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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/13187/2022

ACPR/651/2022 du 23.09.2022 sur ONMMP/2632/2022 ( MP ) , REJETE

Descripteurs : SOUPÇON
Normes : CPP.310

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/13187/2022 ACPR/651/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 23 septembre 2022

 

Entre

 

LA CLINIQUE A______ SA, sise ______[GE], comparant par Me B______, avocate, rue ______, Genève,

recourante,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 3 août 2022 par le Ministère public

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.

 


EN FAIT :

A.           a. Par acte déposé au greffe universel le 15 août 2022, la clinique A______ SA (ci-après, les A______ ou la clinique) recourt contre la décision du 3 précédent, communiquée sous pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte du 14 juin 2022 en faux témoignage contre C______.

La recourante conclut à l'annulation de cette décision et à l'ouverture d'une instruction pénale.

b. Elle a versé les sûretés, en CHF 1'000.-, qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B.            Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.        C______ a travaillé pour A______ jusqu'au 6 avril 2021, date à laquelle elle a été licenciée. Elle a assigné la clinique par-devant le Tribunal des prud'hommes pour obtenir un certificat de travail conforme à ses vues. Une audience a été convoquée pour le 6 septembre 2022.

b.        Le 3 février 2022, elle a déposé comme témoin dans un procès intenté à la clinique par un ancien employé des A______, licencié pour avoir agressé un physiothérapeute qui venait de lui tenir des propos sexuellement connotés (soit, selon le demandeur, "te voir comme ça [allongé], j'ai envie de te mettre un coup"). Il a dépeint le physiothérapeute comme "réputé pour [s]es blagues à connotation sexuelle". L'intéressé a affirmé n'avoir pas utilisé d'autre expression que "t'es sexy" ou un langage similaire, ayant pour habitude de plaisanter de cette manière avec tous ses collègues de travail. C______ a déclaré n'avoir pas assisté à leur altercation. Elle a ajouté que le physiothérapeute lui avait souvent fait des remarques et plaisanteries d'ordre sexuel, sur sa poitrine, par exemple. Elle lui disait d'arrêter, mais ne s'était jamais plainte à sa hiérarchie.

c.         Selon le jugement rendu par les juges du travail le 24 mai 2022, le demandeur avait subi une atteinte illicite à sa personnalité en raison des propos que lui avait tenus le physiothérapeute. Tel avait aussi été le cas de C______, qui avait reçu des remarques déplacées sur sa poitrine. En revanche, il n'existait pas de motif justifiant un licenciement immédiat. Aussi les prétentions du demandeur contre la clinique ont-elles été substantiellement accueillies.

d.        A______ ont appelé du jugement.

e.         Le 14 juin 2022, la clinique a déposé plainte pénale contre C______, soutenant que la déposition de celle-ci, le 3 février 2022, avait fait passer le physiothérapeute pour "un prédateur sexuel" et ainsi exercé une influence "considérable" sur le sort du procès intenté par l'employé licencié.

C. Dans la décision querellée, rendue sans investigation, le Ministère public retient que le témoignage de C______ avait été estimé crédible par le Tribunal des prud'hommes, puisqu'il le citait dans la motivation de son jugement. Rien ne laissait soupçonner une fausse déclaration.

D. a. À l'appui de son recours, la clinique A______ soutient que les deux procès prud'homaux auxquels elle est partie sont étroitement liés. Les versions de l'ancien employé et de C______ concordaient "étrangement" sur un prétendu harcèlement sexuel, alors que tel "n'était pas du tout l'objet du litige" (sic). Le physiothérapeute avait renoncé à déposer plainte pénale contre l'un ou l'autre, mais l'accusation portée contre lui avait permis au demandeur de justifier l'agression dont il avait été la victime. Le physiothérapeute, qui avait contesté par écrit tout harcèlement sexuel et reçu des lettres de soutien du personnel, n'avait toutefois pas pu contester les dires de C______, pour avoir été entendu avant elle par les juges du travail. Le Ministère public aurait dû enquêter et confronter les prénommés entre eux.

b. À réception des sûretés, la cause a été gardée à juger.

EN DROIT :

1.             Le recours est recevable pour avoir été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerner une ordonnance de classement sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 322 al. 2 et 393 al. 1 let. a CPP) et émaner de la partie plaignante, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b et 118 al. 1 CPP).

Dans la mesure où l'art. 307 CP protège secondairement, et non seulement de manière indirecte, les droits d'une partie à la procédure, cette dernière peut être considérée comme lésée. Cette lésion touche, toutefois, essentiellement ses droits de procédure (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1014/2020 du 10 février 2021 consid. 3.2.), soit, en particulier, la participation à l'administration des preuves, par l'offre de preuves et contre-preuves, par l'interrogatoire personnel du témoin soupçonné et la possibilité de contester l'appréciation des preuves effectuée par l'autorité judiciaire (arrêt du Tribunal fédéral 6B_1346/2016 du 20 septembre 2017 consid. 3).

Il est vrai que, à plusieurs occasions, le Tribunal fédéral a rappelé, lorsque le litige à l'origine de la dénonciation pénale n'est pas encore terminé, que l'on ignore si les prétendues fausses déclarations en justice auront ou non une quelconque influence sur le jugement prud'homal à rendre, car il ne s'agit à ce stade que de pures conjectures, et que, par conséquent, celui qui s'affirme lésé n'a pas qualité pour recourir au plan cantonal (ATF 123 IV 184 consid. 1c p. 189; arrêt du Tribunal fédéral 6B_92/2018 du 17 mai 2018).

En l'espèce, dans la mesure où – à la différence des faits de la cause précitée –, un jugement de première instance a été rendu, même frappé d'appel, mais que le présent recours s'avère d'emblée infondé, il n'y a pas à trancher la question.

2.              La recourante s'estime victime d'un faux témoignage.

2.1.       Conformément à l'art. 310 al. 1 let. a CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis. Cette disposition doit être appliquée conformément à l'adage in dubio pro duriore. Celui-ci découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et art. 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 al. 1 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2) et signifie qu'en principe un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies (ATF 146 IV 68 consid. 2.1). Le ministère public et l'autorité de recours disposent, dans ce cadre, d'un pouvoir d'appréciation. La procédure doit se poursuivre lorsqu'une condamnation apparaît plus vraisemblable qu'un acquittement ou lorsque les probabilités d'acquittement et de condamnation apparaissent équivalentes, en particulier en présence d'une infraction grave. En effet, en cas de doute s'agissant de la situation factuelle ou juridique, ce n'est pas à l'autorité d'instruction ou d'accusation mais au juge matériellement compétent qu'il appartient de se prononcer (ATF 143 IV 241 consid. 2.2.1; 138 IV 86 consid. 4.1.2).

2.2.       Contrevient à l'art. 307 al. 1 CP, celui qui, étant, en particulier, témoin ou expert, aura fait une déposition fausse sur les faits de la cause, fourni un constat ou un rapport faux. La déclaration incriminée doit concerner les faits de la cause, soit l'élucidation ou la constatation de l'état de fait qui constitue l'objet de la procédure (ATF 93 IV 24 consid. I p. 25 s.; arrêt du Tribunal fédéral 6B_807/2021 du 7 juin 2022 consid. 6.1.).

2.3.       En l'espèce, la recourante consacre des développements de son recours à défendre le physiothérapeute contre toute accusation de "harcèlement sexuel".

Non seulement elle n'a pas qualité pour plaider au nom de celui-ci (dont elle précise au passage qu'il a renoncé à agir au pénal), mais, comme elle le relève par ailleurs avec pertinence, tel n'était pas l'objet du litige soumis au Tribunal des prud'hommes.

Il suffit de se reporter au jugement du 24 mai 2022. Le demandeur plaidait avoir été victime d'une résiliation immédiate injustifiée de son contrat de travail, pour avoir été congédié le lendemain d'une altercation avec un physiothérapeute, et pour ce seul motif. Les circonstances de l'altercation étaient donc l'objet des témoignages à recueillir.

Or, C______ n'en a rien vu ni rien entendu.

Il est vrai que le demandeur alléguait avoir été provoqué par une remarque à connotation sexuelle ("te voir comme ça [allongé], j'ai envie de te mettre un coup") du physiothérapeute, qu'il a dépeint comme "réputé pour [s]es blagues à connotation sexuelle". Celui-ci a affirmé n'avoir pas utilisé d'autre expression que "t'es sexy" ou un langage similaire, ayant pour habitude de plaisanter de cette manière avec tous ses collègues de travail.

Or, C______ ne dit pas autre chose dans la suite de son témoignage, puisqu'elle confirme que l'intéressé se livrait souvent à des remarques et plaisanteries d'ordre sexuel, notamment au sujet de sa poitrine.

Prétendre que ce passage de sa déposition faisait passer ledit physiothérapeute pour un "prédateur sexuel" est une hyperbole hors de propos.

Pour le surplus, peu importe de savoir si le Tribunal des prud'hommes pouvait à bon droit retenir que le demandeur avait été atteint dans sa dignité et qu'il ait estimé au passage que le témoin C______ l'avait été tout autant, car le procès n'avait pas pour objet les mesures de protection prises dans ce domaine par la recourante, mais les motifs invoqués par celle-ci pour décider d'un licenciement immédiat.

3.             Il s'ensuit que le recours doit être rejeté, faute d'élément constitutif d'une infraction (art. 310 al. 1 let. a CPP), et que la Chambre de céans pouvait le traiter d'emblée, sans échange d'écritures ni débats (art. 390 al. 2 et 5 a contrario CPP).

4.             La recourante, qui succombe, supportera les frais envers l'État, fixés en totalité à CHF 1'000.-, émolument compris (art. 428 al. 1 CPP et 13 al. 1 du Règlement fixant le tarif des frais en matière pénale, RTFMP; E 4 10.03).

 

 

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Rejette le recours.

Condamne la clinique A______ SA aux frais de la procédure de recours, arrêtés à CHF 1'000.-.

Dit que ce montant sera prélevé sur les sûretés versées.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, à la recourante (soit, pour elle, son conseil) et au Ministère public.

Le communique pour information à C______.

Siégeant :

Monsieur Christian COQUOZ, président; Mesdames Daniela CHIABUDINI et Alix FRANCOTTE CONUS, juges; M. Xavier VALDES, greffier.

 

Le greffier :

Xavier VALDES

 

Le président :

Christian COQUOZ

 

 

 

 

 

Voies de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).


 

P/13187/2022

ÉTAT DE FRAIS

 

ACPR/

 

 


COUR DE JUSTICE

 

 

 

Selon le règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais en matière pénale (E 4 10 03).

 

Débours (art. 2)

 

 

- frais postaux

CHF

10.00

Émoluments généraux (art. 4)

 

 

- délivrance de copies (let. a)

CHF

- délivrance de copies (let. b)

CHF

- état de frais (let. h)

CHF

75.00

Émoluments de la Chambre pénale de recours (art. 13)

 

 

- décision sur recours (let. c)

CHF

915.00

-

CHF

Total (Pour calculer : cliquer avec bouton de droite sur le montant total puis sur « mettre à jour les champs » ou cliquer sur le montant total et sur la touche F9)

CHF

1'000.00