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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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PS/108/2023

AARP/464/2023 du 07.12.2023 ( RECUSE ) , REJETE

Recours TF déposé le 01.02.2024, rendu le 23.04.2024, REJETE

république et

canton de genève

POUVOIR JUDICIAIRE

PS/108/2023 AARP/464/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 7 décembre 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, comparant par Me Innocent SEMUHIRE, avocat, Etude ISE, rue du Conseil-Général 8, 1205 Genève,

requérant,

 

et

B______, juge à la Chambre pénale d'appel et de révision, case postale 3108,
1211 Genève 3,

citée.


EN FAIT :

a. A______ a fait appel du jugement JTDP/1546/2022 rendu le 13 décembre 2022 dans la procédure P/1______/2020, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable de représentation de la violence (art. 135 al. 1 et 1bis du Code pénal [CP]), pornographie (art. 197 al. 5 CP) et faux dans les titres (art. 251 ch. 1 CP).

b. En appel, la direction de la procédure a d'abord été attribuée à une magistrate qui, par courrier du 31 mars 2023, a invité le conseil de l'appelant à attirer l'attention de l'intéressé sur le fait que s'il produisait encore des images à caractère pédophile, la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) serait dans l'obligation de le dénoncer au Ministère public.

A______ ayant requis, avec succès, la récusation de cette première juge (AARP/159/2023 du 8 mai 2023), la cause a été attribuée à sa collègue B______.

c. Par ordonnance du 17 mai 2023, celle-ci a rejeté les réquisitions de preuve de A______, motivant de la sorte sa décision :

"Il apparaît en effet inutile, sous l'angle des questions à trancher, d'ordonner une expertise pour déterminer la provenance des images mises en évidence dans le rapport de police du 8 juin 2021, de même que la manière dont celles-ci se sont retrouvées dans les téléphones portables de votre mandant. Pour le surplus, il appartient à la Chambre pénale d'appel et de révision d'examiner le contenu desdites images et d'en tirer les éventuelles conséquences d'un point de vue juridique.

Des recherches tendant à l'identification des détenteurs des raccordements +41 2______ et +41 3______ ont déjà été effectuées et non pas abouties, de sorte que la répétition de cet acte d'instruction ne pourrait que conduire au même résultat.

L'audition de C______ n'est pas pertinente en regard de la question juridique à trancher. Il en va de même de celle du personnel de la régie sollicitée par votre mandant.

Votre mandant demeure libre de produire tous les documents qu'il estime utiles à sa défense avant que la cause ne soit gardée à juger.

Quant au sort des valeurs patrimoniales saisies et indemnités à verser, il sera réglé dans l'arrêt à rendre au fond."

d. Le 23 mai 2023, le défenseur d'alors de A______, Me D______, a demandé à B______ de statuer sur la demande de suspension de la procédure jusqu'à droit jugé sur la "plainte", adressée le 3 avril 2023 par son client au Ministère public de la Confédération, au Centre national pour la cybersécurité et Interpol, relative à des "possibles cas de pornographie à caractère pédophile, selon le constat de la Chambre pénale d'appel et de révision" qui lui avait été notifié le jour même [ndr : soit le courrier précité de la première juge à laquelle la cause avait été attribuée], ainsi que de suspendre dans l'intervalle le délai pour le dépôt du mémoire d'appel motivé, subsidiairement de le prolonger afin de permettre à son mandant de recueillir divers éléments.

e. B______ a accédé à cette dernière demande, reportant le délai au 15 juin 2023 [ndr : sa réponse relative à la requête de suspension étant sans pertinence ici].

f. Sous sa propre plume, A______ a réitéré le 25 mai 2023 la demande de suspension jusqu'à droit jugé sur sa dénonciation du 3 avril 2023.

g. B______ a répondu par courrier du 31 mai 2023, adressé au conseil du prévenu, indiquant qu'elle n'entendait pas donner suite à cette requête car "les conditions de l'art. 329 al. 2 CPP [n'étaient] pas réalisées, de sorte que la procédure [était] en état d'être jugée, et qu'en toute hypothèse, l'utilité des "enquêtes" auxquelles [A______] se référ[ait avait] déjà été tranchée lorsqu'il [avait] été statué sur les réquisitions de preuve."

h. Le 29 mai 2023, agissant derechef personnellement, A______ a requis la présidente B______ de motiver sa décision de rejet des réquisitions de preuve.

i. Par courrier daté du 26 mai 2023, mais expédié le 30 mai 2023, A______, toujours sous sa propre plume, a demandé une première fois la récusation de B______, lui reprochant d'avoir, sans motivation, rejeté ses réquisitions de preuve, dont il estimait que l'administration conduirait à son acquittement, de sorte que refuser d'y procéder relevait d'une lourde erreur. En cours de procédure, il a également soutenu que la présidente B______ avait refusé à tort de suspendre la procédure, ainsi qu'il l'avait requis le 11 avril 2023, puis le 23 et le 25 mai suivants, n'avait pas donné suite à sa demande qu'elle motivât son refus, avait pris une décision "bizarre" en impartissant à son défenseur d'alors, Me D______, un "ultime délai" pour la production de son mémoire d'appel et avait ignoré ses demandes de confirmation de ce qu'un document "clé pour sa défense" – soit un courrier du 11 avril 2023 et ses annexes, "dont la plainte relative aux images pornographiques prétendument interdites" – avait disparu du dossier.

j. Par courrier du 7 juin 2023, comportant sous concerne la référence à ses précédentes communications des 11 avril, 25 mai et 7 juin 2023 et, à deux reprises, le mot "RELANCE", il a, personnellement, réitéré ses demandes de suspension de la procédure et de motivation des précédents refus de ses réquisitions de preuve ainsi que de suspension de la procédure.

k. Le 9 juin 2023 la présidente B______ a transmis ce courrier à Me D______, le priant d'informer son mandant de ce qu'elle avait bien reçu ses courriers et précisant qu'il serait "statué sur ses différentes requêtes" lorsqu'il aurait été tranché sur la demande de récusation.

l. Le 9 août 2023, sous la plume de son conseil, A______ a requis la prolongation jusqu'au 15 septembre 2023 du délai pour le dépôt du mémoire d'appel, au motif qu'il convenait d'attendre que la CPAR statue sur la demande de récusation alors pendante. B______ a accepté cette demande, apposant son "n'empêche" le jour même.

m. Par arrêt AARP/304/2023 du 16 août 2023, la première demande de récusation de cette magistrate a été rejetée.

Le considérant 2.2 de cet arrêt comporte notamment les passages suivants :

"En cherchant un hypothétique motif de récusation dans le fait que la Présidente n'avait pas donné suite à sa demande "d'une décision motivée sur son refus de suspendre la procédure", le requérant cherche tant bien que mal à égrener des motifs dont il pense qu'ils fonderaient assurément sa demande. Loin s'en faut. Outre qu'il n'est pas banal qu'un prévenu s'affranchisse de l'expertise de son avocat pour agir en personne dans un domaine technique, il aurait été avisé de prendre conseil pour se rendre compte de ce que son droit d'être entendu avait été respecté et que la Présidente avait décidé, en informant Me D______, de ce qu'il serait donné suite à ses demandes, une fois la demande de récusation tranchée. Cette façon de faire n'est en rien empreinte de partialité ou susceptible de fonder la prévention d'un juge exerçant la direction de la procédure. Elle est bien plutôt le signe de la prise en compte des intérêts du requérant, prévenu, dans le but d'éviter de répéter des actes qui seraient viciés dans l'hypothèse où la récusation serait admise (cf. art. 60 CPP), étant précisé que la cause ne concerne pas un prévenu placé en détention et que le requérant n'allègue pas que des mesures probatoires non renouvelables auraient dû être prises en considération (cf. art. 60 al. 2 CPP).

[......]

Enfin, il va de soi que la décision prise par la Présidente de rejeter ses réquisitions de preuves ne saurait fonder sa récusation. Outre que celle-ci ne lie en rien les autres juges de la composition qui seront amenés à trancher du fond de l'affaire et comme rappelé ci-avant, il n'y a là aucune atteinte aux droits de la défense. Cela est si vrai qu'en l'absence de dommage irréparable, il n'y a pas de voie de recours ouverte contre une telle décision, qui peut être renouvelée devant la CPAR au moment du jugement (cf. art. 331 al. 3 CPP)."

n. Le 8 septembre 2023, A______, soit pour lui son conseil d'alors, a formulé une demande de prolongation jusqu'au 15 novembre 2023 du délai pour le dépôt du mémoire d'appel, exposant que son mandant entendait saisir le Tribunal fédéral d'un recours contre l'arrêt du 16 août 2023. En l'absence de la présidente B______, une de ses collègues de permanence ce jour-là a octroyé une prolongation, mais uniquement jusqu'au 30 septembre 2023.

o. Par courriers des 18, 22 et 26 septembre 2023 rédigés par lui-même, A______ a derechef requis le report sine die du délai jusqu'à droit jugé par le Tribunal fédéral. À l'appui, il faisait valoir qu'il convenait que la question de la récusation de la présidente B______ fût définitivement tranchée, ce d'autant plus que celle-ci persistait dans les manquements qu'il lui attribuait, n'ayant toujours pas donné suite à sa demande de motiver sa décision sur réquisitions de preuve ou son refus de suspendre la procédure, pas davantage qu'elle n'avait fait droit à sa requête en ce sens.

p. Le 27 septembre 2023, B______ a informé A______ de ce qu'elle n'entendait pas lui accorder un délai sine die pour le dépôt de son mémoire d'appel mais ne voyait pas d'objection à le prolonger, dans l'attente d'une éventuelle saisine du Tribunal fédéral. Elle s'est référée à ses précédentes décisions s'agissant de la suspension de la procédure, réitérant que les conditions n'en étaient pas réalisées.

q. Le 2 octobre 2023, A______ a relevé que B______ n'avait pas fixé d'échéance au délai prolongé dans l'attente de la saisine du Tribunal fédéral et a réitéré sa demande de motivation du refus de suspendre la procédure et de rejet de ses réquisitions de preuve.

r. Le lendemain, B______ a pris note de la résiliation du mandat de MD______ et fixé le délai pour le dépôt du mémoire d'appel au 20 octobre 2023, indiquant qu'elle tenait ainsi compte de ce que A______ comparaissait désormais en personne. Elle lui a rappelé qu'il avait déjà été statué de manière formelle et motivée sur les réquisitions de preuve et la demande de suspension.

s. Par acte du 5 octobre 2023, complété d'un bordereau de pièces déposé le 12 octobre suivant, A______ a derechef requis la récusation de B______, d'où la présente procédure (cf. infra w.).

t. En date du 12 octobre 2023 (date du timbre postal), il a saisi le Tribunal fédéral d'un recours en matière pénale contre l'arrêt de la CPAR du 16 août 2023.

u. Les 11 et 26 octobre 2023, A______ a informé B______ de ce qu'il avait déposé le recours au Tribunal fédéral et requis l'annulation du délai pour le dépôt du mémoire d'appel jusqu'à droit jugé. Il est revenu sur sa demande de suspension et ses réquisitions de preuve, exposant notamment que par courrier du 4 octobre 2023, le Ministère public [ndr : auquel le MPC avait transmis sa dénonciation du 3 avril 2023 pour raisons de compétence], l'avait informé de ce que les documents qu'il avait transmis ne revêtaient pas de caractère pédopornographique, selon une enquête de police.

v. Le 16 octobre 2023, un nouvel avocat s'est constitué à la défense des intérêts de A______ et a requis la suspension du délai pour le dépôt du mémoire d'appel jusqu'à droit jugé sur la demande de récusation désormais pendante devant le Tribunal fédéral ainsi que sur celle du 5 octobre précédent.

Le 18 octobre 2023, B______ a prorogé le délai jusqu'au 30 novembre 2023 "eu égard aux procédures pendantes suite aux deux demandes de récusation", ajoutant qu'une ultérieure prolongation pourrait être octroyée si le Tribunal fédéral et/ou la CPAR n'avaient pas statué d'ici la nouvelle échéance.

w. Autant qu'on puisse comprendre les développements de A______, celui-ci reproche en substance à B______, à l'appui de sa demande de récusation, de n'avoir que prorogé, au lieu de reporter sine die, le délai pour déposer le mémoire d'appel motivé, et ce trois jours avant l'échéance alors qu'elle avait disposé de dix jours pour ce faire. La question est également invoquée par le requérant pour se plaindre ce que B______ n'aurait pas tenu compte de la nécessité que ses deux (présente comprise) demandes de récusation fussent définitivement tranchées et lui aurait fixé un délai trop bref compte tenu de ce qu'il n'était pas assisté par un avocat

Citant le premier passage reproduit ci-dessus (A.m.) de l'arrêt AARP/304/2023, A______ retient ensuite qu'il découlerait a contrario de ce que, pour lui avoir marqué qu'il avait déjà été statué de manière formelle et motivée sur ses réquisitions de preuve et la demande de suspension jusqu'à droit jugé sur la dénonciation au MPC [désormais MP], la présidente B______ avait démontré sa prévention. La magistrate ne s'était ensuite prononcée qu'en renvoyant à ses précédentes "prises de position", et ce après un mois et demi de "silence total depuis l'arrêt du 16 août 2023".

A______ tient ce cumul de manquements, qui s'ajoute à ceux dénoncés dans le contexte de la précédente demande de récusation, comme dénotant la prévention de B______. Il y voit également une violation de son droit d'être entendu ainsi qu'à un procès équitable.

x. B______ conclut au rejet de la demande, renonçant à formuler des observations tant elle lui paraît infondée.

y. A______ n'a pas répliqué, que ce soit sous sa plume ou celle de son nouveau conseil.

EN DROIT :

1. 1.1.1. Aux termes de l'art. 59 al. 1 let. c CPP, lorsqu'un motif de récusation au sens de l'art. 56 let. a ou f CPP est invoqué ou qu'une personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale s'oppose à la demande de récusation d'une partie qui se fonde sur l'un des motifs énumérés à l'art. 56 let. b à e CPP, le litige est tranché sans administration supplémentaire de preuves et définitivement par la juridiction d'appel lorsque l'autorité de recours et des membres de la juridiction d'appel sont concernés.

À Genève, la juridiction d'appel au sens de l'art. 59 al. 1 let. c CPP est la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR ; art. 129 et 130 de la Loi sur l'organisation judiciaire [LOJ]).

1.1.2. Conformément à l'art. 58 al. 1 CPP, la demande de récusation doit être présentée sans délai dès que la partie a connaissance du motif de récusation, c'est-à-dire dans les jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation, sous peine de déchéance. De jurisprudence constante, les réquisits temporels de cette disposition sont satisfaits lorsque la demande de récusation est déposée dans les six à sept jours qui suivent la connaissance de la cause de récusation (arrêt du Tribunal fédéral 1B_367/2021 du 29 novembre 2021 consid. 2.1).

1.2. En l'espèce, la magistrate visée siège auprès de la CPAR. Celle-ci est ainsi compétente pour statuer sur la demande de récusation.

2. 2.1. L'art. 56 let. f CPP prévoit que toute personne exerçant une fonction au sein d'une autorité pénale est tenue de se récuser lorsque d'autres motifs que ceux évoqués aux lettres a à e de cette disposition, notamment un rapport d'amitié étroit ou d'inimitié avec une partie ou son conseil juridique, sont de nature à la rendre suspecte de prévention.

Cette disposition a la portée d'une clause générale recouvrant tous les motifs de récusation non expressément prévus aux lettres précédentes. Elle n'impose pas la récusation seulement lorsqu'une prévention effective du magistrat est établie, mais déjà lorsque les circonstances donnent l'apparence de la prévention et font redouter une activité partiale du magistrat. Seules les circonstances constatées objectivement doivent être prises en considération. Les impressions purement individuelles d'une des parties au procès ne sont pas décisives (ATF 141 IV 178 consid. 3.2.1 ;
138 IV 142 consid. 2.1).

L'impartialité subjective d'un magistrat se présume jusqu'à preuve du contraire (CourEDH Lindon, § 76 ; ATF 136 III 605 consid. 3.2.1 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_621/2011 du 19 décembre 2011 ; N. SCHMID, Schweizerische Strafprozessordnung, 2009, n. 14 ad art. 56).

Des décisions ou des actes de procédure qui se révèlent par la suite erronés ne fondent pas en soi une apparence objective de prévention sous l'angle de l'art. 56 let. f CPP ; seules des erreurs particulièrement lourdes ou répétées, constitutives de violations graves des devoirs du magistrat, peuvent fonder une suspicion de partialité, pour autant que les circonstances dénotent que le juge est prévenu ou justifient à tout le moins objectivement l'apparence de prévention. En effet, la fonction judiciaire oblige à se déterminer rapidement sur des éléments souvent contestés et délicats. Il appartient en outre aux juridictions de recours normalement compétentes de constater et de redresser les erreurs éventuellement commises dans ce cadre. La procédure de récusation n'a donc pas pour objet de permettre aux parties de contester la manière dont est menée l'instruction et de remettre en cause les différentes décisions incidentes prises notamment par la direction de la procédure (ATF 143 IV 69 consid. 3.2 ; arrêts du Tribunal fédéral 1B_305/2019 et 1B_330/2019 du 26 novembre 2019 consid. 3.4.1).

2.2.1. On peine à comprendre les griefs formulés à l'encontre de la magistrate exerçant la direction de la procédure tournant autour de la question du délai pour le dépôt du mémoire d'appel, celle-ci ayant clairement marqué qu'elle ne voyait pas d'objection à la proroger jusqu'à droit jugé sur les demandes de récusation. Qu'elle eut choisi la voie de prolongations successives plutôt que celle d'un report sine die est indifférent : il demeure qu'elle a sur le principe accédé à la demande du requérant, qui est ainsi mal venu d'y voir une démonstration de prévention. Il peut être ajouté que, tant qu'elle n'avait pas la certitude que le Tribunal fédéral avait bien été saisi, ce qu'il n'a eu lieu que le 12 octobre 2023, la présidente citée était particulièrement fondée à faire preuve de prudence. Le fait d'avoir omis, à une reprise, d'arrêter l'échéance du délai prolongé relève manifestement de l'inadvertance. On saurait d'autant moins y voir une volonté, réelle ou apparente, de diriger la procédure en défaveur du requérant que l'absence de dies ad quem n'était pas susceptible de le mettre en difficulté. On ne saurait pas plus reprocher à la citée d'avoir tardé à donner suite à la demande du 18 septembre 2023, réitérée les 22 et 26 septembre suivants, un laps de temps de neuf jours n'ayant rien d'excessif, étant observé que la procédure dirigée contre le requérant n'est pas la seule au rôle de ladite magistrate. Dans son courrier du 3 octobre 2023, la juge citée a observé que le requérant plaidait désormais en personne, indiquant avoir tenu compte de cette contrainte à l'heure de fixer un nouveau délai. C'est dire que loin de faire preuve de prévention à l'encontre du justiciable, elle a, elle-même et d'office, pris en considération les difficultés qu'il pouvait rencontrer dans l'exercice de sa propre défense. Pour le surplus, rien n'empêchait le requérant de requérir une ultérieure prolongation, s'il considérait ce délai trop bref.

2.2.2. Le grief de lui avoir "opposé un silence total" depuis le 16 août 2023, soit depuis le rejet de la précédente demande de récusation, est contradictoire, pour ne pas dire abusif, sous la plume de celui qui demande la suspension de la procédure jusqu'à droit jugé par le Tribunal fédéral sur cette même demande.

2.2.3. Le requérant se méprend sur la portée de l'extrait de l'arrêt AARP/304/2023 dont il se prévaut. Lorsqu'elle a relevé que la présidente citée avait plutôt démontré avoir pris en considération ses intérêts pour avoir annoncé qu'il serait statué sur ses requêtes après que la question de la récusation aurait été tranchée, la CPAR n'a nullement considéré que celle-ci devait encore se prononcer sur la demande de suspension de la procédure ou les réquisitions de preuve. La juridiction d'appel, compétente pour trancher de la demande de récusation, non donner des instructions, même implicites, au juge exerçant la direction de la procédure en toute indépendance, a uniquement appréhendé la justesse de la démarche consistant à reporter la réponse à donner aux demandes du requérant. Cela ne préjugeait en rien du contenu de cette réponse.

Au contraire, la CPAR a pris acte, deux paragraphes plus bas, de ce que les réquisitions de preuve avaient déjà été rejetées, soulignant que ce refus ne justifiait pas la demande de récusation, tout en rappelant que lesdites réquisitions pourraient être réitérées devant la composition appelée à connaître du fond.

Pour clore définitivement le débat, il sera rappelé au requérant que la juge exerçant la direction de la procédure a, quoi qu'il en dise, bien rendu une décision formelle et motivée lorsqu'elle a rejeté les réquisitions de preuve, le 17 mai 2023, puis la demande de suspension de la procédure, le 31 mai 2023. Son indication selon laquelle il serait "statué sur ses différentes requêtes" lorsqu'il aurait été tranché sur la demande de récusation signifiait uniquement qu'il serait alors donné la suite qu'il conviendrait au courrier du 13 juin 2023 par lequel celui-ci "relançait" ses précédentes communications des 11 avril, 25 mai et 7 juin 2023, autrement dit qu'il ne serait pas nécessaire de "relancer" encore une fois. Cette réponse s'inscrit du reste dans l'une des logiques du requérant, qui souhaite que la juge citée ne traite pas le dossier avant qu'il soit définitivement statué sur la demande de récusation, étant relevé que l'intéressé adopte une attitude contradictoire consistant à simultanément solliciter ladite magistrate, ce qui ne peut être que source de difficulté et confusion, augmentées encore par le fait qu'il agit tantôt parallèlement à son avocat, tantôt seul.

2.2.4. En conclusion, et à l'instar de ce qu'elle avait fait aux termes de sa précédente décision, la CPAR constate qu'aucun des supposés manquements attribués à la magistrate dont la récusation est requise n'est susceptible de fonder sa récusation, que ce soit considéré isolément ou avec les autres griefs développés dans la demande du 5 octobre 2023. Ceux examinés dans la précédente procédure de récusation ont déjà été écartés.

* * * * *


PAR CES MOTIFS,
LA COUR :


Rejette la demande de récusation de la juge B______ formée par A______ en date du 5 octobre 2023.

Condamne A______ aux frais de la procédure, en CHF 755.-, lesquels comprennent un émolument de CHF 600.-.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Ministère public.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

La présidente :

Alessandra CAMBI FAVRE-BULLE

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

80.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

600.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

755.00