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Décisions | Chambre pénale de recours

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PM/350/2022

ACPR/772/2022 du 08.11.2022 sur JTPM/618/2022 ( TPM ) , ADMIS

Descripteurs : MESURE THÉRAPEUTIQUE INSTITUTIONNELLE;EXPERTISE;LIBÉRATION CONDITIONNELLE
Normes : CP.61; CP.59; CP.62d

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PM/350/2022 ACPR/772/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du mardi 8 novembre 2022

 

Entre

A______, actuellement à la clinique B______, comparant par Me C______, avocate, ______, Genève,

recourant,

 

contre le jugement rendu le 5 septembre 2022 par le Tribunal d'application des peines et des mesures,

 

et

LE TRIBUNAL D'APPLICATION DES PEINES ET DES MESURES, rue des Chaudronniers 9, 1204 Genève - case postale 3715, 1211 Genève 3,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. Par acte expédié le 19 septembre 2022, A______ recourt contre le jugement du 5 septembre 2022, notifié le 7 suivant, par lequel le Tribunal d'application des peines et des mesures (ci-après, TAPEM) a ordonné la poursuite de la mesure institutionnelle (art. 59 CP), ordonnée le 10 janvier 2019, jusqu'au prochain contrôle annuel au sens de l'art. 62d CP, la mesure étant valable jusqu'au 10 janvier 2024.

Le recourant conclut à l'annulation du jugement précité et à sa libération conditionnelle immédiate.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a.a. Par jugement du 4 septembre 2018, le Tribunal correctionnel (TCor) a reconnu A______, coupable de brigandage, tentative de brigandage, agression, vol, violation de domicile, menaces, infraction à l'art. 33 al. 1 let. a LArm, vol d'importance mineure et infraction à l'art. 19a ch. 1 LStup. Il a révoqué les sursis octroyés le 19 février 2015, par le Tribunal des mineurs, à la peine privative de liberté de 24 mois et le 27 octobre 2015, par le Ministère public, à une peine-pécuniaire de 60 jours-amende.

Il l'a condamné à une peine privative de liberté d'ensemble de 3 ans et 9 mois – y compris la révocation du sursis du 19 février 2015 – sous déduction de 474 jours de détention subie avant jugement, peine partiellement complémentaire aux condamnations prononcées par le Ministère public les 19 mai et 20 juillet 2016 – ainsi qu'à une amende de CHF 200.-.

Il a ordonné le placement de A______ dans un établissement pour jeunes adultes, au sens de l'art. 61 CP, suspendu l'exécution de la peine au profit de cette mesure et ordonné qu'il soit soumis à un traitement ambulatoire au sens de l'art. 63 CP.

a.b. Deux autres peines privative de liberté de substitution ont été suspendues au profit de la mesure, soit celle de 58 jours du 31 juillet 2017 et celle de 120 jours du 11 septembre 2017.

a.c. À teneur de l'extrait de son casier judiciaire au 30 septembre 2022, A______, né le ______ 1995, a en outre été condamné pour :

·    dommages à la propriété, le 14 novembre 2013 par le Ministère public du canton du Valais, à une peine pécuniaire de 15 jours-amende à CHF 10.-, avec sursis de 2 ans;

·  vol, utilisation frauduleuse d'un ordinateur, extorsion et chantage, tentative de brigandage, tentatives de vol d'usage d'un véhicule automobile, menaces, brigandage, brigandage en bande, tentatives de brigandage,
agression, lésions corporelles simples, recel, délit selon l'art. 19bis LStup et délit contre la LArm, le 19 février 2015, par le Tribunal des mineurs, à une privation de liberté DPMin de 24 mois, avec sursis, et un traitement ambulatoire;

·  injure et opposition aux actes de l'autorité, le 27 octobre 2015 par le Ministère public, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 30.-, avec sursis;

·  dénonciation calomnieuse, le 19 mai 2016 par le Ministère public, à une peine pécuniaire de 120 jours-amende à CHF 30.-, complémentaire à la précédente;

·  vol, dommages à la propriété, le 20 juillet 2016 par le Ministère public, à une peine pécuniaire de 60 jours-amende à CHF 30.-.

 

Il a encore été condamné, le 13 mai 2022, par le Tribunal de police de D______, pour délits à la LStup, à une peine privative de liberté de 30 jours avec sursis et une amende de CHF 300.-.

Aucune nouvelle enquête pénale n'a été ouverte à son encontre.

b.        À teneur de l'expertise psychiatrique du 18 janvier 2018, A______ souffre de troubles mentaux et troubles du comportement liés à l'utilisation d'alcool, syndrome de dépendance (alors abstinent, mais dans un environnement protégé), troubles mentaux et troubles du comportement liés à l'utilisation de dérivés du cannabis, syndrome de dépendance (alors abstinent, mais dans un environnement protégé), troubles mentaux et du comportement liés à l'utilisation de la cocaïne, syndrome de dépendance, (alors abstinent, mais dans un environnement protégé), trouble hyperkinétique et trouble des conduites, trouble mixte des acquisitions scolaires et traits de personnalité dyssociale.

L’expert souligne l’apparition précoce de délits impulsifs (vers l’âge de 12 ans) puis de délits perfectionnés et motivés par le besoin d’argent pour financer sa consommation de toxiques (vers 16 ans). Par la suite, les délits se multiplient et leur gravité augmente. L’expert relève également que l'expertisé ne possède pas les ressources psychologiques nécessaires pour faire un travail psychothérapeutique approfondi et qu’il a besoin d’un accompagnement de nature psycho-éducative au long cours dans un environnement communautaire. Le centre d’accueil pour adultes en difficulté (CAAD) en ______[canton] est notamment évoqué, tout comme la possibilité d'un placement dans un établissement pour jeunes adultes.

Le risque de récidive est considéré comme élevé, l’expert considérant ses troubles comme une combinaison explosive de symptômes psychiatriques en termes de répercussions pénales.

La mise en place d'un encadrement socio-éducatif strict dans un foyer résidentiel sur plusieurs mois, voire années, était préconisée pour permettre à l'expertisé d'acquérir des stratégies pour gérer son impulsivité et des capacités sociales et professionnelles et, surtout, empêcher l'évolution vers un trouble franc de la personnalité dyssociale.

c.         Par jugement du 10 janvier 2019, le TAPEM a constaté qu'aucun établissement adéquat pour l'exécution de la mesure au sens de l'art. 61 CP n'existait en l'état et/ou qu'aucune place n'était disponible dans un tel établissement dans un délai raisonnable. Après avoir refusé d'ordonner une nouvelle expertise, il a levé la mesure institutionnelle pour jeunes adultes (art. 61 CP) et, en lieu et place, ordonné une mesure thérapeutique institutionnelle au sens de l'art. 59 CP, pour une durée de 3 ans.

 

d.        La Commission d'évaluation de la dangerosité (CED) ayant retenu que l'intéressé ne présentait pas de danger pour la collectivité dans le cadre d'un passage en milieu thérapeutique institutionnel ouvert, comprenant une prise en charge thérapeutique et éducative, le Service de l'application des peines et mesures (SAPEM) a, le 17 juin 2020, autorisé le placement de A______ en milieu thérapeutique institutionnel ouvert, comprenant des sorties accompagnées par le personnel de l'établissement.

 

 

e.         A______ a, ainsi, été transféré le 23 juin 2020 à la Fondation E______.

 

f.         Par jugement du 4 mai 2021, le TAPEM a ordonné la prolongation de la mesure thérapeutique institutionnelle précitée, pour une durée de 2 ans, soit jusqu'au 10 janvier 2024.

 

 

g.        Le 31 mai 2021, la Fondation E______ a mis un terme au séjour de A______, en raison de ses violations réitérées du cadre institutionnel et de la loi (consommation de stupéfiants, remise et vente de stupéfiants à d'autres résidents, falsification des résultats des prises d'urine).

 

h.        Le 2 juin 2021, A______ a été transféré à B______.

 

 

i.          Le 10 juin 2021, le SAPEM a révoqué le régime de sorties non accompagnées accordé le 21 janvier précédent à A______, et maintenu son placement en milieu thérapeutique institutionnel ouvert ainsi que les sorties accompagnées. Le 14 juillet 2021, il lui a octroyé des sorties non accompagnées pour lui permettre d’être aux côtés de sa compagne, lors de son accouchement, qui aurait eu lieu le 30 juillet suivant.

 

j.          Dans son rapport du 11 août 2021, la psychiatre, qui avait suivi A______ à la Fondation E______, a considéré que la levée de la mesure était prématurée; ce dernier avait besoin d'un cadre thérapeutique pour évoluer et changer son mode de fonctionnement et pour faire preuve d'une abstinence durable.

 

k.        Dans son rapport de sortie du 13 septembre 2021, la Fondation E______ a relevé que A______ avait montré une évolution favorable, notamment concernant la gestion de ses émotions négatives, et démontré une compréhension des enjeux qui entouraient sa mesure pénale, bien qu'un travail de fond demeurait à effectuer sur ses capacités à se définir en dehors de ses activités délictuelles.

 

 

l.          Le 30 novembre 2021, le SAPEM a octroyé à A______ un régime de sorties non accompagnées de 72 heures par mois, comprenant les week-ends sans nuit à l'extérieur, afin de lui permettre de s'investir dans la création d'un cadre familial stable et durable avec sa fille et sa compagne et effectuer des démarches administratives et privées.

 

m.      À teneur du rapport médical du 22 février 2022 du SMI, A______ faisait preuve d'une bonne compliance à son programme de soins ainsi qu'au cadre institutionnel et fournissait des efforts dans le suivi de sa thérapie et de son processus de réinsertion socio-professionnelle. À la suite de l'octroi des sorties non accompagnées, son irritabilité et les épisodes passagers d'agressivité verbale liés à des frustrations avaient diminué tant dans leur fréquence que dans leur intensité. Il n'avait pas présenté de trouble du comportement, se montrait moins méfiant à l'égard du personnel soignant et exprimait plus librement son besoin d'être rassuré et valorisé. Sa tendance antérieure à chercher la domination sur ses pairs avait cédé la place à une attitude constructive visant à présenter une image exemplaire au sein du groupe des patients de l'unité. Il continuait d'adopter de manière générale un comportement adéquat à B______, de présenter une stabilité psychique. Cette posture semblait perdurer, à en juger par l'adéquation de son projet d'intégration socio-professionnelle, entraînant une augmentation du nombre de sorties non accompagnées. Il critiquait son comportement passé et se projettait dans une vision personnelle de membre utile de la communauté et de père de famille. La remise en question était présente malgré une certaine ignorance de la réelle dimension de sa fragilité. Le travail thérapeutique à long terme était indiqué, l'intéressé parvenant à se projeter dans la perspective d'un suivi psychothérapeutique dans les années à venir. Malgré certaines difficultés à accepter la nécessité de l'étayage et de l'accompagnement par une certaine peur de dépendance, il était actif dans le maintien et la solidification du lien thérapeutique et parvenait de plus en plus à s'appuyer aux soignants dans le cas de difficultés. Au mois de septembre 2021, il avait débuté un suivi psychothérapeutique dont l'objectif thérapeutique était centré sur un travail autour de la problématique de gestion émotionnelle et principalement de la frustration qui s'était vue s'accentuer durant cette période dans le contexte de sa prochaine paternité. Il était abstinent à la consommation de substances psychoactives, depuis son entrée à B______, et se disait prêt à poursuivre cette abstinence, même en dehors du milieu protégé. Enfin, un bilan neuropsychologique d'octobre 2021 avait permis de conclure que le tableau clinique n'était plus évocateur, alors, d'un diagnostic de TDAH, ce qui révélait une diminution de son niveau d'impulsivité, notamment dans son besoin de recherche de sensations par le biais des consommations de toxiques ou des conflits interpersonnels.

 

n.        Par décision du 1er avril 2022, le SAPEM a maintenu le régime de sorties non accompagnées supplémentaires, afin de lui permettre d'effectuer des journées de stage à l'association F______, en avril 2022.

 

 

o.        Dans son préavis du 4 avril 2022, le SAPEM retient que la mesure thérapeutique institutionnelle demeurait adéquate, proportionnée et nécessaire, afin que l'intéressé puisse poursuivre son investissement en lien avec le sevrage progressif de la prise de sa médication psychiatrique, maintenir son abstinence aux substances psychoactives, renforcer ses capacités à gérer adéquatement ses émotions et son impulsivité dans des situations frustrantes, notamment eu égard à son statut parental, ainsi que renforcer son introspection quant à son parcours de vie et délictuel. L'alliance thérapeutique demeurait aussi à consolider, compte tenu de l'investissement fluctuant de l'intéressé relevé jusqu'à présent. Par ailleurs, ce dernier devait faire ses preuves dans le cadre des futurs élargissements de régime prévus dans son bilan de phase, en élaborant un projet de vie concret et réaliste et en recherchant un lieu de vie en adéquation avec ses fragilités personnelles et sa situation familiale. Partant, la libération conditionnelle de la mesure thérapeutique institutionnelle demeurait prématurée.

 

p.        Par requête du 5 avril 2022, le Ministère public a conclu à la prolongation du traitement institutionnel.

 

q.        Lors de l’audience du 31 mai 2022 devant le TAPEM, A______ a déclaré ne pas être d'accord avec les conclusions tendant à la poursuite du traitement institutionnel.

 

r.         Dans son rapport du 29 juin 2022, la CED, saisie par le TAPEM en application de l'art. 75a CP, conclut que A______ devait poursuivre un traitement institutionnel au long cours depuis son lieu de placement actuel à B______, tout en recommandant qu'il puisse y séjourner et continuer d'y suivre la thérapie combinée et d'augmenter son temps de travail auprès de la Fondation G______. À terme un logement autonome pourrait également être envisagé avec un suivi thérapeutique ambulatoire.

 

s.         Par courrier du 11 juillet 2022, le Ministère public a indiqué n’avoir pas d’observations à formuler.

t.          Dans son préavis complémentaire du 12 juillet 2022, le SAPEM a précisé avoir, le 2 mai 2022, octroyé à A______ en sus des sorties non accompagnées totalisant 68 heures par mois, pour lui permettre d'exercer une activité lucrative, à un taux de 40 %, auprès de la Fondation G______; une nouvelle décision en lien avec l'élargissement du cadre des sorties non accompagnées était en cours d'élaboration.

 

u.        Dans ses déterminations du 29 juillet 2022, l'intéressé a conclu à sa libération conditionnelle immédiate, assortie, en tant que de besoin, de toutes mesures nécessaires.

C. Dans la décision querellée, le TAPEM a retenu que la poursuite d'un suivi thérapeutique au long terme demeurait nécessaire, comme préconisé par la CED et reconnu par l'intéressé, pour aider davantage l'intéressé à gérer son impulsivité émotionnelle, traiter ses addictions aux stupéfiants et à l'alcool et consolider sa stabilité psychique, aux fins de réduire le risque de récidive.

Toutefois, ainsi qu'y concluaient les différents professionnels du domaine médical et la CED, une levée conditionnelle de la mesure était prématurée. L'intéressé devait faire ses preuves dans le cadre de sorties non accompagnées de longue durée et profiter de l’opportunité de la poursuite du traitement pour rechercher un lieu de vie et concrétiser son projet de réintégration professionnelle, ce qui incluait une augmentation de son taux d'activité. En effet, son récent statut de père pouvait le conduire à devoir faire face à des situations stressantes et il convenait de maximiser les chances que celles-ci ne se traduisent pas par une rechute dans la consommation de toxiques ou la commission d'actes violents.

La recommandation de la CED convainquait de maintenir le dispositif de suivi thérapeutique institutionnel.

Le TAPEM a ordonné ainsi la poursuite de la mesure institutionnelle de l'art. 59 CP tant et aussi longtemps que le taux d'activité de A______ n'aurait pas atteint 60%, qu'il ne disposerait pas d'un logement autonome, qu'il n'aurait pas mis en place un suivi thérapeutique ambulatoire et fait preuve d'une abstinence totale de toute consommation d'alcool et/ou de stupéfiants dans l'intervalle.

D. a. Dans son recours, A______ allègue la violation de l'art. 62 CP. Son état de santé connaissait une évolution favorable; il était abstinent aux substances psychoactives auxquelles étaient liées ses troubles mentaux et du comportement. Concernant ses troubles hyperkinétique et de conduite, le bilan neuropsychologique d'octobre 2021 précisait que le tableau clinique n'était plus évocateur d'un diagnostic TDAH et que son niveau d'impulsivité avait diminué. Il présentait une stabilité psychique et adhérait pleinement au suivi psychothérapeutique. Il avait appris à vivre avec ses déficits, ce qui éliminait le risque de nouvelles infractions. Si le suivi thérapeutique devait se poursuivre sur le long terme, rien n'indiquait que cela devait se faire dans le cadre de la mesure institutionnelle. Le pronostic quant à son comportement futur était favorable. L'association F______ lui octroierait un logement et il augmenterait son taux d'activité au sein de la Fondation G______ à sa sortie de la Clinique. Il s'investissait dans la prise en charge de sa fille et faisait face à ses responsabilités. Enfin, la CED avait retenu qu'il ne présentait pas de dangerosité en cas de libération conditionnelle.

b. Le TAPEM maintient les termes de son jugement sans autres observations.

c. Le Ministère public conclut au rejet du recours sans autres observations.

d. Le SAPEM conclut au rejet du recours.

e. A______ réplique.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 90 al. 2, 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une décision judiciaire ultérieure indépendante au sens de l'art. 363 CPP, sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. b CPP; arrêt du Tribunal fédéral 6B_293/2012 du 21 février 2013 consid. 2; ACPR/421/2013) et émaner de la personne visée par la mesure, qui a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             2.1. Dans le cadre de l'examen de la libération ou de la levée de la mesure, l'art. 62d CP distingue le cas dans lequel l'auteur a commis une infraction prévue à l'art. 64 al. 1 CP (art. 62d al. 2 CP) et celui dans lequel tel n'est pas le cas (art. 62d al. 1 CP).

Selon l'art. 62d al. 1 CP, l'autorité compétente examine, d'office ou sur demande, si l'auteur peut être libéré conditionnellement de l'exécution de la mesure ou si la mesure peut être levée et, si tel est le cas, quand elle peut l'être. Elle prend une décision à ce sujet au moins une fois par an. Au préalable, elle entend l'auteur et demande un rapport à la direction de l'établissement chargé de l'exécution de la mesure (ATF 137 IV 201 consid. 1.1.).

Dans le cas où l'auteur a commis une infraction prévue à l'art. 64 al. 1 CP, la décision en question doit être, selon la lettre de la loi, fondée sur une expertise indépendante ainsi que sur l'audition d'une commission composée de représentants des autorités de poursuite pénale, des autorités d'exécution et des milieux de la psychiatrie. Ces exigences doivent constituer un "verrou de sécurité supplémentaire" pour une libération conditionnelle ou une levée de la mesure, s'agissant "d'auteurs d'actes de violence dangereux" (cf. Message concernant la modification du code pénal suisse [dispositions générales, entrée en vigueur et application du code pénal] et du code pénal militaire ainsi qu'une loi fédérale régissant la condition pénale des mineurs du 21 septembre 1998, FF 1999 II 1787, 1895).  

L'expertise doit se déterminer sur la nécessité et les chances de succès du traitement, ainsi que sur la vraisemblance que l'auteur commette d'autres infractions et sur la nature de celles-ci (art. 56 al. 3 CP). Le juge peut se fonder sur une expertise relativement ancienne à condition que la situation n'ait pas changé entre-temps (ATF 128 IV 241 consid. 3.4 p. 247). Si, en revanche, par l'écoulement du temps et à la suite d'un changement de circonstances, l'expertise existante ne reflète plus l'état actuel, une nouvelle évaluation est indispensable (ATF 128 IV 241 consid. 3.4). À l'instar de l'obligation identique posée par l'art. 64b al. 2 let. b CP (cf. arrêt du Tribunal fédéral 6B_413/2012 du 28 septembre 2012 consid. 2.1 à propos de l'art. 64b CP), celle prévue par l'art. 62d al. 2 CP de se fonder sur une expertise indépendante ne peut être interprétée dans le sens d'une obligation de procéder à une expertise à chaque révision annuelle. Le critère déterminant demeure ainsi l'actualité du contenu de la dernière expertise. Si aucun changement significatif dans la situation du condamné permettant de mettre en doute l'actualité de l'expertise ne s'est produit, l'autorité compétente peut se fonder sur celle-ci. Toutefois, elle devra tenir compte du fait que, selon les milieux de la psychiatrie, un pronostic de dangerosité fiable ne peut être établi pour une longue période. La doctrine évoque un délai de l'ordre de trois ans pour un renouvellement de l'expertise (arrêt du Tribunal fédéral  6B_815/2015 du 11 avril 2016 consid. 1.2.)

2.2. Ainsi, dès lors que le recourant a été condamné pour brigandage – infraction énoncée à l'art. 64 al. 1 CP –, une libération conditionnelle de la mesure suppose, selon l'art. 62d al. 2 CP, que la décision se fonde sur une expertise indépendante ainsi que sur l'avis de la CED, afin que toutes les précautions nécessaires soient prises.

Or, en l'occurrence, la libération conditionnelle de la mesure a été demandée par le recourant, et le TAPEM est entré en matière sur cette question en sollicitant l'avis de la CED.

L'expertise psychiatrique au dossier date de 2018 et, depuis, la situation s'est grandement modifiée. Cette expertise, qui préconisait le placement du recourant dans un établissement pour jeunes adultes (art. 61 CP) avec une prise en charge psychiatrique-psychothérapeutique, un contrôle de la prise de substances psychoactives et d'une réinsertion professionnelle, avait été suivie par le TCor. Cependant, 5 mois plus tard, le TAPEM a ordonnée la levée de cette mesure et l'a remplacée par une mesure institutionnelle au sens de l'art. 59 CP. Le recourant n'est resté que peu de temps à la Fondation E______. À teneur du dossier, il a connu une évolution favorable de son état de santé, serait abstinent aux substances psychoactives et ne présenterait pas de dangerosité, sous réserve de la poursuite d'un traitement ambulatoire. En outre, il est devenu père et entretient une relation stable avec la mère, autant qu'elle puisse l'être dans les conditions particulières que vit le couple.

Ainsi, la Chambre de céans estime ne pas pouvoir se fonder sur l'expertise existante, déjà ancienne et dépassée dans ses conclusions, et qu'une nouvelle expertise indépendante doit être ordonnée pour compléter le dossier.

La décision des premiers juges ne peut ainsi être approuvée. Il leur incombera donc d'ordonner une expertise et de statuer à nouveau.

3.             Le recours sera dès lors admis et le jugement querellé annulé.

4.             Les frais seront laissés à la charge de l'État.

5.             Il n'y a pas lieu de fixer à ce stade l'indemnité due au conseil juridique gratuit (art.  135 al. 2 et 138 al. 1 CPP), la procédure n'étant pas terminée.

* * * * *


 

 

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

 

Admet le recours.

Annule, en conséquence, le jugement déféré et renvoie la cause au TAPEM pour nouvelle décision au sens des considérants.

Laisse les frais de la procédure de recours à la charge de l'état.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, au TAPEM ainsi qu'au Ministère public.

Communique pour information au SAPEM.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Daniela CHIABUDINI et
Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).