles prestigieux de la rue ______, réexamin[ait] la demande, et constat[ait] qu'elle n'[était], de fait, pas acceptable : en se référant à l'art. 88 de la LCI, elle rappel[ait] que son but [était] d'améliorer l'aménagement des cours et jardins en libérant ceux-ci de toute construction pérenne. Il s'agi[ssait] aussi d'assurer une unité dans le traitement du front de façades de la rue______, même celles qui se situ[aient] en deuxième front, comme celle de______. Elle s'exprim[ait] donc défavorablement à cette installation fixe ».

10) Le 26 octobre 2020, le département a adressé un courrier à M. E______ dont la teneur était la suivante : « Suite à l'examen des documents et préavis reçus, il ressort que votre projet doit être modifié pour être conforme aux dispositions légales comme suit :

- CMNS du 01/09/2020 pour information et détermination sur la suite à donner à cette affaire

La présente communication suspend le délai de réponse fixé par l'art. 4, al. 3 de la loi sur les constructions et les installations diverses, du 14 avril 1988 ».

11) Le 3 novembre 2020, Mme et M.A______ ont indiqué au département qu'ils maintenaient leur requête, lui demandant de ne pas tenir compte du préavis défavorable de la CMNS et d'accorder l'autorisation sollicitée, comme cela avait été le cas de la DD 6______. En substance, ils se sont prévalus du préavis de la CMNS « du 15 juin 2011 », de l'absence de modification de la législation, de la règlementation voire de la jurisprudence entre 2011 et 2020 qui eût pu expliquer le revirement de la CMNS. Ils étaient en droit de considérer que les organes de l'État agiraient dans le respect de la décision précédente.

12) Le département a soumis cette prise de position à la CMNS, afin qu'elle se prononce à nouveau. Cette dernière ne s'est pas manifestée.

En revanche, le 14 décembre 2020, la conservatrice cantonale des monuments a adressé un préavis au département, sur formule à l'en-tête du service des monuments et des sites (ci-après : SMS), aux termes duquel elle se déclarait favorable au projet :

« Vu le préavis défavorable émis par la CMNS lors de sa séance du 1er septembre 2020,

« Considérant les précisions données par courrier à l'OAC par Me F______, avocat mandaté,

« La conservatrice cantonale reprend l'analyse du projet de couvert vitré situé au rez-de-chaussée et devant la façade côté D______ de l'immeuble classé, sis rue ______

« S'agissant de l'installation d'une structure métallique recouverte de vitrages devant prendre place sur la terrasse côté jardin, la commission s'est référée à l'art. 88 de la LCI, dont le but est d'améliorer l'aménagement des cours et jardins en libérant ceux-ci de toute construction pérenne. Elle souhaitait ainsi assurer une unité dans le traitement du front de façades de la rue______, y compris celles qui se situent en retrait, comme c'est le cas pour la rue des______.

« Or, ces travaux ont fait l'objet d'une autorisation de construire DD 6______, en force depuis le 26 mars 2012, mais close par non-réalisation.

« Tenant compte des antécédents à ce dossier, la conservatrice cantonale des monuments, en charge du patrimoine classé, s'exprime favorablement à cette installation sous réserve que :

« - la structure soit très légère et indépendante de la façade

« - toutes les précautions soient prises pour ne pas avoir de rejaillissements d'eau, ni de coulures sur la façade en pierre. Pour ce faire, prévoir un chéneau encaissé et une légère pente de la toiture en verre

« - le couvert demeure totalement ouvert sur l'ensemble des faces verticales ».

13) Le 1er février 2021, le département a délivré l’autorisation DD 7______, qui a été publiée dans la feuille d’avis officielle de la République et canton de Genève (FAO) du même jour. Cette décision indique que les conditions figurant dans les préavis de la « Commission des monuments, de la nature et des sites du 14.12.2020 », de l'office cantonal de l'eau et de la direction de l'information du territoire, devraient être strictement respectées et faisaient partie intégrante de l’autorisation (ch. 4).

14) Par acte du 1er mars 2021, M. B______ a recouru auprès du Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) contre cette décision d’autorisation, dont il a requis l'annulation, sous suite de frais et dépens, sollicitant à titre préalable l'audition d'un représentant de la CMNS, « autre que la conservatrice cantonale », et l'exécution d’un transport sur place.

La conservatrice cantonale, qui avait outrepassé ses compétences, ne jouissait d'aucune attribution légale pour rendre seule un préavis propre à renverser celui de la CMNS dans sa composition collégiale, comptant des représentants de divers milieux professionnels, politiques ou associatifs, de sorte que son préavis devait être considéré comme nul et non avenu.

Le département aurait dû suivre le préavis défavorable de la CMNS. Celle-ci était bien consciente du fait que le couvert avait été autorisé en 2012, puisqu'elle l'avait rappelé dans son préavis. Cependant, tenant compte de la valeur patrimoniale exceptionnelle du site de la rue ______et de la rampe D______, elle avait fait primer l'intérêt public à la conservation du patrimoine et reconsidéré sa position d'alors, rendue dans une composition différente et sur un projet différent, par ses dimensions notamment. La CMNS était légitimée à porter une appréciation différente sur un projet huit ans après, « selon les sensibilités de ses membres et la politique de conservation du patrimoine qu'elle entend appliquer en fonction des époques ». Il était particulièrement choquant de faire primer l'intérêt privé des requérants à faire construire un couvert d'aspect contemporain sur une façade datant de 1724, au mépris de l'intérêt public, d'ordre patrimonial, à préserver l'aspect de cet immeuble, demeuré inchangé depuis le début du XVIIIème siècle. La conservatrice cantonale n'avait d'ailleurs pas remis en question la réflexion patrimoniale de la CMNS, qu'elle avait en réalité faite sienne dans son préavis, mais retenu seulement que le projet avait été autorisé en 2012, l'autorisation afférente étant toutefois caduque. Les conditions posées par la conservatrice cantonale n'étaient pas compatibles avec le projet et impliquaient que le projet fût redéposé, respectivement modifié, pour être à nouveau soumis à la CMNS et aux autres instances consultées dans le cadre de l'autorisation initiale. Même modifié comme proposé par la conservatrice cantonale, ce couvert contreviendrait toujours aux objectifs de la mesure de classement visant à conserver les volumes de la terrasse et de la cour de l'immeuble.

La péremption d'une autorisation de construire ne garantissait en rien le droit d'obtenir une décision identique huit ans après sa délivrance, à plus forte raison lorsqu'un intérêt public commandait de refuser une autorisation pour des motifs impérieux d'ordre patrimonial, reconnus dans le préavis défavorable de la CMNS.

15) Le 23 avril 2021, Mme et M.A______ ont conclu au rejet du recours.

L'immeuble ne se trouvait pas dans l'alignement des bâtiments prestigieux voisins de l'Hôtel G______ et son aspect était bien plus modeste. Son apparence était discrète du côté des terrasses et il n'y avait pas de cour d'honneur. Même la façade donnant sur la rue ______restait simple. Celle donnant sur leur terrasse ne présentait aucun intérêt particulier sur le plan esthétique et n'était quasiment pas visible depuis la rampe D______, de la promenade D______ et de la rue H______.

Leur mandataire n'avait pas été dûment informé de la décision de l'assemblée des copropriétaires du 4 juin 2012 d'autoriser l'édification du couvert. Vu la péremption de l'autorisation DD 6______, leur architecte avait pris contact avec M. I______, juriste au département. Ce dernier, un peu hésitant, avait indiqué qu'il était plus simple de redéposer une demande en faisant mention de l'autorisation précédente ; « il n'y aurait pas de problème et cela irait vite ».

La CMNS avait préavisé favorablement le même projet. Dès lors, et à supposer que le préavis de la CMNS du 21 septembre 2020 eût été maintenu, le département aurait dû rendre une décision favorable, conformément au principe de la bonne foi. La CMNS était soumise à cette règle et ne pouvait « changer d'avis s'agissant d'appréhender le même contexte en faisant supporter aux administrés le seul changement de personnes en son sein. Un tel revirement, pour ne pas dire reniement, [était] aussi arbitraire et contraire à l'art. 9 Cst. ». Le fait d'avoir traité de manière différente deux situations semblables violait aussi cette disposition, qui garantissait l'égalité de traitement.

De plus, le département avait estimé à juste titre que le couvert, discret et translucide, n'était pas de nature à porter atteinte à l'esthétisme des lieux. Ce faisant, il avait correctement usé de son pouvoir d'appréciation.

16) Le département a conclu, le 7 mai 2021, au rejet du recours.

S'il n'était pas contesté que l'autorisation de construire DD 6______ était devenue caduque, il n'en demeurait pas moins que la prise de position de la CMNS dans le dossier DD 7______ était « des plus surprenante », puisque, pour un projet similaire, et alors que les dispositions légales applicables et la jurisprudence y relatives n'avaient pas changé, sa position avait été totalement différente huit années plus tard seulement. Si ce n'était pas le préavis de la conservatrice cantonale qu'il était allé rechercher, après que Mme et M.A______ avaient fait valoir leur position vis-à-vis du préavis défavorable de la CMNS, il était vrai que la conservatrice cantonale « l'a[vait] conforté dans sa position de considérer qu'il serait disproportionné de refuser un projet qui quelques années auparavant avait été autorisé, avant l'accord de l'instance de préavis spécialisé » (sic). Dans le cadre de la pesée des intérêts, il avait considéré que ce préavis défavorable devait être écarté et que l'autorisation de construire devait être délivrée.

17) Par réplique du 7 juillet 2021, M. B______ a relevé que l'immeuble litigieux faisait partie d'un ensemble construit à une même époque, protégé dans la même mesure par l'arrêté de classement du Conseil d'État de 1923. L'unité architecturale de l'entier de la rue était protégée ; peu importait si l'immeuble en cause était d'aspect plus sobre que les immeubles voisins. La protection du patrimoine ne s'appréciait pas en fonction de la possibilité pour les « badauds » de voir le bâtiment ou non depuis la rampe D______. La construction projetée serait visible sous toutes les fenêtres de son appartement, mais également du voisinage, dès lors que les immeubles voisins formaient un « U » donnant sur une cour commune.

On ne pouvait reprocher à une commission, composée de spécialistes, d'avoir eu une appréciation divergente de celle de ses membres consultés huit ans plus tôt. La péremption d'un droit n'autorisait pas les administrés à obtenir une décision identique à l'infini si la loi et/ou la jurisprudence ne changeaient pas dans l'intervalle. La politique de protection du patrimoine pouvait évoluer avec le temps, en fonction des membres composant la CMNS au moment où le dossier était instruit.

Autoriser le couvert litigieux ouvrirait une regrettable brèche pour d'autres constructions de ce type dans cette « prestigieuse et mythique » rue de Genève.

18) Par duplique du 30 juillet 2021, le département a relevé que la prise de position de la conservatrice cantonale l'avait « réconfort[é] » dans le cadre de la pesée des intérêts. Il avait considéré – sur la base notamment du principe de la bonne foi – qu'il ne pouvait pas refuser une autorisation de construire qu'il avait délivrée quelques années auparavant sur la base notamment du préavis favorable rendu, à l'époque, par la CMNS.

Cette dernière ne pouvait pas revenir sur des décisions, bien que caduques, prises préalablement, au gré du renouvellement de ses commissaires, alors que ni la loi, ni la jurisprudence n'avaient évolué. Admettre le contraire reviendrait à lui laisser la possibilité de faire évoluer la protection du patrimoine en fonction des membres la composant, ce qui, pour des raisons de sécurité de droit évidentes, ne pouvait être accepté.

19) Par duplique du 3 août 2021, Mme et M.A______ ont observé qu'une grande structure métallique porteuse de stores avait été récemment construite sur la grande terrasse de l'immeuble de l'ancien manège, récemment rénové par la ville, sis rue Saint-Léger. Cette structure était beaucoup plus volumineuse que le couvert projeté. Elle avait fait l'objet d'une autorisation de construire nonobstant la situation de cet immeuble classé. Aucun obstacle d'intérêt public n'avait été retenu par la CMNS et le département, ce qui démontrait que ce type de structure permanente ne nuisait aucunement à la protection de bâtiments classés situés en Vieille-Ville. Des situations semblables devaient être traitées de façon semblable.

20) M. B______ a encore relevé, par acte du 12 août 2021, que le département n'invoquait pas un seul argument d'ordre patrimonial pour justifier sa position, pas plus qu'il ne contestait l'avis de la CMNS sur la nécessité de protéger l'aspect de la rue______. Son seul argument consistait à mettre en avant l'interdiction des comportements contradictoires pour justifier en réalité une atteinte au patrimoine qu'il ne niait pas, argument dénué de pertinence sur un plan juridique. En particulier, les préavis de la CMNS étaient nécessairement empreints de la subjectivité des membres la composant, dont la décision n'était garantie que pour la durée de l'autorisation délivrée.

L'ancien manège de la rue Saint-Léger n'était pas protégé par l'arrêté de classement relatif à la rue ______ et ne ressemblait en rien aux immeubles d'habitation de cette rue.

21) Par courrier du 3 décembre 2021, le TAPI a demandé à la CMNS de lui communiquer sa détermination définitive quant au caractère autorisable ou non de la construction en cause.

22) Le 20 décembre 2020, sous la plume de sa présidente, la CMNS a répondu ainsi : « En l'espèce, faisant usage des compétences que lui confèrent les art. 47 LPMNS et 5 RPMNS, la CMNS s'est prononcée défavorablement sur la demande d'autorisation de construire précitée, au moyen d'un préavis émis le 1er septembre 2020. Dans cette mesure et eu égard à l'art. 47 al. 1 LPMNS, la commission n'est, en principe, pas fondée à se prononcer une seconde fois sur un même dossier et la commission que je préside prend acte que : - la conservatrice cantonale des monuments a formulé un préavis complémentaire favorable en date du 14 décembre 2020 ; - le département a délivré une autorisation de construire en date du 1er février 2021. Au vu de ces éléments, il n'appartient pas à la CMNS de se prononcer sur le caractère autorisable de la construction litigieuse, son préavis n'ayant au demeurant qu'un caractère consultatif ».

23) Par jugement du 27 janvier 2022, le TAPI a admis le recours et annulé l'autorisation DD 113'75.

Il n'existait pas un droit à l’audition d'un représentant de la CMNS ni à l'exécution d'un transport sur place, actes d'instruction n'apparaissant pas nécessaires pour résoudre les questions à trancher, le dossier contenant les éléments utiles permettant de statuer en connaissance de cause.

L'immeuble litigieux bénéficiait d'une protection patrimoniale élevée, puisqu'il se trouvait dans un périmètre protégé et qu'il faisait l'objet d'une mesure individuelle de classement. Dans ces conditions, le préavis obligatoire de la CMNS en vue de toute intervention portant sur sa structure ou son aspect est essentiel avait un poids certain.

Si l'on pouvait comprendre l'embarras de l'autorité intimée, qui s'était vu communiquer un préavis fondamentalement différent de celui qui avait été émis dans le cadre de l'instruction de la demande – identique – qui avait été formulée en avril 2011 et admise en mars 2012, elle ne pouvait simplement s'en affranchir pour le seul motif qu'un refus pourrait contrevenir au principe de la bonne foi, ce qui n'était au demeurant pas exact. Il n'était en effet pas établi que les requérants avaient reçu des assurances quant à la délivrance d'une nouvelle autorisation en vue de la mise en œuvre de leur projet. L'autorisation DD 6______ était périmée, faute d'avoir été utilisée dans le délai utile et l'ensemble des droits et prérogatives qui lui étaient attachés avaient ainsi disparu. Dès lors, même si elle portait sur un objet identique, la nouvelle demande, formée huit ans plus tard, devait faire l'objet d'un nouvel examen complet, portant sur tous les aspects du projet, dans le cadre duquel l'autorité n'était pas liée par sa précédente décision.

Cela étant, le préavis de la CMNS était – et demeurait – clairement défavorable, pour des motifs d'ailleurs légitimes tirés de la protection du patrimoine. La position inverse adoptée dans un second temps par la conservatrice cantonale, qui n'avait pas la compétence d'émettre des préavis en vue de la délivrance d'autorisations de construire – encore moins d'y formuler des conditions ou charges devant être intégrées à celles-ci – et, le fait qu'elle soit membre de droit de la CMNS, n'y changeait rien. De surcroît, son « préavis » avait été émis sous la réserve que la structure soit « indépendante de la façade », alors que le projet prévoyait sa fixation directement contre les murs de l'immeuble.

La délivrance de l'autorisation querellée, en dépit d'un préavis essentiel défavorable et sans raison objective suffisante, relevait d'un abus du pouvoir d'appréciation de l'autorité et violait le droit.

24) Mme et M.A______ ont formé recours contre ce jugement par acte déposé à la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) le 24 février 2022. À titre préalable, ils ont conclu, dans le respect de leur droit d'être entendus, à ce que soit ordonné un transport sur place et à ce que soient entendus, en qualité de témoins, leur architecte et Monsieur I______, du département. Au fond, ils ont conclu au rejet du recours formé par M. B______ le 1er mars 2021.

M. B______ n'était propriétaire d'un appartement dans l'immeuble que depuis le 30 janvier 2020. Ils revenaient en détail sur l'aspect du bâtiment et son intégration dans l'alignement d'immeubles.

L'assemblée des copropriétaires avait, le 4 juin 2012, unanimement accepté leur projet d'édification d'un couvert sur terrasse. La CMNS n'avait, en lien avec la demande d'autorisation du 15 avril 2011, trouvé aucune objection au sujet de la construction projetée qu'elle avait immédiatement acceptée, sous condition. Sa remarque concernant le garde-corps concernait la sécurité et non pas l'esthétisme.

Le principe de la bonne foi avait été violé. Le chantier avait été ouvert moins de deux ans après la publication de l'autorisation et le bureau d'architectes avait émis l'attestation globale de conformité le 7 janvier 2013 en faisant expressément une réserve concernant le couvert sur terrasse, soi-disant, mais à tort, en attente de l'accord de la copropriété. Ainsi, les travaux avaient bien été entrepris dans le délai prévu à l'art. 4 ch. 5 LCI. Les éléments du couvert avaient été commandés, construits et fabriqués et ils avaient payé CHF 22'000.- d'acompte sur les CHF 26'576.90 adjugés. Le chantier aurait sans doute pu se poursuivre et le département n'avait pas adressé une sommation d'achever en application de l'art. 33a du règlement d’application de la loi sur les constructions et les installations diverses du 27 février 1978 (RCI – L 5 05.01). Leur architecte s'était toutefois adressé au juriste du département qui lui avait indiqué qu'il était plus simple de déposer une demande limitée à la pose du couvert sur terrasse en mentionnant la précédente autorisation. Ce comportement du département avait créé des expectatives. L'architecte aurait aussi bien pu ordonner la poursuite du chantier en faisant poser les éléments déjà fabriqués, ce qui n'aurait nécessité que deux à trois jours de travail.

Tous les préavis s'étaient avérés favorables, hormis l'étonnante prise de position de la CMNS qui prenait une décision de principe de portée générale, visant à prohiber toute construction pérenne dans les cours et jardins sur le périmètre protégé D______, ce qui était arbitraire. La CMNS ne s'était pas interrogée sur le caractère visible ou non de la construction projetée et n'avait pas voulu considérer que le couvert sur terrasse était sans doute moins visible que le store actuellement accroché sur cette façade, qui allait être démonté. Si le législateur avait voulu que les demandes d'autorisation de construire dans les zones classées fassent l'objet d'examens par la CMNS, il n'avait certainement pas voulu que celle-ci renonce à sa mission en décidant, par avance et de façon définitive, qu'elle préavise négativement toutes les demandes de construction, même insignifiante et quasi invisibles, édifiées sur les terrains attenant à la rue______, côté Bastions. L'art. 88 LCI n'avait pas la portée que la CMNS et le TAPI voulaient lui accorder. C'était d'ailleurs ce qui avait amené la première en 2012 à donner un préavis favorable. Le préjugé de la CMNS tendait à une véritable expropriation matérielle, sans base légale suffisante et sans respect du principe de la proportionnalité.

Compte tenu des deux préavis diamétralement opposés de la CMNS, pour les mêmes faits et en application des mêmes lois et règlements, soit un revirement manifestement arbitraire que le TAPI aurait dû constater, il était nécessaire de faire toute la lumière sur les faits en ordonnant une inspection locale et l'audition de leur architecte.

La conservatrice du canton avait pris sur elle de revenir sur le préavis négatif de la CMNS, pour respecter le principe fondamental de la bonne foi. La CMNS avait, certes à demi-mot, par son courrier du 20 décembre 2021, laissé entendre qu'elle admettait la décision du département d'autoriser la construction. Le département avait fait un arbitrage entre les différents préavis et tranché en faveur de l'autorisation sur la base du pouvoir d'appréciation qui était le sien. Le TAPI ne pouvait lui reprocher de n'avoir pas suivi aveuglément le second préavis négatif de la CMNS. C'était à tort que cette instance n'avait pas retenu le principe de l'interdiction d'un comportement contradictoire de la part de l'administration.

La décision du TAPI n'était pas conforme au principe de la proportionnalité. Les premiers juges devaient examiner si le projet consistant en la pose d'éléments légers, transparent et l'enlèvement du store existant tendait à une vraie amélioration par rapport à l'existant. Ils devaient aussi constater que cette construction légère serait effectivement quasiment invisible depuis la rampe et la promenade D______, ou de la rue H______.

Si la chambre administrative ne devait pas substituer sa propre appréciation à celle du TAPI, elle devrait faire application de l'art. 69 « CPA » et « renvoyer la cause pour nouvelle décision ».

25) Le département a conclu, le 28 mars 2022, à l'admission du recours.

Les mesures d'instruction sollicitées n'étaient pas utiles puisque c'était sur la base de considérations juridiques que le département avait délivré l'autorisation de construire.

Procédant à une pesée des intérêts en présence, sensible à l'argumentation développée par Mme et M.A______ et conforté par la position adoptée par la conservatrice cantonale, il avait délivré l'autorisation de construire querellée.

Il ne faisait aucun doute que l'autorisation du 26 mars 2012 était caduque, l'attestation globale de conformité du 7 janvier 2013 n'ayant fait que que le conforter dans sa position. C'était pour cette raison qu'il avait conseillée aux époux de déposer une nouvelle demande, afin notamment qu'une éventuelle infraction ne puisse leur être reprochée. À aucun moment en revanche il leur avait été indiqué que cela serait une simple formalité, quand bien même il admettait avoir été quelque peu surpris par la position de la CMNS dans la nouvelle procédure d'autorisation. Dans le cadre de la pesée des intérêts, il avait considéré, sur la base du principe de la bonne foi, qu'il était en droit de s'écarter dudit préavis, ce d'autant plus que la conservatrice cantonale, dont l'activité principale consistait à contrôler le bon état des bâtiments classés et les travaux qui leur étaient liés, avait indiqué être d'un avis similaire. Il répétait qu'au vu des seuls huit ans écoulés entre les deux demandes, la CMNS ne pouvait pas, au gré du renouvellement de ses commissaires, revenir sur sa position, ce d'autant plus que ni la loi ni la jurisprudence en la matière n'avaient évolué depuis lors.

26) M. B______ a conclu le 25 mars 2022 principalement au rejet du recours et à la condamnation de Mme et M.A______ à lui verser une indemnité valant participation à des honoraires d'avocat. Préalablement, il s'opposait aux mesures d'instruction sollicitées, lesquelles n'étaient pas utiles pour trancher le litige.

Il a intégré à son écriture l'ouverture de la cour que forment les immeubles ______ à ______, rue ______, disposés en U.

Le contenu de cette écriture sera repris dans la partie en droit dans la mesure utile au traitement du litige.

27) Dans leur réplique du 26 avril 2022, Mme et M.A______ se sont insurgés de ce que M. B______ avait fait un décompte de leurs jours de présence dans leur appartement, surveillance inadmissible de la part d'un voisin, étant relevé que l'affaire n'avait rien à voir avec le taux d'occupation de l'appartement par ses propriétaires en 2021. Il était tout aussi inadmissible de laisser entendre que leur architecte aurait pu participer à la délibération ou aurait pu influencer les membres de la CMNS en 2012. Il ne faisait alors partie que d'une sous-commission d'architecture et il était exclu qu'il ait pu participer à la délibération. Même s'il avait été présent dans la sous-commission amenée à émettre le préavis, il se serait récusé. M. E______ pourrait, lors de son audition, notamment s'expliquer sur sa présence et son rôle au sein de cette commission. L'audition de M. I______ devait porter sur les assurances données par le département quant à la délivrance d'une autorisation de construire s'agissant d'un projet identique.

Ils ont pour le surplus repris l'argumentation développée notamment dans leur recours.

28) M. B______ a brièvement dupliqué le 5 mai 2022.

29) Les parties ont été informées, le 6 mai 2022, que la cause était gardée à juger.

EN DROIT

1) Interjeté en temps utile devant la juridiction compétente, le recours est recevable (art. 132 de la loi sur l'organisation judiciaire du 26 septembre 2010 - LOJ - E 2 05 ; art. 62 al. 1 let. a de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).

2) Le litige concerne une décision d'autorisation de construire un couvert sur terrasse composé d'un panneau en verre reposant sur une structure métallique et devant être accolé à la façade de l'immeuble, ce dernier faisant l'objet d'une mesure de classement et étant inscrit dans le périmètre de la zone protégée de la Vieille-Ville. Cette autorisation a été annulée par le TAPI dans son jugement du 27 janvier 2022 qui fait l'objet du présent recours.

3) Les recourants sollicitent les auditions de leur architecte et d'un employé du département ainsi qu'un transport sur place.

a. Tel qu’il est garanti par l’art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 (Cst. - RS 101), le droit d’être entendu comprend notamment le droit pour l’intéressé d’offrir des preuves pertinentes et d’obtenir qu’il soit donné suite à ses offres de preuves pertinentes (arrêts du Tribunal fédéral 2C_545/2014 du 9 janvier 2015 consid. 3.1 ; 2D_5/2012 du 19 avril 2012 consid. 2.3).

Le droit de faire administrer des preuves n’empêche cependant pas le juge de renoncer à l’administration de certaines preuves offertes et de procéder à une appréciation anticipée de ces dernières, en particulier s’il acquiert la certitude que celles-ci ne l’amèneront pas à modifier son opinion ou si le fait à établir résulte déjà des constatations ressortant du dossier (ATF 136 I 229 consid. 5.2 ; 134 I 140 consid. 5.3 ; 131 I 153 consid. 3).

b. En l’espèce, les recourants motivent leur demande d'audition d'un employé du département pour démontrer que le revirement de la CMNS serait arbitraire et que le département leur aurait donné des assurances quant à la délivrance d'une autorisation de construire. Leur architecte devrait être entendu sur son rôle au sein de la CMNS. Une inspection locale devrait intervenir pour faire toute la lumière sur les faits.

Le dossier contient néanmoins tous les éléments pour permettre à la chambre de céans de trancher le litige en toute connaissance de cause. Un transport sur place n'est pas nécessaire pour apprécier les caractéristiques en particulier de la cour dans laquelle le projet de structure est censé s'insérer. Les photos au dossier, dont celle intégrée par l'intimé dans sa réponse au recours, renseignent utilement et suffisamment à cet égard. Dans la mesure où la chambre de céans ne remet pas en cause la validité du préavis favorable, sous réserve, émis le 15 février 2012 par la CMNS, il n'est pas besoin d'instruire la question du rôle que l'architecte des recourants y aurait tenu à l'époque. Pour le surplus, le dossier comporte suffisamment d'éléments pour connaître la position des recourants et du département, qui ont pu s'exprimer par écrit et produire toutes pièces utiles à deux reprises devant la chambre de céans et avant cela devant le TAPI, la nature du projet, de même que les processus intervenus en lien avec la délivrance de deux autorisations de construire à pratiquement neuf ans d'intervalle, soit les 26 mars 2012 et 1er février 2021.

Il ne sera dès lors pas donné suite à la requête des recourants.

4) En vertu de l'art. 61 LPA, le recours peut être formé pour violation du droit y compris l'excès et l'abus du pouvoir d'appréciation (let. a), ou pour constatation inexacte ou incomplète des faits pertinents (let. b al. 1) ; les juridictions administratives n'ont pas compétence pour apprécier l'opportunité de la décision attaquée, sauf exception prévue par la loi (let. b al. 2).

Il y a en particulier abus du pouvoir d'appréciation lorsque l'autorité se fonde sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou lorsqu'elle viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire, l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 143 III 140 consid. 4.1.3).

5) Les recourants invoquent une violation du principe de protection de la bonne foi. Le même projet de couvert avait été autorisé en 2012.

a. La loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 4 juin 1976 (LPMNS - L 4 05) a notamment pour but de conserver les monuments de l'histoire, de l'art ou de l'architecture, les antiquités immobilières ou mobilières situés ou trouvés dans le canton ainsi que le patrimoine souterrain hérité des anciennes fortifications de Genève (art. 1 let. a), de préserver l'aspect caractéristique du paysage et des localités, les immeubles et les sites dignes d'intérêt, ainsi que les beautés naturelles (art. 1 let. b), d'assurer la sauvegarde de la nature, en ménageant l'espace vital nécessaire à la flore et à la faune, et en maintenant les milieux naturels (art. 1 let. c), de favoriser l'accès du public à un site ou à son point de vue (art. 1 let. d).

La LPMNS poursuit la protection générale des monuments de l'histoire, de l'art ou de l'architecture et des antiquités immobilières situés ou découverts dans le canton, qui présentent un intérêt archéologique, historique, artistique, scientifique ou éducatif, ainsi que les terrains contenant ces objets et leurs abords (art. 4 let. a LPMNS), et des immeubles et des sites dignes d'intérêt, ainsi que des beautés naturelles (art. 4 let. b LPMNS).

S'agissant des bâtiments, elle prévoit l'établissement d'un inventaire de tous les immeubles dignes d'être protégés au sens de l'art. 4 (art. 7 al. 1 LPMNS), ainsi que la possibilité pour le Conseil d'État d'ordonner la classement d'un monument ou d'une antiquité (art. 10 LPMNS).

Selon l'art. 15 LPMNS, l’immeuble classé ne peut, sans l’autorisation du Conseil d’État, être démoli, faire l’objet de transformations importantes ou d’un changement dans sa destination (al. 1). Sont assimilés à la démolition le déplacement et l’enlèvement de parties de l’immeuble (al. 2). Les simples travaux ordinaires d’entretien et les transformations de peu d’importance peuvent être autorisés par l’autorité compétente, pour autant qu’ils aient fait l’objet d’un préavis favorable de la part de la CMNS et d’une demande d’autorisation ordinaire au sens de l’art. 3 al. 1 LCI, à l’exclusion des procédures accélérées prévues à l’art. 3 al. 7 et 8 de ladite loi (al. 3).

b. Au sujet des monuments, la jurisprudence a retenu que l'art. 4 let. a LPMNS, contient des concepts juridiques indéterminés qui laissent par essence à l'autorité comme au juge une latitude d'appréciation considérable. Il apparaît en outre que, depuis quelques décennies en Suisse, les mesures de protection ne s'appliquent plus uniquement à des monuments exceptionnels ou à des œuvres d'art mais qu'elles visent des objets très divers du patrimoine architectural du pays, parce qu'ils sont des témoins caractéristiques d'une époque ou d'un style (Philip VOGEL, op. cit. p. 25) ; la jurisprudence a pris acte de cette évolution (ATF 126 I 219 consid. 2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_300/2011 du 3 février 2012 consid. 5.1.1). Alors qu'à l'origine, les mesures de protection visaient essentiellement les monuments historiques, à savoir des édifices publics, civils ou religieux, ainsi que des sites et objets à valeur archéologique, elles se sont peu à peu étendues à des immeubles et objets plus modestes, que l'on a qualifié de patrimoine dit « mineur », caractéristique de la campagne genevoise, pour enfin s'ouvrir sur une prise de conscience de l'importance du patrimoine hérité du XIXème siècle et la nécessité de sauvegarder un patrimoine plus récent, voire contemporain (ATA/721/2012 du 30 décembre 2012 consid. 4b). Néanmoins, comme tout objet construit ne mérite pas une protection, il faut procéder à une appréciation d'ensemble, en fonction des critères objectifs ou scientifiques. La mesure ne doit pas être destinée à satisfaire uniquement un cercle restreint de spécialistes ; elle doit au contraire apparaître légitime aux yeux du public ou d'une grande partie de la population, pour avoir en quelque sorte une valeur générale (ATF 120 Ia 270 consid. 4a ; 118 Ia 384 consid. 5a ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_32/2012 du 7 septembre 2012 consid. 6.1 ; ATA/353/2021 du 23 mars 2021 et les références citées).

c. Selon l'art. 1 al. 1 LCI, sur tout le territoire du canton nul ne peut, sans y avoir été autorisé, notamment élever en tout ou partie une construction ou une installation, notamment un bâtiment locatif, industriel ou agricole, une villa, un garage, un hangar, un poulailler, un mur, une clôture ou un portail (let. a) ; modifier même partiellement le volume, l'architecture, la couleur, l'implantation, la distribution ou la destination d'une construction ou d'une installation (let. b), démolir, supprimer ou rebâtir une construction ou une installation (let. c), modifier la configuration du terrain (let. d).

L'art. 1 al. 4 précise qu'en zone à bâtir, l’édification de constructions de très peu d’importance telles que définies par l’al. 5, n’est pas soumise à autorisation de construire. Demeurent réservées les dispositions relatives à la protection du patrimoine.

6) a. À teneur de l'art. 15 LCI, le département peut interdire ou n’autoriser que sous réserve de modification toute construction qui, par ses dimensions, sa situation ou son aspect extérieur nuirait au caractère ou à l’intérêt d’un quartier, d’une rue ou d’un chemin, d’un site naturel ou de points de vue accessibles au public (al. 1). La décision du département se fonde notamment sur le préavis de la commission d’architecture ou, pour les objets qui sont de son ressort, sur celui de la CMNS. Elle tient compte également, le cas échéant, de ceux émis par la commune ou les services compétents du département (al. 2).

La clause d'esthétique de l'art. 15 LCI fait appel à des notions juridiques imprécises ou indéterminées, dont le contenu varie selon les conceptions subjectives de celui qui les interprète et selon les circonstances de chaque cas d'espèce ; ces notions laissent à l'autorité une certaine latitude de jugement. Lorsqu'elle estime que l'autorité inférieure est mieux en mesure d'attribuer à une notion juridique indéterminée un sens approprié au cas à juger, l'autorité de recours s'impose alors une certaine retenue. Il en va ainsi lorsque l'interprétation de la norme juridique indéterminée fait appel à des connaissances spécialisées ou particulières en matière de comportement, de technique, en matière économique, de subventions et d'utilisation du sol, notamment en ce qui concerne l'esthétique des constructions (ATA/1274/2017 du 12 septembre 2017 consid. 6 et la jurisprudence citée).

b. L'art. 15 LCI reconnaît au département un large pouvoir d'appréciation. Ce dernier n'est limité que par l'excès ou l'abus du pouvoir d'appréciation (ATA/1065/2018 du 9 octobre 2018 consid. 3e et la référence citée). Constitue un abus du pouvoir d'appréciation le cas où l'autorité reste dans le cadre fixé par la loi, mais se fonde toutefois sur des considérations qui manquent de pertinence et sont étrangères au but visé par les dispositions légales applicables, ou viole des principes généraux du droit tels que l'interdiction de l'arbitraire et de l'inégalité de traitement, le principe de la bonne foi et le principe de la proportionnalité (ATF 137 V 71 précité ; Thierry TANQUEREL, Manuel de droit administratif, 2ème éd., 2018, p. 179).

7) a. Dans le canton de Genève, les zones de la Vieille-Ville et du secteur sud des anciennes fortifications, du vieux Carouge, les ensembles du XIXème et du début du XXème siècle, le secteur Rôtisserie-Pélisserie, ainsi que les villages protégés font l’objet de dispositions particulières incluses dans la LCI (art. 28 LaLAT).

Sont désignées comme zones à protéger au sens de l’art. 17 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700), la zone de la Vieille-Ville et du secteur sud des anciennes fortifications, selon les dispositions des art. 83 à 88 LCI (art. 29 al. 1 let. c LaLAT).

b. L’aménagement et le caractère architectural original des quartiers de la Vieille-Ville et du secteur sud des anciennes fortifications doivent être préservés (al. 1), les dispositions de la loi sur l’énergie du 18 septembre 1986 (LEn - L 2 30) demeurant réservées (art. 83 al. 1 LCI).

Dans les quartiers de la Vieille-Ville, en cas de rénovation ou de transformation, les structures intérieures de même que les autres éléments dignes de protection doivent, en règle générale, être sauvegardés (art. 83 al. 3 LCI).

Dans tous les cas, l’architecture notamment le volume, l’échelle, les matériaux et la couleur des constructions doivent s’harmoniser avec le caractère des quartiers (art. 83 al. 5 LCI). Il en est de même des enseignes, attributs de commerce, panneaux, réclames, vitrines mobiles et autres objets soumis à la vue du public (al. 6).

c. Les demandes d’autorisation, ainsi que les travaux de réfection de façades et de toiture sont soumis, pour préavis, à la CMNS (art. 85 al. 1 LCI). Ce préavis est motivé (art. 85 al. 2 LCI).

d. Selon l'art. 88 LCI, en vue d’assainir un îlot ou d’améliorer l’aménagement des cours et jardins, le département peut subordonner l’octroi d’une autorisation de construire ou de transformer à des mesures telles que la démolition partielle ou totale de bâtiments, l’exécution de terrassements ou la suppression de murs de clôture.

8) a. La CMNS est une commission consultative nommée au début de chaque législature par le Conseil d'État, composée d'un membre de chaque parti représenté au Grand Conseil et désignée par ce dernier, de trois membres sur proportion de l'association des communes genevoise, dont un désigné par la ville et d'un maximum de onze membres titulaires et trois suppléants, dont une majorité délégués d'associations d'importance cantonale poursuivant les buts énumérés à l'art. 1 LPMNS.

Elle donne son préavis notamment sur tout projet de travaux concernant un immeuble porté à l'inventaire, classé ou situé en zone protégée (art. 47 LPMNS et 5 al. 2 let. c, e, f du règlement d’exécution de la loi sur la protection des monuments, de la nature et des sites du 29 novembre 1976 - RPMNS - L 4 05.01).

La CMNS comporte trois sous-commissions (architecture, monuments et antiquités, nature et sites) dont la compétence est codifiée dans le RPMNS (art. 3 al. 1 RPMNS). Il s'agit d'une commission consultative (art. 47 al. 1 1ère phr. LPMNS), qui a pour mission de conseiller l’autorité compétente (art. 5 al. 1 RPMNS). Aux termes des art. 47 al. 1 2ème phr. LPMNS et 5 al. 2 let. e et f RMPNS, il lui revient en particulier de donner son préavis, conformément à la LCI, sur tout projet de travaux concernant un immeuble classé et/ou situé en zone protégée.

b. Le conseiller d'État dont dépend l'office du patrimoine et des sites - rattaché au département (cf. art. 6 al. 1 let. e du règlement sur l'organisation de l'administration cantonale du 1er juin 2018 - ROAC - B 4 05.10) - désigne la personne qui exerce la fonction et porte le titre de conservateur des monuments. En cette qualité, celle-ci est membre de droit de la CMNS (art. 11 al. 1 RPMNS). Le conservateur des monuments a principalement pour mission : a) de contrôler régulièrement le bon état de conservation des immeubles et meubles classés et b) de surveiller les travaux concernant les immeubles et meubles classés, ou recensés en valeur de classement (art. 11 al. 2 RPMNS).

c. Dans le système de la LCI, les avis ou préavis des communes, des départements et organismes intéressés ne lient pas les autorités (art. 3 al. 3 LCI). Ils n'ont qu'un caractère consultatif, sauf dispositions contraires et expresses de la loi ; l'autorité reste libre de s'en écarter pour des motifs pertinents et en raison d'un intérêt public supérieur. Toutefois, lorsqu'un préavis est obligatoire, il convient de ne pas le minimiser (ATA/462/2020 du 7 mai 2020 consid.18 et les références citées).

Les préavis recueillis au cours de la procédure d'autorisation ne lient ni l'autorité exécutive cantonale, ni les autorités judiciaires. Ils sont en principe sans caractère contraignant pour l'autorité administrative, étant précisé que cette dernière ne saurait faire abstraction des préavis exprimés dans des conditions prévues par la loi (Stéphane GRODECKI, La jurisprudence en matière d'aménagement du territoire et de droit public des constructions rendue par le Tribunal administratif genevois en 2008, in RDAF 2009, n° 2, p. 130).

d. Selon une jurisprudence bien établie, chaque fois que l'autorité inférieure suit les préavis requis, la juridiction de recours doit s'imposer une certaine retenue, qui est fonction de son aptitude à trancher le litige (ATA/284/2016 du 5 avril 2016 consid. 7c ; ATA/109/2008 du 11 mars 2008 consid. 4 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 508 et la jurisprudence citée). Les autorités de recours se limitent à examiner si le département ne s'écarte pas sans motif prépondérant et dûment établi du préavis de l'autorité technique consultative, composée de spécialistes capables d'émettre un jugement dépourvu de subjectivisme et de considérations étrangères aux buts de protection fixés par la loi (ATA/284/2016 précité consid. 7c ; ATA/51/2013 du 29 janvier 2013 consid. 5d).

9) Le principe de la bonne foi entre administration et administré, exprimé aux art. 9 et 5 al. 3 Cst. exige que l’une et l’autre se comportent réciproquement de manière loyale (arrêts du Tribunal fédéral 6B_266/2020 du 27 mai 2020 ; 1C_173/2017 du 31 mars 2017 consid. 2.3 ; Jacques DUBEY, Droits fondamentaux, vol. 2, 2018, p. 642 n. 3454). En particulier, l’administration doit s’abstenir de toute attitude propre à tromper l’administré et elle ne saurait tirer aucun avantage des conséquences d’une incorrection ou insuffisance de sa part (ATF 138 I 49 consid. 8.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 2C_227/2015 du 31 mai 2016 consid. 7 ; Thierry TANQUEREL, op. cit., p. 203 n. 568 ; Jacques DUBEY/Jean-Baptiste ZUFFEREY, Droit administratif général, 2014, p. 254 n. 716 et 717 et p. 256 n. 726).

Découlant directement de l'art. 9 Cst. et valant pour l’ensemble de l’activité étatique, le principe de la bonne foi protège le citoyen dans la confiance légitime qu’il met dans les assurances reçues des autorités lorsqu'il a réglé sa conduite d'après des décisions, des déclarations ou un comportement déterminé de l'administration (ATF 143 V 95 consid. 3.6.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 1C_104/2019 du 21 avril 2020 consid. 4.1 ; Luc GONIN, Droit constitutionnel suisse, 2021, p. 624 n. 2023). Selon la jurisprudence, un renseignement ou une décision erronés de l'administration peuvent obliger celle-ci à consentir à un administré un avantage contraire à la réglementation en vigueur, à condition que (1) l'autorité soit intervenue dans une situation concrète à l'égard d'une personne déterminée, (2) que l'administration ait agi ou soit censée avoir agi dans les limites de ses compétences et (3) que la personne concernée n'ait pas pu se rendre compte immédiatement de l'inexactitude du renseignement obtenu. Il faut encore (4) que l'administré se soit fondé sur les assurances ou le comportement dont il se prévaut pour prendre des dispositions auxquelles il ne saurait renoncer sans subir de préjudice et (5) que la réglementation n'ait pas changé depuis le moment où l'assurance a été donnée (ATF 141 V 530 consid. 6.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1C_617/2019 du 27 mai 2020 consid. 4.1 ; 2D_42/2019 du 25 mars 2020 consid. 5.1).

Ce principe est l'émanation d'un principe plus général, celui de la confiance, lequel suppose que les rapports juridiques se fondent et s'organisent sur une base de loyauté et sur le respect de la parole donnée. Le principe de la loyauté impose aux organes de l'Etat ainsi qu'aux particuliers d'agir conformément aux règles de la bonne foi. Cela implique notamment qu'ils s'abstiennent d'adopter un comportement contradictoire ou abusif (ATF 136 I 254 consid. 5.2).

10) a. L’obligation d’obtenir une autorisation de construire est une restriction de droit public de la propriété dont la base légale a été créée pour l’ensemble de la Suisse par l’art. 22 al. 1 de la loi fédérale sur l’aménagement du territoire du 22 juin 1979 (LAT - RS 700). L’intérêt public consiste dans le contrôle de la conformité du projet de construction avec le droit applicable. La proportionnalité résulte du fait que l’on considère un contrôle préalable plus adéquat que la démolition de constructions dont l’illégalité est constatée après coup (Alexander RUCH, in Heinz AEMISEGGER/Pierre MOOR/Alexander RUCH/ Pierre TSCHANNEN [éd.], Commentaire de la LAT, Autorisation de construire, protection juridique et procédure, 2020, n. 29 ad art. 22 LAT p. 95)

b. Il découle de la nature des autorisations de construire et pour des motifs de stabilisation juridique que les législations prévoient un délai dans lequel le permis de construire doit être utilisé ; il s'agit d'éviter qu'un propriétaire ne puisse indéfiniment opposer l'autorisation qu'il a reçue à un changement de réglementation (Pierre MOOR/Etienne POLTIER, Droit administratif, vol. 2, 3ème éd., 2011, p. 102-104). En droit genevois, l’autorisation de construire est caduque si les travaux ne sont pas entrepris dans les deux ans qui suivent sa publication dans la Feuille d’avis officielle. L’autorisation peut être prolongée par le département d’une année et, sous réserve de circonstances exceptionnelles, elle ne peut l’être que deux fois (art. 4 al. 5, 7 et 8 LCI).

Il faut donc retenir qu’une autorisation de construire ne crée pas de droit acquis mais que, lorsqu’elle est utilisée, elle a pour effet durable de légitimer la construction autorisée (Thierry TANQUEREL, op. cit., n. 761 p. 266 et n. 839 p. 300).

Le Tribunal fédéral a déjà jugé que dans le contexte de la protection de la bonne foi, la délivrance d'une autorisation de construire ne conférait pas à l'administré un droit inconditionnel à l'obtention d'une prolongation de la validité de l'autorisation (arrêt du Tribunal fédéral 1C_307/2019 du 3 avril 2020 consid. 5.2.1). A fortiori, il n'existe pas de droit non plus à se voir délivrer une seconde autorisation de construire, même pour un projet quasi identique, plusieurs années après la fin de la période de validité de la première autorisation.

11) En l'espèce, c'est en vain que les recourants soutiennent que l'autorisation du 26 mars 2012 ne serait pas caduque dans la mesure où leur architecte a émis l'attestation globale de conformité le 7 janvier 2013, étant relevé que de leur aveu même, elle contient la mention selon laquelle le couvert sur terrasse était réservé, dans l'attente de l'accord des autres copropriétaires de l'immeuble, autrement dit n'était pas construit, ce qui a justifié le dépôt de la demande d'autorisation du 5 août 2021. Le fait que les éléments de la structure projetée aient été commandés, construits et fabriqués et un acompte conséquent payé par les recourants n'y change rien. Le chantier pour les travaux autorisés en 2012 n'a pas compris la mise en place, dans les deux ans suivant la délivrance de l'autorisation, du couvert de terrasse. Les recourant reconnaissent d'ailleurs que deux ou trois jours d'activité sur place étaient nécessaires à son installation.

La délivrance d'une autorisation de construire ne conférant pas à l'administré un droit inconditionnel à l'obtention d'une prolongation de la validité de l'autorisation, il n'existe a fortiori pas de droit non plus à se voir délivrer une seconde autorisation de construire, même pour un projet quasi identique, plusieurs années après la fin de la période de validité de la première autorisation, comme en l'espèce.

C'est donc à tort que les recourants soutiennent que la délivrance de la DD 6______ équivalait à une assurance donnée par l'autorité intimée et leur permettait d'obtenir l'autorisation de construire sollicitée. Le fait qu'un juriste du département aurait indiqué à leur architecte qu'il était plus simple de déposer une – nouvelle – demande limitée à la pose du couvert sur terrasse en mentionnant la précédente autorisation ne saurait pour le surplus constituer une assurance dudit département de délivrer l'autorisation requise.

Ce grief sera écarté sans qu'il soit nécessaire d'examiner les autres conditions d'application de la protection de la bonne foi, celles-ci étant cumulatives.

12) Les recourants considèrent que le TAPI aurait versé dans l'arbitraire en annulant l'autorisation de construire querellée.

a. Une décision est arbitraire lorsqu’elle viole gravement une norme ou un principe juridique indiscuté ou lorsqu’elle heurte de manière choquante le sentiment de la justice et de l’équité. L’arbitraire ne résulte pas du seul fait qu’une autre solution pourrait entrer en considération ou même qu’elle serait préférable. Pour qu’une décision soit annulée pour cause d’arbitraire, il ne suffit pas que la motivation formulée soit insoutenable, il faut encore que la décision apparaisse arbitraire dans son résultat (ATF 128 I 177consid. 2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 4P.149/2000 du 2 avril 2001 consid. 2 et les arrêts cités).

b. Dans un arrêt ATA/520/2022 du 17 mai 2022, la chambre administrative a confirmé le refus d'une autorisation de construire dans une cour intérieure du Vieux-Carouge une construction sur cour d'une surface de 9,73 m2, prolongée par une terrasse en bois de 7,34 m2, puisque diminuant la surface de la cour intérieure et cela même si la construction était adossée d'un côté au mur borgne du bâtiment voisin. Que ce rétrécissement de surface doive ou non être qualifié de noyautage de la cour ne changeait pas cette conclusion. Compte tenu de la protection dont bénéficiait le Vieux-Carouge, qui portait notamment sur les volumes des constructions existantes et les cours intérieures, le refus de l'autorisation de construire, en tant qu'il était fondé sur la diminution indéniable, même si relativement peu importante, de la surface de la cour intérieure telle que relevée par la CMNS, apparaissait comme parfaitement fondé et aucun motif pertinent et relevant d'un intérêt public supérieur n'avait d'ailleurs été avancé par la recourante qui opposait plutôt son intérêt personnel. Le fait qu'une partie des travaux projetés soit considérée comme une amélioration de la situation par la CMNS et le département ne changeait pas non plus le fait que l'agrandissement prévu devait être considéré comme nuisant au site protégé.

L'autorisation avait également été refusée au motif que la construction envisagée créerait une altération de la lecture du bâtiment principal. La recourante contestait à tort le bien-fondé de ce motif, dans la mesure où elle entendait avant tout substituer sa propre appréciation à celle de l'autorité intimée quant à la qualité patrimoniale à attribuer aux volumes et façades du bâtiment.

Dans ces circonstances, il ne pouvait être reproché au département d'avoir choisi de suivre le préavis de la CMNS.

c. En l'espèce, c'est à juste titre que le TAPI a retenu que l'immeuble litigieux bénéficie d'une protection patrimoniale élevée, de par sa situation dans le périmètre protégé de la Vielle-Ville et puisque faisant l'objet d'une mesure individuelle de classement.

Dans ces conditions, le poids du préavis que la CMNS devait obligatoirement émettre, en vue de toute intervention portant sur sa structure ou son aspect, est essentiel.

Certes le préavis de la CMNS délivré 15 février 2012, était favorable. Tel n'est en revanche plus le cas du préavis subséquent du 1er septembre 2020, plus de huit ans plus tard. La CMNS y a exposé en particulier être très attentive au site emblématique du mur D______ et des façades des immeubles prestigieux de la rue ______ et a constaté que la demande n'était pas acceptable en se référant à l'art. 88 LCI dont le but était d'améliorer l'aménagement des cours et jardins en libérant ceux-ci de toute construction pérenne. Il s'agissait d'assurer une unité dans le traitement du front des façades de la rue ______, même celle se situant en deuxième front comme celle de l'immeuble en question.

Dans la mesure où il vient d'être dit que les recourants ne peuvent tirer aucun argument de l'autorisation DD 6______ accordée en 2012, périmée faute d'avoir été mise en œuvre dans le délai utile, même si la demande du 5 août 2020 porte sur un objet quasi identique, les circonstances ayant présidé à l'octroi de la première autorisation peuvent avoir changé et ont manifestement changé. Après un intervalle de temps de plus de huit ans, la nouvelle demande devait faire l'objet d'un nouvel examen complet, portant sur tous les aspects du projet, dans le cadre duquel l'autorité n'était pas liée par sa précédente décision. Dans ce cadre, le préavis de la CMNS est désormais défavorable pour des motifs tirés de la protection du patrimoine. Ce changement de position, au vu en particulier du temps passé, n'a rien d'insolite.

La position inverse soutenue par la conservatrice cantonale, « Tenant compte des antécédents à ce dossier », soit l'autorisation délivrée en 2012, conservatrice à laquelle la législation ne confère pas la compétence de délivrer des préavis en vue de la délivrance d'autorisations de construire, n'est que de peu de poids au regard du préavis obligatoire de la CMNS. Le fait que la conservatrice cantonale soit membre de droit de la CMNS n'est pas déterminant. Autrement dit, sa prise de position est à relativiser grandement, ce d'autant plus qu'elle a retenu que la structure projetée ne s'accrochait pas au mur de l'immeuble classé, ce qui est faux.

Enfin, les arguments des recourants selon lesquels un store est déjà accroché au mur, effectivement visible sur plusieurs photos, ou que la future structure ne serait pas visible depuis divers points de vues extérieurs ne modifie en rien l'appréciation dont il y a lieu de tenir compte en définitive qui est celle de la CMNS, composée de spécialistes, étant rappelé la double protection dont bénéficie l'immeuble en question. Or, comme récemment retenu par la chambre de céans, les cours intérieures de bâtiments protégés peuvent mériter protection.

Dans ces circonstances, le TAPI n'a nullement versé dans l'arbitraire en retenant que la délivrance de l'autorisation querellée, décidée en dépit d'un préavis essentiel défavorable et sans raison objective suffisante, relève d'un abus du pouvoir d'appréciation du département. Comme retenu à juste titre par cette instance, « on ne peut en effet considérer que le DT s'est écarté dudit préavis "pour des motifs pertinents et en raison d'un intérêt public supérieur" ». Dans cette mesure, sa décision viole le droit.

En tous points infondé, le recours sera rejeté.

13) Vu l'issue du litige, un émolument de CHF 1'500.- sera mis à la charge solidaire des recourants qui succombent (art. 87 al. 1 LPA). Il sera alloué une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à M. B______, qui y a conclu, à la charge solidaire des recourants (art. 87 al. 2 LPA).

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE

à la forme :

déclare recevable le recours interjeté le 24 février 2022 par Madame et Monsieur A______ contre le jugement du Tribunal administratif de première instance du 27 janvier 2022 ;

au fond :

le rejette ;

met un émolument de CHF 1'500.- à la charge solidaire de Madame et Monsieur A______ ;

alloue une indemnité de procédure de CHF 1'500.- à Monsieur B______, à la charge solidaire de Madame et Monsieur A______ ;

dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), la présente décision peut être portée dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l'art. 42 LTF. La présente décision et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être jointes à l'envoi ;

communique le présent arrêt à Me Blaise Grosjean, avocat des recourants, à Me Cédric Lenoir, avocat de l'intimé, au département du territoire-oac ainsi qu'au Tribunal administratif de première instance.

Siégeant : M. Mascotto, président, Mmes Krauskopf et Lauber, juges.

Au nom de la chambre administrative :

le greffier-juriste :

 

 

F. Scheffre

 

 

le président siégeant :

 

 

C. Mascotto

 

Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.

 

Genève, le 

 

 

 

 

la greffière :