Décisions | Chambre administrative de la Cour de justice Cour de droit public
ATA/392/2014 du 27.05.2014 ( PROC ) , REJETE
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE | ||||
| POUVOIR JUDICIAIRE A/3971/2013-PROC ATA/392/2014 COUR DE JUSTICE Chambre administrative Arrêt du 27 mai 2014 2ème section |
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dans la cause
Madame A______
contre
Madame B______ et Monsieur B______
représentés par Me Grégoire Mangeat, avocat
et
DÉPARTEMENT DE L'AMÉNAGEMENT, DU LOGEMENT ET DE L'ÉNERGIE
et
COUR DE JUSTICE – CHAMBRE ADMINISTRATIVE
1) Par décision du 21 juin 2011, le département des constructions et des technologies de l’information, devenu le département de l’urbanisme, puis le département de l'aménagement, du logement et de l'énergie (ci-après : le département) a accordé à Madame et Monsieur B______ l’autorisation de construire une piscine de 5 m sur 11 m sur leur parcelle n° 1______, feuille n° 2______ de la commune de C______ (APA 3______).
2) Par acte posté le 21 juillet 2011, Madame A______, domiciliée ______, chemin D______ à C______, propriétaire de la parcelle n° 4______, en partie adjacente à la parcelle n° 1______, a recouru contre l’autorisation précitée.
3) Par jugement du 29 novembre 2011, le Tribunal administratif de première instance (ci-après : TAPI) a rejeté le recours de Mme A______, mis à la charge de cette dernière un émolument de CHF 500.- couvert par l’avance de frais versée lors du dépôt du recours et alloué une indemnité de CHF 500.- aux époux B______ à la charge de Mme A______ à titre de dépens comprenant une participation aux honoraires de leur avocat.
4) Par acte posté le 19 janvier 2012, Mme A______ a recouru auprès de la chambre administrative de la Cour de justice (ci-après : la chambre administrative) contre le jugement précité, concluant principalement à l’annulation de ce dernier et à l’octroi d’une « juste indemnité pour [ses] frais et dépens ».
5) Le 2 février 2012, Mme A______ a adressé à la chambre administrative une « liste approximative de [ses] frais à ce jour » : ceux-ci (courriers, téléphones, déplacements, honoraires d’avocat, recours) s’élevaient à CHF 1'200.- et son travail de rédaction et de recherches à CHF 2'400.-, soit un total de CHF 3'600.-.
6) Par arrêt du 30 octobre 2012, la chambre administrative a rejeté le recours de Mme A______, mis un émolument de CHF 1'000.- à la charge de cette dernière et alloué une indemnité de CHF 1'000.- aux époux B______, pris conjointement et solidairement, à la charge de Mme A______ (ATA/726/2012).
7) Par acte posté le 12 décembre 2012, Mme A______ a recouru auprès du Tribunal fédéral contre l’arrêt précité, concluant principalement à son annulation et à l’octroi d’une indemnité équitable pour ses frais et dépens et, subsidiairement, à l’annulation de l’autorisation de construire et du jugement du TAPI.
8) Le 30 avril 2013, le Tribunal fédéral a admis le recours de Mme A______, annulé l’arrêt de la chambre administrative du 30 octobre 2012 et a renvoyé la cause à cette dernière pour nouvelle décision dans le sens des considérants. Il a mis des frais judiciaires réduits, arrêtés à CHF 1'500.-, à la charge des époux B______, solidairement entre eux et n’a pas alloué de dépens. Mme A______, qui avait procédé seule et n’avait pas démontré avoir engagé des dépenses particulières pour la défense de ses intérêts devant le Tribunal fédéral ne pouvait prétendre à des dépens pour la procédure fédérale (Arrêt du Tribunal fédéral 1C_641/2012 du 30 avril 2013).
9) Le 16 mai 2013, Mme A______ a écrit à la chambre administrative pour demander notamment le remboursement de ses « avances judiciaires » ainsi qu’une indemnité couvrant ses frais concrets et le travail accompli par elle-même.
10) Le 14 juin 2013, Mme A______ a persisté dans son recours. Bien que n’étant pas représentée, elle sollicitait une indemnité pour ses frais et dépens, s’élevant au total à CHF 9'464.-, car elle avait consacré environ 150 heures en deux ans à la procédure, rédigé cinquante lettres, effectué cent trente-trois téléphones et vingt-neuf déplacements, et elle avait consulté un avocat, dont elle joignait copie des honoraires s’élevant à CHF 972.-.
11) Par arrêt du 29 octobre 2013, adressé aux parties le 6 novembre 2013, la chambre administrative a admis le recours de Mme A______, constaté la nullité de l’autorisation de construire APA 3______ du 21 juin 2011, retourné la cause au département afin qu’il instruise la demande d’autorisation ab initio selon la procédure ordinaire. L’intéressée n’était pas formellement représentée par un avocat, même si elle en avait consulté un, dont les honoraires s’étaient élevés à CHF 972.-, seul montant justifié par pièce. Elle ne pouvait pas se voir allouer l’intégralité de la somme réclamée (CHF 9'464.-). Vu l’issue du litige, une indemnité de CHF 1'000.- lui était allouée à la charge de l’Etat de Genève. Aucun émolument n’était perçu (ATA/725/2013).
12) Le 6 novembre 2013, la chambre administrative a écrit à l’intéressée notamment que son avance de frais lui serait remboursée dès que l’arrêt précité serait devenu définitif.
13) Par acte posté le 9 décembre 2013, Mme A______ a formé réclamation auprès de la chambre administrative contre le montant de l’indemnité de procédure que la chambre administrative lui avait alloué par arrêt du 29 octobre 2013, concluant à la modification dudit arrêt. Elle a prié la chambre administrative de préciser qu’elle ne devait pas payer d’émolument pour les trois procédures devant le TAPI et la chambre administrative et qu’elle avait droit à des indemnités pour ces dernières, afin de couvrir ses frais effectifs ainsi que le temps et le travail qu’elle y avait consacré. Elle souhaitait recouvrer ses avances de frais et être indemnisée de manière correcte. Elle demandait également une indemnité équitable de CHF 500.- pour la présente procédure de réclamation, « bien que ce ne soit apparemment pas la pratique en matière de réclamation de ce genre », cette procédure lui ayant coûté environ CHF 30.- de frais et nécessité plus d’une dizaine d’heures de travail.
L’arrêt du 29 octobre 2013 – qui ne lui accordait que CHF 1'000.- d’indemnité au total – était arbitraire et disproportionné et violait son droit d’être entendu puisqu’elle avait demandé un « défraiement équitable ». Vu la complexité de la cause, elle avait dû « multiplier les correspondances, téléphones, déplacements, consultations juridiques, recours et écritures ». Elle avait dû « consacrer un temps anormalement élevé et engager des dépenses particulières pour la défense de [ses] intérêts », bien qu’elle n’ait pas été assistée par un mandataire professionnel. Elle avait facturé 150 heures en trois ans à CHF 50.- de l’heure, soit CHF 7'500.- au total.
14) Le 23 décembre 2013, après avoir transmis copie de la réclamation précitée aux parties, le juge délégué a informé ces dernières que la cause était gardée à juger.
1) La juridiction administrative qui rend la décision statue sur les frais de procédure et émoluments (art. 87 al. 1 de la loi sur la procédure administrative du 12 septembre 1985 - LPA - E 5 10).
Elle peut, sur requête, allouer à la partie ayant eu entièrement ou partiellement gain de cause une indemnité pour les frais indispensables causés par le recours (art. 87 al. 2 LPA).
Ces questions peuvent faire l’objet d’une réclamation dans le délai de trente jours dès la notification de la décision (art. 17 al. 3 et 87 al. 4 LPA).
2) Adressée en temps utile à la chambre de céans, la réclamation est recevable.
3) a. La juridiction administrative statue sur les frais de procédure, indemnités et émoluments dans les limites établies par règlement du Conseil d'Etat et conformément au principe de la proportionnalité (art. 87 al. 1 et 3 LPA ; ATA/581/2009 du 10 novembre 2009 et les références citées).
b. L'art. 6 du règlement sur les frais, émoluments et indemnités en procédure administrative du 30 juillet 1986 (RFPA - E 5 10.03), intitulé « indemnité » prévoit que la juridiction peut allouer à une partie, pour les frais indispensables occasionnés par la procédure, y compris les honoraires éventuels d’un mandataire, une indemnité de CHF 200.- à CHF 10'000.-.
c. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral et de la juridiction de céans, les décisions des tribunaux en matière de dépens n’ont pas à être motivées, l’autorité restant néanmoins liée par le principe général de l’interdiction de l’arbitraire (ATF 114 Ia 332 consid. 2b p. 334 ; 111 Ia 1 ; 111 V 48 consid. 4a ; Arrêts du Tribunal fédéral 6B_245/2011 du 7 juillet 2011 consid. 2.2 ; 5D_106/2010 du 28 février 2011 consid. 4.1 ; 2C_379/2010 du 19 novembre 2010 consid. 6.1 ; 5A_502/2008 du 4 mars 2009 consid. 4.1 ; ATA/837/2013 du 19 décembre 2013 ; ATA/544/2010 du 4 août 2010 ; ATA/430/2010 du 22 juin 2010 et les références citées). Le juge est en mesure de se rendre compte de la nature et de l'ampleur des opérations que le procès a nécessitées (ATF 111 Ia 1 consid. 2a p. 1).
d. La juridiction saisie dispose d’un large pouvoir d’appréciation également quant à la quotité de l’indemnité allouée et, de jurisprudence constante, celle-ci ne constitue qu’une participation aux honoraires d’avocat (ATA/837/2013 du 19 décembre 2013 ; ATA/430/2010 du 22 juin 2010 ; ATA/681/2009 du 22 décembre 2009 ; ATA/554/2009 du 3 novembre 2009 ; ATA/236/2009 du 12 mai 2009), ce qui résulte aussi, implicitement, de l'art. 6 RFPA dès lors que ce dernier plafonne l'indemnité à CHF 10'000.-. Enfin, la garantie de la propriété (art. 26 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse du 18 avril 1999 - Cst. - RS 101) n'impose nullement une pleine compensation du coût de la défense de la partie victorieuse (Arrêt du Tribunal fédéral 2C_152/2010 du 24 août 2010).
e. Pour déterminer le montant de l’indemnité, il convient de prendre en compte les différents actes d’instruction, le nombre d’échanges d’écritures et d’audiences. Quant au montant retenu, il doit intégrer l’importance et la pertinence des écritures produites et de manière générale la complexité de l’affaire (ATA/544/2010 du 4 août 2010).
f. Selon la jurisprudence du Tribunal fédéral, une partie non assistée par un avocat, indépendamment du fait qu’elle soit juriste ou avocate elle-même, peut obtenir des dépens à certaines conditions ( ), dans des causes particulièrement compliquées, avec une valeur litigieuse élevée et un travail important qui dépasse ce que chaque individu peut devoir consacrer à ses affaires personnelles (ATF 125 II 518 consid. 5b p. 519-520 = RDAF 2000 I 711).
g. La chambre administrative n’alloue pas d’indemnité de procédure lorsque la personne qui la demande n’est pas formellement représentée par un mandataire et n’indique pas avoir exposé de frais particuliers au titre de la défense de ses intérêts (ATA/779/2013 du 26 novembre 2013 ; ATA/216/2013 du 9 avril 2013 ; ATA/93/2007 du 6 mars 2007).
4) En l’espèce, Mme A______ n’est pas formellement représentée par un mandataire. Elle estime que l’indemnité de procédure de CHF 1'000.- qui lui a été allouée par arrêt du 29 octobre 2013 n’est pas suffisante. Elle demande des indemnités pour les trois procédures au TAPI et à la chambre administrative, afin de couvrir ses frais effectifs ainsi que son temps et son travail. Elle explique avoir consacré 150 heures à la procédure et avoir dû « multiplier les correspondances, téléphones, déplacements, consultations juridiques, recours et écritures », ses frais et dépens s’élevant au total à CHF 9'464.-, montant dans lequel étaient inclus les honoraires de l’avocat consulté (CHF 972.-).
Ayant elle-même choisi d’agir en personne, l’intéressée doit en assumer les conséquences en termes d’indemnité de procédure. Même si elle avait été représentée par un avocat, elle ne se serait pas vu allouer une indemnité couvrant l’ensemble des frais de la procédure, puisque, selon la jurisprudence, l’indemnité allouée ne constitue qu’une participation aux honoraires d’avocat (ATA/837/2013 du 19 décembre 2013 et les références citées). Il n'y a dès lors pas lieu de donner suite à la demande d'indemnisation pleine et entière formulée par l’intéressée. Le montant de l'indemnité de procédure restera dès lors de CHF 1'000.- pour l’ensemble de la procédure. Ce montant tient compte notamment du fait que l’intéressée a consulté un avocat dont elle a produit copie des honoraires (CHF 972.-). L’indemnité de CHF 1'000.- est en adéquation avec le travail fourni et le résultat obtenu. Même si l’intéressée a investi à titre personnel beaucoup d’énergie et de temps dans la procédure, ces paramètres ne sont pas indemnisables dans le cadre de l’art. 87 al. 2 LPA, s’agissant en l’espèce d’une cause ne présentant pas de complexité particulière ni une valeur litigieuse élevée, étant rappelé qu’il résulte des textes légaux et réglementaires précités que la chambre de céans jouit d’un large pouvoir d’appréciation qu’elle exerce en tenant compte des principes développés ci-dessus (cf. supra consid. 3).
L’Arrêt du Tribunal fédéral 1C_533/2012 du 12 septembre 2013 cité par l’intéressée ne lui est d’aucun secours, dans la mesure où il concerne une procédure valaisanne, dans le cadre de laquelle la répartition des frais et dépens est fixée d’après la loi valaisanne sur la procédure et la juridiction administratives du 6 octobre 1976 (LPJA – RS/VS 172.6). Chaque canton dispose de sa propre loi de procédure administrative réglant notamment les frais et émoluments. A Genève, cette question est réglée par la LPA et le RFPA, comme indiqué précédemment.
5) L’intéressée demande également à la chambre de céans de préciser qu’elle ne doit pas payer d’émolument pour les trois procédures devant le TAPI et la chambre administrative. De plus, elle souhaite recouvrer ses avances de frais.
Le 6 novembre 2013, la chambre administrative a écrit à l’intéressée que son avance de frais en seconde instance lui serait remboursée dès que l’arrêt serait devenu définitif. La restitution de l’avance de frais de première instance relève de la compétence du TAPI.
Cela correspond à la procédure usuelle, dont l’application à ce stade n’est pas contentieuse, de sorte qu’il n’y a pas lieu de statuer à cet égard dans le dispositif du présent arrêt.
S’agissant des émoluments mis à la charge de l’intéressée en première et en seconde instances, ceux-ci ne lui seront pas réclamés puisque l’arrêt du 29 octobre 2013 a admis son recours et retourné la cause au département. Il n’est donc pas non plus nécessaire de préciser ce point dans le dispositif de l’arrêt.
6) Il s’ensuit que la réclamation sur indemnité sera rejetée.
7) L’intéressée a demandé une indemnité équitable pour la présente cause.
Vu l’issue du litige et conformément à la pratique et à la jurisprudence constante de la chambre de céans (ATA/837/2013 du 19 décembre 2013), il ne sera pas perçu d'émolument, ni alloué d'indemnité dans la présente cause.
* * * * *
PAR CES MOTIFS
LA CHAMBRE ADMINISTRATIVE
à la forme :
déclare recevable la réclamation sur émolument et indemnité élevée le 9 décembre 2013 par Madame A______ contre l’arrêt de la chambre administrative de la Cour de justice du 29 octobre 2013 ;
au fond :
la rejette ;
dit qu’il n’est pas perçu d’émolument, ni alloué d’indemnité de procédure dans la présente cause ;
dit que, conformément aux art. 82 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF - RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification par-devant le Tribunal fédéral, par la voie du recours en matière de droit public ; le mémoire de recours doit indiquer les conclusions, motifs et moyens de preuve et porter la signature du recourant ou de son mandataire ; il doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14, par voie postale ou par voie électronique aux conditions de l’art. 42 LTF. Le présent arrêt et les pièces en possession du recourant, invoquées comme moyens de preuve, doivent être joints à l’envoi ;
communique le présent arrêt à Madame A______, à Me Grégoire Mangeat, avocat de Madame et Monsieur B______, ainsi qu'au département de l'aménagement, du logement et de l'énergie.
Siégeants : M. Verniory, président, Mme Junod, M. Dumartheray, juges.
Au nom de la chambre administrative :
la greffière-juriste :
S. Hüsler Enz |
| le président siégeant :
J.-M. Verniory
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Copie conforme de cet arrêt a été communiquée aux parties.
Genève, le
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| la greffière :
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