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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/7362/2023

AARP/411/2023 du 30.11.2023 sur JTDP/683/2023 ( PENAL ) , REJETE

Descripteurs : EXPULSION(DROIT PÉNAL);RÈGLEMENT (UE) 2018/1861
Normes : LStup.19; LStup.19; LStup.19; LStup.19a; LEI.116; CP.66a
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/7362/2023 AARP/411/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 20 novembre 2023

 

Entre

A______, domicilié ______ [GE], comparant par Me B______, avocat,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/683/2023 rendu le 1er juin 2023 par le Tribunal de police,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 1er juin 2023, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable d'infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. c et al. 2 let. a LStup), de consommation de stupéfiants (art. 19a ch. 1 LStup) et d'infraction à la loi fédérale sur les étrangers (art. 116 al. 1 let. a LEI). Il a été condamné à une peine privative de liberté de 18 mois, avec sursis (délai d'épreuve : trois ans), ainsi qu'à une amende de CHF 300.-. Le premier juge a prononcé son expulsion de Suisse pour une durée de cinq ans (art. 66a al. 1 let. o du Code pénal suisse [CP]) et ordonné le signalement de l'expulsion dans le système d'information Schengen (SIS ; art. 20 de l'ordonnance
N-SIS).

A______ entreprend partiellement ce jugement, concluant à ce qu'il soit renoncé à son expulsion de Suisse et, subsidiairement, au signalement de celle-ci dans le SIS.

b. Selon l'acte d'accusation du 4 avril 2023, il était reproché à A______, à Genève, entre une date indéterminée en 2022, à tout le moins le 1er avril, et le 16 novembre 2022, date de son arrestation, de s'être adonné au trafic de cocaïne en détenant dite drogue puis en l'aliénant contre rémunération à différents individus. Il a ainsi écoulé au moins 167.85 grammes de cocaïne. Lors de son interpellation, il était en possession, à son domicile, de 41.7 grammes bruts de cocaïne, destinés à la vente.

Depuis une date indéterminée en 2021 à tout le moins, jusqu'au 16 novembre 2022, A______ a régulièrement consommé de la cocaïne.

Entre une date indéterminée au mois de juin 2022 et le 16 novembre 2022, il a hébergé, à son domicile, sa cousine, C______, ressortissante cubaine, alors qu'il savait qu'elle n'était pas au bénéfice des autorisations nécessaires.

B. Les faits encore pertinents au stade de l'appel sont les suivants, étant pour le surplus renvoyé au jugement de première instance pour ce qui est de ceux qui ont été retenus (art. 82 al. 4 du Code de procédure pénale suisse [CPP]) :

a. Au cours de la procédure préliminaire, A______ a contesté dans un premier temps s'être livré à un trafic de stupéfiants. Il a ensuite expliqué avoir "partagé" sa cocaïne avec des amis, sans la vendre, avant d'admettre en avoir fourni à titre onéreux, en faibles quantités et sans réaliser de bénéfice. Confronté au dossier, notamment aux résultats des analyses de la téléphonie, il a finalement reconnu aussi participer à un trafic lucratif de cocaïne, acquérant celle-ci au prix de CHF 60.- et la revendant à CHF 80.- le gramme.

b. En première instance, il a confirmé ses aveux et porté un regard critique sur ses actes, qu'il regrettait. Il souhaitait bénéficier d'une seconde chance et se réinsérer en Suisse, pour demeurer proche de sa fille. Un retour à Cuba comporterait des difficultés puisqu'il avait quitté son pays plusieurs années auparavant, mais il pourrait bénéficier de l'aide de sa famille. S'il était renoncé à l'expulsion, il envisageait de reprendre une vie normale à Genève, loin de la drogue et de la criminalité. Son incarcération lui avait permis de comprendre l'erreur commise.

c. Les pièces suivantes figurent à la procédure :

-        un courrier du Service de protection des mineurs (SMPI), du 15 février 2023, adressé au Tribunal de protection de l'adulte et de l'enfant (TPAE), mettant en évidence les efforts déployés tant par A______ que par son ex-épouse, afin de préserver les liens entre père et fille, par des appels, des visites et des envois de dessins ;

-        un courrier du Service de probation et d'insertion (SPI), du 26 mai 2023, à teneur duquel A______ entretenait une relation aimante, impliquée et adéquate avec sa fille. Celle-ci lui rendait visite une fois tous les deux mois en raison des impératifs professionnels de sa mère. Il lui parlait autant que possible au téléphone. Avec son premier salaire de CHF 312.-, il avait versé à son ex-épouse une contribution à l'entretien de sa fille de CHF 250.-. Il avait manifesté son souhait, à sa sortie de prison, de s'installer chez sa compagne avec qui il entretenait des contacts réguliers. Il avait par ailleurs demandé son extrait du registre des poursuites afin de régler ses éventuelles dettes et de pouvoir suivre des cours de français et une formation en gestion pour réaliser ses projets professionnels ;

-        une décision sur mesures superprovisionnelles du 3 juillet 2023 par laquelle le TPAE a ordonné la reprise des relations personnelles entre A______ et sa fille dans un Point Rencontre, suite à une demande du SPMI en ce sens (DTAE/5198/2023). Cette reprise est consécutive à une précédente mesure superprovisionnelle du TPAE suspendant dites relations personnelles sine die le 13 juin 2023 ;

-        copie d'une plainte pénale du 19 juin 2023 adressée par A______ au Ministère public (MP) à l'encontre de la mère de sa fille pour diffamation, subsidiairement calomnie, ainsi que violation du devoir d'assistance ou d'éducation. À teneur de cette plainte, son ex-épouse l'aurait accusé de faits graves relatifs à l'intégrité de leur fille mineure, propos qui auraient été tenus par la mère devant l'intervenant du SPMI lors d'une entrevue où la reprise de son droit de visite était discutée.

d. A______ est né le ______ 1987 à Cuba, pays dont il est originaire. Il a été incarcéré dans la présente procédure du 16 novembre 2022 au 1er juin 2023.

Il est arrivé en Suisse le 23 juillet 2018, dans le cadre d'un regroupement familial. Les membres de sa famille qu'il avait suivis ont quitté la Suisse. Il n'a plus de parents dans ce pays à l'exception de sa fille.

Son autorisation de séjour est échue depuis 2020 (pièce B 21). Une demande de renouvellement est en cours. Le 3 novembre 2022, avant son interpellation, l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) a rendu un préavis positif au renouvellement. Le 8 février 2023, le Service d'État aux migrations (SEM) a suspendu la procédure fédérale d'approbation jusqu'à droit connu sur l'issue de la présente procédure pénale (pièce C 147).

Il est divorcé et père d'une enfant née le ______ 2019, laquelle vit à Genève avec sa mère. Avant son interpellation, il était au bénéfice d'un droit de visite qu'il exerçait un weekend sur deux et les mercredis. Lorsqu'il se trouvait à la prison de D______, il a vu sa fille par le biais de l'association E______. Ils ont entretenu des contacts téléphoniques réguliers et s'envoyaient des dessins.

À partir de 2020, il était aidé par l'Hospice général (HG) à hauteur de CHF 1'555.-/mois (dont CHF 585.- pour la pension alimentaire de sa fille). Il effectuait en parallèle des missions à 50% pour une entreprise de nettoyage, réalisant un salaire mensuel variable avoisinant CHF 2'000.-. Il avait décidé de cesser son activité de nettoyeur, vu les études qu'il avait poursuivies.

Le dossier de la procédure ne contient pas d'information quant à sa situation professionnelle, financière et personnelle depuis sa sortie de prison, excepté qu'il résiderait chez sa compagne.

L'extrait de son casier judiciaire suisse est vierge. Il est cependant fait mention d'une procédure ouverte le 9 août 2023 pour conduite d'un véhicule automobile sans le permis de conduire requis (art. 95 al. 1 let. a de la loi sur la circulation routière [LCR]) et de conduite d'un véhicule automobile en étant dans l'incapacité de conduire (art. 91 al. 2 let. b LCR).

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties.

b. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions.

c. Le MP conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.

d. Les arguments plaidés seront discutés, dans la mesure de leur pertinence, au fil des considérants qui suivent.

E. Me B______, défenseur d'office de A______, dépose un état de frais pour la procédure d'appel, facturant, sous des libellés divers, 10 heures et 40 minutes d'activité de chef d'étude, dont quatre heures de conférences avec le client réparties en quatre entretiens.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1.1. Selon l'art. 66a al. 1 let. o CP, le juge expulse un étranger du territoire suisse pour une durée de cinq à quinze ans s'il est reconnu coupable d'infraction à l'art. 19 al. 2 LStup.

Le juge peut exceptionnellement renoncer à une expulsion lorsque celle-ci mettrait l'étranger dans une situation personnelle grave et que les intérêts publics à l'expulsion ne l'emportent pas sur l'intérêt privé de l'étranger à demeurer en Suisse. À cet égard, il tiendra compte de la situation particulière de l'étranger qui est né ou qui a grandi en Suisse (al. 2).

2.1.2. Afin de pouvoir renoncer à une expulsion prévue par l'art. 66a al. 1 CP, il faut que cette mesure mette l'étranger dans une situation personnelle grave et que l'intérêt public soit de peu d'importance, c'est-à-dire que les intérêts publics à l'expulsion ne l'emportent pas sur l'intérêt privé de l'étranger à demeurer en Suisse. Le juge doit renoncer à l'expulsion lorsque les conditions de l'art. 66a al. 2 CP sont réunies, conformément au principe de proportionnalité (ATF 146 IV 105 consid. 3.4.2 ; 144 IV 332 consid. 3.3).

2.1.3. Pour définir la première condition cumulative, à savoir la "situation personnelle grave", il convient de s'inspirer, de manière générale, des critères prévus par l'art. 31 al. 1 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative (OASA) et de la jurisprudence y relative. L'art. 31 al. 1 OASA prévoit qu'une autorisation de séjour peut être octroyée dans les cas individuels d'extrême gravité. Elle commande de tenir compte notamment de l'intégration du requérant selon les critères définis à l'art. 58a al. 1 LEI, du respect de l'ordre juridique suisse par le requérant, de la situation familiale, particulièrement de la période de scolarisation et de la durée de la scolarité des enfants, de la situation financière ainsi que de la volonté de prendre part à la vie économique et d'acquérir une formation, de la durée de la présence en Suisse, de l'état de santé ainsi que des possibilités de réintégration dans l'État de provenance. Comme la liste de l'art. 31 al. 1 OASA n'est pas exhaustive et que l'expulsion relève du droit pénal, le juge devra également, dans l'examen du cas de rigueur, tenir compte des perspectives de réinsertion sociale du condamné, tout comme le risque de récidive ou une délinquance récurrente (ATF 146 IV 105 consid. 3.4.1 ; 144 IV 332 consid. 3.3.1 et 3.3.2 ; arrêt du Tribunal fédéral 6B_45/2020 du 14 mars 2022 consid. 3.3.2).

2.1.4. En règle générale, il convient d'admettre l'existence d'un cas de rigueur au sens de l'art. 66a al. 2 CP lorsque l'expulsion constituerait, pour l'intéressé, une ingérence d'une certaine importance dans son droit au respect de sa vie privée et familiale garanti par la Constitution fédérale (art. 13 Cst.) et par le droit international, en particulier l'art. 8 CEDH (arrêt du Tribunal fédéral 6B_364/2022 du 8 juin 2022 consid. 5.1).

Selon la jurisprudence, pour se prévaloir du droit au respect de sa vie privée au sens de l'art. 8 par. 1 CEDH, l'étranger doit établir l'existence de liens sociaux et professionnels spécialement intenses avec la Suisse, notablement supérieurs à ceux qui résultent d'une intégration ordinaire. Le Tribunal fédéral n'adopte pas une approche schématique qui consisterait à présumer, à partir d'une certaine durée de séjour en Suisse, que l'étranger y est enraciné et dispose de ce fait d'un droit de présence dans notre pays. Il procède bien plutôt à une pesée des intérêts en présence, en considérant la durée du séjour en Suisse comme un élément parmi d'autres et en n'accordant qu'un faible poids aux années passées en Suisse dans l'illégalité, en prison ou au bénéfice d'une simple tolérance (arrêt du Tribunal fédéral 6B_364/2022 du 8 juin 2022 consid. 5.1 ; cf. ATF 134 II 10 consid. 4.3).

Par ailleurs, un étranger peut se prévaloir de l'art. 8 par. 1 CEDH (et de l'art. 13 Cst.), qui garantit notamment le droit au respect de la vie familiale, pour s'opposer à l'éventuelle séparation de sa famille, pour autant qu'il entretienne une relation étroite et effective avec une personne de sa famille ayant le droit de résider durablement en Suisse (ATF 144 II 1 consid. 6.1). Les relations familiales visées par l'art. 8 § 1 CEDH sont avant tout celles qui concernent la famille dite nucléaire, soit celles qui existent entre époux ainsi qu'entre parents et enfants mineurs vivant en ménage commun (arrêt du Tribunal fédéral 6B_364/2022 du 8 juin 2022 consid. 5.1).

2.2.1. L'inscription de l'expulsion dans le SIS est régie par règlement (UE) 2018/1861 sur l'établissement, le fonctionnement et l'utilisation du SIS dans le domaine des vérifications aux frontières, modifiant la convention d'application de l'accord de Schengen, entré en vigueur pour la Suisse le 11 mai 2021 (arrêts du Tribunal fédéral 6B_403/2022 du 31 août 2022 consid. 3.1 ; 6B_628/2021 du 14 juillet 2022 consid. 2.2.1 et 6B_834/2021 du 5 mai 2022 consid. 2.2.1).

L'art. 21 ch. 1 de ce règlement prescrit qu’avant d'introduire un signalement, l'État membre vérifie si le cas est suffisamment approprié, pertinent et important pour justifier l'introduction du signalement dans le SIS. Le signalement dans le SIS suppose que la présence du ressortissant d'un pays tiers, sur le territoire d'un État membre, constitue une menace pour l'ordre public, la sécurité publique ou la sécurité nationale. L'art. 24 ch. 2 précise que tel est le cas lorsque l'intéressé a été condamné dans un État membre pour une infraction passible d'une peine privative de liberté d'au moins un an (let. a) ou qu'un ressortissant de pays tiers a contourné ou tenté de contourner le droit national ou de l'Union relatif à l'entrée et au séjour sur le territoire des États membres (let. c).

La décision d'inscription doit être prise dans le respect du principe de proportionnalité (individuelle) (art. 21 du règlement et arrêt du Tribunal fédéral 6B_932/2021 du 7 septembre 2022 consid. 1.8.1).

2.2.2. La mention d'une peine privative de liberté d'au moins un an fait référence à la peine-menace de l'infraction en cause et non à la peine prononcée concrètement dans un cas d'espèce. À cela s'ajoute, sous la forme d'une condition cumulative, que la personne concernée doit représenter une menace pour la sécurité ou l'ordre publics. Il ne faut pas poser des exigences trop élevées en ce qui concerne l'hypothèse d'une "menace pour l'ordre public et la sécurité publique". En particulier, il n'est pas nécessaire que l'intéressé constitue une menace concrète, actuelle et suffisamment grave affectant un intérêt fondamental de la société. Il suffit que la personne concernée ait été condamnée pour une ou plusieurs infractions qui menacent l'ordre public et la sécurité publique et qui, prises individuellement ou ensemble, présentent une certaine gravité. Ce n'est pas la quotité de la peine qui est décisive mais la nature et la fréquence des infractions, les circonstances concrètes de celles-ci ainsi que l'ensemble du comportement de la personne concernée. Par conséquent, une simple peine prononcée avec sursis ne s'oppose pas au signalement dans le SIS. Si une expulsion est déjà ordonnée sur la base des conditions précitées, son signalement dans le SIS est en principe proportionné et doit par conséquent être effectué. Les autres États Schengen restent néanmoins libres d'autoriser l'entrée sur leur territoire au cas par cas pour des raisons humanitaires ou d'intérêt national ou en raison d'obligations internationales (ATF 147 IV 340 consid. 4.6 et 4.8 ; cf. arrêts du Tribunal fédéral 6B_932/2021 du 7 septembre 2022 consid. 1.8.1 à 1.8.3 ; 6B_403/2022 du 31 août 2022 consid. 3.2 ; 6B_628/2021 du 14 juillet 2022 consid. 2.2.2 à 2.2.3 et 6B_834/2021 du 5 mai 2022 consid. 2.2.2 à 2.2.3).

L'inscription au SIS n'empêche ainsi pas l'octroi d'une autorisation de séjour par un État membre, en application de la législation européenne. Un ressortissant d'un État tiers peut en effet obtenir un titre de séjour d'un État Schengen si celui-ci considère, après consultation entre États, que l'inscription ne fait pas obstacle à l'octroi d'une telle autorisation, par exemple au titre du regroupement familial. Il importe néanmoins de procéder à l'inscription pour informer les États membres de l'existence d'une condamnation (arrêts du Tribunal fédéral 6B_932/2021 du 7 septembre 2022 consid. 1.8.3 et 6B_834/2021 du 5 mai 2022 consid. 2.2.5).

2.3. En l'espèce, l'infraction grave à la LStup commise par le prévenu relève de l'expulsion obligatoire au sens de l'art. 66a al. 1 let. o CP.

Une éventuelle renonciation ne pourra intervenir qu'exceptionnellement, au cas où l'expulsion mettrait l'appelant dans une situation personnelle grave et où son intérêt à rester en Suisse serait supérieur à celui de la collectivité à le renvoyer dans son pays d'origine.

L'appelant, originaire de Cuba, est arrivé en Suisse à l’âge de 31 ans, après avoir grandi dans son pays où il est né et a effectué toute sa scolarité. Il a ensuite séjourné en Suisse, au bénéfice d'un titre de séjour obtenu par regroupement familial (permis B), valable jusqu'en 2020. Lors de son interpellation, la demande de renouvellement était en cours.

Avant sa mise en détention, l'appelant séjournait depuis quatre ans en Suisse. Il travaillait à mi-temps et son revenu était complété par l'aide sociale. Il ne ressort pas du dossier qu'il aurait tenté de trouver un emploi à plein temps, mais plutôt qu'il a quitté son travail à temps partiel, celui-ci n'étant, selon ses dires, pas à la hauteur de son éducation. Quatre ans après son arrivée, l'appelant ne maîtrise pas le français. Il ne démontre dès lors pas une forme d'intégration professionnelle poussée. À la lecture de la procédure, en dépit des années passées en Suisse, il ne semble pas avoir de liens sociaux dépassant ceux résultant d'une intégration ordinaire en Suisse comme l'exige la jurisprudence. Aucun élément du dossier ne tend à indiquer qu'il se serait construit un cercle d'amis proches ou aurait participé à une activité citoyenne, associative, sportive ou sociale.

La présence en Suisse de sa fille, âgée maintenant de quatre ans et dont il ne détient pas la garde, ne suffit ni à admettre une intégration particulièrement réussie de l'appelant, ni à justifier l'application d'office de la clause de rigueur, et cela, même s'il entretenait des relations personnelles fortes et régulières avant son incarcération (tous les mercredis et un weekend sur deux), relations qui ont perduré pendant sa détention. La reprise des relations après sa sortie de prison semble conflictuelle avec la mère de l'enfant, ce qui a conduit les autorités de protection de l'adulte et de l'enfant à suspendre lesdites relations avant d'en ordonner la reprise. Le conflit éventuel entre les parents ne justifie pas non plus l'application d'office de la clause de rigueur, d'autant plus que les autorités compétentes ont ordonné la reprise des relations personnelles, décision de justice que la mère devra respecter.

Le souhait de l'appelant de rester en Suisse et d'y mener une "vie normale" ne semble pas se traduire, à la lecture du dossier, par des actes concrets comme la recherche ou la prise d'un emploi à sa sortie de prison, une formation entamée, des cours de langue, etc.

Les faits reprochés à l'appelant sont graves. Il s'est livré à un trafic de stupéfiants et a ainsi contribué à la propagation du fléau de la drogue au sein de la population. Au vu de sa faute, l'intérêt public à son expulsion est important. Vu les éléments évoqués ci-dessus, l'intérêt public apparaît supérieur à son intérêt à demeurer en Suisse. Il entretient des contacts réguliers avec sa famille à Cuba, qu'il dit prête à l'aider s'il devait à nouveau s'y établir, ce qui facilitera une réintégration dans son pays d'origine, quitté il y a un peu plus de cinq ans.

Au vu de ce qui précède, l'expulsion de Suisse de l'appelant pour une durée de cinq ans, correspondant à la durée minimale de l'expulsion obligatoire, est proportionnée et doit être confirmée.

2.4. L’inscription de l’expulsion de l'appelant au SIS sera également confirmée compte tenu de la gravité de l'infraction dont il a été reconnu coupable, passible d'une peine privative de liberté bien supérieure au seuil fixé pour considérer qu'un prévenu représente "une menace pour l'ordre public ou la sécurité publique ou nationale", sans compter que l'appelant n'a aucune attache avec un des Etats de l'espace Schengen.

3. L'appelant, qui succombe, supportera les frais de la procédure d'appel envers l'État (art. 428 al. 1 CPP), qui comportent un émolument de décision de CHF 1'500.-.

Compte tenu de l'issue de l'appel, il n'y a pas lieu de revoir la répartition des frais de la procédure préliminaire et de première instance (art. 426 al. 1 CPP).

4. L'état de frais produit par Me B______, défenseur d'office de l'appelant, satisfait les exigences légales et jurisprudentielles régissant l'assistance judiciaire gratuite en matière pénale, excepté le temps consacré aux conférences clients. Deux entretiens d'une heure chacun avec son client étaient suffisants – et seront retenus – pour décider de l'appel et préparer les arguments à l'appui du mémoire d'appel.

La rémunération de Me B______ sera partant arrêtée à CHF 2'053.50 correspondant à huit heures et 40 minutes d'activité au tarif de CHF 200.-/heure (CHF 1'733.35), plus la majoration forfaitaire de 10% (CHF 173.35), ainsi que la TVA au taux de 7.7% (CHF 146.80).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/683/2023 rendu le 1er juin 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/7362/2023.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'635.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'500.-.

Arrête à CHF 2'053.50, TVA comprise, le montant des frais et honoraires de Me B______, défenseur d'office de A______.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant :

" Déclare A______ coupable d'infraction grave à la loi fédérale sur les stupéfiants (art. 19 al. 1 let. c et et al. 2 let a LStup), de consommation de stupéfiants (art. 19a ch. 1 LStup) et d'infraction à la loi fédérale sur les étrangers (art. 116 al. 1 let. a LEI).

Condamne A______ à une peine privative de liberté de 18 mois, sous déduction de 198 jours de détention avant jugement (art. 40 CP).

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Condamne A______ à une amende de CHF 300.- (art. 106 CP).

Prononce une peine privative de liberté de substitution de trois jours.

Dit que la peine privative de liberté de substitution sera mise à exécution si, de manière fautive, l'amende n'est pas payée.

Ordonne l'expulsion de Suisse de A______ pour une durée de cinq ans (art. 66a al. 1 let. o CP).

Dit que la peine prononcée avec sursis n'empêche pas l'exécution de l'expulsion durant le délai d'épreuve.

Ordonne le signalement de l'expulsion dans le système d'information Schengen (SIS) (art. 20 de l'ordonnance N-SIS ; RS 362.0).

Ordonne la libération immédiate de A______.

Ordonne la confiscation et la destruction des objets figurant sous chiffres 1 à 4 et 6 à 9 de l'inventaire n° 1______ (art. 69 CP).

Ordonne la confiscation des valeurs et objets figurant sous chiffre 5 de l'inventaire n° 1______ (art. 69 CP).

Ordonne la restitution à A______ des objets figurant sous chiffre 10 de l'inventaire n° 1______ (art. 267 al. 1 et 3 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 6'534.50 (art. 426 al. 1 CPP).

Fixe l'émolument complémentaire de jugement à CHF 600.-.

Met cet émolument complémentaire à la charge de A______.

Fixe à CHF 8'637.55 l'indemnité de procédure due à Me B______, défenseur d'office de A______ (art. 135 CPP)."

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, au Secrétariat d'état aux migrations, à l'Office fédérale de la police ainsi qu'à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

 

La greffière :

Melina CHODYNIECKI

 

La présidente :

Delphine GONSETH

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération (LOAP), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

7'134.50

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

60.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'500.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'635.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

8'769.50