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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/17522/2022

AARP/39/2024 du 23.01.2024 sur JTDP/784/2023 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

Descripteurs : EXPULSION(DROIT PÉNAL);VOL(DROIT PÉNAL);DOMMAGES À LA PROPRIÉTÉ(DROIT PÉNAL);VIOLATION DE DOMICILE
Normes : CP.139; CP.144; CP.186; CP.66a

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

P/17522/2022 AARP/39/2024

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 23 janvier 2024

 

Entre

A______, domicilié c/o B______, ______ [GE], comparant par Me C______, avocate,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/784/2023 rendu le 14 juin 2023 par le Tribunal de police,

 

et

 

D______ Sàrl, partie plaignante,

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimés.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 14 juin 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de vol (art. 139 ch. 1 du Code pénal suisse [CP]), de brigandage (art. 140 ch. 1 CP), de dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP) et de violation de domicile (art. 186 CP).

Il a été condamné à une peine privative de liberté de 12 mois, avec sursis (délai d'épreuve : trois ans). Son expulsion de Suisse a été ordonnée pour une durée de cinq ans. Les frais de la procédure ont été mis à sa charge.

b.a. A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant :

-        à son acquittement des infractions retenues en lien avec le point 1.1 de l'acte d'accusation : vol (art. 139 CP), dommages à la propriété (art. 144 CP) et violation de domicile (art. 186 CP) ;

-        au prononcé d'une peine privative de liberté de dix mois, avec sursis complet ;

-        à ce qu'il soit renoncé à son expulsion ;

-        à ce qu'il soit condamné à la moitié des frais de la procédure.

b.b. Le MP renonce à présenter un appel joint.

c. Selon l'acte d'accusation du 9 novembre 2022, il est reproché ce qui suit à A______, à Genève :

-        point 1.1 de l'acte d'accusation : dans la nuit du 28 décembre (23h00) au 29 décembre 2017 (5h00), il a pénétré sans droit dans l'établissement public "E______", sis à l'angle entre la rue 1______ no. ______ et la rue 2______ no. ______, en brisant la vitre de la porte principale au moyen d'un pavé, l'endommageant de la sorte, et, une fois à l'intérieur, il a dérobé la somme de CHF 420.-, une caisse enregistreuse et un ordinateur portable, dans le but de se les approprier sans droit et de s'enrichir de leur valeur, étant précisé que celle des biens dérobés a été estimée à CHF 3'800.- et le dommage total (y compris les travaux de réparation de la vitrine et de la serrure de la porte d'entrée) à CHF 10'000.-.

F______ Sàrl, dont la raison sociale est aujourd'hui D______ Sàrl, a déposé plainte pour ces faits ;

-        point 1.2 de l'acte d'accusation : le 14 août 2019, vers 6h50, alors que G______, âgée de 87 ans, sortait de chez elle et verrouillait la porte de son appartement, il l'a saisie par derrière, a placé sa main sur sa bouche et son visage, lui occasionnant ainsi des blessures à cet endroit et des difficultés de respirer, puis l'a contrainte par la force physique à se rendre à l'intérieur de son appartement en la portant dans sa chambre. Il lui a ensuite demandé sa carte bancaire, s'est fait remettre CHF 2'000.- en espèces, ainsi que des bijoux d'une valeur totale oscillant entre CHF 7'000.- et 8'000.-.

La victime, fortement choquée et apeurée, a subi des rougeurs à la joue et une coupure sous l'œil.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. L'analyse génétique effectuée sur le pavé utilisé pour briser la vitre de la porte principale du bar précité a mis en évidence le profil ADN de A______.

a.b. Entendu par la police, puis par le Ministère public (MP), A______ a contesté être l'auteur du cambriolage, sans avoir d'explication à la présence de son ADN sur ce pavé.

Il avait le "souvenir d'avoir participé à des travaux de rénovation dans un restaurant kebab appartenant à un certain H______". Il ne se rappelait plus le nom de l'établissement. Le chantier avait duré un ou deux mois. Il a ajouté qu'"initialement", il avait fréquenté le café restaurant comme client. Il avait sympathisé avec le patron et lui avait offert son aide pour les travaux. Il n'avait pas été rémunéré mais avait récupéré de la ferraille sur place et reçu une "petite compensation" pour ses frais personnels à hauteur de CHF 100.-.

En première instance, il a indiqué ne plus se souvenir de la date des travaux de rénovation. Il s'agissait d'une rénovation complète.

a.c. Devant le MP, H______, l'associé gérant de F______ Sàrl, puis D______ Sàrl, a déclaré que A______ fréquentait régulièrement son café restaurant. Il était surpris que ce soit le suspect, car il soupçonnait une autre personne.

Lors des débats d'appel, H______ a précisé que A______ avait été un client fréquent du bar "aux alentours de 2017". "Il avait pour habitude de jouer aux machines à loterie". Il ne lui avait jamais demandé de l'aide ou ne l'avait pas employé pour des travaux dans son bar. Il avait transformé son bar en restaurant-kebab en mars 2018. Il avait soupçonné son ancien gérant d'être l'auteur du cambriolage, car ils s'étaient quittés "un peu fâchés".

b. Les faits visés dans l'acte d'accusation au point 1.2, ayant fondé la condamnation pour brigandage, ne sont pas contestés, de sorte qu'il sera renvoyé au jugement entrepris (cf. art. 82 al. 4 du Code de procédure pénale suisse [CPP]).

C. a. Par la voix de son conseil, qui l'a représenté lors des débats d'appel en raison de son hospitalisation, A______ persiste dans ses conclusions.

b. Par courrier du 1er décembre 2023, le MP conclut au rejet de l'appel.

c. Les arguments plaidés seront discutés, dans la mesure de leur pertinence, au fil des considérants qui suivent.

D. a. A______ est né en 1979 en Bosnie-Herzégovine, pays dont il est originaire. Il y a suivi sa scolarité et obtenu un certificat de menuisier. Il a quitté son pays en raison de la guerre et du manque de travail, et est arrivé à Genève en mai 2000. Il a obtenu un statut de réfugié, puis un permis F et, depuis 2006, un permis B.

En 2006, il s'est marié. Son couple a eu deux garçons nés en 2005 et 2009. A______ s'est séparé en 2015 et le divorce a été prononcé en 2019. Les enfants vivent avec leur mère. A______ bénéficie d'un droit de visite usuel.

Au cours de la procédure, il a varié sur ses liens avec son pays d'origine. Affirmant dans un premier temps ne plus avoir de famille en Bosnie, excepté sa sœur, gravement malade (laquelle est décédée en 2023), il a ensuite déclaré que sa mère vivait là-bas. Son père et son frère étaient décédés pendant la guerre. Il se rendait une fois par année en Bosnie avec ses fils, pour rendre visite à sa mère et sa sœur. Ses enfants parlent et écrivent le bosniaque.

En Suisse, il a travaillé dans le secteur du nettoyage dès 2001, tout en étant partiellement assisté par l'Hospice général d'octobre 2000 à février 2009. En dernier lieu, il était employé par l'entreprise I______ SA, de mai 2017 à décembre 2021 (principalement pour des nettoyages de fin de chantier et de la conciergerie d'immeubles), pour un traitement annuel de CHF 61'000.- environ. Il était en charge de l'immeuble de G______ lorsqu'il l'avait agressée. Il a été licencié avec effet au 31 décembre 2021 et est en arrêt maladie depuis le 28 décembre 2021. Il perçoit des indemnités perte de gain maladie nettes de CHF 3'500.- par mois. En novembre 2022, il a déposé une demande auprès de l'assurance invalidité, mais n'a pas encore obtenu de réponse.

Il contribue à l'entretien de ses enfants à hauteur de CHF 1'200.- par mois, s'acquitte d'un loyer mensuel de CHF 928.- et de son assurance-maladie à hauteur de CHF 384.-. Il a des dettes concernant des primes d'assurance-maladie et un crédit à la consommation.

b. S'agissant de sa santé, il a déclaré avoir des problèmes de dos et être en traitement pour dépression. Il a eu des hernies discales et souffre des cervicales. Il est médicamenté pour ses douleurs, par voie orale et par infiltration. Il n'exclut pas devoir être opéré.

Il a produit les pièces suivantes :

En première instance :

-        une attestation du 16 mai 2023 de son médecin généraliste à teneur de laquelle il souffrait d'une polymorbidité composée de douleurs liées à sa colonne vertébrale (cervicales, dorsales et lombaires), apparues en 2011, et d'un trouble psychique complexe avec modification durable de la personnalité depuis 2016, année de son divorce. Le traitement de ses troubles physiques était actuellement conservatif mais une intervention chirurgicale n'était pas exclue en cas de péjoration. Le médecin estimait qu'un traitement psychiatrique et psycho-social adapté était inexistant en Bosnie ;

-        une attestation du 24 janvier 2023 de sa neurologue, établie après une IRM pratiquée le 26 octobre 2022 : A______ souffrait de lombalgies chroniques et d'une lombosciatalgie gauche depuis 2016, avec fluctuations de la symptomatologie d'une lombarthrose importante avec hernie discale. La dernière infiltration de dérivés cortisonés effectuée en novembre 2022 n'avait pas été bénéfique. La docteure préconisait de continuer un traitement conservateur médicamenteux et de la physiothérapie ;

-        un rapport du 1er juin 2022 de sa psychiatre et psychothérapeute à teneur duquel il était atteint de troubles mentaux et du comportement, d'un trouble dépressif récurrent (moyen à sévère) et d'une modification durable de la personnalité. Cet état pouvait être rattaché au traumatisme de la guerre en Bosnie, à la perte de son père et de son frère, ainsi qu'à sa venue en Suisse comme réfugié, mais également à la séparation de son couple en 2016 et à la perte d'argent au casino. Il bénéficiait d'un traitement médicamenteux et d'un suivi psychothérapeutique, débuté en mai 2022, à raison d'une fois par semaine.

En appel :

-        un rapport du 7 novembre 2023 de sa spécialiste en neurochirurgie, dont il ressort que le patient, entre mai et novembre 2023, n'avait pas effectué les infiltrations préconisées en raison du décès de sa sœur. Les douleurs persistaient, notamment au coude, de même que la cervicobrachialgie. La docteure concluait avoir "à nouveau encouragé le patient de suivre le traitement recommandé", soit des infiltrations "test et thérapeutiques". Concernant une éventuelle indication chirurgicale "chez un patient non déficitaire", elle recommandait d'attendre l'effet d'environ deux infiltrations ;

-        un certificat médical du 28 novembre 2023 attestant de son hospitalisation depuis la veille, en lien avec sa dépression ;

-        une attestation de ses psychologue et psychiatre du 28 novembre 2023 selon laquelle A______ avait entamé un suivi auprès d'elles en janvier 2023. Le diagnostic était un trouble dépressif récurrent, avec un épisode actuel sévère, accompagnés de symptômes psychotiques et d'un état de stress post-traumatique ;

-        différents documents concernant la situation en Bosnie, sur le plan économique et social, et sur le système de santé.

c. En première instance, A______ a indiqué considérer que le tort causé à G______ était "une faute grave, ce n'était jamais arrivé dans [sa] vie". Il a demandé pardon pour les actes commis à son égard.

d. À teneur de l'extrait de son casier judiciaire, A______ a été condamné le 11 août 2022 par le MP, pour appropriation illégitime, à une peine pécuniaire de 90 jours-amende à CHF 80.- l'unité (délai d'épreuve : trois ans). Les faits se sont produits en 2022.

E. MC______, défenseure d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, 5h30 d'activité de cheffe d'étude et 5h00 d'activité de stagiaire hors débats d'appel, lesquels ont duré 0h45, dont 0h20 pour la rédaction de l'annonce d'appel (0h10 par le stagiaire) et de la déclaration d'appel (0h10 par la cheffe d'étude).

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre n'examine que les points attaqués du jugement de première instance (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP), sans être liée par les motifs invoqués par les parties ni par leurs conclusions, à moins qu'elle ne statue sur une action civile (art. 391 al. 1 CPP).

2. 2.1. Le principe in dubio pro reo, qui découle de la présomption d'innocence, garantie par l'art. 6 ch. 2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (CEDH) et, sur le plan interne, par les art. 32 al. 1 de la Constitution fédérale de la Confédération suisse (Cst.) et 10 al. 3 CPP, concerne tant le fardeau de la preuve que l'appréciation des preuves au sens large.

En tant que règle sur le fardeau de la preuve, la présomption d'innocence signifie, au stade du jugement, que ce fardeau incombe à l'accusation et que le doute doit profiter au prévenu. Comme règle d'appréciation des preuves, la présomption d'innocence signifie que le juge ne doit pas se déclarer convaincu de l'existence d'un fait défavorable à l'accusé si, d'un point de vue objectif, il existe des doutes quant à l'existence de ce fait. Il importe peu qu'il subsiste des doutes seulement abstraits et théoriques, qui sont toujours possibles, une certitude absolue ne pouvant être exigée. Il doit s'agir de doutes sérieux et irréductibles, c'est-à-dire de doutes qui s'imposent à l'esprit en fonction de la situation objective (ATF 144 IV 345 consid. 2.2.3.3 ;
138 V 74 consid. 7).

2.2. L'art. 139 ch. 1 CP sanctionne quiconque, pour se procurer ou procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura soustrait une chose mobilière appartenant à autrui dans le but de se l'approprier.

2.3. Se rend coupable de dommages à la propriété au sens de l'art. 144 al. 1 CP, quiconque aura endommagé, détruit ou mis hors d'usage une chose appartenant à autrui ou frappée d'un droit d'usage ou d'usufruit au bénéfice d'autrui.

2.4. Selon l'art. 186 CP, est punissable de violation de domicile quiconque, d'une manière illicite et contre la volonté de l'ayant droit, aura pénétré dans une maison, dans une habitation, dans un local fermé faisant partie d'une maison, dans un espace, cour ou jardin clos et attenant à une maison, ou dans un chantier, ou y sera demeuré au mépris de l'injonction de sortir à lui adressée par un ayant droit.

L'infraction est réalisée dès que l'auteur s'introduit, contre la volonté de l'ayant droit, dans le domaine clos (ATF 128 IV 81 consid. 4a).

2.5. En l'espèce, la présence de l'ADN du prévenu sur le pavé ayant servi à briser la vitre de la porte ne trouve aucune explication, excepté qu'il est l'auteur des faits. En effet, ses déclarations quant à sa participation à la rénovation de l'établissement ne sont corroborées par aucun élément au dossier et, en tous les cas, n'expliquent pas encore la raison pour laquelle son ADN se serait retrouvé sur ce pavé. Il n'a jamais soutenu que des pavés avaient été utilisés lors de la rénovation de l'établissement. Le propriétaire de l'établissement, s'il a confirmé que le prévenu était un client régulier, a expressément exclu l'avoir employé ou avoir sollicité son aide pour des travaux effectués dans son bar, précisant qu'ils avaient eu lieu en mars 2018, soit plusieurs mois après le cambriolage. Vu les éléments au dossier, le fait qu'il ait soupçonné son ancien gérant ne remet aucunement en doute que l'appelant est l'auteur des faits. L'hypothèse, soutenue par la défense, d'un pavé touché par le prévenu avant utilisation par un cambrioleur ganté ne trouve aucun fondement au dossier et est purement théorique.

Enfin, l'appelant connaissait les lieux et, selon toute vraisemblance, les habitudes du patron (horaires, emplacement de l'ordinateur et de la caisse, etc.) puisqu'il fréquentait régulièrement l'établissement.

Partant, il ne fait aucun doute que le prévenu est l'auteur du cambriolage.

En commettant les faits tels que décrits dans l'acte d'accusation, le prévenu réalise les éléments objectifs et subjectifs des infractions de vol (art. 139 ch. 1 CP), de dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP) et de violation de domicile (art. 186 CP).

Le jugement entrepris sera intégralement confirmé sur ce point.

3. 3.1. Le brigandage est sanctionné d'une peine privative de liberté de six mois à dix ans (art. 140 ch. 1 CP). L'auteur de l'infraction de vol (art. 139 ch. 1 CP) est puni d'une peine privative de liberté de cinq ans au plus ou d'une peine pécuniaire. Les infractions de dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP) et de violation de domicile (art. 186 CP) sont passibles d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire.

3.2. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1 ; 136 IV 55 consid. 5).

3.3. La faute du prévenu est sérieuse. Il s'en est pris à plusieurs biens juridiques protégés, la liberté d'autrui, l'intégrité physique et le patrimoine. Il a agi sans considération aucune pour sa victime, n'hésitant pas à user de violence envers une personne très âgée, qu'il connaissait et saluait chaque jour.

Le prévenu a agi par pur égoïsme, mû par la perspective d'un gain immédiat, sans se préoccuper plus avant des conséquences de ses agissements sur autrui.

Rien dans sa situation personnelle ne justifie ses actes. Au moment des faits, il avait un travail et ne semblait pas devoir faire face à un contexte particulièrement difficile, ayant lui-même déclaré avoir utilisé partiellement l'argent dérobé à G______ pour "gâter" ses enfants.

La collaboration du prévenu ne peut pas être qualifiée de bonne, vu ses aveux partiels, étant précisé qu'il n'a admis les faits commis à l'encontre de G______ que dans un second temps et confronté à des éléments de preuve incontestables. Il persiste à nier, encore en appel, être l'auteur du cambriolage malgré la présence de son ADN sur place et les déclarations du propriétaire du restaurant.

Sa prise de conscience semble ébauchée s'agissant du brigandage commis. Il a reconnu que sa faute était grave et demandé pardon pour son comportement. Tel n'est pas le cas du cambriolage contesté, ce qui laisse songeur.

Il y a plusieurs infractions passibles du même type de peine, entraînant l'application du principe d'aggravation (art. 49 CP).

Le type de peine, non contesté en appel, sera confirmé.

Une peine privative de liberté de 16 mois se justifie, soit 12 mois pour réprimer le brigandage, l'infraction objectivement la plus grave, augmentés de deux mois pour le vol (peine hypothétique : trois mois), de deux fois un mois pour les dommages à la propriété et pour la violation de domicile (peine hypothétique pour chacune des infractions : 45 jours).

Compte tenu de l'interdiction de la reformatio in pejus (art. 391 al. 2 CPP), la peine privative de liberté de 12 mois arrêtée par le TP sera confirmée.

L'octroi du sursis, dont la durée du délai d'épreuve fixée par le TP est adéquate, est acquis à l'appelant (art. 391 al. 2 CP).

4. 4.1.1. Selon l'art. 66a al. 1 CP, le juge expulse un étranger du territoire suisse pour une durée de cinq à quinze ans s'il est reconnu coupable de brigandage (let. c) ou de vol en lien avec une violation de domicile (let. d).

Le juge peut exceptionnellement renoncer à une expulsion lorsque celle-ci mettrait l'étranger dans une situation personnelle grave et que les intérêts publics à l'expulsion ne l'emportent pas sur l'intérêt privé de l'étranger à demeurer en Suisse. À cet égard, il tiendra compte de la situation particulière de l'étranger qui est né ou qui a grandi en Suisse (al. 2).

4.1.2. Afin de pouvoir renoncer à une expulsion prévue par l'art. 66a al. 1 CP, il faut que cette mesure mette l'étranger dans une situation personnelle grave et que l'intérêt public soit de peu d'importance, c'est-à-dire que les intérêts publics à l'expulsion ne l'emportent pas sur l'intérêt privé de l'étranger à demeurer en Suisse. Le juge doit renoncer à l'expulsion lorsque les conditions de l'art. 66a al. 2 CP sont réunies, conformément au principe de proportionnalité (ATF 146 IV 105 consid. 3.4.2 ;
144 IV 332 consid. 3.3).

4.1.3. Pour définir la première condition cumulative, à savoir la "situation personnelle grave", il convient de s'inspirer, de manière générale, des critères prévus par l'art. 31 al. 1 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative (OASA) et de la jurisprudence y relative. L'art. 31 al. 1 OASA prévoit qu'une autorisation de séjour peut être octroyée dans les cas individuels d'extrême gravité. Elle commande de tenir compte notamment de l'intégration du requérant selon les critères définis à l'art. 58a al. 1 LEI, du respect de l'ordre juridique suisse par le requérant, de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants, de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation, de la durée de la présence en Suisse, de l'état de santé ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance. Comme la liste de l'art. 31 al. 1 OASA n'est pas exhaustive et que l'expulsion relève du droit pénal, le juge devra également, dans l'examen du cas de rigueur, tenir compte des perspectives de réinsertion sociale du condamné, tout comme du risque de récidive ou d'une délinquance récurrente (ATF 146 IV 105 consid. 3.4.1 ; 144 IV 332 consid. 3.3.1 et 3.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_45/2020 du 14 mars 2022 consid. 3.3.2).

4.1.4. En règle générale, il convient d'admettre l'existence d'un cas de rigueur au sens de l'art. 66a al. 2 CP lorsque l'expulsion constituerait, pour l'intéressé, une ingérence d'une certaine importance dans son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par la Constitution fédérale (art. 13 Cst.) et par le droit international, en particulier l'art. 8 CEDH (arrêt du Tribunal fédéral 6B_364/2022 du 8 juin 2022 consid. 5.1).

Selon la jurisprudence, pour se prévaloir du droit au respect de sa vie privée au sens de l'art. 8 par. 1 CEDH, l'étranger doit établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire. Le Tribunal fédéral n'adopte pas une approche schématique qui consisterait à présumer, à partir d'une certaine durée de séjour en Suisse, que l'étranger y est enraciné et dispose de ce fait d'un droit de présence dans notre pays. Il procède bien plutôt à une pesée des intérêts en présence, en considérant la durée du séjour en Suisse comme un élément parmi d'autres et en n'accordant qu'un faible poids aux années passées en Suisse dans l'illégalité, en prison ou au bénéfice d'une simple tolérance (ATF 134 II 10 consid. 4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_364/2022 du 8 juin 2022 consid. 5.1).

Par ailleurs, un étranger peut se prévaloir de l'art. 8 par. 1 CEDH (et de l'art. 13 Cst.), qui garantit notamment le droit au respect de la vie familiale, pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille, pour autant qu'il entretienne une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 144 II 1 consid. 6.1). Les relations familiales visées par l'art. 8 par. 1 CEDH sont avant tout celles qui concernent la famille dite nucléaire, soit celles qui existent entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (arrêt du Tribunal fédéral 6B_364/2022 du 8 juin 2022 consid. 5.1).

Selon l'état de santé de l'intéressé et les prestations de soins disponibles dans l'État d'origine, l'expulsion du territoire suisse peut par ailleurs placer l'étranger dans une situation personnelle grave au sens de l'art. 66a CP ou se révéler disproportionnée sous l'angle de l'art. 8 par. 2 CEDH. Lorsque l'intéressé souffre d'une maladie ou d'une infirmité, il sied d'examiner le niveau d'atteinte à la santé, les prestations médicales qui sont à disposition dans le pays d'origine ainsi que les conséquences négatives que cela peut engendrer pour la personne concernée (ATF 145 IV 455 consid. 9.1). En matière d'expulsion pénale, l'autorité de jugement appelée à prononcer une telle mesure doit examiner si, en raison de l'état de santé du prévenu, la mesure se révèle disproportionnée (arrêts du Tribunal fédéral 6B_822/2021 du 4 juillet 2022 consid. 2.1.2 ; 6B_1226/2021 du 1er avril 2022 consid. 2.1.4).

4.2. En l'espèce, vu les infractions commises, les deux complexes de fait entraînent l'expulsion obligatoire de l'appelant (art. 66a al. 1 let. c et d CP).

4.2.1. Pour motif présidant à la renonciation à son expulsion, l'appelant se prévaut essentiellement de son état de santé psychique et physique qui l'empêcherait d'être traité de manière adéquate en Bosnie-Herzégovine et l'exposerait à des conditions de vie assimilables à un mauvais traitement. Il s'agit dès lors d'apprécier si l'appelant se trouve concrètement dans une "situation personnelle grave" prohibant le prononcé de son expulsion.

L'appelant souffre d'un trouble dépressif récurrent avec des symptômes psychotiques et d'un état de stress post-traumatique, lié notamment au traumatisme de la guerre en Bosnie, puis à son divorce. Il est suivi régulièrement sur le plan psychiatrique et psychologique et bénéficie d'un traitement médicamenteux. Lors des débats d'appel, il était hospitalisé en lien avec sa dépression. Sur le plan physique, il souffre de lombalgies chroniques, accompagnées de douleurs à la colonne vertébrale, apparues dès 2011. En 2023, le traitement en place (sous la forme d'infiltrations de dérivés cortisonés) ne semblait pas suffisant pour pallier les douleurs. Les médecins préconisaient d'augmenter le nombre d'infiltrations, de poursuivre le traitement médicamenteux et la physiothérapie, n'excluant pas le recours à la chirurgie. En raison de ses troubles, une demande de rente a été déposée auprès de l'assurance-invalidité et est en cours d'examen.

En cas de retour en Bosnie-Herzégovine, cet accès aux soins serait à l'évidence plus difficile. En effet, la Bosnie-Herzégovine ne dispose pas d'un système de santé performant et accessible à tous. La qualité et les coûts peuvent varier entre les villes et les régions moins peuplées. Partant, il n'est pas certain que l'appelant pourra bénéficier du traitement approprié. Par ailleurs, même si le pays dispose de structures médicales, la situation sanitaire n'est de loin pas comparable à celle prévalant en Suisse et l'on ignore si la prise en charge et les traitements nécessaires seront disponibles.

Si une telle situation ne peut être assimilée à un traitement inhumain ou dégradant au sens de l'art. 3 CEDH, les problèmes de santé rencontrés par l'appelant n'atteignant pas le seuil de gravité très élevé requis par la jurisprudence topique (cf. supra consid. 4.1.3), il reste qu'un retour en Bosnie-Herzégovine le placerait dans une situation périlleuse immédiate, faute d'accès à un système de santé approprié pour ses troubles physiques et psychiques, ce qui est assimilable à une situation personnelle grave.

4.2.2. Reste à déterminer si l'intérêt privé de l'appelant à demeurer en Suisse pourrait l'emporter sur les intérêts publics présidant à son expulsion selon le principe de la proportionnalité.

Les actes commis par le prévenu sont graves et se sont déroulés à deux ans d'intervalle. Cela étant, l'appelant réside régulièrement en Suisse depuis plus de 23 ans, pays dans lequel il a construit une famille et où ses enfants sont nés. Il a travaillé pratiquement depuis son arrivée et n'a cessé ses activités professionnelles que récemment en raison de la dégradation de son état de santé.

Si l'intérêt public à son expulsion est manifeste au vu des graves infractions reprochées, la mise en balance avec sa situation personnelle susceptible de se péjorer gravement en cas d'expulsion en Bosnie-Herzégovine, la longue durée de son séjour régulier en Suisse et son intégration, fait que l'on se trouve dans un cas limite et que la balance des intérêts en cause, dans ces circonstances, peut encore pencher en sa faveur.

4.3. Partant, l'appel sera admis sur ce point et le prévenu mis au bénéfice de la clause de rigueur de l'art. 66 al. 2 CP.

Son attention est néanmoins attirée sur le fait que s'il devait commettre de nouvelles infractions spécifiques, l'exception du cas de rigueur retenue dans la présente procédure pourrait être reconsidérée et les intérêts publics présidant à son expulsion l'emporter alors sur son intérêt privé.

5. L'appelant, qui succombe en partie, supportera 60% des frais de la procédure envers l'État (art. 428 CPP), lesquels comprennent un émolument d'arrêt de CHF 1'500.-. L'émolument complémentaire de jugement, arrêté à CHF 600.- par le TP, suivra le même sort.

Compte tenu de la confirmation des verdicts de culpabilité, il n'y a pas lieu de revoir la répartition des frais de la procédure préliminaire et de première instance (art. 426 al. 1 CPP).

6. Considéré globalement, l'état de frais produit par MC______, défenseure d'office de A______, satisfait les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale, excepté le temps consacré à la rédaction de l'annonce d'appel et de la déclaration d'appel, inclus dans le forfait, qui sera retranché.

Sa rémunération sera partant arrêtée à CHF 2'124.85 correspondant à 5h20 d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (CHF 1'066.65) et 4h50 d'activité au tarif de CHF 110.-/heure (CHF 531.65), plus la majoration forfaitaire de 20% (CHF 319.65), le déplacement aux débats d'appel (CHF 55.-) et la TVA au taux de 7.7% (CHF 151.90).

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/784/2023 rendu le 14 juin 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/17522/2022.

L'admet partiellement.

Annule ce jugement.

Et statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable de vol (art. 139 ch. 1 CP), de brigandage (art. 140 ch. 1 CP), de dommages à la propriété (art. 144 al. 1 CP) et de violation de domicile (art. 186 CP).

Acquitte A______ de séquestration (art. 183 ch. 1 CP).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de 12 mois, sous déduction de 61 jours de détention avant jugement (art. 40 CP).

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne A______ aux frais de la procédure préliminaire et de première instance, lesquels s'élèvent à CHF 1'283.- (art. 426 al. 1 CPP).

Prend acte de ce que le premier juge a arrêté la rémunération de MC______, défenseure d'office de A______ pour la procédure préliminaire et de première instance, à CHF 5'298.85 (art. 135 CPP).

Arrête les frais de la procédure d'appel à CHF 1'725.-, lesquels comprennent un émolument d'arrêt de CHF 1'500.-.

Met 60% de ces frais, soit CHF 1'035.-, à la charge de A______ et laisse le solde à la charge de l'État.

Met 60% de l’émolument complémentaire de jugement de première instance de CHF 600.- à la charge de A______, soit CHF 360.-.

Arrête à CHF 2'124.85, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me C______, défenseure d'office de A______, pour la procédure d'appel.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police ainsi qu'à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Melina CHODYNIECKI

 

Le président :

Vincent FOURNIER

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.

 


 

 

ÉTAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'883.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

100.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

50.00

État de frais

CHF

75.00

Émolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'725.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

3'608.00