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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/22364/2022

AARP/446/2023 du 13.12.2023 sur JTDP/677/2023 ( PENAL ) , REJETE

Recours TF déposé le 01.02.2024
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/22364/2022 AARP/446/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 13 décembre 2023

 

Entre

A______, domiciliée ______ [GE], comparant par Me B______, avocat,

appelante,

 

C______, sans domicile connu, comparant par Me D______, avocat,

appelant,

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

appelant joint,

 

contre le jugement JTDP/677/2023 rendu le 31 mai 2023 par le Tribunal de police,

et

E______, partie plaignante, comparant par Me F______, avocate,

intimée.


EN FAIT :

A. a. A______ et C______ appellent en temps utile du jugement du 31 mai 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) les a condamnés à des peines privatives de liberté de 11 et 24 mois avec sursis et délai d'épreuve de trois ans.

A______ a été reconnue coupable de tentative de lésions corporelles graves (art. 22 cum 122 du code pénal [CP]), de lésions corporelles simples aggravées (art. 123 ch. 2 al. 2 CP), de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b de la loi fédérale sur les étrangers et l'intégration [LEI]), ainsi que de contravention à la loi fédérale sur les stupéfiants et les substances psychotropes (art. 19a ch. 1 LStup), pour laquelle elle a été condamnée à une amende de CHF 100.- (peine privative de liberté de substitution d'un jour). Le TP a renoncé à son expulsion, rejeté ses conclusions en indemnisation et mis à sa charge la moitié des frais de la procédure en CHF 12'180.30.

C______ a été reconnu coupable de lésions corporelles graves (art. 122 CP) et de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI). Le TP a renoncé à révoquer le sursis octroyé par le Ministère public (MP) le 24 juin 2022, prolongé le délai d'épreuve d'une année et ordonné l'expulsion de Suisse de C______ pour une durée de cinq ans. Ce dernier a été condamné à verser à E______ CHF 9'600.- et CHF 20'000.- à titre de réparation du dommage matériel et du tort moral. L'autre moitié des frais de la procédure a été mise à sa charge.

b. Les précités entreprennent partiellement ce jugement.

A______ conclut, frais à la charge de l'État, à son acquittement du chef de séjour illégal et à la réduction de la peine privative de liberté.

C______ conclut à une condamnation du chef de lésions corporelles graves par négligence, au prononcé d'une peine privative de liberté de 12 mois, à la fixation du délai d'épreuve à deux ans, à l'annulation de son expulsion et à la réduction du montant dû au titre de la réparation du tort moral à CHF 5'000.-, le jugement querellé étant à confirmer pour le surplus.

c. Le MP forme appel joint et conclut à l'inscription de la mesure d'expulsion de C______ dans le système d'information Schengen (SIS) ainsi qu'à la confirmation du jugement querellé pour le surplus.

d.a. Selon l'acte d'accusation du 18 avril 2023, il est reproché à A______ ce qui suit.

Le 23 octobre 2022, devant l'établissement G______ [discothèque] sis rue 1______ no. ______ à Genève, elle a tenté de gravement blesser C______ en lui assénant au moins quatre coups à la tête au moyen d'une bouteille en verre et en lui causant de la sorte diverses lésions. Comme repris ci-après, le TP a retenu qu'elle lui avait porté au minimum un coup de bouteille.

À tout le moins en 2022, jusqu'au 23 octobre, elle a séjourné en Suisse sans être au bénéfice des autorisations nécessaires.

Le 23 octobre 2022, elle a consommé sans droit du cannabis.

Ces faits ne sont pas contestés en appel, ni leur qualification juridique, à l'exception du séjour illégal.

d.b. Selon le même acte d'accusation, il est reproché à C______ d'avoir gravement blessé E______ en lui lançant une bouteille en verre au visage le 23 octobre 2022 devant G______, ainsi que d'avoir séjourné sans autorisation en Suisse du 25 juin au 23 octobre 2022.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a.a. A______, ressortissante brésilienne, est née le ______ 1995.

Elle est arrivée en Suisse le 6 décembre 2004, soit à l'âge de neuf ans, avec son frère et ses parents. Elle y a poursuivi sa scolarité obligatoire, sans acquérir par la suite de formation professionnelle ni d'indépendance financière, ayant occupé et continuant d'occuper des postes peu qualifiés à temps partiel. Elle émarge à l'aide sociale depuis 2020 et est endettée à hauteur de plus de CHF 45'000.-.

Ses parents, dépourvus d'autorisation de séjour, ont sollicité la régularisation de toute la famille en août 2011. Leur demande a toutefois été rejetée, en dernier recours par arrêt du Tribunal administratif fédéral du 17 novembre 2014. Les parents et le frère de A______ ont finalement obtenu une autorisation de séjour en 2017, à la suite de l'acceptation de leur demande de reconsidération.

a.b. En 2015, A______ et son compagnon, H______, ressortissant italien titulaire d'une autorisation d'établissement, ont entamé une procédure préparatoire de mariage. L'état civil de la commune de I______ [GE] a attiré leur attention sur le fait que A______ n'avait pas démontré la légalité de son séjour en Suisse et l'a invitée à produire toutes pièces utiles à ce sujet, ce qu'elle n'a pas fait, de sorte que le dossier a été classé sans suite.

Le 24 février 2015, A______ a donné naissance à une fille, que H______ a reconnue.

Le 17 octobre 2016, A______ a déposé une demande de regroupement familial avec H______. Ils ne se sont jamais mariés et ne vivent plus sous le même toit depuis 2017, étant précisé que A______ a toujours habité chez ses parents.

Le 4 février 2019, l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) a fait part à A______ de son intention de refuser de lui délivrer une autorisation de séjour, à elle ainsi qu'à sa fille.

Le 12 janviers 2021, l'OCPM a formellement prononcé ce refus ainsi qu'ordonné le renvoi de A______ et de sa fille de Suisse au 15 avril suivant.

Les recours de la prévenue devant le Tribunal administratif de première instance puis la Chambre administrative de la Cour de justice ont été rejetés les 22 juin 2021 et 1er novembre 2022. Bien que vivant en Suisse depuis 18 ans à la suite du choix de ses parents de s'y installer, elle ne s'y était pas du tout intégrée. Elle n'avait acquis aucune indépendance financière, avait bénéficié de l'aide sociale dès 2020, était très endettée et avait été condamnée pénalement à plusieurs reprises. Sa réintégration au Brésil ne serait pas aisée mais elle était encore jeune, en bonne santé et parlait le portugais brésilien. Il en allait de même de sa fille, âgée de sept ans, qui parlait aussi cette langue et pour laquelle un retour dans le pays d'origine de sa mère ne représenterait pas un déracinement complet, son intégration en Suisse n'étant pas profonde et irréversible.

a.c. Le 22 mai 2023, l'OCPM a imparti un nouveau délai de départ à A______ au 31 août suivant.

Selon les déclarations de la prévenue en première instance, H______ a entrepris les démarches pour obtenir un regroupement familial.

Les grands-parents paternels et la grand-mère maternelle de A______, aujourd'hui retraités, vivent encore au Brésil. Elle ne souhaite toutefois pas y retourner, son pays d'origine lui étant inconnu et ne représentant qu'une destination de vacances.

a.d. A______ a été condamnée à quatre reprises en Suisse à des peines pécuniaires entre 20 et 180 jours-amendes : le 26 juin 2015 pour lésions corporelles simples, dommages à la propriété et injure ; le 22 septembre 2015 pour tentative d'escroquerie, vol, escroquerie, violence ou menace contre les autorités ou les fonctionnaires et faux dans les titres ; le 30 septembre 2015 pour mise d'un véhicule à la disposition d'un conducteur sans permis requis ; le 1er juin 2018 pour violence et menaces contre les autorités ou les fonctionnaires, entrave au service des chemins de fer avec mise en danger de la vie ou de l'intégrité corporelle de personne ou de la propriété d'autrui.

b.a. Le 23 octobre 2022, vers 06h00, A______ a rejoint H______ devant la discothèque G______. Sa cousine, E______, à laquelle elle avait donné rendez-vous, est arrivée peu après.

Au même moment, C______, qui se trouvait dans l'établissement, ivre et querelleur, en a été expulsé.

Très énervé, il a invectivé toutes les personnes présentes devant G______ et s'est en particulier disputé avec H______. A______ a alors saisi une bouteille avec laquelle elle a frappé C______ au visage à tout le moins à une reprise.

En colère, C______ a saisi à son tour une bouteille, qu'il a lui-même brisée ou qui était déjà dans cet état, et l'a jetée avec force en direction de A______. Le projectile a cependant atteint E______, laquelle a été gravement blessée au visage.

b.b. Le coup de bouteille reçu par C______ lui a causé une plaie au sourcil droit ayant nécessité des points de suture, des ecchymoses du cuir chevelu, de la nuque, de la région rétro-auriculaire droite et de la pommette droite, deux dermabrasions filiformes rétro-auriculaires, des érythèmes au niveau du front, une infiltration des tissus mous en diverses régions, une irrégularité cutanée sourcilière droite et à la joue droite, ainsi que des fractures du massif facial (paroi latérale de l'orbite droite, paroi latérale du sinus maxillaire droit, arcade zygomatique droite).

Les fractures ont nécessité une antibiothérapie, une opération chirurgicale (réduction ostéosynthèse de la fracture orbito-zygomatique comminutive droite) et son suivi (deux contrôles).

C______ a aussi bénéficié d'un suivi ophtalmologique.

c. Durant la procédure, A______ a contesté avoir frappé C______. Confrontée aux éléments dont il ressort qu'elle avait porté à tout le moins un coup de bouteille, elle a déclaré ne plus s'en souvenir puis, à l'audience de jugement, elle a à nouveau contesté avoir pu le frapper.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties.

b. A______ persiste dans ses conclusions.

Elle était arrivée en Suisse le 6 décembre 2004, à l'âge de neuf ans. Elle y avait ainsi vécu 18 ans, dont une bonne partie de son enfance, sur décision de ses parents, y avait suivi sa scolarité, y était entourée de sa famille et de ses amis, et y élevait un enfant avec son compagnon, lequel était au bénéfice d'une autorisation de séjour.

Elle avait effectué plusieurs demandes visant à obtenir une autorisation de séjour, notamment le 5 mars 2015 en vue de son mariage et le 17 octobre 2016 aux fins de regroupement familial. Deux délais, au 15 avril 2021 et au 31 août 2023 lui avaient été impartis pour quitter la Suisse, mais aucune des deux décisions de l'OCPM en cause n'était entrée en force durant la période pénale. La première, du 12 janvier 2021, avait été suspendue par des procédures de recours et la seconde, du 22 mai 2023, était postérieure.

Bien qu'ayant fait l'objet de plusieurs poursuites pénales, A______ n'avait jamais été condamnée pour séjour illégal.

Il ne lui était donc pas imaginable d'avoir été, durant la période pénale, juridiquement dans l'obligation de partir au Brésil, pays qu'elle ne connaissait presque pas et où elle n'avait aucune attache sociale ou professionnelle. Des procédures en vue de sa régularisation, dont elle attendait une réponse positive, étaient de surcroît en cours à ce moment. Elle s'était donc sincèrement crue, à tout le moins à titre provisoire, en droit de résider en Suisse et ignorait que sa décision d'y demeurer était constitutive d'une infraction pénale.

Elle devait donc être mise au bénéfice d'une erreur sur l'illicéité, de sorte que sa faute était diminuée. La peine devait en conséquence être réduite.

c. C______ retire son appel.

d. Le MP persiste dans ses conclusions, pour autant que son appel joint ne soit pas rendu caduc par le retrait de l'appel de C______, et requiert le rejet de celui formé par A______.

L'inscription de la mesure d'expulsion de C______ dans le SIS, proportionnelle au vu de la gravité de l'infraction réprimée et de la situation irrégulière de l'appelant en Suisse, était en substance conforme au droit.

Si par impossible l'appel de A______ était admis, une peine privative de liberté de neuf mois était à tout le moins justifiée.

D. Me B______, défenseur d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, comptabilisant, au titre d'activité de chef d'étude, non soumise à la TVA, 2h35 d'entretien avec la cliente et 8h45 d'examen du dossier et de rédaction du mémoire d'appel ainsi que de la réponse à l'appel joint. L'activité du défenseur d'office a été taxée à hauteur de 42h15 en première instance.

Me D______, défenseur d'office de C______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel comptabilisant, au titre d'activité du chef d'étude, non soumise à la TVA, 3h00 d'entretien avec le client, 3h00 d'examen du dossier et des débours de CHF 100.- (frais d'interprétation). Son activité a été taxée à hauteur de 42h45 en première instance.

EN DROIT :

1. 1.1. Les appels et l'appel joint sont recevables pour avoir été interjetés et motivés selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398, 399, 400 et 401 du code de procédure pénale [CPP])

C______ a cependant retiré son appel, ce dont il lui sera donné acte. L'appel joint formé par le MP, visant seulement le sort de cet appelant, est donc caduc (art. 401 al. 3 CPP ; ATF 142 IV 234 consid. 1.2)

1.2. La Chambre limitera son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel de A______ (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. L'art. 115 al. 1 let. b LEI sanctionne quiconque séjourne illégalement en Suisse, notamment après l'expiration de la durée du séjour non soumis à autorisation ou du séjour autorisé.

Aux termes de l'art. 12 al. 2 CP, agit intentionnellement quiconque commet un crime ou un délit avec conscience et volonté. L'auteur agit déjà intentionnellement lorsqu’il tient pour possible la réalisation de l'infraction et l'accepte au cas où celle-ci se produirait.

Selon l'art. 21 CP, quiconque ne sait ni ne peut savoir au moment d'agir que son comportement est illicite n'agit pas de manière coupable. Le juge atténue la peine si l'erreur était évitable.

L'erreur sur l'illicéité vise le cas où l'auteur agit en ayant connaissance de tous les éléments constitutifs de l'infraction, et donc avec intention, mais en croyant par erreur agir de façon licite. La réglementation relative à l'erreur sur l'illicéité repose sur l'idée que le justiciable doit faire tout son possible pour connaître la loi et que son ignorance ne le protège que dans des cas exceptionnels. Pour exclure l'erreur de droit, il suffit que l'auteur ait eu le sentiment de faire quelque chose de contraire à ce qui se doit ou qu'il eût dû avoir ce sentiment (ATF 141 IV 336 consid. 2.4.3 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_77/2019 du 11 février 2019 consid. 2.1 non publié aux ATF 145 IV 17). Il doit avoir conscience de l'illiciéité de son comportement. Peu importe par contre qu'il sache que celui-ci était punissable (ATF 104 IV 217 consid. 2), ni qu'il ait cru à l'absence d'une sanction (ATF 101 Ib 33 consid. 3b). L'erreur sur l'illicéité est exclue lorsque l'autorité a expressément attiré l'attention de l'auteur sur la situation juridique ou lorsque celui-ci passe outre à des directives de l'autorité (ATF 129 IV 6 consid. 4.1).

La tolérance constante de l'autorité – administrative ou pénale – à l'égard d'un comportement illicite déterminé peut, dans certains cas, constituer une raison suffisante de se croire en droit d'agir (ATF 91 IV 201 consid. 4). Ainsi, il existe des raisons suffisantes excluant la nécessité de réflexions supplémentaires lorsque la police a toléré des comportements semblables depuis longtemps. Il en va de même en présence d'une pratique constante et non contestée. En revanche, le simple fait que l'autorité n'intervienne pas ne suffit pas pour admettre l'existence d'une erreur de droit (ATF 128 IV 201 consid. 2).

2.2. En l'espèce, l'appelante séjourne en Suisse sans autorisation depuis qu'elle y est arrivée en 2004 avec ses parents.

Elle ne conteste pas avoir été pleinement consciente de cette situation, mais objecte avoir ignoré que son séjour en Suisse fût pour autant illégal, ou du moins qu'il ne fût pas toléré par les autorités.

Or, les différentes procédures administratives ouvertes à ce sujet et désormais closes réfutent qu'elle pût avoir un tel sentiment.

Ses parents ont en effet vainement demandé une autorisation de séjour pour toute la famille, déjà entre 2011 et 2014. Elle était à ce moment suffisamment mature, soit âgée entre 16 et 19 ans, pour comprendre les raisons, les enjeux ainsi que le résultat d'une telle procédure.

Surtout, l'appelante a elle-même initié deux procédures visant à obtenir une autorisation de séjour en 2015 et le 17 octobre 2016 (autorisation de mariage et regroupement familial), qui ont abouti à un refus et à un premier renvoi le 12 janvier 2021, entrés en force fin 2022 après le rejet de ses recours. Elle ne pouvait dès lors, à tout le moins à partir de la décision de renvoi du 12 janvier 2021, plus du tout ignorer non seulement ne pas bénéficier d'une telle autorisation, ce qu'elle n'a jamais contesté, mais surtout que son séjour en Suisse n'était pas conforme au droit et que sous l'angle de la loi, elle n'était pas autorisée à y demeurer. Elle n'est pas fondée à se prévaloir d'une tolérance des autorités, lesquelles, une fois saisies, ne lui ont jamais laissé entendre que sa situation était licite ou qu'elle serait admise nonobstant le défaut d'autorisation de séjour. Elles ont au contraire continuellement requis l'appelante de justifier et étayer les motifs pour lesquels elle devrait être autorisée à demeurer en Suisse (cf. pour le détail arrêt du 1er novembre 2022 de la Chambre administrative de la Cour de justice, pièce 3 de l'appelante). L'appelante n'avait aucune raison de penser qu'elle obtiendrait forcément gain de cause sur recours.

Le seul fait qu'elle n'a jamais été condamnée pénalement pour séjour illégal n'est pas déterminant. Seul importe qu'elle sût que son séjour en Suisse était contraire au droit et que les autorités n'entendissent pas le tolérer, étant rappelé que leur seule inaction n'aurait pas suffi pour admettre une erreur de droit.

L'appelante a ainsi sciemment séjourné en Suisse sans autorisation durant la période pénale, en sachant qu'un tel séjour était contraire au droit. Sa culpabilité de ce chef sera dès lors être confirmée.

3. 3.1. Outre de l'infraction précitée, punie d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 115 al. 1 LEI), l'appelante s'est rendue coupable de tentative de lésions corporelles graves, punies, sous le droit en vigueur lors des faits, d'une peine privative de liberté de six mois à dix ans (art. 122 aCP), ainsi que de lésions corporelles simples avec un objet dangereux, punies d'une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d'une peine pécuniaire (art. 123 ch. 1 et 2 CP).

3.2. Selon l'art. 47 du code pénal (CP), le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur. Il prend en considération les antécédents et la situation personnelle de ce dernier ainsi que l'effet de la peine sur son avenir (al. 1). La culpabilité est déterminée par la gravité de la lésion ou de la mise en danger du bien juridique concerné, par le caractère répréhensible de l'acte, par les motivations et les buts de l'auteur et par la mesure dans laquelle celui-ci aurait pu éviter la mise en danger ou la lésion, compte tenu de sa situation personnelle et des circonstances extérieures (al. 2).

La culpabilité de l'auteur doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 141 IV 61 consid. 6.1.1, 136 IV 55 consid. 5 et 134 IV 17 consid. 2.1).

L'art. 34 al. 1 CP, 1ère phrase, prévoit que sauf disposition contraire, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins et ne peut excéder 180 jours-amende. L'art. 41 al. 1 CP autorise le juge à prononcer une peine privative de liberté à la place d'une peine pécuniaire si (a) une peine privative de liberté paraît justifiée pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits, ou (b) s'il y a lieu de craindre qu'une peine pécuniaire ne puisse pas être exécutée. Il doit motiver le choix de la peine privative de liberté de manière circonstanciée (al. 2).

3.3. Conformément à l'art. 22 al. 1 CP, le juge peut atténuer la peine si l'exécution d'un crime ou d'un délit n'est pas poursuivie jusqu'à son terme ou que le résultat nécessaire à la consommation de l'infraction ne se produit pas ou ne pouvait pas se produire.

La mesure de l'atténuation dépend de la proximité du résultat ainsi que des conséquences effectives des actes commis. En d'autres termes, la réduction devra être d'autant plus faible que le résultat était proche et ses conséquences graves (ATF 127 IV 101 consid. 2b).

3.4. Aux termes de l'art. 49 al. 1 CP, 1ère phrase, si, en raison d'un ou de plusieurs actes, l'auteur remplit les conditions de plusieurs peines de même genre, le juge le condamne à la peine de l'infraction la plus grave et l'augmente dans une juste proportion.

La tentative de lésions corporelles graves prime l'infraction de lésions corporelles simples, quand bien même les conditions de celles-ci, notamment sous sa forme aggravée, sont réalisées (arrêt du Tribunal fédéral 6B_954/2010 du 10 mars 2011 consid. 3.4).

3.5. En l'espèce, la faute de l'appelante relative au coup de bouteille porté à C______ est plutôt grave. Elle a agi sous le coup d'une colère mal maîtrisée, sans avoir été singulièrement provoquée, prenant le risque de blesser gravement le précité au visage. Son geste, s'il n'a pas eu de telles conséquences, a néanmoins causé des plaies, ecchymoses, dermabrasions, érythèmes, infiltrations et fractures qui ne sont pas anodines. Elles ont nécessité des points de suture, une opération et un suivi ophtalmologique. Leurs soins puis leurs cicatrisations ont dû prendre plusieurs mois.

Aucun élément du dossier n'atteste d'une quelconque nécessité et même d'un quelconque intérêt pour la sécurité d'autrui de s'en prendre à l'intégrité de C______. Cela a au contraire suscité de sa part un geste tout aussi injustifié qui a eu des conséquences encore plus graves au préjudice de E______.

L'appelante n'a jamais reconnu les faits ni exprimé le moindre regret, de sorte que sa prise de conscience de la gravité de sa faute est très mince. Elle a en outre des antécédents de violence. Malgré la naissance de sa fille en 2015, son intégration socio-professionnelle en Suisse est mauvaise, comme relevé par la Chambre administrative de la Cour de justice dans sa décision du 1er novembre 2022. L'appelante ne saurait entièrement imputer cette situation au défaut d'autorisation de séjour. Non seulement n'a-t-elle pas saisi les opportunités d'une meilleure intégration durant toutes les années passées en Suisse, mais surtout, son comportement a justifié le refus des autorités de lui délivrer une telle autorisation, contrairement aux autres membres de sa famille, de sorte qu'elle est responsable de son statut actuel.

La forme de la tentative n'a qu'un effet légèrement atténuant. L'appelante est en effet allée jusqu'au bout de son action, elle a causé des lésions importantes au visage de C______ et ne doit qu'à la chance l'absence d'atteintes plus graves.

Au vu des éléments qui précèdent, une peine privative de liberté de 12 mois au minimum se justifiait pour sanctionner la tentative de lésions corporelles graves.

3.6. La peine prononcée, acquise à l'appelante au bénéfice de l'interdiction de la reformatio in pejus (art. 391 al. 2 CPP), apparaît d'autant plus conforme au droit qu'il y a lieu de prendre en considération l'effet aggravant du concours avec l'infraction de séjour illégal. Une peine pécuniaire apparaît inadéquate sous l'angle de la prévention spéciale pour réprimer cette infraction, compte tenu de la très mauvaise situation financière de l'appelante et de ses précédentes condamnations à ce genre de peine s'étant révélées inaptes à l'écarter de la délinquance. Il est néanmoins relevé que sa faute sur le plan du séjour illégal est bien moins grave. La période pénale est en effet courte et la situation illégale de l'appelante résulte à l'origine d'une décision de ses parents à un moment où elle était encore mineure et âgée de neuf ans.

Le premier juge a retenu à tort, en sus de la tentative de lésions corporelles graves, les lésions corporelles simples. Il n'y a en effet pas de concours parfait entre ces deux infractions. L'infraction de lésions corporelles simples est dès lors sans influence sur la peine et la culpabilité de ce chef de l'appelante sera annulée, en application de l'art. 404 al. 2 CPP.

L'octroi du sursis ne sera pas réexaminé faute d'appel sur ce point (art. 391 al. 2 CPP). La fixation du délai d'épreuve à trois ans est conforme au droit compte tenu du risque de récidive résultant des antécédents de l'appelante, de la prise de conscience insuffisante de sa faute et de l'absence d'amélioration de sa situation socio-professionnelle (art. 44 al. 1 CP).

3.7. En conclusion, l'appel sera rejeté et le jugement querellé confirmé, sous réserve du point susmentionné concernant la culpabilité de l'appelante pour lésions corporelles simples, revu d'office.

4. Les appelants, qui succombent, supporteront les frais de la procédure, qui comprendront un émolument de décision de CHF 1'500.- (art. 428 CPP et 14 al. 1 let. e du règlement fixant le tarif des frais en matière pénale [RTFMP]). Dès lors que l'essentiel de la procédure de seconde instance a concerné l'examen des griefs de l'appelante, l'appelant ayant retiré son recours avant le dépôt d'un mémoire, la plus grande partie des frais, soit quatre cinquièmes, sera mise à la charge de la première, et le second en supportera le solde d'un cinquième.

5. Considérés globalement, les états de frais produits par Mes B______ et D______, défenseurs d'office des appelants, satisfont les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale.

La rémunération de Me B______ sera partant arrêtée à CHF 2'493.30, correspondant à 11h20 d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (CHF 2'266.65), plus la majoration forfaitaire de 10% au vu de l'activité déjà indemnisée en première instance (CHF 226.65).

La rémunération de Me D______ sera arrêtée à CHF 1'420.-, correspondant à 6h00 d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (CHF 1'200.-), plus la majoration forfaitaire de 10% au vu de l'activité déjà indemnisée en première instance (CHF 120.-) et les débours de CHF 100.-.

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit les appels formés par A______ et C______, ainsi que l'appel joint formé par le Ministère public contre le jugement JTDP/677/2023 rendu le 31 mai 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/22364/2022.

Prend acte du retrait de l'appel de C______.

Constate la caducité de l'appel joint du Ministère public.

Rejette l'appel de A______.

Annule néanmoins le jugement querellé.

Et statuant de nouveau :

Déclare A______ coupable de tentative de lésions corporelles graves (art. 22 cum 122 CP), de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et de consommation de stupéfiants (art. 19a ch. 1 LStup).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de 11 mois, sous déduction de 17 jours de détention avant jugement.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans.

Avertit A______ que si elle devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine.

Condamne A______ à une amende de CHF 100.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution d'un jour.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Renonce à ordonner l'expulsion de Suisse de A______.

Rejette les conclusions en indemnisation de A______.

Déclare C______ coupable de lésions corporelles graves (art. 122 CP) et de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b CP).

Condamne C______ à une peine privative de liberté de 24 mois, sous déduction de 221 jours de détention avant jugement.

Met C______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à trois ans.

Avertit C______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine.

Renonce à révoquer le sursis octroyé le 24 juin 2022 par le Ministère public de Genève mais adresse un avertissement à C______ et prolonge le délai d'épreuve d'un an.

Ordonne l'expulsion de Suisse de C______ pour une durée de cinq ans.

Dit que la peine prononcée avec sursis n'empêche pas l'exécution de l'expulsion durant le délai d'épreuve.

Constate que C______ acquiesce aux conclusions civiles en réparation du dommage matériel à hauteur de CHF 9'600.- et en réparation du tort moral à hauteur de CHF 5'000.-.

Condamne C______ à payer à E______ CHF 9'600.-, avec intérêts à 5% dès le 23 octobre 2022, à titre de réparation du dommage matériel.

Condamne C______ à payer à E______ CHF 20'000.-, avec intérêts à 5% dès le 23 octobre 2022, à titre de réparation du tort moral.

Déboute pour le surplus E______ de ses conclusions civiles.

Condamne A______ et C______ chacun à la moitié des frais de la procédure de première instance, en CHF 12'180.30.

Condamne A______ aux quatre cinquièmes et C______ au cinquième des frais de la procédure d'appel, en CHF 1'735.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'500.-.

Constate que les montants des frais et honoraires de Me B______, défenseur d'office de A______, de Me D______, défenseur d'office de C______, et de Me F______, conseil juridique gratuit de E______, ont été fixés à CHF 10'295.-, CHF 10'405.00 et CHF 2'809.90 pour la procédure de première instance.

Arrête à CHF 2'493.30 le montant des frais et honoraires de Me B______ pour la procédure d'appel.

Arrête à CHF 1'420.- le montant des frais et honoraires de Me D______ pour la procédure d'appel.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, au Secrétariat d'État aux migrations et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

Le président :

Gregory ORCI

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

12'180.30

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

160.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'735.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

13'915.30