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Décisions | Chambre pénale de recours

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P/21174/2021

ACPR/599/2022 du 26.08.2022 sur ONMMP/960/2022 ( MP ) , ADMIS

Descripteurs : MOTIVATION DE LA DÉCISION;INTERNET;HONNEUR
Normes : CPP.310

république et

canton de Genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/21174/2021 ACPR/599/2022

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale de recours

Arrêt du vendredi 26 août 2022

 

Entre

 

A______, domicilié ______, comparant en personne,

recourant,

 

contre l'ordonnance de non-entrée en matière rendue le 25 mars 2022 par le Ministère public,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, 1213 Petit-Lancy - case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. Par acte expédié le 1er avril 2022, A______ recourt contre l'ordonnance du 25 mars précédent, communiquée par pli simple, par laquelle le Ministère public a refusé d'entrer en matière sur sa plainte du 27 octobre 2021.

Le recourant conclut à la suppression d'un article sur internet et les réseaux sociaux, à ce qu'il y ait une nouvelle enquête pour découvrir les auteur et responsables dudit article et du site internet, à ce que son dossier reste ouvert tant que les responsables n'ont pas été trouvés ainsi qu'au versement par les responsables du site internet 1______.co d'une indemnité de tort moral de CHF 100'000.-.

b. Le recourant a versé les sûretés en CHF 900.- qui lui étaient réclamées par la Direction de la procédure.

B. Les faits pertinents suivants ressortent du dossier :

a. Par courrier du 27 octobre 2021, A______ a déposé plainte contre les responsables du site internet https://1______.co pour calomnie, injure, diffamation et utilisation abusive d'une installation de télécommunication, à la suite des propos tenus dans l'article non signé intitulé "______", daté du ______ 2021 et paru sur le site susmentionné; ni l'auteur ni le responsable de la rédaction de ce site, qui regroupait 40 collectifs genevois, n'étaient connus.

b. À teneur du rapport de renseignements du 30 janvier 2022 de la Brigade des cyber-enquêtes, toutes les démarches entreprises pour identifier l'auteur de l'article et les administrateurs du site https://1______.co/ étaient restées vaines. Le site ne donnait aucune information de contact. Tous les échanges (communications) et les parutions étaient anonymes; le site donnait une marche à suivre complète pour publier un article tout en anonymisant les informations personnelles et numériques. Contactées, la Brigade de recherche et d'îlotage (BRIC), au fait des mouvances d'extrême gauche à Genève, desquelles se revendiquait ledit site, et la Brigade de criminalité informatique (BCI) avaient été unanimes quant au fait que les responsables du site n'avaient jamais pu être démasqués. Il apparaissait, en particulier, que le site était hébergé sur les serveurs de la société "B______", un collectif autonome de tendance libertaire fournissant des services en ligne entièrement anonymisés.

C. Dans sa décision querellée, le Ministère public relève que malgré une enquête de police, le ou les auteur(s) dudit article n'avaient pas pu être formellement identifiés pas plus que les administrateurs du site concerné. Il ne disposait d'aucun élément susceptible d'orienter des soupçons sur un ou des auteurs (art. 310 al. 1 let. b CPP).

D. a. Dans son recours, A______ fait état de quatre moyens dont disposerait le Ministère public pour obtenir l'identité du propriétaire du site : demander l'identité du propriétaire du nom de domaine à la société qui l'a vendu; demander l'identité du propriétaire du site internet à l'hébergeur dudit site; trouver l'adresse IP du site internet ou de l'email de contact; et trouver les propriétaires de pages Facebook et Instagram de 1______.co.

b. Le Ministère public a persisté dans les termes de son ordonnance sans autres observations.

c. Le recourant réplique en faisant part de son incompréhension.

EN DROIT :

1.             Le recours a été déposé selon la forme et dans le délai prescrits (art. 385 al. 1 et 396 al. 1 CPP), concerne une ordonnance sujette à recours auprès de la Chambre de céans (art. 393 al. 1 let. a CPP) et émane du plaignant qui, partie à la procédure (art. 104 al. 1 let. b CPP), a qualité pour agir, ayant un intérêt juridiquement protégé à la modification ou à l'annulation de la décision querellée (art. 382 al. 1 CPP).

2.             2.1. Selon l'art. 310 CPP, le ministère public rend immédiatement une ordonnance de non-entrée en matière s'il ressort de la dénonciation ou du rapport de police que les éléments constitutifs de l'infraction ou les conditions à l'ouverture de l'action pénale ne sont manifestement pas réunis.

Le principe « in dubio pro duriore » découle du principe de la légalité (art. 5 al. 1 Cst. et 2 al. 2 CPP en relation avec les art. 319 al. 1 et 324 CPP; ATF 138 IV 86 consid. 4.2; arrêt du Tribunal fédéral 6B_185/2016 du 30 novembre 2016 consid. 2.1.2). Il signifie qu'en principe, un classement ou une non-entrée en matière ne peuvent être prononcés par le ministère public que lorsqu'il apparaît clairement que les faits ne sont pas punissables ou que les conditions à la poursuite pénale ne sont pas remplies.

Au moment de statuer sur l'ouverture éventuelle de l'instruction, le ministère public doit examiner si les conditions d'exercice de l'action publique sont réunies, c'est-à-dire si les faits qui sont portés à sa connaissance sont constitutifs d'une infraction pénale, et si la poursuite est recevable. Il suffit que l'un des éléments constitutifs de l'infraction ne soit manifestement pas réalisé pour que la non-entrée en matière se justifie (Y. JEANNERET / A. KUHN / C. PERRIER DEPEURSINGE (éds), Commentaire romand : Code de procédure pénale suisse, 2e éd., Bâle 2019, n. 8 ad art. 310).

Des motifs de fait peuvent justifier la non-entrée en matière : ainsi lorsqu'aucun élément concret ne permet d'identifier l'auteur (op. cit. n.9a ad art. 310).

2.2                  En l'espèce, le Ministère public ne s'exprime pas sur l'atteinte à l'honneur alléguée par le plaignant, laquelle semble ainsi admise.

Il fait état de l'impossibilité d'identifier les mis en cause exprimée par la police, il n'en demeure pas moins, et le Ministère public ne le précise pas faute d'avoir donné réponse aux suggestions précises émises par le recourant dans son recours, que l'on ignore les démarches concrètes effectuées et si celles proposées par le recourant se seraient révélées vaines.

Dans ces circonstances, l'ordonnance querellée sera annulée et la cause renvoyée au Ministère public pour nouvelle décision après avoir requis de la police une enquête spécifique et un rapport détaillé.

3.             Le recours étant admis, les frais de la procédure seront laissés à la charge de l'État (art. 428 al. 1 CPP).

* * * * *


 


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Admet le recours.

Annule l'ordonnance du 25 mars 2022 rendue par le Ministère public.

Renvoie la cause au Ministère pour nouvelle décision.

Laisse les frais de la procédure à la charge de l'État.

Ordonne aux Services financiers de restituer les sûretés versées en CHF 900.- au recourant.

Notifie le présent arrêt ce jour, en copie, au recourant et au Ministère public.

Siégeant :

Madame Corinne CHAPPUIS BUGNON, présidente; Monsieur Christian COQUOZ et Madame Alix FRANCOTTE CONUS, juges; Madame Olivia SOBRINO, greffière.

 

La greffière :

Olivia SOBRINO

 

La présidente :

Corinne CHAPPUIS BUGNON

 

 

 

 

 

 

Voie de recours :

 

Le Tribunal fédéral connaît, comme juridiction ordinaire de recours, des recours en matière pénale au sens de l'art. 78 de la loi sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110); la qualité et les autres conditions pour interjeter recours sont déterminées par les art. 78 à 81 et 90 ss LTF. Le recours doit être formé dans les trente jours qui suivent la notification de l'expédition complète de l'arrêt attaqué.

 

Le recours doit être adressé au Tribunal fédéral, 1000 Lausanne 14. Les mémoires doivent être remis au plus tard le dernier jour du délai, soit au Tribunal fédéral soit, à l'attention de ce dernier, à La Poste Suisse ou à une représentation diplomatique ou consulaire suisse (art. 48 al. 1 LTF).