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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/17041/2023

ACPR/270/2024 du 19.04.2024 sur ONMMP/372/2024 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ATTEINTE À LA SANTÉ PHYSIQUE;SOUPÇON;INSECTE;INTENTION;HÔTEL
Normes : CPP.310; CPP.136; CPP.122; CPP.123

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/17041/2023 ACPR/270/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 19 avril 2024

 

Entre

A______, domiciliée ______, Autriche, agissant en personne,

recourante,


contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 26 janvier 2024 par le Ministère public,

et

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 28 février 2024 depuis B______ (Autriche), reçu le 4 mars 2024 au greffe de la Cour de justice, A______ recourt contre l'ordonnance du 26 janvier 2024, notifiée le 15 février 2024, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte du 7 août 2023.

Elle ne prend pas de conclusions formelles mais sollicite une enquête plus approfondie.

b. Le même acte de recours a également été adressé au Ministère public – sous une forme (original ou copie), à une date et par un moyen d'acheminement que le dossier ne permet pas d'établir –, qui l'a reçu à tout le moins le 26 février 2024, date à laquelle il l'a transmis à la Chambre de céans.

c. La recourante a été dispensée de verser des sûretés, celle-ci ayant, subséquemment au recours, sollicité le bénéfice de l'assistance judiciaire, étant sans revenu, et la désignation d'un avocat.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.A______, ressortissante de Mongolie, a déposé plainte pénale le 7 août 2023 à l'encontre de C______ et de D______. Elle avait loué une chambre au sein du foyer E______ (ci-après : le foyer), à Genève, du 8 mai 2023 au 15 juin 2023. Lors de ce séjour, elle avait été mordue par des punaises de lit, avait vomi et eu des rougeurs sur tout le corps. À la suite de ces faits, le personnel du foyer l'avait déplacée de la chambre n° 1______ à la chambre n° 2______ en sachant que cette nouvelle chambre était également infestée de punaises de lit. Cette situation avait eu comme conséquence que son corps était couvert de cicatrices durables, ce qui avait également généré un stress émotionnel sévère. Elle avait en outre dû interrompre son stage auprès du F______ [institution internationale] en raison de ces faits.

A______ a joint à sa plainte pénale des photographies de son corps ainsi que des rapports de différents médecins suisses et autrichiens.

b. Entendue par la police le 18 septembre 2023, D______ a expliqué qu'elle était responsable de la comptabilité et de l'administration du foyer depuis septembre 2019. S'agissant de la plaignante, elle la connaissait mais ce n'était pas elle qui lui avait attribué les chambres nos 2______ et 1______.

Le 13 février 2023, des punaises de lit avaient été détectées dans la chambre n° 1______, de sorte que l'entreprise G______ était intervenue. Le 28 mars 2023, G______ avait constaté que les punaises de lit avaient été éradiquées de ladite chambre. Le foyer et elle-même n'avaient pas connaissance de la présence de punaises de lit à l'arrivée de la plaignante. Les résidentes, un ou deux, qui avaient occupé la chambre n° 1______ entre le 28 mars 2023 et l'arrivée de la plaignante, ne s'étaient pas plaintes de punaises de lit. Lorsque la plaignante avait signalé le problème au foyer, celui-ci avait fait le nécessaire. À l'appui, elle a transmis des documents attestant des diverses interventions de l'entreprise précitée.

c. Selon le rapport de renseignements de police du 13 décembre 2023, G______ était intervenue auprès du foyer et avait inspecté six chambres dont les chambres nos 2______ et 1______, le 13 février 2023. Il avait été constaté que seule la chambre n° 1______ était contaminée par les punaises de lit. Après le traitement, la chambre en question avait été contrôlée le 28 mars 2023 et aucune présence de ces insectes n'avait été détectée. L'entreprise n'était ensuite plus intervenue jusqu'au 26 juin 2023, date à laquelle une détection canine avait révélé que les chambres nos 2______ et 1______, notamment, étaient contaminées par des punaises de lit. Un nouveau traitement par pulvérisation, dans lesdites chambres, avait eu lieu le 19 juillet 2023 et selon un constat du 8 août 2023, plus aucune punaise de lit n'avait été détectée.

Il était précisé que H______, mentionnée dans la plainte, n'était pas un membre du personnel du foyer mais une résidente en discorde avec le foyer, qui avait dû quitter celui-ci car elle n'avait plus l'autorisation d'y rester. Quant à C______, elle ne faisait plus partie de la direction du foyer depuis mars 2019, de sorte qu'elle n'avait pas été convoquée.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public a considéré qu'aucune infraction pénale ne pouvait être reprochées aux mises en cause, rien n'indiquant qu'elles avaient eu connaissance de la présence de punaises de lit et intentionnellement déplacé la plaignante dans une chambre également infestée par ces insectes. L'invasion de punaises de lit était très répandue et provoquée par les mouvements de personnes, ce qui pouvait expliquer leur présence au sein du foyer E______, qui recevait des personnes du monde entier.

D. a. À l'appui de son recours, A______ reproche au Ministère public de ne pas avoir fait interroger "Mme I______", une fille qui avait loué sa chambre avant elle et s'était plainte des punaises de lit en mai 2023, ainsi que H______, membre du personnel. La police n'avait en outre pas demandé à D______ : si les chambres nos 2______ et 1______ avaient été louées après le 28 mars 2023, s'il y avait eu des plaintes de locataires en avril et mai 2023 et qui avait loué ces chambres en avril et mai 2023, étant relevé que la prévenue n'avait pas prouvé l'absence de doléances ni que les chambres n'avaient pas été louées à ces dates.

b. La cause a été gardée à juger sans échange d'écritures, ni débats.

EN DROIT :

1.             1.1. Le recours concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane de la plaignante qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

1.2. À teneur de l'art. 396 al. 1 CPP, le recours contre les décisions notifiées par écrit ou oralement est motivé et adressé par écrit, dans le délai de dix jours, à l'autorité de recours.

Selon l'art. 91 CPP, le délai est réputé observé si l'acte de procédure est accompli auprès de l'autorité compétente au plus tard le dernier jour du délai (al. 1). Les écrits doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai à l'autorité pénale ou à la Poste suisse (al. 2). Le délai est également réputé observé si l'écrit parvient au plus tard le dernier jour du délai à une autorité suisse non compétente. Celle-ci transmet l'écrit sans retard à l'autorité pénale compétente (al. 4).

1.3. En l'espèce, la décision querellée ayant été notifiée le 15 février 2024, le délai de recours est arrivé à échéance le lundi 26 février 2024 (art. 90 al. 2 CPP). Si l'exemplaire adressé à la Chambre de céans, expédié depuis l'Autriche le 28 février 2024, est tardif, tel ne semble pas être le cas de celui adressé au Ministère public, qui l'a reçu à tout le moins le 26 février 2024, date à laquelle il l'a transmis à la Chambre de céans. Encore faut-il que l'exemplaire en question satisfasse aux réquisits de l'art. 110 al. 1 2ème phrase CPP, autrement dit soit dûment signé en original, ce que l'acte communiqué par le Ministère public – dont le contenu est strictement identique à l'acte expédié tardivement à la Chambre de recours – ne permet pas de distinguer. La question de la recevabilité dudit exemplaire, sous cet angle, peut néanmoins rester ouverte, le recours devant de toute manière être rejeté au fond.

2. 2.1. Le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis (art. 310 al. 1 let. a CPP).

Conformément à cette disposition, la non-entrée en matière est justifiée lorsque la situation est claire sur le plan factuel et juridique. Tel est le cas lorsque les faits visés ne sont manifestement pas punissables, faute, de manière certaine, de réaliser les éléments constitutifs d'une infraction, ou encore lorsque les conditions à l'ouverture de l'action pénale font clairement défaut. Au stade de la non-entrée en matière, on ne peut admettre que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont manifestement pas réalisés que lorsqu'il n'existe pas de soupçon suffisant conduisant à considérer un comportement punissable ou lorsqu'un éventuel soupçon initial s'est entièrement dissipé. En revanche, si le rapport de police, la dénonciation ou les propres constatations du ministère public amènent à retenir l'existence d'un soupçon suffisant, il incombe en principe à ce dernier d'ouvrir une instruction (art. 309 al. 1 let. a CPP). Cela implique que les indices de la commission d'une infraction soient importants et de nature concrète, ce qui n'est pas le cas de rumeurs ou de suppositions. Le soupçon initial doit reposer sur une base factuelle plausible, laissant apparaître la possibilité concrète qu'une infraction ait été commise (ATF 141 IV 87 consid. 1.3.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_196/2020 du 14 octobre 2020 consid. 3.1). Dans le doute, lorsque les conditions d'une non-entrée en matière ne sont pas réalisées avec une certitude absolue, l'instruction doit être ouverte (arrêt 6B_196/2020 précité ; ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1 ; ATF 138 IV 86 consid. 4.1 ; ATF 137 IV 219 consid. 7).

2.2. En l'espèce, la recourante considère que c'est en toute connaissance de cause que le foyer E______ lui avait loué une chambre infestée de punaises de lit, ce qui pouvait constituer une infraction à l'art. 123 CP, voire 122 CP – l'intéressée alléguant des cicatrices physiques durables.

Selon les investigations policières, il est établi que la recourante, lors de son séjour au foyer E______, du 8 mai au 15 juin 2023, s'est fait mordre par des punaises de lit dans la chambre n° 1______ tout d'abord, puis dans la chambre n° 2______ où elle avait ensuite été déplacée. Selon D______, gérante du foyer, elle n'avait pas elle-même attribué les chambres précitées à l'intéressée. En outre, ni elle ni le foyer n'avaient connaissance de la présence de punaises de lit dans la résidence à l'arrivée de la plaignante. L'entreprise G______ avait constaté leur éradication, le 28 mars 2023, et les occupantes de la chambre n° 1______ avant l'arrivée de la recourante ne s'étaient pas plaintes de punaises de lit. Lorsque la recourante avait signalé le problème, le foyer avait à nouveau fait le nécessaire pour traiter les chambres et selon le dernier constat d'août 2023, plus aucune punaise de lit n'avait été détectée dans le foyer.

Dans la mesure où les punaises de lit qui sévissaient dans les chambres nos 1______ et 2______ ont ainsi été éradiquées à la date du 28 mars 2023, soit avant l'arrivée de la recourante, le 8 mai 2003, et qu'aucune doléance et/ou plainte pénale n'a semble-t-il été portée à la connaissance du foyer et/ou des autorités par les résidentes ayant occupé les chambres en question dans l'intervalle, la recourante ne saurait soutenir que la direction du foyer l'a délibérément placée dans des chambres infestées de punaises de lit.

Il ressort du dossier que la gérante du foyer a pris des mesures, avant, pendant et après le séjour de la recourante, pour éradiquer ces nuisibles, ce qui semble infirmer toute volonté ou dessein intentionnel de sa part de loger sciemment ses résidentes, et la recourante en particulier, dans des chambres infestées.

Comme relevé par le Ministère public, la prolifération des punaises de lit est provoquée par les mouvements de personnes. Un foyer religieux dont la vocation est d'accueillir des jeunes femmes du monde entier constitue donc un terrain favorable.

La recourante prétend qu'une dénommée "Mme I______", qui avait loué sa chambre avant elle, s'était plainte de la présence de punaises de lit en mai 2023, avant son arrivée. Or, à supposer que la police puisse identifier et localiser cette personne, son audition ne serait pas encore propre à démontrer que la mise en cause aurait effectivement eu connaissance de ce fait et n'aurait pris aucune mesure à ce moment pour éradiquer les nuisibles – alors qu'elle en avait prises antérieurement et postérieurement –.

Comme indiqué par la police, H______ n'est pas un membre du personnel du foyer mais une résidente en discorde avec le foyer. Son éventuel témoignage pourrait dès lors ne pas être objectif.

Quant à C______, également visée par la plainte, elle a quitté la direction du foyer en mars 2019, de sorte que son audition ne pourrait apporter aucun élément probant sur les faits en question.

Enfin, D______ a répondu aux questions que la recourante souhaite lui voir encore posées. Quand bien même elle fournirait encore l'identité des résidentes des chambres nos 1______ et 2______ en avril et mai 2023 et à supposer que ces personnes attesteraient de la présence de punaises de lit lors de leur séjour, à l'instar éventuellement de "Mme I______", cela ne démontrerait pas encore que la mise en cause en aurait effectivement eu connaissance à ce moment et n'aurait pas pris les mesures qui s'imposent, comme cela a été dit ci-dessus.

3. Le recours s'avère ainsi infondé, ce qui pouvait être constaté sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5, a contrario, CPP).

4. La recourante sollicite l'assistance judiciaire pour le recours et la désignation d'un avocat.

4.1. À teneur de l'art. 136 al. 1 CPP, la direction de la procédure accorde entièrement ou partiellement l’assistance judiciaire gratuite:

a. à la partie plaignante, pour faire valoir ses prétentions civiles, si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et que l’action civile ne paraît pas vouée à l’échec;

b. à la victime, pour lui permettre de faire aboutir sa plainte pénale, si elle ne dispose pas de ressources suffisantes et que l’action pénale ne paraît pas vouée à l’échec.

L'assistance judiciaire comprend l'exonération d'avances de frais et de sûretés (let. a), l'exonération des frais de procédure (let. b) et la désignation d'un conseil juridique gratuit, lorsque la défense des intérêts de la partie plaignante ou de la victime l’exige (let. c).

4.2. En l'occurrence, dès lors que la procédure pénale était vouée à l'échec, la demande d'assistance judiciaire gratuite sous forme d'exonération des frais de justice et de désignation d'un conseil juridique gratuit sera rejetée.

5. La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, qui comprendront un émolument de CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Rejette la demande d'assistance juridique gratuite.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, qui comprennent un émolument de CHF 900.-.

Notifie le présent arrêt, en copie, à la recourante et au Ministère public.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Corinne CHAPPUIS BUGNON et Françoise SAILLEN AGAD, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/17041/2023

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

900.00

-

CHF

Total

CHF

985.00