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Décisions | Chambre pénale d'appel et de révision

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P/21918/2021

AARP/327/2023 du 17.08.2023 sur JTDP/1482/2022 ( PENAL ) , REJETE

RÉPUBLIQUE ET CANTON DE GENÈVE

POUVOIR JUDICIAIRE

P/21918/2021 AARP/327/2023

COUR DE JUSTICE

Chambre pénale d'appel et de révision

Arrêt du 17 août 2023

 

Entre

A______, domicilié ______ (Kosovo), mais faisant élection de domicile en l'Etude B______, ______ [GE], et comparant par Me C______, avocate,

appelant,

 

contre le jugement JTDP/1482/2022 rendu le 1er décembre 2022 par le Tribunal de police,

 

et

 

LE MINISTÈRE PUBLIC de la République et canton de Genève, route de Chancy 6B, case postale 3565, 1211 Genève 3,

intimé.


EN FAIT :

A. a. En temps utile, A______ appelle du jugement du 1er décembre 2022, par lequel le Tribunal de police (TP) l'a reconnu coupable d'entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a de la Loi fédérale sur les étrangers et l'intégration [LEI]), de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation (art. 115 al. 1 let. c LEI). Il l'a condamné à une peine pécuniaire de 30 jours-amende à CHF 30.-, sous déduction de deux jours-amende correspondant à deux jours de détention avant jugement, et mis au bénéfice du sursis (délai d'épreuve : trois ans). Pour le surplus, il l'a débouté de ses conclusions en indemnisation et a mis les frais de la procédure à sa charge.

A______ entreprend intégralement ce jugement, concluant à son acquittement de tous les chefs d'infraction, à ce qu'il soit fait droit à ses conclusions en indemnisation et à ce que les frais soient laissés à la charge de l'État.

b. Selon l'ordonnance pénale du 12 novembre 2021, il est reproché ce qui suit à A______ :

- à tout le moins de mars 2019 au 11 novembre 2021, jour de son arrestation, il a pénétré et séjourné en Suisse, à Genève, sans être titulaire des autorisations nécessaires, étant précisé qu'il a fait des allers-retours réguliers entre la Suisse et la France ;

- à tout le moins de juin 2019 au 11 novembre 2021, il a exercé diverses activités lucratives en Suisse, à Genève, en qualité de plâtrier et de peintre en bâtiment pour le compte de plusieurs employeurs, sans être titulaire des autorisations nécessaires, étant précisé qu'il a travaillé sur appel.

B. Les faits pertinents suivants ressortent de la procédure :

a. À la suite d'un accident impliquant un bus TPG dans lequel il se trouvait, A______ a été conduit à l'Hôpital pour des examens médicaux. Lors du contrôle d'identité effectué par la police, il est apparu qu'il séjournait illégalement en Suisse avec une prise d'emploi. Dès lors, il a été conduit à la Brigade routière et accidents pour la suite de la procédure.

b.a. Lors de son audition à la police, A______ était assisté de son avocate de choix, Me C______, laquelle était accompagnée de son stagiaire. Si la première a quitté l'audience en cours d'audition, le second a défendu A______ durant l'intégralité de celle-ci.

b.b. Durant son audition, A______ s'est plaint de douleurs à la tête. Son interrogatoire a été suspendu à une reprise, à la demande de MC______, afin qu'il puisse voir un médecin, lequel lui a prescrit des antidouleurs.

b.c. Il ressort des déclarations de A______ à la police qu'il se rendait au travail en bus au moment de l'accident (titulaire d'un abonnement mensuel). Il exerçait en qualité de plâtrier et peintre en bâtiment.

Il était arrivé en Suisse en février 2019 au bénéfice d'un visa de deux semaines pour les pays de l'espace Schengen. Depuis lors, il vivait en France et venait en Suisse quand on l'appelait pour du travail. Il avait un compte à [la banque] D______ mais aucune valeur n'y était déposée, il n'avait pas de compte bancaire en France. Quand il avait du travail, il dormait en Suisse chez "des compatriotes", à raison d'"une semaine chez lui et une semaine en Suisse" en fonction de la demande de travail. Il lui arrivait de loger chez son oncle ponctuellement et plus régulièrement chez son cousin ; tous deux savaient qu'il n'avait pas de permis de séjour valable pour vivre en Suisse.

A______ n'a pas souhaité divulguer qui étaient ses employeurs en Suisse afin de ne pas leur "créer des problèmes". Il travaillait pour plusieurs patrons (quatre ou cinq) et le dernier avait établi un contrat de travail. Il bénéficiait d'une carte AVS délivrée le 1er mars 2019. [Le syndicat] E______ et la SUVA venaient souvent sur les chantiers pour examiner les équipements de sécurité et les conditions sociales de travail (rémunération, habillement, heures supplémentaires et nourriture). Il était payé de la main à la main "chaque fin de mois si [il] travaill[ait] le mois complet. Si [il] travaill[ait] une semaine, il [le] pay[ait] à la fin de chaque semaine". Cela faisait un an et demi qu'il travaillait pour divers employeurs en Suisse.

Il n'était titulaire d'aucune autorisation et n'avait pas fait de demande à l'Office cantonal de la population et des migrations (OCPM) mais il souhaitait se marier avec sa copine qui était naturalisée suisse. Il ignorait si son patron avait fait une demande d'autorisation de travail auprès de l'OCPM car ils n'en avaient jamais parlé.

À propos des infractions qui lui étaient reprochées, il a reconnu avoir séjourné et travaillé en Suisse sans les autorisations nécessaires.

c. Dans le cadre de l'opposition à l'ordonnance pénale du 12 novembre 2021, A______ s'est déterminé par écrit sous la plume de son conseil.

Il contestait avoir reconnu le séjour en Suisse. Il avait expliqué à plusieurs reprises lors de son audition qu'il était domicilié en France voisine où il s'était installé depuis son arrivée en février 2019. Cela étant, il avait rendu visite à des membres de sa famille à Genève et avait dormi quelques jours chez eux lorsqu'il avait été engagé pour effectuer des missions sur appel sur des chantiers à Genève. Pour preuve de son domicile à F______ [France], le jour de son arrestation il se trouvait dans le bus de la ligne "E" qu'il empruntait pour rejoindre son domicile en France voisine.

Il n'avait jamais reconnu avoir exercé diverses activités lucratives sans autorisation à Genève. Il avait expliqué lors de son audition qu'il avait fourni divers documents, notamment ses documents d'identité, avant l'exécution des missions sur appel à Genève. Il ignorait ne pas avoir les autorisations nécessaires, étant précisé qu'on lui avait indiqué qu'il avait le droit de travailler. Préalablement à ces missions, il avait signé un contrat de travail et une carte AVS lui avait été remise. Dès lors, il n'avait aucune raison légitime de considérer qu'il n'était pas habilité à exercer une activité lucrative à Genève. Ce d'autant plus que les chantiers sur lesquels il avait travaillé avaient été contrôlés par des associations syndicales et par l'inspection cantonale de la construction et des chantiers sans que jamais une éventuelle situation irrégulière ne soit relevée. Ainsi, il avait toujours été conforté dans l'idée que ses activités lucratives, exercées exclusivement sur appel, étaient légales.

d. Lors de l'audience de jugement, A______ n'a confirmé que partiellement ses déclarations à la police expliquant que son état de santé à ce moment-là ne permettait pas son audition – il avait été emmené au poste de police directement depuis l'hôpital en chaise roulante et menotté. Interpellé sur les déclarations qu'il souhaitait modifier, il a répondu ne pas vouloir les rectifier mais simplement vouloir s'assurer qu'il était bien noté qu'il n'avait travaillé que très ponctuellement en Suisse, entre juin 2019 et novembre 2021, période durant laquelle, il avait exercé une activité lucrative la plupart du temps en France, soit 90%. C'était ainsi uniquement lorsqu'il n'avait pas de travail, soit "un nombre très limité de jours", qu'il était venu en Suisse à cette fin. Il s'était rendu en Suisse uniquement les jours où il avait travaillé sans jamais y vivre. S'il avait déclaré à la police qu'il avait ponctuellement séjourné en Suisse depuis le début de l'année 2019, chez un cousin ou chez un oncle, c'est qu'il "fallait quand même qu['il] passe la nuit quelque part". Il pensait avoir le droit de prendre un emploi en Suisse, personne ne lui ayant jamais dit le contraire ; il ne connaissait pas les lois et travaillait très peu. Les périodes d'emploi étaient tellement brèves (un ou deux jours dans un trimestre) qu'il n'avait pas pu se renseigner préalablement sur les démarches à accomplir pour pouvoir travailler en Suisse. Il n'avait pas souhaité donner le nom de ses employeurs à la police afin de ne pas leur causer du tort. S'il avait su qu'il n'était pas autorisé à exercer une activité lucrative en Suisse, il ne l'aurait pas fait. Il respectait la loi, l'avait toujours fait et pensait être dans son droit.

C. a. La juridiction d'appel a ordonné l'instruction de la cause par la voie écrite avec l'accord des parties (art. 406 al. 2 du Code de procédure pénale suisse [CPP]).

b. Selon son mémoire d'appel, A______ persiste dans ses conclusions à l'exception qu'il renonce finalement à une quelconque indemnité en cas d'acquittement total ou partiel.

Le jour même de son arrivée en Suisse, alors qu'il était détenteur d'un visa, il s'était rendu directement en France voisine afin de s'installer à F______. Il était entré sur le territoire suisse un nombre très limité de jours au total et alors qu'il pensait être autorisé à travailler en Suisse, il n'avait donc pas eu l'impression d'enfreindre la loi. Il n'était ainsi pas proportionnel de le déclarer coupable d'entrée illégale en Suisse (art. 115 al. 1 let. a LEI).

Depuis 2019, il n'avait jamais séjourné en Suisse hormis sporadiquement lorsqu'il rendait visite à des membres de sa famille à Genève et qu'il restait dormir chez eux "quelques fois" notamment lorsqu'il était engagé pour effectuer des missions sur appel. Il n'avait jamais eu le projet ni l'intention de s'installer en Suisse, de sorte qu'il devait être acquitté d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. b LEI.

Il avait travaillé en Suisse seulement un nombre minime de fois, sur de courtes périodes, et sans savoir qu'il n'en avait pas le droit. Avant le début de chaque mission, il avait toujours signé un contrat de travail, remis les documents qui lui étaient réclamés par ses employeurs et il était titulaire d'une carte AVS. En outre, les chantiers sur lesquels il avait travaillé avaient été régulièrement contrôlés par des associations syndicales et l'inspection cantonale de la construction et des chantiers. Lors de ces contrôles, il n'avait jamais été informé qu'il travaillait de manière irrégulière de sorte qu'il avait été conforté dans l'optique que sa situation administrative était licite. Ainsi, il devait également être acquitté d'infraction à l'art. 115 al. 1 let. c LEI. Si par impossible il devait être reconnu coupable de cette infraction, il devait être fait application de l'art. 52 du Code pénal suisse (CP) et l'autorité devait renoncer à lui infliger une peine compte tenu de sa compréhension de la situation et des conséquences de son acte qui étaient de peu d'importance.

Il avait été interpellé par la police et auditionné le jour même de son accident, malgré son état de santé extrêmement fragile et alors même qu'il était incapable de marcher à ce moment précis. L'audition avait d'ailleurs dû être suspendue à deux reprises pour permettre des interventions médicales afin de soulager ses douleurs.

Il vivait désormais au Kosovo dans le respect de la mesure de renvoi prise à son encontre par l'Office cantonale de la population et des migrations (OCPM) le 12 novembre 2021.

c. Le MP conclut au rejet de l'appel.

D. A______, né le ______ 1994, est de nationalité kosovare. Il est célibataire et sans enfant. Il est en couple avec sa fiancée, de nationalité suisse, mais aucune démarche n'a été entreprise en vue d'un mariage. Il exerce la profession de plâtrier et de peintre en bâtiment. Actuellement, il ne travaille pas et n'a aucun revenu. Depuis 2021, il est retourné vivre au Kosovo dans le respect de la mesure de renvoi prise à son encontre dans le cadre de la présente procédure.

À teneur de l'extrait de son casier judiciaire suisse, il n'a pas d'antécédents.

EN DROIT :

1. L'appel est recevable pour avoir été interjeté et motivé selon la forme et dans les délais prescrits (art. 398 et 399 CPP).

La Chambre limite son examen aux violations décrites dans l'acte d'appel (art. 404 al. 1 CPP), sauf en cas de décisions illégales ou inéquitables (art. 404 al. 2 CPP).

2. 2.1. À teneur de l'art. 115 al. 1 LEI, quiconque contrevient aux dispositions sur l'entrée en Suisse (art. 5) (let. a), séjourne illégalement en Suisse notamment après l'expiration de la durée du séjour non soumis à autorisation ou du séjour autorisé (let. b) ou exerce une activité lucrative sans autorisation (let. c) est puni d'une peine privative de liberté d'un an au plus ou d'une peine pécuniaire.

2.2. Les conditions d'entrée en Suisse pour un court séjour – moins de 90 jours sur une période de 180 jours – sont régies par l'art. 6 du règlement (UE) 2016/399 concernant un Code de l'Union relatif au régime de franchissement des frontières par des personnes (Code frontières Schengen ; cf. art. 3 al. 1 de l'ordonnance sur l'entrée et l'octroi de visas [OEV]), lequel coïncide dans une large mesure avec l'art. 5 LEI.

Selon cette dernière disposition, tout étranger doit cumulativement, pour entrer en Suisse : avoir une pièce de légitimation reconnue pour le passage de la frontière et être muni d'un visa si ce dernier est requis (let. a), disposer des moyens financiers nécessaires à son séjour (let. b), ne représenter aucune menace pour la sécurité et l'ordre publics ni pour les relations internationales de la Suisse (let. c) et ne faire l'objet d'aucune mesure d'éloignement ou d'expulsion (let. d). Ces prescriptions sont cumulatives (AARP/323/2017 consid. 3.3.2 et 3.3.3).

Conformément à l'art. 8 OEV, les ressortissants des États énumérés à l'annexe I du règlement (UE) 2018/1806, dont le Kosovo, sont soumis à l'obligation de visa de court séjour (al. 1).

Les étrangers ne séjournent légalement que lorsqu'ils sont entrés dans le pays conformément aux dispositions légales y relatives et qu'ils disposent des autorisations nécessaires. Ces conditions doivent être réunies durant l'entier du séjour (art. 9 al. 2 de l'ordonnance relative à l'admission, au séjour et à l'exercice d'une activité lucrative [OASA]).

2.3. L'art. 10 LEI précise que tout étranger peut séjourner en Suisse sans exercer d'activité lucrative pendant trois mois sans autorisation, sauf si la durée fixée dans le visa est plus courte (al. 1). L’étranger qui prévoit un séjour plus long sans activité lucrative doit être titulaire d’une autorisation. Il doit la solliciter avant son entrée en Suisse auprès de l’autorité compétente du lieu de résidence envisagé (al. 2).

2.4. Quant à l'étranger qui entend exercer en Suisse une activité lucrative, il doit être titulaire d'une autorisation, quelle que soit la durée de son séjour. Il doit la solliciter auprès de l'autorité compétente du lieu de travail envisagé (art. 11 al. 1 LEI).

2.5.1. En tant que ressortissant kosovar, pour entrer et séjourner légalement en Suisse, l'appelant devait être en possession d'un document de voyage et d'un titre de séjour en cours de validité, disposer des moyens de subsistance suffisants pour la durée de son séjour et ne représenter aucune menace pour la sécurité et l'ordre publics ni pour les relations internationales de la Suisse.

Il résulte de l'examen du dossier que l'appelant disposait d'une carte d'identité biométrique étrangère (Kosovo), délivrée le 21 septembre 2018 et valable jusqu'au 20 septembre 2023, au moment de son arrivée en Suisse en février 2019. Il était également titulaire d'un visa valable pour une durée de deux semaines dans les pays de l'espace Schengen.

Ainsi, l'appelant disposait d'un titre de séjour, soit un visa, et d'un document de voyage lui permettant de séjourner en Suisse pour la durée de validité du visa, soit deux semaines. L'appelant indique être arrivé sur le territoire suisse en février 2019, mais même à considérer qu'il n'y soit venu que le 28 février 2019 il pouvait légitimement y entrer ou y séjourner jusqu'au 15 mars 2019 dernier délai. Passé cette date, les conditions d'une entrée et d'un séjour légal en Suisse n'étaient plus réunies.

Or, l'appelant a admis tout au long de la procédure qu'il était entré sur le territoire Suisse pour venir y travailler lors de missions sur appel durant l'année et demi ayant précédé son interpellation et qu'il séjournait à ces occasions "chez des compatriotes" ou chez sa famille. Le jour de son arrestation, en novembre 2021, il se trouvait d'ailleurs dans un bus TPG afin de se rendre sur son lieu de travail. L'appelant n'était au bénéfice d'aucune autorisation de travail, ce qu'il n'a jamais contesté.

L'appelant insiste sur le caractère "ponctuel" des actes reprochés. À ce propos, il est relevé qu'il aurait de toute manière suffit d'une seule occurrence pour que les infractions reprochées soient consommées. D'ailleurs, la Cour a acquis la conviction que les agissements incriminés ont eu lieu à une certaine fréquence. En effet, le jour de son arrestation l'appelant était en possession d'un abonnement TPG mensuel, il a déclaré à la police avoir ouvert un compte bancaire en Suisse et être payé de la "main à la main" à la fin de la semaine ou du mois selon la durée de son emploi. Enfin, il a admis qu'il dormait "une semaine chez lui et une semaine en Suisse" en fonction de la demande de travail. À l'audience de jugement, il a confirmé avoir travaillé environ 90% du temps en France sur la période incriminée et le reste du temps en Suisse. Dans ces circonstances, il apparaît qu'il n'a pas séjourné et travaillé en Suisse seulement "un nombre minime de fois" comme il le prétend pour les besoins de la procédure, mais bien au contraire qu'il était régulièrement employé sur le territoire helvétique.

Bien que l'appelant vienne contester après coup ses déclarations à la police en raison de son état de santé au moment de l'audition, celles-ci sont jugées crédibles. En effet, durant l'audience, il était assisté de ses avocats de choix qui n'ont pas sollicité de report. Hormis une interruption pour une visite médicale et la prise d'antidouleurs en raison de maux de tête, aucune mention particulière n'a été faite au procès-verbal. En particulier, le fait qu'il ait été emmené de l'hôpital directement au poste de police menotté et en chaise roulante car il ne pouvait pas marcher – selon ses propres déclarations – ne l'empêchait pas d'être lucide dans ses déclarations. Dans ces conditions, la valeur probante accordée à ses déclarations devant la police n'a pas à être mise en doute.

Au vu de ce qui précède, les éléments constitutifs objectifs des infractions d'entrée illégale, de séjour illégal et d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation (art. 115 al. 1 let. a, b et c LEI) sont réalisés.

2.5.2. Reste à savoir si l'appelant avait l'intention de commettre les infractions précitées, ce qu'il conteste.

Il est admis que lors de son entrée en Suisse en février 2019, il était au bénéfice d'un visa de sorte qu'il avait entrepris les formalités nécessaires pour pouvoir pénétrer sur le territoire. Ainsi, il savait qu'il ne pouvait pas venir en Suisse sans autorisation. Il est également admis à teneur de ses déclarations en procédure qu'il savait que son visa était valable pour une durée de deux semaines uniquement. On ne voit du reste pas comment il aurait pu l'ignorer. Partant, après expiration de la durée de validité de son visa, il savait qu'il ne pouvait plus entrer ou séjourner en Suisse sans autorisation, ne serait-ce que pour une journée ou une nuit de temps en temps. Il a d'ailleurs admis que les membres de sa famille qui le logeait savaient qu'il n'avait pas de permis de séjour valable pour vivre en Suisse. L'appelant plaide l'absence de projet et d'intention de s'installer en Suisse mais ceci n'enlève rien à l'intention de séjourner en Suisse après expiration du séjour autorisé lorsqu'il restait dormir chez sa famille à Genève.

Quant à l'exercice d'une activité lucrative sans autorisation, l'appelant devait se douter que si l'entrée en Suisse était soumise à autorisation, le fait d'y travailler l'était également. Ayant dû obtenir un visa du Secrétariat d'État aux migrations afin de pouvoir entrer en Suisse pour une période autorisée de deux semaines, il ne pouvait pas légitimement penser qu'il avait le droit d'y travailler sans obtenir au préalable une autorisation d'un service administratif cantonal ou fédéral. Il ne pouvait pas valablement se contenter de la signature d'un contrat de travail et de la délivrance d'une carte AVS pour se convaincre qu'il était en droit de travailler à Genève ne serait-ce que de manière "ponctuelle", documents qui n'ont jamais été produits dans la procédure au demeurant. Il a d'ailleurs déclaré à la police qu'il avait travaillé en Suisse pour quatre ou cinq employeurs mais il a mentionné l'existence d'un contrat de travail seulement avec l'un d'entre eux. À tout le moins, il aurait dû s'enquérir auprès de ses différents employeurs de son statut administratif en Suisse et des autorisations requises, ce qu'il a admis ne pas avoir fait. Lors de l'audience de jugement, il a déclaré que les périodes de travail étaient tellement brèves qu'il n'avait pas pu se renseigner préalablement sur les démarches à accomplir pour pouvoir travailler en Suisse. Or, indépendamment de la durée des périodes de travail, dans l'incertitude ou l'ignorance d'une situation juridique, il aurait dû se renseigner, d'autant plus que la situation se reproduisait. Les différents contrôles intervenus sur les chantiers n'avaient pas pour vocation de lutter contre le travail au noir et il n'apparaît pas que le statut légal des employés ait été évoqué à ces occasions, ce que l'appelant ne prétend d'ailleurs pas, de sorte que ces contrôles n'ont pas pu objectivement le conforter dans l'optique que sa situation administrative était licite.

En vertu de ce qui précède, l'appelant a forcément envisagé la possibilité d'entrer, de séjourner et de travailler en Suisse sans être au bénéfice des autorisations requises et a accepté ce risque au cas où il devait se produire (art. 12 al. 2 CP).

La culpabilité de A______ des chefs d'entrée illégale, de séjour illégal et d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation (art. 115 al. 1 let. a, b et c LEI) sera donc confirmée.

3. 3.1. Selon l'art. 47 CP, le juge fixe la peine d'après la culpabilité de l'auteur, qui doit être évaluée en fonction de tous les éléments objectifs pertinents, qui ont trait à l'acte lui-même, à savoir notamment la gravité de la lésion, le caractère répréhensible de l'acte et son mode d'exécution (objektive Tatkomponente). Du point de vue subjectif, sont pris en compte l'intensité de la volonté délictuelle ainsi que les motivations et les buts de l'auteur (subjektive Tatkomponente). À ces composantes de la culpabilité, il faut ajouter les facteurs liés à l'auteur lui-même (Täterkomponente), à savoir les antécédents (judiciaires et non judiciaires), la réputation, la situation personnelle (état de santé, âge, obligations familiales, situation professionnelle, risque de récidive, etc.), la vulnérabilité face à la peine, de même que le comportement après l'acte et au cours de la procédure pénale (ATF 142 IV 137 consid. 9.1 ; 141 IV 61 consid. 6.1.1 ; 136 IV 55 consid. 5 ; 134 IV 17 consid. 2.1 ; 129 IV 6 consid. 6.1).

3.2. À teneur de l'art. 34 al. 1 CP, la peine pécuniaire est de trois jours-amende au moins mais ne peut excéder 180 jours-amende. Le juge fixe la quotité en fonction de la culpabilité de l'auteur.

Selon l'art. 34 al. 2 2ème phr. CP, le juge fixe le montant du jour-amende selon la situation personnelle et économique de l'auteur au moment du jugement, notamment en tenant compte de son revenu et de sa fortune, de son mode de vie, de ses obligations d'assistance, en particulier familiales, et du minimum vital. Le jour amende est en principe de CHF 30.- au moins. Exceptionnellement, le juge peut le réduire à CHF 10.- si la situation économique de l'auteur l'exige.

3.3. Aux termes de l'art. 42 al. 1 CP, le juge suspend en règle générale l'exécution d'une peine pécuniaire ou d'une peine privative de liberté de deux ans au plus lorsqu'une peine ferme ne paraît pas nécessaire pour détourner l'auteur d'autres crimes ou délits.

Sur le plan subjectif, le juge doit poser, pour l'octroi du sursis, un pronostic quant au comportement futur de l'auteur (ATF 134 IV 5 consid. 4.2.1 ; 128 IV 193 consid. 3a ; 118 IV 97 consid. 2b). Auparavant, il fallait que le pronostic soit favorable. Le sursis est désormais la règle dont on ne peut s'écarter qu'en présence d'un pronostic défavorable. Il prime en cas d'incertitude (ATF 134 IV 5 consid. 4.4.2).

Si le juge suspend totalement ou partiellement l'exécution d'une peine, il impartit au condamné un délai d'épreuve de deux à cinq ans (art. 44 al. 1 CP).

3.4. L'art. 52 CP prévoit que, si la culpabilité de l'auteur et les conséquences de son acte son peu importantes, l'autorité compétente renonce à le poursuivre, à le renvoyer devant le juge ou à lui infliger une peine. Les deux conditions de l'art. 52 CP sont cumulatives. L'importance de la culpabilité et celle du résultat dans le cas particulier doivent être évaluées par comparaison avec celle de la culpabilité et celle du résultat dans les cas typiques de faits punissables revêtant la même qualification ; en effet, il ne s'agit pas d'annuler, par une disposition générale, toutes les peines mineures prévues par la loi pénale. Toutes les conséquences de l'acte doivent être minimes, et non seulement celles constitutives de l'infraction (ATF 146 IV 297 consid. 2.3 et 135 IV 130 consid. 5.3.2 et 5.3.3).

3.5. En l'occurrence, durant une période pénale assez longue, soit environ une année et demi, l'appelant a pénétré, séjourné et travaillé en Suisse sans les autorisations nécessaires à plusieurs reprises.

Il a agi par pure convenance personnelle et par appât du gain en faisant fi des contraintes et exigences liées à son statut d'étranger en Suisse.

Sa collaboration a été relativement bonne, il a admis les faits mais persiste toutefois à les minimiser. Il sied de relever qu'il s'est conformé à la décision de renvoi prise à son encontre en 2021 faisant ainsi preuve de respect à l'égard des décisions judiciaires dont il est l'objet.

Il n'a aucun antécédent.

Il y a concours d'infractions ce qui est un facteur aggravant.

Sa situation personnelle ne justifie pas ses actes.

Considérant l'ensemble de ces éléments, sa faute peut encore être qualifiée de légère.

Si sa culpabilité et les conséquences de ses actes ne sont pas graves, il ne se justifie pas non plus dans le cas d'espèce de l'exempter de toute peine, fût-elle moindre (art. 52 CP). Comme précédemment expliqué, il ne s'agit pas d'un acte isolé mais d'agissements répétés sur une période assez longue. Il a agi sans se soucier de ses obligations en Suisse, admettre une culpabilité minime en l'espèce reviendrait à vider de toute substance les prescriptions applicables en matière de droit des étrangers. En effet, sa culpabilité n'apparaît pas excessivement moindre au regard d'autres actes qui tombent sous le coup des dispositions pénales visées.

Chaque infraction prise séparément conduit à la fixation d'une peine pécuniaire. Elles sont toutes abstraitement d'une égale gravité (art. 115 al. 1 LEI). Il convient de fixer une peine-pécuniaire de 10 jours-amende pour l'exercice d'une activité lucrative sans autorisation (let. c) qui constitue la peine de base qu'il faut ensuite augmenter de 10 jours-amende (peine de base : 20 jours-amende) pour tenir compte de l'infraction d'entrée illégale (let. a) et de 10 jours-amende (peine de base : 20 jours-amende) encore pour l'infraction de séjour illégal (let. b). Compte tenu de la situation économique actuelle de l'appelant, lequel déclare être sans revenus depuis son retour au Kosovo mais ne donne aucune indication à la Cour concernant ses éventuelles charges, le montant du jour-amende sera arrêté à 30.-.

Compte tenu de ce qui précède, la peine prononcée par le premier juge est conforme au droit et sera confirmée.

L'octroi du sursis est acquis à l'appelant en l'absence d'appel joint du MP. La durée du délai d'épreuve, fixée à trois ans par l'instance inférieure, sera également confirmée.

4. L'appelant, qui succombe, supportera les frais de la procédure envers l'État (art. 428 CPP), y compris un émolument de décision de CHF 1'200.-.

5. A______ a renoncé à ses conclusions en indemnisation. Dans tous les cas, elles auraient dû être rejetées vu la mise à sa charge de la totalité des frais de la procédure (art. 429 al. 1 let. a CPP a contrario).

* * * * *

PAR CES MOTIFS,
LA COUR :

Reçoit l'appel formé par A______ contre le jugement JTDP/1482/2022 rendu le 1er décembre 2022 par le Tribunal de police dans la procédure P/21918/2021.

Le rejette.

Condamne A______ aux frais de la procédure d'appel, en CHF 1'355.-, qui comprennent un émolument de CHF 1'200.-.

Confirme le jugement entrepris, dont le dispositif est le suivant:

"Déclare A______ coupable d'entrée illégale (art. 115 al. 1 let. a LEI), de séjour illégal (art. 115 al. 1 let. b LEI) et d'exercice d'une activité lucrative sans autorisation (art. 115 al. 1 let. c LEI).

Condamne A______ à une peine pécuniaire de 30 jours-amende, sous déduction de 2 jours-amende, correspondant à 2 jours de détention avant jugement (art. 34 CP).

Fixe le montant du jour-amende à CHF 30.00.

Met A______ au bénéfice du sursis et fixe la durée du délai d'épreuve à 3 ans (art. 42 et 44 CP).

Avertit A______ que s'il devait commettre de nouvelles infractions durant le délai d'épreuve, le sursis pourrait être révoqué et la peine suspendue exécutée, cela sans préjudice d'une nouvelle peine (art. 44 al. 3 CP).

Déboute A______ de ses conclusions en indemnisation (art. 429 al. 1 CPP).

Condamne A______ aux frais de la procédure, qui s'élèvent à CHF 755.00 (art. 426 al. 1 CPP). "

Notifie le présent arrêt aux parties.

Le communique, pour information, au Tribunal de police, au Secrétariat d'État aux migrations et à l'Office cantonal de la population et des migrations.

 

La greffière :

Lylia BERTSCHY

 

Le président :

Gregory ORCI

 


 

 

Indication des voies de recours :

 

Conformément aux art. 78 ss de la loi fédérale sur le Tribunal fédéral (LTF), le présent arrêt peut être porté dans les trente jours qui suivent sa notification avec expédition complète (art. 100 al. 1 LTF), par-devant le Tribunal fédéral (1000 Lausanne 14), par la voie du recours en matière pénale.


 

 

ETAT DE FRAIS

 

 

 

COUR DE JUSTICE

 

 

Selon les art. 4 et 14 du règlement du 22 décembre 2010 fixant le tarif des frais et dépens en matière pénale (E 4 10.03).

 

 

Total des frais de procédure du Tribunal de police :

CHF

1'355.00

Bordereau de frais de la Chambre pénale d'appel et de révision

 

 

Délivrance de copies et photocopies (let. a, b et c)

CHF

00.00

Mandats de comparution, avis d'audience et divers (let. i)

CHF

60.00

Procès-verbal (let. f)

CHF

00.00

Etat de frais

CHF

75.00

Emolument de décision

CHF

1'200.00

Total des frais de la procédure d'appel :

CHF

1'335.00

Total général (première instance + appel) :

CHF

2'690.00