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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/545/2023

AARP/374/2023 du 27.10.2023 sur JTDP/738/2023 ( PENAL ) , PARTIELMNT ADMIS

En fait
En droit
RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/545/2023 AARP/374/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 9 octobre 2023

 

Entre

A______, domicilié ______, FRANCE, comparant en personne,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/738/2023 rendu le 7 juin 2023 par le Tribunal de police,

 

et

LE SERVICE DES CONTRAVENTIONS, p.a. Nouvel Hôtel de Police, chemin de la Gravière 5, 1227 Les Acacias,

intimé.


EN FAIT

A. a. Par courrier daté du 14 juin 2023, remis à la Poste française le 16 juin 2023, parvenu à la Poste suisse à une date inconnue et au Tribunal pénal le 22 juin 2023, A______ a annoncé appeler du jugement du Tribunal de police (TP) du 7 juin 2023, dont les motifs lui ont été notifiés le 14 juin 2023, par lequel le TP l'a reconnu coupable de violation des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR) et condamné à une amende de CHF 40.-, en mettant les frais de la procédure (CHF 351.-) à sa charge.

b. A______ conclut à l'acquittement.

c. Selon l'ordonnance pénale du Service des contraventions (SDC) du 30 avril 2021, il est reproché à A______ d'avoir, le ______ 2021 à 16h40, à l'avenue de Bel-Air 61ter à Chêne-Bourg/Genève/Suisse, au volant du véhicule immatriculé 1______ (France), circulé à l'intérieur d'une localité à la vitesse de 39 km/h alors que la vitesse était limitée à 30 km/h, soit d'avoir dépassé la vitesse autorisée, après déduction de la marge de sécurité, de 4 km/h.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. L'infraction a été mise en évidence au moyen d'un radar. L'image montre un homme au volant. La Brigade judiciaire et radar (BJR) a confirmé que le numéro d'immatriculation du véhicule flashé, de marque B______/2______ [modèle], était attribué à A______.

b. Dans ses courriers à l'attention du SDC et du TP, A______ a expliqué : "Il s'avère que depuis plus de trois ans je ne me suis pas rendu dans votre pays, de plus au moment des faits incriminés je me trouvais dans ma résidence secondaire à C______ [France], chemin 3______ [code postal]. Je peux vous fournir des attestations de mes voisins ______ sur mon séjour. De plus, je mesure 180 cm pour 120 kg, je porte barbe et moustache vous pouvez voir sur ma photographie le signalement du conducteur? Je pense qu'il s'agit d'une usurpation de plaque minéralogique" ; "durant la période Avril-Octobre mon épouse et moi-même sommes domiciliés dans notre maison du ______, à C______, chemin 4______, dans le D______ [France], le véhicule incriminé restant stationné en E______ [France]".

c. Le 18 octobre 2022, le SDC a écrit à A______ : "Vous indiquez ne pas être l'auteur de l'infraction, dès lors, nous vous saurions gré de nous indiquer l'identité complète, l'adresse actuelle ainsi que la date de naissance de la personne responsable de l'infraction, informations que vous voudrez bien nous adresser d'ici au 23 novembre 2022. Passé ce délai, la procédure suivra son cours sur la base des éléments du dossier […] Si le conducteur du véhicule ne peut être déterminé sans efforts disproportionnés, l'amende doit être payée par le détenteur".

d. Le 20 octobre 2022, A______ a répondu: "Les clefs du véhicule en cause se trouvant à mon domicile lors de mes absences et plusieurs personnes parents et amis venant à mon domicile pour soigner mes animaux domestiques je ne peux vous donner que plusieurs noms, que j'ai questionnées et qui se disent étrangères à cette affaire. En conséquence il peut s'agir d'une "doublette" de plaques d'immatriculation, certains malfrats y ayant recours pour commettre leurs méfaits. N'étant pas à mon domicile, je ne pouvais pas m'opposer à l'utilisation de mon véhicule si celui-ci a été utilisé durant mon absence contre mon gré".

e. Le 7 juin 2023, A______ a fait défaut aux débats du TP.

f. Dans sa déclaration d'appel, A______ persiste dans ses explications. Sur la photographie radar, il lui était impossible d'identifier l'auteur, ne pouvant pas même voir s'il s'agissait d'un homme ou d'une femme. Le véhicule ne lui servait qu'occasionnellement. Les clefs étaient à disposition de plusieurs personnes, dans le cadre des soins à prodiguer à ses animaux domestiques, lors de ses absences. Il était absurde de le tenir pour responsable de faits commis par autrui. La modique somme demandée ne pouvait justifier une injustice flagrante. La privation de liberté de 1 jour était une sanction inique et arbitraire, dont il était fait usage dans les pays totalitaires. Il appartenait au SDC d'apporter la preuve de sa présence à bord de ce véhicule ce jour-là.

g. Le Ministère public (MP) et le SDC concluent à la confirmation du jugement entrepris.

C. a. Par décision présidentielle du 23 août 2023, la Chambre pénale d'appel et de révision (CPAR) a ordonné la procédure écrite (art. 406 al. 1 let. c du Code de procédure pénale [CPP] et 129 al. 4 de la loi sur l'organisation judiciaire [LOJ]) ; un délai a été imparti à l'appelant pour le dépôt de son mémoire d'appel. La CPAR a précisé que, faute de motivation complémentaire, il serait considéré que la déclaration d'appel vaut mémoire.

b. A______ a réagi par courrier électronique du 28 août 2023, non signé. Il était surpris qu'on veuille le condamner alors que la photographie, bien que de très mauvaise qualité, montrait que la conductrice était une femme de petite taille. On ne voulait pas admettre qu'il se trouvait dans ______ de la France, malgré les témoignages de ses voisins. Il ne pouvait être condamné pour le fait d'autrui.

 

EN DROIT

1. 1.1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

Le courrier électronique du 28 août 2023 ne saurait valoir mémoire d'appel motivé, faute d'être muni de la signature électronique qualifiée de l'appelant (art. 110 al. 2 CPP). Il est donc irrecevable. Il faut considérer, cependant, que la déclaration d'appel de A______ vaut mémoire d'appel.

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décision illégale ou inéquitable (art. 404 al. 2 CPP).

1.2. En matière contraventionnelle, l'appel ne peut être formé que pour le grief selon lequel le jugement est juridiquement erroné ou l'état de fait a été établi de manière manifestement inexacte ou en violation du droit. Aucune nouvelle allégation ou preuve ne peut être produite (art. 398 al. 4 CPP).

2. 2.1.1. A teneur de l'art. 27 al. 1 de la Loi fédérale sur la circulation routière [LCR], chacun se conformera aux signaux et aux marques ainsi qu’aux ordres de la police. La vitesse doit toujours être adaptée aux circonstances, notamment aux particularités du véhicule et du chargement, ainsi qu’aux conditions de la route, de la circulation et de la visibilité (art. 32 al. 1 LCR). La vitesse maximale générale des véhicules peut atteindre, lorsque les conditions de la route, de la circulation et de visibilité sont favorables, 50 km/h dans les localités (art. 4a al. 1 let. a de l'Ordonnance sur les règles de la circulation routière [OCR]). Lorsque des signaux indiquent d’autres vitesses maximales, celles-ci sont applicables en lieu et place des limitations générales de vitesse (al. 5).

L'art. 90 al. 1 LCR dispose que celui qui viole les règles de la circulation prévues par la présente loi ou par les dispositions d’exécution émanant du Conseil fédéral est puni de l’amende.

Dépasser, à l’intérieur d’une localité, de 1 à 5 km la vitesse maximale signalée, définie à titre général ou pour certains genres de véhicules, après déduction de la marge d’erreur inhérente aux appareils et aux mesures fixée par l’OFROU, est sanctionné par une amende d'ordre de CHF 40.- (art. 303 ch. 1 let. a de l'Ordonnance sur les amendes d'ordre [OAO]).

2.1.2. L'art. 7 de la Loi sur les amendes d'ordre [LAO], dans sa teneur jusqu'au 30 septembre 2023, dispose: Si le conducteur d’un véhicule n’a pas été intercepté ou appréhendé lors de l’infraction, l’amende est établie au nom du détenteur du véhicule figurant dans le permis de circulation (al. 1); l’amende est notifiée par écrit au détenteur du véhicule figurant dans le permis de circulation; le détenteur du véhicule dispose d’un délai de 30 jours pour la payer (al. 2); s’il ne paie pas l’amende dans le délai prescrit, une procédure pénale ordinaire est engagée (al. 3); s’il communique le nom et l’adresse de la personne qui a commis l’infraction, la procédure est engagée à l’encontre de cette personne (al. 4); si l’identité de la personne qui a commis l’infraction ne peut être établie sans efforts disproportionnés, le détenteur du véhicule obtient un délai de 30 jours pour payer l’amende, sauf s’il peut faire valoir de manière convaincante dans la procédure pénale ordinaire que son véhicule a été utilisé indépendamment de sa volonté et qu’il avait pris toutes les mesures de diligence nécessaires pour l’empêcher.

2.2. Le Tribunal pénal retient succinctement, dans le jugement querellé, que la version des faits du prévenu n'est "pas crédible vu que les faits sont établis par les photographies figurant au dossier", suggérant ainsi que ces photographies prouveraient la présence de A______ au volant, alors qu'il n'en est rien. Ce faisant, le premier juge tire de cet élément une constatation insoutenable. L'état de fait a été établi de manière manifestement inexacte, au sens de l'art. 398 al. 4 CPP.

Il est probable, même vraisemblable, que l'appelant n'ait pas fauté ce ______ 2021, ainsi qu'il l'indique. Ses explications – il aurait séjourné dans le D______ [France] le jour en question, comme à son habitude à cette période de l'année – ne peuvent, en effet, être exclues, bien qu'il ne produise pas d'attestation à ce sujet, de voisin en particulier, ainsi qu'il le propose (art. 10 al. 3 CPP). Par ailleurs, l'homme visible sur l'image radar n'a pas l'apparence physique de l'appelant, si l'on en croit la description que ce dernier fait de lui-même. A le suivre toujours, c'est un tiers, autorisé à faire usage de son véhicule en son absence, dans le cadre des soins à dispenser à ses animaux domestiques, qui s'en serait servi ce jour-là – et aurait, partant, commis l'excès de vitesse –. A cet égard, l'hypothèse d'une "doublette", c'est-à-dire d'une contrefaçon ou d'une usurpation de plaques, doit sans doute être écartée car elle n'est nullement démontrée par la procédure, aucun élément ne venant l'étayer, à commencer par une plainte ou dénonciation pénale. Cela étant, faute pour le prévenu d'avoir fourni au SDC les coordonnées du tiers conducteur, c'est à lui qu'il appartient, en sa qualité de détenteur, de régler l'amende (art. 7 al. 5 LAO). Ce n'est pas au SDC d'investiguer à ce sujet, encore moins à l'étranger, au prix de démarches hasardeuses et d'efforts qui deviendraient vite disproportionnés.

L'appelant sera par conséquent reconnu coupable d'infraction à l'art. 90 al. 1 LCR et condamné à une amende d'ordre de CHF 40.- – une amende d’ordre peut également être infligée dans la procédure pénale ordinaire (art. 14 LAO).

En revanche, il n'y a pas lieu de prononcer de peine privative de liberté de substitution pour le cas où A______ ne paierait pas l'amende. En tant que lex specialis, la LAO déroge, en effet, au système des sanctions contraventionnelles de l'art. 106 CP (L. MOREILLON / A. MACALUSO / N. QUELOZ / N. DONGOIS [éds], Commentaire romand, Code pénal II, Bâle 2017, n. 24 ad art. 106 CP).

3. L'appelant, qui succombe sur l'essentiel, supportera 4/5èmes des frais de la procédure envers l'État (art. 428 CPP).

PAR CES MOTIFS
L
E PRÉSIDENT
DE LA CHAMBRE PÉNALE D'APPEL ET DE RÉVISION

 

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement rendu le 7 juin 2023 par le Tribunal de police dans la procédure P/545/2023.

L'admet très partiellement.

Et, statuant à nouveau :

Déclare A______ coupable de violation des règles de la circulation routière (art. 90 al. 1 LCR).

Condamne A______ à une amende d'ordre de CHF 40.- (art. 14 LAO).

Condamne A______ aux frais de la procédure préliminaire et de première instance, qui s'élèvent à CHF 351.-, y compris un émolument de jugement de CHF 200.- (art. 426 al. 1 CPP).

Condamne A______ aux 4/5èmes des frais de la procédure d'appel, qui comprennent un émolument de CHF 300.-.

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, au Ministère public et au Service cantonal des véhicules.

 

La greffière :

Oriana BRICENO LOPEZ

 

Le président :

Fabrice ROCH

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral du 17 juin 2005 (LTF; RS 173.110), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale, sous la réserve qui suit.

 

Dans la mesure où il a trait à l'indemnité de l'avocat désigné d'office ou du conseil juridique gratuit pour la procédure d'appel, et conformément aux art. 135 al. 3 let. b CPP et 37 al. 1 de la loi fédérale sur l'organisation des autorités pénales de la Confédération du 19 mars 2010 (LOAP; RS 173.71), le présent arrêt peut être porté dans les dix jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 39 al. 1 LOAP, art. 396 al. 1 CPP) par-devant la Cour des plaintes du Tribunal pénal fédéral (6501 Bellinzone).

 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

351.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

0.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

60.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

0.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

300.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

435.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

786.00