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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/16398/2022

ACPR/663/2022 du 29.09.2022 sur ONMMP/2830/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : ORDONNANCE DE NON-ENTRÉE EN MATIÈRE;CALOMNIE
Normes : CPP.310; CP.174; CP.31

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/16398/2022 ACPR/663/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du jeudi 29 septembre 2022

 

Entre

A______, domicilié ______, France, comparant par Me Marc-Philippe SIEGRIST, avocat, SG Avocats, rue de l'Athénée 35, 1206 Genève,

recourant,

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 17 août 2022 par le Ministère public,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 25 août 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 17 août 2022, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte.

Le recourant conclut, sous suite de frais et dépens, à l'annulation de l'ordonnance querellée avec renvoi de la cause au Ministère public pour l'ouverture d'une instruction.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 900.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Le 30 septembre 2021, A______ a déposé plainte contre B______ pour menaces, contrainte, enregistrement non autorisé de conversations, injure et utilisation abusive d'une installation de télécommunication.

Dans le cadre de leur collaboration professionnelle – les deux étant infirmiers – leur relation s'était détériorée et B______ lui avait adressé plusieurs courriels, entre le 15 et le 17 septembre 2021, dont la teneur était notamment la suivante:

- "OK, A______, je vais te parler de tes propositions de businessman avec les QR code et les faux vaccins. No comment";

- "Au sujet de la calomnie n’oublie pas que j’ai un enregistrement de tes propositions";

- "je te rappelle aussi que vendre une fausse vaccination ou des QR code pour 20 CHF c’est punissable par la loi";

- "Il manque une boîte de XANAX 0,25 de 100 cp. T’es vraiment une petite frappe".

Cette plainte a donné lieu à l'ouverture de la procédure P/1______/2021.

b. Dans le cadre de celle-ci, B______ a été entendue par la police le 25 novembre 2021.

À cette occasion, elle a contesté les faits reprochés.

c. Par ordonnance pénale et de non-entrée en matière partielle du 25 mars 2022 rendue dans la P/1______/2021, le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur les infractions d'utilisation abusive d'une installation de télécommunication, d'enregistrement non autorisé de conversation, de menaces et de contrainte. En revanche, il a reconnu B______ coupable d'injures, sur la base des courriels précités.

Dans cette ordonnance figure un résumé de l'audition de B______ du 25 novembre 2021 à la police, comportant les passages suivants:

"[ ] Suite à ce remplacement, A______ n'avait pas restitué toutes les boîtes de médicaments qu'elle lui avait confiées. [ ] Elle a ajouté que A______ lui avait proposé une fausse vaccination à laquelle elle avait fait référence dans les mails".

A______ a reçu copie de cette ordonnance.

d. Le 8 avril 2022, le précité a sollicité de pouvoir consulter le dossier de la P/1______/2021, ce qui lui a été refusé au motif que B______ avait formé opposition à l'ordonnance pénale du 25 mars 2022.

e. Lors d'une audience sur opposition tenue le 6 juillet 2022, A______ a pris connaissance de la teneur du procès-verbal de l'audition de B______ du 25 novembre 2021.

f. Le 4 août suivant, il a déposé une nouvelle plainte contre B______ pour calomnie (art. 174 CP), donnant lieu à l'ouverture de la présente procédure.

En substance, il reprochait à cette dernière d'avoir, lors de l'audition précitée, tenu les propos suivants:

- "Quand il m'a remis les médicaments il a refusé de les vérifier. Quand je les ai vérifiés, il manquait 2 boîtes de XANAX (soit 200 comprimés) et 2 boîtes de RIVOTRIL (soit 200 comprimés)";

- "Le 26 août 2021, je l'ai rencontré dans son garage et il m'a fait des propositions pour me vendre des QR code de résultat de test antigénique COVID à CHF 20.-";

- "Ce jour-là, il m'a même donné 3 tests antigéniques et m'a proposé de faire une fausse vaccination à C______ [France] car il avait des réseaux là-bas".

C. Dans l'ordonnance querellée, le Ministère public constate que les faits reprochés dans la seconde plainte faisaient déjà l'objet de la procédure P/1______/2021. Le principe ne bis in idem constituait dès lors un empêchement de procéder. À titre superfétatoire, même si A______ avait pris connaissance des déclarations complètes de B______ lors de l'audience du 6 juillet 2022, il en connaissait déjà la teneur grâce aux courriels des 15 et 17 septembre 2021, ainsi qu'à l'ordonnance du 25 mars 2022. Sa plainte était, par conséquent, tardive.

D. a. Dans son recours, A______ expose que sa plainte du 4 août 2022 portait spécifiquement sur les déclarations de B______ lors de l'audience du 25 novembre 2021 tandis que la procédure P/1______/2021 visait des faits antérieurs, soit notamment les courriels envoyés au mois de septembre 2021. La réception de ces mêmes courriels et la lecture de l'ordonnance du 25 mars 2022 ne pouvaient par ailleurs lui faire deviner "qu'il allait être calomnié par-devant la police en date du 25 novembre 2021". Les déclarations de B______ lors de son audition devaient être considérées comme une "infraction indépendante", excluant de la sorte le principe ne bis in idem et la tardiveté de sa plainte.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger, sans débats ni échange d'écritures.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et – faute de notification conforme à l'art. 85 al. 2 CPP – dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émaner du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             La Chambre pénale de recours peut décider d'emblée de traiter sans échange d'écritures ni débats les recours manifestement mal fondés (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP). Tel est le cas en l'occurrence, au vu des considérations qui suivent.

3.             Le recourant reproche au Ministère public de ne pas être entré en matière sur sa plainte.

3.1. Selon l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière lorsqu'il ressort de la plainte que les éléments constitutifs d'une infraction ne sont pas réalisés. Selon l’art. 310 al. 1 let. b CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière lorsqu’il ressort de la plainte qu'il existe des empêchements de procéder, par exemple lorsque le délai pour déposer plainte prévu par l'art. 31 CP n'a pas été respecté (arrêt du Tribunal fédéral 6B_848/2018 du 4 décembre 2018 consid. 1.5).

Le délai de plainte court du jour où l'ayant droit a connu l'auteur de l'infraction et –l'art. 31 CP ne le précise pas, mais cela va de soi – de l'acte délictueux, c'est-à-dire des éléments constitutifs objectifs, mais également subjectifs de l'infraction (arrêts du Tribunal fédéral 6B_451/2009 du 23 octobre 2009 consid. 1.2 et 6B_396/2008 du 25 août 2008 consid. 3.3.3). Cette connaissance doit être suffisante pour que l'ayant droit puisse considérer que des poursuites auraient de fortes chances de succès et ne l'exposeraient pas au risque d'être lui-même poursuivi pour dénonciation calomnieuse ou diffamation (ATF 126 IV 131 consid. 2 p. 132); de simples soupçons ne suffisent pas, mais il n'est pas nécessaire que l'ayant droit dispose déjà de moyens de preuve (ATF 121 IV 272 consid. 2a p. 275; arrêt du Tribunal fédéral 6S_33/2007 du 20 avril 2007 consid. 5).

3.2. Se rend coupable de calomnie (art. 174 CP) celui qui, connaissant la fausseté de ses allégations, aura, en s'adressant à un tiers, accusé une personne ou jeté sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l'honneur, ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération.

L'art. 174 CP suppose une allégation de fait, et non un simple jugement de valeur (ATF 137 IV 313 consid. 2.1.2 p. 315). Les termes litigieux doivent donc avoir un rapport reconnaissable avec un élément de fait et ne pas être uniquement employés pour exprimer le mépris (arrêt du Tribunal fédéral 6B_512/2017 du 12 février 2018 consid. 3.2).

Le fait de s'adresser à un magistrat ou à un fonctionnaire dans l'exercice de ses fonctions n'exclut pas le caractère délictueux de l'acte. Toutefois, il ne saurait y avoir diffamation punissable lorsque celui qui a tenu les propos incriminés était en droit d'agir pour la défense d'intérêts légitimes d'ordre public ou privé (ATF 69 IV 114). Ainsi, il est admis que le devoir procédural d'alléguer les faits constitue un devoir de s'exprimer au sens de l'art. 14 CP; une partie, ou son avocat, peut dès lors invoquer cette disposition, à la condition de s'être exprimée de bonne foi, de s'être limitée aux déclarations nécessaires et pertinentes et d'avoir présenté comme telles de simples suppositions (ATF 135 IV 177 consid. 4 p. 177; 118 IV 248 consid. 2d p. 235; B. CORBOZ, Les infractions en droit suisse, vol. I, 3ème éd., Berne 2010, n. 105-114 ad art. 173).

3.3. En l'espèce, on comprend des passages mis en exergue par le recourant, dans sa plainte du 4 août 2022, qu'il tient pour calomnieux les déclarations de la mise en cause du 25 novembre 2021 à la police, dans lesquelles elle lui reproche, en substance, d'avoir subtilisé des médicaments et d'avoir pris part à la vente de faux certificats COVID.

Or, la lecture de l'ordonnance du 25 mars 2022, dont le recourant a reçu copie, suffisait à comprendre que la mise en cause avait tenu de telles allégations, deux passages les résumant de manière univoque, le second faisant même directement références aux courriels de septembre 2021 incriminés dans la procédure parallèle.

Ayant pris connaissance de ces déclarations – même de manière résumée – au mois de mars 2022, sa plainte survenue le 4 août 2022, soit plus de quatre mois après, apparaît tardive.

Même à considérer que les propos prétendument calomnieux ont été portés à la connaissance du recourant le 6 juillet 2022 et que, partant, la plainte n'était pas tardive, le recours doit de toute manière être rejeté.

En effet, la mise en cause a tenu les propos litigieux dans le contexte de son audition à la police, consécutive au dépôt de la première plainte du recourant. Elle avait ainsi à s'exprimer sur les accusations portées contre elle par celui-ci.

Ses explications – purement factuelles – visaient à contextualiser la teneur de ses courriels de septembre 2021. Elle s'est limitée à livrer sa version des faits de manière circonstanciée, en fournissant des détails pour étayer la valeur de ses dires. Dans la situation qui était la sienne, on ne décèle aucune trace de propos hors contexte, sans lien avec la cause pour laquelle elle était entendue. Il s'ensuit que l'on ne saurait lui reprocher d'avoir, dans le cadre confiné de son audition en qualité de mise en cause, cherché à se défendre face aux charges qui pesaient sur elle, ce qu'elle a fait avec les réserves nécessaires, sans user de formules inutilement blessantes (M. DUPUIS / L. MOREILLON / C. PIGUET / S. BERGER / M. MAZOU / V. RODIGARI (éds), Code pénal - Petit commentaire, 2e éd., Bâle 2017, n. 52 ad art. 173).

Partant, faute de prévention pénale suffisante, c'est à raison que le Ministère public a refusé d'entrer en matière.

4.             Justifiée, l'ordonnance querellée sera donc confirmée.

5.             Le recourant, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 900.- (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP ; E 4 10.03).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette le recours.

Condamne A______ aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 900.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant, soit pour lui son conseil, et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Arbenita VESELI, greffière.

 

La greffière :

Arbenita VESELI

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/16398/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10.03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

815.00

-

CHF

Total

CHF

900.00